N° 743

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
relative aux
résultats de la gestion et portant approbation des comptes
de l'année 2024,

Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,

Sénateur

TOME II
CONTRIBUTION DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 11c
Écologie, développement et mobilité durables

(Programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie »)

BUDGET ANNEXE : CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS

Rapporteur spécial : M. Vincent CAPO-CANELLAS

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson,
rapporteur général ;
MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet,
M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel,
Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient,
Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138

Sénat : 718 (2024-2025)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. En France, l'évolution du trafic aérien est marquée par une forte disparité entre les vols internationaux dont le trafic a dépassé le niveau constaté en 2019 et les vols intérieurs pour lesquels le trafic reste atone et 20 % inférieur à son niveau d'avant crise. Les difficultés rencontrées par le trafic intérieur et la desserte des territoires risquent d'être amplifiées par l'augmentation massive et inédite de la fiscalité sur le transport aérien appliquée depuis le mois de mars 2025.

2. En 2024, les recettes du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) ont poursuivi leur progression à la faveur de la reprise du trafic pour atteindre le niveau record de 2,5 milliards d'euros, en hausse de 8 % par rapport à 2023 et supérieur de 15 % par rapport à la situation d'avant-crise.

3. À la faveur d'un niveau de recettes historique, en 2024, la direction générale de l'aviation civile (DGAC) a été en mesure d'accélérer son désendettement.

4. Le nouveau protocole social de la DGAC contribue déjà à accroître le montant des charges de personnel du BACEA.

5. Si le rapporteur s'était résolu par pragmatisme à soutenir la conclusion du dernier protocole social de la DGAC malgré son coût significatif, il souligne à quel point sa mise en oeuvre sera déterminante et devra éviter les habituels blocages s'agissant du volet performance et productivité. À plus long terme une réflexion visant à mettre en oeuvre une réforme plus structurelle de la DGAC et du contrôle aérien français devra permettre d'éviter la lourdeur des processus actuels et donner de l'agilité aux contrôleurs, aux électroniciens et permettre une meilleure performance dans la gestion du trafic aérien.

6. Tumultueuse, coûteuse et sans fin, la modernisation de la DSNA est à nouveau compromise par un conflit social regrettable sur le site du centre en-route de la navigation aérienne (CRNA) de Bordeaux. Il est urgent que la situation de blocage actuelle soit résolue tant elle menace de paralyser l'indispensable rattrapage technologique du contrôle aérien français, principal pourvoyeur de minutes de retard de vols en Europe. La crédibilité de la DSNA, y compris auprès des décideurs politiques, tout particulièrement en cette période de très forte contrainte budgétaire, souffrirait immanquablement d'une nouvelle dérive de la modernisation du contrôle aérien.

7. Afin de pouvoir tirer profit des profondes restructurations qu'il a réalisé, Météo-France a besoin de stabilité.

8. L'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) est englué dans une crise budgétaire à l'issue incertaine. Le financement de ses missions de base souffre d'un déficit structurel de 15 millions d'euros.

9. Alors que la pérennité financière de l'opérateur était menacée à court terme et que ses tutelles ne parvenaient pas à résoudre la situation, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, par souci de responsabilité, le rapporteur, en concertation avec sa collègue Christine Lavarde, a trouvé le moyen de financer une hausse de 5 millions d'euros de la subvention pour charges de service public (SCSP) 2025 de l'IGN par une mesure d'économies réalisée sur le programme 345 « Service public de l'énergie ».

10. Pour autant, la situation de l'opérateur est encore loin d'être stabilisée et une réflexion plus structurelle sur la viabilité économique à long terme de son modèle doit absolument être conduite avec ses tutelles. Il est regrettable qu'une telle initiative n'ait pas été prise plus tôt. Il n'est pas acceptable que sur ce dossier, chaque année, jusqu'aux ultimes discussions relatives à l'examen de la loi de finances, tous les acteurs se retrouvent « au pied du mur » à se regarder « en chiens de faïence ».

11. Si le Cerema semble bénéficier d'une nouvelle dynamique en lien notamment avec son nouveau statut de quasi-régie conjointe entre l'État les collectivités, des menaces sérieuses pèsent sur sa soutenabilité budgétaire.

I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DU BUDGET ANNEXE « CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS » (BACEA) EN 2024

A. LES RECETTES DU BACEA ONT ATTEINT UN NIVEAU HISTORIQUE DANS UN CONTEXTE D'ÉVOLUTION CONTRASTÉE DU TRAFIC AÉRIEN

1. Une évolution du trafic aérien contrastée et une desserte des territoires menacée par une hausse inédite de la fiscalité

D'après les données de l'association du transport aérien international (IATA), en 2024, au niveau mondial, le trafic aérien a dépassé de 3,8 % son niveau de 2019 situation de référence qui prévalait avant le déclenchement de la crise sanitaire de la COVID 19.

