- LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
- I. EXÉCUTION DES CRÉDITS
EN 2024
- A. L'EXERCICE 2024 CONFIRME LA HAUSSE TENDANCIELLE
DES MONTANTS EXÉCUTÉS
- 1. Les dépenses de personnel continuent
d'augmenter, portées par la progression de la part indemnitaire des
rémunérations
- 2. Les dépenses de fonctionnement
connaissent une hausse conjoncturelle, en dépit d'une saison feux de
forêt de moyenne intensité
- 3. Les dépenses d'investissement demeurent
élevées malgré le report des commandes d'avions
bombardiers d'eau
- 4. Les dépenses d'intervention supportent
une hausse tendancielle du financement de la BSPP par l'État et une
forte mobilisation des colonnes de renfort en 2024
- 1. Les dépenses de personnel continuent
d'augmenter, portées par la progression de la part indemnitaire des
rémunérations
- B. ENTRE EXIGENCE DE MAÎTRISE DU
DÉFICIT PUBLIC ET IMPÉRATIFS DE SÉCURISATION
D'ÉVÈNEMENTS EXCEPTIONNELS, L'EXÉCUTION 2024 EST
MARQUÉE PAR D'IMPORTANTS MOUVEMENTS DE CRÉDITS EN COURS DE
GESTION
- A. L'EXERCICE 2024 CONFIRME LA HAUSSE TENDANCIELLE
DES MONTANTS EXÉCUTÉS
- II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR
SPÉCIAL
- A. DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT EN
DÉPIT D'UNE AUGMENTATION SIGNIFICATIVE DES DÉPENSES DE
PERSONNEL
- B. L'ENTRETIEN ET LE RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE
D'AÉRONEFS TOUJOURS SOURCES DE PRÉOCCUPATION
- C. LA NÉCESSAIRE PRÉSERVATION DES
CAPACITÉS OPÉRATIONNELLES DES FORCES DE SÉCURITÉ
CIVILE FACE À LA DIVERSIFICATION ET L'INTENSIFICATION DES CRISES
- A. DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT EN
DÉPIT D'UNE AUGMENTATION SIGNIFICATIVE DES DÉPENSES DE
PERSONNEL
- I. EXÉCUTION DES CRÉDITS
EN 2024
N° 743 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025 |
RAPPORT FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet
de loi, |
Par M. Jean-François HUSSON, Sénateur |
TOME II ANNEXE N°
29b (Programme 161 « Sécurité civile ») Rapporteur spécial : M. Jean Pierre VOGEL |
(1) Cette commission est composée de :
M. Claude Raynal, président ;
M. Jean-François Husson, |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138 Sénat : 718 (2024-2025) |
LES PRINCIPALES
OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. En 2024, l'exécution des crédits du programme 161 « Sécurité civile » s'est élevée à 980,5 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE), et 962,6 millions d'euros en crédits de paiement (CP). D'une part, cela confirme une hausse tendancielle des montants exécutés en AE et en CP (+ 75,7 % en CP entre 2019 et 2024) ces dernières années. D'autre part, cela représente une surconsommation des crédits prévus en LFI 2024 de respectivement 8,7 % en AE et 9,3 % en CP qui s'explique par d'importants reports de crédits d'investissement de 2023 ainsi que par la gestion d'évènements exceptionnels, dont certains imprévisibles.
2. L'exécution 2024 du programme 161 est marquée par une démultiplication des mouvements de crédits en cours de gestion. Cela s'explique par deux injonctions contradictoires : d'une part, maîtriser les dépenses dans un contexte inédit de dégradation des finances publiques, et d'autre part, allouer des moyens matériels et humains suffisants pour assurer l'indispensable sécurisation d'évènements exceptionnels. La méthode consistant à procéder à d'importantes annulations de crédits pour, de façon relativement prévisible, devoir les réouvrir en urgence, apparait peu satisfaisante.
