- LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
- I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA
MISSION EN 2024 : UNE MISSION DANS L'ENSEMBLE PRÉSERVÉE
DES RESTRICTIONS BUDGÉTAIRES
- 1. Les dépenses de la mission se sont
élevées au niveau prévu en LFI pour 2024
- 2. L'exécution de la mission a
été pourtant fortement modifiée par le décret
d'annulation de février 2024 ainsi que par les mouvements de
crédits destinés à en limiter les conséquences
- 3. Près d'1,5 milliard d'euros de
dépenses fiscales sont rattachés à la mission
- 1. Les dépenses de la mission se sont
élevées au niveau prévu en LFI pour 2024
- II. LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS
SPÉCIAUX
- 1. La poursuite d'une politique de grands travaux
pèse sur l'exécution du programme 175
- 2. L'impact négatif à court terme des
Jeux olympiques de Paris 2024 sur la fréquentation des
opérateurs culturels
- 3. La réforme du Pass culture ne devrait pas
répondre aux critiques qui s'accumulent à l'encontre du
dispositif
- 1. La poursuite d'une politique de grands travaux
pèse sur l'exécution du programme 175
- I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA
MISSION EN 2024 : UNE MISSION DANS L'ENSEMBLE PRÉSERVÉE
DES RESTRICTIONS BUDGÉTAIRES
N° 743 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025 |
RAPPORT FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet
de loi, |
Par M. Jean-François HUSSON, Sénateur |
TOME II ANNEXE N° 8 Rapporteurs spéciaux : MM. Vincent ÉBLÉ et Didier RAMBAUD |
(1) Cette commission est composée de :
M. Claude Raynal, président ;
M. Jean-François Husson, |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138 Sénat : 718 (2024-2025) |
LES PRINCIPALES
OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
1. Les dépenses de la mission « Culture » se sont élevées en 2024 à 4,12 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 3,87 milliards d'euros en crédits de paiement (CP).
2. Les dépenses de la mission sont donc en forte hausse (+ 6,8 %) en AE et sont stables en CP par rapport à l'année précédente. Contrairement à la plupart des missions du budget général, les annulations réglementaires comme législatives intervenues durant l'année n'ont pas conduit à une sous exécution des crédits par rapport à la prévision en LFI pour 2024. Les conséquences sur la mission du décret d'annulation ont été plus que compensées par des décrets de transferts, augmentant les dépenses du ministère de respectivement 75 millions d'euros en AE et 38 millions d'euros en CP.
3. Le montant cumulé des 28 dépenses fiscales rattachées à la mission s'élève à 1,45 milliard d'euros en 2024. Les taux réduits de TVA représentent à eux seuls un total de 564 millions d'euros, dont 320 millions d'euros pour le taux réduit à 5,5 % pour les droits d'entrées dans des spectacles. En contrepoint, la majorité des niches fiscales de la mission culture ont un rendement très faible : sur les 15 dépenses fiscales relevant du programme 175, 6 ont un rendement inférieur à 6 millions d'euros en 2024 et sur les 13 dépenses fiscales du programme 131, 8 ont un rendement inférieur à 5 millions d'euros.
4. Les dépenses en faveur du patrimoine atteignent un montant particulièrement élevé, résultat de la poursuite de la politique de grands travaux, ce qui devrait être encore accentué en 2025. Les conséquences des travaux engagés en 2024 se feront sentir largement au cours des années prochaines sur le programme 175. Les restes à payer atteignent ainsi 1 milliard d'euros en 2024, soit 36 % de plus qu'en 2023.
5. Les Jeux olympiques de Paris 2024 ont eu un impact négatif sur la fréquentation des lieux culturels. Pour l'ensemble des opérateurs, le ministère estime la baisse à - 20 % entre le 22 juillet et le 18 août 2024 par rapport à 2023, soit des pertes estimées à 33 millions d'euros pour les opérateurs du ministère.
6. Les dépenses liées à la part individuelle du Pass culture ont atteint 220 millions d'euros en 2024. Alors que la réforme du Pass culture en février 2025 ne répond qu'imparfaitement aux diverses critiques, le Pass culture devra continuer de faire l'objet d'une attention particulière.
