- L'ESSENTIEL
- I. LE TROISIÈME PROJET DE LOI D'APPROBATION
DES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
- II. UN DÉFICIT PLUS IMPORTANT QUE
PRÉVU ET QUI REPART À LA HAUSSE
- III. L'ÉCLAIRAGE DES RAPPORTEURS DE
BRANCHE
- A. MALADIE (CORINNE IMBERT) : LA
RÉFORME DU FINANCEMENT DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ
- B. AT-MP (MARIE-PIERRE RICHER) : L'IMPACT DES
MODALITÉS DE TARIFICATION DÉROGATOIRES DANS LES SECTEURS DU
BÂTIMENT ET DU MÉDICO-SOCIAL
- C. VIEILLESSE (PASCALE GRUNY) : LES
INÉGALITÉS DE PENSION ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES
RETRAITÉS
- D. FAMILLE (OLIVIER HENNO) : LA FRAUDE AUX
PRESTATIONS DE LA BRANCHE FAMILLE
- E. AUTONOMIE (CHANTAL DESEYNE) : LE RECOURS
À L'ALLOCATION JOURNALIÈRE DU PROCHE AIDANT (AJPA)
- A. MALADIE (CORINNE IMBERT) : LA
RÉFORME DU FINANCEMENT DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ
- I. LE TROISIÈME PROJET DE LOI D'APPROBATION
DES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
- LISTE DES PROPOSITIONS
- PREMIÈRE PARTIE
UNE FIABILITÉ DES COMPTES ET UNE CONFORMITÉ DES ANNEXES À LA LOI ORGANIQUE TOUJOURS PERFECTIBLES (ÉLISABETH DOINEAU)
- I. LE TROISIÈME PROJET DE LOI D'APPROBATION
DES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
- A. UN DEUXIÈME TRIMESTRE DEVANT ÊTRE
CONSACRÉ, DANS LE CAS DE LA SÉCURITÉ SOCIALE, À
L'APPROBATION DES COMPTES ET À L'ÉVALUATION
- B. UNE PARTIE DU PRÉSENT RAPPORT
RÉUNISSANT DES CONTRIBUTIONS DES RAPPORTEURS DE BRANCHE
- C. UN TEXTE QUI FAIT SUITE AUX EXAMENS
« COMPLIQUÉS » DES DEUX PREMIERS PLACSS
- 1. Dans le cas du Placss 2022, un texte
rejeté par chacune des deux assemblées
- 2. Dans le cas du Placss 2023, un calendrier
bouleversé par la dissolution de l'Assemblée nationale et un
texte à nouveau rejeté par le Parlement
- 3. Le rejet du présent Placss par
l'Assemblée nationale en première lecture
- 1. Dans le cas du Placss 2022, un texte
rejeté par chacune des deux assemblées
- A. UN DEUXIÈME TRIMESTRE DEVANT ÊTRE
CONSACRÉ, DANS LE CAS DE LA SÉCURITÉ SOCIALE, À
L'APPROBATION DES COMPTES ET À L'ÉVALUATION
- II. UN TEXTE TOUJOURS IMPARFAITEMENT CONFORME AUX
OBLIGATIONS ORGANIQUES
- A. LE MAINTIEN D'UNE IMPOSSIBILITÉ DE
CERTIFIER LES COMPTES DE LA BRANCHE FAMILLE ET DE LA CNAF
- B. DES ANNEXES TOUJOURS IMPARFAITEMENT CONFORMES
AUX OBLIGATIONS ORGANIQUES
- 1. L'obligation organique d'évaluer chaque
année un tiers des niches sociales n'est toujours pas respectée
- a) Une disposition pas du tout respectée
lors du Placss 2022
- b) Une disposition imparfaitement respectée
par les Placss 2023 et 2024
- (1) Une solution pertinente de renvoi aux
évaluations existantes
- (2) L'obligation d'évaluation annuelle d'un
tiers des niches n'est pas respectée, même en se limitant aux
niches devant faire l'objet d'une « évaluation
approfondie »
- (a) Lors du dépôt du Placss 2023, la
commission disposait de 16 évaluations, correspondant à
13 % du nombre de niches et 20 % du coût total des
niches
- (b) Une forte amélioration en montant en
octobre 2024 avec la publication du « rapport
Bozio-Wasmer »
- (c) Dans le cas du Placss 2024, la
réalisation de seulement 9 évaluations approfondies
supplémentaires
- (3) Des évaluations
« allégées » sous la forme du renseignement
des fiches relatives aux mesures dans l'annexe 2
- c) Un respect imparfait de la loi organique
à relativiser
- a) Une disposition pas du tout respectée
lors du Placss 2022
- 2. L'obligation organique de fournir dans les
Repss des indicateurs relatifs à l'exercice concerné est toujours
imparfaitement respectée
- 1. L'obligation organique d'évaluer chaque
année un tiers des niches sociales n'est toujours pas respectée
- C. DES DÉLAIS À ANTICIPER
- A. LE MAINTIEN D'UNE IMPOSSIBILITÉ DE
CERTIFIER LES COMPTES DE LA BRANCHE FAMILLE ET DE LA CNAF
- III. DES INSUFFISANCES QUI JUSTIFIENT UN NOUVEAU
REJET DU TEXTE
- I. LE TROISIÈME PROJET DE LOI D'APPROBATION
DES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
- DEUXIÈME PARTIE
UNE AUGMENTATION DU DÉFICIT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE DE 4,5 MILLIARDS D'EUROS
PAR RAPPORT À 2023
(ÉLISABETH DOINEAU)
- I. UNE EXÉCUTION PRÉOCCUPANTE POUR
LA SÉCURITÉ SOCIALE AU SENS STRICT, MAIS AUSSI POUR LES
ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE DANS LEUR ENSEMBLE
- A. UN DÉFICIT DES RÉGIMES
OBLIGATOIRES DE BASE ET DU FSV SUPÉRIEUR DE 4,5 MILLIARDS D'EUROS
À CELUI DE 2023 ET DE 4,8 MILLIARDS D'EUROS À LA
PRÉVISION
- 1. Une aggravation du déficit venant d'une
forte augmentation des dépenses, résultant notamment de
l'inflation élevée de 2023, qui a suscité une forte
revalorisation de prestations
- a) Une dégradation du solde conjoncturel
d'environ 3 milliards d'euros, du fait du ralentissement
économique
- b) Un effort structurel sur les dépenses
négatif, dégradant le solde d'environ 13,5 milliards d'euros
et résultant notamment de la forte revalorisation des prestations
- c) Des mesures d'augmentation des recettes de
près de 4 milliards d'euros
- d) Des recettes tendant spontanément
à augmenter plus rapidement que le PIB
- a) Une dégradation du solde conjoncturel
d'environ 3 milliards d'euros, du fait du ralentissement
économique
- 2. Un dérapage du déficit par
rapport à la prévision encore plus important qu'en 2023
- a) Un déficit 2024 supérieur de
4,8 milliards d'euros à la prévision de la LFSS pour 2024,
mais paradoxalement inférieur de 2,9 milliards d'euros à
celle de la LFSS pour 2025
- b) Un dérapage des dépenses de 1,1
milliard d'euros, et surtout des recettes inférieures de 3,7 milliards
d'euros à la prévision
- c) Des recettes 2024 inférieures de
3,7 milliards d'euros à la prévision de la LFSS 2024 mais
supérieures de 3,1 milliards d'euros à la prévision
de la LFSS 2025
- (1) Des recettes inférieures de
3,7 milliards d'euros par rapport à la prévision de la LFSS
2024, essentiellement du fait des recettes de TVA
- (2) Des recettes supérieures de
3,1 milliards d'euros à celles de la LFSS 2025
- d) Un dérapage des dépenses
provenant de la branche maladie
- a) Un déficit 2024 supérieur de
4,8 milliards d'euros à la prévision de la LFSS pour 2024,
mais paradoxalement inférieur de 2,9 milliards d'euros à
celle de la LFSS pour 2025
- 3. Un déficit qui, en l'absence de mesures
correctrices, continuerait d'augmenter, faisant peser un risque sur le
financement de la sécurité sociale
- 1. Une aggravation du déficit venant d'une
forte augmentation des dépenses, résultant notamment de
l'inflation élevée de 2023, qui a suscité une forte
revalorisation de prestations
- B. AU NIVEAU DE L'ENSEMBLE DES ADMINISTRATIONS DE
SÉCURITÉ SOCIALE, UN EXCÉDENT EN FORTE DIMINUTION
- A. UN DÉFICIT DES RÉGIMES
OBLIGATOIRES DE BASE ET DU FSV SUPÉRIEUR DE 4,5 MILLIARDS D'EUROS
À CELUI DE 2023 ET DE 4,8 MILLIARDS D'EUROS À LA
PRÉVISION
- II. UN DÉPASSEMENT DE L'ONDAM DE
1,5 MILLIARD D'EUROS
- I. UNE EXÉCUTION PRÉOCCUPANTE POUR
LA SÉCURITÉ SOCIALE AU SENS STRICT, MAIS AUSSI POUR LES
ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE DANS LEUR ENSEMBLE
- TROISIÈME PARTIE
CONTRIBUTIONS DES RAPPORTEURS DE BRANCHE
- I. LA RÉFORME DU FINANCEMENT DES
ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ POUR LE CHAMP DES ACTIVITÉS DE
MÉDECINE, CHIRURGIE ET OBSTÉTRIQUE (MCO) (CORINNE IMBERT)
- A. UN OBJECTIF DE RÉDUCTION DE LA PART DES
RESSOURCES LIÉES À L'ACTIVITÉ SOUTENU PAR LA
COMMISSION ET LES PRINCIPALES FÉDÉRATIONS
HOSPITALIÈRES
- B. MAIS UNE RÉFORME CONDUITE DANS LA
PRÉCIPITATION SANS VÉRITABLE ÉTUDE D'IMPACT NI
PROGRAMMATION
- C. UNE RÉFORME QUI S'INSCRIT DANS UN
CONTEXTE FINANCIER CRITIQUE POUR L'HÔPITAL
- A. UN OBJECTIF DE RÉDUCTION DE LA PART DES
RESSOURCES LIÉES À L'ACTIVITÉ SOUTENU PAR LA
COMMISSION ET LES PRINCIPALES FÉDÉRATIONS
HOSPITALIÈRES
- II. LES COTISATIONS AT-MP
DÉROGATOIRES : UN FREIN AU DÉPLOIEMENT D'UNE LOGIQUE DE
PRÉVENTION ? (MARIE-PIERRE RICHER)
- A. LES COTISATIONS AT-MP DE DROIT COMMUN
DÉPENDENT, DANS UNE VISÉE ASSURANTIELLE ET PRÉVENTIVE, DE
LA SINISTRALITÉ DU SECTEUR OU DE L'ENTREPRISE
- B. LE SECTEUR MÉDICO-SOCIAL EST SOUMIS
À UN TAUX COLLECTIF SYSTÉMATIQUE LIMITANT LE RÔLE
PRÉVENTIF DES COTISATIONS VERSÉES
- 1. Le secteur médico-social se voit
appliquer un taux brut collectif quel que soit l'effectif de
l'entreprise
- 2. L'application d'un taux collectif quel que soit
l'effectif : un frein au déploiement d'une logique de
prévention
- 3. L'application d'un taux collectif
généralisé est également source de distorsions
entre établissements
- 4. S'acheminer progressivement vers une
tarification de droit commun dans le secteur médico-social : une
nécessité pour le développement de la prévention et
pour l'équité entre secteurs
- 5. Le levier de la tarification ne saurait
toutefois, seul, favoriser le développement d'une culture de la
prévention dans le secteur médico-social
- 1. Le secteur médico-social se voit
appliquer un taux brut collectif quel que soit l'effectif de
l'entreprise
- C. DANS LE SECTEUR DU BÂTIMENT ET DES
TRAVAUX PUBLICS, LE MODE DE CALCUL DES COTISATIONS ÉCRASE L'EFFET
DES SINISTRES GRAVES ET SUSCITE LA TENTATION D'UN TRANSFERT DES RISQUES
- 1. Le secteur du BTP bénéficie de
trois aménagements au droit commun de la tarification AT-MP
- 2. La tarification ne fait globalement pas
obstacle à une logique de prévention
- 3. La tarification écrase toutefois le
coût des sinistres les plus graves, et désincite donc à la
prévention des accidents lourds
- 4. Le transfert de risques : une
dérive contre laquelle lutter
- 1. Le secteur du BTP bénéficie de
trois aménagements au droit commun de la tarification AT-MP
- A. LES COTISATIONS AT-MP DE DROIT COMMUN
DÉPENDENT, DANS UNE VISÉE ASSURANTIELLE ET PRÉVENTIVE, DE
LA SINISTRALITÉ DU SECTEUR OU DE L'ENTREPRISE
- III. LES INÉGALITÉS DE PENSION ENTRE
LES FEMMES ET LES HOMMES RETRAITÉS (PASCALE GRUNY)
- IV. LES INDUS FRAUDULEUX DE LA CAISSE NATIONALE
DES ALLOCATIONS FAMILIALES (OLIVIER HENNO)
- A. LE DISPOSITIF DE RECOUVREMENT DES INDUS
FRAUDULEUX PRÉSENTE DES PERFORMANCES CONTRASTÉES MALGRÉ
UNE DYNAMIQUE D'AMÉLIORATION
- 1. Le dispositif juridique du recouvrement des
indus frauduleux encadre l'action des caisses d'allocations familiales
- 2. La progression quantitative du recouvrement des
indus frauduleux est notable mais demeure insuffisante au regard des enjeux
financiers
- 3. Les écarts territoriaux de performance
révèlent des marges d'amélioration dans
l'homogénéisation des pratiques
- 1. Le dispositif juridique du recouvrement des
indus frauduleux encadre l'action des caisses d'allocations familiales
- B. LES SPÉCIFICITÉS
PROCÉDURALES DES INDUS FRAUDULEUX GÉNÈRENT DES CONTRAINTES
OPÉRATIONNELLES MAJEURES QUI REQUIÈRENT UNE EXPERTISE
ADAPTÉE
- C. L'ORGANISATION DU RECOUVREMENT MOBILISE DES
MOYENS CONSÉQUENTS AVEC UN RENDEMENT ÉCONOMIQUE SATISFAISANT
MALGRÉ DES DÉFIS PERSISTANTS SUR LA MODERNISATION INFORMATIQUE ET
LA PRÉVENTION DES INDUS FRAUDULEUX.
