N° 743

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
relative aux
résultats de la gestion et portant approbation des comptes
de l'année 2024,

Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,

Sénateur

TOME II
CONTRIBUTION DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 24
Recherche et enseignement supérieur

Rapporteurs spéciaux : Mme Vanina PAOLI-GAGIN et M. Jean-François RAPIN

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson,
rapporteur général ;
MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet,
M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel,
Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient,
Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138

Sénat : 718 (2024-2025)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Les crédits exécutés sur le périmètre de la mission atteignent en 2024 un montant total de 31 496 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 30 986 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Après prise en compte des annulations en cours de gestion, le taux d'exécution atteint 99,1 % en AE et 99,7 % en CP. L'exercice 2024 marque une rupture depuis l'entrée en vigueur de la loi de programmation de la recherche du 24 décembre 2020 dans la mesure où les crédits de paiement exécutés recul pour la première fois depuis le début de la programmation avec une diminution de 85 millions d'euros.

2. Le décret d'annulation de février 2024 a impacté la mission en annulant 902 millions d'euros, soit 2,84 % du montant total prévu en LFI 2024. À la hausse, 190 millions d'euros ont été ajoutés par le biais d'un report de crédits de 2023 sur 2024, et 145 millions d'euros ont également été transférés vers la mission. La loi de finances de fin de gestion a également annulé 215 millions d'euros supplémentaires.

3. Concernant les programmes « Enseignement supérieur » (Mme Vanina Paoli-Gagin) :

- si l'image de « coupes budgétaires » a pu être avancée du fait du décret d'annulation, celui-ci a relativement épargné l'enseignement supérieur. Les moyens accordés à l'enseignement supérieur en 2024 sont en hausse de 471 millions d'euros en AE et 90 millions d'euros en CP par rapport à 2023.

- si elle part d'une intention louable, l'annonce de la généralisation des contrats d'objectifs, de moyens et de performance (COMP) ne peut qu'interroger. L'évaluation des COMP sur la période 2023-2025 souligne en l'effet les fragilités du dispositif, en l'absence de réelle refonte du système d'allocation des moyens aux universités.

- la première étape de la réforme des bourses a permis de diminuer le montant de la sous-consommation des bourses sur critères sociaux. Néanmoins, le montant prévu au titre des bourses n'est toujours pas consommé en 2024, alors que la deuxième étape de la réforme a déjà été repoussée une première fois.

4. Concernant les programmes « Recherche » (M. Jean-François Rapin) :

- l'annulation et les surgels de grande ampleur intervenus en cours de gestion sur le programme 172 se traduit par une sous-exécution de la LPR à hauteur de 313 millions d'euros en CP à l'échelle du programme. Cette sous-exécution, qui a été décidée par le Gouvernement de manière autonome et sans fournir au Parlement une information transparente, confirme la caducité de la LPR et la nécessité de procéder rapidement à son actualisation ;

- les annulations intervenus en cours de gestion à hauteur de 293 millions d'euros en CP sur le programme 193 ont pour double conséquence d'une part une sous-exécution de la LPR à hauteur de 269 millions d'euros en CP à l'échelle de ce programme et d'autre part de réduire les marges de manoeuvre dont dispose la France en vue de la prochaine conférence ministérielle de l'Agence spatiale européenne (Esa) programmée à l'automne 2025.

I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DE LA MISSION SONT EN BAISSE POUR LA PREMIÈRE FOIS DEPUIS L'ADOPTION DE LA LOI DE PROGRAMMATION DE LA RECHERCHE (LPR) DU FAIT DE L'ANNULATION DE 1,1 MILLIARD D'EUROS DE CRÉDITS EN COURS D'EXERCICE

1. L'exercice 2024 marque le premier recul du montant total des crédits de paiements exécutés sur le périmètre de la mission depuis l'entrée en vigueur de la loi de programmation de la recherche 2021- 2030 dont les cibles n'ont pas été atteintes en 2024

La mission « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) se compose de 8 programmes, dont trois relèvent du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR), à savoir les programmes 150, 231 et 172.

Les autres programmes de cette mission interministérielle relèvent du périmètre de quatre autres ministères :

- le ministère chargé de l'économie pour les programmes 193 et 192 ;

- le ministère chargé de la transition écologique pour le programme 190 ;

- le ministère des armées pour le programme 191 ;

- le ministère chargé de l'agriculture pour le programme 142.

Les crédits de la mission s'élèvent en 2024, en exécution, à 31,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 31 milliards d'euros en crédits de paiement (CP).

Pour la première fois depuis l'entrée en vigueur de la loi de programmation de la recherche du 24 décembre 2020, le montant des crédits de paiement exécutés sur la mission en 2024 a reculé de 85 millions d'euros par rapport à l'exercice 2023, ce qui correspond à une stabilisation globale des crédits exécutés (- 0,3 %) au regard du montant total des crédits de la mission.