I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2024 : UNE MISSION DANS L'ENSEMBLE PRÉSERVÉE DES RESTRICTIONS BUDGÉTAIRES
La mission « Culture » du budget général recense les crédits dédiés à l'action du ministère de la culture en faveur du patrimoine, de la création artistique, de la démocratisation et de la transmission des savoirs.
Elle est composée de quatre programmes :
- le programme 131 « Création », dédié au soutien de la diversité et du renouvellement de l'offre artistique ;
- le programme 175 « Patrimoines » consacré au financement de la politique de préservation et d'enrichissement du patrimoine culturel français ;
- le programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture », appelé à financer l'action culturelle internationale et des fonctions supports du ministère ;
- le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », créé en 2021 à partir du programme 224, qui rassemble les crédits dédiés aux politiques transversales du ministère et au soutien de la langue française et du plurilinguisme.
La mission n'agrège pas l'ensemble des crédits affectés au ministère de la Culture. La mission « Médias, livre et industries culturelles » est ainsi spécifiquement dédiée au soutien aux industries culturelles.
1. Les dépenses de la mission se sont élevées au niveau prévu en LFI pour 2024
Les dépenses de la mission « Culture » se sont élevées en 2024 à 4,12 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 3,87 milliards d'euros en crédits de paiement (CP).
Les dépenses de la mission sont donc en forte hausse (+ 6,8 %) en AE et sont stables en CP par rapport à l'année précédente. Contrairement à la plupart des missions du budget général, les annulations réglementaires comme législatives intervenues durant l'année n'ont pas conduit à une sous-exécution des crédits par rapport à la prévision en LFI pour 2024. Les crédits ont en effet été légèrement sous-consommés en CP (- 1 %) mais au contraire surconsommés en AE (+ 1,1 %).
Exécution des crédits de la mission « Culture » par programme en 2024
(en millions d'euros et en %)
Programme |
Crédits exécutés 2023 |
LFI 2024 |
Crédits exécutés 2024 |
Évolution exécution 2023/2024 |
Écart exécution / prévision LFI |
|
P. 131 Création |
AE |
1 002,90 |
1 027,20 |
948,20 |
- 5,45 % |
- 7,69 % |
CP |
1 010,40 |
1 037,00 |
973,00 |
- 3,70 % |
- 6,17 % |
|
P. 175 Patrimoines |
AE |
1 213,90 |
1 367,70 |
1 527,90 |
25,87 % |
11,71 % |
CP |
1 212,10 |
1 190,60 |
1 250,60 |
3,18 % |
5,04 % |
|
P. 224 Soutien aux politiques du ministère de la culture |
AE |
811,10 |
823,20 |
834,20 |
2,85 % |
1,34 % |
CP |
809,80 |
844,30 |
833,20 |
2,89 % |
- 1,31 % |
|
P. 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
AE |
827,80 |
854,40 |
807,00 |
- 2,51 % |
- 5,55 % |
CP |
833,40 |
828,10 |
807,00 |
- 3,17 % |
- 2,55 % |
|
Total |
AE |
3 855,60 |
4 072,50 |
4 117,30 |
6,79 % |
1,10 % |
CP |
3 865,70 |
3 900,00 |
3 863,80 |
- 0,05 % |
- 0,93 % |
Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)
Les prévisions en LFI pour l'année 2024 traduisaient une forte progression des crédits de 11,88 % en AE (+ 444 millions d'euros) et 4,90 % en CP (+ 182 millions d'euros) par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. Cette progression découlait d'une part de la poursuite des grands chantiers de valorisation du patrimoine et d'autre part d'une politique de soutien des acteurs culturels dans un contexte d'augmentation des coûts de l'énergie et de la construction lié à l'inflation constatée en 2023 et attendue en 2024.
Les dépenses de la mission ont dépassé le niveau record atteint en 2021, qui avait été atteint dans le contexte de la crise sanitaire. Le niveau des crédits de la mission est ainsi supérieur de 250 millions d'euros en CP et de 490 millions d'euros en AE au niveau de 2022.
