N° 743

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
relative aux
résultats de la gestion et portant approbation des comptes
de l'année 2024,

Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,

Sénateur

TOME II
CONTRIBUTION DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 14
Enseignement scolaire

Rapporteur spécial : M. Olivier PACCAUD

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson,
rapporteur général ;
MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet,
M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel,
Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient,
Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138

Sénat : 718 (2024-2025)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. En 2024, les dépenses de la mission interministérielle « Enseignement scolaire » se sont élevées à 86,56 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 86,4 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Les crédits sont très légèrement sous-consommés, à hauteur de 99,4 % en AE et de 99,3 % en CP.

2. Les crédits de la mission « Enseignement scolaire » ont subi une augmentation particulièrement forte de 5,6 % en exécution entre 2023 et 2024, soit une hausse de 4,4 milliards d'euros.

3. Près de 534 millions d'euros ont été annulés en gestion, dont 692 millions d'euros au titre du décret d'annulation du 21 février 2024, alors que des ouvertures ont été opérées.

4. Les dépenses de personnel en particulier ont augmenté de 8,3 % entre 2023 et 2024, en raison essentiellement de la revalorisation inconditionnelle des enseignants et des assistants d'élèves en situation de handicap (AESH), qui a occasionné une hausse des dépenses de 1,367 milliard d'euros.

5. Les crédits alloués à l'école inclusive ont augmenté de 11,1 % entre 2023 et 2024, et pour atteindre 2,92 milliards d'euros. Ils ont été multipliés par plus de trois en 10 ans, suscitant des interrogations sur la soutenabilité budgétaire de cette politique.

6. La sous-consommation des dépenses liées à la formation des personnels atteint 1,2 milliard d'euros. Un tel niveau interroge d'une part sur la sincérité de la programmation budgétaire, et d'autre part sur le sens d'une telle prévision.

7. Le Parlement ne dispose pas de suffisamment d'informations pour suivre la programmation et l'exécution par action de 10,3 milliards d'euros de dépenses.

La mission « Enseignement scolaire » comporte six programmes :

- le programme 140 - « Enseignement scolaire public du premier degré » ;

- le programme 141 - « Enseignement scolaire public du second degré » ;

- le programme 230 - « Vie de l'élève » ;

- le programme 139 - « Enseignement privé du premier et du second degrés » ;

- le programme 214 - « Soutien de la politique de l'éducation nationale » ;

- le programme 143 - « Enseignement technique agricole ».

I. UNE LÉGÈRE SOUS-EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2024

En 2024, en tenant compte de la contribution au CAS (compte d'affectation spéciale) « Pensions », les dépenses de la mission interministérielle « Enseignement scolaire » se sont élevées à 86,56 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 86,40 milliards d'euros en crédits de paiement (CP).

A. UNE SOUS-CONSOMMATION DES CRÉDITS PAR RAPPORT À LA PRÉVISION EN LFI, EN RAISON DU DÉCRET D'ANNULATION

1. Près de 627 millions d'euros non consommés

À l'échelle de la mission, l'exécution est globalement conforme aux prévisions votées en loi de finances initiale (LFI). Les crédits semblent légèrement sous consommés, à hauteur de 99,4 % en AE et de 99,3 % en CP. La sous-exécution représente toutefois un montant élevé de 564 millions d'euros en AE et de 627 millions d'euros en CP, par rapport aux prévisions votées en LFI. En incluant les ouvertures et les annulations de crédits intervenues au cours de l'année, le taux de consommation de la mission « Enseignement scolaire » s'élève à 99,5 % en AE et à 99,9 % en CP.

Évolution des crédits de la mission « Enseignement scolaire » en 2024

(en millions d'euros et en pourcentage)

AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. Prévision : prévision en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Comme les années précédentes, des disparités selon les programmes peuvent être observées. Le programme 230 « Vie de l'élève » fait l'objet d'une sous-consommation de ses crédits de 2,4 % en AE et de 2,1 % en CP. Contrairement aux années précédentes, le programme 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale » est le plus largement sur-exécuté, à hauteur de 3,9 % en AE.

Ainsi, ce sont près de 194 millions d'euros en CP qui n'ont pas été consommés sur le programme 140 « Enseignement scolaire public du premier degré », 181 millions d'euros sur le programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré » et 167 millions d'euros sur le programme 230 « Vie de l'élève ».