Exécution des crédits de la mission

(en millions d'euros)

 

Exécution 2023

Prévision 2024

Exécution 2024

Taux d'exécution 2024

Variation exécution 2024/2023

Programme 150 - Formations supérieures et recherche universitaire

AE

14 972 

15 511 

15 444 

99,6 %

3,2 %

CP

15 019 

15 123 

15 108 

99,9 %

0,6 %

Programme 231 Vie étudiante

AE

3 088 

3 277 

3 276 

100,0 %

6,1 %

CP

3 082 

3 256 

3 254 

99,9 %

5,6 %

Programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

AE

7 882 

8 185 

8 068 

98,6 %

2,4 %

CP

7 669 

7 745 

7 737 

99,9 %

0,9 %

Programme 193 - Recherche spatiale

AE

1 835 

1 607 

1 607 

100,0 %

- 12,4 %

CP

1 835 

1 607 

1 607 

100,0 %

- 12,4 %

Programme 190 - Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables

AE

1 658 

1 893 

1 886 

99,6 %

13,8 %

CP

2 079 

2 052 

2 039 

99,4 %

- 1,9 %

Programme 192 - Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

AE

578 

645 

642 

99,5 %

11,1 %

CP

830 

711 

670 

94,2 %

- 19,3 %

Programme 191 - Recherche duale (civile et militaire)

AE

150 

150 

150 

100,0 %

0,0 %

CP

150 

150 

150 

100,0 %

0,0 %

Programme 142 - Enseignement supérieur et recherche agricoles

AE

409 

513 

423 

82,5 %

3,4 %

CP

407 

422 

421 

99,8 %

3,4 %

Total

AE

30 572 

31 781 

31 496 

99,1 %

3,0 %

CP

31 071 

31 066 

30 986 

99,7 %

- 0,3 %

Source : commission des finances d'après la documentation budgétaire

En 2024, après la prise en compte des annulations en cours de gestion du fait notamment du décret d'annulation du 21 février 2024 et de la loi de finances de fin de gestion, la consommation des crédits de la mission se révèle légèrement inférieure à la prévision en CP, mais l'on constate par contre une sous-exécution plus importante en AE qui atteint 285 millions d'euros.

Le taux d'exécution atteint ainsi 99,1 % en AE et 99,7 % en CP.

La stabilisation des crédits de paiement exécutés sur le périmètre de la mission en 2024 constitue une rupture par rapport à une dynamique pluriannuelle de hausse des crédits de la mission, avec une augmentation de 2,3 milliards d'euros des CP exécutés sur le périmètre de la mission entre 2020 et 2023.

Évolution des crédits exécutés sur le périmètre de la mission depuis 2020

(en milliards d'euros et en CP)

Source : commission des finances d'après la documentation budgétaire

Tous les programmes n'ont cependant pas été affectés de la même manière. La stabilisation des crédits de paiement exécutés, qui correspond à un recul de 85 millions d'euros à l'échelle de la mission, correspond à une compensation entre une baisse significative de plus de 10 % des crédits de paiement des programmes 193 et 192, qui n'a pas été entièrement compensée par la hausse contenue des crédits des autres programmes de la mission.

Décomposition par programme de l'évolution du montant des crédits exécutés en 2024

(en millions d'euros en CP)

Source : commission des finances d'après la documentation budgétaire

Le léger recul des crédits de paiement exécutés en 2024 à l'échelle de la mission constitue un écart significatif par rapport à la trajectoire fixée par la loi de finances initiale qui prévoyait une hausse de 1 milliard d'euros des crédits de paiement (CP) à l'échelle de la mission. Cette hausse des crédits ouverts sur le périmètre de la mission s'expliquait par trois facteurs qui étaient l'exécution de la loi de programmation de la recherche1(*) (LPR), la compensation des mesures générales de revalorisation salariale des agents publics et une tendance haussière des dépenses pilotables de la mission. Il est à relever à ce titre que la compensation des mesures générales de revalorisation salariale représentait 20 % de la hausse prévue, ce qui représente une fraction significative au regard du caractère non pilotable de ces dépenses.

Facteurs de hausse des crédits ouverts en loi de finances initiale
sur le périmètre de la mission entre 2023 et 2024

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après les données de la Cour des comptes

Par conséquent, le recul des crédits de paiement exécutés sur la mission, sous l'effet des annulations intervenues en cours de gestion, s'est traduit par le renoncement de certaines mesures prévues dans le cadre de l'exécution de la loi de programmation de la recherche.

Ainsi, alors que la loi de programmation avait été respectée pour ses trois premières annuités, l'exercice 2024 marque le premier exercice de sous-exécution des cibles fixées par la programmation.

Cibles fixées par la LPR en 2024 au regard des crédits exécutés

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances

Si la cible fixée pour le programme 150 a bien été atteinte en 2024, les rapporteurs relèvent que la sous-exécution de la LPR atteint 582 millions d'euros sur les programmes 172 et 193, soit une sous-exécution supérieure à la marche programmée pour ces deux programmes en 2024 qui était de 355 millions d'euros.

Au regard de la situation dégradée des finances publiques, les rapporteurs relèvent qu'il existe un risque réel que les prochaines marches prévues par la LPR actuelle ne puissent pas être atteintes. En effet, la trajectoire inscrite à l'article 2 de la LPR, prévoit une intensification des hausses de crédits à moyen terme avec des « marches » annuelles d'augmentation des crédits entre 500 millions d'euros et 600 millions d'euros à partir de 2026 et jusqu'en 2030.

La sous-exécution de la LPR en 2024 et le manque de crédibilité de la trajectoire inscrite dans la loi consacre la caducité de la LPR actuelle et confirme la nécessité de son actualisation, alors que cette mise à jour aurait dû intervenir avant la fin de l'exercice 2023 comme le prévoit l'article 3 de la loi.