En France, le trafic a presque retrouvé en 2024 son niveau de 2019 (à 99 %). Cependant, cette analyse globale cache des disparités importantes et notamment les difficultés structurelles rencontrées par les vols intérieurs dont le trafic reste en 2024, très inférieur à son niveau d'avant crise (80 %). La baisse de trafic la plus prononcée concerne les liaisons radiales entre Paris et les aéroports de province. En effet, sur ces lignes, le niveau de trafic constaté en 2024 ne représente que 72 % de celui observé en 2019.

Comme il l'avait souligné lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, le rapporteur est très préoccupé par les conséquences potentiellement très néfastes sur le trafic intérieur, les aéroports de province et la desserte des territoires, notamment ultra-marins, de l'augmentation massive et inédite de la fiscalité sur le transport aérien appliquée depuis le mois de mars dernier. Plus globalement, cette augmentation massive des tarifs de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA), tout particulièrement ciblée sur les vols intérieurs et les billets en classes économiques, aura nécessairement des effets négatifs sur l'emploi, l'attractivité touristique du territoire et le tissu économique.

2. Le BACEA en 2024 : des recettes qui ont atteint un niveau inédit et des dépenses réduites en cours d'année pour participer à l'atténuation du dérapage massif des finances publiques

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion
pendant l'exercice 2024

(en millions d'euros)

 

LFI 20241(*)

Reports entrants

Décret d'annulations

LFFG2(*)

FDC / ADP

Total crédits disponibles

Total crédits consommés

Pourcentage d'exécution des crédits

613- Soutien aux prestations de l'aviation civile

1 559,8

4,8

- 10,0

- 18,0

0,2

1 536,7

1 517,1

98,7 %

612- Navigation aérienne

652,9

21,3

- 8,0

- 15,5

15,2

665,9

650,7

97,7 %

614 Transports aériens, surveillance et certification 

50,3

1,6

- 2,0

- 2,8

8,2

55,4

53,3

96,2 %

Total BACEA

2 263,0

27,7

- 20,0

- 36,3

23,6

2 258,0

2 221,0

98,4 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En loi de finances initiale (LFI) pour 2024 des crédits de 2,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 2,3 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) avaient été adoptés pour le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA). Ces montants ont été majorés d'environ 50 millions d'euros par des reports et l'attribution de crédits de fonds de concours.

Les dépenses du BACEA ont par ailleurs été réduites en cours de gestion pour 43,8 millions d'euros en AE et 56,3 millions d'euros en CP3(*) afin de contribuer à l'effort général d'atténuation de la dégradation inédite du déficit public.

Ainsi, le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits a procédé à l'annulation de 20 millions d'euros de CP.

La loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024 a mis en oeuvre une nouvelle annulation de crédits à hauteur de 23,8 millions d'euros en AE et 36,3 millions d'euros de CP.

Les annulations de dépenses effectives (crédits de paiement) en cours de gestion ont ainsi représenté 2,4 % du total des crédits ouverts en 2024. Elles ont principalement porté, pour 28 millions d'euros, sur le programme support 613. Le programme 612 qui porte notamment les crédits des programmes de modernisation des outils du contrôle aérien a quant à lui vu ses CP être réduits de 23,3 millions d'euros.

Au cours de la gestion, les taux de consommation des crédits se sont élevés à 92,2 % pour les AE et 98,4 % pour les CP.

Évolution des crédits du BACEA 2023-2024

(en millions d'euros)

Programme

Exécution 2023

LFI 20244(*)

Total crédits disponibles 2024

Exécution 2024

Variation exécution 2024/2023

(en %)

612 « Navigation aérienne »

AE

610,3

836,2

912,5

729,3

+ 19,5 %

CP

608,4

652,9

665,9

650,7

+ 7,0 %

613 « Soutien aux prestations de l'aviation civile »

AE

1 455,5

1 566,5

1 550,2

1 534,5

+ 5,4 %

CP

1 447,7

1 559,8

1 536,7

1 517,1

+ 4,8 %

614 « Transports aériens, surveillance et certification »

AE

52,3

48,5

56,8

54,7

+ 4,6 %

CP

49,1

50,3

55,4

53,3

+ 8,6 %

Total

AE

2 118,1

2 451,2

2 519,5

2 318,5

+ 6,3 %

CP

2 105,2

2 263,0

2 258,0

2 221,0

+ 5,5 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2024, les recettes du BACEA ont poursuivi leur progression à la faveur de la reprise du trafic pour atteindre le niveau record de 2,5 milliards d'euros, en hausse de 8 % par rapport à 2023 et supérieur de 15 % par rapport à la situation d'avant-crise.

Recettes annuelles totales du BACEA5(*)
(2018-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2024, les redevances de navigation aérienne ont représenté 76 % des recettes du BACEA.

