- LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
- I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA
MISSION EN 2024
- II. LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
- A. MALGRÉ LA FIN DES MESURES DE CRISE, LES
DÉPENSES DE LA MISSION CONTINUENT DE CROÎTRE À UN RYTHME
SOUTENU
- B. LES DÉPENSES DU
PROGRAMME 304 SEMBLENT RENOUER AVEC UNE CERTAINE
STABILITÉ
- C. L'ALLOCATION POUR ADULTE HANDICAPÉ (AAH)
EST LE PRINCIPAL FACTEUR D'AUGMENTATION DES DÉPENSES DE LA
MISSION
- D. LA HAUSSE DES DÉPENSES
DÉDIÉES À L'ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES
HOMMES S'EST ACCÉLÉRÉE EN 2024
- A. MALGRÉ LA FIN DES MESURES DE CRISE, LES
DÉPENSES DE LA MISSION CONTINUENT DE CROÎTRE À UN RYTHME
SOUTENU
- I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA
MISSION EN 2024
N° 743 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025 |
RAPPORT FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet
de loi, |
Par M. Jean-François HUSSON, Sénateur |
TOME II ANNEXE N° 30 Rapporteurs spéciaux : MM. Arnaud BAZIN et Pierre BARROS |
(1) Cette commission est composée de :
M. Claude Raynal, président ;
M. Jean-François Husson, |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138 Sénat : 718 (2024-2025) |
LES PRINCIPALES
OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
1. La loi de finances initiale pour 2024 avait prévu l'ouverture de 31,0 milliards d'euros en autorisation d'engagements (AE) et de 31,1 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), un montant en augmentation par rapport à l'autorisation budgétaire initiale pour l'année 2023 (+ 5,5 % en AE et en CP).
2. En exécution 2024, les crédits se sont finalement élevés à 30,9 milliards d'euros en AE et 31,0 milliards d'euros en CP. Alors que l'on constatait une sur-exécution chronique des crédits lors des exercices précédents, l'exécution 2024 se caractérise par une exécution quasi-conforme par rapport à l'autorisation budgétaire initiale pour 2024 (- 0,1 % en AE et - 0,2 % en CP).
3. Si les crédits de la mission enregistrent une forte dynamique sur la période 2017-2020, avec un taux de croissance annuel moyen de 17,6 %, la période 2021-2024 se caractérise par une relative stabilité (+ 1,7 %). Toutefois, l'exercice 2024 donne à voir une augmentation sensible des crédits exécutés par rapport à l'exercice précédent (+3,5 %).
4. Le faible écart avec l'autorisation budgétaire initiale s'explique principalement par l'absence de mesure d'urgence intervenue en cours d'exercice, mais également par un impact limité du décret d'annulation de crédits du 21 février 2024.
5. Contrairement aux exercices précédents, qui avaient été marqués par la mobilisation récurrente de la mission pour financer la réponse à des situations d'urgence économique et sociale, l'exercice 2024 se démarque par l'absence de telles mesures qui ne permet néanmoins pas la stabilisation des dépenses de la mission. Elles s'établissent à 30,8 milliards d'euros (hors fonds de concours et contribution au CAS « Pensions »), légèrement au-dessus du plafond fixé par la loi de programmation des finances publiques (LPFP).
6. L'exercice 2024 est marqué par une forte progression des dépenses de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). De + 8,8 % par rapport à l'exécution 2023, elle s'explique par la croissance particulièrement forte du nombre des bénéficiaires (+ 2,2 %), en particulier les bénéficiaires de l'AAH-2, caractérisé par un handicap important - incapacité de plus de 80 %.
7. L'exécution 2024 est enfin marquée par l'accélération de la hausse des crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » : + 31,8 millions d'euros en CP (+ 45,8 %). Cette dynamique a vocation à décélérer compte-tenu de la stabilisation attendue du taux de recours à l'aide universelle d'urgence en faveur des victimes de violences, après une forte dynamique au démarrage.