Marches annuelles d'augmentation des crédits prévues par la LPR

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après l'article 2 de la LPR

2. Une gestion fortement marquée par les annulations réglementaires et législatives

Plus d'1,1 milliard d'euros été annulés en gestion sur le total de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». À la hausse, 190 millions d'euros ont été ajoutés par le biais d'un report de crédits de 2023 sur 2024, et 145 millions d'euros ont également été transférés vers la mission.

Évolution en 2024 des crédits de la mission

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après Chorus

Le décret d'annulation de février 20242(*) a particulièrement impacté la mission en annulant 902 millions d'euros, soit 2,84 % du montant total prévu en LFI 2024. L'ensemble des programmes de la mission a été touché par les annulations de crédits, à l'exception du programme 191 - Recherche duale. Ces annulations ont atteint un montant particulièrement important pour le programme 172 - Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, sur lequel 383 millions d'euros ont été annulés. En proportion, le programme 193 - Recherche spatiale est celui qui a le plus largement contribué aux économies demandées à la mission, dans la mesure où 10 % de ses crédits ont été annulés.

Impact des annulations du décret de février 2024
sur les programmes de la mission

(en millions d'euros)

Programme

LFI 2024

Montant annulé par décret

Part des annulations sur le total du programme

Programme 150- Formations supérieures et recherche universitaire

15 181,0

80,1

0,53 %

Programme 231-Vie étudiante

3 327,0

125,1

3,76 %

Programme 172- Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

8 181,0

383,1

4,68 %

Programme 193 - Recherche spatiale

1 900,0

192,9

10,15 %

Programme 190 - Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables

1 948,0

109,1

5,60 %

Programme 192 - Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

689,0

10,0

1,45 %

Programme 191 - Recherche duale (civile et militaire)

150,0

0,0

0,00 %

Programme 142 - Enseignement supérieur et recherche agricoles

443,0

3,9

0,88 %

Total mission

31 819,0

904,2

2,84 %

Source : commission des finances

Le montant de ces annulations a pu être trop élevé pour certains programmes. Ainsi, afin de faire face aux besoins non anticipés fin 2024, la loi de finances de fin de gestion3(*) a ouvert :

- 56 millions d'euros sur le programme 231 (sur lequel 125 millions d'euros avaient été annulés en février), qui couvre en effet essentiellement les bourses sur critères sociaux et d'autres dépenses de guichet. Faute de réserve de précaution suffisante, une ouverture de crédits en fin d'année a été nécessaire pour en assurer le paiement ;

- 46,2 millions d'euros sur le programme 190, soit environ la moitié des crédits annulés en février, afin de financer les opérations conduites par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) dans le contexte de la fusion de ce dernier avec l'Autorité de sûreté nucléaire.

Ventilation des annulations et ouvertures intervenues en loi de finances
de fin de gestion

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

La loi de finances de fin de gestion a également annulé des crédits à hauteur de 318 millions d'euros. Ces annulations portaient principalement sur la réserve de précaution et sur des sous-exécutions dans les programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » (- 51,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement), 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » (- 117,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement), et 193 « Recherche spatiale » (- 100 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement).

Enfin, sur le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », une annulation de 27,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 29,7 millions d'euros en crédits de paiement correspond, d'une part, à l'annulation de l'intégralité de la réserve à date (11,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et 13,4 millions d'euros en crédits de paiement) et, d'autre part, à l'annulation de crédits dédiés à la compensation de l'exonération de cotisations sociales au titre du dispositif « Jeune entreprise innovante » (JEI), afin de tenir compte de l'ajustement technique de la prévision d'exécution fondée sur les dernières prévisions de l'Acoss.

II. LES OBSERVATIONS SUR LES PROGRAMMES « ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR » (MME VANINA PAOLI-GAGIN, RAPPORTEUR SPÉCIAL) : UN RENFORCEMENT CONTINU DES MOYENS ACCORDÉS À L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Le périmètre « Enseignement supérieur » de la mission regroupe les programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et 231 « Vie étudiante ». Ces derniers s'élèvent respectivement à 15,44 milliards d'euros et 3,28 milliards d'euros en AE et 15,11 milliards d'euros et 3,25 milliards d'euros en CP.

Évolution des crédits des programmes relatifs à l'enseignement supérieur

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Si les annulations de crédits intervenus en 2024 ont pu donner l'impression, dans le débat public, de « coupes budgétaires » dans les crédits accordés à l'enseignement supérieur, cette vision ne résiste pas à l'analyse des chiffres. Les programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et 231 « Vie étudiante » ont poursuivi en 2024 la trajectoire haussière exécutée au cours des années précédentes.

Ces deux programmes représentaient au total, en 2024, 18,72 milliards d'euros en AE et 18,36 milliards d'euros de CP, soit une hausse de de 659 millions d'euros en AE et 261,7 millions d'euros en CP par rapport à 2023.

Cette progression s'ajoute à celle de 940 millions d'euros accordée l'année précédente. En cinq ans, entre 2020 et 2024, les crédits exécutés des programmes « Enseignement supérieur » ont augmenté de 2 milliards d'euros en AE et 1,7 milliard d'euros en CP.

