EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er A
Généralisation de la déclaration préalable
avec enregistrement de la location d'un meublé de tourisme

Cet article, introduit par amendement des rapporteurs en commission à l'Assemblée nationale, vise à généraliser la déclaration préalable avec enregistrement de la location d'un meublé de tourisme à l'aide d'un téléservice national.

Actuellement, cette déclaration avec enregistrement n'est possible que dans les communes appliquant un régime d'autorisation préalable au changement d'usage des locaux d'habitation1(*). Or elle permet un meilleur suivi des meublés de tourisme loués sur un territoire : sa généralisation renforce donc l'information et la capacité de contrôle par les communes du respect des conditions d'encadrement de la location meublée touristique. 78 % des élus locaux consultés sur la plateforme de consultation du Sénat ont déclaré être en faveur de ce dispositif.

L'introduction d'un téléservice national, en conformité avec le règlement concernant la collecte et le partage des données relatives aux services de location de courte durée2(*), poursuit ce même objectif en permettant aux communes de recouper les données d'enregistrement et les données d'activité transmises par les plateformes dans le cadre de la généralisation de l'expérimentation « API Meublés » prévue par ailleurs par le projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique3(*).

Pour garantir et renforcer l'effectivité des contrôles des communes, la rapporteure souligne la nécessité d'articuler ces deux dispositifs, en désignant le même organisme unique pour la gestion des deux interfaces.

La rapporteure a donc proposé l'adoption de quatre amendements :

- un amendement COM-45 visant à garantir le caractère opérationnel du téléservice national et sa conformité au droit européen en supprimant la référence à un téléservice corse ;

- un amendement COM-47 visant à préciser la nature des pièces justificatives exigées dans le cadre de l'enregistrement ;

- un amendement COM-46 prévoyant l'accès des communes, et le cas échéant des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de tourisme, aux données d'enregistrement collectées par le téléservice national ;

- un amendement COM-48 visant à prévoir un mécanisme de suspension de la validité des numéros de déclaration par les communes lorsque les informations transmises sont erronées ou incomplètes ; lorsque le meublé de tourisme est visé par un arrêté de péril ou lorsque le meublé de tourisme est un logement social. Les plateformes auront l'obligation de retirer les annonces dont la validité des numéros a été suspendue.

La commission a adopté ces quatre amendements de la rapporteure ainsi que les deux amendements suivants :

- l'amendement COM-26 de M. Brisson prévoyant l'incomplétude de la déclaration en cas de non-fourniture de la preuve de la qualité de résidence principale du meublé ;

- l'amendement COM-24 de M. Brisson prévoyant des exigences minimales de sécurité électrique et de sécurité incendie à respecter dans le cadre de la déclaration de la location d'un meublé de tourisme, dans des conditions fixées par décret.

I. La situation actuelle - un recours limité à la déclaration préalable avec enregistrement malgré son utilité

A. Une procédure ouverte à un nombre restreint de communes

Le II de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme prévoit que toute location d'un meublé touristique fait l'objet d'une « déclaration préalable » auprès du maire de la commune - sauf s'il s'agit de la résidence principale du loueur.

Depuis la loi pour une République numérique de 20164(*), certaines communes peuvent décider, par une délibération du conseil municipal, de soumettre à enregistrement la déclaration préalable de toute location de meublés de tourisme. Cette possibilité est ouverte aux communes mettant en oeuvre le régime d'autorisation préalable au changement d'usage des locaux d'habitation prévu par les articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation.

Ce régime d'autorisation préalable est :

obligatoire dans les communes de plus de 200 000 habitants et des départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne5(*) ;

facultatif dans les autres communes, avec un distinguo entre les communes situées en zones dites « tendues » et les autres :

i) dans les communes éligibles à la taxe sur les logements vacants, dont la liste est fixée par décret6(*), il peut être rendu applicable par une délibération de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent en matière de plan local d'urbanisme ou, à défaut, du conseil municipal ;

ii) dans les autres communes, il peut être mis en place après autorisation préfectorale, sur proposition du maire.

La procédure de déclaration avec enregistrement de la location d'un meublé de tourisme est donc ouverte à un nombre restreint de communes. Selon l'Union nationale pour la promotion de la location de vacances (UNPLV), seules 251 communes avaient mis en place cette déclaration avec enregistrement en 2023. Dans l'étude d'impact du projet de loi visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique, le Gouvernement retenait quant à lui une estimation proche de 350 communes. Ces estimations soulignent l'absence de dispositif permettant, à l'échelle nationale, de disposer d'une vision globale sur les outils mis en oeuvre par les collectivités pour réguler la location meublée touristique.

B. Une procédure qui renforce l'information de la commune et facilite les contrôles

La déclaration avec enregistrement, lorsqu'elle est mise en oeuvre, concerne les locations de résidence secondaire mais aussi les locations de résidence principale, contrairement à la déclaration « simple » mentionnée au II de l'article L. 324-1-1.

Le principal intérêt de l'enregistrement est d'associer à chaque local mis en location un numéro de déclaration, délivré immédiatement après l'enregistrement par la commune. Ce numéro doit obligatoirement figurer sur l'annonce de mise en location, conformément à l'article L. 324-2 du code du tourisme et doit obligatoirement être publié par les intermédiaires de location conformément à l'article L. 324-2-1 du même code.

Les informations exigées par l'enregistrement sont déterminées par l'article D.324-1-1 du code de tourisme7(*). La déclaration indique :

- l'identité, l'adresse postale et l'adresse électronique du déclarant ;

- l'adresse du meublé de tourisme, précisant, le cas échéant, le bâtiment, l'escalier, l'étage et le numéro d'appartement - ou alors, lorsque cela est possible, le numéro invariant identifiant le logement tel qu'il ressort de l'avis de taxe d'habitation du déclarant ;

- son statut de résidence principale ou non ;

- le nombre de pièces composant le meublé, le nombre de lits et, le cas échéant, la date de la décision de classement et le niveau de classement ou de toute autre reconnaissance de qualité des meublés de tourisme.

Pour contrôler le respect de la limitation à 120 jours par an de la location d'une résidence principale comme meublé de tourisme ainsi que de l'obtention, le cas échéant, d'une autorisation de changement d'usage, les communes mettant en oeuvre l'enregistrement disposent de plusieurs moyens :

- en vertu de l'article L. 324-1-1, elles peuvent demander à un loueur de leur transmettre le nombre de jours de location d'un meublé de tourisme, accompagné de l'adresse du meublé et de son numéro de déclaration ;

- en vertu de l'article L. 324-2-1 du code de tourisme, elles peuvent s'adresser à chaque intermédiaire de location - notamment les plateformes numériques - pour obtenir des informations sur le nombre de jours de location d'un meublé de tourisme sur son territoire précisant notamment, le nom du loueur, l'adresse du meublé et son numéro de déclaration ainsi que, le cas échéant, le fait que ce meublé constitue ou non la résidence principale du loueur.

Le projet de loi visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique (SREN) a entendu simplifier ce dernier dispositif, en généralisant une expérimentation appelée « API Meublés » : ce projet de loi prévoit la création d'un guichet unique où les communes pourront avoir accès aux données relatives aux meublés touristiques loués sur leur commune. Ces données seront collectées auprès des plateformes numériques sans que la commune ait à formuler une demande par plateforme numérique. La comparaison et le recoupement des données avec celles de l'enregistrement seraient donc facilités.

II. Le dispositif envisagé - une généralisation à toutes les communes de la procédure de déclaration préalable avec enregistrement

Cet article 1er A a été introduit par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, sur amendement des rapporteurs.

Il généralise à toutes les communes la procédure de déclaration préalable avec enregistrement de toute location meublée touristique. L'enregistrement se déroulerait via un téléservice national.

A. La mise en place d'un téléservice national, en conformité avec le droit européen

Afin de généraliser le dispositif de déclaration avec enregistrement, l'article 1er A supprime le régime de déclaration « simple » de la location d'un meublé de tourisme qui ne concerne que les résidences secondaires.

Il modifie l'article L. 324-1-1 du code du tourisme afin que la déclaration avec enregistrement soit désormais la règle et ne soit plus conditionnée à la mise en oeuvre par la commune du régime d'autorisation préalable au changement d'usage. Ainsi, toute location d'un meublé de tourisme serait subordonnée à une déclaration préalable soumise à enregistrement, auprès d'un téléservice national et non plus auprès de la commune. Néanmoins, un sous-amendement a précisé que l'enregistrement aurait lieu en Corse sur un téléservice géré par la collectivité de Corse8(*).

La mise en place d'un téléservice national répond à la fois à un objectif de meilleure information des pouvoirs publics concernant la location meublée touristique mais aussi de mise en conformité avec le droit européen : l'article 10 du règlement short term renting (STR) impose ainsi la création, dans chaque État membre mettant en place une procédure d'enregistrement, d'un point d'entrée numérique unique pour la réception et la transmission des données relatives aux meublés de tourisme. Ce point d'entrée unique se substituerait à tous les téléservices mis en oeuvre au niveau communal par les 250 à 350 communes mettant aujourd'hui en oeuvre l'enregistrement de la déclaration de location d'un meublé de tourisme.

B. Des contrôles facilités pour les communes grâce à un recoupement plus simple d'informations

Comme cela est le cas actuellement, la déclaration indiquerait si le meublé est une résidence principale ou non, ce qui permet de lui appliquer ou non la limite de 120 jours de location par année civile. De même, après enregistrement, le téléservice délivrerait un avis de réception avec numéro de déclaration : ce numéro devra, comme actuellement, être présent sur toute annonce de location d'un meublé de tourisme.

Les informations exigées pour l'enregistrement seraient, comme actuellement, déterminées par décret. Néanmoins, l'article 1er A ouvre la possibilité de prévoir des pièces justificatives lors de l'enregistrement - possibilité également rappelée par le règlement STR.

Selon la Direction générale des entreprises (DGE), l'organisme unique chargé de collecter les données d'enregistrement via le téléservice national devrait logiquement être le même que l'organisme unique chargé de collecter les données d'activité auprès des plateformes afin de les mettre à la disposition des communes dans le cadre de la généralisation de l'expérimentation « API Meublés ». Si tel est bien le cas, alors les communes pourront plus facilement confronter les données relatives aux meublés enregistrés sur leur territoire et les données sur les meublés effectivement mis en location dans leur commune.

Pour mettre en place le téléservice national pour l'enregistrement, l'entrée en vigueur de l'article est différée à une date définie par décret, au plus tard le 1er janvier 2026. Cette date d'entrée en vigueur est justifiée par le volume de données à gérer découlant de la généralisation à toutes les communes d'une procédure qui n'en concerne actuellement que quelques centaines. La DGE a indiqué à la rapporteure que le calendrier suivant pourrait être retenu :

- d'ici 2025, priorité serait donnée à la montée en puissance de l'organisme unique collectant les données de location auprès des plateformes et les mettant à disposition des communes auprès des plateformes via un guichet unique ;

- la généralisation de l'enregistrement serait préparée en parallèle afin que le téléservice soit opérationnel au plus tard le 1er janvier 2026.

IV. La position de la commission - une généralisation bienvenue de l'enregistrement dont le caractère opérationnel peut encore être renforcé, au bénéfice des contrôles des communes

La commission des affaires économiques est favorable à la généralisation de la procédure de déclaration avec enregistrement :

- elle permettra aux communes de disposer d'informations plus précises sur les meublés mis en location sur leur territoire. En effet, de nombreuses communes auditionnées par la rapporteure ont souligné que les données fournies sur la base de la déclaration « simple » sont très souvent incorrectes et imprécises et ne concernent que les résidences secondaires, ce qui facilite l'exercice non déclaré d'activités de location meublée touristique. Selon la commune d'Annecy par exemple, « l'attribution d'un numéro d'enregistrement a permis de disposer d'une cartographie plus précise et d'un suivi en temps réel de l'évolution du nombre de meublés de tourisme », permettant de disposer d'une « autre source de données différentes de celles des plateformes de logements », facilitant les contrôles ;

- elle réduira les risques d'erreur pour les loueurs, liés à la méconnaissance de réglementations locales différenciées ;

- elle permettra aux communes de disposer d'une base de données sur les meublés enregistrés sur leur commune, pouvant être comparées avec les données d'activité sur les meublés effectivement loués.