I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2024
La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » porte les politiques publiques de solidarité et de cohésion sociale de l'État en faveur des personnes les plus fragiles. Sur l'exercice 2024, la mission comporte quatre programmes en fin d'exécution, dont l'un a depuis été supprimé par la loi de finances pour 2025 :
- le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » porte notamment les crédits de la prime d'activité. Il concourt entre autres à la stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté. Il permet également de financer les politiques d'aide alimentaire, les actions relatives à la qualification en travail social, les mesures de protection juridique des majeurs, des actions de protection et d'accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables, ainsi que l'aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine ;
- le programme 157 « Handicap et dépendance » porte notamment les crédits de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Il assure également le financement de l'aide au poste versée aux établissements et services d'aide par le travail (ESAT) ainsi que le dispositif d'emploi accompagné. Le programme finance en outre des actions de lutte contre la maltraitance des personnes dépendantes ;
- le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » vise notamment à financer des actions d'accès au droit, de lutte contre les violences faites aux femmes et visant à favoriser l'émancipation économique des femmes ;
- le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » constitue le programme d'appui et de soutien aux politiques du ministère des solidarités et de la santé, portant l'ensemble des emplois de la mission. Il finance également la subvention pour charges de service public allouée aux agences régionales de santé (ARS). Dans la loi de finances pour 2025, ce programme a été supprimé et ses crédits regroupés au sein de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ».
Il convient de noter que les programmes 304 et 157, qui financent respectivement la prime d'activité et l'allocation aux adultes handicapés (AAH) représentent à eux seuls plus de 95 % des crédits de la mission.
Évolution des crédits de la mission
« Solidarité, insertion et égalité des
chances »
à périmètre constant
en 2024
(en millions d'euros et en pourcentage)
N° |
Intitulé du programme |
2023 |
2024 |
Écart LFI 2024 / LFI 2023 |
Écart exécution 2024 / exécution 2023 |
Écart exécution 2024 / LFI 2024 |
|||
Prévision |
Exécution |
Prévision |
Exécution |
||||||
304 |
Inclusion sociale et protection des personnes |
AE |
13 987,4 |
14 404,4 |
14 283,9 |
14 312,8 |
+ 2,1 % |
- 0,6 % |
+ 0,2 % |
CP |
13 987,4 |
14 415,6 |
14 285,1 |
14 323,3 |
+ 2,1 % |
- 0,6 % |
+ 0,3 % |
||
157 |
Handicap et dépendance |
AE |
14 085,2 |
14 220,4 |
15 381,8 |
15 317,1 |
+ 9,2 % |
+ 7,7 % |
- 0,4 % |
CP |
14 086,5 |
14 221,6 |
15 381,8 |
15 315,4 |
+ 9,2 % |
+ 7,7 % |
- 0,4 % |
||
137 |
Égalité entre les femmes et les hommes |
AE |
62,2 |
66,4 |
77,4 |
100,8 |
+ 24,5 % |
+ 51,8 % |
+ 30,3 % |
CP |
65,4 |
69,3 |
77,4 |
101,1 |
+ 18,4 % |
+ 45,8 % |
+ 30,6 % |
||
124 |
Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales |
AE |
1 255,0 |
1 227,1 |
1 258,0 |
1 228,9 |
+ 0,2 % |
+ 0,1 % |
- 2,3 % |
CP |
1 349,7 |
1 284,3 |
1 354,8 |
1 291,2 |
+ 0,4 % |
+ 0,5 % |
- 4,7 % |
||
Total |
AE |
29 389,7 |
29 918,2 |
31 001,1 |
30 959,6 |
+ 5,5 % |
+ 3,5 % |
- 0,1 % |
|
CP |
29 488,9 |
29 990,9 |
31 099,0 |
31 030,9 |
+ 5,5 % |
+ 3,5 % |
- 0,2 % |
AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. Prévision : prévision en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
La loi de finances initiale pour 2024 avait prévu l'ouverture de 31,0 milliards d'euros en autorisation d'engagements (AE) et de 31,1 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) pour l'ensemble de la mission, soit un montant en augmentation de 5,5 % en AE et en CP par rapport à l'autorisation budgétaire initiale pour l'année 2023.
