- LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
- I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION
EN 2024 : UNE SOUS-EXÉCUTION QUI RÉSULTE PRINCIPALEMENT DU
DÉCRET D'ANNULATION DU 21 FÉVRIER 2024
- II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR
SPÉCIAL
- 1. Le niveau de recours au Pass'sport
s'améliore pour se rapprocher des objectifs initialement
fixés
- 2. Le budget de la préparation des jeux
Olympiques et Paralympiques a été maîtrisé
- 3. La trésorerie de l'Agence du service
national est descendue très en-deçà du prudentiel
- 4. Le service national universel : à la
fois « mort et vivant », le « chat de
Schrödinger » des politiques de la jeunesse
- 1. Le niveau de recours au Pass'sport
s'améliore pour se rapprocher des objectifs initialement
fixés
- I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION
EN 2024 : UNE SOUS-EXÉCUTION QUI RÉSULTE PRINCIPALEMENT DU
DÉCRET D'ANNULATION DU 21 FÉVRIER 2024
N° 743 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025 |
RAPPORT FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet
de loi, |
Par M. Jean-François HUSSON, Sénateur |
TOME II ANNEXE N° 31 Rapporteur spécial : M. Éric JEANSANNETAS |
(1) Cette commission est composée de :
M. Claude Raynal, président ;
M. Jean-François Husson, |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138 Sénat : 718 (2024-2025) |
LES PRINCIPALES
OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. En 2024, la consommation des crédits de paiement sur la mission s'élève à 1 547,6 millions d'euros. L'exécution des crédits est inférieure de 14,5 % au montant des crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2024 (1 809,8 millions d'euros).
2. Cette réalisation inférieure aux prévisions résulte principalement du décret d'annulation du 21 février 2024. Le décret a ainsi annulé 50,5 millions d'euros sur le programme « sport » (principalement sur la réserve de précaution), 15 millions d'euros sur le service national universel (SNU) et 100 millions d'euros sur le service civique.
3. Toutefois, une partie de cette baisse est en trompe l'oeil. En effet, la mesure la plus importante, c'est-à-dire l'annulation de 100 millions d'euros sur le service civique, a conduit à une dégradation telle de la trésorerie de l'Agence du service civique (ASC) que les financements du service civique ont été rehaussés de 518,8 à 600 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2025. L'annulation des crédits du service civique en février 2024, pour ensuite devoir les réaugmenter en loi de finances initiale pour 2025, révèle ainsi une gestion des finances publiques qui privilégie encore trop l'affichage de court terme plutôt qu'une véritable stratégie de financement de long terme.
4. 76,2 millions d'euros du Pass'Sport ont été consommés, contre une prévision de 85,4 millions d'euros. 1,65 million de jeunes ont bénéficié du Pass'sport en 2023, ce qui est meilleur qu'en 2023 (1,32), et le dispositif se rapproche progressivement de l'objectif de 1,8 million. Si cette évolution est positive, les objectifs du Pass'sport gagneraient à être clarifiés.
5. En 2024, 56 812 jeunes ont participé au séjour de cohésion du SNU, ce qui est une progression par rapport à 2023 (40 135 jeunes), mais qui reste très loin de l'objectif de généralisation à l'ensemble d'une classe d'âge (850 000 jeunes). Il est même possible de se demander si la généralisation, de même que son caractère obligatoire sont encore à l'ordre du jour. Par ailleurs, au regard des difficultés importantes rencontrées dans le cadre l'expérimentation, notamment en termes d'hébergement, le caractère obligatoire du SNU n'est désormais plus évoqué dans les médias. Dans le même temps, aucune trajectoire aujourd'hui n'est définie pour ce dispositif. Le SNU, à la fois « mort et vivant » semble ainsi être le « chat de Schrödinger » des politiques de la jeunesse : son destin est particulièrement incertain.
6. Le calendrier de la livraison des ouvrages olympiques a été respecté, et la préparation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 a respecté le cadre budgétaire.