La commission est également favorable à la mise en oeuvre du téléservice national, qui constitue une simplification bienvenue pour les communes :

- il s'agit d'une part d'assurer la conformité du dispositif au droit européen : le règlement STR commande en effet la création d'un point d'entrée unique à l'échelle nationale ;

- il s'agit d'autre part de mutualiser les moyens de collecte en simplifiant la mise en oeuvre de l'enregistrement : la généralisation de l'enregistrement sans téléservice national aurait conduit les communes, y compris celles n'ayant qu'un intérêt faible pour la régulation des meublés de tourisme, à mettre en place une interface dédiée à l'échelle communale, générant complexité et coûts de gestion.

Une large majorité d'élus locaux ayant répondu à la consultation lancée sur la plateforme du Sénat s'est positionnée en faveur de la généralisation de la déclaration avec enregistrement (78 %). La minorité d'élus réticents a exprimé des craintes liées à une surcharge administrative : ces craintes découlent plutôt d'un manque d'informations sur le dispositif proposé, qui ne prévoit pas de laisser aux communes la charge de mettre en oeuvre le téléservice de déclaration.

Néanmoins, pour la rapporteure, le dispositif peut encore être sécurisé et rendu plus opérationnel, notamment dans le but de faciliter les contrôles exercés par les communes :

- il est indispensable de garantir l'articulation entre le dispositif issu du projet de loi SREN et le dispositif prévu par le présent article, en précisant, une fois la loi SREN promulguée, que l'organisme unique gérant le guichet unique opère également le téléservice national ;

- afin de permettre la comparaison effective des déclarations avec les données d'activité, l'accès des communes aux données d'enregistrement collectées par le téléservice national doit pouvoir être assuré. Cela permettra d'identifier les pratiques frauduleuses de loueurs pouvant s'identifier comme loueur d'une résidence principale au sein du téléservice mais comme loueur d'une résidence secondaire sur les plateformes afin d'éviter le blocage de son annonce à compter de 120 jours de location par an ;

- afin de sécuriser les données d'enregistrement, plusieurs communes ont fait part à la rapporteure de leur souhait de voir la déclaration accompagnée de pièces justificatives permettant d'attester de la véracité des informations transmises ;

- enfin, au-delà de faciliter les contrôles, il importe de prévoir des mécanismes permettant aux communes de voir cesser les manquements des loueurs lorsqu'ils sont identifiés. La commune d'Annecy a notamment fait part à la rapporteure de cas de locations meublées touristiques persistant dans des immeubles pourtant frappés d'arrêtés de péril.

La commission a donc adopté six amendements :

- un amendement COM-45 de la rapporteure de précision rédactionnelle visant aussi à garantir le caractère opérationnel du téléservice national et sa conformité au droit européen en supprimant la référence à un téléservice corse ;

- un amendement COM-26 de M. Brisson visant à préciser que le loueur apporte, lors de la déclaration, la preuve de la qualité de résidence principale de son meublé de tourisme, à défaut de quoi la déclaration est considérée comme incomplète ;

- un amendement COM-47 de la rapporteure visant à préciser la nature des pièces justificatives exigées dans le cadre de l'enregistrement : en conformité avec le règlement STR, l'article 1er A prévoit déjà que des pièces justificatives puissent être exigées lors de l'enregistrement, dont la liste serait précisée par décret. Pour la commission, ces pièces justificatives doivent faciliter les contrôles des communes : dès lors, elles doivent inclure des documents permettant d'attester, le cas échéant, la qualité de résidence principale du local, comme mentionné ci-dessus, et le respect des exigences de décence énergétique fixées à l'article 1er de la présente proposition de loi ;

- un amendement COM-24 de M. Brisson prévoyant que la déclaration inclut une attestation de conformité du meublé à des règles minimales de sécurité incendie et de sécurité électrique, dont les modalités sont fixées par décret ;

- un amendement COM-46 de la rapporteure prévoyant l'accès des communes aux numéros de déclaration, aux informations et aux pièces justificatives transmises dans le cadre de la déclaration avec enregistrement. Le cas échéant, ces informations sont également transmises à l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de tourisme ;

- un amendement COM-48 de la rapporteure visant à prévoir un mécanisme de suspension de la validité des numéros d'enregistrement par les communes, en conformité avec le futur règlement STR. Ce mécanisme permettra aux communes de faire cesser les infractions en suspendant la validité d'un numéro d'enregistrement lorsqu'elle constate que des informations ou pièces justificatives sont erronées, manquantes ou qu'il existe un doute sérieux sur leur authenticité. En outre, la validité d'un numéro d'enregistrement pourra être suspendue lorsque le bâtiment accueillant le meublé touristique a été frappé d'un arrêté de péril ou lorsque le meublé de tourisme est un logement social - la sous-location étant interdite par la loi. Pour assurer l'effectivité du dispositif, les plateformes numériques intermédiaires de location auront l'obligation de retirer les annonces dont le numéro d'enregistrement n'est plus valide.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 1er B (nouveau)
Interdiction de louer en tant que meublé de tourisme
un local ciblé par un arrêté de péril
et remboursement au locataire des sommes indûment versées

Cet article, adopté par amendement ( COM-58) portant article additionnel de la rapporteure, vise à adapter les dispositions présentes au code de la construction et de l'habitat concernant le non-versement du loyer d'un local frappé d'arrêté de péril aux spécificités de la location meublée touristique.

Il répond à des alertes de certains élus locaux sur la persistance de locations meublées touristiques en dépit de la prise d'arrêtés de péril, entraînant des risques pour les occupants, des dégradations du patrimoine et un enrichissement indu du propriétaire.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

I. La situation actuelle - La cessation du versement des loyers en cas de local frappé d'un arrêté de péril

A. Le pouvoir du maire de prendre un arrêté de péril

Dans le cas de logements insalubres, menaçant de s'effondrer, le maire peut adopter un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité dans les conditions prévues à l'article L. 511-11 du code de la construction et de l'habitation. Cet arrêté prescrit les mesures nécessitées par les circonstances, parmi la réalisation de travaux permettant de préserver la solidité ou la salubrité des bâtiments, la démolition de tout ou partie de l'immeuble, la cessation de la mise à disposition du local à des fins d'habitation ou l'interdiction d'habiter, d'utiliser ou d'accéder aux lieux à titre temporaire ou définitif.

La personne tenue de réaliser ces mesures - en l'occurrence, le propriétaire ou le syndic - est redevable d'une astreinte par jour de retard en cas d'inexécution.

L'arrêté est notifié au propriétaire ou au syndic. Il est également notifié aux occupants.

Une procédure d'urgence prévue par l'article L. 511-19 du même code, permet au maire d'ordonner par arrêté et sans procédure contradictoire préalable les mesures indispensables pour faire cesser le danger dans un délai qu'elle fixe en cas de danger imminent, manifeste ou constaté sur le rapport des autorités compétentes.

B. Les conséquences financières

Les conséquences financières aux situations d'insalubrité ou d'insécurité ont pour objectif la protection des occupants.

Ainsi, l'article L. 521-2 du code de la construction et de l'habitation prévoit que les loyers ou les sommes versées en contrepartie de l'occupation du local cessent d'être dus à compter du premier jour du mois qui suit l'envoi de la notification de l'arrêté ou de son affichage à la mairie et sur la façade de l'immeuble, jusqu'au premier jour du mois qui suit l'envoi de la notification ou l'affichage de l'arrêté de mainlevée.

Les sommes versées indûment au propriétaire sont soit restituées à l'occupant, soit déduites des loyers dont il devient à nouveau redevable.

L'article 48 de la loi n° 2024-322 du 9 avril 2024 visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement a précisé que cette disposition n'est pas seulement applicable aux locaux à usage d'habitation, mais aussi aux locaux à usage professionnel et commercial.

II. Le dispositif proposé - L'adaptation du dispositif au cas spécifique de la location meublée touristique

Plusieurs communes aux centres historiques anciens ont alerté la rapporteure sur des pratiques préoccupantes, à l'instar de la ville d'Annecy qui a signalé qu'une vingtaine d'immeubles dans le centre ancien de la ville faisait l'objet d'arrêtés de péril, parfois en raison de travaux de loueurs ayant mis à mal la structure des immeubles.

Pour autant, dans certains cas, ces arrêtés de péril n'empêchent pas la location meublée touristique de se poursuivre, les loueurs continuant à percevoir les paiements des locataires.

Bien que la loi du 9 avril 2024 relative à l'habitat dégradé ait précisé que la protection financière du locataire en cas d'arrêté de péril s'applique quel que soit l'usage du local, il semble que le cas de la location meublée touristique, qui n'entraîne ni un usage d'habitation ni un usage commercial, mériterait d'être précisé.

De plus, les modalités de cessation du versement des loyers, à compter du premier jour du mois suivant l'envoi de la notification de l'arrêté, conviennent peu à la location meublée touristique, définie comme « le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile »9(*), ces durées étant bien souvent limitées à quelques jours.

Une adaptation de la loi est donc nécessaire afin de rendre plus effective la protection des locataires - et donc leur remboursement - lorsque le meublé de tourisme qu'ils louent, ont loué ou entendent louer est insalubre ou compromet leur sécurité.

À l'initiative de la rapporteure, la commission a donc adopté un amendement COM-58 portant article additionnel après l'article 1er A, précisant que dans le cas de la location meublée touristique, ces dispositions s'appliquent dans les mêmes conditions que pour la location permanente à ceci près que les sommes versées par le locataire cessent d'être dues à compter du jour suivant l'envoi de la notification de l'arrêté. Les sommes indûment versées au propriétaire ne peuvent être déduites du prochain loyer mais sont nécessairement restituées au locataire.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Article 1er
Application des obligations de décence énergétique
aux locations meublées de tourisme

Cet article vise à soumettre les locations meublées de tourisme aux obligations de décence énergétique dans les communes ayant instauré une autorisation de changement d'usage.

La commission a adopté une nouvelle rédaction complète de l'article pour que, d'une part, un local, pour lequel un changement d'usage est demandé, respecte a minima la classe E du DPE et que, d'autre part, les meublés de tourisme déjà en activité se conforment à compter du 1er janvier 2034 aux normes de décence énergétique fixées par la loi « Climat et résilience » pour les locations nues.

I. La situation actuelle - Les obligations de décence énergétique ne s'imposent pas aux meublés de tourisme de la même manière qu'aux logements en location nue de longue durée ou aux hôtels

A. Les obligations de décence énergétique s'imposant aux logements d'habitation

· L'intégration de la performance énergétique dans les critères de décence du logement locatif

La réglementation relative à la décence du logement locatif est ancienne et portait sur les questions de risque pour la sécurité et la santé, l'infestation par des espèces nuisibles ou parasites et visait à s'assurer que le local n'était pas impropre à un usage d'habitation.

C'est la loi n° 2019-1147 relative à l'énergie et au climat du 8 novembre 2019 qui a ajouté à son article 17 qu'un logement décent répondrait désormais « à un critère de performance énergétique minimale ».

Cette disposition a notamment entraîné l'indécence des logements dits « G + » consommant plus de 450 kwh/m²/an au 1er janvier 2023 et donc l'interdiction de les proposer à la location.

· Le calendrier de la loi « Climat et résilience »

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience par rapport à ses effets a édicté plusieurs nouvelles obligations qui s'appliqueront progressivement.

Tout d'abord, un an après la promulgation de la loi, le loyer des logements classés F et G par le diagnostic de performance énergétique (DPE) ne peut plus être augmenté en dehors des revalorisations annuelles sur la base de l'indice de référence de loyers (IRL) (article 159 de la loi).

Ensuite, la loi a prévu de rehausser progressivement l'exigence de décence énergétique. Seront considérés comme indécents les logements G au 1er janvier 2025, F au 1er janvier 2028 et E au 1er janvier 2034. Un calendrier décalé est mis en oeuvre dans les départements d'outre-mer mais la validation d'un DPE spécificique y a été reportée à 2028.