Décomposition de la sous-consommation
de la mission « Enseignement scolaire » par programme en 2024

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'exécution est également variable selon la nature des dépenses : les CP ont été consommés à 94,9 % sur les dépenses hors titre 2, et à 99,6 %1(*) sur les dépenses de titre 2. Les dépenses de personnel représentent toutefois 93 % des crédits de la mission.

En excluant les dépenses liées au CAS « Pensions », les dépenses s'élèvent en 2024 à 64,3 milliards d'euros en AE et à 64,1 milliards d'euros en CP. Ce sont 187 millions d'euros qui ne sont pas consommés en AE et 250 millions d'euros en CP. La contribution au CAS « Pensions » a été surestimée en LFI 2024 de 377 millions d'euros.

2. L'annulation de 534 millions d'euros en gestion
a) Des mouvements de gestion particulièrement importants, contrairement aux années précédentes

Comme beaucoup de missions du budget de l'État, la mission « Enseignement scolaire » a subi des mouvements règlementaires d'annulation ayant eu lieu en 2024, compte tenu de la dégradation des finances publiques. Le décret2(*) d'annulation du 21 février 2024, ainsi que la loi3(*) de finances de fin de gestion de 2024, ont conduit à l'annulation de 534 millions d'euros en CP au total.

Il s'agit d'une différence par rapport aux années précédentes, les mouvements de gestion étant généralement faibles sur la mission « Enseignement scolaire ». Ils s'étaient ainsi élevés à 255,9 millions d'euros en CP, soit 0,3 % des crédits de la mission, en 2023.

Décomposition des mouvements de gestion
de la mission « Enseignement scolaire » en 2024

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La loi de finances de fin de gestion, en particulier, a supprimé près de 128 millions d'euros, dont 112 millions d'euros sur les dépenses de personnel du programme 141 « Enseignement scolaire du second degré ».

La sous-consommation des crédits par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale est due dans une large mesure à la sous-exécution des dépenses de formation, comme développé plus bas dans le rapport, ainsi qu'à la sous-exécution du schéma d'emplois de 2024. La sous-consommation des mesures du Pacte enseignant est également pour partie responsable de la sous-exécution des crédits.

De tels niveaux de sous-consommation sont inacceptables et témoignent de l'insincérité des prévisions budgétaires présentées aux Parlementaires en loi de finances initiale.

b) Près de 692 millions d'euros annulés par décret

Le décret4(*) du 21 février 2024 en particulier a entrainé l'annulation de 692 millions d'euros sur la mission enseignement scolaire, soit 0,8 % des crédits de la mission, CAS « Pensions » inclus.

Répartition des annulations de crédits opérés par le décret d'annulation
entre les programmes de la mission « Enseignement scolaire »

(en millions d'euros, en pourcentage et en CP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les annulations ont porté à 37,8 % sur le programme 230 « Vie de l'élève », pour un montant de 262 millions d'euros, à 20 % sur le programme 140 « Enseignement scolaire public du premier degré », représentant 138 millions d'euros, et à 17,9 % sur le programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré », représentant 123 millions d'euros.

Toutefois, concernant le programme 230 « Vie de l'élève », grâce à la loi de finance de fin de gestion précitée, près de 139 millions d'euros en AE et en CP ont été ouvertes sur les dépenses de titre 2 sur la période, tandis que 299,43 millions d'euros ont été annulés sur les dépenses hors titre 2, portant le total des annulations sur le programme 230 « vie de l'élève » à 167 millions d'euros.

Les crédits annulés par le décret précité portent essentiellement sur les dépenses de personnel, à hauteur de 69,2 %.

Répartition des annulations de crédits opérés par le décret d'annulation
par titre de la mission « Enseignement scolaire »

(en pourcentage et en CP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'annulation de 692 millions d'euros sur la mission « Enseignement scolaire » deux mois après le vote de la loi de finances initiale au Parlement n'est pas acceptable interroge sur les prévisions initiales de dépenses. Une annulation de cette ampleur aurait dû faire l'objet d'un vote au Parlement, par exemple au moyen d'une loi de finances rectificative.

Par ailleurs, il faut noter que malgré ces annulations, les crédits de la mission ont quand même été sous-exécutés de 93 millions d'euros en CP, malgré des réouvertures de crédits en gestion. Au total, ce sont 534 millions d'euros qui n'ont pas été consommés par rapport aux prévisions en loi de finances initiale. On peut donc en déduire qu'il existe des marges d'économies sur la mission « Enseignement scolaire », puisque le Gouvernement a pu opérer ces annulations. Dans un contexte contraint pour les finances publiques, des pistes d'économies peuvent être explorées.