En exécution 2024, les crédits consommés se sont finalement élevés à 30,9 milliards d'euros en AE et à 31,0 milliards d'euros en CP. Pour la première fois depuis plusieurs années, la mission ne connait pas, en 2024, de sur-exécution de ses crédits : l'exécution 2024 est conforme à l'autorisation budgétaire initiale (- 0,1 % en AE et - 0,2 % en CP).
Si cette exécution conforme à la prévision est un motif de satisfaction, elle dissimule des mouvements en sens contraires, les - légères - sur-exécutions des programmes 304 et 137 étant compensées par des sous-exécutions sur les autres programmes.
Les crédits de la mission ont connu une forte dynamique sur la période 2017-2020, avec un taux de croissance annuel moyen de 17,6 %, due notamment à la hausse de la prime d'activité pour répondre à la crise des gilets jaunes et aux aides exceptionnelles de solidarité pendant la crise sanitaire1(*).
La période 2021-2024 se caractérise par une augmentation moins soutenue des dépenses (+ 1,7 %), bien que la dynamique de fond reste clairement orientée à la hausse, avec par exemple une augmentation sensible de 3,5 % des dépenses exécutés entre les exercices 2023 et 2024.
Évolution des crédits votés en LFI et exécutés entre 2017 et 2024 (CP)
(en milliards d'euros et en pourcentage)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
L'exécution 2024 hors fonds de concours et contribution au CAS « Pensions » s'élève à 30,8 milliards d'euros en CP, et dépasse ainsi légèrement le plafond défini à l'article 13 de la loi de programmation des finances publiques 2023-2027, fixé à 30,7 milliards d'euros pour 2024 au format du projet de loi de finances (PLF) pour 20232(*).
Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2024
(en millions d'euros et en pourcentage)
Programme |
LFI 2024 |
Reports entrants (y.c. FDC et ADP) |
Rattachements de FDC et ADP (solde) |
Virements et transferts (solde) |
Annulations de crédits |
LFFG (07/12/2024) |
Crédits ouverts 2024 |
Crédits consommés 2024 |
Taux de consommation des crédits ouverts |
||
304 |
AE |
14 283,9 |
55,8 |
0,4 |
- 28,4 |
- 50,0 |
58,7 |
14 320,5 |
14 312,8 |
99,95 % |
|
CP |
14 285,1 |
87,2 |
0,4 |
- 27,4 |
- 50,0 |
56,5 |
14 351,8 |
14 323,3 |
99,80 % |
||
157 |
AE |
15 381,8 |
2,5 |
5,0 |
0,0 |
- 230,0 |
158,8 |
15 318,1 |
15 317,1 |
99,99 % |
|
CP |
15 381,8 |
3,0 |
5,0 |
0,0 |
- 230,0 |
158,8 |
15 318,6 |
15 315,4 |
99,98 % |
||
137 |
AE |
77,4 |
0,2 |
2,0 |
0,0 |
- 7,0 |
28,6 |
101,1 |
100,8 |
99,7 % |
|
CP |
77,4 |
0,9 |
2,0 |
0,0 |
- 7,0 |
28,6 |
101,9 |
101,1 |
99,2 % |
||
124 |
AE |
1 257,9 |
26,0 |
15,2 |
- 17,77 |
- 20,0 |
- 17,3 |
1 243,9 |
1 228,9 |
98,8 % |
|
CP |
1 354,7 |
36,3 |
15,2 |
- 16,24 |
- 20,0 |
- 40,6 |
1 329,3 |
1 291,2 |
97,1 % |
||
Total mission |
AE |
31 001,0 |
84,5 |
22,5 |
- 46,1 |
- 307,0 |
228,8 |
30 983,6 |
30 959,6 |
99,9 % |
|
CP |
31 098,9 |
127,4 |
22,5 |
- 43,6 |
- 307,0 |
203,3 |
31 101,6 |
31 030,9 |
99,8 % |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Par ailleurs, comme les années précédentes, la consommation des crédits ouverts est quasi-totale.
II. LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
A. MALGRÉ LA FIN DES MESURES DE CRISE, LES DÉPENSES DE LA MISSION CONTINUENT DE CROÎTRE À UN RYTHME SOUTENU
Les exercices de la période 2019-2023 avaient été marqués par la mobilisation récurrente de la mission pour financer la réponse à des situations d'urgence économique et sociale, avec notamment :
- l'augmentation à 90 euros du bonus individuel de la prime d'activité en réponse au mouvement des « gilets jaunes », pour un coût annuel pérenne d'environ 4,4 milliards d'euros ;
- l'ouverture de 2,7 milliards d'euros en 2020, pour financer une série de mesures d'urgence en réponse à la crise sanitaire, comme les aides exceptionnelles de solidarité en faveur des ménages modestes (1,9 milliard d'euros) ;
- l'indemnité inflation en 2021, en réponse à la hausse des prix constatée sur cet exercice, avec un coût de 3 milliards d'euros pour la mission ;
- la « prime de rentrée » en 2022, en faveur des foyers modestes, pour un coût de 1 350 millions d'euros ;
- diverses ouvertures de crédits en 2023, un peu plus de 133 millions d'euros sur le programme 157 et 440,9 millions d'euros sur le programme 304 - dont 70 millions d'euros visant à financer une revalorisation exceptionnelle de 35 % de la « prime de Noël » pour les familles monoparentales, et 40 millions d'euros pour soutenir les associations d'aide alimentaire qui faisaient face à une situation très difficile.
En 2024, l'exécution budgétaire a été plus proche des prévisions que lors des exercices précédents. Cette exécution budgétaire quasi-conforme résulte, d'une part, de l'absence de dispositif d'urgence adopté en cours d'exercice et, d'autre part, d'un faible impact du décret d'annulation du 21 février 20243(*) sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
En effet, ce décret a procédé à une annulation de 307 millions d'euros en AE et en CP - plus faible que sur d'autres missions puisqu'il correspond à peine à 1 % des crédits ouverts. Surtout, les diverses mesures de régulation budgétaire intervenues en cours d'exercice (reports de crédits, rattachement de fonds de concours) et les ouvertures autorisées par la loi de finances de fin de gestion pour 2024 (+ 228,8 millions d'euros en AE et + 203,3 millions d'euros en CP) compensent presque intégralement cette annulation.
Les crédits définitivement ouverts pour 2024 correspondent donc, à la dizaine de millions d'euros près, aux crédits ouverts dans la LFI.
Évolution des crédits de la mission à périmètre courant entre 2018 et 2024 (CP)
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Ainsi, malgré la disparition des dépenses d'urgence au sein de la mission entre 2023 et 2024, les dépenses de la mission continuent leur augmentation, avec une hausse de 1 milliard d'euros (+ 3,5 %). Que les dépenses de la mission poursuivent leur dynamique de la sorte est inquiétant dans la mesure où il s'agit désormais d'une progression des dépenses ordinaires.
Dans sa note d'exécution budgétaire4(*), la Cour des comptes souligne que la hausse des dépenses de la mission est principalement déterminée par l'évolution de la prime d'activité et de l'AAH - constat que partagent les rapporteurs spéciaux. Elle note que, s'agissant de la prime d'activité, « les annulations et gels de crédits ne se sont pas traduits par des économies de dépenses de prime d'activité, faute de mesure d'ordre paramétrique » et que, s'agissant de l'AAH, « les outils de maîtrise de la dépense [sont] encore insuffisamment développés ».
Les rapporteurs spéciaux notent que des premières mesures ont été prise en ce sens, puisqu'une modification des paramètres de la prime d'activité - la « pente » de la progression en fonction des revenus des bénéficiaires - a été annoncée par le Gouvernement dans le cadre de l'examen du PLF pour 2025 aux fins de limiter la progression de la dépense de cette prestation.