Principales recettes du BACEA en 2024

(en millions d'euros)

 

Exécution 2023

LFI 2024

Exécution 2024

Variation exécution 2024/ LFI 2024

Variation exécution 2024 / exécution 2023

Redevances de route

1 518,8

1 554,0

1 592,9

+ 2,5 %

+ 4,9 %

RSTCA-M

227,4

252,8

248,3

- 1,8 %

+ 9,2 %

RSTCA-OM et redevance océanique

47,9

45,0

51,7

+ 14,9 %

+ 7,9 %

Redevances de surveillance et de certification

26,7

27,1

30,7

+ 13,3 %

+ 15,0 %

Taxe de l'aviation civile

484,6

511,3

542,7

+ 6,1 %

+ 12,0 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2024, les sommes perçues par le BACEA au titre des redevances de navigation aérienne ont augmenté de 6 % par rapport à 2023, pour s'établir à 1,9 milliard d'euros, soit un niveau supérieur de 21 % au montant constaté en 2019.

Variation du montant de redevances aériennes perçu par le BACEA
entre 2018 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le rendement du tarif de l'aviation civile6(*) a quant à lui augmenté de 58 millions d'euros (+ 12 % en un an) pour atteindre 543 millions d'euros en 2024.

Évolution des rendements de taxe d'aviation civile entre 2009 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. À la faveur d'un niveau de recettes historique, en 2024, la DGAC a été en mesure d'accélérer son désendettement

En 2024, à la faveur d'un niveau de recettes perçues historique, le BACEA a été en mesure d'accélérer la résorption de la dette massive qu'il a contractée durant les années de crise. Pour la première fois depuis le déclenchement de la crise sanitaire, le BACEA n'a pas eu recours à l'emprunt en 2024. Aussi, la dette du budget annexe a-t-elle reflué de 372 millions d'euros au cours de l'exercice pour s'établir à 2 milliards d'euros au 31 décembre 2024. L'objectif poursuivi par la DGAC est de réduire l'encours de dette du BACEA à moins de 1,5 milliard d'euros à l'horizon 2027.

Évolution de l'encours de dette du budget annexe de 2008 à 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. Le nouveau protocole social de la DGAC contribue déjà à accroître le montant des charges de personnel du BACEA

Le schéma d'emploi positif de 28 ETP prévu pour l'année 2024 a été respecté en exécution. Ainsi, en 2024, les effectifs du BACEA se sont-ils établis à 10 251 ETPT.

Si, au coeur de la crise sanitaire, les effectifs de la DGAC, y compris des contrôleurs aériens, avaient été réduits7(*), la dynamique de recrutement de contrôleurs a été relancée depuis 2024 en raison d'une part de la reprise du trafic aérien et, d'autre part, d'une vague de départs à la retraite qui doit intervenir à la fin de la décennie 2020. Du fait de ce contexte et de la période de formation des contrôleurs aériens qui s'étale sur cinq ans, la DGAC a élaboré avec la direction du budget une trajectoire pluriannuelle d'évolution de ses effectifs jusqu'en 2027.

En 2024, les dépenses de personnel du BACEA ont augmenté de 5 % (58 millions d'euros) pour s'établir à 1 317 millions d'euros, soit 59 % du total de ses dépenses. Cette progression s'explique notamment par l'application en année pleine de mesures nationales décidées par le Gouvernement en 2023 pour réévaluer le traitement des fonctionnaires dans un contexte de forte inflation8(*).

Une partie de cette hausse résulte également des premiers effets du nouveau protocole social9(*) que la DGAC a conclu avec trois organisations syndicales représentatives de ses personnels au printemps 2024. En effet, comme le rapporteur a pu le préciser dans un rapport d'information qu'il a présenté en octobre 202410(*), les mesures catégorielles prévues par ce protocole auront pour conséquence, lorsqu'elles auront été mises en oeuvre dans leur ensemble, à horizon 2027, de majorer de façon pérenne les charges de personnel du BACEA d'environ 100 millions d'euros par an.

Dans ce même rapport d'information, le rapporteur avait néanmoins observé qu'à la différence des accords antérieurs, ce protocole prévoyait, en contrepartie des mesures catégorielles coûteuses consenties, de réels dispositifs visant à améliorer la performance du contrôle de la navigation aérienne en France. Pour autant, si le rapporteur s'était résolu par pragmatisme à soutenir la conclusion de ce dernier accord tant ces pratiques restent à ce jour ancrées dans les représentations de la DGAC et des contrôleurs, il souligne à quel point sa mise en oeuvre sera déterminante et devra éviter les habituels blocages s'agissant du volet performance et productivité. À plus long terme une réflexion visant à mettre en oeuvre une réforme plus structurelle de la DGAC et du contrôle aérien français devra permettre d'éviter la lourdeur des processus actuels et donner de l'agilité aux contrôleurs, aux électroniciens et permettre une meilleure performance dans la gestion du trafic aérien. Cette réforme aurait pour vocation de rendre autonome la direction des services de la navigation aérienne (DSNA), un modèle d'organisation extrêmement majoritaire en Europe.

3. Tumultueuse, coûteuse et sans fin, la modernisation des outils de la DSNA est à nouveau compromise
a) Des programmes à 2,4 milliards d'euros qui ont accumulé retards et surcoûts

La majeure partie des dépenses d'investissements du BACEA (210 millions d'euros en 2024) relèvent du programme 612 « Navigation aérienne » qui porte notamment les crédits alloués aux programmes de modernisation des outils du contrôle aérien.