B. DES CRÉDITS EN HAUSSE PAR RAPPORT À 2023

Les crédits de la mission « Enseignement scolaire » sont en hausse par rapport à 2023. En incluant le CAS « Pensions », ils ont augmenté de 4,572 milliards d'euros en AE et de 4,369 milliards d'euros en CP.

La hausse des crédits est de 4,077 milliards d'euros en AE et de 3,874 milliards d'euros en CP en excluant les dépenses liées au CAS « Pensions ».

Évolution des dépenses exécutées sur la mission « Enseignement scolaire »
entre 2023 et 2024, en excluant les dépenses liées au CAS « Pensions »

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La hausse des dépenses est portée par :

- le programme 230 « Vie de l'élève », à hauteur de 1,3 milliard d'euros, représentant une hausse de 44 % des crédits du programme. L'augmentation des dépenses est essentiellement portée par l'action 3 « inclusion scolaire des élèves en situation de handicap » (voir infra) ;

- le programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré », à hauteur de 1,363 milliard d'euros, représentant une hausse de 5,5 % des crédits du programme ;

- le programme 140 « Enseignement scolaire public du premier degré, à hauteur de 1 milliard d'euros, représentant une augmentation de 6,1 % des crédits du programme.

L'augmentation des crédits des programmes 140 et 141 est liée à la hausse des dépenses de personnel associée à l'effet en année pleine de la revalorisation salariale décidée en 2023 (voir infra).

À noter, par ailleurs, que l'exécution des crédits de la mission « Enseignement scolaire » en 2024 respecte la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 20275(*), qui prévoyait un montant plafond de crédits de 64,2 millions d'euros.

II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. UNE HAUSSE DES CRÉDITS LIÉS AUX REVALORISATIONS SALARIALES

1. Une sous-consommation persistante du plafond d'emplois révélant le manque d'attractivité de la profession...

En 2024, le plafond d'emplois global de la mission a progressé, pour la quatrième année consécutive, de 3,4 % représentant 34 973 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Cette hausse est principalement due au programme 230 « Vie de l'élève », le nombre d'emplois prévu sur ce programme augmentant de 45 % entre 2023 et 2024, soit une hausse de 32 930 ETPT. En effet, la LFI pour 2024 anticipait le transfert prévisionnel sur le titre 2 de 21 322 ETPT d'AESH, qui étaient jusqu'alors rémunérés sur les crédits d'intervention du programme. La hausse du plafond d'emplois en LFI 2024 correspond à une création nette de postes de 1 594 ETPT.

Évolution de la consommation des emplois par rapport aux plafonds fixés
en lois de finances initiales et rectificatives

(en ETPT)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Le niveau des emplois est pourtant sous-consommé, avec un taux de 99,5 % des prévisions en LFI 2024, représentant une sous-consommation de 5 690 ETPT, dont 2 201 ETPT sur le programme 140 « Enseignement public du premier degré » et 1 585 ETPT sur le programme 141 « Enseignement public du second degré ». Le niveau des emplois réellement consommés augmente par rapport à 2023, où seul 98,2 % du plafond d'emplois avait été consommé.

Décomposition de la sous-exécution des ETPT
par rapport à la prévision en LFI 2024

(en ETPT)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Cette sous-exécution est liée au manque d'attractivité de la filière enseignante et de la filière des AESH, même si les difficultés de recrutement des enseignants s'atténuent ainsi légèrement en 2024 par rapport à 2023. Le nombre d'inscriptions et d'admissions aux concours d'enseignement demeure inférieur aux chiffres de la session 2021, malgré une hausse par rapport à la session 2022. Pour pallier ce déficit d'emplois, la part des enseignants contractuels augmente structurellement de 4,3 % des enseignants en 2015 à 6,8 % en 2024.

2. ... malgré une hausse significative des crédits dédiés aux salaires

L'augmentation des dépenses de personnel, s'élevant à 8,3 % entre 2023 et 2024, se décompose en plusieurs facteurs. La majeure partie est portée par les mesures catégorielles de revalorisation des personnels, qui impliquent une hausse des dépenses de 2,45 milliards d'euros. En effet, des revalorisations des enseignants et des assistants d'élèves en situation de handicap (AESH) ont été décidées en septembre 2023. Cette mesure intègre également la hausse du taux de promotion à la hors classe des enseignants à la rentrée 2024 (pour un total de 0,8 million d'euros).