L'objectif général est d'éliminer les logements considérés comme des « passoires énergétiques », c'est-à-dire ceux classés G et F, d'ici à 2028 et d'atteindre l'objectif d'un parc de logements conformes aux objectifs climatiques de notre pays d'ici à 2050, c'est-à-dire essentiellement composés de logements classés A, B et marginalement C (article 173-2 du code de la construction et de l'habitation).

Par ailleurs, le DPE doit être communiqué à l'acquéreur en cas de vente et au locataire en cas de location d'un logement (article L. 126-8 CCH). Il figure obligatoirement sur l'annonce, éventuellement avec une mention spécifique s'il s'agit d'un logement classé F ou G (L. 126-33 CCH).

B. Obligations énergétiques s'imposant aux hôtels

Les bâtiments tertiaires, dont les hôtels, sont soumis par la loi (article L. 174-1 CCH) à des objectifs de réduction de leur consommation d'énergie finale. Ces objectifs sont définis par un décret en Conseil d'État dit « décret tertiaire » qui décline l'obligation législative générale d'une diminution de 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050 par rapport à 2010.

C. L'absence d'obligation s'imposant aux meublés de tourisme et les risques qu'elle présente

Les lois « Énergie climat » puis « Climat et résilience » n'ont pas imposé de telles obligations aux meublés de tourisme.

En effet, leur objectif était à la fois de lutter contre la précarité énergétique des locataires et de focaliser l'effort de rénovation sur la partie la plus significative du parc. Un locataire séjournant quelques jours ou semaines pour des congés n'est en effet pas exposé de la même manière à un logement mal chauffé ou isolé qu'un locataire à l'année et ce parc est numériquement moins important.

Néanmoins, l'essor toujours plus important des meublés de tourisme et l'effet d'éviction qu'ils peuvent exercer localement vis-à-vis du logement à l'année en location ou non a conduit un nombre de plus en plus important d'acteurs à pointer cette différence de traitement et à craindre que les obligations de décence énergétique ne soient un argument supplémentaire au détriment de la location traditionnelle conduisant à réduire encore l'offre locative.

À ce stade, on doit toutefois parler de crainte puisqu'aucun élément chiffré établissant formellement un lien entre les deux n'a pu être apporté au rapporteur. Cela semblerait d'ailleurs difficile, ces obligations étant au début de leur mise en oeuvre. L'évaluation de leur impact sur le marché immobilier n'en est qu'à leurs débuts, les notaires notant une recrudescence des ventes des passoires thermiques et une baisse de leur valeur toutefois dépendante de la tension du marché.

Les hôteliers pointent, quant à eux, un élément supplémentaire de concurrence déloyale au regard des contraintes qui leur sont imposées et de leur coût.

Ceci étant, et plus largement, l'ensemble du secteur touristique met en avant son engagement à lutter contre le changement climatique, d'une part, et à proposer un hébergement de qualité, d'autre part, offrant un mode de chauffage ou de rafraîchissement performant et doté d'une bonne isolation. Plusieurs ont d'ailleurs souhaité le verdissement des critères de classement des meublés de tourisme mis en oeuvre par Atout France.

II. Le dispositif envisagé - Respect du calendrier de la loi « Climat et résilience » sauf exception locale

A. DPE obligatoire et respect des critères de décence

L'article 1er de la proposition de loi, dans sa rédaction initiale, prévoyait de soumettre l'ensemble des meublés de tourisme à l'établissement d'un DPE.

Il obligeait également l'ensemble des meublés à respecter le calendrier de décence énergétique édicté par la loi « Climat et résilience » pour les locations et donc interdisait ceux classés G en 2025, F en 2028 et E en 2034.

Par ailleurs, le conseil municipal pouvait soumettre l'autorisation de mise en location à la production du DPE.

S'il n'avait pas fait ce choix, le maire pouvait toutefois exiger du loueur la production du DPE et ainsi prouver qu'il respectait la législation.

B. Exceptions décidées par le conseil municipal

Toutefois, le conseil municipal, sous réserve d'une délibération motivée par les circonstances locales, pouvait déroger à ces obligations.

Il s'agissait notamment d'éviter un impact trop important sur le parc d'hébergement touristique des communes qui ne sont pas confrontées à une concurrence entre le logement permanent et les meublés de tourisme comme dans les stations de ski, les villes thermales, les communes rurales et même certaines zones littorales dont le parc est ancien et mal classé au regard du DPE.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A. En commission : une nouvelle rédaction adossée au changement d'usage

En commission, les rapporteurs de l'Assemblée nationale ont proposé une nouvelle rédaction complète de l'article.

Cette rédaction a cherché à conserver le souhait d'étendre les obligations de décence énergétique aux meublés de tourisme et celui de préserver des exceptions au regard des circonstances locales. Mais elle a voulu corriger les fragilités juridiques de la version initiale notamment la motivation des circonstances locales et la création d'une nouvelle autorisation de mise en location qui pouvaient créer des inégalités difficilement justifiables.

Les rapporteurs ont retenu l'idée de lier l'application des obligations de décence énergétique au changement d'usage auquel un plus grand nombre de communes pourront avoir recours si la proposition de loi est adoptée. Il est à noter que, de ce fait, cette rédaction exclut les résidences principales qui sont d'ores et déjà soumises à la loi « Climat et résilience » mais pas au changement d'usage.

Cette rédaction crée un nouvel article L. 631-10 du code de la construction et de l'habitation qui prévoit que :

- pour une autorisation temporaire de changement d'usage (un an renouvelable cinq fois), les propriétaires doivent respecter le calendrier de la loi « Climat et résilience » ;

- pour une autorisation définitive, les propriétaires doivent se conformer au niveau le plus élevé, c'est-à-dire un classement minimum en D, qui n'est indispensable qu'en 2034 pour la location longue durée ;

- dans ces communes ayant instauré un changement d'usage et pour les logements ayant déjà bénéficié d'une autorisation définitive, l'obligation d'atteindre a minima la lettre D s'imposera cinq ans après la promulgation de la loi.

Par ailleurs, l'article 1er prévoit d'étendre l'amende civile d'un montant maximum de 50 000 euros pour non-respect de l'obligation d'obtenir une autorisation de changement d'usage définitif (article L. 631-7 CCH) aux conditions relatives au changement d'usage temporaire (article L. 631-7-1 A CCH).

B. En séance

L'article 1er a été adopté sans modification à l'exception d'une coordination juridique.

IV. La position de la commission - Des ajustements à la soumission des meublés de tourisme aux obligations de décence énergétique

A. Lorsqu'il y a changement d'usage

Le rapporteur approuve le rattachement au changement d'usage qui permet à chaque commune d'ajuster l'application de la réglementation en tenant compte des situations locales et notamment du risque d'un effet d'éviction au détriment de la location de longue durée pour l'habitation permanente.

Toutefois, il lui paraît disproportionné d'imposer aux logements proposés en meublés de respecter un classement D au minimum alors que cette obligation ne s'imposera pour les locations nues qu'en 2034.

Elle a donc proposé de maintenir cette barrière à l'entrée pour les seuls logements passoires thermiques, c'est-à-dire les F et G, dont l'exigence de mise aux normes est proche (2025 et 2028).

Par souci de simplicité, elle a aussi proposé que cette règle s'applique que le changement soit temporaire ou définitif.

B. Pour l'ensemble des meublés de tourisme

Pour l'ensemble des meublés de tourisme déjà existants, il ne paraît pas logique de traiter la question de leur soumission ou non aux normes de décence énergétique à partir du changement d'usage et des communes qui l'auraient mis en place.

La question est plutôt de savoir si l'ensemble des meublés doivent respecter cette norme dans le futur au regard des objectifs climatiques de notre pays et de la montée en gamme souhaitable de l'hébergement touristique.

Votre rapporteur estime, après avoir entendu l'ensemble des acteurs, qu'une telle évolution serait positive dès lors que les délais pour y parvenir seraient réalistes.

Il paraît d'ailleurs utile, notamment pour favoriser les prises de décision dans les copropriétés, que l'ensemble des propriétaires soient soumis progressivement aux mêmes règles qu'il s'agisse de résidences principales, de locations longue durée ou de meublés de tourisme.

Votre rapporteur a donc proposé que l'ensemble des meublés de tourisme soient soumis aux obligations du calendrier de la loi « Climat et résilience » à compter du 1er janvier 2034. Toutes les locations devront alors avoir a minima un DPE de classe D.

Par ailleurs, la commission a supprimé les alinéas 7 à 9 relatifs aux amendes, ceux-ci étant réintroduits avec les autres modifications de l'article L. 651-2 du CCH à l'article 2.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 1er bis
Modifications du code du tourisme visant à renforcer les outils
à la disposition des communes
pour réguler la location meublée touristique

Cet article, introduit en commission à l'Assemblée nationale, prévoit trois mesures :

- il vise à donner la possibilité au conseil municipal d'abaisser le nombre maximal de jours de location d'une résidence principale, de cent vingt jours à quatre-vingt-dix jours par année civile ;

- il vise aussi à inclure les locaux à usage professionnel dans le régime spécifique et facultatif d'autorisation préalable à la location, jusque-là réservé aux locaux à usage commercial ;

- enfin, il dote la commune du pouvoir de prononcer des amendes administratives pour défaut d'enregistrement et pour faux numéro de déclaration. L'amende administrative pour défaut d'enregistrement se substitue à une amende civile tandis que l'amende administrative pour fraude au numéro de déclaration est une nouveauté introduite par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.

La rapporteure a proposé l'adoption de deux amendements :

- un amendement COM-49 visant à renforcer le montant des amendes pour défaut de déclaration, fausse déclaration et dépassement de la limitation du nombre de jours de location d'une résidence principale ;

- un amendement COM-50 concernant l'entrée en vigueur de l'article.

I. L'encadrement de la location meublée touristique d'une résidence principale

A. La situation actuelle - La limitation à cent vingt jours par année civile de la location d'une résidence principale

L'article L. 324-1-1 du code de tourisme prévoit que dans les communes ayant mis en oeuvre la déclaration avec enregistrement d'un meublé de tourisme, la location d'une résidence principale en tant que meublé de tourisme est limitée à cent vingt jours par année civile. Des exceptions sont prévues en cas d'obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.

La détermination de ce seuil découle de la définition de la résidence principale telle qu'issue de l'article 2 de la loi du 6 juillet 198910(*), qui prévoit qu'une résidence principale est celle occupée au moins huit mois par an. La location d'une résidence principale plus de quatre mois par an - ou plus de cent vingt jours - est donc incompatible avec cette définition.

Lorsqu'une commune met en oeuvre un régime d'autorisation préalable au changement d'usage d'un local d'habitation, il n'est donc pas nécessaire, en vertu de l'article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation, pour louer une résidence principale en tant que meublé de tourisme.

Néanmoins, au-delà de cent-vingt jours par an, la qualification de « résidence principale » ne tient plus et le loueur doit théoriquement demander une autorisation préalable au changement d'usage.

Cette limitation est contrôlée par les communes via deux moyens :

- le deuxième alinéa de l'article L. 324-1-1 du code de tourisme prévoit que la commune peut demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué dans l'année ;

- le deuxième alinéa du II de l'article L. 324-2-1 du même code prévoit que la commune peut demander à toute plateforme intermédiaire de location de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels un meublé de tourisme a fait l'objet d'une location par son intermédiaire sur le territoire de la commune. Ce même II oblige les plateformes à retirer les annonces de meublés de tourisme dont elles ont connaissance qu'ils sont loués plus de cent vingt jours par année civile.

B. Le dispositif envisagé - La possibilité pour les communes d'abaisser ce plafond du nombre de jours de location d'une résidence principale

Lors de l'examen en commission à l'Assemblée nationale, un amendement porté par des députés socialistes11(*) créant un article additionnel donnant la possibilité aux communes d'abaisser le plafond du nombre de jours de location d'une résidence principale a été adopté.

Il insère un nouvel alinéa à l'article L. 324-1-1 afin de prévoir que la commune peut, sur délibération motivée, abaisser le nombre maximal de jours de location d'une résidence principale, jusqu'à quatre-vingt-dix jours par année civile.

Cette prérogative du conseil municipal serait donc facultative, accessible aux communes qui le souhaitent.