Évolution depuis 2020 du total des crédits des programmes relatifs
à l'enseignement supérieur

(en millions d'euros)

 

2020

2021

2022

2023

2024

Variation 2024/2020

Variation 2024/2023

Variation 2023/2024 ( %)

AE

16 660,1

16 978,2

17 232,5

18 060,7

18 719,4

2 059,3

658,7

3,65 %

CP

16 681,0

17 038,4

17 168,0

18 100,8

18 362,5

1 681,5

261,7

1,45 %

Source : commission des finances

Cette hausse bénéficie particulièrement au programme 150, dont les crédits ont augmenté de 470 millions d'euros en AE et de 90 millions d'euros en CP par rapport à 2023. En proportion, les crédits du programme 231 ont cependant augmenté plus rapidement, de 6,1 % en AE et de 5,6 % en CP.

 Il est à noter que cette croissance devrait se prolonger en 2025. Selon les crédits votés en loi de finances initiale, ces deux programmes devraient augmenter de 315 millions d'euros en CP, bien que diminuant de 74 millions d'euros en AE.

Évolution des crédits des programmes relatifs à l'enseignement supérieur entre 2024 et 2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

Dans l'ensemble, les programmes ont peu évolué en gestion par rapport aux crédits ouverts. Ainsi, seuls 0,5 % des crédits du programme 150 ont été annulés par le décret de février 2024, et 3,8 % des crédits du programme 231.

La loi de finances de fin de gestion a annulé 51 millions d'euros supplémentaires sur le programme 150, et a ouvert 56 millions d'euros sur le programme 231.

Exécution des crédits des programmes relatifs à l'enseignement supérieur en 2024

(en millions d'euros)

 

AE

CP

Programme 150

LFI (hors fonds de concours)

15 277,1

15 180,8

Ouvertures/ annulations

234,1

- 57,3

Exécution

15 511,2

15 123,4

Programme 231

LFI (hors fonds de concours)

3 357,4

3 326,6

Ouvertures/ annulations

- 80,1

- 70,9

Exécution

3 275,8

3 254,2

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

A. LE PROGRAMME 150 : UNE HAUSSE CONSÉQUENTE DES CRÉDITS PAR RAPPORT À 2023

Les crédits du programme 150 s'élèvent à 15,44 milliards d'euros en AE et 15,11 milliards d'euros en CP, soit une hausse de respectivement 471 millions d'euros et 90 millions d'euros par rapport à 2023.

Exécution des crédits du programme 150

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

1. Les contrats de moyens, d'objectifs et de performance, un outil utile mais une expérience insatisfaisante

Le rapporteur spécial a consacré un rapport à l'évaluation des contrats de moyens, d'objectifs et de performance (COMP) dans l'enseignement supérieur4(*).

Si l'intention de ces contrats est positive, l'évaluation des deux premières vagues de contrats révèle dans de nombreux cas une réflexion stratégique insuffisante des établissements et l'incapacité du ministère à réellement suivre les contrats, du fait d'indicateurs trop nombreux et d'absence de cadre de suivi adapté.

En conséquence, l'annonce d'une généralisation des COMP (« COMP à 100 % ») ne peut laisser que circonspect.

Le communiqué d'annonce des nouveaux contrats se réfère explicitement aux travaux de la Cour : « comme l'a souligné la Cour des Comptes dans son audit flash de mars 2025, les COMP ont aujourd'hui une portée trop faible, limitée à 0,8 % de la SCSP ». Outre que, comme décrit plus haut, les COMP fonctionnent sur le principe d'un effet de levier qui dépasse le montant contractualisé, l'extension à l'intégralité de la SCSP fait abstraction de la seconde partie du raisonnement de la Cour des comptes : celle-ci note que l'ancrage à 0,8 % de la subvention pour charges de service public constitue « une cible peu lisible et inéquitable ». En particulier, indexer les financements sur les SCSP conduit à avantager les établissements les plus importants et les plus intensifs en recherche, d'autant plus que les SCSP « n'ont pas fait l'objet d'actualisation récente, faute d'un modèle d'allocation des moyens actualisé permettant la convergence et le rattrapage d'établissements sous-dotés ».

Par ailleurs, il est possible d'émettre des doutes sur le concept de « contractualisation sur l'ensemble de la SCSP » pour plusieurs raisons.

D'une part, la part libre d'emploi de la SCSP est le plus souvent réduite, les dépenses contraintes (fonctionnement et personnel) constituant l'essentiel des dépenses des établissements. Par conséquent, le ministère indique que les montants contractualisés ne pourront en réalité pas aller au-delà de 2 %, qui constituent le plafond de la part variable pour de nombreux établissements.

D'autre part, les COMP actuels ont déjà permis de contractualiser sur des projets financés par de la SCSP (notamment sur le volet formation), d'autant plus que les financements COMP ont été intégrés aux SCSP des établissements des vagues 1 et 2.

2. L'apprentissage dans l'enseignement supérieur, un phénomène de masse malgré les réformes en cours

Le nombre d'apprentis dans l'enseignement supérieur a atteint 635 900 étudiants pour l'année scolaire 2023-2024.