L'évolution des dépenses d'investissement entre 2013 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Dans un rapport d'information de juin 202311(*), le rapporteur spécial a mis en lumière le fait qu'en termes d'investissements, « la DSNA se trouve actuellement, et pour au moins encore quelques années, dans une phase critique dans laquelle elle doit tout à la fois assumer le coût financier des dérives constatées sur ses différents programmes de modernisation, assurer leur aboutissement, anticiper les projets de modernisation à venir et combler des années de sous-investissement dans des infrastructures aujourd'hui en situation d'obsolescence avérée ».

Dans ce contexte, au cours de l'année 2023, la DGAC a négocié auprès de la direction du budget une trajectoire d'investissements nettement réévaluée à compter de l'année 2024. Celle-ci comprend notamment les coûts prévisionnels de la transition du programme 4-Flight vers un système mutualisé (à travers un nouveau programme de modernisation technologique baptisé « 4-Flight révolution ») et les investissements nécessaires pour remédier à l'obsolescence de certaines infrastructures de la DSNA.

Comme il avait pu le préciser lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, le rapporteur estime que cette revalorisation de la trajectoire d'investissements de la DSNA était nécessaire. Les perturbations extrêmement significatives du trafic aérien les 18 et 19 mai 2025 qui ont résulté de dysfonctionnements de l'imagerie radar sur le site de l'aéroport d'Orly témoignent tant du vieillissement et de la complexité de l'architecture informatique de la DSNA que de l'état d'obsolescence de certaines de ses infrastructures ainsi que des conséquences particulièrement néfastes qu'elles sont susceptibles de provoquer.

Pour résorber son retard technologique par rapport à ses homologues européens, la DSNA poursuit depuis de nombreuses années des programmes de modernisation de ses outils de contrôle de la navigation aérienne. Le rapporteur l'a souligné et en a décrit les causes dans son rapport d'information précité de juin 2023 : la conception et le déploiement de ces projets ont été marqués par des dérapages considérables, que ce soit en termes de délais ou de surcoûts. Le rapporteur a évalué à environ un milliard d'euros les surcoûts constatés sur les programmes les plus significatifs.

Évolution des coûts d'investissement
des programmes 4-Flight, Coflight et Sysat

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les annexes budgétaires aux lois de finances

Le coût total des programmes de modernisation du contrôle aérien actuellement en cours de développement et/ou de déploiement atteint environ 2,4 milliards d'euros. Sur ce montant, 770 millions d'euros, dont 305 millions d'euros pour le seul projet « 4-Flight révolution », resteront encore à décaisser dans les années à venir.

Coût des programmes techniques de modernisation
du contrôle de la navigation aérienne

(en millions d'euros)

Programme

Durée du programme

Coût total fin 2024 (en CP)

Coût total programme après 2024 (en CP)

Coût total programme

4-Flight

2011-2026

856,3

42,7

899,0

4-Flight Révolution

2024-2030

36,4

305,6

342,0

Coflight

2003-2025

286,7

16,4

303,1

Sysat

2012-2032

153,2

276,8

430,0

NVCS12(*)

2012-2027

82,0

36,8

118,8

CATIA

2020-2025

16,2

21,3

37,5

Seaflight

2012-2029

28,3

36,7

65,0

E-CDM13(*)

2012-2029

66,0

48,0

114,0

AIM14(*)-SEPIA15(*)

2017-2029

24,2

20,8

45,0

Total

-

1 549,3

768,4

2 354,4

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le rapporteur observe, non sans une certaine inquiétude, que les budgets prévisionnels de quatre programmes sont marqués par de nouveaux surcoûts substantiels. Il s'agit des programmes NVCS, Seaflight, E-CDM et AIM-SEPIA. Conjugué au gel regrettable du déploiement du programme 4-Flight (voir infra), cette situation lui fait craindre un retour aux travers qu'il avait dénoncé dans ses précédents rapports et qui ont tant fragilisés la DSNA et sa capacité à délivrer un service performant aux acteurs du transport aérien. Un tel recul serait lourd de menaces pour le contrôle aérien français.

Ainsi, en 2024, le coût total du programme NVCS a-t-il été réévalué de 19,2 millions d'euros (soit + 19,3 %) pour s'établir à 118,8 millions d'euros. Critique, le programme NVCS consiste en la modernisation du système de communications vocales de sécurité des centres en route de la navigation aérienne (CRNA), c'est-à-dire les communications radio entre les contrôleurs chargés du trafic de survol et les pilotes. Malgré l'importance de cette augmentation rapportée au coût total du programme, le rapporteur regrette qu'aucune explication n'ait été fournie aux parlementaires et aux citoyens dans le rapport annuel de performances du programme 612.