- D. HARMONISER LES PRATIQUES, MODERNISER LES OUTILS
ET RENFORCER LA PRÉVENTION
- 1. L'harmonisation des pratiques territoriales et
la professionnalisation des acteurs constituent des leviers majeurs pour
garantir l'équité et l'efficacité du dispositif de gestion
des indus
- 2. L'accélération de la
modernisation informatique et la révision des seuils économiques
permettent de rationaliser la gestion et d'optimiser l'allocation des
ressources
- 3. Une extension de la solidarité à
la source pourrait réduire le volume et la gravité des
indus
- 1. L'harmonisation des pratiques territoriales et
la professionnalisation des acteurs constituent des leviers majeurs pour
garantir l'équité et l'efficacité du dispositif de gestion
des indus
- A. LE DISPOSITIF DE RECOUVREMENT DES INDUS
FRAUDULEUX PRÉSENTE DES PERFORMANCES CONTRASTÉES MALGRÉ
UNE DYNAMIQUE D'AMÉLIORATION
- V. LE RECOURS À L'ALLOCATION
JOURNALIÈRE DU PROCHE AIDANT (AJPA) (CHANTAL DESEYNE)
- A. L'ALLOCATION JOURNALIÈRE DU PROCHE
AIDANT : UNE ALLOCATION MISE EN PLACE POUR RENFORCER L'EFFECTIVITÉ
DU CONGÉ DE PROCHE AIDANT
- B. LE RECOURS À L'ALLOCATION
JOURNALIÈRE DU PROCHE AIDANT DEMEURE TIMIDE MALGRÉ SON
UTILITÉ CERTAINE
- A. L'ALLOCATION JOURNALIÈRE DU PROCHE
AIDANT : UNE ALLOCATION MISE EN PLACE POUR RENFORCER L'EFFECTIVITÉ
DU CONGÉ DE PROCHE AIDANT
- I. LA RÉFORME DU FINANCEMENT DES
ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ POUR LE CHAMP DES ACTIVITÉS DE
MÉDECINE, CHIRURGIE ET OBSTÉTRIQUE (MCO) (CORINNE IMBERT)
- EXAMEN DES ARTICLES (ÉLISABETH
DOINEAU)
- Article liminaire
Approbation des recettes, des dépenses et du solde
des administrations de sécurité sociale
- Article 1er
Approbation des tableaux d'équilibre des Robss et du FSV
- Article 2
Approbation des dépenses constatées relevant de l'Ondam,
des recettes affectées au FRR, des recettes mises en réserve par le FSV
et du montant de la dette amortie par la Cades
- Article 3
Approbation du rapport annexé sur les excédents ou déficits
de l'exercice 2024 et le tableau patrimonial (annexe)
- Article liminaire
- LEXIQUE DES PRINCIPAUX SIGLES ET
ACRONYMES
- ANNEXE : LES PROJETS DE LOI D'APPROBATION
DES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
N° 756
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur
le projet de loi, rejeté par l'Assemblée nationale après
engagement de la procédure
accélérée,
d'approbation des
comptes de la sécurité
sociale de l'année 2024,
Par Mme Élisabeth DOINEAU,
Rapporteure générale,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Dominique Théophile, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud, MM. Xavier Iacovelli, Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris, M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (17ème législ.) : |
1456, 1491, 1523 et T.A. 139 |
|
Sénat : |
729 et 748 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
En 2023 et 2024, le Parlement a rejeté les deux premiers projets de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss). Le 10 juin 2025, l'Assemblée nationale a rejeté le Placss sur 2024. Malgré certaines améliorations, la commission propose de rejeter également le texte, du fait notamment de la non-certification persistante des comptes de la Cnaf et de la branche famille.
Comme l'année dernière, le rapport comprend des contributions des rapporteurs de branche.
I. LE TROISIÈME PROJET DE LOI D'APPROBATION DES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
A. PERMETTRE UN « CHAÎNAGE VERTUEUX » ENTRE PLACSS ET PLFSS
Les lois d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss), résultant de la loi organique du 14 mars 2022, correspondent, schématiquement, à l'ancienne première partie des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), examinées à l'automne. Le projet de Lacss (Placss) doit être déposé avant le 1er juin, afin de favoriser un « chaînage vertueux » avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) : il convient de tirer les enseignements de l'exécution d'une année n avant de discuter du PLFSS pour une année n+2.
B. EN 2022 ET 2023, UN EXAMEN DANS DES CONDITIONS NON OPTIMALES
En 2022, les deux assemblées ont rejeté le texte. La commission des affaires sociales du Sénat avait alors adopté une motion tendant à opposer la question préalable, du fait notamment du refus de la Cour des comptes de certifier les comptes 2022 de la Cnaf et de la branche famille, et de la non-conformité de plusieurs annexes à la loi organique.
En 2023, du fait de la dissolution de l'Assemblée nationale, le Placss n'a pu être examiné suffisamment en amont du PLFSS. L'examen du Placss juste avant le PLFSS constituait de facto un retour à la situation d'avant la réforme, où la première partie du PLFSS tenait lieu de Placss. Chacune des deux chambres du Parlement a également rejeté le texte.
C. UNE CONFORMITÉ AUX OBLIGATIONS DE LA LOI ORGANIQUE TOUJOURS INSUFFISANTE
Dans le cas du Placss 2024, malgré d'incontestables améliorations, les lacunes demeurent trop importantes pour permettre une adoption du texte.
Principales lacunes des différents Placss
Placss : projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale. Repss : rapport d'évaluation des politiques de sécurité sociale.
Source : Commission des affaires sociales
II. UN DÉFICIT PLUS IMPORTANT QUE PRÉVU ET QUI REPART À LA HAUSSE
A. UNE AUGMENTATION DU DÉFICIT QUI VIENT DE LA FORTE AUGMENTATION DES DÉPENSES, DU FAIT NOTAMMENT DE LA REVALORISATION DES PRESTATIONS INDEXÉES
L'augmentation du déficit en 2024, de 4,5 milliards d'euros, provient essentiellement du fait que les dépenses ont été supérieures d'environ 13 milliards à ce qu'elles auraient été si elles avaient augmenté au même taux que le PIB potentiel. Environ la moitié de ce phénomène vient du fait que comme l'inflation 2023 avait été élevée, en 2024 la revalorisation des prestations indexées a été importante.
Côté recettes, on peut notamment mentionner des mesures nouvelles de 4,7 milliards d'euros, dont 2,6 milliards d'euros correspondant au transfert de 0,15 point de CSG de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) vers la branche autonomie.
Décomposition indicative de
l'évolution du solde
de la sécurité sociale entre 2023
et 2024
(en milliards d'euros)
Source : Commission des affaires sociales du Sénat
B. UN DÉFICIT SUPÉRIEUR À LA PRÉVISION
Le déficit a été de 15,3 milliards d'euros, soit 4,8 milliards d'euros de plus que la prévision de la LFSS 2024.
Cela vient du fait que les dépenses ont été supérieures de 1,1 milliard d'euros aux prévisions, et surtout que les recettes ont été inférieures de 3,7 milliards d'euros aux prévisions.
Dans le cas des dépenses, le dérapage s'explique par le dépassement de l'Ondam (de 1,5 milliard d'euros).
Dans le cas des recettes, il vient des moindres rentrées d'impôts et taxes (- 3,8 milliards d'euros), et plus particulièrement de TVA (- 2,2 milliards d'euros), dont la prévision reposait sur l'hypothèse optimiste d'une croissance supérieure à celle de sa base taxable.
Recettes et dépenses de la sécurité sociale (en Md€)
Source : Commission des affaires sociales du Sénat
C. UNE ABSENCE DE MAÎTRISE DU DÉFICIT QUI MET EN PÉRIL LE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Le graphique ci-contre illustre l'absence de maîtrise des comptes sociaux.
Sans nouvelles mesures, la situation va continuer à se dégrader, même en retenant les hypothèses de croissance du Gouvernement, avec un déficit proche de 25 milliards d'euros en 2029.
Depuis plusieurs années, la commission alerte sur le fait que l'accumulation de la dette sociale à l'Acoss, sans perspectives d'amélioration du solde, suscite un risque de crise de liquidité, pouvant empêcher la sécurité sociale de payer des prestations aussi fondamentales que, par exemple, les retraites.
Solde de la sécurité sociale (2004-2029)
(en Md€)
CCSS : commission des comptes de la sécurité sociale. LFSS : loi de financement de la sécurité sociale.
Source : Commission des affaires sociales
Les responsables de l'Acoss ont indiqué à la rapporteure générale que le besoin de trésorerie anticipé pour fin 2025, proche de son plafond de 65 milliards d'euros, faisait entrer l'Acoss en « zone de risque » ; et que la situation pourrait devenir critique en 2027, année où, du fait des déficits accumulés, le besoin de trésorerie devrait dépasser 100 milliards d'euros.
III. L'ÉCLAIRAGE DES RAPPORTEURS DE BRANCHE
A. MALADIE (CORINNE IMBERT) : LA RÉFORME DU FINANCEMENT DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ
Cette réforme inscrite dans la LFSS pour 2024 vise à diminuer la part de la tarification à l'activité en créant un financement des établissements plus équilibré entre tarification, objectifs de santé publique et missions spécifiques sous la forme de dotations.
En l'absence de simulation de ses effets et besoins d'accompagnement financiers, celle-ci, bien que pertinente dans son principe, semblait alors largement cosmétique et insuffisamment préparée. Force est de constater que les faits confirment les réserves sur le calendrier et les modalités de mise en oeuvre exprimées par la commission lors de l'examen de ce texte.
Si le nom des blocs de financement a bien changé au 1er janvier 2025, la réforme n'a, à ce stade, entraîné aucun impact concret pour les établissements, faute de déclinaisons réellement opérationnelles. Ainsi, les réformes des activités de soins critiques et de soins non programmés, pourtant identifiées comme prioritaires et engagées il y a plus de dix-huit mois, semblent aujourd'hui à l'arrêt.
La commission déplore un véritable manque de priorisation des chantiers et de méthodologie, source d'incertitudes pour les établissements. Elle appelle à la mise en oeuvre d'un véritable pilotage de la réforme pour accompagner les établissements de santé qui doivent agir dans un contexte financier critique. Malgré la reprise constatée de l'activité, le déficit des établissements publics atteindrait ainsi 3 milliards d'euros sur l'année écoulée. De ce fait, selon la direction générale de l'offre de soins (DGOS), en 2024, 66 % des établissements publics de santé devraient être en déficit, contre 56 % en 2023.
En conséquence, la commission formule les propositions suivantes :
Proposition n° 1 : Adopter un calendrier réaliste de la mise en oeuvre de la réforme, prioriser les chantiers et accompagner les acteurs dans leur appropriation des nouveaux modes de financement.
Proposition n° 2 : Réaliser les études d'impact et les simulations qui n'ont jusqu'alors pas été faites, ou du moins transmises aux acteurs hospitaliers, afin de leur permettre d'anticiper au mieux les effets de la réforme selon les paramètres choisis.
Proposition n° 3 : Prévoir d'ores et déjà les modalités d'évaluation et de révision des paramètres de la réforme, afin d'assurer de la visibilité aux établissements de santé.
B. AT-MP (MARIE-PIERRE RICHER) : L'IMPACT DES MODALITÉS DE TARIFICATION DÉROGATOIRES DANS LES SECTEURS DU BÂTIMENT ET DU MÉDICO-SOCIAL
Dans une logique d'incitation à la prévention, les cotisations AT-MP à la charge de l'employeur dépendent, pour les entreprises de plus de 20 salariés, de la sinistralité de chaque établissement.
1. L'application d'un taux collectif systématique dans le secteur médico-social agit comme un frein à la prévention
Par dérogation au droit commun, le secteur du médico-social se voit appliquer un taux collectif systématique pour le calcul des cotisations AT-MP. Aussi, tous les acteurs du secteur - de la petite enfance aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) - se voient appliquer un taux de cotisation de 3,75 % (3,35 % en 2015), quelle que soit leur taille.
Cette dérogation provoque d'importantes distorsions : les petites structures et celles des secteurs du handicap et de l'enfance surcontribuent à hauteur de 400 millions d'euros, au profit des Ehpad qui relèveraient, en droit commun, d'une tarification mixte ou individuelle. Cette mesure constitue également un frein au déploiement d'une culture de prévention dans un secteur touché par une sinistralité remarquable, notamment chez les femmes, parce qu'elle ne responsabilise pas assez les établissements et que ceux-ci ne disposent pas des moyens d'investir sans y être incités.
La rapporteure estime donc nécessaire de faire progressivement converger le modèle de tarification du secteur médico-social vers celui de droit commun, en attribuant dans un premier temps un taux collectif à chaque code-risque, et en individualisant ensuite graduellement le taux de cotisation des plus grandes structures. Compte tenu de la situation financière du secteur, cette évolution ne saurait être trop brutale, et doit être associée à la mise en oeuvre de mesures d'accompagnement (lissage) et d'une intensification préalable de l'effort de prévention.
En ce sens, la rapporteure recommande de mieux communiquer sur le Fonds d'investissement pour l'usure professionnelle (Fipu) pour les acteurs privés et de prendre les mesures nécessaires à la création d'un fonds similaire pour les employeurs publics, prévue par la dernière réforme des retraites. Elle encourage également l'institution d'un organisme professionnel de prévention (OPP), à l'image de celui créé dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP).
2. Dans le BTP, agir contre le transfert de risques et inciter à la prévention des sinistres lourds
Les dérogations au droit commun prévues pour la tarification AT-MP dans le BTP n'entravent pas l'intensification de l'effort de prévention : grâce, notamment, à l'action de l'OPP BTP, la sinistralité du secteur connaît une baisse tendancielle. Toutefois, les dérogations accordées au secteur conduisent à pénaliser de la même manière les employeurs pour des sinistres de gravité différente. Un accident ayant causé une incapacité permanente de 10 % est ainsi comptabilisé de la même manière qu'un accident mortel, pour le calcul des cotisations. Afin de prévenir la survenue des sinistres les plus graves et sans effacer les spécificités de la sinistralité dans le BTP, la rapporteure souhaite que soient engagées des concertations en vue de créer un nouveau palier pour la tarification des AT-MP ayant entraîné une incapacité permanente.
Par ailleurs, les délégations de tâches, de plus en plus fréquentes, ont pour effet secondaire de transférer le risque AT-MP de l'entreprise donneuse d'ordre vers des sous-traitants ou des entreprises d'intérim. Si la responsabilité des sinistres doit bien sûr incomber pour partie au sous-traitant ou à l'entreprise d'intérim, il ne faut pas, pour autant, que le donneur d'ordres soit exonéré de toute responsabilité. La rapporteure estimerait opportun que les partenaires sociaux s'inspirent des évolutions prévues dans le secteur de l'intérim, afin de mettre en oeuvre un partage du coût des sinistres professionnels en cas de sous-traitance.
En conséquence, la commission formule les propositions suivantes :
Proposition n° 4 : Prévoir, dans le secteur médico-social, un taux collectif applicable à chaque code-risque à horizon 2028.
Proposition n° 5 : S'acheminer progressivement vers la tarification de droit commun dans le secteur médico-social, après une période transitoire d'application d'un taux mixte pour les entreprises de plus de 150 salariés, en s'assurant que cette évolution soit suffisamment progressive pour ne pas être source de difficultés financières pour les établissements marqués par une sinistralité particulière.