3. La poursuite des investissements (pactes capacitaires feux de forêt, moyens de pompage, matériels et équipements NRBC-E...) nécessaires pour faire face à l'extension et l'intensification des menaces et des risques est source de satisfaction, tandis que la réussite de la sécurisation des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 a démontré la résilience du modèle français de sécurité civile ainsi que l'engagement et la compétence de ceux qui le font vivre. Cependant, le recrutement et la fidélisation des professionnels et de volontaires rencontrent des difficultés en dépit d'une forte progression des dépenses de personnel. Par ailleurs, les incertitudes et les carences relatives au renouvellement et à l'entretien de la flotte patrimoniale d'aéronefs demeurent sources de préoccupation.
I. EXÉCUTION DES CRÉDITS EN 2024
A. L'EXERCICE 2024 CONFIRME LA HAUSSE TENDANCIELLE DES MONTANTS EXÉCUTÉS
Exécution des crédits
en 2024
pour le
programme 161 « Sécurité civile »
(en millions d'euros, incluant les fonds de
concours
et attributions de produits)
Crédits exécutés en 2023 (A) |
Crédits votés en LFI 2024 (B) |
Crédits ouverts en 2024 (C) |
Crédits exécutés en 2024 (D) |
Écart entre les crédits
exécutés |
Écart entre les crédits exécutés (D) et les crédits votés en LFI pour 2024 (B) |
|
AE |
1 155,7 |
901,7 |
1 227,3 |
980,5 |
- 15,2 % |
+ 8,7 % |
CP |
674,5 |
880,5 |
973,5 |
962,6 |
+ 42,7 % |
+ 9,3 % |
Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)
En 2024, 980,5 millions d'euros ont été exécutés en autorisation d'engagement (AE) sur le programme « Sécurité civile », soit une baisse de 15,2 % par rapport à l'année 2023. Cette diminution est à mettre en perspective avec la hausse de 64,4 % des AE exécutées en 2023 par rapport à 2022 en raison de l'engagement du renouvellement de la flotte d'hélicoptères de la sécurité civile pour plus de 410 millions d'euros.
Au contraire, le montant des crédits de paiement (CP) exécutés en 2024 connait une hausse significative de 42,7 % et s'élève à 962,6 millions.
Les montants des AE et des CP consommés sont près de 10 % supérieurs aux crédits initialement prévus en LFI, mais inférieurs aux crédits totaux ouverts en cours d'exécution.
Les variations significatives des montant des AE et CP prévus en LFI et consommés d'un exercice à l'autre s'expliquent, d'une part, par les cycles de commandes et de livraison d'aéronefs, un Canadair coûtant environ 60 millions d'euros et un hélicoptère H145 environ 13 millions d'euros, ainsi que par les renouvellements pluriannuels des marchés de maintenance en condition opérationnelle (MCO). D'autre part, le nombre et l'intensité des catastrophes naturelles (incendies, inondations, typhons...) et la sécurisation d'évènements exceptionnels (Jeux olympiques et paralympiques 2024, mouvement insurrectionnel en Nouvelle-Calédonie) influent sur les moyens humains et matériels mobilisés et les coûts associés.
Évolution de la consommation des
crédits de paiement
du programme 161
(en millions d'euros,
incluant les fonds de
concours et attributions de produits)
Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)
Extension du risque incendie dans le temps et dans l'espace, intensification des épisodes d'inondation, modernisation des systèmes d'alertes et de gestion opérationnelle des services de secours suite aux attentats de 2015, dynamisme de la participation de l'État au financement de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), commandes et livraisons récentes d'aéronefs, inflation du prix du carburant, revalorisations salariales, et de façon plus contextuelle la sécurisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) 2024 expliquent ces dernières années une tendance à la hausse du montant des crédits de paiement exécutés (+ 75,7 % entre 2019 et 2024) qui concerne toutes les natures de dépenses du programme 161.