Facteurs d'évolution de la dépense de personnel en 2024

(en millions d'euros et en CP)

GVT : glissement vieillesse-technicité. La contribution au CAS « Pensions » n'est pas prise en compte.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Ainsi sont comprises dans les mesures catégorielles :

- la revalorisation des enseignants décidée en septembre 2023, qui comprend un doublement des primes statutaires, en particulier de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves et de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves, portant leur montant annuel brut à 2 550 euros. Elle se traduit aussi par l'ouverture de la prime d'attractivité aux enseignants stagiaires et par la hausse significative des montants pour les professeurs relevant des échelons 2 à 7 de la classe normale, ainsi que par des mesures d'accélération de carrière (meilleure reprise de l'expérience antérieure lors de la nomination dans le corps, hausse du taux de promotion à la hors classe en 2023 et 2024 etc.). La revalorisation des enseignants couvre un coût de 1,241 milliard d'euros pour 2024. En année pleine, la revalorisation des enseignants aura représenté un coût de 1,856 milliard d'euros ;

- la revalorisation décidée en septembre 2023 des AESH a représenté un coût de 126,7 millions d'euros. La grille indiciaire des AESH a été revue et une indemnité de fonction a été créée, représentant 1 529 euros bruts annuels. Les AESH référents bénéficient également d'une hausse de 10 % de leur indemnité de référence. Au total, entre juin et septembre 2023, la rémunération des AESH progresse de 10 % ;

l'octroi de 5 points d'indice majoré brut au 1er janvier 2024 par décret6(*) du 23 juin 2023 a représenté un coût pour la mission « Enseignement scolaire » de 349 millions d'euros ;

- le Pacte enseignant représente 542 millions d'euros de dépenses en 2024, soit une consommation de 84 % des crédits initialement prévus s'élevant à 627 millions d'euros. Le dispositif a en effet été gelé en avril 2024, suite au décret d'annulation. Le Pacte enseignant n'a par ailleurs pas suscité l'adhésion espérée par le ministère de l'éducation nationale : ainsi, seuls 30 % des enseignants auraient adhéré à une « brique » du Pacte (au lieu de 30 % d'adhésion à l'ensemble des « briques », comme anticipé par le Gouvernement).

Enfin, les mesures générales comprennent essentiellement la hausse du point de la fonction publique de 1,5 % décidée en juillet 2023 par le décret du 23 juin 2023 précité.

Si ces hausses de salaire sont bienvenues pour renforcer l'attractivité des professions de l'enseignement scolaire, elles représentent toutefois un coût sensible pour les finances publiques de 4,48 milliards d'euros en un an, soit un montant particulièrement élevé dans un cadre budgétaire contraint.

B. UNE BUDGÉTISATION INITIALE INSINCÈRE, PARTICULIÈREMENT CONCERNANT LES CRÉDITS LIÉS À LA FORMATION

1. Des crédits liés à la formation très fortement sous consommés

Comme les années précédentes, la sous-consommation des dépenses liées à la formation des enseignants (action 4 du programme 140, action 10 du programme 141 et action 10 du programme 139) s'élève à 1,194 milliard d'euros. Cette sous-consommation des crédits consacrés à la formation des personnels s'est encore accentuée en 2024, en augmentant de 8 %. Il s'agit toutefois d'une tendance pérenne depuis 2018.

Évolution de la sous-exécution des dépenses liées à la formation des enseignants entre 2017 et 2024

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Comme le relève par ailleurs la Cour des comptes, les documents budgétaires ne permettent pas de distinguer entre les crédits destinés à la formation initiale des enseignants de ceux destinés à la formation continue, réduisant ainsi les capacités de suivi des moyens réellement engagés au regard des actions programmées lors de l'élaboration de la loi de finances. Dans le contexte de la réforme de la formation initiale des enseignants annoncée en avril 2024 par le Président de la République, l'absence d'une telle distinction est particulièrement préjudiciable.

De telles disparités de consommation des crédits entre les actions d'un même programme se reproduisent année après année. Elles doivent impérativement être corrigées au stade de la loi de finances pour permettre à la représentation nationale de voter sur des prévisions conformes à la réalité de l'exécution des dépenses.