Le programme Seaflight consiste en la modernisation des outils du contrôle aérien en outre-mer. En 2024, son coût total a plus que doublé, passant de 31 à 65 millions d'euros. D'après les informations figurant dans le rapport annuel de performance, cette hausse a une double origine. D'une part, la prolongation de quatre années du programme, jusqu'en 2029, et, d'autre part, l'intégration dans ce programme d'autres projets liés aux outils du contrôle aérien en outre-mer.

Le programme E-CDM regroupe un ensemble de projets visant à développer des solutions collaboratives pour optimiser la gestion des flux du trafic aérien. En 2024, le coût total prévisionnel de ce programme a été réévalué de 30 millions d'euros (soit + 35,2 %) sans que là encore aucune explication ne soit précisée dans le rapport annuel de performances.

Le programme AIM-SEPIA comprend plusieurs projets relatifs à l'amélioration des informations aéronautiques. Le coût total de ce programme a augmenté de 10,2 millions d'euros (soit + 29,3 %) en raison d'importantes difficultés rencontrées dans sa mise en oeuvre, d'une sous-estimation de certaines contraintes et de certaines charges ainsi que de la nécessité, compte tenu du retard pris par le programme de la prolongation des coûts liés au maintien en condition opérationnelle (MCO) des systèmes existants. Le rapport annuel de performances du programme 612 précise ainsi que « des difficultés techniques sont apparues lors des opérations de déploiement du nouveau système SEPIA sur le site opérationnel fin 2023 et un retard majeur sur le planning a été acté ». Il ajoute que « la charge liée à la migration du volume de données à reprendre en format numérique n'avait pas été suffisamment prise en compte dans le périmètre et l'impact du standard SWIM pour les échanges, mal connu, avait été sous-évalué ».

Évolution du coût prévisionnel total de quatre programmes de la DSNA
entre 2023 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

b) La modernisation des outils du contrôle aérien se trouve menacée par un conflit social regrettable qui compromet encore une fois ce chantier de déploiement aussi coûteux qu'interminable

Véritable « porte étendard » de la modernisation des outils du contrôle aérien, symbole de la volonté de ce dernier de raccrocher le wagon de ses homologues européens en comblant une part de son retard technologique et véritable test de crédibilité pour la DSNA, la finalisation du déploiement de 4-Flight dans les cinq centres en route de la navigation aérienne (CRNA) français d'ici l'hiver 2026-202716(*) devait également démontrer que cette direction en avait fini avec ses errements organisationnels passés qui avaient engendrés les retards et les surcoûts précités.

Dans son rapport d'information de juin 2023, le rapporteur voulait croire en cette évolution salutaire d'une DSNA qui semblait enfin prête à réaliser son aggiornamento. Il avait parfaitement conscience que l'achèvement du déploiement de cet outil dans le respect des délais prévus dans le nouveau calendrier avait valeur de test pour cette direction. Un nouvel accroc risquait de saper l'amorce de réforme qu'elle semblait avoir engagée.

La perspective du déploiement d'une seule et même version de 4-Flight dans tous les CRNA apparaissait en elle-même comme révolutionnaire au regard des pratiques passées de la DSNA. Elle était symbolique de l'annonce d'un revirement stratégique de cette direction qui portait notamment en lui un objectif de convergence et d'harmonisation des systèmes entre les différents centres, le renoncement à la logique du « sur-mesure » ainsi que la volonté de mettre un terme au phénomène de sur-spécification pour, à terme, une fois son retard technologique comblé, et notamment en perspective de « l'après 4-Flight », inscrire l'effort de modernisation de la DSNA dans de véritables feuilles de routes industrielles partagées avec des prestataires de service de la navigation aérienne (PSNA) étrangers.

Or, c'est avec regret et inquiétude que le rapporteur a eu connaissance d'une remise en cause du calendrier de déploiement de 4-Flight liée à un conflit social qui a éclaté au sein du CRNA de Bordeaux, l'un des deux derniers centres en-route, avec le CRNA de Brest, à ne pas encore être doté de cet outil. Ce conflit social entre les ingénieurs électroniciens du CRNA de Bordeaux et la DSNA s'est durci jusqu'à l'atteinte d'un point de rupture en mars dernier entraînant le gel des opérations de déploiement de cet outil dans ce centre pour une durée de six mois. Si elle n'est pas réglée très vite, cette situation est susceptible d'occasionner un nouveau retard d'un à deux ans minimums du déploiement d'une version unique de 4-Flight dans les cinq CRNA français ouvrant enfin la voie à un décommissionnement du très ancien et très coûteux système qui prévalait à ce nouvel outil : Cautra.

Il est urgent que la situation de blocage actuelle soit résolue tant elle menace de paralyser l'indispensable rattrapage technologique du contrôle aérien français, sans quoi pourrait s'aggraver dangereusement la performance médiocre qui le caractérise actuellement et qui en fait le principal pourvoyeur de minutes de retard de vols en Europe. L'intérêt supérieur du contrôle de la navigation aérienne en France et plus généralement du transport aérien doit être remis au centre des débats et contribuer à apaiser les tensions afin de trouver une porte de sortie à cette crise. La crédibilité de la DSNA en Europe de même qu'auprès des décideurs politiques en France, tout particulièrement en cette période de très forte contrainte budgétaire, souffrirait immanquablement d'une nouvelle dérive du programme le plus emblématique de la modernisation du contrôle aérien.

