- LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
- I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION
EN 2024
- II. LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS
SPÉCIAUX
- 1. Malgré les annulations, les
dépenses de la mission restent très élevées en
2024
- 2. Une stabilisation des dépenses
consacrées à la politique de l'emploi
- 3. Une progression soutenue du financement de la
formation professionnelle, et singulièrement de l'alternance,
malgré les annulations de crédits
- a) Malgré les annulations de crédits
qui ont durement touché les politiques de formation professionnelle, les
dépenses d'alternance sont restées très dynamiques en
2024
- (1) En 2024, de premières mesures de
maîtrise des dépenses ont été mises en oeuvre
- (2) Malgré les annulations de
crédits, les dépenses liées à l'alternance ne
marquent guère de fléchissement en 2024
- b) Le déficit persistant de France
Compétences commence à se réduire grâce à de
premières mesures structurelles
- (1) Des mesures d'économies pour
l'État majoritairement répercutées sur la subvention
d'équilibre versée à l'opérateur
- (2) La loi de finances pour 2025 a poursuivi la
rationalisation des dépenses, sans épuiser les
possibilités sur le volet des recettes
- a) Malgré les annulations de crédits
qui ont durement touché les politiques de formation professionnelle, les
dépenses d'alternance sont restées très dynamiques en
2024
- 1. Malgré les annulations, les
dépenses de la mission restent très élevées en
2024
- I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION
EN 2024
N° 743 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025 |
RAPPORT FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet
de loi, |
Par M. Jean-François HUSSON, Sénateur |
TOME II ANNEXE N° 32 Rapporteur spécial et Rapporteure
spéciale : |
(1) Cette commission est composée de :
M. Claude Raynal, président ;
M. Jean-François Husson, |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138 Sénat : 718 (2024-2025) |
LES
PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
1. En loi de finances initiale (LFI) pour 2024, les crédits votés au titre de la mission « Travail et emploi » s'élevaient à 23,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 23,6 milliards d'euros en crédits de paiement (CP).
2. En exécution 2024, les crédits consommés se sont finalement élevés à 20,8 milliards d'euros en AE, ce qui correspond à une augmentation de 4,6 % par rapport au niveau inédit de l'exécution 2023 ; en CP, les crédits ouverts s'établissent à 21,4 milliards d'euros en CP, soit une légère hausse (+ 2,3 %) par rapport à l'exécution 2023.
3. L'exécution, sensiblement inférieure à la budgétisation initiale, s'explique par l'annulation de 1,35 milliard d'euros en cours d'année. Si une tendance baissière semble s'amorcer par rapport à la prévision initiale de la LFI 2024, force est de constater que, du fait notamment d'importants reports de crédits, dont l'ampleur ne se dément pas d'année en année (864,9 millions d'euros en CP), les dépenses exécutées sur la mission se maintiennent à un niveau très élevé.
4. Le taux de consommation des crédits ouverts s'élève à 93,3 % en AE et 93,4 % en CP sur l'ensemble de la mission. Cet écart tient notamment, comme les années précédentes, à la sous consommation importante des crédits ouverts au titre du plan d'investissement dans les compétences (PIC).
5. Si les dépenses en faveur de l'emploi tendent à se stabiliser, la mise en place de France Travail induit des dépenses supplémentaires, avec en particulier une augmentation de 100 millions d'euros (+ 8 %) de la subvention pour charges de service public versée à l'opérateur, ainsi que, une nouvelle fois cette année, le versement d'une subvention d'équilibre de 1,6 milliard d'euros à France compétences.
6. En 2024, l'importance des dépenses en faveur de l'apprentissage se poursuit. Au total, le coût brut de l'alternance pour l'État atteint plus de 7,3 milliards d'euros en CP, un niveau similaire à celui atteint en 2023 (7,4 milliards d'euros). Les mesures prises à la suite du décret d'annulation du 21 février 2024 ont toutefois conduit à diminuer les charges pesant sur France Compétences, dont le déficit prévisionnel pour 2024 s'établissait tout de même à 3,4 milliards d'euros hors dotation de l'État.