B. LES DÉPENSES DU PROGRAMME 304 SEMBLENT RENOUER AVEC UNE CERTAINE STABILITÉ
Le programme 304 n'a pas été, comme ces dernières années, le vecteur de mesures destinées à protéger nos concitoyens les plus fragiles de l'impact de l'inflation - indemnité inflation, « prime de rentrée », etc. Il n'a donc pas été le principal facteur de progression des dépenses de la mission. En particulier, les dépenses de guichet, qui sont souvent les plus dynamiques, se sont stabilisés en 2024 :
Évolution des crédits
consommés au titre des principales dépenses de guichet
du
programme 304
(en millions d'euros et en pourcentage)
|
2023 |
2024 |
Évolution |
Prime d'activité |
10 691,9 |
10 597,0 |
- 0,9 % |
RSA recentralisé |
1 588,5 |
1 616,0 |
+ 1,7 % |
Protection juridique des majeurs |
829,5 |
853,8 |
+ 2,9 % |
Prime de Noël |
536,0 |
464,0 |
- 13,4 % |
TOTAL |
13 645,9 |
13 530,8 |
- 0,8 % |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Ces évolutions ont plusieurs origines principales :
- s'agissant de la prime d'activité, la stabilisation de la dépense résulte principalement de l'augmentation des ressources des ménages et de l'impact, à la baisse, de l'utilisation généralisé du « montant net social » dans les déclarations trimestrielles de ressources, qui ont plus que compensé les effets haussiers de l'augmentation du barème et la croissance de l'emploi salarié ;
- s'agissant de la prime de Noël, la diminution importante constatée par rapport à l'année précédente (- 13,4 %) résulte principalement de l'absence, en 2024, de versement exceptionnel pour les familles monoparentales - la revalorisation exceptionnelle de cette prime introduite dans la loi de finances de fin de gestion pour 2023 pour un montant de 70 millions d'euros, n'ayant pas été reconduite ;
- s'agissant du RSA recentralisé, par la revalorisation légale des barèmes au 1er avril 2024, qui a plus que compensé la baisse du nombre de bénéficiaires, rendant nécessaire une ouverture de 57 millions d'euros en loi de finances de fin de gestion pour 2024 ;
- s'agissant de la protection juridique des majeurs, l'augmentation - légère - des crédits s'explique par le vieillissement de la population et par le recul des mesures de protection confiées à la famille.
C. L'ALLOCATION POUR ADULTE HANDICAPÉ (AAH) EST LE PRINCIPAL FACTEUR D'AUGMENTATION DES DÉPENSES DE LA MISSION
La consommation des crédits au titre de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), financés sur le programme 157, s'élève en 2024 à 13,7 milliards d'euros, un montant conforme à celui prévu en LFI. Il s'agit d'une augmentation de plus d'un milliard d'euros (+ 8,8 %) par rapport à 2023.
Sur les dernières années, on constate notamment une dynamique importante de la dépense, qui est passé de 9,7 milliards d'euros en 2018 à 13,7 milliards d'euros en 2024 (+ 41,2 %).
La déconjugalisation de cette prestation5(*) n'explique que partiellement cette augmentation : son coût est estimé à seulement 280 millions d'euros (contre les 500 millions d'euros attendus) en 2024. L'augmentation de la dépense d'AAH résulte en revanche du double effet d'une hausse du nombre de bénéficiaires et de revalorisations du montant de la prestation intervenues en 2019 et en 2022.
Évolution des dépenses d'AAH (en CP) et des effectifs des bénéficiaires
(en nombre de bénéficiaires - droite - et en millions d'euros - gauche)
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires et les réponses au questionnaire budgétaire
S'agissant de « l'effet prix », l'AAH a été revalorisée de + 4,6 % en avril 2024, soit un montant maximal de 1 016,05 euros.
S'agissant de « l'effet volume », l'accroissement global de la population et son vieillissement explique principalement l'augmentation de la dépense d'AAH. La progression du nombre de bénéficiaires de l'AAH-2, permise par une meilleure reconnaissance de certains types de handicap, est particulièrement soutenue : elle a été de + 3 % en 2021, + 4,1 % en 2022 et + 3,8 % en 2023. Cette dynamique s'est poursuivie en 2024.
La distinction entre l'AAH-1 et l'AAH-2
Les crédits du programme 157 financent très majoritairement l'allocation aux adultes handicapés (AAH). L'AAH est un minimum social régi par les articles L. 821-1 et suivants du code de la sécurité sociale et destiné à garantir un revenu de subsistance aux personnes en situation de handicap, notamment du fait de leur difficultés d'accès à l'emploi.
Elle bénéficie aux personnes qui respectent les critères suivants :
- un taux d'incapacité permanente égal ou supérieur à 80 %, au titre de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale (« AAH-1 ») ;
- un taux d'incapacité permanente égal ou supérieur à 50 % et inférieur à 80 % et une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi (RSDAE), au titre de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale (« AAH-2 »).