Proposition n° 6 : Mettre en oeuvre une campagne de communication sur le Fipu auprès des employeurs des secteurs les plus sinistrogènes (medico-social, BTP, intérim, etc.).
Proposition n° 7 : Prendre les textes d'application nécessaires à la création du fonds pour la prévention de l'usure professionnelle visant à accompagner les établissements publics de santé et médico-sociaux dans leur investissement en faveur de la prévention.
Proposition n° 8 : Favoriser et accélérer le déploiement d'un OPP du secteur médico-social, en associant les acteurs publics et privés du secteur.
Proposition n° 9 : Engager des concertations en vue de créer un nouveau palier pour la tarification des AT-MP ayant provoqué une incapacité permanente dans le secteur du BTP.
Proposition n° 10 : Engager des concertations pour mettre en oeuvre un partage du coût des sinistres professionnels entre le donneur d'ordres et le sous-traitant.
C. VIEILLESSE (PASCALE GRUNY) : LES INÉGALITÉS DE PENSION ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES RETRAITÉS
1. Malgré un rattrapage progressif, les femmes perçoivent des pensions plus faibles que les hommes
En 2021, le montant de la pension de droit direct perçu par les femmes était inférieur de 37 % à celui des hommes. Cet écart se réduit toutefois en raison de l'insertion croissante des femmes sur le marché du travail, et de la hausse de leur niveau de diplôme et de rémunération : il était de 40 % en 2020 et de 54 % pour la génération née en 1930. Si le principe d'égalité entre les femmes et les hommes justifie que le législateur s'attache à réduire autant que possible cet écart, le niveau des pensions de retraite dépend avant tout du revenu d'activité et de la durée d'assurance validée.
Pour autant, l'étude du taux d'activité entre 25 et 49 ans, qui correspond à la période d'éducation des enfants, révèle que les carrières des femmes en pâtissent plus que les hommes, dont le taux d'activité reste supérieur à 90 %, et ce indépendamment du nombre d'enfant, contre 50,5 % des mères de trois enfants ou plus. Les femmes endossent un rôle d'aidant familial qui se traduit notamment par le fait que 40 % des salariées recouraient au temps partiel en 2021. Ces différences de carrière se traduisent par une sur-représentation des femmes parmi les bénéficiaires du minimum de pension (soit 73 % des bénéficiaires du minimum contributif du régime général en 2022), ainsi que du minimum vieillesse (soit 56 % des bénéficiaires de l'Allocation de solidarité aux personnes âgées en 2021).
2. Ces inégalités peuvent être compensées par des mécanismes correcteurs qu'il convient toutefois de renforcer
Les droits familiaux visent spécifiquement à compenser l'éducation des enfants dans le calcul des pensions de retraite : ils consistent en l'attribution de trimestres de majoration de la durée d'assurance au titre de la maternité, de trimestres d'assurance vieillesse pour les parents au foyer qui sont validés au régime général pour les parents ayant cessé partiellement ou totalement leur activité, ainsi que d'une majoration de 10 % de la pension de retraite de l'un des parents d'une fratrie d'au moins trois enfants. La proportion de femmes retraitées qui bénéficient d'un droit familial est de 90 %.
Les femmes représentent 88 % des bénéficiaires de la pension de réversion, qui permet de reverser au conjoint ou à l'ex-conjoint survivant une partie de la pension de son conjoint décédé. Ces pensions de réversion réduisent sensiblement les écarts de pension entre les femmes et les hommes (soit à hauteur de 12 points en 2020).
Ces mécanismes correcteurs ne doivent pas occulter le fait que les différences de carrière entre les femmes et les hommes sont moins bien compensées dans d'autres dispositifs que sont le départ en retraite anticipée, dans la mesure où les carrières fragmentées des femmes constitue un obstacle à la condition d'avoir validé la durée légale d'assurance qui ouvre droit à ce dispositif, ainsi que le cumul emploi-retraite. Les femmes représentent ainsi 87 % des retraités en situation de cumul emploi-retraite ayant liquidé leur pension sans avoir atteint la durée d'assurance requise, et 68 % des professions intermédiaires qui perçoivent des pensions modestes.
En conséquence, la commission formule les propositions suivantes :
Proposition n° 11 : Compenser en coût constant l'incidence des pertes de trimestres et de salaires liées aux interruptions de carrière pour l'éducation des jeunes enfants. À cette fin, recourir moins à l'attribution de trimestres et davantage à la majoration de pensions, tout en préservant des droits spécifiques aux parents de plus de trois enfants.
Proposition n° 12 : Mieux prendre en compte le temps partiel dans le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue.
Proposition n° 13 : Prendre en compte les trimestres de majoration de durée d'assurance pour l'éducation des enfants dans le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue.
D. FAMILLE (OLIVIER HENNO) : LA FRAUDE AUX PRESTATIONS DE LA BRANCHE FAMILLE
Le dispositif de recouvrement des indus frauduleux de la Cnaf présente des performances contrastées, caractérisées par une progression quantitative notable (+ 25,6 % entre 2020 et 2024) mais une efficacité globale insuffisante au regard des enjeux financiers estimés à 4,2 milliards d'euros d'indus totaux en 2023. La notion d'indu frauduleux nécessite l'établissement de trois éléments cumulatifs : violation légale ou réglementaire, obtention de prestation indue, et intentionnalité démontrée par un faisceau d'indices concordants.
Les montants recouvrés ont progressé substantiellement, passant de 250 millions d'euros en 2020 à 314 millions d'euros en 2024, soit une augmentation de 25,6 %. Cette évolution s'inscrit dans les objectifs de la convention d'objectifs et de gestion 2023-2027, visant un taux de recouvrement de 80 % à 24 mois d'ici 2027.
Cependant, l'ampleur des enjeux financiers demeure préoccupante : sur 4,2 milliards d'euros d'indus estimés en 2023, seuls 400 millions d'indus frauduleux ont été détectés et 300 millions effectivement recouvrés. Certaines prestations connaissent des évolutions spectaculaires en termes d'indus frauduleux, notamment l'allocation adulte handicapé (+ 558 % entre 2020 et 2024) et la prime d'activité (+ 144 %).
La complexité procédurale se traduit par des délais de traitement étendus : 20 mois en moyenne pour les indus frauduleux contre 4,4 mois pour les indus non frauduleux. Les montants unitaires élevés (7 981 euros contre 542 euros) amplifient les difficultés de recouvrement, avec seulement 34,1 % de recouvrement dans l'année d'implantation.
Les disparités territoriales persistent, avec des écarts de performance allant de 50,7 % à 94,6 % entre caisses, révélant des marges d'amélioration dans l'homogénéisation des pratiques.
En conséquence, la commission formule les propositions suivantes :
Proposition n° 14 : Renforcer l'harmonisation des pratiques territoriales en matière d'indus frauduleux au sein de la branche famille et la professionnalisation des acteurs.
Proposition n° 15 : Accélérer la modernisation informatique.
Proposition n° 16 : Réviser les seuils économiques applicables à la mise en recouvrement et à l'admission en non-valeur.
Proposition n° 17 : Étudier la possibilité d'étendre la solidarité à la source à de nouvelles prestations.
E. AUTONOMIE (CHANTAL DESEYNE) : LE RECOURS À L'ALLOCATION JOURNALIÈRE DU PROCHE AIDANT (AJPA)
1. L'AJPA : une allocation mise en place pour renforcer l'effectivité du congé de proche aidant
La France compte 9,3 millions d'aidants, dont le rôle est croissant en raison du vieillissement de la population et des difficultés d'accès aux soins. Pour permettre aux aidants de mieux concilier leur vie professionnelle avec leur vie personnelle, en 2017, le législateur a créé le congé de proche aidant (CPA). Il permet à tout salarié ou agent public de suspendre son activité professionnelle pour s'occuper d'un proche en situation de perte d'autonomie, pour une durée de trois mois renouvelables dans la limite d'un an sur l'ensemble de la carrière professionnelle.
Si la création du CPA représentait une avancée pour les proches aidants, l'absence d'indemnisation est rapidement apparue comme un obstacle à son recours, ce qui a motivé le législateur à créer, en 2020, l'allocation journalière du proche aidant (AJPA). Son montant s'élève à 65,80 euros par jour. Elle peut être versée, sur l'ensemble de la carrière professionnelle, dans la limite de 66 jours par proche et pour un maximum de quatre proches.
Dans les années qui ont suivi sa création, les conditions de recours à l'AJPA ont été assouplies : les critères d'éligibilité relatifs à la perte d'autonomie de la personne aidée ont été élargis, le montant de l'allocation a été rehaussé au niveau du Smic journalier net et un droit rechargeable (jusqu'à trois renouvellements possibles) a été mis en place.
2. Un taux de recours très faible : simplifier les démarches et mieux cibler la communication
Au 1er novembre 2024, près de 19 800 droits à l'AJPA ont été ouverts. Sur le plan budgétaire, en 2023, la CNSA a alloué 11 millions d'euros au financement de cette allocation. Mis en perspective du nombre d'aidants potentiellement éligibles, ces chiffres sont très faibles : selon l'évaluation préalable annexée au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, près de 270 000 salariés et 67 000 agents publics aidants pourraient prétendre à l'indemnisation du CPA. Sur cette base, le taux de recours à l'AJPA est proche de 6 %.
Ce faible taux de recours s'explique premièrement par la perte de salaire qui résulte, pour les salariés payés au-dessus du Smic, du recours au CPA et à son indemnisation. Il apparaît toutefois peu réaliste d'envisager une hausse du montant de l'AJPA, le dispositif étant déjà généreux dans un contexte budgétaire très contraint.
Deuxièmement, le recours à l'AJPA peut se révéler complexe, notamment dans le cas d'une dégradation brutale de l'état de santé de la personne aidée. L'ouverture des droits suppose en effet que la perte d'autonomie de la personne aidée ait été préalablement évaluée. Une simplification des démarches pour faciliter le recours à l'AJPA dans ces situations d'urgence apparaît souhaitable.
Troisièmement, l'attention du rapporteur a été portée sur le fait que le renouvellement des droits à l'AJPA ne s'applique que si la personne aidée est différente, une condition qui s'applique mal à la réalité du terrain. À ce titre, il serait opportun d'étudier l'opportunité d'ouvrir le rechargement des droits à l'AJPA pour une même personne aidée.
Enfin, l'AJPA est un dispositif récent, qui manque de notoriété. La stratégie de communication sur le congé de proche aidant et son indemnisation doit être mieux ciblée et associer tous les acteurs du service public départemental de l'autonomie, en cours de déploiement, ainsi que les employeurs.
En conséquence, la commission formule les propositions suivantes :
Proposition n° 18 : Simplifier le recours au CPA et à l'AJPA pour garantir leur effectivité.
Proposition n° 19 : Mieux cibler la communication sur le CPA et l'AJPA en s'appuyant sur le service public départemental de l'autonomie. Renforcer l'harmonisation des pratiques territoriales et la professionnalisation des acteurs.
Réunie le mercredi 18 juin 2025 sous la présidence de Philippe Mouiller, la commission des affaires sociales a décidé de proposer au Sénat de rejeter le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale de l'année 2024.
LISTE DES PROPOSITIONS
La réforme du financement des
établissements de santé
pour le champ des
activités de médecine, chirurgie et obstétrique
(MCO)
(Corinne Imbert)
Proposition n° 1 : Adopter un calendrier réaliste de la mise en oeuvre de la réforme, prioriser les chantiers et accompagner les acteurs dans leur appropriation des nouveaux modes de financement.
Proposition n° 2 : Réaliser les études d'impact et les simulations qui n'ont jusqu'alors pas été faites ou du moins transmises aux acteurs hospitaliers afin de leur permettre d'anticiper au mieux les effets de la réforme selon les paramètres choisis.
Proposition n° 3 : Prévoir d'ores et déjà les modalités d'évaluation et de révision des paramètres de la réforme afin d'assurer de la visibilité aux établissements de santé.
Les cotisations AT-MP dérogatoires : un
frein au déploiement d'une logique de
prévention ?
(Marie-Pierre Richer)
Proposition n° 4 : Prévoir, dans le secteur médico-social, un taux collectif applicable à chaque code-risque à horizon 2028.
Proposition n° 5 : S'acheminer progressivement vers la tarification de droit commun dans le secteur médico-social, après une période transitoire d'application d'un taux mixte pour les entreprises de plus de 150 salariés, en s'assurant que cette évolution soit suffisamment progressive pour ne pas être source de difficultés financières pour les établissements marqués par une sinistralité particulière.
Proposition n° 6 : Mettre en oeuvre une campagne de communication sur le Fipu auprès des employeurs des secteurs les plus sinistrogènes (médico-social, BTP, intérim, etc.).
Proposition n° 7 : Prendre les textes d'application nécessaires à la création du fonds pour la prévention de l'usure professionnelle visant à accompagner les établissements publics de santé et médico-sociaux dans leur investissement en faveur de la prévention.
Proposition n° 8 : Favoriser et accélérer le déploiement d'un OPP du secteur médico-social, en associant les acteurs publics et privés du secteur.
Proposition n° 9 : Engager des concertations en vue de créer un nouveau palier pour la tarification des AT MP ayant provoqué une incapacité permanente dans le secteur du BTP.
Proposition n° 10 : Engager des concertations pour mettre en oeuvre un partage du coût des sinistres professionnels entre le donneur d'ordres et le sous-traitant.
Les inégalités de pension entre les
femmes et les hommes retraités
(Pascale Gruny)
Proposition n° 11 : Compenser en coût constant l'incidence des pertes de trimestres et de salaires liées aux interruptions de carrière pour l'éducation des jeunes enfants. À cette fin, recourir moins à l'attribution de trimestres et davantage à la majoration de pensions, tout en préservant des droits spécifiques aux parents de plus de trois enfants.
Proposition n° 12 : Mieux prendre en compte le temps partiel dans le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue.
Proposition n° 13 : Prendre en compte les trimestres de majoration de durée d'assurance pour l'éducation des enfants dans le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue.
Les indus frauduleux de la caisse nationale des allocations familiales (Olivier Henno)
Proposition n° 14 : Renforcer l'harmonisation des pratiques territoriales en matière d'indus frauduleux au sein de la branche famille et la professionnalisation des acteurs.
Proposition n° 15 : Accélérer la modernisation informatique.
Proposition n° 16 : Réviser les seuils économiques applicables à la mise en recouvrement et à l'admission en non-valeur.
Proposition n° 17 : Étudier la possibilité d'étendre la solidarité à la source à de nouvelles prestations.
Le recours à l'allocation
journalière du proche aidant (AJPA)
(Chantal Deseyne)
Proposition n° 18 : Simplifier le recours au CPA et à l'AJPA pour garantir leur effectivité.
Proposition n° 19 : Mieux cibler la communication sur le CPA et l'AJPA en s'appuyant sur le service public départemental de l'autonomie.