7. Ces premières mesures, auxquelles il convient d'ajouter les décisions prises dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, devraient être accompagnées d'autres mesure d'économies en dépenses, ou de la mobilisation de nouvelles recettes.
I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2024
En loi de finances initiale (LFI) pour 2024, les crédits votés au titre de la mission « Travail et emploi » s'élevaient à 23,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 23,6 milliards d'euros en crédits de paiements (CP), fonds de concours et attributions de produits inclus.
Pour mémoire, la mission comporte quatre programmes :
- le programme 102 « Accès et retour à l'emploi » se fixe pour objectif principal de favoriser l'accès et le retour à l'emploi de tous les publics en s'appuyant sur les structures du service public de l'emploi et en mobilisant au mieux les outils d'insertion professionnelle au bénéfice des personnes les plus éloignées de l'emploi ;
- le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » se fixe pour objectifs de sécuriser l'emploi par l'anticipation des mutations économiques, contribuer à la revitalisation des territoires et au reclassement des salariés licenciés pour motif économique, faciliter l'insertion dans l'emploi par le développement de l'alternance et enfin édifier une société de compétences, notamment via le volet « formation » du Plan d'investissement dans les compétences (PIC) ;
- le programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations de travail » vise notamment à améliorer les conditions d'emploi et de travail des salariés du secteur privé concurrentiel, contribuer à la prévention et à la réduction des risques professionnels, à la dynamisation de la négociation collective et à l'amélioration du dialogue social et enfin à lutter contre le travail illégal et la fraude au détachement, en s'appuyant sur les services de l'inspection du travail ;
- enfin, le programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » constitue le programme d'appui et de soutien aux politiques du ministère du travail, portant l'intégralité des dépenses de personnel (titre 2) de la mission.
Il est à noter que les programmes 102 et 103, qui relèvent de la politique de l'emploi stricto sensu, représentent à eux seuls 96 % des crédits de la mission.
Évolution des crédits de la mission « Travail et emploi » en 2024
(en millions d'euros et en pourcentage)
N° |
Intitulé du programme |
2023 |
2024 |
Écart LFI 2024 / LFI 2023 |
Écart exécution 2024 / exécution 2023 |
Écart exécution 2024 / LFI 2024 |
|||
Prévision |
Exécution |
Prévision |
Exécution |
||||||
102 |
Accès et retour à l'emploi |
AE |
7 640,4 |
5 829,8 |
7 586,9 |
7 062,0 |
- 0,7 % |
+ 21,1 % |
- 6,9 % |
CP |
7 443,1 |
6 723,4 |
7 593,2 |
7 049,4 |
+ 2,0 % |
+ 4,8 % |
- 7,2 % |
||
103 |
Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi |
AE |
12 688,2 |
13 264,4 |
15 344,9 |
12 809,9 |
+ 20,9 % |
- 3,4 % |
- 16,5 % |
CP |
13 042,4 |
13 432,2 |
15 188,7 |
13 569,5 |
+ 16,5 % |
+ 1,0 % |
- 10,7 % |
||
111 |
Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations au travail |
AE |
73,7 |
57,6 |
184,6 |
172,6 |
+ 150,3 % |
+ 199,8 % |
- 6,5 % |
CP |
110,5 |
89,3 |
110,0 |
98,5 |
- 0,4 % |
+ 10,4 % |
- 10,5 % |
||
155 |
Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail |
AE |
697,9 |
694,8 |
712,3 |
714,4 |
+ 2,1 % |
+ 2,8 % |
+ 0,3 % |
CP |
692,4 |
695,2 |
711,0 |
714,7 |
+ 2,7 % |
+ 2,8 % |
+ 0,5 % |
||
Total |
AE |
21 100,3 |
19 846,6 |
23 828,7 |
20 758,8 |
+ 12,9 % |
+ 4,6 % |
- 12,9 % |
|
CP |
21 288,3 |
20 940,1 |
23 603,0 |
21 432,1 |
+ 10,9 % |
+ 2,3 % |
- 9,2 % |
AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. Prévision : prévision en loi de finances initiale, y compris fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Les crédits de la mission ont connu une très forte augmentation de 12,9 % en AE et de 10,9 % en CP entre la LFI 2023 et la LFI 2024, atteignant ainsi à un niveau inédit : 23,8 milliards d'euros en AE et 23,6 milliards d'euros en CP.