I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2024 : UNE SOUS-EXÉCUTION QUI RÉSULTE PRINCIPALEMENT DU DÉCRET D'ANNULATION DU 21 FÉVRIER 2024
Pour mémoire, la mission « Sport, jeunesse et vie associative » comprend trois programmes :
- le programme 219 « Sport », qui porte principalement sur le soutien aux fédérations sportives, sur l'ouverture à tous de la pratique sportive, et enfin le soutien aux opérateurs du sport ;
- le programme 163 « Jeunesse et vie associative », qui concerne essentiellement le développement du service civique, par le biais de l'Agence du service civique (ASC), la préfiguration du service national universel (SNU) ainsi que le soutien à la vie associative, en particulier par le soutien au Fonds de coopération de la Jeunesse et de l'Éducation populaire (FONJEP) et le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) ;
- le programme 350 « Jeux olympiques et paralympiques de 2024 », qui constitue le vecteur budgétaire du soutien financier de l'État à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.
Exécution des crédits de la mission par programme en 2024
(en millions d'euros)
Programme |
Crédits exécutés en 2023 |
Crédits votés LFI 2024 |
Crédits ouverts 2024 |
Crédits exécutés 2024 |
LFI 2024 / Exécution 2024 |
Exécution 2023 / Exécution 2024 |
|
219 |
AE |
665,6 |
775,1 |
729,4 |
668,1 |
- 13,8 % |
+ 0,4 % |
CP |
577,6 |
775,1 |
826,9 |
639,0 |
- 17,6 % |
+ 10,6 % |
|
163 |
AE |
795,0 |
901,1 |
777,2 |
769,6 |
- 14,6 % |
- 3,2 % |
CP |
799,4 |
901,1 |
791,4 |
772,5 |
- 14,3 % |
- 3,4 % |
|
350 |
AE |
132,0 |
42,9 |
45,6 |
45,5 |
+ 6,1 % |
- 65,5 % |
CP |
345,5 |
133,7 |
136,3 |
136,1 |
+ 1,8 % |
- 60,6 % |
|
Total |
AE |
1 592,7 |
1 719,1 |
1 552,1 |
1 483,3 |
- 13,7 % |
- 6,9 % |
CP |
1 722,5 |
1 809,8 |
1 754,6 |
1 547,6 |
- 14,5 % |
- 10,2 % |
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
En 2024, la consommation des crédits de paiement sur la mission s'élève à 1 547,6 millions d'euros. L'exécution des crédits est inférieure de 14,5 % au montant des crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2024 (1 809,8 millions d'euros).
Cette différence provient principalement des annulations de crédits décidées par le décret du 21 février 2024, qui a particulièrement touché la mission « Sport, jeunesse et vie associative » en proportion de son montant. Le décret avait en effet réduit de 9,9 % les crédits de la mission, en troisième position derrière la mission « Écologie, développement et mobilité durable » (10,3 %) et la mission « Aide publique au développement » (12,5 %). Plus précisément, le décret a annulé :
- 50,5 millions d'euros sur le programme 219 « Sport », pris pour l'essentiel sur la réserve de précaution (33,9 millions d'euros), le plan « 5 000 équipements sportifs - génération 2024 » (8,4 millions d'euros) et sur le dispositif « deux heures de sport supplémentaires au collège » (4,6 millions d'euros) ;
- 129,5 millions d'euros sur le programme « Jeunesse et vie associative », dont 15 millions d'euros sur le service national universel et 100 millions d'euros sur le service civique.
Toutefois, ces baisses de crédits sont en partie en trompe-l'oeil. En effet, la mesure la plus importante, c'est-à-dire l'annulation de 100 millions d'euros sur le service civique, a conduit à une dégradation telle de la trésorerie de l'Agence du service civique (ASC) que les financements du service civique ont été rehaussés de 518,8 à 600 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2025. Cette situation inhabituelle est décrite plus en détail infra dans les « observations du rapporteur » consacrées au service civique.