PREMIÈRE
PARTIE
UNE FIABILITÉ DES COMPTES ET UNE CONFORMITÉ
DES ANNEXES À LA LOI ORGANIQUE TOUJOURS PERFECTIBLES
(ÉLISABETH DOINEAU)
I. LE TROISIÈME PROJET DE LOI D'APPROBATION DES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
A. UN DEUXIÈME TRIMESTRE DEVANT ÊTRE CONSACRÉ, DANS LE CAS DE LA SÉCURITÉ SOCIALE, À L'APPROBATION DES COMPTES ET À L'ÉVALUATION
La loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, résultant d'une proposition de loi organique de Thomas Mesnier, alors rapporteur général de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, et s'inspirant largement sur ce point de la proposition de loi organique n° 492 (2020-2021) du 26 mars 2021 de Jean-Marie Vanlerenberghe, alors rapporteur général de la commission des affaires sociales du Sénat, a créé une nouvelle catégorie de lois de financement de la sécurité sociale : les lois d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss)1(*).
Le deuxième trimestre correspond désormais, non seulement pour l'État, mais aussi pour la sécurité sociale, à ce que l'on pourrait appeler un « trimestre de l'exécution et de l'évaluation ».
En effet, l'examen du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss) ne peut se réduire à l'examen d'un texte comptable, mais doit permettre de s'appuyer sur l'exécution de l'exercice précédent pour se projeter vers l'exercice suivant. Ainsi, le Placss comprend sept annexes destinées à informer le Parlement, avec en particulier les rapports d'évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss), qui en constituent l'annexe 1, et l'annexe 2, censée comprendre chaque année l'évaluation de l'efficacité d'un tiers des niches sociales. Par ailleurs, le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (Ralfss) de la Cour des comptes, jusqu'alors publié à l'automne, l'est désormais obligatoirement avant le 1er juin.
Le régime des Placss, et la manière dont leur examen s'insère dans une série de rendez-vous au premier semestre relatifs aux finances publiques, sont synthétisés en annexe au présent rapport.
B. UNE PARTIE DU PRÉSENT RAPPORT RÉUNISSANT DES CONTRIBUTIONS DES RAPPORTEURS DE BRANCHE
Comme pour le Placss relatif à l'exercice 2023, le présent rapport comprend des contributions des rapporteurs de branche, réunies dans une troisième partie, et synthétisant les analyses et propositions de la commission dans les domaines suivants :
- maladie (Corinne Imbert) : la réforme de la tarification hospitalière ;
- AT-MP (Marie-Pierre Richer) : l'effet des cotisations AT-MP dérogatoires sur la prévention des risques d'AT-MP ;
- vieillesse (Pascale Gruny) : la fin de carrière des femmes et leur départ à la retraite ;
- famille (Olivier Henno) : la fraude aux prestations de la branche famille ;
- autonomie (Chantal Deseyne) : le recours à l'allocation journalière du proche aidant (AJPA).
C. UN TEXTE QUI FAIT SUITE AUX EXAMENS « COMPLIQUÉS » DES DEUX PREMIERS PLACSS
1. Dans le cas du Placss 2022, un texte rejeté par chacune des deux assemblées
Le premier Placss, examiné en 2023, concernait l'exercice 2022.
Il a été rejeté par l'Assemblée nationale, puis, en raison d'erreurs dans les comptes2(*) et de non-conformité des rapports annexés à la loi organique3(*), par le Sénat.
2. Dans le cas du Placss 2023, un calendrier bouleversé par la dissolution de l'Assemblée nationale et un texte à nouveau rejeté par le Parlement
La dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin 2024 a bouleversé le calendrier des finances sociales de 2024, et en particulier les conditions d'examen du Placss.
a) Un premier dépôt le 31 mai 2024
Le Gouvernement a dû déposer une première fois le Placss 2023 le 31 mai 20244(*), conformément à l'article L.O. 111-6 du code de la sécurité sociale, qui prévoit que le Placss est déposé « avant le 1er juin ».
Le 5 juin 2024, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a supprimé ou rejeté l'ensemble des articles, rejetant de ce fait l'ensemble du projet de loi5(*).
En raison de la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin 2024, le texte n'a pu être examiné en séance publique par l'Assemblée nationale. De ce fait, il n'a pu être examiné au Sénat, que ce soit en commission ou en séance publique.
b) Un second dépôt le 19 juillet 2024
En application du principe dit de « table rase », les textes en cours d'examen à l'Assemblée nationale lors de la dissolution sont caducs.
Ainsi, le Gouvernement a déposé une seconde fois le Placss 2023, le 19 juillet 20246(*).
c) Un rejet du texte par chacune des deux chambres du Parlement
La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a une seconde fois rejeté le texte, le 25 septembre 2024.
Le 15 octobre 2024, l'Assemblée nationale a rejeté le texte, par une motion de rejet préalable du groupe La France insoumise-Nouveau front populaire.
Le 22 octobre 2024, le Sénat a, à son tour, rejeté le texte, par une motion tendant à opposer la question préalable de sa commission des affaires sociales. En effet, la Cour des comptes avait prononcé une impossibilité de certifier les comptes 2023 de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) et de la branche famille, les annexes au Placss ne respectaient encore qu'imparfaitement la loi organique7(*) et l'amélioration des comptes était en trompe-l'oeil8(*).
3. Le rejet du présent Placss par l'Assemblée nationale en première lecture
Le 28 mai 2025, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a supprimé la totalité des articles du présent Placss, rejetant ainsi le texte.
Le 10 juin 2025, l'Assemblée nationale a adopté une motion de rejet préalable du groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire.
II. UN TEXTE TOUJOURS IMPARFAITEMENT CONFORME AUX OBLIGATIONS ORGANIQUES
A. LE MAINTIEN D'UNE IMPOSSIBILITÉ DE CERTIFIER LES COMPTES DE LA BRANCHE FAMILLE ET DE LA CNAF
Comme il y a un an, la Cour des comptes s'est déclarée dans l'impossibilité de certifier les comptes de la branche famille et de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), en raison notamment du maintien d'un montant élevé de prestations erronées.
1. Pour les deux premiers Placss, un refus puis une impossibilité de certifier les comptes de la branche famille
a) Le refus de certifier les comptes de l'exercice 2022
Pour mémoire, la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes 2022 de la branche famille et de la Cnaf.
Ce refus de certification provenait notamment de la forte augmentation de la proportion de paiements erronés depuis les comptes 2018. En effet, les comptes sont établis sur la base non des encaissements et des décaissements (qui peuvent ne pas correspondre aux sommes réellement dues), mais des dettes et des créances effectives, ce dont il résulte qu'un paiement erroné entraîne une fausseté des comptes. Cela explique que la Cour des comptes s'intéresse dans le cadre de la certification des comptes à ce qui pourrait a priori sembler relever de considérations de bonne gestion ou d'efficacité.
Par exemple, dans le cas de l'indicateur dit de « risque financier résiduel » à 24 mois9(*), les erreurs à la hausse ou à la baisse étaient dans le cas des comptes 2022 de 7,1 % du montant total des prestations (soit 5,8 milliards d'euros), contre 4,2 % (soit 2,9 milliards d'euros) dans le cas des comptes 2018.
b) L'impossibilité de certifier les comptes de l'exercice 2023
Pour ce qui concerne l'exercice 2023, la Cour des comptes a émis une « simple » impossibilité de certifier.
Une impossibilité de certifier se distingue d'un refus de certification en ceci qu'elle ne correspond pas à l'affirmation, par le certificateur, de l'inexactitude des comptes. Il s'agissait donc d'un « progrès », certes très relatif, par rapport aux comptes 2022 de la branche famille et de la Cnaf, que la Cour avait refusé de certifier.
Le passage pour les comptes 2023 d'un refus de certifier à une « simple » impossibilité de certifier s'expliquait par les efforts engagés et la légère amélioration constatée, avec pour cet indicateur à 24 mois des erreurs de 6,9 % du montant total des prestations (soit 5,5 milliards d'euros).
Toutefois, dans le cas de l'indicateur à 24 mois la diminution des paiements erronés demeurait très insuffisante, du fait de la forte dégradation constatée les années précédentes.
2. Une nouvelle impossibilité de certifier les comptes de l'année 2024
Pour l'exercice 2024, la Cour des comptes s'est à nouveau déclarée dans l'impossibilité de certifier les comptes de la Cnaf et de la branche famille.
En effet, la Cour considère que « bien que les actions engagées en 2023 se soient poursuivies et qu'une expérimentation au titre de la solidarité à la source ait été conduite dans cinq CAF en 2024, les indicateurs disponibles et les informations communiquées par la Cnaf au titre de 2024 ne permettent pas à la Cour de certifier les comptes de la branche ».
En particulier, le plan d'action dit « qualité transverse » (PAQT) n'est pas parvenu à empêcher une nouvelle dégradation de la situation.
Le plan d'action qualité transverse (PAQT)
« La mobilisation de la branche s'est traduite par un plan d'action partagé par l'ordonnateur et le directeur comptable et financier dit « qualité transverse » (PAQT). Le plan comporte deux phases : 2023-2025, pour des actions à court terme destinées à redresser rapidement la qualité, et 2025-2027, avec des actions structurelles complémentaires, comme celles liées à la « solidarité à la source ». Le taux de mise en oeuvre du plan est de 74 % à fin 2024. Pour autant, les premiers résultats ne permettent pas de constater de réelles avancées en termes d'amélioration des indicateurs de qualité de la liquidation et en termes de diminution significative des erreurs avec portée financière de versement des prestations. »
Source : Cour des comptes, Certification des comptes du régime général de sécurité sociale, exercice 2024, mai 2025
3. Une situation préoccupante
a) Des versements erronés qui repartent à la hausse selon tous les indicateurs
La position de la Cour se justifie notamment par le fait qu'après une légère amélioration de l'indicateur à 24 mois en 2023 (l'indicateur à 9 mois continuant de se dégrader), ce sont désormais les deux indicateurs, à 24 mois et à 9 mois, qui se dégradent.
Branche famille
Incidence financière des
erreurs résiduelles « données
déclarées » à 9 et 24 mois
NB : dans le cas de l'indicateur à 24 mois, les prestations concernées sont celles de l'année antérieure.
Source : D'après les rapports de certification des comptes 2017, 2020, 2023 et 2024
Selon le rapport d'évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss) relatif à la branche « Famille » annexé au Placss 2024, le taux d'erreur à 24 mois de 8 % constaté en 2024 (portant sur les prestations versées en 2023) se répartit entre 6,5 points d'indus (c'est-à-dire de sommes payées à tort par la Cnaf) et 1,4 point de rappels (c'est-à-dire de sommes dues mais non payées par la Cnaf).
Dans le cas de l'indicateur à 9 mois, les erreurs résiduelles de 11,7 % en 2023 se répartissent entre 8,6 points pour les indus et 3,1 points pour les rappels10(*).
b) Une dégradation préoccupante de la qualité des comptes de la sécurité sociale depuis 2020
Le refus (2022) puis l'impossibilité (2023 et 2024) de certifier les comptes de la branche famille et de la Cnaf participent de la dégradation de la qualité des comptes de la sécurité sociale depuis l'exercice 2020, comme le montre le tableau ci-après.
Refus et impossibilités de la Cour des
comptes de certifier
les différents comptes de la
sécurité sociale
Une case verte indique une certification des comptes (avec ou sans réserve).
AT-MP : accidents du travail-maladies professionnelles. Cnam : caisse nationale de l'assurance maladie. Cnaf : caisse nationale des allocations familiales. Cnav : caisse nationale d'assurance vieillesse. Acoss : agence centrale des organismes de sécurité sociale (devenue Urssaf Caisse nationale).
Source : D'après la Cour des comptes
Le refus de la Cour des comptes de certifier les
comptes 2021
de la branche recouvrement
Dans le cas de l'exercice 2021, le refus de la Cour des comptes de certifier les comptes de la branche recouvrement venait du fait qu'en raison du principe des droits constatés11(*), un produit de 5 milliards d'euros, résultant de la régularisation de cotisations dues par les travailleurs indépendants, aurait dû être imputé sur 2020 (et non sur 2021).
Un amendement de la commission des affaires sociales du Sénat à la première partie du PLFSS 2023, maintenu dans le texte promulgué, a corrigé cette erreur. Toutefois, les caisses ont refusé de modifier leurs comptes en conséquence, et dans les LFSS suivantes le Gouvernement n'a tenu aucun compte de cette correction ; leurs données rétrospectives sont donc erronées.
Si la fréquence élevée des refus et impossibilités de certification de 2006 à 2012 pouvait dans une certaine mesure sembler « normale », du fait de la nouveauté du processus de certification, la dégradation observée depuis les comptes 2020 est préoccupante.
Il importe donc que la sécurité sociale - en particulier la Cnaf - et le Gouvernement poursuivent leurs efforts, afin que la qualité des comptes figurant dans le Placss, de même que l'exactitude des versements de la branche famille, redeviennent conformes à ce que le Parlement et les citoyens sont en droit d'attendre.
B. DES ANNEXES TOUJOURS IMPARFAITEMENT CONFORMES AUX OBLIGATIONS ORGANIQUES
1. L'obligation organique d'évaluer chaque année un tiers des niches sociales n'est toujours pas respectée
L'article L.O. 111-4-4 du code de la sécurité sociale prévoit que l'annexe au Placss relative aux mesures d'exonérations de cotisations et contributions comprend une « évaluation de l'efficacité » des mesures de réduction ou d'exonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale (pour un tiers des mesures, chacune devant faire l'objet d'une évaluation une fois tous les trois ans).
Article L.O. 111-4-4 du code de la sécurité sociale (extrait)
« Sont jointes au projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale des annexes :
[...]
3° Énumérant l'ensemble des mesures de réduction ou d'exonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement et de réduction de l'assiette ou d'abattement sur l'assiette de ces cotisations et contributions, en vigueur au 31 décembre du dernier exercice clos. [...] Cette annexe présente l'évaluation de l'efficacité de ces mesures au regard des objectifs poursuivis, pour au moins le tiers d'entre elles. Chaque mesure doit faire l'objet d'une évaluation une fois tous les trois ans ;
[...] »
a) Une disposition pas du tout respectée lors du Placss 2022
Lors de l'examen du Placss 2022, si l'annexe relative aux niches sociales (l'annexe 2) a été enrichie, notamment de bibliographies des travaux d'évaluation existants, elle ne comprenait toujours pas de présentation de ceux-ci.
Pourtant, cette disposition organique datait du 14 mars 2022, ce qui laissait suffisamment de temps avant le dépôt du Placss 2022, le 24 mai 2023.
Les inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (Igas) ont été missionnées par le Gouvernement pour faire un rapport méthodologique. La lettre de mission des trois ministres12(*) à l'IGF et à l'Igas a été tardive (27 septembre 2022). Par ailleurs, l'échéance de décembre 2022 fixé par la lettre de mission pour la remise du rapport n'a pas été tenue (le rapport datant de mars 2023).