Toutefois, en exécution 2024, les crédits se sont finalement élevés à 20,8 millions d'euros en AE et 21,4 milliards d'euros en CP, ce qui correspond à une progression plus modeste des AE (+ 4,6 %) et des CP (+ 2,3 %) que durant l'exécution 2023.
Contrairement aux années précédentes, qui avaient connu des surexécutions vertigineuses (+ 57,2 % en AE et + 41,9 % en CP en 2022) ou une légère sous-exécution (- 5,9 % en AE et de - 1,6 % en CP en 2023) l'exécution 2024 s'établit résolument en retrait par rapport aux prévisions, avec un écart de - 12,9 % en AE et - 9,2 % en CP par rapport à la prévision de la LFI 2024.
Ce résultat s'explique principalement par d'importantes annulations de crédits.
L'exécution budgétaire a en effet été marquée par :
- l'intervention du décret d'annulation du 21 février 20241(*) qui a procédé à l'annulation de 1,1 milliard d'euros, soit 4,6 % de la programmation initiale). Comme le note la Cour des comptes2(*), l'essentiel de ces annulations concerne le programme 103 (- 863,55 millions d'euros en AE et en CP), le reste étant principalement dû aux annulations sur le programme 102 (- 227,95 millions d'euros en AE et en CP), les annulations sur les deux autres programmes étant négligeables : - 3,49 millions en AE et en CP pour le programme 111 et - 5 millions d'euros en AE et en CP pour le programme 155.
- une nouvelle annulation, par le décret du 5 juillet 20243(*), de 250 millions d'euros, uniquement sur le programme 103 ;
- l'annulation, en loi de finances rectificative de fin de gestion pour 2024 (LFFG)4(*), de 556,4 millions d'euros en AE, au titre des programmes 102 (- 209,7 millions d'euros) et 103 (- 334,9 millions d'euros). La LFFG a procédé, pour les CP, à une annulation sur le programme 102, (- 277, millions d'euros), mais à une ouverture de 350,2 millions d'euros de crédits sur le programme 103. La LFFG a ainsi conduit à une ouverture nette de 65,5 millions d'euros en CP sur la mission « Travail et emploi ».
Ce sont au total 1,35 milliard d'euros qui ont été annulés sur la mission.
Évolution des prévisions et des exécutions entre 2022 et 2025
(en millions d'euros et en CP)
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
Ainsi, si les crédits (CP) de la mission progressent sensiblement s'agissant des prévisions établies dans la LFI (+ 8,1 % hors ADP et FDC entre 2023 et 2024), l'exécution fait apparaître une hausse plus modérée des crédits alloués aux politiques de l'emploi et des compétences (+ 2,3 % entre 2023 et 2024 hors ADP et FDC). La mission présente donc un niveau de dépense « élevé » mais « qui se stabilise »5(*).
Enfin, une tendance baissière des crédits prévu en LFI commence à se dessiner : 20,9 milliards d'euros en 2023, 22,6 milliards d'euros en 2024 et 20,0 milliards d'euros dans la LFI pour 2025 - ce niveau n'ayant été que marginalement réduit par le décret du 4 février 20256(*) (- 0,02 million d'euros).