La trajectoire du nombre d'apprentis dans l'enseignement supérieur est vertigineuse. Le ministère de l'enseignement supérieur constate en septembre 2024 une hausse de 10 % en un an et de 33 % en deux ans5(*). Qui suit une croissance de 78 % entre 2020 et 2022.

Au cours des dix dernières années, le nombre d'étudiants apprentis est passé de 139 000 à 636 000, ce qui correspond à une hausse de 360 % et à près d'un demi-million d'apprentis supplémentaires. Le pic a été atteint lors de la crise sanitaire, entre 2020 et 2021 lorsqu'ont été mises en place des aides exceptionnelles accordées aux entreprises embauchant un apprenti. Elles ont été maintenues ensuite (6 000 euros d'aide annuelle sont versés aux entreprises pour l'embauche d'un apprenti majeur depuis janvier 2023).

Évolution du nombre d'apprentis
dans l'enseignement supérieur depuis 2012

(en nombre d'apprentis)

Source : commission des finances d'après les données du ministère de l'enseignement supérieur

Les apprentis représentaient en 2025 environ un quart des étudiants de l'enseignement supérieur. S'ils sont logiquement plus nombreux dans les licences professionnelles et les filières de techniciens supérieurs, 32 % des étudiants en école de commerce et 18 % des étudiants en école d'ingénieurs étaient en apprentissage en 2023.

Part des apprentis dans les grandes filières
de l'enseignement supérieur en 2023

(en %)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Par ailleurs, le nombre d'apprentis croît rapidement dans les filières universitaires générales. Ainsi, le nombre d'apprentis en licence générale ou en master a augmenté de 70 points entre 2020 et 2023.

Dans leurs revues de dépenses, les inspections générales des finances et des affaires sociales6(*) relèvent que les formations des niveaux 6 et 7 (licence, master et doctorat) sont toujours plus coûteuses que les formations des niveaux inférieurs : alors qu'elles ne représentent respectivement que 18 % et 17 % des contrats, elles représentent 40 % et 32 % du nombre total de niveaux de prise en charges (NPEC).

L'article 192 de la loi de finances pour 2025, issu d'un amendement des rapporteurs spéciaux de la mission « Travail et emploi » a donc prévu une participation supplémentaire des employeurs pour les apprentis en master et doctorat. Cette participation s'élèvera à 750 euros par contrat à partir du 1er juillet 2025.

Ce recentrage paraît très positif et contribue à rééquilibrer le financement de l'enseignement supérieur.

B. UNE ÉXECUTION DU PROGRAMME « VIE ÉTUDIANTE » CONTRASTÉE DANS L'ATTENTE DE LA SUITE DE LA RÉFORME DES BOURSES SUR CRITÈRES SOCIAUX

1. Malgré la réforme des bourses, une persistance de la sous-consommation au titre des bourses sur critères sociaux

L'action 01 regroupe l'ensemble des crédits relatifs aux aides directes aux étudiants, en premier lieu les bourses sur critères sociaux.

Le Gouvernement avait annoncé le lancement d'une réforme des bourses sur critères sociaux, annoncée en mars 2023 et dont la première étape s'est appliquée dès la rentrée 2023.

Afin d'anticiper les conséquences attendues de cette réforme, le montant inscrit en LFI 2024 au titre des bourses sur critères sociaux s'élevait à 2,475 milliards d'euros, en hausse de 9 % par rapport au montant qui devrait avoir été consommé en 2023. Le montant consommé des bourses sur critères sociaux s'élève finalement à 2 413,2 millions d'euros.

Les boursiers sur critères sociaux représentent 33,1 % des inscrits dans l'enseignement supérieur en 2023-2024 (cette proportion est de 33,8 % dans l'enseignement supérieur public et de 28,3 % dans le privé).

Jusqu'à plus de la moitié des étudiants en section de technicien supérieur bénéficient d'une aide directe (STS, dont BTS et IUT) et 40 % des inscrits à l'université. En outre, les bénéficiaires des derniers échelons représentent entre 40 % et un quart des boursiers dans la quasi-totalité des filières.

On dénombre 679 044 étudiants boursiers en 2023-2024. Cela correspond à un rebond après le seuil historiquement bas de boursiers constaté en 2022.

Évolution du nombre d'étudiants boursiers depuis 2013

(en % et en nombre d'étudiants)

Source : ministère de l'enseignement supérieur

Les montants ouverts au titre des bourses sur critères sociaux ne suivent pas ces évolutions. Ils sont restés stables en 2022 et 2023.

Mais les montants effectivement consommés sont chaque année bien inférieurs aux montants inscrits en LFI : la sous-exécution s'élevait à - 8 % en 2022 et - 4 % en 2023.

Cependant, la sous-exécution tend à diminuer : elle n'était plus que de 2 % en 2024.

Le ministère de l'enseignement supérieur mettait en avant deux facteurs qui ont entraîné cette baisse du nombre de boursiers : d'une part un nombre grandissant d'étudiants dont les revenus des parents dépassent le barème pour le calcul des bourses, qui était inchangé depuis 2013, et d'autre part l'augmentation du nombre d'étudiants sous contrat d'apprentissage, ne donnant pas droit à une bourse sur critères sociaux. Par ailleurs, l'attractivité des formations privées non habilitées à recevoir des étudiants boursiers contribue également au tassement du nombre de bourses.