Par la suite, la loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024 a annulé 25,6 millions d'euros pour le service national universel, en prévision d'une sous-exécution des crédits. Les autres dispositifs du programme 163 « jeunesse » ont fait l'objet d'annulations de crédits bien plus faibles (2,8 millions d'euros pour le mentorat, les « colos apprenantes » et les mesures en faveur des associations).
Le programme 350, « Jeux olympiques et paralympiques », connaît quant à lui une sur-exécution relativement faible (6,1 % en AE et 1,8 % en CP) par rapport aux prévisions en loi de finances, en raison notamment du transfert de crédits issus du programme 203 « infrastructure et services de transports » pour le financement des voies olympiques provisoires.
Évolution des crédits en cours de gestion en 2024
(CP, en millions d'euros)
Note : FDC = fonds de concours ; AdP = attribution de produit.
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
L'article 13 de la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 prévoit un plafond de crédits de paiement pour la mission « Sport, jeunesse et vie associative » de 1,8 milliard d'euros en 2024. Si le montant inscrit en loi de finance initiale se situait légèrement au-dessus (1,809 milliard d'euros), le montant exécuté (1,548 milliard d'euros) a en revanche été nettement en dessous, anticipant d'ailleurs sur le plafond retenu pour 2025 et 2026 (1,6 milliard d'euros).
II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. Le niveau de recours au Pass'sport s'améliore pour se rapprocher des objectifs initialement fixés
Le Pass'sport a été mis en place par le décret n° 2021-1171 du 10 septembre 2021, et il consiste en une aide à la prise d'une licence sportive d'un montant 50 euros. Contrairement au Pass culture, il s'agit d'un dispositif ciblé : il s'adresse aux enfants de 6 à 17 ans, qui bénéficient alternativement de l'allocation de rentrée scolaire ou de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, ainsi qu'aux bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés jusqu'à 30 ans1(*). Le décret du 2 août 2022 relatif au « Pass'sport » l'a étendu aux étudiants boursiers.
Un nouvel élargissement a été mis en oeuvre par un décret du 8 août 2023 : les structures relevant des loisirs sportifs marchands, les associations bénéficiant d'un agrément de jeunesse et d'éducation populaire, ainsi que l'ensemble des associations sportives agréées par le ministre en charge des sports sont désormais éligibles au Pass'sport. La gestion du dispositif est confiée à l'Agence de services et de paiement (ASP).
Le taux d'exécution du dispositif s'est nettement amélioré en 2024 (89,2 % des crédits ouverts), mais cette progression s'explique surtout par la surbudgétisation des années précédentes.
Consommation des crédits du Pass'sport entre 2021 et 2024
(en millions d'euros et en %)
Loi de finances initiale |
Reports de crédits |
Exécution |
Taux d'exécution (Ensemble des crédits ouverts) |
|
2021 |
100 |
- |
45,8 |
45,8 % |
2022 |
100 |
33,4 |
60,4 |
45,3 % |
2023 |
100 |
27 |
70,4 |
58,3 % |
2024 |
85,4 |
- |
76,2 |
89,2 % |
Source : commission des finances
En 2024, le recours au Pass'sport a progressé par rapport à l'année précédente : 1,65 million de jeunes en ont bénéficié, contre 1,32 million en 2023. Le taux de recours atteint 26 %, avec néanmoins une part croissante de bénéficiaires qui sont des jeunes issus des zones rurales et des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Le non-recours reste toutefois significatif.
Pour identifier les causes du non-recours, une évaluation du dispositif a été menée, associant la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP) et le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS). Il ressort de cette évaluation qu'un tiers des non-recours sont motivés par des difficultés financières.
Enfin, les objectifs du Pass'sport gagneraient à être clarifiés. Comme le rappelle la Cour des comptes2(*), le Pass'sport a été initialement pensé dans le sillage du plan de relance comme un dispositif permettant aux fédérations sportives de retrouver le nombre de licenciés qu'elles avaient avant la crise du Covid-19. Désormais, il apparaît comme un outil permettant d'amener vers le sport des publics qui en sont éloignés. Le rapporteur estime que cette réorientation est pertinente, mais il faut s'assurer que le dispositif demeure cohérent.