Mouvements de crédits en gestion au cours de l'exercice 2024
(en millions d'euros et en pourcentage)
Programme |
LFI 2024 |
Reports entrants (y.c. FDC et ADP) |
Rattachements de FDC et ADP |
Virements et transferts (solde) |
Annulation de crédits (dont FDC et ADP) |
LFFG (06/12/2024) |
Crédits ouverts 2024 |
Crédits consommés 2024 |
Taux de consommation des crédits ouverts |
|
102 |
AE |
7 536,9 |
28,5 |
15,0 |
25,0 |
- 228,0 |
- 209,7 |
7 167,7 |
7 062,0 |
98,53 % |
CP |
7 543,2 |
51,4 |
15,0 |
21,6 |
- 228,0 |
- 277,2 |
7 126,1 |
7 049,4 |
98,92 % |
|
103 |
AE |
14 544,9 |
312,9 |
800,0 |
- 24,5 |
- 1 113,6 |
- 334,9 |
14 184,8 |
12 809,9 |
90,31 % |
CP |
14 308,7 |
798,9 |
531,5 |
105,9 |
- 1 113,6 |
350,2 |
14 981,6 |
13 569,5 |
90,57 % |
|
111 |
AE |
184,6 |
3,1 |
0,0 |
- 0,1 |
- 5,0 |
- 7,4 |
175,2 |
172,6 |
98,5 % |
CP |
110,0 |
3,3 |
0,0 |
- 0,1 |
- 5,0 |
- 3,2 |
105,1 |
98,5 |
93,8 % |
|
155 |
AE |
700,3 |
5,9 |
16,3 |
9,01 |
- 3,5 |
- 4,3 |
723,6 |
714,4 |
98,7 % |
CP |
699,0 |
11,3 |
16,3 |
10,12 |
- 3,5 |
- 4,2 |
728,9 |
714,7 |
98,0 % |
|
TOTAL |
AE |
22 966,7 |
350,4 |
831,3 |
9,4 |
- 1 350,0 |
- 556,4 |
22 251,4 |
20 758,8 |
93,3 % |
CP |
22 661,0 |
864,9 |
562,8 |
137,6 |
- 1 350,0 |
65,5 |
22 941,7 |
21 432,1 |
93,4 % |
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
Au total, l'exécution 2024 s'établit, hors fonds de concours et contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », à 20,6 milliards d'euros de CP, soit en dessous du plafond - certes très ambitieux - prévu par l'article 13 de la loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027 (22,4 milliards d'euros pour 20247(*)).
On constate enfin un taux de consommation des crédits ouverts de 93,3 % en AE et 93,4 % en CP sur l'ensemble de la mission.
II. LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
1. Malgré les annulations, les dépenses de la mission restent très élevées en 2024
Ainsi qu'il a été dit, la mission « Travail et emploi » a connu en 2024 une exécution chaotique du fait de l'annulation, par deux décrets, de 1,35 milliard d'euros de crédits.
Pourtant, ces annulations, qui sont analysées plus en détail dans les pages qui suivent, n'ont pas empêché le niveau des ouvertures de crédits de s'établir à nouveau au-delà des crédits prévus dans la loi de finances initiale : en effet, si le niveau des autorisations d'engagements ouvertes (22 251,9 millions d'euros) est bien inférieur au niveau prévu en LFI (22 966,7 millions d'euros), les crédits de paiement ouverts sont sensiblement supérieurs (22 941,7 millions d'euros) par rapport à la prévision de la loi de finances (22 661,0 millions d'euros).
Ce niveau d'ouvertures de crédits, en particulier des CP, est principalement imputable :
- au niveau élevé des reports de crédits qui, bien que moins massifs que lors de l'exercice précédent (2,1 milliards d'euros), demeurent « significatifs »8(*) (865 millions d'euros en CP) ;
- d'importants rattachements de fonds de concours et d'attributions de produits (563 millions d'euros en CP), principalement au titre du fonds de concours de France Compétences (531 millions d'euros) et du fonds de concours de l'Agefiph (15 millions d'euros) ;
- des virements et transferts, dont l'ampleur demeure relativement limitée (138 millions d'euros en CP).
L'exécution ne s'établit en-deçà de la prévision de la loi de finances qu'en raison - comme lors des exercices précédents - d'importantes sous-consommations : en 2024, 21,4 milliards d'euros de crédits de paiement ont été consommés pour 21,9 milliards d'euros de crédits de paiement ouverts, soit un taux de consommation de 93,4 %, identique à celui de l'année précédente.
Cette sous-consommation résulte, selon la Cour des comptes et comme les années précédentes, au plan d'investissement dans les compétences (PIC).