Évolution des crédits de la mission depuis 2022
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Le poids du programme 175 « Patrimoines » est toujours croissant : il représentait 30 % de la mission en 2022, 31,4 % en 2023 et 32,4 % en 2024. Cette dynamique est à relier à la poursuite de la politique de grands travaux mise en oeuvre par le ministère et ses opérateurs au cours des dernières années, qui devrait se poursuivre en 2025 du fait d'un abondement de 190 millions d'euros ajouté au cours de la discussion du PLF pour 2025.
Répartition par programme des crédits de la mission en 2024
(en %)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Les dépenses de personnel de la mission sont rassemblées au sein du programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture ». Le montant exécuté en 2024 s'élève à 733,8 millions d'euros (en AE=CP), soit une progression de 28 millions d'euros et de 4 % par rapport à l'exercice précédent.
Le nombre d'équivalents temps plein travaillés (ETPT) s'établit à 8 997 ETPT en 2024, soit un niveau légèrement supérieur à celui retenu en loi de finances initiale (+ 38 ETPT)
Néanmoins, en dépit d'une remontée par rapport à 2023 (+ 38 ETPT) Le plafond d'emplois de la mission est en baisse continue depuis plusieurs années. Celui-ci a reculé de 371 emplois entre 2021 et 2024.
Par ailleurs, le plafond d'emplois de la mission est systématiquement sous-exécuté. C'est également le cas en 2024, où, en dépit de la hausse des emplois, les ETPT exécutés sont inférieurs aux emplois ouverts en LFI (- 164 ETPT). Ainsi, cumulés entre 2021 et 2024, 519 emplois ouverts n'ont pas été pourvus. Il conviendrait d'ajuster la prévision d'emplois en LFI afin d'améliorer la sincérité du plafond d'emplois voté par le Parlement.
Évolution du plafond d'emplois de la mission
(en ETPT)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Si l'idée d'un plan destiné à réduire les écarts de rémunérations observés entre les agents du ministère de la culture et ceux des autres administrations centrales est fréquemment évoqué, il est vraisemblable que la situation budgétaire actuelle ne conduise à repousser sa mise en oeuvre. La circulaire du 25 avril 20251(*) incite en effet fortement les ministères à limiter les mesures de revalorisation catégorielles.
2. L'exécution de la mission a été pourtant fortement modifiée par le décret d'annulation de février 2024 ainsi que par les mouvements de crédits destinés à en limiter les conséquences
Le décret d'annulation de février 20242(*) a annulé 204 millions d'euros (en AE = CP), ce qui équivaut à 4,6 % des crédits de la mission. Le programme 361 n'était initialement pas concerné par cette annulation. Les programmes 131 et 175 auraient vus chacun près d'une centaine de millions d'euros supprimés.
Néanmoins, afin de rééquilibrer l'impact du décret d'annulation sur les différents programmes de la mission, le ministère a procédé à un virement de crédit du programme 361 vers les programmes 131 et 175.
Conséquences du décret d'annulation sur les programmes de la mission
(en millions d'euros)
P. 131 Création |
P. 175 Patrimoines |
P. 224 Soutien aux politiques du ministère de la culture |
P. 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
|
Annulations prévues dans le décret |
95,96 |
99,54 |
8,84 |
0 |
Annulations de crédits après redéploiement au sein du ministère |
75,17 |
89,54 |
8,84 |
16,1 |
Dont réserve de précaution |
47,16 |
51,8 |
5,69 |
0 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Environ la moitié des annulations de la mission portaient sur la réserve de précaution des différents programmes (pour un total de 104 millions d'euros).
La répartition des crédits annulés en dehors de la réserve de précaution relève des responsables de programme. S'agissant du programme 175, celle-ci a été effectuée par un « rabot » sur l'ensemble des crédits du programme. S'agissant du programme 224, les annulations de dépenses de personnel (pour un montant de 3,3 millions d'euros) ont porté sur la réforme du cadre de gestion des contractuels du ministère de la Culture.