1. Les dépenses de personnel continuent d'augmenter, portées par la progression de la part indemnitaire des rémunérations
Les dépenses de personnel se sont élevées à 216,1 millions d'euros en AE et en CP en 2024, contre 198,9 millions d'euros en 2023, soit une hausse de 8,6 %, après une précédente hausse de 4,54 % en 2023. Cet écart s'explique, d'une part, par un schéma d'emploi en nette progression (+ 246 ETP en 2024), et d'autre part, à la progression des rémunérations, et plus particulièrement de leur composante indemnitaire, qui représente désormais 45 % de la rémunération globale de la sécurité civile, dans le contexte d'une année 2024 ayant nécessité une mobilisation extrême des moyens humains. Le rapport annuel de performance indique ainsi que l'engagement marqué des militaires de la sécurité civile en Nouvelle-Calédonie en 2024 a entraîné une augmentation de l'indemnité de sujétions d'absence opérationnelle (ISAO) versée à hauteur de 6,3 millions d'euros, tandis que les primes exceptionnelles versées aux personnels impliqués dans la sécurisation des JOP durant l'été atteignent 1,1 million d'euros.
Le plafond d'emplois du programme 161 fixé par la LFI pour 2024 était en forte hausse, avec un total de 2 675 ETPT prévus, contre 2 467 ETPT l'année précédente.
Le plafond d'emplois a été marqué, comme c'est le cas depuis 2015, par une légère sous-exécution, qui correspond cette année à - 43 ETPT.
Évolution de l'exécution du plafond d'emplois
(en ETPT)
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
|
Plafond d'emplois autorisé |
2 402 |
2 450 |
2 483 |
2 498 |
2 479 |
2 490 |
2 463 |
2 467 |
2 675 |
Plafond d'emplois réalisé |
2 379 |
2 411 |
2 444 |
2 454 |
2 454 |
2 470 |
2 438 |
2 462 |
2 632 |
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Le schéma d'emplois en LFI, qui avait été abondé par amendement du gouvernement, a été pleinement réalisé (+ 246 ETP) avec notamment le recrutement de 164 ETP dans le cadre de la constitution de la 4e unité de formations militaires de la sécurité civile (ForMISC) annoncée par le Président de la République en octobre 2022, en réaction aux incendies qui avaient frappé le pays cette même année.
2. Les dépenses de fonctionnement connaissent une hausse conjoncturelle, en dépit d'une saison feux de forêt de moyenne intensité
Les dépenses de fonctionnement (titre 3) du programme 161 se sont élevées à 330,5 millions d'euros en CP, contre 246,0 millions d'euros ouverts en LFI pour 2024. La surconsommation des dépenses de fonctionnement (134,3 %) est, d'une part, induite par la sécurisation des JOP 2024 en raison de dépenses d'hébergement et de restauration des forces mobilisées en région parisienne ou encore de l'acquisition de matériels et équipements spécialisés dans la lutte contre les menaces notamment NRBC-E. En outre, la gestion de la crise en Nouvelle-Calédonie a engendré plus de 56 millions d'euros de dépenses de fonctionnement, non budgétées initialement, dont 37 millions d'euros de transport aérien, 10 millions d'euros de dépenses de logistique et matériel sur place et 10 millions d'euros pour le dégagement des axes routiers. À cela se conjugue, depuis 2022, l'effet de l'inflation du prix du carburant des aéronefs.
Les crédits de titre 3 restants se concentrent sur les dépenses de maintien en condition opérationnelle (MCO) et la location d'aéronefs dans le cadre du dispositif de lutte contre les feux de forêt.
Ainsi, si en 2024 les dépenses de fonctionnement ont subi une très nette augmentation et une surconsommation du fait de la gestion d'évènements exceptionnels, celle-ci a été relativement contenue, grâce au scénario heureux d'une saison des feux de forêt de moyenne, voire basse, intensité. En effet, un épisode climatique caniculaire à l'été 2024 aurait pu conduire à un scénario tout à fait différent, avec pour conséquence une forte mobilisation des aéronefs et donc une hausse significative des frais induits par la consommation de carburant et la location d'appareils.
3. Les dépenses d'investissement demeurent élevées malgré le report des commandes d'avions bombardiers d'eau
Les montants des dépenses d'investissement exécutées sont à un niveau élevé, proche de la programmation initiale, tant pour les autorisations d'engagement (85 %) que pour les crédits de paiement (95 %), a contrario de 2023 où ces taux d'exécution étaient inférieurs à 60 %.