2. Le budget de la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques a été maîtrisé
Pour mémoire, le programme 350 « Jeux olympiques et paralympiques 2024 » finance pour l'essentiel les dépenses relatives à la livraison des ouvrages olympiques. Les dépenses connexes aux Jeux, comme les dépenses de sécurité ou de transport, relèvent d'autres programmes du budget général de l'Etat.
La Société de livraison des ouvrages olympiques (Solidéo) avait affirmé à plusieurs reprises que la crise sanitaire puis la crise énergétique n'avaient pas causé de retard significatif dans la préparation des infrastructures prévues pour l'accueil des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Les ouvrages olympiques ont bien été livrés dans les temps.
En euros courants, le budget pluriannuel de la Solidéo était de 1 685 millions d'euros. En retirant l'effet de l'inflation, la livraison des Jeux olympiques et paralympiques aura coûté 1 398 millions d'euros (constants de 2016), soit une différence de 1,5 %. Dans son rapport de juillet 2023 sur les JOP, la Cour des comptes relevait déjà que « le budget de la Solideo stricto sensu (1 403,2 millions d'euros de 2016) [...] n'avait en revanche progressé que de 1,8 % depuis 2018 en euros constants. »3(*)
Par conséquent, la Solidéo a été en mesure de restituer en juillet 2024 aux financeurs publics 38,6 millions d'euros, dont 29,9 millions d'euros à l'État et 8,7 millions d'euros aux collectivités territoriales. Les sommes dévolues à l'État ont été affectées au Comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (COJOP) pour le financement des jeux Paralympiques.
Le rapporteur salue ainsi la qualité de la gestion de la Solidéo, essentielle pour la bonne préparation des Jeux olympiques et paralympiques. Il est remarquable que, malgré la pandémie et la crise énergétique consécutive à la guerre en Ukraine, la maquette financière de la Solidéo n'ait pas significativement dérivé au-delà des effets de l'inflation, d'autant plus pour un projet de cette ampleur et axé sur la construction.
Évolution de la maquette budgétaire de la Solidéo
(en millions d'euros)
Date de la Révision de la maquette |
Euros constants (2016) |
Euros courants |
Motif de la révision |
2018 |
1 378 |
Pas d'indexation à l'inflation de la maquette |
Maquette initiale |
Novembre 2020 |
1 386 |
Pas d'indexation à l'inflation de la maquette |
Ajout de nouveaux ouvrages et modifications de programme |
Juillet 2021 |
1 386 |
1 553 |
Première indexation sur l'inflation |
Mars 2022 |
1 403 |
1 570 |
Hausse des besoins de financement |
Décembre 2022 |
1 403 |
1 711 |
Seconde indexation sur l'inflation |
Juillet 2023 |
1 407 |
1 716 |
Ajouter du financement des voies provisoires dans la maquette |
Décembre 2023 |
1 412 |
1 721 |
Hausse des besoins de fonctionnement de la Solidéo |
Juillet 2024 |
1 398 |
1 682 |
Restitution de 38,6 millions d'euros à l'État et aux collectivités territoriales |
Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial
3. La trésorerie de l'Agence du service national est descendue très en-deçà du prudentiel
Pour la deuxième année de suite, l'objectif de 150 000 jeunes réalisant un service civique a été atteint. Le nombre de volontaires est par ailleurs proche de celui constaté les années précédente (144 000 en 2022, et 145 000 en 2021), ce qui montre un maintien du dynamisme du service civique, mais qui interroge sur les objectifs retenus les années précédentes.