Cet abaissement du seuil maximal de nombre de jours de location d'une résidence principale n'emporte pas de conséquences sur la définition de la résidence principale posée par la loi de 1989 : le changement d'usage ne reste requis que pour les locations de résidences principales au-delà de quatre mois par an.

C. La position de la commission - Une faculté à renforcer pour tenir compte des spécificités locales

Bien qu'elle ne soit pas plébiscitée par tous les élus locaux, l'abaissement du seuil est une faculté bienvenue en ce qu'elle est facultative, aux mains des élus locaux. D'après les résultats de la consultation menée sur la plateforme du Sénat, 43 % des élus répondants souhaiteraient néanmoins utiliser cette faculté. La commission des affaires économiques, attentive à ne pas alourdir le cadre juridique de la location meublée touristique mais au contraire, à donner des outils de régulation au plus près des préoccupations locales, y est donc favorable.

Cette possibilité ne constitue certes pas un instrument de lutte contre les pénuries de logements puisqu'elle concerne exclusivement les résidences principales et non un stock de logement pouvant venir compléter le parc résidentiel existant. Néanmoins, elle constitue une demande d'élus locaux, notamment de grandes villes et de communes très touristiques, pour deux raisons principales :

- d'une part, la location d'une résidence principale en tant que meublé de tourisme, si elle n'aggrave pas la pénurie de logements, peut néanmoins engendrer des nuisances sonores, des dégradations à l'échelle de la copropriété et du voisinage, voire des bouleversements de l'offre commerciale ou de l'équilibre social d'un quartier liés à une surfréquentation touristique. Une limitation plus importante de la location de résidences principales permettrait donc de réduire ces nuisances ;

- d'autre part, plusieurs communes ont alerté la rapporteure sur le fait que le plafond de cent vingt jours de location par an, particulièrement élevé, est rarement atteint par les loueurs qui louent leur véritable résidence principale : l'atteinte de ce plafond suppose en effet une absence du domicile quatre mois par an. Néanmoins, certains loueurs malhonnêtes déclarent frauduleusement leur meublé en tant que résidence principale afin d'échapper au régime d'autorisation préalable au changement d'usage. Ces pratiques sont préjudiciables aux communes non seulement parce qu'elles les rendent impuissantes à réguler la location meublée touristique mais aussi parce qu'elles modifient artificiellement le taux de résidences principales dans leur commune, emportant pour les communes de graves conséquences - par exemple, une réduction des recettes fiscales liées à la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS) ou une hausse des obligations de taux de logements sociaux. La réduction du plafond permettrait donc de limiter l'attrait d'une déclaration frauduleuse de résidence principale et les nuisances associées, sans pour autant être un frein pour les particuliers souhaitant louer leur résidence principale de manière ponctuelle durant leurs absences.

La commission est donc favorable à la nouvelle possibilité donnée aux élus locaux, par une délibération motivée, d'abaisser ce nombre de jours maximal de jours de location d'une résidence principale.

II. Le régime d'autorisation préalable à la location des locaux qui ne sont pas à usage d'habitation

A. La situation actuelle - Un régime d'autorisation préalable à la location des locaux à usage commercial

Depuis la loi « Engagement et proximité » de 201912(*), l'article L. 324-1-1 du code de tourisme prévoit que les communes ayant mis en oeuvre la procédure d'enregistrement peuvent décider, via une délibération du conseil municipal, de soumettre à autorisation la location d'un local à usage commercial en tant que meublé de tourisme.

Cette disposition répondait à un besoin d'endiguer le contournement de certains investisseurs se tournant vers l'immobilier commercial afin d'échapper au régime d'autorisation préalable au changement d'usage des locaux d'habitation.

À titre d'exemple, pour y faire face, la ville de Paris a adopté fin 202113(*) un règlement sur la location de locaux commerciaux en tant que meublés de tourisme - en particulier les locaux de pieds d'immeuble, tels que dans le quartier du Marais.

B. Le dispositif envisagé - L'élargissement du régime d'autorisation de location des locaux commerciaux en tant que meublés de tourisme à tous les locaux à usage autre qu'habitation

Lors de l'examen en commission de la proposition de loi, un amendement de députés du groupe Renaissance14(*) a modifié le IV bis de l'article L. 324-1-1 afin que le régime d'autorisation préalable à la location d'un local commercial en tant que meublé de tourisme puisse être mis en oeuvre pour tous les locaux qui ne sont « pas à usage d'habitation ». Cette nouvelle formulation permet d'inclure, outre les locaux commerciaux aujourd'hui concernés, les locaux professionnels.

Cela répond à une préoccupation d'éviter les contournements du cadre juridique de l'autorisation préalable par certains investisseurs, ciblant de plus en plus les locaux professionnels au-delà des locaux commerciaux.

En effet, des grandes communes touristiques connaissant également des tensions très fortes sur leur parc locatif et sur l'immobilier commercial, à l'instar de Paris, soulignent un nouveau phénomène de report des investisseurs souhaitant échapper à l'autorisation préalable et à l'obligation de compensation.

C. La position de la commission - Un élargissement bienvenu du régime d'autorisation aux locaux professionnels pour éviter tout contournement

Cette possibilité répond à une demande grandissant d'élus locaux souhaitant disposer d'outils pour agir face aux reports d'investisseurs sur la location meublée touristique de locaux qui ne sont pas à usage d'habitation.

À Paris, où une autorisation préalable pour la location des locaux commerciaux en tant que meublés touristiques a été mise en place en 2021, il a été souligné à la rapporteure que de nombreux investisseurs commencent à se tourner vers la transformation d'entrepôts ou de garages en meublés touristiques.

La prise en compte du seul immobilier commercial au détriment de l'immobilier de bureaux laisse en effet une brèche ouverte au contournement.

La commission est donc favorable à cet élargissement.

III. Les amendes en cas de manquement aux obligations de déclaration soumise à enregistrement de la location meublée touristique

A. La situation actuelle - Le non-respect de la procédure d'enregistrement est passible d'amendes civiles

Conformément au V de l'article L. 324-1-1 du code de tourisme, le défaut de déclaration préalable avec enregistrement est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 5 000 euros.

Le non-respect par les loueurs de la limitation à cent vingt jours par année civile de la location de leur résidence principale est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 10 000 euros, de même que pour le défaut de transmission d'informations demandées par la commune pour vérifier le respect de cette limitation.

Ces amendes civiles sont prononcées par le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, sur demande de la commune dans laquelle est situé le meublé de tourisme. Le produit de l'amende est versé à la commune. Le tribunal judiciaire compétent est celui dans le ressort duquel est situé le meublé de tourisme.

B. Le dispositif envisagé - La création d'amendes administratives prononcées par la commune en cas de manquements aux obligations d'enregistrement

Le V de l'article L. 324-1-1 du code de tourisme a été modifié lors de l'examen en commission à l'Assemblée nationale par un amendement de députés du groupe Gauche Démocratique et Républicaine15(*) afin d'introduire des amendes administratives prononcées par la commune en lieu et place des amendes civiles :

- le défaut de déclaration préalable avec enregistrement, aujourd'hui passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 5 000 euros, serait passible d'une amende administrative - du même montant maximal - prononcée par la commune ;

- une nouvelle amende administrative prononcée par la commune et pouvant atteindre 15 000 euros est créée pour sanctionner « toute personne qui effectue de fausses déclarations » « ou qui utilise un faux numéro de déclaration ».

Le non-respect par les loueurs de la limitation à cent vingt jours par année civile de la location de leur résidence principale reste passible d'une amende civile de 10 000 euros.

C. La position de la commission - Des amendes dissuasives dont le montant doit être renforcé et qui doivent être associées à des outils permettant de faire cesser les infractions

La commission des affaires économiques souscrit à l'objectif de mettre fin le plus rapidement possible aux locations illicites en se soustrayant à l'intervention du juge judiciaire. À titre d'exemple, à date de publication du rapport, la ville de Nice indiquait à la rapporteure que le tribunal judicaire de Nice n'avait toujours pas statué sur plusieurs affaires engagées depuis deux ans. De même, la ville de Paris indiquait qu'il fallait environ un an au tribunal judiciaire de Paris pour traiter ces dossiers. Le remplacement de l'amende civile par une amende administrative permettrait aussi de désengorger les tribunaux de dossiers qui ne sont pas d'une grande complexité.

Néanmoins, compte tenu de la rentabilité afférente à la location meublée touristique, la commission estime que ces amendes devraient être renforcées pour être véritablement dissuasives. La rapporteure a donc proposé un amendement visant à augmenter de 5 000 euros les amendes administratives et civiles fixées par l'article L. 324-1-1 ou prévues par le présent article en cas de défaut d'enregistrement, de fausse déclaration, de dépassement de la limitation à cent vingt jours de la location d'une résidence principale.

Le rehaussement de ces sanctions répond à une volonté d'accroître leur rôle dissuasif, afin notamment de réduire le report des loueurs vers la location non déclarée et de limiter les cas de fraudes à la résidence principale opérés dans le but de contourner la règlementation sur le changement d'usage tout en louant le local plus de cent vingt jours par an.

Au total, la commission des affaires économiques a donc adopté deux amendements à l'initiative de la rapporteure :

- un amendement COM-49 visant à augmenter de 5 000 euros les montants des amendes pour défaut de déclaration, fausse déclaration et dépassement de la limitation du nombre de jours de location d'une résidence principale afin de les porter respectivement à 10 000, 20 000 et 15 000 ;

- un amendement COM-50 concernant l'entrée en vigueur du présent article : afin de permettre aux élus locaux de disposer de ces outils rapidement tout en évitant les effets d'aubaine liés à une entrée en vigueur différée, la rapporteure a proposé une entrée en vigueur différée au 15 septembre 2024. Cette date d'entrée en vigueur permet de ne pas affecter les locations meublées touristiques de résidences principales prévues pendant l'été 2024, si le texte était promulgué d'ici là.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 2
Modifications du code de la construction et de l'habitation
et du code de l'urbanisme visant à doter les communes de nouveaux outils pour réguler la location meublée touristique

Cet article, largement modifié en commission à l'Assemblée nationale, vise à opérer plusieurs modifications du code de la construction et de l'habitation :

- il étend le périmètre des communes pouvant mettre en oeuvre un régime d'autorisation préalable au changement d'usage des locaux d'habitation ;

- il entend simplifier la charge de la preuve de l'usage habitation d'un local, qui doit être fournie par les communes souhaitant démontrer un usage illicite dans le cadre de contentieux ;

- il rend applicable aux personnes morales le régime d'autorisation temporaire de changement d'usage, actuellement réservé aux propriétaires personnes physiques ;

- il donne la possibilité aux communes, par délibération motivée, de délimiter des zones où s'appliquent des quotas d'autorisations temporaires de changement d'usage ;

- il conditionne l'autorisation de changement d'usage d'un local d'habitation pour la location meublée touristique à sa conformité aux stipulations contractuelles prévues dans le bail et le règlement de copropriété, ce dont le demandeur atteste via une déclaration sur l'honneur ;

- il crée de nouvelles amendes civiles pour les infractions des intermédiaires de location et donne compétence à l'autorité organisatrice de l'habitat et à l'établissement public de coopération intercommunale pour assigner en justice les personnes enfreignant les dispositions du code de la construction et de l'habitat relatives aux autorisations de changement d'usage.

Modifiant le code de l'urbanisme, il crée par ailleurs la possibilité pour le règlement d'urbanisme de délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels toutes les constructions nouvelles de logements sont à usage exclusif de résidence principale.