II. LE PROGRAMME 159 « EXPERTISE, INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET MÉTÉOROLOGIE » DE LA MISSION « ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES »

Le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » regroupe les subventions pour charges de service public (SCSP) de Météo France, de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et du Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) ainsi que les moyens du commissariat général au développement durable (CGDD).

Les crédits autorisés par LFI pour 2024 sur ce programme s'élevaient à 515,6 millions d'euros (AE = CP).

Alors que la réserve de précaution du programme 159 s'élevait initialement à 9,5 millions d'euros, le décret du 21 février 2024 précité a procédé à une annulation de 11,2 millions d'euros de ses crédits. D'après les éléments communiqués par l'administration au rapporteur, cela a notamment conduit à des annulations de crédits sur les SCSP de Météo-France, l'IGN et le Cerema pour respectivement 4,1 millions d'euros, 2,4 millions d'euros et 3,5 millions d'euros.

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion
pendant l'exercice 2024

(en millions d'euros)

Expertise, information géographique et météorologie

LFI 2024

Reports entrants

Décret d'annulations

LFFG

Mouvements réglementaires

FDC / ADP

Total crédits disponibles

Total crédits consommés

Pourcentage d'exécution des crédits

Crédits de paiement

515,6

1,0

-11,2

-

0,2

-

505,5

503,6

99,6 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

A. MÉTÉO-FRANCE : UN BESOIN DE STABILITÉ POUR TIRER LES DIVIDENDES DE RÉFORMES AMBITIEUSES

La trajectoire de diminution constante (près de 20 % en dix ans) de la subvention pour charges de service public (SCSP) versée à Météo France s'était inversée en 2023. Cette inversion s'est confirmée en 2024. Ainsi, entre 2022 et 2024, la SCSP de l'opérateur s'est-elle appréciée de 12 % pour atteindre 194 millions d'euros. Cette augmentation doit cependant être nuancée dans la mesure où les années 2023 et 2024 ont été marquées par plusieurs dispositifs décidés au niveau national pour majorer le traitement des fonctionnaires qui ont eu un effet inflationniste significatif sur les charges de personnel de l'opérateur.

Évolution de la SCSP versée à Météo-France (2013-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En ajoutant la dotation de l'État destinée à contribuer au financement de ses supercalculateurs le programme 159 a au total alloué 202,8 millions d'euros à Météo-France en 2024.

L'année 2023 avait également concrétisé une inflexion dans la trajectoire d'évolution des effectifs de l'établissement. En effet, après plus de dix ans d'une constante diminution, l'opérateur avait alors connue une augmentation de 23 ETP. Cette tendance a été confirmée en 2024, année au cours de laquelle les effectifs de Météo-France ont progressé de 25 ETP. Ainsi, en 2024, Météo-France comptait 2 565 ETPT sous plafond et 59 ETPT hors plafond.

Évolution du plafond d'emploi fixé à Météo-France (2013-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Après avoir baissé de plus de 10 % en dix ans, la masse salariale de l'opérateur était repartie à la hausse en 2023 sous l'effet de l'augmentation du point d'indice de la fonction publique et d'autres mesures salariales décidées par le Gouvernement. Son montant s'est stabilisé en 2024 à un niveau de 248 millions d'euros.

Évolution de la masse salariale de Météo-France (2013-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La réduction des effectifs de l'opérateur et la contraction de sa SCSP s'étaient inscrites dans le cadre d'une restructuration profonde de son réseau territorial. Entamée en 2012, cette restructuration, achevée en 2022, a conduit à une contraction de 66 % des implantations territoriales de Météo-France.

Dans un rapport de 202117(*), le rapporteur spécial avait souligné que la poursuite de la trajectoire budgétaire de l'opérateur n'était plus tenable compte-tenu des efforts significatifs déjà réalisés depuis dix ans et des défis exigeants qui se dressent devant Météo-France, en particulier du fait des conséquences des dérèglements climatiques sur les phénomènes météorologiques extrêmes. Aussi, le rapporteur spécial avait formulé la recommandation de stabiliser les moyens financiers et les effectifs de l'opérateur à compter de 2023 et sur l'ensemble de la période de son nouveau contrat d'objectifs et de performance (2022-2026). Il a déjà eu l'occasion de se féliciter que cette inflexion, qu'il avait appelée de ses voeux, se soit effectivement concrétisée et qu'elle ne soit pas, à ce jour remise en cause, en dépit d'un contexte marqué par de très lourdes contraintes budgétaires.