Nombre de jeunes réalisant un service civique
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
|
Cible initiale du nombre de volontaires |
150 000 |
145 000 |
245 000 |
220 000 |
150 000 |
150 000 |
Cible ajustée |
- |
165 000 |
200 000 |
159 000 |
- |
- |
Réalisation |
140 000 |
130 000 |
145 000 |
144 000 |
148 700 |
148 500 |
Taux de réalisation (cible initiale) |
93 % |
90 % |
59 % |
65 % |
99 % |
99 % |
Source : commission des finances, d'après la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes de l'exercice 2024 sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative »
L'atteinte des objectifs en 2024 est d'autant plus notable que le service civique avait fait l'objet d'annulations de crédits d'un montant de 100 millions d'euros par le décret d'annulation du 21 février 2024. Toutefois, l'annulation des 100 millions d'euros s'est en réalité reportée sur la trésorerie de l'Agence du service civique (ASC).
L'ASC s'était en effet constituée une trésorerie particulièrement importante à la suite du plan de relance, atteignant 288,1 millions d'euros à la fin de l'année 2021. Cette trésorerie était en diminution constante depuis lors, et le décret d'annulation a eu pour effet de la réduire à un montant de 6,1 millions d'euros au 31 décembre 2024, ce qui est bien inférieur au niveau de réserve prudentiel.
Évolution de la trésorerie de l'Agence du service civique
(en millions d'euros)
Note : l'ensemble des chiffres sont donnés au 31 décembre de l'année considérée.
Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire
En conséquence, la loi de finances pour 2025 a opéré un rebasage des crédits du service civique, les passant de 518,8 millions d'euros à 600 millions d'euros, afin de maintenir l'objectif de 150 000 jeunes faisant un service civique, et de permettre à l'ASC de reconstituer une trésorerie acceptable.
Un tel rebasage est bien entendu souhaitable. Le rapporteur spécial avait en effet dénoncé à plusieurs reprises dans ses travaux précédents le « Stop and Go » du budget du service civique. La mobilisation du service civique dans le cadre du plan de relance, dans l'objectif de limiter le chômage des jeunes, n'avait pas eu le succès escompté : malgré une forte augmentation des moyens, le nombre de jeunes effectuant un service civique est resté sensiblement le même. La raison est que les organismes d'accueil ne peuvent pas mettre en place de nouvelles missions sur un temps court, dans la mesure où la création d'une mission nécessite toujours d'identifier des besoins et de l'allocation du temps de formation.
Le maintien des crédits et des objectifs du service civique, malgré la diminution de la trésorerie de l'ASC, est donc un signal positif pour les politiques de la jeunesse.
Cependant, l'annulation des crédits du service civique en février 2024, pour ensuite devoir les réaugmenter en loi de finances initiale pour 2025, révèle une gestion des finances publiques qui privilégie encore trop l'affichage de court terme plutôt qu'une stratégie de financement de long terme.
Le rapporteur rappelle ainsi que le fonctionnement du service civique n'est pas adapté à une politique de « stop and go », mais qu'il doit faire l'objet d'un soutien durable. Une réflexion devrait être également menée sur le montant de l'indemnité des volontaires du service civique, qui est aujourd'hui trop faible pour que celui-ci soit vraiment attractif, notamment pour les jeunes issus de milieux modestes.
Ce soutien ne doit d'ailleurs pas être seulement financier, mais également politique. En termes de communication, le service national universel a en effet tendance à éclipser le service civique, alors que le président de la République avait pris l'engagement de « poursuivre la généralisation du Service Civique qui permet à nos jeunes de compléter leur formation par un engagement citoyen reconnu, l'acquisition de compétences, ce qui là aussi vient compléter et renforcer la résilience de la Nation »4(*). Une trajectoire de montée en puissance du service civique gagnerait ainsi à être définie.
4. Le service national universel : à la fois « mort et vivant », le « chat de Schrödinger » des politiques de la jeunesse
En 2024, sur une cible initiale de 80 000 jeunes, 56 812 volontaires ont effectivement participé au séjour de cohésion, ce qui représente 71 % de l'objectif. Le taux de réalisation est meilleur qu'en 2023 (62,7 %), mais reste encore loin des ambitions affichées. L'objectif a été abaissé à 66 000 jeunes à la suite de l'annulation 15 millions d'euros par le décret du 21 février 2024.