Ce rapport méthodologique a été rendu public et accessible sur internet13(*). Ses principales propositions consistent schématiquement :
- à arrêter une liste de niches devant faire l'objet d'une évaluation approfondie (les autres faisant l'objet d'une évaluation plus sommaire) ;
- à faire réaliser autant que possible ces évaluations approfondies par des organismes indépendants, comme France stratégie.
Par ailleurs, contrairement à ce que proposait ce rapport, l'annexe 2 au Placss 2022 ne comprenait pas de liste des niches devant faire l'objet d'une évaluation approfondie et n'indiquait pas de programme d'évaluation. Elle indiquait toutefois que « le Gouvernement entend[ait] [...] installer rapidement une gouvernance permettant de mettre en oeuvre les préconisations de la mission, et associant des parlementaires à l'ordonnancement et à la répartition de ces travaux » - promesse qui, malgré la réponse favorable de chacune des deux commissions des affaires sociales14(*), n'a pas été tenue.
b) Une disposition imparfaitement respectée par les Placss 2023 et 2024
Malgré d'indéniables progrès, la loi organique est encore imparfaitement respectée.
(1) Une solution pertinente de renvoi aux évaluations existantes
Comme pour le Placss 2023, la solution retenue par le Placss 2024 consiste à enrichir l'annexe relative aux niches sociale - l'annexe 2 :
- d'un « tome 3 », qui, bien qu'intitulé « Évaluation », comprend seulement cinq pages se bornant à recenser les principales évaluations réalisées ou en cours ;
- de présentations succinctes des principales évaluations existantes dans les fiches relatives aux différentes mesures.
Cette approche semble pertinente en son principe. Elle devrait en effet progressivement permettre d'enrichir l'annexe d'informations sur l'efficacité des niches, le lecteur pouvant se référer aux sources indiquées pour davantage de précisions.
(2) L'obligation d'évaluation annuelle d'un tiers des niches n'est pas respectée, même en se limitant aux niches devant faire l'objet d'une « évaluation approfondie »
Même si on se limite aux 82 niches devant faire l'objet d'une « évaluation approfondie » selon le rapport précité de l'Igas et de l'IGF (2023), la loi organique est toujours loin d'être respectée, comme le montre le graphique ci-après.
Évaluation des 82 niches sociales devant
faire l'objet
d'une « évaluation
approfondie »
NB : conformément au tableau récapitulatif des annexes 2 des Placss, les montants et nombres sont comptabilisés en « stock » (il ne s'agit pas des évaluations réalisés l'année concernée). Afin de permettre la comparaison entre les Placss 2023 et 2024, par convention les montants sont calculés sur la base du montant des niches en 2021, tel qu'il figure dans le rapport Igas-IGF de mars 2023. Les chiffres relatifs au Placss 2023 lors de son dépôt sont ceux indiqués par l'annexe 2 au Placss, corrigés pour prendre en compte le fait que la commission ne disposait pas du « rapport Bozio-Wasmer », qui n'avait pas été publié et ne lui avait pas été transmis. Les chiffres relatifs au Placss 2023 lors de son examen en octobre, après la publication du « rapport Bozio-Wasmer », sont ceux indiqués par l'annexe 2 au Placss.
Source : Commission des affaires sociales, d'après les annexes 2 aux Placss 2023 et 2024
(a) Lors du dépôt du Placss 2023, la commission disposait de 16 évaluations, correspondant à 13 % du nombre de niches et 20 % du coût total des niches
Dans son rapport sur le Placss 2022, la rapporteure générale écrivait que « le premier tiers de mesures devra[it] être évalué dans le prochain Placss ».
L'annexe du Placss 2023 relative aux niches reprenait les indications du rapport de l'Igas et de l'IGF selon lesquelles il existait 142 niches sociales. Parmi ces 142 niches, le rapport de l'Igas et de l'IGF considère que 120 doivent être évaluées : 82 doivent faire l'objet d'une évaluation approfondie, 38 doivent faire l'objet d'une évaluation allégée et 22 ne nécessiteraient pas d'évaluation.
Selon l'annexe du Placss 2023 relative aux niches, aucune des 38 évaluations allégées n'avait encore été réalisée. Elle soulignait l'insuffisance des données disponibles et, s'agissant du PLFSS pour 2025, s'engageait seulement à évaluer les niches relatives à l'apprentissage et au dispositif dit « Lodéom »15(*),16(*).
Dans le cas des 82 mesures devant faire l'objet d'une évaluation approfondie, l'annexe mentionnait 19 évaluations réalisées (correspondant à 92 % du montant total des niches) et 3 évaluations en cours.
Toutefois, les trois niches au montant le plus important censées avoir été évaluées étaient celles correspondant aux allégements généraux de cotisations patronales, dans le cadre de la mission « Bozio-Wasmer » mise en place par Élisabeth Borne, alors Première ministre.
Lors du dépôt du Placss, seul un rapport d'étape17(*) (sans préconisations) avait été publié, en avril 2024. En conséquence, la commission ne disposait alors que de 16 véritables évaluations, correspondant à environ 20 % du nombre de niches devant faire l'objet d'une analyse approfondie et 28 % du montant total de ces niches (soit 22 milliards d'euros).
(b) Une forte amélioration en montant en octobre 2024 avec la publication du « rapport Bozio-Wasmer »
La publication du « rapport Bozio-Wasmer » définitif18(*), prévue avant la dissolution pour fin juin 2024, a finalement eu lieu le 3 octobre 2024.
Ainsi, lors de son examen du Placss 2023, la commission disposait de 19 évaluations, correspondant à environ 23 % du nombre de niches devant faire l'objet d'une évaluation approfondie et 92 % du montant total de ces niches (soit 72 milliards d'euros).
(c) Dans le cas du Placss 2024, la réalisation de seulement 9 évaluations approfondies supplémentaires
Selon l'annexe 2 au Placss 2024, depuis le précédent Placss, 9 dispositifs supplémentaires ont fait l'objet d'une évaluation approfondie :
- deux dispositifs concernant l'apprentissage, en fait déjà évalués lors du dépôt du Placss 2023, par un rapport Igas-IGF sur l'apprentissage19(*) ;
- le dispositif Lodéom par la récente mission Igas-IGF, dont le rapport, bien que daté de novembre 2024, a été publié en mai 202520(*) ;
- les six dispositifs relatifs à la sécurité sociale des artistes-auteurs, qui ont fait l'objet d'un chapitre du Ralfss de mai 202521(*).
(3) Des évaluations « allégées » sous la forme du renseignement des fiches relatives aux mesures dans l'annexe 2
Le rapport Igas-IGF de mars 2023 préconise que les 38 niches ne devant pas faire l'objet d'une évaluation approfondies fassent l'objet d'une évaluation « allégée », pouvant être réalisée par l'administration elle-même.
Ces évaluations allégées prennent la forme du renseignement, dans les fiches relatives aux mesures de l'annexe 2, de diverses informations, conformément à un cahier des charges de la DSS.
En effet, les niches concernées s'élèvent à moins de 0,5 milliard d'euros.
c) Un respect imparfait de la loi organique à relativiser
L'évaluation des niches sociales ne respecte donc pas la lettre de la loi organique.
Si on admet l'interprétation selon laquelle la règle d'évaluation annuelle d'un tiers des niches ne s'applique qu'aux 82 niches devant faire l'objet d'une « évaluation approfondie » selon le rapport Igas-IGF de mars 2023, cela correspond à un objectif de plus de 27 niches par an.
Or, on a à peine dépassé ce nombre (avec 28 niches) en cumulant la totalité des évaluations sur deux ans, comme le montre le graphique ci-après.
Répartition temporelle des 28 évaluations approfondies réalisées
(en nombre et en milliards d'euros)
NB : afin de permettre la comparaison entre les Placss 2023 et 2024, par convention les montants sont calculés sur la base du montant des niches en 2021, tel qu'il figure dans le rapport Igas-IGF de mars 2023. Les chiffres relatifs au Placss 2023 lors de son dépôt sont ceux indiqués par l'annexe 2 au Placss, corrigés pour prendre en compte le fait que la commission ne disposait pas du « rapport Bozio-Wasmer », qui n'avait pas été publié et ne lui avait pas été transmis. Le « rapport Bozio-Wasmer » correspond aux bâtons orange.
Source : Commission des affaires sociales, d'après les annexes 2 aux Placss 2023 et 2024
Toutefois il ne faut pas perdre de vue qu'en montant, sur le périmètre des niches devant faire l'objet d'une évaluation approfondie, les niches ayant fait l'objet d'une telle évaluation correspondent à un montant global de 74,7 milliards d'euros (sur un total de niches devant faire l'objet d'une évaluation approfondie de 77,8 milliards d'euros).
2. L'obligation organique de fournir dans les Repss des indicateurs relatifs à l'exercice concerné est toujours imparfaitement respectée
L'article L.O. 111-4-4 du code de la sécurité sociale prévoit que les rapports d'évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss) « s'appuient sur un diagnostic de situation fondé notamment sur [...] l'exposé des résultats atteints lors des trois dernières années ».
Les Repss ont désormais pour objet d'alimenter, chaque printemps, un débat relatif à l'efficacité et à l'efficience des dépenses de sécurité sociale. Il importe donc qu'ils soient à jour.
Or, tel n'est toujours pas le cas. Si l'on excepte ceux relatifs à l'exécution financière, en moyenne22(*) la dernière année couverte par le Placss était, dans le cas du Placss 2022, l'année 2020. Ce retard de deux ans par rapport à l'objectif fixé par la loi organique a été ramené à un an dans le cas du Placss 2023, et on n'observe pas de progrès dans le cas du Placss 2024.
Le tableau ci-après répartit les indicateurs des trois principales branches en fonction de la dernière année renseignée, dans le cas des Placss 2022, 2023 et 2024.
Répartition des indicateurs en fonction de la dernière année renseignée
(en %)
Famille |
Maladie |
Vieillesse |
|||||||
Placss 2022 |
Placss 2023 |
Placss 2024 |
Placss 2022 |
Placss 2023 |
Placss 2024 |
Placss 2022 |
Placss 2023 |
Placss 2024 |
|
<n-3 ou non disponible |
0,0 |
3,8 |
3,6 |
9,2 |
8,2 |
5,1 |
14,7 |
5,4 |
21,1 |
n-3 |
20,0 |
3,8 |
3,6 |
20,2 |
4,5 |
5,1 |
8,8 |
10,8 |
2,6 |
n-2 |
40,0 |
15,4 |
25,0 |
13,8 |
10,0 |
12,8 |
14,7 |
18,9 |
23,7 |
n-1 |
31,4 |
50,0 |
42,9 |
44,0 |
39,1 |
36,8 |
35,3 |
24,3 |
21,1 |
n |
8,6 |
26,9 |
25,0 |
12,8 |
36,4 |
37,6 |
26,5 |
35,1 |
31,6 |
n+1 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
1,8 |
2,6 |
0,0 |
5,4 |
0,0 |
Total |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
L'année prise en compte par l'indicateur n'étant pas toujours explicitement indiquée, ce tableau doit être considéré comme indiquant des ordres de grandeur.
Année n : année 2022 dans le cas du Placss 2022, 2023 dans le cas du Placss 2023, 2024 dans le cas du Placss 2024.
Les graphiques synthétisent les chiffres des colonnes.
Lecture : dans le cas du Repss « famille », la proportion d'indicateurs dont la dernière année est l'année n-1 (soit celle précédant l'exercice couvert par le Placss) est passée de 31,4 % dans le cas du Placss 2022 à 42,9 % dans le cas du Placss 2023.
Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les rapports d'évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss) annexés aux Placss 2022 et 2023
Dans le cas du Placss 2022, l'année n-2 (soit deux ans avant l'exercice couvert par le Placss) correspondait à celle où s'arrêtaient le plus grand nombre d'indicateurs. L'année n-2 correspondait également à la moyenne de la dernière année couverte par les indicateurs. Autrement dit, les Placss avaient 2 ans de retard par rapport à l'obligation organique de renseigner les indicateurs pour l'exercice concerné par le Placss.
Pour ce qui concerne les Placss 2023 et 2024, le plus grand nombre d'indicateurs s'arrêtent l'année n-1 (soit l'année avant l'exercice couvert par le Placss), qui correspond également à la moyenne de la dernière année couverte par les indicateurs. Les Placss ont donc désormais un an de retard par rapport à l'obligation organique de renseigner les indicateurs pour l'exercice concerné par le Placss.
Ainsi, après la forte amélioration du Placss 2023, la situation stagne avec le Placss 2024.
En particulier, certains indicateurs sont anciens :
- dans le cas de la branche « Famille », la dernière année renseignée pour le taux de non-recours moyen au revenu de solidarité active (RSA) est 2018 ;
- dans le cas de la branche « Maladie », la dernière année renseignée pour certains indicateurs est 201723(*).
C. DES DÉLAIS À ANTICIPER
Le tableau ci-après synthétise les principales échéances en matière de finances sociales au premier semestre.
Les principales échéances en matière de finances sociales au premier semestre
2022 (exercice 2021) |
2023 (exercice 2022) |
2024 (exercice 2023) |
2025 (exercice 2024) |
|
Annexes provisoires aux comptes |
31-mars |
31-mars |
entre le 8 et le 22 mars |
entre le 8 et le 22 mars |
Annexes définitives aux
comptes |
15-avr |
15-avr |
05-avr |
05-avr |
Production des comptes |
15-avr |
15-avr |
15-avr |
15-avr |
Publication par la Cour du rapport de certification des
comptes |
24-mai |
16-mai |
17-mai |
16-mai |
Réunion de la CCSS |
12-juil |
25-mai |
30-mai |
3-juin |
Avis du comité d'alerte |
30-mai |
07-juin |
26-juil |
* |
Dépôt du Placss |
- |
24-mai |
31-mai |
23-mai |
Discussion du Placss en séance (AN) |
- |
06-juin |
15-oct |
10-juin |
AN : Assemblée nationale. CCSS : commission des comptes de la sécurité sociale. CJF : code des juridictions financières. CSS : code de la sécurité sociale. Placss : projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale.
* Non publié lors de l'examen du présent rapport.
Source : Commission des affaires sociales du Sénat
1. Anticiper la production des comptes et la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale
Afin notamment de faciliter la certification des comptes de la sécurité sociale et l'élaboration de l'avis (publié dans le Ralfss) sur le tableau d'équilibre et sur le tableau patrimonial, la Cour des comptes recommandait, dans le Ralfss de mai 2023, d'avancer de 15 jours (soit au 31 mars) la date de production des comptes et de réunir la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) la première quinzaine de mai. Dans le Ralfss de mai 2024, elle ne demande plus que d'avancer de 10 jours (soit au 5 avril) la date de production des comptes (sans plus mentionner d'anticipation de la CCSS la première quinzaine de mai)24(*), « en cohérence avec le nouveau délai de production des annexes aux comptes »25(*). Cette échéance du 5 avril a été maintenue dans le Ralfss de mai 202426(*).