B. L'IGN EST ENGLUÉ DANS UNE CRISE BUDGÉTAIRE À L'ISSUE TOUJOURS INCERTAINE

Dans un rapport d'information qu'il avait présenté au mois de novembre 202218(*), le rapporteur s'était notamment penché sur les perspectives financières de l'IGN à l'aune de son nouveau modèle économique le rendant très dépendant de grands programmes principalement financés par des directions d'administrations centrales. Il s'était alors ému de la fragilité financière de ce modèle et craignait la survenance d'un phénomène de « trou d'air », c'est-à-dire l'insuffisance de grands programmes commandés par les directions et des financements qui vont avec. Dans cette hypothèse, la viabilité économique de l'opérateur se trouverait remise en cause à brève échéance.

Il a eu la mauvaise surprise de constater que l'impasse financière est même survenue plus rapidement qu'il ne l'avait envisagée. En effet, dès la fin de l'année 2023, l'établissement s'est retrouvé confronté à une situation de très forte tension budgétaire. En raison d'une prévision de trésorerie négative à horizon de la fin de l'année 2024, l'opérateur se retrouvait dans l'incapacité de faire adopter un budget par son conseil d'administration pour cet exercice. À l'époque, l'établissement estimait encore que ses difficultés n'étaient que conjoncturelles, résultant de difficultés à percevoir des promesses de financements faites par certaines directions centrales.

Pour sortir de cette impasse, à l'initiative du rapporteur, la loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023 avait prévu une réévaluation de 4 millions d'euros de la SCSP de l'IGN, un montant par la suite intégré de façon pérenne, via une opération de rebasage, dans la dotation annuelle versée à l'établissement.

Cependant, la situation constatée à la fin de l'année 2023 s'est révélée en réalité n'être que « l'arbre qui cachait la forêt ». Un rapport de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) de juillet 2024 a en effet dressé le constat d'une situation financière plus alarmante encore et d'une impasse financière, non pas seulement conjoncturelle mais structurelle.

Selon un phénomène de « cavalerie budgétaire », les ressources perçues en avance à partir de 2021 pour financer de grands projets et le volume de trésorerie exceptionnel qui en a temporairement résulté ont masqué un déficit structurel du financement des activités de base de l'établissement. Ce déficit s'est même fortement aggravé à partir de 2022, notamment depuis la mise à disposition gratuite des données publiques produites par l'établissement et la diminution de recettes qui en a résulté. Il a également été amplifié par l'augmentation substantielle des coûts de production des activités de base de l'IGN ces dernières années. Ainsi, en 2024, l'IGEDD évaluait-elle à 15 millions d'euros le déficit structurel de financement des missions de base de l'IGN.

Cette situation d'impasse, reconnue et admise par l'ensemble des acteurs, compromettait gravement le vote par son conseil d'administration et l'exécution d'un budget en 2025. Dans ces conditions, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2025 et des contraintes budgétaires considérables qui lui étaient inhérentes, le rapporteur a multiplié les contacts avec l'ensemble des parties prenantes de ce dossier, notamment la direction de l'IGN et ses tutelles ainsi que les cabinets ministériels concernés. Cependant, il a été au regret de constater que, malgré le constat partagé d'une impasse, la dilution des responsabilités ne permettrait pas de faire émerger une solution, même temporaire, pour assurer la survie financière de l'opérateur à court-terme.

Aussi, par souci de responsabilité, en concertation avec sa collègue Christine Lavarde, le rapporteur a-t-il pris l'initiative d'un amendement visant à réévaluer de 5 millions d'euros la SCSP de l'IGN en 2025 en contrepartie de la réalisation d'une économie budgétaire équivalente sur le programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Cet amendement a été retenu dans le texte final de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.

Pour autant, la situation de l'opérateur est encore loin d'être stabilisée et une réflexion plus structurelle sur la viabilité économique à long terme de son modèle doit absolument être conduite avec ses tutelles. Le rapporteur regrette vivement qu'une telle initiative n'ait pas été prise plus tôt. Il n'est pas acceptable que sur ce dossier, chaque année, jusqu'aux ultimes discussions relatives à l'examen de la loi de finances, tous les acteurs se retrouvent « au pied du mur » à se regarder « en chiens de faïence ».

C. CÉRÉMA : UNE DYNAMIQUE RETROUVÉE MAIS UNE SOUTENABILITÉ BUDGÉTAIRE FRAGILISÉE

Dans le cadre du programme de contrôle 2025 de la commission des finances, le rapporteur conduit actuellement une mission sur le Cerema. Il précisera notamment son analyse de la situation et des perspectives financières du Cerema à l'occasion de la présentation prochaine des conclusions de ses travaux.

Après une diminution continue depuis la création de l'établissement, la trajectoire de la SCSP du Cerema a été infléchie à partir de 2023. En deux ans, elle a ainsi progressé de 3 % (6 millions d'euros) pour atteindre 193 millions d'euros. Toutefois, cette augmentation doit être relativisée du fait des mesures exogènes imposées à l'opérateur, décidées par le Gouvernement ou par son ministère de tutelle, qui ont, sur la même période, conduit à majorer significativement les charges de personnel de l'établissement. D'après le Cerema, le cumul de ces mesures représenterait ainsi plus de 10 millions d'euros par an dont 7,7 millions d'euros pour les seules augmentations du point d'indice de la fonction publique en 2022, puis en 2023.