La commission a adopté neuf amendements, dont sept à l'initiative de la rapporteure :

- un amendement COM-51 visant à garantir la sécurité juridique de la preuve de l'usage d'habitation d'un local ;

- un amendement COM-52 visant à rendre facultatif le dispositif d'extension aux personnes morales de l'autorisation temporaire de changement d'usage ;

- un amendement COM-56 visant à permettre aux communes de définir des quotas d'autorisations temporaires en fonction du nombre total de logements afin de sécuriser les pratiques futures des communes, les protéger de contentieux et leur donner un outil de pilotage dynamique du parc de meublés de tourisme ;

- un amendement COM-53 de coordination juridique ;

- un amendement COM-40 de M. Salmon abaissant le taux minimal de résidences secondaires permettant aux communes de délimiter des zones où les constructions nouvelles sont à occupation exclusive de résidences principales ;

- un amendement COM-57 rendant plus effective l'obligation d'occupation à titre de résidence principale d'un logement dans les zones délimitées par le plan local d'urbanisme ;

- un amendement COM-54 de coordination juridique visant à donner la possibilité aux communes corses de définir des zones où les constructions nouvelles sont dédiées à l'usage d'habitation dans les mêmes conditions que les communes de métropole ;

- un amendement COM-17 de Mme Billon et M. Retailleau permettant aux communes métropolitaines insulaires de définir des quotas d'autorisations temporaires de changement d'usage sur l'ensemble de leur territoire et non au sein de zones délimitées par une délibération ;

un amendement COM-55 fixant l'entrée en vigueur du présent article au 15 septembre 2024.

I. L'extension du régime d'autorisation préalable au changement d'usage des locaux d'habitation

A. La situation actuelle - Un régime d'autorisation préalable au changement d'usage applicable dans un nombre limité de communes

Les communes ne sont pas toutes concernées de la même manière par le régime d'autorisation préalable au changement d'usage des locaux d'habitation. Actuellement, ce régime d'autorisation préalable est :

- obligatoire dans les communes de plus de 200 000 habitants et dans celles des trois départements de la petite couronne francilienne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne)16(*) ;

- facultatif, pouvant être rendu applicable dans les autres communes17(*) :

i) sur décision de l'organisme délibérant de l'EPCI ou par défaut, du conseil municipal dans les communes situées en zones tendues (telles que définies par la liste des communes dans lesquelles la taxe sur les logements vacants est applicable18(*)) ;

ii) sur décision préfectorale sur proposition du maire dans les autres communes.

B. Le dispositif envisagé initialement - Une simplification du recours au changement d'usage pour un périmètre plus large de communes

Dans sa rédaction initiale, l'article 2 prévoyait de rendre obligatoire le régime d'autorisation préalable dans l'ensemble des communes situées en zones tendues, selon le zonage de l'article L. 31-10-2 du code de la construction et de l'habitation, c'est-à-dire le zonage utilisé pour déterminer les communes éligibles à l'octroi de prêts ne portant pas intérêt pour financer la primo-accession (prêts à taux zéro dits « PTZ »). Ces zones dites « tendues », caractérisées par un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements s'entendent de celles classées dans les zones A et B1.

Néanmoins, cet article ne modifiait pas l'article L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation donnant la possibilité à d'autres communes de mettre en oeuvre ce régime de changement d'usage.

C. Les modifications apportées à l'Assemblée nationale - L'élargissement du recours facultatif au régime d'autorisation préalable au changement d'usage

Lors de l'examen en commission à l'Assemblée nationale, la commission des affaires économiques a conservé19(*) le principe d'un élargissement des communes mettant en oeuvre le régime d'autorisation préalable au changement d'usage mais en a considérablement modifié les modalités :

l'obligation de le mettre en oeuvre dans les communes « tendues » conformément au zonage dit « PTZ » a été remplacée par une faculté, sur décision du conseil municipal, ouverte aux communes situées dans les zones tendues conformément au zonage des communes éligibles à la taxe sur les logements vacants20(*) ;

pour les autres communes, pour lesquelles les conditions de mise en oeuvre de ce régime n'étaient pas modifiées dans le texte initial, l'autorisation du préfet est supprimée : la mise en place du régime de changement d'usage est rendue possible pour toutes les communes par une délibération motivée de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme ou, à défaut, du conseil municipal. Cette délibération est motivée par un déséquilibre entre l'offre et la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant.

Les modifications apportées à cette disposition sont donc principalement de deux ordres :

une simplification : seules deux catégories de communes subsisteraient ce qui concerne le régime d'autorisation de changement d'usage : les communes situées en zone tendue et les autres, au lieu des trois catégories de communes auparavant ;

un surcroît de pouvoirs donnés aux communes : le régime d'autorisation de changement d'usage n'est plus obligatoire, mais devient une faculté ouverte à toutes les communes sans autorisation préfectorale.

D. La position de la commission - Une simplification bienvenue du recours au changement d'usage pour un périmètre plus large de communes

La commission des affaires économiques est favorable à l'élargissement du champ des communes pouvant recourir au régime d'autorisation préalable au changement d'usage, considérant qu'il est souhaitable de laisser le choix aux élus locaux de recourir ou non à cet outil.

La référence au zonage correspondant aux communes éligibles à la taxe sur les logements vacants (« TLV ») plutôt qu'au zonage ABC déterminant le droit à plusieurs aides et notamment au « prêt à taux zéro » (PTZ) est justifiée par l'élargissement, par le décret du 25 août 2023, des communes situées en zones tendues :

le zonage « TLV » incluait auparavant les communes des zones d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants dans lesquelles il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements ;

le nouveau zonage « TLV » instauré par le décret du 25 août 2023 inclut désormais ces mêmes communes ainsi que des communes « tendues et touristiques », ne respectant pas les critères des premières mais présentant un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, des prix d'acquisition des logements anciens ou la proportion élevée de résidences secondaires.

Il en résulte 3 697 communes couvertes contre 1 140 dans le zonage en vigueur jusqu'en août 2023.

La commission des affaires économiques est donc favorable à cette disposition permettant d'élargir le champ des communes susceptibles d'être concernées « de droit » et l'ouvrant à toutes les communes sur délibération motivée.

II. La modification de la charge de la preuve de l'usage d'habitation d'un local

A. La preuve de l'usage d'habitation d'un local est souvent difficile à apporter pour la commune

L'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation prévoit qu'un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970 - date précise choisie en raison de la révision foncière intervenue en 1970 qui a nécessité l'émission de fiches de révision foncière, souvent sous la forme d'un formulaire « H2 », permettant de recenser les constructions nouvelles et d'établir leur valeur cadastrale.

Lorsqu'une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l'usage d'un local mentionné à l'alinéa précédent, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation.

Cela signifie qu'il faut, pour la commune, obtenir une « photo » de la situation de 1970, ou de la situation après compensation. Peu importe que le local ait ensuite été occupé à usage autre qu'habitation : si son usage au 1er janvier 1970 est d'habitation, alors il demeure d'habitation - et inversement - sauf dans le cas d'autorisation délivrée postérieurement à cette date.

Tous les accords ou conventions conclus en violation de ces dispositions sont nuls de plein droit : la sécurisation de la charge de la preuve est donc une question de sécurité juridique importante.

En cas de contentieux sur le changement d'usage, c'est à la personne souhaitant démontrer un usage illicite de supporter la charge de la preuve.

Pour prouver l'usage d'habitation d'un bien, les collectivités s'appuient donc généralement sur le formulaire « H2 », qui n'est pas toujours disponible en date du 1er janvier 1970. Plusieurs communes, et notamment Paris, ont fait part de leurs difficultés à remonter précisément au 1er janvier 1970 pour apporter la preuve de l'usage d'habitation d'un local et fait part de leur désarroi face à l'interprétation restrictive du juge. La jurisprudence récente de la Cour de cassation en témoigne : un document datant de quelques mois après le 1er janvier 1970 ne constitue pas une preuve suffisante de l'usage habitation au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation21(*).

B. Le dispositif envisagé - La simplification de la charge de la preuve qui incombe aux communes concernant l'usage d'habitation d'un local

Face aux difficultés des communes à apporter la preuve de l'usage d'habitation au 1er janvier 1970 précisément, la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale22(*) a également introduit une modification de l'article L. 631-7 du code de la construction afin que la commune n'ait pas à remonter à la date précise du 1er janvier 1970 mais que la preuve de l'usage d'habitation puisse émaner d`une date ultérieure au 1er janvier 1970.

L'article L. 631-7 du code de la construction a donc été modifié en commission afin de disposer non plus qu'« un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970 » mais plutôt que « tout local ayant un usage d'habitation depuis le 1er janvier 1970 conserve cet usage ».

C. La position de la commission - Une réforme proposée à la sécurité juridique incertaine

Tous les accords ou conventions conclus en violation des dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation sur l'usage des locaux d'habitation sont nuls de plein droit : la sécurisation de la charge de la preuve est donc une question de sécurité juridique importante aussi bien pour les communes que pour les propriétaires et autres investisseurs.

Face à la difficulté des communes d'apporter une preuve de l'usage d'habitation datant précisément du 1er janvier 1970, la rapporteure partage l'objectif poursuivi par les rapporteurs de l'Assemblée nationale de simplifier cette charge de la preuve en permettant aux communes d'apporter des éléments de preuve à une date ultérieure. La ville de Paris a notamment indiqué à la rapporteure que deux tiers des infractions constatées par les agents assermentés ne peuvent être poursuivies en l'absence d'archives permettant d'apporter une preuve au 1er janvier 1970. Lorsque les infractions sont poursuivies, la ville de Paris est déboutée dans environ 15 % des dossiers pour la même raison.

Cependant, il est apparu que la rédaction issue de l'Assemblée nationale23(*) emporte deux risques :

- d'abord, le risque d'être interprétée comme imposant à la commune d'apporter la preuve de l'usage d'un local « pendant toute la période postérieure au 1er janvier 1970 » et non pas « à n'importe quel moment après le 1er janvier 1970 ». Cela reviendrait à considérer que la commune doit prouver l'usage d'habitation de manière continue, de 1970 à la date du contentieux. Cette solution serait encore plus contraignante que la situation actuelle pour les communes ;

- ensuite, le fait de pouvoir apporter la preuve « à n'importe quel moment après le 1er janvier 1970 » est susceptible d'être aussi facteur d'insécurité juridique puisqu'il nécessiterait de faire défiler un « film » de l'usage du local depuis le 1er janvier 1970 dans le but de vérifier s'il a ou non été utilisé comme habitation, même de manière très limitée, depuis le 1er janvier 1970.

Les dispositions du code de la construction et de l'habitation sur la preuve de l'usage d'habitation portent en effet sur tous les changements d'usage et non seulement sur ceux concernant la location meublée touristique : il importe donc que le dispositif n'emporte pas d'insécurité juridique pouvant entraîner la nullité de transactions immobilières concernant des locaux à usage commercial ou professionnel. Or l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation mentionne explicitement que toute convention ou tout contrat conclu en violation de ses dispositions est nul.

La rapporteure propose donc une solution alternative permettant de concilier sécurité juridique et facilitation de la charge de la preuve pour les communes : il s'agit d'instituer une période de référence à l'intérieur de laquelle un usage d'habitation constituerait une preuve de l'usage d'habitation du local.

Elle propose de fixer cette période entre le 1er janvier 1970 et le 31 décembre 1976, période permettant à la fois de couvrir l'établissement de la très grande majorité des fiches de révision foncière et d'intervenir avant l'instauration du permis de construire de changement de destination avec travaux en 1977. Cette période permettra aux communes de s'appuyer sur des fiches postérieures au 1er janvier 1970 (ou tout autre document de preuve) sans se voir opposer une jurisprudence restrictive du juge et sans compromettre la sécurité juridique des investisseurs et utilisateurs de locaux de bureaux ou de commerces.

III. L'extension du régime d'autorisation temporaire de changement d'usage aux personnes morales

A. La situation actuelle - Le régime d'autorisation temporaire de changement d'usage est réservé aux propriétaires personnes physiques

L'article 16 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite « Alur », a introduit un article L. 631-7-1 A au code de la construction et de l'habitation créant un régime d'autorisation temporaire de changement d'usage destiné aux seules personnes physiques. Les personnes morales doivent quant à elles avoir recours à une demande d'autorisation de changement d'usage « définitif », parfois assortie d'une compensation.