Source : rapport annuel de performances 2024, mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »
D. LA HAUSSE DES DÉPENSES DÉDIÉES À L'ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES S'EST ACCÉLÉRÉE EN 2024
Les crédits pour les politiques de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les violences faites aux femmes sont retracés, pour ce qui relève de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », sur le programme 137. Celui-ci intervient principalement par des subventions versées à des associations assurant des missions de service public ou d'intérêt collectif, qui développent des actions tant en matière de lutte contre les violences sexistes que pour promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes.
Dans un rapport publié en juillet 20206(*), les rapporteurs spéciaux avaient fait le constat d'une politique insuffisamment portée, à la recherche de crédits budgétaires et souffrant d'un manque de moyens de l'administration comme des associations. Depuis, les moyens budgétaires dédiés à cette politique publique ont connu une constante augmentation : la consommation était de 22,3 millions d'euros en 2017 ; en 2024, ils ont pour la première fois dépassé le montant symbolique des 100 millions d'euros. Il s'agit d'une augmentation de 45,8 % par rapport à 2023.
Évolution des crédits ouverts en LFI
et consommés
sur le programme 137 entre 2017 et
2025
(en crédits de paiement et en pourcentage)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
En LFI 2024, 77,4 millions d'euros en AE et en CP avaient été ouverts au titre du programme 137. Après reports et transferts, les crédits disponibles se sont élevés à 79,5 millions d'euros en AE et 80,3 millions d'euros en CP. Avec un fort taux d'exécution de 131 % en 2024, on constate une tendance à la sur-exécution des crédits du programme 137 depuis 2020, les taux d'exécution s'établissant systématiquement au-dessus de 100 % depuis cette date, alors qu'ils étaient inférieurs auparavant.
Cette sur-exécution résulte principalement d'une sous-évaluation du taux de recours à la nouvelle aide universelle d'urgence en faveur des victimes de violences conjugales7(*) : les dépenses au titre de cette aide ont connu une forte dynamique dans ses premiers mois de mise en oeuvre. En effet, en décembre 2023, 5 723 aides avaient été versées, pour un montant total de 5 045 891 euros.
Le recours à cette nouvelle aide a ensuite connu une diminution progressive : le taux de recours s'est ainsi élevé à plus de 30 % en décembre 2023, mais il était de 14 % en juin et juillet 2024, pour un nombre total de bénéficiaires potentiels estimé à environ 220 000 par an8(*).
Comme les rapporteurs spéciaux le craignaient, les dépenses au titre de l'aide universelle d'urgence ont été bien supérieures aux crédits prévus pour 2024 : elles ont été de à 26 millions d'euros sur l'année, rendant nécessaire l'ouverture de 28,6 millions d'euros en AE et en CP dans la loi de finances de fin de gestion pour 2024. Ces crédits, une fois ouverts, ont été quasi-intégralement consommés (99,7 % des AE et 99,2 % des CP), confirmant la tendance à l'entière consommation des crédits observée les années précédentes.
Ce niveau de crédits ne serait pas de nouveau atteint en 2025, puisqu'une enveloppe de 20,4 millions d'euros est prévue, fondée sur l'hypothèse d'un ralentissement puis d'une stabilisation du taux de recours au dispositif.
* 1 Rapport n° 128 (2023-2024), fait par MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet au nom de la commission des finances du Sénat, sur le projet de loi de finances pour 2024, annexe n° 30, déposé le 23 octobre 2023.
* 2 Loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
* 3 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.
* 4 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire, Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », 2024.
* 5 Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.
* 6 « Le financement de la lutte contre les violences faites aux femmes : une priorité politique qui doit passer de la parole aux actes », Rapport d'information de MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, fait au nom de la commission des finances, n° 602 (2019-2020) - 8 juillet 2020.
* 7 Loi n° 2023-140 du 28 février 2023 créant une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales.
* 8 Sur la base du nombre de dépôts de plainte pour violences conjugales, des ordonnances de protection, des signalements au parquet pour violences conjugales.