Évolution de la SCSP versée au Cerema (2014-2024)

(en milliers d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Après une diminution continue depuis la création de l'établissement, les effectifs du Cerema avaient été stabilisés en 2023. Notamment à l'initiative d'un amendement déposé par le rapporteur, la loi de finances initiale pour 2024 avait prévu une augmentation de 25 ETP des effectifs de l'opérateur. Cependant, d'après le rapport annuel de performance du programme 159, au cours de l'exercice, l'établissement a sur-exécuté de presque 100 % ce schéma d'emplois, augmentant ses effectifs à hauteur de 49 ETP.

Évolution du plafond d'emploi du Cerema et de son exécution (2015-2024)

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'article 159 de loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale dit loi « 3DS », a ouvert la voie à une nouvelle ère et à un nouveau modèle économique pour l'opérateur. La loi a prévu de faire de l'établissement un outil partagé entre l'État et les collectivités territoriales à travers un dispositif juridique dit de « quasi-régie conjointe ». Ce modèle permet aux collectivités qui font le choix d'adhérer d'attribuer au Cerema des marchés publics par simple voie conventionnelle, sans application des obligations de publicité et de mise en concurrence exigées par le code de la commande publique.

Le nouveau modèle du Cerema semble susciter une réelle dynamique et plus de 1 000 collectivités ont adhéré à ce jour. L'une des conséquences attendues de cette réforme est un accroissement des ressources propres perçues par le Cerema. Déjà engagée avant la réforme statutaire de l'établissement, cet accroissement s'est poursuivi en 2024, année au cours de laquelle il a encaissé 51 millions d'euros de ressources propres, contre 47 millions d'euros en 2023. Sur ce montant, 21 millions d'euros provenaient des collectivités territoriales contre 15 millions d'euros en 2023.

Dans un contexte budgétaire extrêmement contraint, la loi de finances pour 2025 a prévu une baisse significative des moyens du Cerema. Face à cette situation, à l'automne 2024, via une motion, le conseil d'administration de l'établissement avait réagi d'une façon inhabituellement virulente pour alerter sur les perspectives financières très fragiles de l'opérateur. Il avait alors notamment souligné le fait que l'établissement ne serait en mesure d'équilibrer son budget en 2025 qu'en prélevant sur la trésorerie fléchée du programme « ponts », dédié à accompagner les petites communes dans les opérations d'entretien de leurs ouvrages d'art.

Il va sans dire que cette situation, qui relève ici encore d'une forme de « cavalerie budgétaire », ne peut être durable. Le rapporteur développera son analyse de cette situation préoccupante à l'occasion de la présentation des conclusions de sa mission de contrôle précitée.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction des services de la navigation aérienne

- M. Frédéric GUIGNIER, directeur des services de la navigation aérienne.

Syndicat Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) des ingénieurs électronicien des systèmes de la sécurité aérienne (IESSA)

- M. William FIACRE, secrétaire général du syndicat UNSA IESSA.


* 1 Hors prévisions de fonds de concours et attributions de produits.

* 2 Loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023.

* 3 Soit 2,5 % de la totalité des CP ouverts en 2024.

* 4 Y compris prévisions de fonds de concours et attributions de produits.

* 5 Hors emprunts.

* 6 Ancienne taxe de l'aviation civile.

* 7 En 2022, le schéma d'emplois de la DGAC avait ainsi représenté - 72 ETP.

* 8 Il s'agit notamment de la hausse du d point d'indice et la majoration de 5 points de l'ensemble des grilles.

* 9 Qui concerne la période 2023-2027.

* 10 DGAC : après des protocoles sociaux coûteux, enfin une vraie réforme ? Rapport d'information n° 5 (2024-2025) fait au nom de la commission des finances sur les protocoles sociaux, l'organisation du travail des personnels de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) et la performance du contrôle aérien français, par M. Vincent Capo-Canellas, octobre 2024.

* 11 Rapport d'information n° 758 (2022-2023) fait au nom de la commission des finances sur les programmes de modernisation de la navigation aérienne 4-Flight, Co-Flight et Sysat par M. Vincent Capo-Canellas, juin 2023.

* 12 Pour « New Voice Communication System ».

* 13 Pour « extended collaborative decision making ».

* 14 Pour « aeronautical information management ».

* 15 Projet visant à créer une nouvelle base de données d'information aéronautique.

* 16 Un calendrier qui, après de nombreux dérapages et plus de dix années de retard, avait encore été reporté d'un an supplémentaire en 2024.

* 17 « Temps instable sur Météo-France : quand le refroidissement budgétaire se confronte au réchauffement climatique », rapport d'information n° 840 (2020-2021) de M. Vincent Capo-Canellas, fait au nom de la commission des finances, septembre 2021.

* 18 Acteur de référence de la donnée géolocalisée souveraine, l'IGN avance sur un chemin à baliser, rapport d'information n° 17 (2022-2023) de M. Vincent Capo-Canellas, fait au nom de la commission des finances, novembre 2022.

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