En montant, les autorisations d'engagement exécutées s'élèvent à 192,4 millions d'euros en 2024 contre 445,2 millions d'euros en 2023, soit une diminution significative de 56,8 %. Cela tient au fait que l'essentiel des nouveaux marchés d'équipements lourds ont été engagés sur 2023. À l'inverse, les crédits de paiement connaissent une très forte augmentation de 143 %, s'élevant à 192,0 millions d'euros en 2024, contre 77,4 millions d'euros en 2023. Cela est lié à la passation et l'exécution du marché mutualisé entre la sécurité civile et la gendarmerie nationale, destiné à renouveler les 33 hélicoptères EC145 ancienne génération par des hélicoptères H145, notifié par la DGA en fin exercice 2023, et qui a vu sa tranche ferme engagée pour 412 millions d'euros d'AE sur le programme 161. La quasi-totalité des AE correspondant avaient été exécutées en 2023, tandis que l'exécution des crédits de paiement, à hauteur de 89,6 millions en 2024, supérieurs aux 65 millions d'euros prévus en LFI du fait de reports de crédits, se poursuivra lors des prochains exercices au fur et à mesure de la livraison des appareils.
4. Les dépenses d'intervention supportent une hausse tendancielle du financement de la BSPP par l'État et une forte mobilisation des colonnes de renfort en 2024
Les dépenses d'intervention (titre 6) se sont élevées à 224,0 millions d'euros en CP en 2024, soit un montant supérieur de 10,5 % au montant programmé en LFI (+ 21,3 millions d'euros). Ces dépenses connaissent une progression de 23,6 % par rapport à l'année 2023.
Cette augmentation s'inscrit, tout d'abord, dans la continuité d'une hausse tendancielle résultant du dynamisme de la contribution de l'État au financement de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP)1(*), qui a encore progressé cette année, s'élevant à 112,8 millions d'euros contre 103,8 millions d'euros en 2023 (+ 8,6 %). En hausse de 40 % depuis 2015, ce financement représente aujourd'hui près de 15 % des dépenses hors titre 2 du programme « Sécurité civile ».
Par ailleurs, de façon exceptionnelle, près de 14,5 millions d'euros ont été payés sur l'exercice budgétaire 2024 pour assurer le remboursement de dépenses engagées par les SDIS dans le cadre des colonnes de renforts mobilisées pour la sécurisation des JOP 2024.
B. ENTRE EXIGENCE DE MAÎTRISE DU DÉFICIT PUBLIC ET IMPÉRATIFS DE SÉCURISATION D'ÉVÈNEMENTS EXCEPTIONNELS, L'EXÉCUTION 2024 EST MARQUÉE PAR D'IMPORTANTS MOUVEMENTS DE CRÉDITS EN COURS DE GESTION
Mouvements intervenus en cours de gestion
2024
sur les crédits de paiement du programme
« Sécurité civile »
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat (d'après la Cour des comptes et les documents budgétaires)
L'exécution 2024 du programme 161 est marquée par une démultiplication des mouvements de crédits qui s'explique par deux injonctions contradictoires : d'une part, maîtriser les dépenses dans un contexte inédit de dégradation des finances publiques, et d'autre part, allouer des moyens matériels et humains suffisants pour assurer l'indispensable sécurisation d'évènements exceptionnels.