Jusqu'à l'instauration des Placss, la CCSS se réunissait en juin sur les comptes du régime général, puis à l'automne sur ceux de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss), les comptes arrêtés lors de cette seconde réunion servant de base à la première partie (sur l'exercice antérieur) du PLFSS adopté juste après par le conseil des ministres. Dans le cas des Placss sur 2022 et 2023, la CCSS a anticipé au 25 mai et au 30 mai sa réunion, qui portait par ailleurs sur l'ensemble des Robss. Dans le cas du Placss sur 2024, la CSS s'est en revanche réunie le 3 juin.
Il convient que la Cour des comptes et la DSS poursuivent leurs discussions afin de trouver le bon équilibre.
Par ailleurs, l'anticipation à la première quinzaine de mai de la réunion de la CCSS rendrait possible le respect de l'échéance du 1er juin fixée pour le deuxième avis obligatoire du comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie (cf. ci-après).
2. Respecter en conséquence l'échéance du 1er juin (fixée par la loi) pour la publication de l'avis du comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie
Le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie est censé rendre au plus tard le 1er juin son deuxième avis27(*), sur le respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour l'exercice en cours.
Ce délai du 1er juin correspond, à un jour près, à la date limite de dépôt du Placss28(*), et correspond en pratique à peu près à la date de réunion de la CCSS29(*). Or, à moins de vider l'exercice de son sens, il est matériellement impossible à la direction de la sécurité sociale et au secrétaire général de la CCSS, par ailleurs chargé d'organiser les travaux du comité d'alerte, dont il est membre30(*), de faire en sorte que l'avis du comité d'alerte soit publié quasiment simultanément à la réunion de la CCSS.
En 2023, l'avis, appelant à « une grande vigilance [...] pour respecter l'Ondam », a été publié avec près d'une semaine de retard31(*), le lendemain de l'examen du Placss en séance publique par l'Assemblée nationale. En 2024, l'avis n'avait toujours pas été adopté lors de la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin, qui a conduit à en reporter encore la publication, au 26 juillet32(*).
En 2025, l'avis n'a toujours pas été publié lors de l'examen du présent projet de loi par la commission, le 18 juin 2025.
La rapporteure générale rappelle que l'examen du Placss a pour objet non seulement d'approuver les comptes de l'année antérieure, mais aussi de permettre une réflexion sur les perspectives de la sécurité sociale, ce qui implique de disposer d'une information à jour sur l'année en cours.
III. DES INSUFFISANCES QUI JUSTIFIENT UN NOUVEAU REJET DU TEXTE
Le tableau ci-après synthétise les principales lacunes des différents Placss.
Principales lacunes des différents Placss
Placss : projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale. Repss : rapport d'évaluation des politiques de sécurité sociale.
* Périmètre : niches devant faire l'objet d'une « évaluation approfondie » selon le rapport Igas-IGF de mars 2023.
Source : Commission des affaires sociales
Dans le cas des Placss pour 2022 et 2023, le Sénat a adopté une motion de la commission tendant à opposer la question préalable.
En effet, ces textes présentaient d'importantes lacunes.
Dans le cas du Placss pour 2022, on pouvait constater de graves lacunes pour l'exactitude des comptes, l'actualisation de Repss (dont les indicateurs avaient en moyenne deux ans de retard par rapport à l'exercice 2022) et l'évaluation des niches (aucune évaluation n'étant mentionnée dans l'annexe 2 au Placss).
S'agissant du Placss pour 2023 :
- on observait une amélioration significative dans le cas du renseignement des Repss, dont le retard passait de deux ans à un an, et ne semblait plus pouvoir être considéré comme grave. En particulier, l'ancienneté de nombreux indicateurs s'explique par leur nature, impliquant fréquemment la réalisation d'une enquête sociale ou épidémiologique. On peut d'ailleurs souligner que les indicateurs financiers sont en quasi-totalité à jour. L'actualisation annuelle de l'ensemble des indicateurs pourrait avoir un coût disproportionné. Par ailleurs, exiger l'actualisation de la totalité des indicateurs pourrait inciter le Gouvernement à retirer de l'annexe les indicateurs les plus difficiles à actualiser ;
- si le passage d'un refus de certification à une impossibilité de certification représentait incontestablement un progrès, cette impossibilité n'en constituait pas moins toujours une grave lacune.
Pour ce qui concerne le Placss pour 2024, la lacune en matière d'évaluation des niches sociales ne semble plus pouvoir être considérée comme grave. Certes, la règle d'évaluation d'un tiers des niches (en nombre) chaque année n'est toujours pas respectée, seulement 34 % des niches ayant été évaluées en deux ans. Toutefois, dès lors que les niches ont fait l'objet d'une évaluation pour 96 % de leur montant global, il ne semble plus possible de considérer cette lacune comme grave. Par ailleurs, les capacités d'évaluation disponibles (Cour des Comptes, Parlement, France stratégie...) ne permettent pas une évaluation approfondie d'un tiers des niches chaque année.
Toutefois une lacune grave subsiste en 2024 : l'impossibilité de la Cour des comptes de certifier les comptes de la Cnaf et de la branche famille.
De ce fait et en raison des autres manquements à la lettre de la loi organique précédemment évoqués, la commission des affaires sociales a considéré qu'il n'est pas possible d'adopter ce texte.
Néanmoins, la commission prend acte du fait que la Cnaf ne reste pas inactive : ainsi, depuis le 1er mars 2025, elle a généralisé la solidarité à la source pour le RSA et la prime d'activité. Cela incite à un optimisme prudent pour l'exercice 2025.
Cette prise de position en faveur d'un rejet du présent Placss n'empêche pas la commission de soutenir la politique de réduction du déficit de la sécurité sociale menée par le Gouvernement. Ainsi, elle déplore que lors de l'examen du PLFSS pour 2025, les mesures de réduction du déficit aient été ramenées d'environ 15 milliards d'euros dans le texte initial et 18 milliards d'euros dans le texte du Sénat à 9 milliards d'euros dans le texte adopté.
DEUXIÈME
PARTIE
UNE AUGMENTATION DU DÉFICIT DE LA SÉCURITÉ
SOCIALE DE 4,5 MILLIARDS D'EUROS
PAR RAPPORT À
2023
(ÉLISABETH DOINEAU)
I. UNE EXÉCUTION PRÉOCCUPANTE POUR LA SÉCURITÉ SOCIALE AU SENS STRICT, MAIS AUSSI POUR LES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE DANS LEUR ENSEMBLE
A. UN DÉFICIT DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE ET DU FSV SUPÉRIEUR DE 4,5 MILLIARDS D'EUROS À CELUI DE 2023 ET DE 4,8 MILLIARDS D'EUROS À LA PRÉVISION
1. Une aggravation du déficit venant d'une forte augmentation des dépenses, résultant notamment de l'inflation élevée de 2023, qui a suscité une forte revalorisation de prestations
Le déficit de la sécurité sociale (Robss+FSV) est passé de 10,8 milliards d'euros en 2023 à 15,3 milliards d'euros en 2024, ce qui représente une aggravation de 4,5 milliards d'euros.
La commission s'est efforcée, à titre indicatif, de décomposer l'évolution du déficit entre ses différentes composantes, en s'appuyant sur les notions de solde structurel et d'effort structurel33(*), et en isolant l'impact de certaines mesures spécifiques.
Les résultats sont indiqués par le tableau et le graphique ci-après.
Décomposition indicative de l'évolution du solde de la sécurité sociale (Robss+FSV)
(en milliards d'euros)
|
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
|
Solde conjoncturel (niveau) |
- 6,9 |
1,2 |
0,0 |
- 3,2 |
|
Solde structurel (niveau) |
- 17,4 |
- 20,9 |
- 10,8 |
- 12,1 |
|
Solde effectif (niveau) |
- 24,3 |
- 19,7 |
- 10,8 |
- 15,3 |
|
|
|||||
Évolution du solde effectif |
15,4 |
4,6 |
8,9 |
- 4,5 |
|
A. Évolution du solde conjoncturel |
27,3 |
8,1 |
- 1,2 |
- 3,2 |
|
B. Évolution du solde structurel |
- 11,9 |
- 3,5 |
10,1 |
- 1,3 |
|
dont : |
|
|
|
|
|
B1. Effort structurel |
- 12,1 |
- 3,9 |
21,2 |
- 8,8 |
|
Effort structurel sur les dépenses |
- 13,2 |
- 1,0 |
18,4 |
- 13,5 |
|
dont : |
|
|
|
||
Dépenses covid |
- 6,1 |
6,6 |
10,6 |
0,6 |
|
Ségur+mesures inflation |
- 7,8 |
- 6,0 |
- 5,4 |
- 0,9 |
|
Réforme des retraites de 2023 |
|
|
-0,4 |
||
Autres* |
0,7 |
- 1,6 |
13,6 |
- 13,2 |
|
Effort structurel sur les recettes |
1,1 |
- 2,9 |
2,8 |
4,7 |
|
B2. Différence entre la croissance
spontanée** |
0,2 |
0,4 |
-11,2 |
7,5 |
|
Pour mémoire : |
|
|
|
||
Dépenses covid (niveau) |
18,3 |
11,7 |
1,1 |
0,5 |
|
Ségur + mesures inflation (niveau) |
9,3 |
15,3 |
20,7 |
21,6 |
|
Réforme des retraites de 2023 (niveau) |
|
|
- 0,4 |
- 0,4 |
|
Allégements généraux de cotisations patronales (niveau) |
51,2 |
58,4 |
65,4 |
64,9 |
* En 2023, il s'agit, pour 7 milliards d'euros, de la revalorisation anticipée de diverses prestations (en particulier les pensions de retraite) au 1er juillet 2022, qui minore d'autant l'augmentation des dépenses en 2023. En 2024, environ la moitié de l'effet provient d'une revalorisation des prestations supérieure à la croissance du PIB (du fait de la forte inflation de 2023).
** La croissance spontanée des recettes correspond à la croissance des recettes avant mesures nouvelles.
Lecture : un montant positif correspond à une amélioration du solde, un montant négatif à une dégradation du solde.
Solde effectif : Placss 2024. Soldes conjoncturel et structurel calculés par la commission des affaires sociales d'après les estimations du PIB potentiel de la Commission européenne (19 mai 2025). Dépenses covid et Ségur, impact de la réforme des retraites : rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2025. Mesures nouvelles sur les recettes : rapports à la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2022, septembre 2023, mai 2024 et juin 2024.
Robss : régimes obligatoires de base de sécurité sociale. FSV : Fonds de solidarité vieillesse.
Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les sources indiquées
Décomposition indicative de
l'évolution du solde de la sécurité sociale
entre 2023
et 2024 (Robss+FSV)
(en milliards d'euros)
Lecture : un montant positif (bâtons verts) correspond à une amélioration du solde, un montant négatif (bâtons rouges) à une dégradation du solde.
Solde effectif : Placss 2024. Soldes conjoncturel et structurel calculés par la commission des affaires sociales d'après les estimations du PIB potentiel de la Commission européenne (19 mai 2025). Dépenses covid et Ségur, impact de la réforme des retraites : rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2025. Mesures nouvelles sur les recettes : rapports à la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2022, septembre 2023, mai 2024 et juin 2024.
Robss : régimes obligatoires de base de sécurité sociale. FSV : Fonds de solidarité vieillesse.
Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les sources indiquées
Le solde structurel et l'effort structurel
Le solde structurel
Le solde public structurel se définit comme ce que serait le solde des administrations publiques (APU) si le PIB était égal à son niveau potentiel, en supposant que les recettes rapportées au PIB tendent spontanément à rester stables (on dit que leur « élasticité » au PIB est égale à 1).
En pratique, le PIB est habituellement au-dessus ou en dessous de son niveau potentiel. Cet écart, dit « écart de production » (ou output gap), a pour effet de modifier le ratio dépenses/PIB. Comme on suppose que les recettes rapportées au PIB tendent spontanément à rester stables, cet écart du ratio dépenses/PIB correspond au solde dit conjoncturel, dépendant des fluctuations de l'activité économique. La différence entre le solde total et le solde conjoncturel est le solde structurel.
Au niveau de l'ensemble des administrations publiques, comme les dépenses sont de près de 60 points de PIB, le solde conjoncturel est égal à l'écart de production multiplié par environ 0,6.
Dans le cas des administrations de sécurité sociale, qui correspondent à environ la moitié des dépenses publiques, le solde conjoncturel est égal à l'écart de production multiplié par environ 0,3.
L'estimation du solde structurel dépend donc fortement de l'estimation de l'écart de production. Par exemple, dans le cas de l'année 2023, selon le programme de stabilité d'avril 2024, le PIB était inférieur de 1,1 point à son niveau potentiel, alors que selon les prévisions économiques du 15 mai 2024 de la Commission européenne, il lui était inférieur de seulement 0,1 point. Il en résulte, pour 2023, un déficit structurel des administrations publiques estimé à 4,8 points de PIB par le programme de stabilité et 5,4 points de PIB par la Commission européenne (pour un déficit effectif de 5,5 points de PIB)34(*).
L'effort structurel
L'effort structurel est une notion introduite par le ministère du budget au sujet du projet de loi de finances pour 2004. Il s'agit de l'évolution du solde structurel, corrigée de l'évolution spontanée du ratio recettes/PIB (découlant des fluctuations spontanées de l'élasticité des recettes au PIB).
Concrètement, il se définit comme la somme (en points de PIB) de la diminution du ratio dépenses/PIB potentiel et des mesures nouvelles sur les recettes.
a) Une dégradation du solde conjoncturel d'environ 3 milliards d'euros, du fait du ralentissement économique
La dégradation du solde, de 4,5 milliards d'euros, provient tout d'abord de l'aggravation d'un déficit conjoncturel (du fait d'un PIB légèrement inférieur à son potentiel en 202435(*)) ayant aggravé le déficit d'environ 3,2 milliards d'euros.
b) Un effort structurel sur les dépenses négatif, dégradant le solde d'environ 13,5 milliards d'euros et résultant notamment de la forte revalorisation des prestations
Le solde structurel dépendant notamment de la fluctuation spontanée des recettes rapportées au PIB, indépendante de l'action du Gouvernement, on recourt parfois à la notion d'effort structurel, qui est l'évolution du solde structurel corrigée de ce phénomène36(*). L'effort structurel, négatif, dégrade le solde de 8,8 milliards d'euros par rapport à 2024.
Sur cet effort structurel de - 8,8 milliards d'euros, - 13,5 milliards d'euros concernent les dépenses. Autrement dit, les dépenses sont supérieures de 13,5 milliards d'euros (soit environ 2,25 %) à ce qui aurait résulté de leur croissance au même taux que le PIB potentiel.