Écart entre la prévision en LFI 2024 et l'exécution constatée en 2024
(en millions d'euros et en CP)
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires et Chorus
2. Une stabilisation des dépenses consacrées à la politique de l'emploi
a) Des dépenses en faveur de l'emploi stabilisées du fait des annulations de crédits
Le décret du 21 février 2024 a procédé à une annulation de 228 millions d'euros sur le programme 102. Cette annulation, qui représente 3 % des crédits alloués à ce programme en LFI pour 2024 a eu un impact important sur les dispositifs favorisant l'accès à l'emploi. En l'effet, l'administration s'est vue obligée de prendre des mesures pour tenir compte de cette baisse des moyens, parmi lesquelles :
- une baisse du montant alloué à l'allocation du parcours contractualisé d'accompagnement dans l'emploi et l'autonomie (PACEA), pour une économie de 41 millions d'euros (soit environ 40 % des crédits consacrés à ce dispositif) ;
- une réduction du financement des missions locales de 27 millions d'euros en AE et 37 millions d'euros en CP, leur financement s'établissant finalement à 608 millions d'euros en AE et 595 millions d'euros en CP, soit une diminution de 5,8 % en CP ;
- une réduction du nombre de contrats aidés dans le secteur marchand, pour environ 4 000 contrats en moins, soit - 19 millions d'euros en AE et 4 millions d'euros en CP ;
- l'absence de lancement d'un nouvel appel à projets dans le cadre du contrat d'engagement jeunes (CEJ), pour une économie de 31 millions d'euros en AE et 13 millions d'euros en CP.
Selon la Cour des comptes, les dépenses du programme 102 sont ainsi stabilisées mais « maintenues à un niveau élevé »9(*), la pérennisation et la stabilisation de certains dispositifs (contrats d'engagement jeunes - CEJ, insertion par l'activité économique, aides aux entreprises adaptées, etc.) étant rendue possible par la réduction du volume d'autres dispositifs (contrats aidés, en particulier dans le secteur marchand).
b) Avec la création de « France Travail », le poids budgétaire de l'opérateur continue de croître
Le programme 102 porte la subvention pour charges de service public (SCSP) versée par l'Etat à France Travail. En 2024, comme en 2023 et pour la deuxième fois depuis 2017, la SCSP a fait l'objet d'une augmentation de son montant inscrit en LFI, pour atteindre 1,35 milliard d'euros (contre 1,25 milliard d'euros dans la LFI 2022), soit une hausse de 100 millions d'euros. Cette programmation, en progression de 8 %, continue d'imprimer une tendance haussière à la trajectoire de la subvention de l'État.
Seuls 50 millions d'euros ont été annulés sur la subvention du France Travail. Cette somme a été intégralement imputée sur les parcours orientation emplois insertion (POEI), le dispositif « Valoriser son image pro » (VSI) et la convention CEJ.
Du fait de la mise en place progressive de la réforme « France Travail », le plafond d'emploi de l'opérateur est maintenu à un niveau élevé, fixé à 49 147 ETPT en 2024 (soit 300 ETPT de plus qu'en 2023).
La hausse de la SCSP et le maintien du plafond d'emploi intègrent la pérennisation des moyens alloués par l'État depuis 2019, mais également la création de « France Travail » au 1er janvier 2024. Cette dernière conduira l'opérateur à intégrer « de nouvelles exigences » selon la Cour des comptes, en particulier l'inscription obligatoire de toutes les personnes sans emploi auprès de France Travail, dont les bénéficiaires du RSA.
Ces exigences conduiront nécessairement France Travail à bénéficier de nouveaux moyens. Aussi, la Cour des comptes recommande de définir des indicateurs d'éclairage « permettant d'analyser les moyens consacrés par France Travail à l'accompagnement des demandeurs d'emploi ».10(*) Les indicateurs de performance des documents budgétaires pourraient jouer ce rôle.