Écart entre la prévision et la consommation des bourses sur critères sociaux

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

La consommation des crédits est inférieure de 69,47 millions d'euros en AE et de 69,38 millions d'euros en CP au montant inscrit en LFI, en raison notamment d'un nombre de boursiers moins élevé que prévu.

Répartition par échelon des bourses sur critères sociaux en 2024

(en millions d'euros)

Échelon

Montant annuel de la bourse

Nombre de boursiers

Proportion de boursiers

bis

1 454 euros

21 2707

31,10 %

1

2 163 euros

95 827

14,20 %

2

3 071 euros

48 274

7,10 %

3

3 828 euros

48 286

7,10 %

4

4 587 euros

47 854

7,10 %

5

5 212 euros

90 371

13,30 %

6

5 506 euros

79 918

11,80 %

7

6 335 euros

55 837

8,20 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La question de l'évolution des bourses est cependant loin d'être close. « L'acte 2 » de la réforme des bourses, qui supposait une refonte intégrale du modèle, devait être en place à la rentrée 2025, avant d'être décalé à la rentrée 2026.

2. Une fin de gestion complexe pour le CNOUS impliquant le versement de crédits complémentaires

Les établissements du réseau des oeuvres universitaires font face à une hausse constante de leurs dépenses depuis la crise sanitaire, à la fois du fait du maintien de dispositifs dérogatoires (repas à un euro, gel des loyers étudiants) et de l'augmentation d'étudiants usagers dans un contexte inflationniste.

Plus particulièrement, les dernières années ont été caractérisée par la hausse du coût des denrées alimentaires, entraînant un double-mouvement : d'une part, la hausse du nombre de repas distribués et d'autre part, le renchérissement du coût du repas pour les Crous.

S'agissant du premier aspect, le Crous met en avant une « hyperpression » des usagers, le nombre de repas servis ayant augmenté de 17 % entre 2022-2023 et 2023-2024. Avec plus de 42,8 millions de repas servis dans les restaurants universitaires des Crous en 2023-2024, la fréquentation est en très forte augmentation (+ 6 millions de repas), sous l'effet notamment de la mise en oeuvre du repas à 1 euro (+ 4,5 millions de repas).

En conséquence, les moyens du réseau des oeuvres sociales augmentent de façon continue mais à un rythme inférieur aux dépenses, entraînant un besoin de financement supplémentaire en gestion. Les crédits du CNOUS étaient déjà fortement supérieurs en exécution à ceux prévus dans la LFI 2023 (11 millions d'euros en AE et 22 millions d'euros en CP).

Exécution des ressources du réseau du CNOUS

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Pour 2024, la subvention pour charges de service public (SCSP) au réseau du CNOUS/CROUS s'élevait à 522,5 millions d'euros, en hausse de 4,1 % (+ 21,5 millions d'euros) par rapport à l'année précédente.

Pour faire face au besoin de financement en fin de gestion, le réseau a perçu au cours de l'année 2024 un complément de SCSP de 32,3 millions d'euros, dont 19 millions d'euros versés sous forme de dotation au titre de la fin de gestion 2024, consacrée au soutien exceptionnel à la restauration.

III. LES OBSERVATIONS SUR LES PROGRAMMES « RECHERCHE » (M. JEAN-FRANÇOIS RAPIN, RAPPORTEUR SPÉCIAL)

A. L'ANNULATION DE 534 MILLIONS D'EUROS DE CRÉDITS DE PAIEMENT (CP) SUR LE PROGRAMME 172 S'EST TRADUITE PAR UNE SOUS-EXÉCUTION DE LA LPR EN 2024, À REBOURS DE LA TRAJECTOIRE DE LA LOI DE FINANCES INITIALE

Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » constitue le principal programme de financement de la recherche publique du budget général avec un montant de crédits ouverts de 8 201 millions d'euros en CP dans la loi de finances initiale pour 2024, soit 26 % des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Crédits annulés en cours d'exercice sur le programme 172

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances d'après la documentation budgétaire

L'exercice 2024 a été marqué pour le programme 172 par d'importants mouvements de crédit infra-annuels, qui ont perturbés l'exécution du budget selon le montant des crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2024.

En premier lieu, le décret d'annulation du 21 février 2024, d'un montant de 10,2 milliards d'euros en crédits de paiement à l'échelle du budget général, a annulé 383 millions d'euros de crédits de paiement (CP) sur le programme 172, soit 4,7 % des crédits ouverts par la loi de finances initiale qui avait été promulguée moins de deux mois avant la prise de ce décret d'annulation. Alors que le ministre délégué chargé des comptes publics a affirmé lors de son audition devant la commission des finances le 6 mars 2024 que cette annulation aurait pour effet « d'utiliser la réserve de précaution »7(*), cette motivation est contredite par la décision d'opérer en février 2024 un surgel de 228 millions d'euros, soit plus que la réserve initiale qui était de 204 millions d'euros en CP. Par suite, ce décret d'annulation a bien eu des conséquences directes sur l'exécution des crédits prévus par la loi de finances initiale.

En second lieu, la réserve disponible en fin d'exercice résultant de deux décisions de surgel intervenues en février et en juillet 2024 a été annulée par la loi de finances de fin de gestion pour un montant total de 118 millions d'euros en CP.