Déroulement de l'expérimentation du service national universel
Année |
Loi de finances initiale |
Exécution |
Taux d'exécution / taux de réalisation |
Exécution des crédits par rapport aux prévisions (en millions d'euros et en %) |
|||
2020 |
30,0 |
0 |
- |
2021 |
62,2 |
39,9 |
64,1 % |
2022 |
110,1 |
75,2 |
68,3 % |
2023 |
140 |
96,3 |
69 % |
2024 |
160 |
121,2 |
76 % |
Nombre de jeunes ayant réalisés le
séjour de cohésion par rapport aux objectifs |
|||
2020 |
20 000 |
73 |
- |
2021 |
25 000 |
14 653 |
58,6 % |
2022 |
50 000 |
32 212 |
64,4 % |
2023 |
64 000 |
40 135 |
62,7 % |
2024 |
80 000 |
56 812 |
71 % |
Note : en 2020, la crise sanitaire a conduit à l'annulation du séjour de cohésion sur le territoire métropolitain. En 2024, les objectifs avaient été abaissés de 80 000 à 66 000 à la suite du décret d'annulation de février 2024.
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Le taux d'exécution des crédits est meilleur également (76 % en 2024 contre 64 % en 2023), sans qu'il ne soit véritablement satisfaisant. Cette amélioration s'explique principalement par la mise en place du dispositif des « classes engagées », qui a permis l'organisation de séjours de cohésion sur le temps scolaire, alors que jusqu'à présent le SNU ne pouvait être organisé que durant les vacances.
Les séjours de cohésion organisés « hors temps scolaire » semblent atteindre un plateau, ce qui tend à confirmer l'analyse du rapporteur spécial, qui soulignait dans ses rapports précédents que les marges de manoeuvre restantes en termes d'hébergement et d'encadrement sont très faibles.
Les deux modalités d'organisation du service national universel
Depuis septembre 2023, alors que le séjour de cohésion était toujours réalisé hors période scolaire, il peut désormais l'être sur le temps scolaire, dans le cadre du label « classe et lycée engagés ». Cette labellisation repose sur un projet pédagogique, qui relève de l'un des quatre thèmes suivants :
- la défense et la mémoire ;
- le sport ;
- l'environnement ;
- la résilience et la prévention des risques.
Le label « classes engagées » est attribué aux classes de seconde et première année de CAP par un comité académique, tandis que le label « lycée engagé » peut être attribué à des établissements qui comportent au moins deux « classes engagées ».
En parallèle, des séjours de cohésion continueront d'être organisés pendant les vacances scolaires. Tous les jeunes âgés de 15 à 17 ans de nationalité française, quel que soit leur lieu d'habitation, peuvent décider de s'y inscrire.
Source : commission des finances
En 2024, le coût du SNU par jeune s'est élevé à 2 133 euros, ce qui est supérieur aux prévisions de la loi de finances (2 000 euros par jeune) mais qui est inférieur au coût constaté en 2023 (2 317 euros par jeune). Cette diminution du coût par jeune s'explique principalement par la possibilité d'organiser le SNU sur le temps scolaire, ce qui permet de réutiliser des centres d'hébergement. Dans l'hypothèse d'une généralisation à l'ensemble d'une classe d'âge (850 000 jeunes, selon le nombre retenu par le Gouvernement), et en multipliant simplement le coût par jeune actuel, le coût du SNU atteindrait ainsi 1,8 milliard d'euros.