Dans un contexte de contrainte budgétaire, un surgel est intervenu au mois de février 2024 et s'est ajouté à une mise en réserve initiale déjà élevée. Ainsi, les programmes de la mission « Sécurités » ont dû geler plus de 8 % de leurs crédits hors titre 2. Ces gels ont principalement porté sur les crédits d'investissement de la sécurité civile, en raison des incertitudes associées aux délais de réalisation du programme d'acquisition d'avions bombardiers d'eau. Cependant la Cour des comptes relève qu'à l'échelle de la mission, ces gels importants de crédits, finalement dégelés, apparaissent peu pertinents au regard du caractère peu pilotable des crédits de cette mission et du caractère exceptionnel de l'année de réception des JOP.2(*)
Les crédits reportés sur le programme 161, sur 2024, s'élèvent à 388,96 millions d'euros en AE et 79,92 millions d'euros en CP, exclusivement sur des crédits hors-titre 2. Ces montants significatifs résultent notamment de 109,02 millions d'euros d'autorisations d'engagement affectées non engagées (AENE), et des reports de dépenses d'investissement relatives au renouvellement des aéronefs bombardiers d'eau. Ainsi, l'engagement de 40 millions d'euros en AE et 24 millions d'euros en CP ouverts en LFI 2023 pour l'acquisition de Canadair a été décalé sur 2024, de même que 19,48 millions d'euros en CP pour le renouvellement de la flotte des hélicoptères.
La sécurité civile a ensuite été particulièrement mise à contribution par le décret du 21 février qui a annulé 52,8 millions d'euros en AE et en CP, soit 6 % des CP.
Les crédits HT2 du programme « Sécurité civile » ont par la suite fait l'objet de 34,3 millions d'euros d'annulation en AE et 40,2 millions d'euros d'ouverture en CP inscrits en loi de fin de finances de fin de gestion pour 2024, sous-tendue par l'impact de la crise de Nouvelle Calédonie. La loi de finances de fin de gestion pour 2024 illustre les injonctions contradictoires auxquelles l'exécution des crédits de la sécurité civile a été confrontée. Au-delà du seul programme 161, elle a en effet au total annulé 5,6 milliards d'euros de crédits sur le périmètre des dépenses de l'État pour contenir le déficit public, mais a dans le même temps ouvert 4,2 milliards d'euros pour notamment financer des dépenses supplémentaires liées à la crise calédonienne et à la sécurisation des JOP.
Par décret du 12 décembre 2024, le programme a, en outre, bénéficié, d'un virement d'un montant de 8,7 millions d'euros en AE et CP destiné au redéploiement de crédits du ministère de l'intérieur pour le financement de dépenses liées à la sécurisation des JOP et la gestion des évènements en Nouvelle-Calédonie.
II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
A. DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT EN DÉPIT D'UNE AUGMENTATION SIGNIFICATIVE DES DÉPENSES DE PERSONNEL
Alors que l'exercice 2024 confirme une hausse tendancielle des dépenses de personnel, accrue du fait de la mobilisation des forces de sécurité lors des JOP et des évènements en Nouvelle-Calédonie, la sécurité civile souffre de difficultés dans le recrutement et la fidélisation de ses personnels.
Plusieurs exemples abondent en ce sens.
Tout d'abord, les indicateurs de performance du programme 161 mettent à nouveau en évidence le retard constaté dans le déploiement de NexSIS 18-112, projet de mutualisation des systèmes d'information des services d'incendie et de secours (SIS), dont la conception, le déploiement et la maintenance sont assurés par l'Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC).
Depuis son lancement, le déploiement du programme a été fortement perturbé pour des raisons endogènes (manque de moyens, complexité technique) et exogènes (crise sanitaire). Si 2024 marque un tournant encourageant, avec un déploiement opérationnel de NexSIS dans trois premiers Services d'incendie et de Secours (SIS) et la réalisation de mises à l'épreuve de réel dans plus d'une vingtaine d'autres, l'objectif cible de déploiement dans 24 SIS est très loin d'être atteint.
Surtout, le rapporteur s'inquiète d'un déploiement opérationnel qui pourrait être à nouveau ralenti en raison d'un manque de moyens humains.
Entre 2018 et 2024, l'ANSC est passée d'un statut d'établissement naissant à un opérateur de l'État en charge de la réalisation d'un programme national critique de 300 millions d'euros (montant prévisionnel actualisé sur la période 2018 à 2031 lors du PLF 2025). L'agence doit mettre en oeuvre le déploiement de l'outil vers 99 SIS, assurer son maintien en condition opérationnelle 24h/24 pour les premiers SIS équipés (Corse du Sud, Var, Indre-et-Loire) et assumer la poursuite des évolutions nécessaires.