Crédits annulés au cours de l'exercice 2024 sur le programme 172

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire

L'ampleur des mouvements de crédits en cours d'exercice, qui ont représenté en 2024 un montant total de 534 millions d'euros de crédits de paiement (CP) annulés sur le périmètre du programme 172, souligne l'écart entre la trajectoire présentée au Parlement dans le cadre du projet de loi de finances et la trajectoire effective d'exécution des crédits du programme. Le rapporteur spécial relève à cet égard qu'il est regrettable que les conséquences des annulations décidées par le Gouvernement en cours de gestion ne fasse pas l'objet d'une communication transparente vis-à-vis des assemblées parlementaires en général, et des commissions des finances en particulier.

Le rapporteur spécial relève également que l'exécution des crédits du programme en cours de gestion vient relativiser certaines positions prises par le Gouvernement lors du débat parlementaire sur le projet de loi de finances. En particulier, le rapporteur relève que le Gouvernement a choisi de faire contribuer le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à l'effort de redressement des comptes publics en annulant 50 millions d'euros de subvention pour charge de service public, et ce alors même que la ministre chargée de la recherche avait affirmé lors des débats parlementaires qu'une baisse de la subvention du CNRS « serait simplement insoutenable »8(*).

Enfin, sur le plan de la programmation pluriannuel des crédits du programme 172, le rapporteur spécial souligne que l'ampleur des annulations en cours de gestion ont eu comme effet notable d'aboutir à une sous-exécution de la loi de programmation de la recherche pour ce programme, alors même que la loi de finances initiale prévoyait une sur-exécution à hauteur de 151 millions d'euros en CP.

L'annulation et le gel massif de crédits par le pouvoir réglementaire en cours d'exercice 2024 a donc eu pour effet que le Gouvernement a fait seul le choix de rompre avec les trois premières annuités de respect de la LPR pour le programme 172 sans donner au Parlement la possibilité de se prononcer sur ce choix dans le cadre d'une loi de finances rectificative.

Exécution de la LPR sur le programme 172 pour l'exercice 2024

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances

B. LES PROGRAMMES DANS LE PÉRIMÈTRE DES MINISTÈRES ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS ONT CONNU UN RALENTISSEMENT DE LEURS DÉPENSES EN 2024 SOUS L'EFFET DES ANNULATIONS ET DE LA SURÉVALUATION DU COÛT DU DISPOSITIF DES « JEUNES ENTREPRISES INNOVANTES »

En premier lieu, le programme 193 « Recherche spatiale », placé depuis 2022 sous la responsabilité du directeur général des entreprises (DGE), sert à financer à la fois la subvention pour charges de service public du Centre national d'études spatiales (Cnes), la contribution française à l'Agence spatiale européenne (Esa) et la contribution française à l'Organisation européenne pour l'exploitation des satellites météorologiques (Eumetsat).

Crédits exécutés sur le programme 193

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission de finances, d'après les données de la DGE

La LPR adopté en 2020 inclut dans son périmètre le programme 193 avec une trajectoire de hausse des moyens consacrés à la politique spatiale dans un contexte marqué à la fois par la diversification des acteurs du secteur spatial et la perte temporaire d'accès européen souverain à l'espace entre le dernier vol de la fusée Ariane 5 en juillet 2023 et le vol inaugural de la fusée Ariane 6 qui s'est déroulé le 9 juillet 2024.

Exécution de la LPR sur le programme 193 pour l'exercice 2024

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances

Le rapporteur spécial relève que la politique spatiale française et européenne se trouve dans une phase déterminante liée à la consolidation du modèle économique du lanceur Ariane 6 et au lancement de plusieurs programmes spatiaux européens d'envergure dont notamment le projet de constellation européenne IRIS2.

Dans ce contexte, la marge de manoeuvre dont disposera la délégation française dans le cadre de la prochaine conférence ministérielle de l'Agence spatiale européenne (Esa) programmée à l'automne 2025 doit impérativement être préservée.

En dépit de ces enjeux structurant pour la politique spatiale française, le rapporteur relève que les annulations intervenues en cours de gestion en 2024 sur le programme 193 (annulation de 293 millions d'euros) ont eu pour effet de sous-exécuter à hauteur de 269 millions d'euros en CP en 2024 la cible fixée par la LPR pour le programme 193 et ce alors même que les crédits ouverts par la loi de finances initiale correspondaient à une sur-exécution à hauteur de 24 millions d'euros en CP. La circonstance que l'annulation ait porté à hauteur de 253 millions d'euros en CP sur la contribution de la France à l'Esa pour tenir compte de la trésorerie positive de la France vis-à-vis de l'Agence ne constitue qu'un « effet d'optique » dans la mesure où la France reste engagée à hauteur des programmes auxquels elle a souscrit bien qu'ils aient été retardés. En conséquence, la réduction de la trésorerie françaises vis-à-vis de l'Esa se traduira mécaniquement par une réduction des marges de manoeuvre françaises dans le cadre de la conférence ministérielle de l'automne 2025.

En second lieu, le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » connait un mouvement de réduction de ses dépenses du fait du recul des crédits dédiés au « plan Nano » d'une part et de la surestimation du coût de la dépense sociale du dispositif « jeunes entreprises innovantes » (JEI), d'autre part.