2. Une budgétisation insincère globalement

L'information dont dispose la représentation parlementaire sur la ventilation des crédits pour certaines actions au sein des programmes de la mission « Enseignement scolaire » est insincère. Le Parlement n'est ainsi pas en mesure de suivre, au stade de la LFI, la répartition de dépenses s'élevant à 10,3 milliards d'euros en CP, soit près de 16 % des crédits de la mission hors contribution au « CAS Pensions ». En effet, soit les crédits sont sur-consommés, soit ils sont-consommés sur les actions concernées. Des transferts sont opérés d'une action à l'autre, ce qui limite la lisibilité de la maquette budgétaire pour les Parlementaires.

Ainsi, au niveau du programme 140 « Enseignement scolaire public du premier degré », la sous-consommation des crédits s'élève à seulement 193 millions d'euros. Toutefois, ce constat cache une disparité importante entre les actions composant le programme : ainsi les crédits de l'action 2 « Enseignement élémentaire » sont sur-exécutés à hauteur de 597 millions d'euros, alors que les crédits consacrés à la formation des enseignants sont sous-consommés à hauteur de 615 millions d'euros.

Différence entre la prévision en LFI 2024 et l'exécution de certains programmes de la mission « Enseignement scolaire »

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

De même, au niveau du programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré », la sous-consommation des crédits s'élève à seulement 118 millions d'euros. Néanmoins, les crédits liés à l'action 2 « Enseignement général et technologique en lycée » ont été sur-exécutés de 1 737 millions d'euros et ceux liés à l'action 11 « remplacement » de 480 millions d'euros. À l'inverse, les crédits de l'action 5 « Enseignement post-baccalauréat en lycée » ont été sous-exécutés de 1,09 milliard d'euros, ceux liés à l'action 3 « Enseignement post-baccalauréat en lycée » de 916 millions d'euros et ceux liés à l'action 10 « formation des personnels enseignants et d'orientation », à hauteur de 498 millions d'euros.

Un tel niveau de disparité des niveaux de dépenses par rapport à la prévision initiale interroge d'une part sur la sincérité de la programmation budgétaire, et d'autre part sur la nécessité de telles dépenses.

C. UNE HAUSSE INCONTRÔLÉE DES DÉPENSES LIÉS À L'ÉCOLE INCLUSIVE

En dix ans, le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire est passé de 126 000 dans le premier degré et 76 000 dans le second degré à respectivement 200 000 et 184 000, soit une hausse de 58,7 % des effectifs dans le primaire et près de 150 % dans le secondaire. Les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) sont les prescriptrices d'aide adaptée à ces élèves, qui prend la majorité du temps la forme d'un accompagnement humain par un AESH. Les AESH interviennent désormais auprès de l'ensemble des élèves bénéficiant d'une prescription d'aide humaine, notamment dans le cadre des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL).

En conséquence, les effectifs d'AESH ont été multipliés par 3 entre 2017 et 2024, représentant le recrutement de 91424 AESH supplémentaires.

Évolution des effectifs d'AESH entre 2013 et 2024

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La mise en oeuvre de l'école inclusive présente donc un coût en hausse pour les dépenses de la mission « Enseignement scolaire ». Les crédits alloués à l'action 3 « inclusion scolaire des élèves en situation de handicap », ont ainsi augmenté de 11,1 % entre 2023 et 2024, et s'élèvent à 2,922 milliards d'euros. Ils ont été multipliés par plus de trois en 10 ans.

La soutenabilité budgétaire de la politique de l'école inclusive, en hausse constante depuis huit ans, constitue un point d'attention pour le rapporteur spécial, d'autant qu'elle est liée aux prescriptions des MDPH, qui ne dépendent pas du ministère de l'éducation nationale.

Évolution des crédits exécutés
de l'action 3 « inclusion scolaire des élèves en situation de handicap »
entre 2013 et 2024

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

S'agissant du statut des AESH, la Cour des comptes soulignait annuellement qu'un grand nombre d'emplois permanents d'AESH demeuraient non comptabilisés dans les plafonds d'emplois de la mission et relevaient des dépenses « hors T2 » du programme 230. Or, depuis la rentrée 2023, la politique de transformation des contrats de droit public de trois ans, renouvelable une fois en contrat à durée indéterminée (CDI) pour les AESH ayant plus de 6 ans d'ancienneté a conduit à l'intégration massive d'AESH dans les plafonds d'emplois de la mission. Cette évolution, achevée, est à saluer.


* 1 Par rapport aux prévisions en LFI.

* 2 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.

* 3 LOI n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024.

* 4 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.

* 5Loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

* 6 Décret n° 2023-519 du 28 juin 2023 portant majoration de la rémunération des personnels civils et militaires de l'État, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d'hospitalisation.

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