Cela s'explique pour près de la moitié par l'effet des revalorisations. En effet, alors que l'inflation a été de seulement 1,8 %, les pensions ont été revalorisées de 5,3 % au 1er janvier et les prestations familiales de 3,9 % au 1er avril37(*). Selon le rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) de juin 2025, les revalorisations majorent les dépenses de prestation38(*) (indexées ou non) de 2,8 points.
Toutefois ces 2,8 points ne correspondent qu'à 1 point de plus que l'inflation de 1,8 %. L'essentiel de l'effort structurel négatif provient donc du dynamisme des dépenses hors revalorisation.
Hors mesures de maîtrises de l'Ondam, les principales mesures discrétionnaires sur les dépenses ont eu un effet à peu près nul sur l'évolution du solde en 2024 :
- les dépenses liées au « Ségur » et aux mesures inflation ont augmenté de 0,9 milliard d'euros (passant de 20,7 milliards d'euros à 21,6 milliards d'euros39(*)) ;
- la majoration des dépenses résultant de la réforme des retraites de 2023 (coûteuse les premières années) est estimée à 0,4 milliard d'euros en 2023 comme en 202440(*), de sorte que l'effet sur l'évolution du déficit en 2024 est nul ;
- les dépenses liées au covid-19 ont baissé de 0,6 milliard d'euros (passant de 1,1 milliard d'euros à 0,5 milliard d'euros41(*)).
c) Des mesures d'augmentation des recettes de près de 4 milliards d'euros
L'effort structurel comprend également 4,7 milliards d'euros de mesures nouvelles sur les recettes.
Il s'agit pour l'essentiel de mesures découlant de textes antérieurs à la LFSS pour 2024. La principale est le transfert de 0,15 point de CSG de la Cades vers la CNSA, pour un montant de 2,6 milliards d'euros42(*).
d) Des recettes tendant spontanément à augmenter plus rapidement que le PIB
Les recettes de 2024 ont été plutôt dynamiques. En effet, leur montant, corrigé de l'effet des mesures nouvelles, a été supérieur d'environ 7,5 milliards d'euros à ce qui aurait résulté d'une croissance au même taux que le PIB.
En particulier, les allégements généraux de cotisations patronales ont diminué, passant de 65,4 milliards d'euros à 64,9 milliards d'euros. Certes, cela s'explique pour 0,4 milliard d'euros par le gel des points de sortie des bandeaux famille et maladie43(*). Toutefois, hors mesures nouvelles, le coût des bandeaux a stagné, ce qui a majoré les recettes d'environ 2 milliards d'euros par rapport à ce qui aurait résulté d'une augmentation au même taux que le PIB.
Ce dynamisme des recettes contraste avec l'exécution 2023 : alors que le PIB avait augmenté de 6,3 % en valeur, la croissance spontanée des recettes des Robss et du FSV avait été de seulement 4,2 %, ce qui avait réduit les recettes d'environ 11 milliards d'euros. Cela s'expliquait par une masse salariale peu dynamique compte tenu de la croissance du PIB et des allégements généraux au contraire très dynamiques, du fait de la forte inflation de 2022, qui avait conduit à une forte augmentation du Smic.
Du fait de sa nature indépendante de l'action du Gouvernement, ce dynamisme des recettes n'est pas pris en compte pour le calcul de l'effort structurel. En revanche, il modifie bien le solde structurel, dont l'amélioration en 2024 se trouve donc majorée d'environ 7,5 milliards d'euros (la dégradation du solde structurel est donc de 8,8 milliards d'euros, pour un effort structurel de seulement 13,5 milliards d'euros).
2. Un dérapage du déficit par rapport à la prévision encore plus important qu'en 2023
Le déficit des Robss et du FSV a été en 2024 de 15,3 milliards d'euros, soit 4,8 milliards d'euros de plus que la prévision de la LFSS 2024 (10,5 milliards d'euros), ce qui est historiquement élevé.
La prévision révisée pour 2024 de la LFSS 2025 a en revanche été particulièrement prudente, avec une surestimation du déficit de 2,9 milliards d'euros (prévision de 18,2 milliards d'euros, pour une exécution de 15,3 milliards d'euros).
a) Un déficit 2024 supérieur de 4,8 milliards d'euros à la prévision de la LFSS pour 2024, mais paradoxalement inférieur de 2,9 milliards d'euros à celle de la LFSS pour 2025
En moyenne depuis 2014, si l'on exclut les années 2020 et 2021, marqués par la crise sanitaire, chaque année le déficit a été sous-estimé de 0,9 milliard d'euros par la LFSS pour l'année concernée, et la LFSS pour l'année suivante l'a surestimé de 0,5 milliard d'euros.
Comme la rapporteure générale le soulignait il y a un an, l'exercice 2023 s'est caractérisé par une sous-estimation du déficit par la LFSS pour 2023 particulièrement élevée, de 3,7 milliards d'euros. Si l'on excepte les exercices 2020 et 2021, marqués par la crise sanitaire, c'était l'erreur de prévision la plus importante depuis au moins 2014.
L'exercice 2024 s'est caractérisé par une sous-estimation du déficit par la LFSS pour 2024 encore plus importante, de 4,8 milliards d'euros.
En sens inverse, la LFSS pour 2025, pourtant adoptée par le Parlement le 17 février 2025, a surestimé le déficit de 2024 de 2,9 milliards d'euros.
Solde des Robss et du FSV : prévision et exécution
(en milliards d'euros)
L'année n est l'année concernée par la LFSS.
Lecture : en 2024, le déficit (15,3 milliards d'euros) a été supérieur de 4,8 milliards d'euros à la prévision de la LFSS 2024 (10,5 milliards d'euros) et inférieur de 2,9 milliards d'euros à celle de la LFSS 2025 (18,2 milliards d'euros).
Remarque : comme indiqué dans le rapport de la rapporteure générale sur le Placss 2022, les soldes pour 2020 et 2021 doivent être respectivement majoré et minoré de 5 milliards d'euros, conformément au montant figurant dans la LFSS 2023 (correction apportée par le Sénat pour prendre en compte le refus de la Cour des comptes de certifier les comptes 2021 de la branche recouvrement, en raison d'une erreur sur l'exercice d'imputation de cotisations des indépendants). Le Gouvernement refusant de prendre en compte cette modification dans les textes ultérieurs, on retient dans le présent rapport les montants erronés figurant dans les documents annexés au PLFSS 2024 pour ne pas compliquer la comparaison des tableaux et graphiques.
Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les textes indiqués
b) Un dérapage des dépenses de 1,1 milliard d'euros, et surtout des recettes inférieures de 3,7 milliards d'euros à la prévision
En 2024, le supplément de déficit (de 4,8 milliards d'euros) par rapport à la prévision de la LFSS 2024 vient du fait que les dépenses ont été supérieures de 1,1 milliard d'euros aux prévisions (643,1 milliards d'euros au lieu de 642 milliards d'euros), et surtout que les recettes ont été inférieures de 3,7 milliards d'euros aux prévisions (627,8 milliards d'euros au lieu de 631,5 milliards d'euros).
Recettes et dépenses de la sécurité sociale (Robss + FSV)
(en milliards d'euros)
Source : Commission des affaires sociales du Sénat
Le graphique montre également que fin 2025, la LFSS 2024 a trop revu à la baisse ses prévisions de recettes, qui ont finalement été supérieures de 3,1 milliards d'euros à cette nouvelle prévision. Il s'agissait vraisemblablement d'éviter de reproduire l'erreur de prévision de la LFSS 2024, qui avait surestimé les recettes de 2,1 milliards d'euros.
c) Des recettes 2024 inférieures de 3,7 milliards d'euros à la prévision de la LFSS 2024 mais supérieures de 3,1 milliards d'euros à la prévision de la LFSS 2025
Comme l'indique le tableau ci-après, la comparaison entre prévision et exécution est, dans le cas des recettes de 2024, sensiblement différente selon que l'on retient la prévision de la LFSS 2024 ou celle de la LFSS 2025 : alors que dans le premier cas les recettes sont inférieures de 3,7 milliards d'euros aux prévisions, dans le second cas elles leur sont supérieures de 3,1 milliards d'euros.
Produits nets de l'ensemble des régimes obligatoires de base et du fonds de solidarité vieillesse : prévision et exécution pour l'exercice 2024
(en milliards d'euros)
Réalisé 2023 |
LFSS 2024 |
LFSS 2025 |
Réalisé 2024 |
Écart du réalisé 2024 par rapport à la LFSS 2024 |
Écart du réalisé 2023 par rapport au PLFSS 2024 |
Croissance entre les réalisés 2023 et 2024 |
|
Cotisations sociales |
291,1 |
304,7 |
ND |
304,2 |
-0,5 |
ND |
4,5 % |
Cotisations prises en charge par l'État |
6,9 |
6,7 |
ND |
6,9 |
0,2 |
ND |
1,2 % |
CSG |
120,7 |
128,7 |
ND |
128,2 |
-0,5 |
ND |
6,2 % |
Contribution d'équilibre employeur |
46,3 |
49,4 |
ND |
49,5 |
0,1 |
ND |
6,7 % |
Impôts, taxes et autres contributions sociales |
107,2 |
114,3 |
ND |
110,5 |
-3,8 |
ND |
3,0 % |
Charges de non recouvrement |
-1,1 |
-1,9 |
ND |
-1,5 |
0,4 |
ND |
36,8 % |
Transferts nets reçus |
12,8 |
12,1 |
ND |
12,2 |
0,1 |
ND |
-4,3 % |
Autres produits nets |
16,1 |
17,5 |
ND |
17,7 |
0,2 |
ND |
10,2 % |
Total Robss + FSV |
600,0 |
631,5 |
624,7 |
627,8 |
-3,7 |
3,1 |
4,6 % |
Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après : rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, juin 2025 ; PLFSS 2024 ; Cour des comptes, Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2025
(1) Des recettes inférieures de 3,7 milliards d'euros par rapport à la prévision de la LFSS 2024, essentiellement du fait des recettes de TVA
Le manque de recettes par rapport aux prévisions de la LFSS 2024 (-3,7 milliards d'euros) provient de la ligne « impôts, taxes et autres contributions sociales », nettement inférieure à la prévision (-3,8 milliards d'euros).
L'écart provient essentiellement de la TVA affectée à la sécurité sociale, dont le produit, de 49,4 milliards d'euros, a été inférieur de 2,2 milliards d'euros à la prévision.
Comme le souligne la Cour des comptes44(*), la croissance du produit de la TVA (2,1 %) a été analogue à celle de la consommation des ménages (2 %). Aussi, le Haut Conseil des finances publiques considère que la prévision de TVA était optimiste45(*).
(2) Des recettes supérieures de 3,1 milliards d'euros à celles de la LFSS 2025
En février 2025, le Gouvernement a revu à la baisse les prévisions de recettes de la LFSS 2024, estimant, dans les prévisions associées à la LFSS 2025, que les recettes de 2024 seraient inférieures de 6,8 milliards d'euros au montant prévu par la LFSS.
Comme les recettes ont été inférieures de « seulement » 3,7 milliards d'euros aux prévisions, les recettes ont finalement été supérieures de 3,1 milliards d'euros à cette prévision révisée.
La LFSS indiquant seulement un montant global, sans préciser le montant des différents types de recettes, il n'est pas possible d'identifier l'origine de cette erreur de prévision.
d) Un dérapage des dépenses provenant de la branche maladie
Le supplément de dépenses, de 1,1 milliard d'euros par rapport à la prévision de la LFSS 2024, provient en totalité de la branche maladie, conformément au tableau ci-après.
Dépenses des différentes branches (Robss) et du Fonds de solidarité vieillesse : prévision et exécution
(en milliards d'euros)
2023 |
2024 |
||||
Exécution |
Exécution |
Prévision LFSS 2024 |
Supplément de dépenses par rapport à la prévision |
||
Source : |
LFSS 2025 |
Placss 2024 |
LFSS 2024 |
||
Maladie |
243,9 |
253,0 |
251,9 |
1,1 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
15,4 |
16,3 |
16,0 |
0,3 |
|
Vieillesse |
275,1 |
293,8 |
293,7 |
0,1 |
|
Famille |
55,7 |
57,8 |
58,0 |
-0,2 |
|
Autonomie |
37,6 |
39,9 |
40,0 |
-0,1 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
610,4 |
642,8 |
641,6 |
1,2 |
|
Toutes branches (hors transferts entre branches), y compris Fonds de solidarité vieillesse |
610,7 |
643,1 |
642,0 |
1,1 |
Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les sources indiquées
Ce dépassement s'explique par celui de l'Ondam, systématique depuis la crise sanitaire, de 1,5 milliard d'euros (cf. ci-après le commentaire de l'article 2).
3. Un déficit qui, en l'absence de mesures correctrices, continuerait d'augmenter, faisant peser un risque sur le financement de la sécurité sociale
L'absence de maîtrise des comptes sociaux apparaît dans le fait qu'en l'absence de nouvelles mesures, le déficit poursuivrait son augmentation pour atteindre 24,8 milliards d'euros en 2029 (cf. graphique).
Solde de la sécurité sociale (Robss + FSV) : exécution et prévision
(en milliards d'euros)
CCSS : Commission des comptes de la sécurité sociale. FSV : Fonds de solidarité vieillesse. LFSS : loi de financement de la sécurité sociale. Robss : régimes obligatoires de base de sécurité sociale.
Source : Commission des affaires sociales, d'après les LFSS, le Placss 2024 et le rapport à la CCSS de juin 2025
Depuis plusieurs années, la commission des affaires sociales du Sénat alerte sur le fait que l'accumulation de la dette sociale à l'Acoss, sans perspectives d'amélioration du solde, suscite un risque de crise de liquidité, pouvant empêcher la sécurité sociale de payer des prestations aussi fondamentales que, par exemple, les retraites. En effet, l'Acoss se finance à court terme sur les marchés financiers.
Aussi, comme le souligne la Cour des comptes le soulignait à l'automne dernier, le financement des déficits par l'Acoss se fait « dans des conditions qui pourraient mettre en risque le versement des prestations »46(*).
Les responsables de l'Acoss ont indiqué à la rapporteure générale que le besoin de trésorerie anticipé pour fin 2025, proche de son plafond de 65 milliards d'euros, faisait entrer l'Acoss en « zone de risque » ; et que la situation pourrait devenir critique en 2027, année où, du fait des déficits accumulés, le besoin de trésorerie devrait dépasser 100 milliards d'euros.
B. AU NIVEAU DE L'ENSEMBLE DES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE, UN EXCÉDENT EN FORTE DIMINUTION
1. Un excédent des Asso de seulement 2,3 milliards d'euros (après 11,5 milliards d'euros en 2023)
En 2023, avec un excédent de 11,5 milliards d'euros (0,4 point de PIB), les administrations de sécurité sociale, ou Asso (concept de comptabilité nationale, englobant notamment la Caisse d'amortissement de la dette sociale : cf. encadré ci-après) avaient un solde comparable à celui d'avant la crise sanitaire.