Le régime d'autorisation temporaire se distingue du régime d'autorisation préalable au changement d'usage de l'article L. 631-7 sur plusieurs points :

- il s'agit d'un régime d'autorisation dédié à la transformation de logements en meublés de tourisme, contrairement au régime de l'article L. 631-7 qui concerne le changement d'usage en général ;

- il s'agit d'un régime d'autorisation temporaire accordée pour une durée déterminée par la commune contrairement à l'autorisation préalable au changement d'usage, accordée à titre personnel : de nombreuses communes estiment que l'autorisation temporaire, plus flexible, est un outil permettant de s'adapter aux évolutions socio-économiques et démographiques d'un territoire ;

temporaire, elle ne fait donc pas l'objet d'une compensation contrairement à l'autorisation de l'article L. 631-7 qui peut être assortie d'une compensation dans des conditions déterminées par la commune - et qui est dans ce cas attachée au local.

Ce régime réservé aux propriétaires personnes physiques induit plusieurs conséquences :

- les communes souhaitant spécifiquement encadrer les meublés de tourisme ne peuvent le faire que pour les personnes physiques et non pour les personnes morales qui constituent pourtant de très nombreux investisseurs dans des meublés de tourisme substituables à de l'habitation longue durée ;

- dans les communes mettant en oeuvre le changement d'usage, des résidences secondaires appartenant à des familles constituées en sociétés civiles immobilières (SCI) ne peuvent se voir appliquer ce régime d'autorisation temporaire mais sont soumises au régime d'autorisation de changement d'usage « réel » éventuellement adossé à une compensation ;

- néanmoins, certains outils, comme la limitation du nombre d'autorisations temporaires octroyée à un propriétaire, sont davantage adaptés aux personnes physiques qu'aux personnes morales : si une limitation portait sur le nombre d'autorisations accordées à une personne morale, elle serait aisément contournable par les personnes morales.

B. Le dispositif envisagé - Élargir le régime d'autorisation temporaire de changement d'usage aux personnes morales

Afin d'élargir le régime d'autorisation temporaire de changement d'usage aux personnes morales, l'article L. 631-7-1 A a été modifié par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale24(*) : les termes « personne physique » sont remplacés par « un propriétaire », ce qui permet d'englober les personnes physiques comme les personnes morales.

C. La position de la commission - Un élargissement aux personnes morales qui doit demeurer à la main des élus locaux pour éviter tout effet contre-productif

Pour certains territoires, le régime d'autorisation temporaire est un bon outil pour assurer le pilotage sur la durée du nombre de meublés de tourisme sur un territoire : dès lors, il leur semble bienvenu de pouvoir adapter le traitement réservé aux personnes morales en fonction des évolutions du parc et du contexte socio-économique au lieu d'appliquer un régime d'autorisation attaché à leur personne - ou à leur local en cas de compensation - jusqu'à cessation d'activité. L'agglomération du Grand Annecy avait ainsi soumis les personnes morales à un régime d'autorisation temporaire de changement d'usage avant de voir son règlement suspendu par le juge des référés avant sa mise en application prévue au 1er juin 2023.

À l'inverse, pour les communes mettant en oeuvre un régime d'autorisation définitive assortie d'une compensation et réservant le régime d'autorisation temporaire, conformément à la loi, aux personnes physiques, la situation est toute autre : celles-ci anticipent que l'extension de l'autorisation temporaire aux personnes morales ne soit contre-productive, entraînant un effet d'aubaine de personnes morales délivrées de l'obligation de compenser leur changement d'usage.

Il paraît donc opportun à la rapporteure d'introduire de la flexibilité dans le dispositif en ouvrant ce régime aux personnes morales dans les communes qui le souhaitent, sans pour autant priver d'autres communes de la possibilité de conserver un régime d'autorisation temporaire réservé aux personnes physiques et de soumettre les personnes morales au changement d'usage avec compensation si elles l'estiment plus adapté.

De plus, il semble important de prévoir une possibilité de différenciation des critères de délivrance des autorisations temporaires pour les personnes morales et pour les personnes physiques.

La rapporteure a donc proposé un amendement visant à assurer la flexibilité du dispositif et éviter qu'il ne soit contre-productif.

IV. Les quotas d'autorisations temporaires de changement d'usage

A. La situation actuelle - Certaines communes ont mis en place des quotas d'autorisations temporaires dans le silence de la loi

Aujourd'hui, l'autorisation temporaire de changement d'usage peut être mise en oeuvre par une délibération du conseil municipal conformément à l'article L. 631-7-1 A du code de la construction et de l'habitation.

Cette délibération fixe les conditions et les critères de délivrance de l'autorisation temporaire, qui peuvent porter sur :

- la durée des contrats de location ;

- les caractéristiques physiques du local ;

- sa localisation en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d'habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements.

Ces critères peuvent être modulés en fonction du nombre d'autorisations accordées à un même propriétaire personne physique.

Des règlements municipaux mettant en place des quotas d'autorisation temporaire, comme à Saint-Malo, ont ainsi suscité des contentieux dont certains sont toujours en attente d'un jugement au fond.

L'agglomération du Grand Annecy a également mis en oeuvre un système de quotas d'autorisations temporaires de changement d'usage dans son règlement du 23 février 2023. Celui-ci a été suspendu par le juge des référés de Grenoble avant sa mise en application. Néanmoins, les motifs d'illégalité soulevés tenaient à d'autres points que les quotas - exigence de l'autorisation de la copropriété et soumission des personnes morales à une autorisation temporaire de changement d'usage.

B. Le dispositif envisagé - La possibilité de mettre en place des quotas d'autorisations temporaires de changement d'usage

Cette disposition a été introduite en commission, sur amendement des rapporteurs25(*), afin de sécuriser les communes ayant mis en place ce type de dispositifs, et ayant vu leur règlement contesté devant le juge administratif - à l'instar de La Rochelle, Val d'Europe ou du Grand Annecy.

L'article L. 631-7-1 A du code de la construction et de l'habitation serait donc modifié pour préciser, qu'outre des critères relatifs à la durée de la location ou au nombre d'autorisations par propriétaire, la délibération pourrait également fixer un nombre maximal d'autorisations pouvant être délivrées dans des zones géographiques qu'elle délimite.

Dans ce cas, dans les zones concernées par ces quotas, aucune autorisation de changement d'usage en vertu de l'article L. 631-7 du même code (autorisation dite « permanente », attachée à la personne) ne pourrait être délivrée, sauf contre compensation équivalente.

Afin de garantir l'égalité des propriétaires face au dispositif et notamment entre les renouvellements et les nouvelles demandes, toutes les demandes seraient délivrées pour une durée identique inférieure à cinq ans. La délibération prévoirait une procédure de sélection entre les candidats avec des garanties de publicité et de transparence s'appliquant de manière identique aux demandes initiatives et aux renouvellements.

C. La position de la commission - La possibilité de quotas d'autorisations temporaires de changement d'usage : un dispositif à sécuriser

La commission des affaires économiques est favorable à l'instauration facultative de quotas d'autorisations temporaires de changement d'usage. Face à l'intérêt que suscite ce dispositif - Saint-Malo, Val d'Europe et le Grand Annecy ayant pris des délibérations en ce sens, suspendues pour les deux derniers -, il apparaît pertinent de leur donner une base légale solide afin d'épuiser les risques de contentieux.

De plus, les autorisations temporaires de changement d'usage permettent aux élus de disposer d'un outil dynamique pour piloter le nombre de meublés de tourisme sur un territoire, en alternative à une interdiction pure et simple des changements d'usage lorsque la compensation est difficile.

Certaines communes ont souligné à la rapporteure l'intérêt de pouvoir définir une part maximale d'autorisations temporaires de changement d'usage pouvant être délivrées par rapport au parc total de logements - permettant ainsi de fixer des quotas « en pourcentage » et non en valeur absolue, afin de mieux adapter la régulation meublée touristique aux évolutions économiques locales.

Sensible à l'idée de donner aux élus locaux des outils de pilotage « dynamique », la rapporteure a proposé un amendement visant à donner également la possibilité aux communes de déterminer des parts maximales de logements pouvant faire l'objet d'une autorisation de changement d'usage temporaire. Une telle précision au niveau de la loi permettra en outre de sécuriser les futures pratiques des communes et d'épuiser le risque de contentieux.

V. La conformité des autorisations de changement d'usage au bail ou au règlement de copropriété

A. La situation actuelle - L'inconstitutionnalité de subordonner l'autorisation de changement d'usage à une autorisation de la copropriété

À l'instar des autorisations d'urbanisme, les autorisations de changement d'usage sont aujourd'hui délivrées sous réserve du droit des tiers.

Concernant la location meublée touristique, cette situation suscite parfois l'incompréhension de copropriétaires ou bailleurs s'étonnant de voir la commune délivrer des autorisations de changement d'usage de locaux d'habitation vers la location meublée touristique alors même que le bail ou le règlement de copropriété prohibe cette activité. Les bailleurs ou copropriétaires engagent alors des recours contre les autorisations délivrées par la commune.

À la suite de l'adoption de la loi dite « Alur » en 2014, une disposition visant à remédier à cette situation avait été déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel26(*) : elle prévoyait de soumettre à l'accord de l'assemblée générale des copropriétaires toute demande d'autorisation de changement d'usage d'un local destiné à l'habitation aux fins de la location meublée touristique. Le Conseil constitutionnel avait estimé qu'elle méconnaissait les exigences de l'article 2 de la Déclaration de 1789 relatives aux conditions d'exercice du droit de propriété.

Plus récemment, des décisions du juge administratif ont appliqué cette jurisprudence constitutionnelle à des délibérations du conseil municipal :

- le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a suspendu le règlement du 23 février 2023 de l'agglomération du Grand Annecy27(*) en raison notamment d'un motif d'illégalité tiré de ce que les demandeurs des autorisations devaient prouver que le changement d'usage était autorisé par le règlement de copropriété ;

- statuant au fond, le juge administratif du tribunal de Nancy a annulé28(*) la délibération du 29 novembre 2019 modifiant le règlement de la commune de Strasbourg concernant les conditions de délivrance des autorisations de changement d'usage de locaux d'habitation, en ce qu'elle mentionnait que le demandeur de l'autorisation de changement d'usage « bénéficie de l'autorisation écrite de la copropriété » ;

- enfin, par un jugement du 31 janvier 2024, le tribunal administratif de Nice a annulé29(*) un article de la délibération de la commune de Nice qui mentionnait que le propriétaire, au moment du dépôt de leur autorisation de changement d'usage, devait prouver que celui-ci était autorisé dans la copropriété en fournissant « une déclaration sur l'honneur, l'extrait du règlement de copropriété attestant que celui-ci ne s'oppose pas au changement d'usage, à défaut l'accord de la copropriété ». Le tribunal a estimé que cette disposition conduisant à soumettre discrétionnairement cette autorisation à l'accord de l'assemblée générale des copropriétaires alors même que le règlement de la copropriété serait muet à ce sujet, permettant ainsi « à l'assemblée générale des copropriétaires de porter une atteinte disproportionnée aux droits de chacun des copropriétaires en méconnaissance de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ».

Néanmoins, le règlement actuel de la ville de Marseille, auditionnée par la rapporteure, prévoit en son article 10-2 que « Dès lors qu'aucune stipulation contractuelle prévue dans le bail ou le règlement de copropriété ne s'y oppose et que le demandeur bénéficie de l'autorisation écrite de la copropriété, le changement d'usage d'un local d'habitation peut être autorisé à condition que l'activité n'engendre ni nuisance, ni danger pour le voisinage et qu'elle ne conduise à aucun désordre pour le bâti et les parties communes. »

B. Le dispositif envisagé - Une attestation sur l'honneur de la conformité de la demande d'autorisation de changement d'usage au bail ou au règlement de copropriété

L'article 2 a aussi été modifié afin de préciser que les autorisations de changement d'usage sont délivrées « dès lors qu'aucune stipulation contractuelle prévue dans le bail ou le règlement de copropriété ne s'y oppose ».

Cette disposition a été introduite à la suite de l'adoption d'un amendement des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR)30(*).

Afin d'éviter tout risque d'inconstitutionnalité, il insère à l'article 2 une disposition prévoyant que le demandeur de l'autorisation de changement d'usage fournit une déclaration sur l'honneur de la conformité dudit changement d'usage avec le règlement de copropriété ou avec le bail.