Les crédits supprimés sur le programme 361 ont été prélevés sur le fonctionnement d'Universcience (- 13 millions d'euros en AE = CP), et sur les crédits dédiés aux contrats plan État-régions (- 2,79 millions d'euros en AE et - 3,1 millions d'euros en CP).
S'agissant du programme 131, le décret d'annulation a supprimé des crédits de fonctionnement de divers opérateurs. Les plus gros contributeurs ont été l'Opéra de Paris (pour 6 millions d'euros) et la Comédie Française (pour 5 millions d'euros). Divers projets (expositions, autres aides aux projets ponctuels comme les aides à l'édition, aux réseaux, etc.) ont également été annulés pour un montant total de 9,5 millions d'euros.
Répartition des annulations sur le programme 131
(en millions d'euros)
Comédie-Française |
5 |
Théâtre national de la Colline |
0,5 |
Théâtre national de Chaillot |
0,5 |
Cité de la musique - Philharmonie de Paris |
0,25 |
Opéra national de Paris |
6 |
Grande halle de la Villette |
0,25 |
Fonds de soutien au théâtre privé |
3,5 |
Sèvres - Cité de la céramique |
1 |
Académie de France à Rome |
1 |
Aides aux projets |
9,45 |
Investissement immobilier des lieux de spectacle vivant labellisés |
0,5 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Outre les virements précédemment mentionnés, les conséquences sur la mission du décret d'annulation ont été plus que compensées par des décrets de transferts (décrets des 28 juin et 28 novembre 2024), augmentant les dépenses du ministère de respectivement 75 millions d'euros en AE et 38 millions d'euros en CP.
3. Près d'1,5 milliard d'euros de dépenses fiscales sont rattachés à la mission
Le soutien budgétaire aux politiques culturelles de la mission « Culture » est complété par un ensemble de dépenses fiscales qui sont rattachées aux programmes « Création » et « Patrimoines ». Le montant cumulé des 28 dépenses fiscales rattachées à la mission s'élève à 1,45 milliard d'euros en 2024.
Après une légère baisse en 2023 par rapport à 2022, le montant total de la dépense fiscale a fortement augmenté entre 2023 et 2024 (+ 300 millions d'euros, soit une hausse de 26 %). La dépense fiscale a ainsi été largement supérieure en 2024 à ce qui était attendu en LFI, dépassant les prévisions de plus de 250 millions d'euros.
Évolution de la dépense fiscale rattachée à la mission « Culture »
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
La dépense fiscale est très concentrée sur quelques dispositifs, et près de la moitié consiste en des taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Les taux réduits de TVA représentent à eux seuls un total de 564 millions d'euros, dont 320 millions d'euros pour le taux réduit à 5,5 % pour les droits d'entrées dans des spectacles.
En contrepoint, la majorité des dépenses fiscales de la mission « Culture » ont un rendement très faible.
Répartition de la dépense fiscale rattachée à la mission « Culture »
(en %)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Ainsi, sur les 13 dépenses fiscales du programme 131, 8 ont un rendement inférieur à 5 millions d'euros. Plus d'un tiers de la dépense fiscale (105 millions d'euros) découle de la suppression du prélèvement de 20 % sur l'assurance vie lorsque le bénéficiaire est exonéré de droit de mutation à titre gratuit (DMTG) en cas de transmission de bien. Sur les 15 dépenses fiscales relevant du programme 175, 6 ont un rendement inférieur à 6 millions d'euros en 2024.
Une partie importante des dispositifs fiscaux ne bénéficie qu'à un très petit nombre de redevables. À titre d'exemple, la réduction d'impôt sur les sociétés pour les entreprises ayant effectué des versements en faveur de l'achat de Trésors Nationaux et autres biens culturels spécifiques n'a bénéficié qu'à 12 entreprises, pour un montant total de 45 millions d'euros en 2023.
Cet éparpillement interroge d'autant plus que certaines dépenses fiscales ont un montant très limité. Le crédit d'impôt en faveur des représentations théâtrales d'oeuvres dramatiques n'a bénéficié qu'à 32 entreprises, pour un montant total de 2 millions d'euros en 2023 et 2024. Pire encore, la réduction d'impôt sur le revenu au titre des travaux de conservation ou de restauration d'objets mobiliers classés monuments historiques a bénéficié à 793 ménages, pour un montant total d'1 million d'euros seulement.
II. LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
1. La poursuite d'une politique de grands travaux pèse sur l'exécution du programme 175
Le programme 175 a atteint 1,53 milliard d'euros en AE et 1,25 milliard d'euros en CP, auquel s'ajoutent 300 millions d'euros de dépenses fiscales. Les dépenses en faveur du patrimoine atteignent ainsi un montant particulièrement élevé, ce qui devrait être encore accentué en 2025. En effet, une augmentation de 190 millions d'euros en AE et 100 millions d'euros en CP a été adoptée en LFI pour 2025, destinée à financer un plan de réhabilitation du patrimoine.
La LFI 2024 prévoyait la mise en place de mesures nouvelles, à hauteur de 302 millions d'euros en AE et 28 millions d'euros en CP. Ces crédits étaient notamment destinés à financer deux grands projets en particulier :
- une enveloppe de 225 millions d'euros pour accompagner le projet emblématique de rénovation du Centre national d'art et de culture - Georges-Pompidou (CNAC-GP) ;
- une dotation de 54,7 millions d'euros destinés au projet d'extension du site des archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine.
Financement des grands travaux prévus en LFI sur le programme 175 en 2024
(en millions d'euros)
AE 2024 |
CP 2024 |
Coût total (P. 175) |
Date d'achèvement prévue |
|
Musée mémorial du terrorisme |
13 |
2,5 |
15,2 |
2026 |
Abbaye de Clairvaux |
20 |
12 |
60 |
2028 |
Archives nationales (bâtiment de Pierrefitte) |
54,7 |
2,3 |
67,2 |
2028 |
Grand Palais |
8,8 |
8,8 |
107,8 |
2024 |
Archives nationales (schéma directeur) |
0 |
4,2 |
31,5 |
2025 |
Centre Pompidou |
12 |
12 |
261 |
2029 |
Château de Fontainebleau |
1,2 |
8,7 |
61,4 |
2026 |
Cathédrale de Nantes |
7,5 |
7,6 |
24,9 |
2025 |
Musée Guimet |
3 |
3 |
9 |
2025 |
Total |
120,2 |
61,1 |
638 |
- |
Source : commission des finances
Sans remettre en cause sur le fond la pertinence de ces travaux, la mise en place de très grands chantiers, pouvant s'étendre pour certains jusqu'en 2030, a pour effet de rigidifier la dépense.
Les conséquences des travaux engagés en 2024 se feront sentir largement au cours des années prochaines sur le programme 175. Les restes à payer atteignent ainsi 1 milliard d'euros en 2024, soit 36 % de plus qu'en 2023.
Évolution des restes à payer sur le programme 175 en 2024
(en euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Au vu des montants très conséquents concernés, il serait souhaitable de ne pas engager d'autres chantiers de très grande ampleur au cours des prochaines années, alors que les travaux du Centre Pompidou n'en sont qu'à leurs balbutiements.
2. L'impact négatif à court terme des Jeux olympiques de Paris 2024 sur la fréquentation des opérateurs culturels
L'effet des visiteurs attendus à l'été 2024 sur les sites patrimoniaux, en particulier en Île-de-France, était particulièrement attendu. Le résultat à court terme est cependant décevant.
Si les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ont entraîné un afflux de visiteurs à Paris, les monuments parisiens ont souffert pour certains d'une fermeture complète et, pour ceux situés dans les périmètres de restriction de circulation, d'importantes difficultés d'accès. En outre, les visiteurs présents pour les Jeux ont pour la plupart consacré l'essentiel de leurs dépenses aux jeux Olympiques, au détriment d'autres activités touristiques.
Pour l'ensemble des opérateurs, le ministère estime la baisse à - 20 % entre le 22 juillet et le 18 août 2024 par rapport à 2023. Pour les opérateurs parisiens, la diminution est plus importante : 27 % par rapport à 2023 sur la même période.