Toutefois, ce dernier chiffre est probablement sous-estimé. En effet, la logistique requise pour acheminer l'ensemble d'une classe d'âge dans des centres de cohésion tout au long de l'année est sans commune mesure avec celle qui est actuellement mise en oeuvre dans la phase expérimentale du service national universel. De plus, les centres d'hébergement disponibles risquent de devenir de plus en plus chers à mesure qu'il devient difficile de trouver des centres d'une taille suffisante pour accueillir un séjour de cohésion. Il est probable que les éventuelles économies d'échelle ne permettent pas de compenser ces coûts.
Pour ces raisons, le rapporteur spécial a affirmé dans son rapport d'information sur le SNU5(*) que l'estimation réalisée par le rapport des inspections générales remis au Premier ministre au printemps 2018, qui chiffrait le coût par an du SNU généralisé à l'ensemble d'une classe de 2,4 à 3,1 milliards d'euros par an, semble proche du coût réel du dispositif6(*). Au regard de toutes ces incertitudes, le rapporteur spécial avait recommandé de surseoir à la généralisation du service national universel.
L'abandon de cet objectif à terme n'a jamais été officiellement annoncé, mais il semble que la recommandation du rapporteur spécial ait été suivie de facto, dans la mesure où les crédits du SNU ont diminué en loi de finances initiale pour 2025, et où la généralisation n'est désormais plus évoquée dans les médias. À la fois « mort et vivant », comme le fameux chat de Schrödinger, le SNU voit son destin incertain.
En mars 2025, le Président de la République a annoncé une « grande refonte » du SNU, dont les modalités ne sont pas encore connues. Le Haut-Commissariat au plan a publié, le 7 mai dernier, une note intitulée « Service militaire, service civil, obligatoire ou volontaire : quel avenir pour le service national ? » qui détaille quatre scénarios différents :
- un service national universel « volontaire », qui serait composé d'un séjour de cohésion de 12 jours et d'une mission d'intérêt général de 84 heures puis d'un engagement en service civique de 3 à 12 mois. Il serait une version élargie de l'expérimentation du SNU actuel, sans toutefois aller jusqu'à la rendre obligatoire : il concernerait 25 % d'une classe d'âge et coûterait 600 millions d'euros par an ;
- un service national universel « obligatoire » pour l'ensemble d'une classe d'âge, d'une durée proche de l'expérimentation actuelle, qui coûterait entre 1,7 et 3,5 milliards d'euros par an ;
- un service militaire volontaire d'une durée de six mois, dont le coût serait de 1,7 milliard d'euros par an, sachant qu'il concernerait 10 % d'une classe d'âge ;
- un service militaire obligatoire, d'une durée de six mois également, dont le coût serait de 14,5 milliards d'euros par an7(*).
Dans le contexte budgétaire actuel, et au regard des difficultés que connaît déjà l'expérimentation du SNU en termes de logistique et d'hébergement, aucun de ces quatre scénarios n'apparaît crédible au rapporteur spécial. Il serait préférable de basculer les financements du SNU sur une politique qui a fait ses preuves, et qui a été mise en place chez nombre de nos voisins européens8(*) : le service civique.
* 1 Extension par décret n° 2021-1808 du 23 décembre 2021.
* 2 Cour des comptes, Note sur l'exécution budgétaire de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » de 2024, avril 2025
* 3 « L'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 », Cour des comptes, 20 juillet 2023. Depuis, la restitution de 38,6 millions d'euros aux financeurs publics a permis de passer d'une progression de 1,8 % à 1,5 %.
* 4 Conférence de presse du 17 mars 2022.
* 5 « Le service national universel : la généralisation introuvable », Éric Jeansannetas, mars 2023 : Le service national universel : la généralisation introuvable - Sénat (senat.fr).
* 6 Rapport et chiffres cité dans le rapport de la Cour des comptes sur « La formation à la citoyenneté » d'octobre 2021, page 71.
* 7 La note prend soin de préciser que si ce service militaire obligatoire ne devait concerner que les hommes, il coûterait - logiquement - la moitié, c'est-à-dire 7,2 milliards d'euros par an.
* 8 La Belgique, les Pays-Bas, l'Allemagne et l'Italie ont également mis en place un service civique volontaire.