C. La position de la commission - Un dispositif aux effets modestes

Les communes auditionnées par la rapporteure ont souligné l'insuffisance d'une déclaration sur l'honneur du demandeur pour assurer la conformité de l'activité de location meublée touristique au bail ou au règlement de copropriété. Néanmoins, un dispositif plus exigeant ne serait pas non plus opérant pour les communes :

- compte tenu de la jurisprudence constitutionnelle, il n'est pas raisonnable pour le législateur de proposer un dispositif exigeant une autorisation de la copropriété : une telle disposition serait susceptible d'être considérée comme contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel, tout comme les délibérations déjà prises en ce sens sont fréquemment annulées par le juge administratif ;

- exiger une copie du règlement de copropriété ou du bail ne semble pas non plus pertinent, une telle disposition revenant à transférer aux communes la charge d'interpréter les clauses du règlement de copropriétés sans pour autant épuiser les contentieux à l'égard des autorisations de changement d'usage délivrées :

i) les règlements de copropriété sont parfois très anciens et difficiles à interpréter ;

ii) la jurisprudence sur la compatibilité des clauses d'habitation bourgeoise avec l'exercice d'une activité meublée touristique est complexe et évolutive : elle dépend notamment de l'assimilation de la location meublée touristique à une activité civile ou à une activité commerciale, elle-même dépendant en partie des caractéristiques de l'activité de location (location d'une résidence principale ou d'une résidence secondaire, présence ou non de prestations de services para-hôteliers, aménagement ou non des parties communes, etc.)

À titre d'exemple, deux arrêts de la Cour de cassation en 2018 et 202031(*) ont ainsi qualifié l'activité de location meublée touristique d'activité commerciale, de ce fait incompatible avec une clause d'habitation bourgeoise. Néanmoins, par un arrêt du 25 janvier 2024, la Cour de cassation a jugé que l'activité de location en meublé de courte durée « qui n'est accompagnée d'aucune prestation de services accessoires ou seulement de prestations mineures » n'est pas de nature commerciale.

iii) enfin, le contrôle de la conformité de l'activité de location meublée touristique avec les règlements et des baux transmis nécessiterait une mobilisation importante de ressources pour les communes.

Dans la situation actuelle, une déclaration sur l'honneur semble donc constituer une solution dont l'utilité n'est pas démontrée mais qui a le mérite de rappeler aux loueurs honnêtes le cadre contractuel de leur bail ou de leur règlement de copropriété. Faute d'alternative, la commission des affaires économiques souhaite donc maintenir cette disposition tout en soulignant l'importance de l'obligation d'information du syndic en cas de location meublée touristique au sein d'un immeuble, prévue par l'article 5 de la présente proposition de loi, qui permettra justement aux copropriétaires d'exercer leurs éventuels recours en temps utile.

VI. Les sanctions pour manquement au régime d'autorisation de changement d'usage

A. Les sanctions pour manquement au régime de l'autorisation de changement d'usage

Les sanctions pour manquement aux dispositions encadrant l'autorisation préalable au changement d'usage sont régies par l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation.

Toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 euros par local irrégulièrement transformé.

Cette amende est prononcée par le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, sur assignation de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat. Le produit de l'amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal judiciaire compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local.

Sur assignation de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat, le président du tribunal ordonne le retour à l'usage d'habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu'il fixe. À l'expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d'un montant maximal de 1 000 euros par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé.

Passé ce délai, l'administration peut procéder d'office, aux frais du contrevenant, à l'expulsion des occupants et à l'exécution des travaux nécessaires.

B. Le dispositif envisagé - Renforcer les sanctions en cas de manquement au régime d'autorisation de changement d'usage

1) Inclure les intermédiaires de location

De nombreuses communes ont souligné que, si les propriétaires sont bien concernées par les amendes civiles mentionnées à l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, les intermédiaires de location ne le sont pas.

Or, de plus en plus d'intermédiaires, y compris des conciergeries, se présentant comme des « professionnels », encouragent les propriétaires à méconnaître les dispositions législatives encadrant le changement d'usage afin d'augmenter leur activité et ainsi percevoir davantage de commissions.

Lors de l'examen en commission, les députés32(*) ont donc souhaité insérer un article L. 651-2-1 au code de la construction et de l'habitation afin de pouvoir condamner toute personne qui se livre ou prête son concours à la commission de l'infraction prévue à l'article L. 651-2, contre rémunération ou à titre gratuit, par une activité d'entremise ou de négociation ou par la mise à disposition de services, à une amende civile pouvant atteindre 50 000 euros par local irrégulièrement transformé.

2) Élargir les personnes publiques pouvant assigner en manquement devant le tribunal judiciaire

Par ailleurs, l'article 2 donne compétence à l'autorité organisatrice de l'habitat et à l'EPCI pour assigner devant le tribunal judiciaire la personne en situation de manquement par rapport au régime de changement d'usage - en sus de la compétence de la commune et de l'Agence nationale de l'habitat (Anah).

C. La position de la commission - Des sanctions bienvenues

La commission des affaires économiques est favorable à l'application aux intermédiaires de location de l'amende civile pour infraction aux autorisations de changement d'usage. De nombreux élus auditionnés ont en effet alerté la rapporteure sur l'existence de conciergeries ou autres intermédiaires se présentant comme « experts » et profitant de la complexité de la réglementation pour inciter les propriétaires à louer leur bien en tant que meublé de tourisme alors même que le règlement municipal ne le permet pas.

VII. La création d'une servitude de résidence principale

A. La situation actuelle - L'absence de cadre juridique malgré les besoins

De nombreux élus locaux auditionnés par la rapporteure ont souligné que les outils en leurs mains pour réguler la location meublée touristique sont insuffisants pour favoriser l'habitat permanent - d'autant plus dans des communes ne souhaitant pas mettre un coup d'arrêt au marché de la location meublée touristique dont le développement de leur tourisme dépend en partie.

Compte tenu de l'atteinte aux conditions d'exercice du droit de propriété que cela entraîne, la délimitation de zones dédiées à la résidence principale n'est pas juridiquement possible à l'heure actuelle pour les communes.

B. Le dispositif envisagé initialement - L'introduction de zones où les constructions nouvelles sont dédiées à l'usage habitation

Le texte initial introduisait également une possibilité pour les communes d'encadrer, dans le plan local d'urbanisme, l'usage des nouvelles opérations de construction situées dans les zones urbaines et à urbaniser afin de les destiner exclusivement à l'usage d'habitation et de les soumettre au régime d'autorisation de changement d'usage.

C. Les modifications apportées à l'Assemblée nationale - L'introduction d'une servitude de résidence principale

Lors de l'examen en commission, les rapporteurs ont modifié l'article 2 afin d'introduire de nouveaux articles L. 151-14 et suivants au code de l'urbanisme, créant une nouvelle « servitude de résidence principale ».

Le règlement d'urbanisme pourrait ainsi délimiter, dans les zones urbaines et à urbaniser, des secteurs dans desquels toutes les constructions nouvelles de logements sont à usage exclusif de résidence principale.

Cette délimitation serait possible selon deux critères :

- lorsque les résidences secondaires représentent plus de 20 % du nombre total d'immeubles à usage d'habitation ;

- ou lorsque dans le périmètre du règlement d'urbanisme, est applicable la taxe annuelle sur les logements vacants mentionnée à l'article 232 du code général des impôts (c'est-à-dire que le périmètre inclut des communes situées en zone tendue) - ce second critère ayant été introduit lors de l'examen en séance publique afin d'élargir le champ des communes concernées.

La définition de critères et d'une délimitation stricts poursuit l'objectif de proportionner le dispositif, notamment au regard de l'atteinte aux conditions d'exercice du droit de propriété qu'il entraîne.

Cette servitude de résidence principale pour les constructions nouvelles doit faire l'objet d'une mention expresse dans toute promesse de vente, tout contrat de vente ou de location ou tout contrat constitutif de droits réels, à peine de nullité.

Ainsi, compte tenu de l'obligation d'occuper ces nouvelles constructions en tant que résidence principale, seule la location meublée touristique dans la limite de cent vingt jours par année civile, conformément au IV de l'article L. 324-1-1 du code de tourisme, serait autorisée.

Des sanctions sont prévues en cas de méconnaissance de cette servitude d'urbanisme. Un article L. 481-4 est ainsi inséré au chapitre Ier du titre VIII du livre IV du code de l'urbanisme permettant au maire de mettre en demeure le propriétaire d'un logement occupé en méconnaissance de la servitude de résidence principale de régulariser la situation - après avoir invité l'intéressé à présenter ses observations.

Le délai de mise en demeure ne peut excéder un an et peut être prorogé pour une durée maximale d'un an compte tenu des difficultés de l'intéressé à s'exécuter. Il peut assortir la mise en demeure d'une astreinte d'un montant ne pouvant dépasser 1 000 euros par jour de retard, dans la limite de 100 000 euros au total.

Enfin, la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est modifiée afin de prévoir que la méconnaissance de cette servitude de résidence principale, faisant l'objet d'une clause dans le bail, entraîne la résiliation de plein droit du bail.

D. La position de la commission - Un dispositif bienvenu dont le caractère opérationnel et l'effectivité du contrôle doivent être renforcés

La commission est favorable à la création de cet outil aux mains des maires.

Pour des raisons opérationnelles et tenant aussi à l'intelligibilité de la norme, la rapporteure a néanmoins proposé que les critères permettant d'instaurer ce zonage soient les mêmes dans toutes les communes de France : dans la rédaction issue de l'examen par les députés, seules les communes dont le taux de résidences secondaires est supérieur à 20 % peuvent le mettre en oeuvre, alors que les communes situées en zones tendues sont également concernées sur le reste du territoire. Bien qu'en pratique, toutes les communes de zone tendue de Corse aient un taux élevé de résidences secondaires, il n'est pas exclu que ce taux évolue.

La commission a également souhaité renforcer l'effectivité de cette obligation d'occupation exclusive à titre de résidence principale en prévoyant que le maire puisse mettre en demeure non seulement le propriétaire, mais aussi le locataire, de régulariser la situation. Il s'agit d'éviter que le propriétaire ne pâtisse de manière injustifiée du comportement fautif de son locataire, d'autant plus que la mise en demeure du maire peut être assortie d'une astreinte dont les sommes peuvent atteindre 100 000 euros en tout. Enfin, afin de permettre effectivement la régularisation de la situation, la rapporteure a proposé d'inclure les cas de non-respect par le locataire de l'obligation d'occupation exclusive à titre de résidence principale dans la liste des clauses pouvant faire l'objet d'une résiliation de plein droit du bail prévue à l'article 4 de la loi du 6 juillet 1989.

Au total, la commission des affaires économiques a adopté neuf amendements, dont sept à l'initiative de la rapporteure :

- un amendement COM-51 visant à garantir la sécurité juridique de la preuve de l'usage d'habitation d'un local tout en facilitant l'apport de la preuve en ne la restreignant pas à la date précise du 1er janvier 1970 ;

- un amendement COM-52 visant à sécuriser le dispositif d'extension aux personnes morales de l'autorisation temporaire de changement d'usage en permettant aux seules communes qui le souhaitent d'appliquer le régime d'autorisation temporaire aux personnes morales, évitant ainsi tout effet d'aubaine lié au contournement des obligations de compensation dans les communes où elles existent ;

- un amendement COM-56 visant à permettre aux communes de définir des quotas d'autorisations temporaires en fonction du nombre total de logements - et donc en pourcentage - afin de tenir compte de certaines pratiques et demandes de communes souhaitant pouvoir piloter de manière dynamique les autorisations de location meublée touristique ;

- un amendement COM-53 de coordination juridique ;

- un amendement COM-40 de M. Salmon visant à abaisser de 20 % à 15 % le taux de résidences secondaires permettant aux communes de délimiter des zones à occupation exclusive de résidence principale ;

- un amendement COM-54 visant à donner la possibilité aux communes corses de définir des zones où les constructions nouvelles sont dédiées à l'usage d'habitation dans les mêmes conditions que les communes de métropole, en retenant également un critère de situation dans une zone tendue ;

- un amendement COM-57 visant à renforcer l'effectivité de l'obligation d'occupation exclusive à titre de résidence principale d'un logement faisant l'objet d'une servitude de résidence principale, en prévoyant notamment que son non-respect par le locataire entraîne la résiliation de droit du bail par le propriétaire ;

- un amendement COM-17 de Mme Billon et M. Retailleau permettant aux communes métropolitaines insulaires de définir des quotas d'autorisations temporaires de changement d'usage sur l'ensemble de leur territoire et non au sein de zones délimitées par une délibération ;

- un amendement COM-55 fixant l'entrée en vigueur de l'article 2 au 15 septembre 2024 afin de donner rapidement aux élus qui le souhaitent la possibilité de mettre en oeuvre les outils proposés et d'éviter tout effet d'aubaine lié à une entrée en vigueur différée à une date trop tardive, le tout sans remettre en cause les locations prévues cet été.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 3
Modification du régime fiscal applicable à la location meublée touristique

L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des finances.