L'agence disposait jusqu'à fin 2022 d'un plafond d'emplois à 12 ETP, ce qui a contraint à une importante externalisation des missions.
Dans le cadre de la LOPMI, l'ANSC a pu bénéficier en 2023 (année de mise en production de NexSIS 18-112 dans le premier SIS de Corse du Sud) d'une première augmentation de son plafond d'emplois de + 2 ETP. En 2024, celui-ci s'est accru significativement de + 8 ETP, atteignant alors 22 ETP auxquels s'ajoutaient 2 apprentis hors plafond d'emplois.
Cependant, le rapport annuel de performance pour 2024 démontre que le plafond d'emplois de l'ANSC n'a pas été atteint, avec seulement 15 ETP sous plafond et le recrutement d'un unique apprenti hors plafond. Cela traduit des difficultés de recrutement liées à un défaut d'attractivité pour des profils spécialisés.
En 2021, le rapport d'information n° 658 (2020-2021) de M. Jean Pierre Vogel, relatif au projet NexSIS, soulignait déjà « la difficulté d'attirer des profils sur certains postes, réservés à des emplois d'informaticiens qualifiés et de haute technicité ».
En 2024, le défaut d'attractivité de l'agence apparait toujours prégnant. Les autorités de direction de l'ANSC regrettent en effet que les opérations de recrutement soient rendues plus complexes pour des profils numériques spécialisés parfois rares sur le marché de l'emploi. Ces derniers peuvent en effet être peu enclins à rejoindre une agence de taille modeste et en suractivité.
Par ailleurs, la situation de la BSPP témoigne également des problématiques RH rencontrées par les forces de sécurité civile.
Dans son récent rapport sur les exercices 2018 à 2022 de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris3(*), la Cour des comptes constate que malgré une politique volontariste, la brigade peine à saturer son plafond d'emplois tout en voyant sa masse salariale évoluer de + 9,8 % entre 2018 et 2022. Si la subvention d'un montant de 112,8 millions en 2024 versée par l'État en 2024 ne participe pas directement aux dépenses de personnel (titre 2), le cas de la BSPP doit néanmoins alerter sur le hiatus entre l'augmentation des rémunérations et les difficultés de recrutement, et permet d'en comprendre certains facteurs.
Le rapport de la Cour des comptes souligne en effet des conditions d'exercices du métier de sapeur-pompier qui se dégradent, en raison notamment d'un climat d'insécurité qui s'ajoute à une suractivité : en moyenne un pompier par jour est agressé. La Cour des comptes pointe également du doigt le manque de visibilité sur l'avenir professionnel, la problématique du logement ou encore le célibat géographique.
B. L'ENTRETIEN ET LE RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE D'AÉRONEFS TOUJOURS SOURCES DE PRÉOCCUPATION
Le rapporteur s'inquiète une nouvelle fois des résultats des indicateurs de performances qui témoignent d'un indéniable défaut de disponibilité de la flotte d'aéronefs patrimoniale. Il s'étonne de l'écart persistant entre les cibles ambitieuses affichées lors de la préparation du projet de loi de finances et la réalité alarmante constatée lors de l'examen de la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année. Les taux de disponibilité opérationnelle des avions et des hélicoptères de la sécurité civile s'élèvent ainsi respectivement à 86 % et 81 %, contre des cibles de 98 % et 95 %.
Si la livraison progressive des nouveaux H145, dont trois en fin d'année 2024, devrait permettre une amélioration de la disponibilité des hélicoptères, une solution demande toujours à être trouvée concernant les carences constatées du marché de maintien en condition opérationnelle (MCO).