Les pertes concernent pour l'essentiel les sites patrimoniaux, dans la mesure où, s'agissant des opérateurs artistiques, les JO ont eu lieu dans l'intersaison. Les musées et monuments à forte notoriété (Louvre, Versailles, Orsay) ont connu une baisse d'environ 30 %, plus faible que ceux moins connus (- 67 % à la Cité de l'architecture et du patrimoine par exemple).
S'agissant spécifiquement des monuments du centre des monuments nationaux, la fréquentation a diminué au mois de juillet de 38 % pour l'Arc de Triomphe et jusqu'à 56 % pour l'Hôtel de la Marine ou 61 % pour la Conciergerie, situés tous deux en plein coeur du périmètre de sécurité. Pour l'ensemble des monuments franciliens, la diminution s'élève en juillet à 21 % et en août à 12 % par rapport aux mêmes mois en 2023.
Le public a cependant retrouvé, à la fin du mois d'août des niveaux d'affluence comparables à ceux d'une année normale. Le ministère estime toutefois la perte financière pour les deux mois d'été à 33 millions d'euros pour les opérateurs de la mission « Culture ».
S'agissant des retombées à long terme des Jeux, le ministère espère pouvoir convertir l'intérêt marqué du public pour les monuments mis en avant pendant les jeux Olympiques. À date, il est impossible de mesurer l'effet sur les premiers mois de 2025.
S'agissant plus spécifiquement des festivals, le ministère a mené une enquête sur les festivals s'étant tenus en 2024 avec 880 répondants. D'après ce baromètre, les jeux olympiques ont eu peu d'impact sur la tenue des festivals : 98 % d'entre eux ont eu lieu comme prévu et 10 % des festivals répondants ont indiqué avoir rencontrés des perturbations liées aux jeux Olympiques.
3. La réforme du Pass culture ne devrait pas répondre aux critiques qui s'accumulent à l'encontre du dispositif
Le Pass Culture représente 25 % des crédits du programme 361. Il est également le deuxième opérateur du ministère de la Culture, derrière la Bibliothèque nationale de France.
Le projet de loi de finances prévoyait une dotation de 211 millions d'euros de crédits (AE = CP) pour le financement du dispositif.
Exécution des crédits du programme 361 dédiés au Pass Culture
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
L'exécution 2023 avait révélé une très importante surconsommation des crédits dédiés au pass : les crédits effectivement exécutés sont supérieurs de près de 15 % à ceux prévus en LFI. Ce faisant, les crédits ont augmenté de 40 millions d'euros entre 2022 et 2023. La surconsommation est moindre en 2023 mais les montants exécutés atteignent tout de même près de 10 millions d'euros de plus que ceux prévus en LFI. Le programme 361 a bénéficié d'un dégel de la réserve de précaution à hauteur de 10,7 millions d'euros en AE et 7,03 millions d'euros en loi de finances de fin de gestion3(*) afin de financer le Pass culture, qui constitue une dépense dite « de guichet ».
Au total, depuis sa mise en oeuvre en 2019, le Pass culture a bénéficié de près de 800 millions d'euros de crédits.
La croissance des crédits du programme 361 s'ajoute en outre à celle des crédits ouverts au titre du volet collectif du Pass culture sur la mission « Enseignement scolaire ».
En effet, la loi de finances pour 2022 a permis de faire évoluer le dispositif en l'ouvrant aux élèves à partir de la classe de 4e, qui sous la responsabilité des enseignants, bénéficient d'un crédit (25 euros par élève en quatrième et en troisième, 30 euros en seconde et 20 euros en première et en terminale) à dépenser dans un cadre collectif : sortie culturelle, accueil d'un professionnel... Le dispositif a été étendu aux élèves de sixième et de cinquième à compter de la rentrée scolaire 2023.
Le volet collectif du Pass culture est financé à hauteur de 94 millions d'euros en CP en exécution 2024.
Les rapporteurs spéciaux ont consacré une analyse développée au Pass culture dans un rapport d'information de 20234(*). Ils soulignaient que des interrogations demeuraient sur un plan qualitatif. Ces analyses ont été reprises et développées par d'autres rapports rendus en 2024.