Lors de sa réunion, la commission des finances a adopté l'amendement COM-37 de son rapporteur M. Jean-François Husson.

La commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 4 (supprimé)
Suppression de la double déductibilité des amortissements
dans le cadre du régime fiscal de la location meublée non professionnelle

L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des finances.

Lors de sa réunion, la commission des finances a adopté l'amendement de suppression COM-38 de son rapporteur M. Jean-François Husson.

La commission a supprimé l'article 4.

Article 5 (non modifié)
Information du syndic des copropriétaires en cas de déclaration
et d'enregistrement d'un lot comme meublé de tourisme

Cet article vise à créer une obligation d'information du syndic et des copropriétaires lorsqu'un logement est transformé en meublé de tourisme et fait l'objet d'une déclaration préalable soumise à enregistrement à cette fin.

L'article a été adopté sans modification.

I. La situation actuelle - L'absence d'obligation d'information

Dans une copropriété, le propriétaire d'un logement ou éventuellement son locataire, s'il y est autorisé, n'a aucune obligation d'information des autres copropriétaires sur l'usage qu'il fait de son bien dans la mesure où celle-ci est conforme au règlement de copropriété.

De ce fait, il est complexe pour les copropriétaires de disposer dans les délais de recours des informations sur les meublés de tourisme dans leur copropriété ainsi que de recueillir la preuve des faits s'ils veulent intenter une action en justice contre un meublé de tourisme.

En revanche, les propriétaires ont des obligations déclaratives à l'égard de la commune ou peuvent être dans l'obligation de demander une autorisation (cf. commentaire des articles 1er A, 1er bis et 2).

En effet, l'article 9 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis dispose que : « Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ».

Par ailleurs, l'article 8 de la même loi précise que : « Un règlement conventionnel de copropriété (...) détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance. (...) Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation ».

À cette fin, le règlement de copropriété spécifie habituellement l'affectation et la destination des lots privatifs. Il peut ainsi contenir des clauses dites « d'habitation bourgeoise », strictes ou non, autoriser ou interdire l'exercice des professions libérales ou des activités commerciales.

Au cours des dernières années, des copropriétaires ont esté en justice à l'encontre d'autres copropriétaires qui exploitaient un meublé de tourisme sur le fondement de ces clauses. La jurisprudence n'est pas stabilisée mais tend à les interpréter de manière libérale.

La Cour de cassation a ainsi jugé (Cass 3e civ, 8 juin 2011, n° 10-15 891) que « devait être réputée non écrite la clause du règlement de copropriété soumettant la possibilité de louer son lot en meublé à l'autorisation de l'assemblée générale dès lors que l'exercice de professions libérales était permis expressément dans l'immeuble » estimant que les deux activités entraînaient des nuisances identiques.

Pour autant, la même 3e chambre civile a jugé à plusieurs reprises que la mise en location meublée, au-delà de 120 jours, avait un caractère commercial incompatible avec une clause d'occupation bourgeoise (8 mars 2018, n° 14-15 864 et 27 février 2020, n° 18-14 305).

Mais, récemment, la 3e chambre civile de la Cour de cassation, lors d'un arrêt du 25 janvier 2024, est venue préciser que la caractérisation de la nature commerciale de l'activité relevait de l'appréciation du juge du fond au cas par cas et n'était pas automatique. Elle a considéré qu'un meublé de tourisme n'était une activité commerciale que s'il proposait des services para-hôteliers, permettant à la plupart des meublés de tourisme de ne pas être en violation de la clause bourgeoise33(*). Elle confirmait ainsi un mouvement de jurisprudence des juges du fond en ce sens (Nice, Grenoble, Lisieux...).

Si les dispositions du règlement de copropriété ne permettent pas de faire cesser l'activité de meublé de tourisme au sein d'une copropriété, il est possible d'intenter une action en justice sur la base de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965 en invoquant des troubles anormaux de voisinage.

La Cour de cassation a pu rappeler que « nul ne doit créer à autrui un trouble anormal de voisinage » (Cass. 2e civ., 19 nov. 1986, n° 84-16 379) et celui-ci peut être constitué même si l'activité est conforme à la destination de l'immeuble. Selon l'ampleur des désagréments, un copropriétaire ou l'ensemble du syndicat peut porter plainte.

Il pourrait en être ainsi des activités de meublés de tourisme en raison des allées et venues des locataires des meublés, des dégâts aux parties communes, du bruit occasionné par exemple à l'occasion de fêtes tardives et répétées.

II. Le dispositif envisagé et les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale

A. Au stade de la commission

L'article 5 ne figurait pas dans la rédaction initiale de la proposition de loi. Il résulte de l'adoption de l'amendement CE68 de M. Stéphane Peu et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, après avis de sagesse des rapporteurs et un avis défavorable du Gouvernement.

Le dispositif envisagé introduit une obligation d'information des copropriétaires sur l'existence de meublés de tourisme au sein de leur copropriété, qui ne faisaient jusqu'alors l'objet d'aucune communication.

L'article prévoit que tout propriétaire, ou éventuellement locataire autorisé, doit informer le syndic que son lot fait l'objet d'une déclaration préalable de transformation en meublé de tourisme en application de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme, sachant que l'article 1er A de la proposition de loi dispose que tous les meublés de tourisme feront désormais l'objet d'une telle déclaration préalable. À noter, au regard de la jurisprudence, que cette disposition inclut les résidences principales louées en meublé moins de 120 jours par an.

Le syndic aura alors la charge d'organiser un point d'information relatif à l'activité de location de meublés touristiques au sein de la copropriété lors de la prochaine assemblée générale.

Les auteurs ont souligné que cet article pourra limiter les conflits entre copropriétaires en levant l'anonymat du loueur, qui sera dès lors incité à prendre toutes les mesures nécessaires afin de limiter les nuisances, prenant l'exemple de fiches d'information pour les occupants ou de communiquer un numéro d'urgence pour le syndic. En revanche, une association de propriétaires de meublés de tourisme a souligné le fait que cette disposition serait à même d'encourager la stigmatisation des propriétaires au sein des immeubles voire d'encourager les conflits.

Dans un second temps, l'intention des auteurs est aussi de faciliter les procédures judiciaires intentés par les copropriétaires contre les meublés de tourisme notamment parce que la jurisprudence estime qu'une commune n'est pas fondée à refuser l'autorisation de changement d'usage sur le fondement d'un règlement de copropriété qui est un contrat auquel elle n'est pas partie et qui est un acte de droit privé34(*).

B. Au stade de la séance publique

Cet article a fait l'objet de l'amendement n° 71 des rapporteurs avec pour objet de supprimer la disposition, qui prévoyait que le syndic procède à l'affichage, dans les parties communes de l'immeuble, d'une information concernant les meublés de tourisme ayant fait l'objet d'une déclaration préalable.

Les rapporteurs ont considéré qu'il pourrait s'agir d'une atteinte à la vie privée dans le sens où cette obligation d'affichage concernait également les résidences principales qui faisaient l'objet d'une location quelques jours dans l'année. Ils ont ainsi voulu sécuriser juridiquement un dispositif par ailleurs équilibré et consensuel.

IV. La position de la commission

Partageant l'objectif d'améliorer l'information sur l'existence de meublés de tourisme au sein de la copropriété, la commission a approuvé le principe de l'obligation pour un opérateur de meublé de tourisme d'en informer le syndic, ainsi que l'organisation d'un point d'information lors de l'assemblée générale qui suit.

La rédaction issue de l'Assemblée nationale se révèle ainsi équilibrée entre le souhait d'une meilleure information et par là même d'un meilleur contrôle et d'éviter au moins deux écueils clairement établis par la jurisprudence :

- le changement d'usage d'un lot de copropriété pour le transformer en meublé de tourisme ne peut pas être soumis à une décision de l'assemblée générale (cf. DC n° 2014-691 du 20 mars 2014 censurant l'article 631-7-1 B issu de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové) ;

- seuls les copropriétaires, ou le syndicat, sont fondés à se plaindre des nuisances ou du non-respect du règlement de copropriété par l'un d'entre eux car il s'agit d'une relation contractuelle à laquelle la commune n'est pas partie.

La commission a donc adopté l'article sans modification.


* 1 L'Union nationale pour la promotion de la location touristique (UNPLV) estime que 251 communes avaient mis en oeuvre cette déclaration avec enregistrement en 2023.

* 2 Règlement dit STR, en cours de négociation au niveau européen.

* 3 Loi non promulguée à date de la publication du rapport.

* 4 Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

* 5 Article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation.

* 6 Décret n° 2023-822 du 25 août 2023 modifiant le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l'article 232 du code général des impôts.

* 7 Modifié par le décret n° 2019-1325 du 9 décembre 2019.

* 8 Sous-amendement CE188 de M. Jean-Félix Acquaviva, M. Benjamin Saint-Huile et M. Jean-Louis Bricout.

* 9 Article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation.

* 10 Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-190 du 23 décembre 1986.

* 11 Amendement CE88.

* 12 Loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique.

* 13 Conformément au décret du 11 juin 2021 n° 2021-757.

* 14 Amendement CE80 sous-amendé par le sous-amendement CE187 du Gouvernement.

* 15 Amendement CE59

* 16 Article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation.

* 17 Article L.631-9 du code de la construction et de l'habitation.

* 18 Liste de communes figurant en annexe du décret du 25 août 2023 mentionné au I de l'article 232 du code général des impôts.

* 19 Amendements identiques CE178 des rapporteurs et CE161 de M. Antoine Armand et des membres du groupe Renaissance.

* 20 Ibid.

* 21 Cass. Civ IIII : 7.9.23.

* 22 Amendements identiques CE34 de M. Stéphane Delautrette et des membres du groupe Socialistes et apparentés et CE78 de M. Antoine Armand et des membres du groupe Renaissance.

* 23 « Tout local ayant un usage d'habitation depuis le 1er janvier 1970 inclus conserve cet usage sauf autorisation ultérieure mentionnée au quatrième alinéa du présent article. ».

* 24 Amendements CE81 de M. Antoine Armand et de membres du groupe Renaissance, CE101 de M. Jean-Félix Acquaviva et des membres du groupe LIOT et CE150 de M. Xavier Roseren (RE).

* 25 Amendement CE177.

* 26 Décision n° 2014-691 DC du 20 mars 2014, Loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.

* 27 Décision du 11 juillet 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble.

* 28 Décision du 25 avril 2023 du tribunal administratif de Nancy, Nos 2002 980, 2002 982 et 2003 217.

* 29 Décision du 31 janvier 2024 du tribunal administratif de Nice, N° 2104 077.

* 30 Amendement CE69.

* 31 3e Chambre civile de la Cour de cassation du 8 mars 2018 (RG n° 14-15 864) et du 27 février 2020 (RG n° 18-14.305).

* 32 Plusieurs amendements de M. Stéphane Delautrette et des membres du groupe Socialistes et apparentés, de M. Stéphane Peu et des membres du groupe GDR, de M. Antoine Armand et des membres du groupe Renaissance de M. Christophe Plassard et des membres du groupe Horizons et apparentés, de M. Jean-Félix Acquaviva et des membres du groupe LIOT.

* 33 Cour de cassation, troisième chambre civile, 25 janvier 2024, n° 22-21.455.

* 34 Tribunal administratif de Strasbourg, 4e chambre, 15 juin 2023, n° 2301 395.

Partager cette page