La situation des avions bombardiers d'eau est en revanche plus préoccupante. En effet, le renouvellement de la flotte de Canadair annoncé par le Président de la République après la saison de feux de 2022, demeure incertain. En 2024, seuls les deux appareils financés dans le cadre du programme européen RescEU ont été commandés, la France ayant renoncé aux deux Canadairs supplémentaires prévus en option suite à l'annulation de crédits par le décret du 21 février 2024.4(*) Outre le contexte budgétaire contraint, le calendrier de renouvellement de la flotte est également menacé par les difficultés intrinsèques à la remise en marche d'une chaîne de production industrielle de ce niveau qui laisse d'ores et déjà anticiper des retards. À cela s'ajoutent les craintes que les livraisons soient retardées par la pression des États et des populations en faveur de la livraison prioritaire de ces Canadair au Canada et aux États-Unis, plutôt qu'aux États de l'Union européenne.
C. LA NÉCESSAIRE PRÉSERVATION DES CAPACITÉS OPÉRATIONNELLES DES FORCES DE SÉCURITÉ CIVILE FACE À LA DIVERSIFICATION ET L'INTENSIFICATION DES CRISES
L'exécution 2024 traduit la poursuite d'investissements visant la mise en adéquation des moyens capacitaires avec la diversification et l'intensification des menaces.
Tout d'abord, 2024 est marquée par la poursuite du financement des pactes capacitaires feux de forêt qui permettent des projets d'investissements structurants pour les services d'incendie et de secours (SIS), dans le cadre de cofinancements entre l'État et les collectivités locales. 150 millions d'euros d'AE avaient ainsi été ouverts au titre de la LFI 2023 pour permettre une mise à niveau capacitaire face à l'intensification du risque feux de forêt. Après 32,3 millions d'euros en 2023, 39,9 millions d'euros en CP ont été versés aux services d'incendie et de secours en 2024, essentiellement au titre d'acomptes sur les commandes de véhicules conventionnées en 2023 et qui commencent à être livrés dans les SDIS.
Par ailleurs, la sécurisation des JOP 2024 a exigé une mise à niveau en matériels spécialisés dans la lutte contre les menaces notamment nucléaire, radiologique, biologique et chimique ou explosive (NRBC-E) avec plusieurs millions d'euros investis lors des derniers exercices.
Enfin, les conclusions de la mission de contrôle relative aux inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024 menée par le Sénat soulignent qu'il existe un consensus scientifique sur le fait que l'augmentation des températures ainsi que l'élévation du niveau de la mer conduira à une hausse de la fréquence des inondations et des submersions marines dans l'avenir5(*). Or, face à des inondations sans précédent, spécifiquement dans le Nord et le Pas-de-Calais, les services de secours ont été confrontés à leurs limites, nécessitant l'intervention de renforts européens. Le manque d'équipements de pompage lourds et de capacités héliportées a en particulier révélé l'impératif d'un renforcement capacitaire. En ce sens, 8 pompes, dont 3 de grande capacité, ont pu être acquises en fin d'année 2024 pour un montant de plus de 5,3 millions d'euros financés par l'action 12 « Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux ». Cela a permis d'augmenter de plus de 30 % les capacités de pompage des moyens nationaux déployés en cas d'inondations.
* 1 En application de l'article L. 2512-19 du code général des collectivités territoriales, l'État participe aux dépenses de fonctionnement de la BSPP. Cette participation est égale à 25 % des dépenses inscrites au budget spécial de la préfecture de police relatives à la rémunération des militaires (y compris alimentation, frais d'habillement, de transport et de missions), au service d'instruction et de santé, à l'entretien, la réparation et l'installation du matériel de lutte contre l'incendie, du matériel de transport, ainsi que du matériel de transmission.
* 2 Cour des comptes, Analyse de l'exécution budgétaire 2024 « Sécurités ».
* 3 Cour des comptes, La brigade de sapeurs-pompiers de Paris Exercices 2018-2022, 12 février 2025.
* 4 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire 2023 - Mission « Sécurités ».
* 5 Rapport d'information n° 775 (2023-2024), déposé le 25 septembre 2024 par MM. Jean-François RAPIN et Jean-Yves ROUX, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) et de la commission des finances (2) par la mission conjointe de contrôle relative aux inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024.