L'évaluation menée par l'inspection générale des affaires culturelles (IGAC) de mai 20245(*) a livré une vision pour le moins mitigée du dispositif. Elle note que les impacts sur les pratiques culturelles des bénéficiaires du dispositif apparaissent « contrastés » et que la capacité du pass Culture à transformer les pratiques culturelles est « incertaine ». Plus clairement encore, « la capacité du pass Culture à atteindre ses objectifs de service public ne peut être démontrée : l'intensification des pratiques culturelles des bénéficiaires du dispositif semble établie, mais son caractère durable apparaît incertain ; la diversification de ces pratiques est impossible à démontrer. Dans ces conditions, faute de pouvoir établir que l'utilisation du pass Culture favorise la réduction des écarts de pratiques culturelles entre milieux sociaux, l'existence d'effets d'aubaine ne peut être exclue ».
La Cour des comptes a émis des critiques similaires dans son rapport de décembre 20246(*) : « ce réel succès en termes de couverture globale ne saurait toutefois occulter le fait que le pass Culture n'a que partiellement réussi à toucher les jeunes les moins familiers des pratiques culturelles », entretenant ainsi un « effet d'aubaine » pour les jeunes disposant d'un « capital culturel plus élevé ». La Cour alertait notamment sur le coût du Pass culture, dans un contexte financier dégradé. Elle indiquait ainsi que « des arbitrages doivent être pris pour mettre un terme à la croissance non maîtrisée des crédits budgétaires du pass Culture ».
La Cour des comptes proposait plusieurs pistes, dont la réduction du montant du crédit alloué aux jeunes âgés de 18 ans ; la mise sous condition de ressources ; le ciblage des bénéficiaires selon des critères sociaux (boursiers) ou territoriaux (quartiers de la politique de la ville, milieu rural). Avant la parution du rapport de la Cour des comptes, la commission des finances du Sénat avait déjà porté un amendement visant à recentrer le dispositif sur les boursiers. Le recentrage sur les seuls boursiers devait ramener le coût du dispositif (sur la base d'hypothèses de consommation et de taux de recours identiques à ceux des deux années précédentes) à 55 millions d'euros.
De façon regrettable, la réforme mise en place par décret en février 20257(*) prend le contre-pied des propositions de réformes du Sénat et de la Cour. Loin d'axer davantage le dispositif sur les jeunes de 15 à 17 ans, comme le préconisaient l'ensemble des acteurs, la réforme concentre l'essentiel du dispositif sur les jeunes âgés de 18 ans et plus. Désormais, les jeunes de 15 à 16 ans sont exclus du dispositif, alors que les jeunes de 18 ans bénéficient toujours de 150 euros, toujours sans condition de ressources. Une bonification peut toutefois être accordée pour certains jeunes bénéficiaires d'allocation aux adultes handicapés ou dont les parents ont un revenu inférieur à un niveau fixé par arrêté. L'arrêté n'est cependant toujours pas publié à l'heure actuelle.
Impact de la réforme du Pass culture par tranches d'âge
Âge |
Avant la réforme |
Après la réforme |
15 ans |
20 euros |
0 |
16 ans |
30 euros |
0 |
17 ans |
30 euros |
50 euros |
18 ans |
300 euros |
150 euros + une bonification de 50 euros sous conditions |
Source : commission des finances du Sénat
La préparation du budget pour 2026 impliquera une vigilance accrue sur la part individuelle du Pass culture, alors qu'il est douteux que la réforme réponde aux critiques émises à l'encontre du dispositif.
* 1 Circulaire du Premier ministre sur la gestion budgétaire du 25 avril 2025.
* 2 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.
* 3 Loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de fin de gestion pour 2024.
* 4 Le Pass culture face au défi de la diversification des pratiques culturelles, rapport d'information n° 866 (2022-2023), déposé le 11 juillet 2023.
* 5 Les impacts de la part individuelle du Pass Culture, IGAC 2024 - N° 2024-15.
* 6 Premier bilan du pass Culture, Cour des comptes, 17 décembre 2024.
* 7 Décret n° 2025-195 du 27 février 2025 relatif au « pass Culture ».