3. Une progression soutenue du financement de la formation professionnelle, et singulièrement de l'alternance, malgré les annulations de crédits
a) Malgré les annulations de crédits qui ont durement touché les politiques de formation professionnelle, les dépenses d'alternance sont restées très dynamiques en 2024
(1) En 2024, de premières mesures de maîtrise des dépenses ont été mises en oeuvre
Les annulations de crédits décidées en 2024 ont représenté 1 113,6 millions d'euros sur le programme 103, soit 7,8 % de ses crédits. À nouveau, l'administration a pris des mesures visant à répercuter cette baisse de moyens sur les dispositifs de formation professionnelle, avec en particulier :
- la suppression de l'aide versée par l'État aux employeurs de personnes bénéficiant d'un contrat de professionnalisation, impliquant une diminution de 78,9 % des crédits en AE (- 236 millions d'euros sur les 299 millions d'euros prévus dans la LFI 2024) et une réduction de 18 millions en CP ;
- la baisse de plusieurs dispositifs relevant du plan d'investissement dans les compétences (PIC), pour une économie de 178 millions d'euros en AE et de 196 millions d'euros en CP ;
- la réduction des crédits dédiés à plusieurs dispositifs de formation professionnelle des salariés, notamment le FNE-Formation (- 118 millions d'euros en AE et - 48 millions d'euros en CP sur l'ensemble des dispositifs) - réduction qui a négativement affecté le fonctionnement du dispositif, comme les rapporteurs spéciaux l'ont montré dans un récent rapport11(*) ;
- enfin, diverses mesures d'économies portant sur les dispositifs financés par France Compétences, notamment l'introduction d'un reste à charge à hauteur de 100 euros pour le recours au Compte personnel de formation (CPF), l'encadrement du recours au CPF pour financer le permis de conduire, la réduction de l'enveloppe dédiée aux transitions professionnelles ou encore une nouvelle diminution des niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats d'apprentissage par l'opérateur.
(2) Malgré les annulations de crédits, les dépenses liées à l'alternance ne marquent guère de fléchissement en 2024
Comme les années précédentes, les rapporteurs spéciaux relèvent que la soutenabilité à moyen-terme de la mission est surdéterminée par la dynamique de l'apprentissage. S'il y a lieu de se féliciter de la contribution de ce dispositif à la hausse du taux d'emploi12(*), ils notent que les crédits de paiement en faveur de l'apprentissage sur le seul programme 103 représentent 7 398 millions d'euros (+ 4,6 % par rapport à 2023).
Les rapporteurs spéciaux précisent que la mission ne finance qu'une partie des coûts de la politique d'apprentissage. Outre les subventions aux entreprises et l'exonération d'impôt sur le revenu, cette politique publique compte également des exonérations de cotisations diverses, le financement des opérateurs de compétences (Opco) et des aides aux différents acteurs du secteur (CFA, régions...) pour un montant total de presque 25 milliards d'euros en 202413(*).
Coût de l'alternance pour le budget de l'État en 2023 et 2024
(en millions d'euros)
2023 |
2024 |
|||
AE |
CP |
AE |
CP |
|
Programme 103 |
6 816,2 |
7 076,0 |
6 749,0 |
7 398,0 |
Aide unique aux employeurs d'apprentis |
34,0 |
189,0 |
0,0 |
139,0 |
Aide exceptionnelle aux contrats d'apprentissage |
3 477,0 |
3 277,9 |
3 805,0 |
3 835,0 |
Aide aux contrats de professionnalisation |
197,0 |
147,0 |
43,0 |
153,0 |
Dotation France compétences |
1 596,0 |
1 596,0 |
1 350,0 |
1 350,0 |
Compensation de l'exonération de cotisations sociales des contrats d'apprentissage |
1 507,2 |
1 507,2 |
1 546,0 |
1 546,0 |
Autres - contrats pro DELD, CPE-GEIQ, etc. |
5,0 |
6,0 |
5,0 |
5,0 |
Exonération IR du salaire des apprentis (perte de recette estimée) |
|
353,0 |
|
370,0 |
Programme 364 |
- 74,0 |
361,9 |
- 800,3 |
- 77,3 |
Aide exceptionnelle aux contrats d'apprentissage |
0,0 |
435,9 |
- 570,0 |
78,0 |
Aide aux contrats de professionnalisation |
- 74,0 |
- 74,0 |
- 234,0 |
- 159,0 |
Aide exceptionnelle aux contrats d'apprentissage dans la FPT |
0,0 |
0,0 |
3,8 |
3,8 |
TOTAL |
6 742,2 |
7 437,9 |
5 948,8 |
7 320,8 |
Source : Cour des comptes
Il aura fallu attendre l'adoption de la loi de finances pour 2025 pour siffler la fin des « années folles »14(*) : face aux déséquilibres croissants du financement de l'apprentissage, la LFI 2025 a prévu une réduction de l'enveloppe des crédits dédiés à l'aide exceptionnelle pour l'embauche en contrat d'apprentissage. Pour respecter le plafond des crédits, le Gouvernement a ensuite modifié les paramètres de cette aide de sorte qu'elle ne soit plus que de 5 000 euros pour les entreprises de moins de 250 salariés, et de 2 000 pour les entreprises de plus de 250 salariés15(*).