Le plan « Nano 2022 », lancé en 2018 et dont les derniers engagements ont été réalisés en 2022, est un programme de soutien à la filière microélectronique dont le circuit de financement associe plusieurs programmes et plusieurs missions du budget général. Les crédits ouverts sur le programme 192 pour le plan Nano, exécutés à hauteur de 11 millions d'euros en CP en 2024, ont pour objet d'apurer les restes à payer au profit des entreprises bénéficiaires. Les décaissements devraient s'achever en 2026 ou en 2027 selon les estimations de la DGE.

Le dispositif des JEI prévoit quant à lui une exonération de cotisations sociales pour certains employés des PME consacrant plus de 20 % de leurs charges à des dépenses de recherche et développement. La compensation de ces cotisations auprès de l'Acoss est assurée par des crédits du programme 192. Depuis sa création en 2004, le dispositif représente un coût croissant et concerne un nombre d'entreprises en augmentation. Il représente en 2024 un montant de 266 millions d'euros de compensation hors apurement de la dette de l'État vis-à-vis de l'Acoss.

Le rapporteur relève qu'en dépit de la création par la loi de finances initiale pour 2024 d'une nouvelle catégorie de « jeunes entreprises innovantes », les « jeunes entreprises de croissance » (JEC)9(*), le coût du dispositif s'est stabilisé en deçà des estimations construites lors du vote du budget, ce qui a eu pour conséquence que la dette rémanente de l'État auprès de l'Acoss a pu être apurée au cours de l'exercice 2024 et que cette dette était nulle au début de l'exercice 2025.

Nombre d'entreprises bénéficiaires du dispositif JEI

(en nombre de bénéficiaires)

Source : commission des finances, d'après les données de l'Acoss

C. LES AUTRES PROGRAMMES DÉDIÉS À LA RECHERCHE ONT SUIVI EN GESTION UNE TRAJECTOIRE PROCHE DE CELLE FIXÉE PAR LA LOI DE FINANCES INITIALE

Le programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricole » est géré par la direction général de l'enseignement et de la recherche (DGER) du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA), il finance principalement la masse salariale des dix établissements publics d'enseignement supérieur agricole. Il a bénéficié de 443 millions d'euros en CP ouverts par la loi de finances initiale pour 2024. Alors qu'aucun aléa notable au cours de l'exercice 2024 n'a nécessité de mobiliser substantiellement la réserve de précaution, elle a été annulée par la loi de finances de fin de gestion à hauteur de 15 millions d'euros en CP par la loi de finances de fin de gestion.

Le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie du développement et de la mobilité durables » a bénéficié de 1 948 millions d'euros de crédits ouverts en CP par la loi de finances initiale pour 2024. Le montant final des crédits consommés en 2024 s'élève à 2 039 millions d'euros en CP, soit une sur-exécution de 91 millions d'euros. Cette sur-exécution s'explique par un financement additionnel au profit du programme par l'ouverture de 150 millions d'euros de crédits en CP par décret de transfert depuis la mission « Plan de relance » en cours d'année, ce qui correspond au circuit de financement du plan de soutien à la filière aéronautique par le plan France Relance. Ce financement additionnel transféré depuis la mission « Plan de relance », ainsi qu'un report de crédit à hauteur de 16 millions d'euros en CP intervenu en mars 2024, ont plus que compensé l'annulation de 109 millions d'euros sur le périmètre du programme par le décret d'annulation du 21 février 2024.

Le programme 191 « Recherche duale (civile et militaire) » a bénéficié de 150 millions d'euros de crédits ouverts en AE=CP par la loi de finances initiale pour 2024, qui ont été consommés à l'euro près sans aucune ouverture ni annulation de crédits en cours de gestion. Le rapporteur spécial relève que ce programme, qui n'a donné lieu à aucune ouverture de crédits en 2021 et 2022 du fait d'un transfert des financements concernés vers la mission « Plan de relance », constitue exclusivement un complément de financement pour deux opérateurs - le Cnes et le CEA. Par surcroît, ce programme ne donne pas une image fidèle du financement de la recherche duale, c'est-à-dire ayant des applications à la fois civile et militaire, au regard du fait que certains projets de recherche bénéficient d'un co-financement partagé entre le programme 191 et d'autres programmes du budget général comme par exemple le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « Défense ». La réduction des crédits ouverts sur ce programme par la loi de finances initiale pour 2025 justifiera que les ministères chargés de la recherche, de l'énergie et de la défense engagent une réflexion sur la légitimité d'isoler dans un programme budgétaire distinct ce complément de financement aux budgets du Cnes et du CEA.


* 1 Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur.

* 2 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024.

* 3 Loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024.

* 4 Améliorer la performance de l'enseignement supérieur : un contrat qui reste à honorer, rapport fait par Mme Vanina Paoli-Gagin au nom de la commission des finances, juin 2025.

* 5 L'apprentissage dans l'enseignement supérieur en 2023, note du SIES, septembre 2024.

* 6 Revue des dépenses publiques d'apprentissage et de formation professionnelle, rapport IGAS-IGF, mars 2024.

* 7 Audition de MM. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, 6 mars 2024.

* 8 Sénat, compte rendu intégral des débats, séance du 1er décembre 2023.

* 9 Toutefois le coût en année pleine de ce dispositif ne peut être constaté, la mesure étant entré en vigueur le 1er juin 2024.

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