À compter de 2025, les dépenses en faveur de l'apprentissage devraient donc amorcer un recul.
b) Le déficit persistant de France Compétences commence à se réduire grâce à de premières mesures structurelles
(1) Des mesures d'économies pour l'État majoritairement répercutées sur la subvention d'équilibre versée à l'opérateur
Issu de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, France compétences est l'opérateur unique de l'État pour la mise en oeuvre de la politique de la formation professionnelle et de l'apprentissage.
France compétences a fait face à l'explosion du nombre d'apprentis, à la suite des décisions du Gouvernement à compter de 2020. En conséquence, l'opérateur est confronté à une situation financière très dégradée et présente un besoin de financement important : son déficit prévisionnel, tel que prévu dans son budget initial pour 2024, s'élevait à 3,4 milliards d'euros hors subvention de l'État.
Face à cette situation, une aide financière de l'État était indispensable. Celle-ci a représenté un total de 2,78 milliards d'euros en 2021, 4 milliards d'euros en 2022, et 1,6 milliard d'euros en 2023. En 2024, le montant de la dotation versée à France compétences s'est établie à 1 350 millions d'euros, soit un montant sensiblement inférieur aux 2 363 millions d'euros qui figuraient dans son budget prévisionnel.
Si cette subvention permet de réduire le déficit prévisionnel de France Compétences (qui passe de 3,4 milliards à 1,0 milliard d'euros dans le budget prévisionnel pour 2024), la dotation a supporté une partie des annulations de crédits décidées sur le programme 103 : ainsi, la subvention de l'État à France Compétences a pu être réduite de 312 millions d'euros en AE et en CP grâce à l'introduction d'un reste à charge pour le recours au compte personnel de formation (CPF)16(*) ainsi que de 250 millions d'euros en AE et en CP au titre de la diminution des niveaux de prise en charge (NPEC) ciblée sur les niveaux 6 et 7.
Budget initial de France Compétences pour 2024
(en millions d'euros)
RESSOURCES |
14 144 |
Contributions |
11 488 |
dont Cufpa et CSA |
10 908 |
dont autres contributions |
580 |
Excédent de trésorerie |
0 |
Dotation de l'État |
2 363 |
Report de crédits du PIC |
250 |
Autres |
43 |
EMPLOIS |
15 181 |
Formation des demandeurs d'emploi |
800 |
Transitions Pro |
500 |
Projets de reconversion et de transition professionnelle |
43 |
Conseil en évolution professionnelle |
81 |
Alternance |
10 418 |
dont péréquation inter-branches |
6 443 |
dont actions de l'alternance |
3 600 |
dont aide au permis de conduire |
47 |
dont dotation régions « fonctionnement des CFA » |
138 |
dont dotation régions « investissement des CFA » |
180 |
dont financement complémentaire CNFPT |
10 |
Compte personnel de formation |
2 200 |
Fonds divers |
1 062 |
Dépenses de fonctionnement |
20 |
Dépenses d'investissement |
4 |
Intérêt sur concours bancaires |
53 |
SOLDE PRÉVISIONNEL |
- 1 037 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après France Compétences
La diminution de la subvention vient bien souvent répercuter les baisses des charges de l'opérateur.
(2) La loi de finances pour 2025 a poursuivi la rationalisation des dépenses, sans épuiser les possibilités sur le volet des recettes
La pérennisation d'une dotation de l'État à France Compétences ne saurait constituer une solution face à « l'impasse financière » dans laquelle se trouve France Compétences.
La loi de finances pour 2025 comporte ainsi, à l'initiative de la commission mixte paritaire, un mécanisme de « reste à charge » en vertu duquel tout employeur souhaitant embaucher un apprenti visant un diplôme ou une certification inscrite au niveau 6 ou 7 (soit Bac + 3 et au-delà) du cadre national des certifications professionnelles, devra participer au financement d'une partie du niveau de prise en charge (NPEC) du contrat d'apprentissage17(*).
Un décret devrait bientôt intervenir pour appliquer une participation forfaitaire de 750 euros des employeurs, applicable au 1er juillet 2025. Cette mesure devrait alléger d'autant les charges de France Compétences, qui rémunère aujourd'hui les CFA pour l'intégralité du niveau de prise en charge.
Outre ces mesures en dépenses, la Cour des comptes18(*), les inspections19(*) et la commission des affaires sociales du Sénat20(*) ont également recommandé de mobiliser des leviers en recettes pour financer les dépenses de l'opérateur. Les pistes qui pourraient être explorées sont les suivantes :
- la suppression du taux réduit applicable en Alsace-Moselle, pour un gain pour les finances publiques de 53 millions d'euros21(*) ;
- la suppression ou la limitation des exemptions d'assiette dont bénéficient certains employeurs en raison de leur statut juridique, qui pourrait, en cas de suppression, représenter jusqu'à 239 millions d'euros de recettes supplémentaires. À l'initiative des rapporteurs spéciaux, l'exemption dont bénéficiaient les mutuelles a déjà été supprimée, mais ce travail mériterait d'être poursuivi ;
Un recentrage des exemptions existantes sur les seules rémunérations des apprentis, dans une logique d'incitation au recrutement d'apprentis supplémentaires, ainsi que la suppression du taux dérogatoire en Alsace-Moselle, pourrait générer environ 300 millions d'euros de nouvelles recettes selon les inspections.
A ces divers leviers, déjà mis en avant lors des travaux précédents des rapporteurs, la rapporteure spéciale Ghislaine Senée ajoute qu'un meilleur ciblage des exonérations de cotisations sociales pourrait limiter le coût, pour la mission « Travail et emploi », des compensations versées à la sécurité sociale.
* 1 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.
* 2 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire sur l'exercice 2024, avril 2025.
* 3 Décret n° 2024-685 du 5 juillet 2024 portant annulation de crédits.
* 4 Loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023.
* 5 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire sur l'exercice 2024, avril 2025.
* 6 Décret n° 2025-103 du 4 février 2025 portant annulation de crédits.
* 7 Loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
* 8 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire sur l'exercice 2024, avril 2025.
* 9 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire sur l'exercice 2024, avril 2025.
* 10 Ibid.
* 11 « Les métamorphoses du FNE-Formation », Rapport n° 637 (2023-2024) fait par M. Emmanuel Capus et Mme Ghislaine Senée au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 29 mai 2024.
* 12 Insee - Note de conjoncture - 6 octobre 2022.
* 13 Coquet B., OFCE Policy Brief, « Apprentissage : quatre leviers pour reprendre le contrôle » n° 135, 12 septembre 2024.
* 14 Coquet B., « Apprentissage : un bilan des années folles », OFCE Policy Brief n° 117, juin 2023.
* 15 Décret n° 2025-174 du 22 février 2025 relatif à l'aide unique aux employeurs d'apprentis et à l'aide exceptionnelle aux employeurs d'apprentis. Lorsque l'apprenti est reconnu travailleur handicapé, le montant de l'aide demeure de 6 000 euros.
* 16 Article 212 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.
* 17 Article 192 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.
* 18 Cour des comptes, La formation en alternance. Une voie en plein essor, un financement à définir, juin 2022.
* 19 IGF-Igas, rapport précité, juillet 2023.
* 20 « France compétences face à une crise de croissance » - Sénat - Rapport n° 741 (2022-2023) de Frédérique Puissat, Corinne Féret et Martin Lévrier - 29 juin 2022.
* 21 Un amendement en ce sens des rapporteurs spéciaux avait été adopté au Sénat dans le cadre de l'examen du PLF pour 2025, mais n'a pas passé le stade de la commission mixte paritaire.