Cet excédent s'est effondré en 2024, pour atteindre seulement 2,3 milliards d'euros, soit moins de 0,1 point de PIB, comme le montre le graphique suivant.
Capacité de financement des administrations de sécurité sociale
Source : D'après l'Insee
Schématiquement, la dégradation du besoin de financement des administrations de sécurité sociale, d'une dizaine de milliards d'euros, s'explique pour 5 milliards d'euros par la dégradation de celui des régimes hors régime général, en particulier l'assurance chômage et les régimes complémentaires de retraite ; pour 2,5 milliards d'euros, par une augmentation du besoin de financement du régime général ; pour 2,5 milliards d'euros également, par un moindre excédent de la Cades.
Capacité de financement des administrations de sécurité sociale (Asso) : décomposition entre sous-catégories
(en milliards d'euros)
Asso : administrations de sécurité sociale. Cades : Caisse d'amortissement de la dette sociale. FRR : Fonds de réserve des retraites. Odass : organismes dépendant des assurances sociales.
Données issues du tableau 3.108 « Passage du résultat comptable du régime général au déficit des administrations de sécurité sociale (S1314) au sens de Maastricht ». Toutes les données du graphique (y compris pour le régime général) sont au sens de la comptabilité nationale. Ce tableau n'est pas parfaitement à jour, d'où pour 2024 un besoin de financement des Asso légèrement différent de celui indiqué par le graphique précédent.
Source : D'après l'Insee
Les administrations de sécurité sociale (Asso)
Les administrations de sécurité sociale regroupent les régimes d'assurance sociale et les organismes dépendant des assurances sociales (principalement les hôpitaux à financement public) (Odass).
Les régimes d'assurance sociale comprennent principalement :
- le régime général ;
- divers fonds : Fonds de solidarité vieillesse (FSV), mais aussi Fonds commun pour les accidents du travail (FCAT), Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), Service social d'allocation aux personnes âgées (Saspa), Fonds de compensation des organismes de sécurité sociale (FCOSS), etc. ;
- les autres régimes de base des salariés (régimes spéciaux d'entreprises et d'établissements publics, salariés agricoles, etc.) ;
- les régimes des non-salariés (dont la mutualité sociale agricole) ;
- l'Unédic ;
- les régimes complémentaires d'assurance vieillesse des salariés (Agirc-Arrco...) ;
- depuis un reclassement effectué en 2011 par l'Insee, la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et le Fonds de réserve des retraites (FRR), jusqu'alors considérés comme des organismes divers d'administration centrale (Odac).
Les organismes dépendant des assurances de sécurité sociale (Odass), qui dépendent des administrations de sécurité sociale, comprennent :
- les hôpitaux de l'assistance publique, ainsi que les hôpitaux privés financés par la dotation globale hospitalière (attribuée par les caisses de sécurité sociale) ;
- les oeuvres sociales intégrées aux organismes de sécurité sociale (oeuvres sociales de la Cnaf, écoles d'infirmiers) ;
- France travail.
2. Un excédent très inférieur à la prévision initiale (2,3 milliards d'euros au lieu de 17,3 milliards d'euros)
L'excédent des administrations de sécurité sociale en 2024 est beaucoup plus faible non seulement que celui de 2023, mais aussi que la prévision associée au PLFSS pour 2024.
L'excédent, de 2,3 milliards d'euros, doit en effet être comparé à celui prévu à l'automne 2023, de 17,3 milliards d'euros.
Recettes, dépenses et solde des administrations de sécurité sociale (Asso) en 2024 : prévision et exécution
(en milliards d'euros)
Prévision de l'automne 2023 |
Prévision de la LFSS 2025 |
Exécution |
Écart par rapport à la prévision de l'automne 2023 |
Écart par rapport à la prévision de la LFSS 2025 |
|
Source |
Resf 2024 |
PSMT 2025 |
Insee |
||
Recettes |
778,6 |
775,7 |
779,1 |
0,5 |
3,4 |
Dépenses |
761,3 |
776,4 |
776,8 |
15,5 |
0,4 |
Solde |
17,3 |
-0,6 |
2,3 |
-15,0 |
2,9 |
Resf : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances. LFSS : loi de financement de la sécurité sociale. PSMT : plan budgétaire et structurel à moyen terme de décembre 2025. Insee : institut national des statistiques et des études économiques.
Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les sources indiquées
Ce moindre excédent s'explique en totalité par un dérapage des dépenses.
On observe par ailleurs que la grande prudence du Gouvernement à l'automne 2024 s'agissant de la prévision de recettes pour 2024 se traduit dans ses prévisions relatives aux administrations de sécurité sociale. En effet, s'il prévoyait alors correctement le dérapage des dépenses (sous-estimé de seulement 0,4 milliard d'euros), il prévoyait alors des recettes inférieures de 3,4 milliards d'euros à ce qui serait finalement observé.
Les données publiées par l'Insee ne sont pas suffisamment fines pour permettre de déterminer les causes de ces écarts des recettes et des dépenses par rapport aux prévisions.
On peut se réjouir du fait que la fiction d'un fort excédent des administrations de sécurité sociale, dont l'irréalisme est souligné depuis 2023 par la rapporteure générale, ait été abandonnée dans les textes financiers de l'automne 2025.
L'abandon dans les textes financiers de l'automne
2025 de la fiction
d'un fort excédent des administrations de
sécurité sociale
La loi de programmation des finances publiques (LPFP) de décembre 2023 prévoyait un excédent des Asso supérieur au solde de la sécurité sociale d'environ 30 milliards d'euros en 2023, cet écart augmentant pour atteindre environ 50 milliards d'euros en 2027.
En effet, à l'excédent de la Cades devait s'ajouter un excédent croissant de l'assurance chômage et des régimes complémentaires de retraite. Par ailleurs, à partir de 2025 devaient s'appliquer 6 milliards d'euros de mesures d'économie supplémentaires, non documentées et devant être réparties entre l'ensemble des administrations de sécurité sociale.
Comme la commission des affaires sociales l'avait souligné, en particulier lors de l'examen du PLFSS 2024, cette hypothèse de fort excédent des administrations de sécurité sociale n'était pas réaliste.
Aussi, le rapport économique, social et financier (Resf) annexé au PLF 2025 rompt de manière bienvenue avec cette fiction. Il prévoit en effet pour les Asso un excédent de seulement 5,6 milliards d'euros en 2025.
II. UN DÉPASSEMENT DE L'ONDAM DE 1,5 MILLIARD D'EUROS
En 2024, l'Ondam a été supérieur de 1,5 milliard d'euros à l'objectif de la LFSS 2023 (cf. infra le commentaire de l'article 2).
Alors qu'il devait augmenter de 2,9 %, il a crû de 3,3 %.
TROISIÈME
PARTIE
CONTRIBUTIONS DES RAPPORTEURS DE BRANCHE
I. LA RÉFORME DU FINANCEMENT DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ POUR LE CHAMP DES ACTIVITÉS DE MÉDECINE, CHIRURGIE ET OBSTÉTRIQUE (MCO) (CORINNE IMBERT)
A. UN OBJECTIF DE RÉDUCTION DE LA PART DES RESSOURCES LIÉES À L'ACTIVITÉ SOUTENU PAR LA COMMISSION ET LES PRINCIPALES FÉDÉRATIONS HOSPITALIÈRES
1. La mise en place de nouvelles modalités de financement des activités de MCO selon trois compartiments
L'article 49 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a révisé les règles de financement des établissements de santé pour le champ des activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) en vue de réduire la part assurée par la tarification à l'activité. Il a prévu la mise en place de nouvelles modalités de financement des activités de MCO selon trois compartiments :
- des tarifs afférents aux différentes prestations ;
- des dotations relatives à des objectifs de santé publique ;
- des dotations relatives à des missions spécifiques et des aides à la contractualisation.
Les mesures d'applications prévues par la loi ont été prises via deux décrets.
· Le premier décret, publié le 31 décembre 202447(*), concerne essentiellement les modalités d'allocation des différents compartiments du modèle de financement des activités de MCO aux agences régionales de santé (ARS) et aux établissements de santé.
Il apporte deux principales nouveautés.
D'une part, il actualise les références juridiques de niveau réglementaire conformément à la renumérotation de la partie législative du code de la sécurité sociale.
D'autre part, il précise les modalités d'allocation des différents compartiments du modèle de financement des activités de MCO aux agences régionales de santé et aux établissements de santé, ainsi que les modalités de détermination des forfaits regroupés au sein du compartiment « missions spécifiques ».
· Le second décret, publié le 26 février 202548(*), concerne essentiellement les activités susceptibles de donner lieu à l'allocation des dotations relatives aux objectifs territoriaux et nationaux de santé publique, mentionnés à l'article L. 162-22-4, et relatives à des missions spécifiques prévues à l'article L. 162-22-5 du code de la sécurité sociale.
Il ne fait en réalité que reventiler les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac) dans les trois nouveaux compartiments, sans apporter de nouvelles missions ou sources de financement.
Les nouveaux compartiments de financement des activités MCO
Source : Direction générale de l'offre de soin, Réforme du financement des établissements de santé sur le champ MCO, 4 avril 2024
2. Une réforme dont le principe et les objectifs doivent être soutenus
La commission et le Sénat ont soutenu le principe d'un objectif de réduction de la part des ressources liées à l'activité. Un financement plus équilibré entre la tarification à l'activité et des missions spécifiques ainsi que des objectifs de santé publique sous la forme de dotation est en effet à rechercher, afin également d'inciter à améliorer l'efficience de la dépense hospitalière.
L'ensemble des fédérations hospitalières interrogées soutiennent également cet objectif afin d'aboutir à un financement plus mixte intégrant au mieux les enjeux de qualité et de réponse aux besoins de santé de la population.
La mise en oeuvre de ce financement basé sur trois compartiments marque ainsi, selon la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés solidaires (Fehap), « une avancée vers un financement plus pertinent et cohérent avec les logiques de gradation des soins et d'organisation territoriale ». Unicancer a précisé être favorable à la mise en place d'un « financement au forfait fondé sur les parcours et atteintes d'objectifs de santé publique ».
La feuille de route pluriannuelle
d'évolution des modèles
de financement du
Gouvernement
L'évolution des règles de financement de chaque activité intégrée à la feuille de route s'articule autour de trois piliers :
- faire évoluer le financement à l'activité pour permettre un paiement à l'épisode, plutôt qu'à l'acte, à la journée ou au séjour afin de reconnaître la charge de coordination et de répondre aux objectifs de gradation des prises en charge et de décloisonnement/coordination ;
- adapter le financement pour soutenir et inciter à l'amélioration de la qualité et de la pertinence des prises en charge ;
- répondre aux enjeux liés aux approches populationnelles et au maintien d'une offre de proximité en accompagnant l'évolution de l'organisation territoriale de l'offre.
Source : Réponse de la direction générale de l'offre de soins (DGOS) au questionnaire transmis par la rapporteure
B. MAIS UNE RÉFORME CONDUITE DANS LA PRÉCIPITATION SANS VÉRITABLE ÉTUDE D'IMPACT NI PROGRAMMATION
1. Des réserves exprimées par la commission des affaires sociales lors de l'adoption de la réforme qui, malheureusement, se confirment dans les faits
Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la commission des affaires sociales avait regretté que la réforme proposée par le Gouvernement ne s'apparente qu'à « un regrettable jeu de chamboule-tout à droit constant », réalisé sans évaluation de son impact financier.
Elle avait alors indiqué qu'aucune simulation des effets de la réforme ni des besoins d'accompagnement financier n'avait été mise à disposition du Parlement et qu'il ne lui était pas possible à ce stade d'anticiper les montants envisagés au titre de ce dispositif.
De ce fait, la commission avait appelé à une révision du calendrier prévu par le Gouvernement et à un report de la mise en oeuvre de ces dispositions au 1er janvier 2028 au lieu du 1er janvier 2025 afin de « définir dans de bonnes conditions les finalités de la réforme, son champ et ses dispositifs opérationnels précis ». Elle avait aussi souhaité la mise en place d'une expérimentation du modèle cible.
Force est de constater que les faits confirment malheureusement les réserves substantielles sur le calendrier et les modalités de mise en oeuvre exprimées alors par la commission. Selon l'aveu même de la Fédération hospitalière de France (FHF), « la réforme du financement a été peu, voire pas mise en oeuvre à ce stade ». De son côté la FHP indique dans sa réponse à la rapporteure que « le déploiement des réformes de financement issues du décret de ce début d'année 2025 n'est aujourd'hui pas effectif ».
En effet, alors que la date d'entrée en vigueur de la réforme du financement des activités MCO est fixée dans la loi au 1er janvier 2025, la rapporteure constate que si le nom des blocs de financement a changé, cela n'a, à ce stade, entrainé aucun impact concret pour les établissements, faute de déclinaisons opérationnelles. Ainsi, la FHF précise que les travaux relatifs aux missions spécifiques et aux objectifs de santé publique n'ont, à ce jour, pas été démarrés. Par ailleurs, aucun calendrier de mise en oeuvre concrète des réformes dans les différents secteurs ne semble avoir été précisément établi.
Surtout, les fédérations hospitalières, si elles ont été associées en amont de la publication des décrets, déplorent un véritable manque de priorisation des chantiers et de méthodologie, source d'incertitudes pour les établissements. Ce défaut de gouvernance entraîne une multiplication difficilement tenable des projets de réforme qui restent trop souvent inaboutis.
2. Des chantiers de réformes trop nombreux, trop souvent inaboutis et sans calendrier précis
· Les réformes des soins critiques et des soins non programmés, pourtant identifiées comme prioritaires et engagées il y a plus de dix-huit mois, semblent aujourd'hui à l'arrêt.
Dans les deux cas, les travaux ont été interrompus à la suite de l'absence de consensus des fédérations hospitalières sur la méthodologie proposée par le Gouvernement. Concernant le chantier des soins critiques, la FHF avait notamment appelé à prendre en compte l'intégralité de la filière, de la réanimation aux unités de soins intensifs en psychiatrie (Usip) et de déterminer des objectifs stratégiques précis en termes d'offre de soins critiques précis avant tout travaux sur les financements.
Si les fédérations hospitalières saluent le fait que les services du ministère de la santé aient pris en compte leurs inquiétudes en interrompant les travaux, elles ont toutefois indiqué ne plus avoir d'échange à ce sujet avec l'administration et ne disposer d'aucun élément de calendrier quant à la reprise des travaux sur ces deux activités.
· La rapporteure s'est particulièrement inquiétée de l'avancée, en parallèle de la réforme des financements MCO, des réformes portant sur la dialyse et la radiothérapie. Cette réforme des financements vers une modalité forfaitaire à l'épisode de soins est particulièrement nécessaire au regard de l'obsolescence du mode actuel de financement de ces activités, qui désincite à l'innovation et porte en germe un risque d'évolution des dépenses non maîtrisées.
Pour rappel, le Parlement a voté, en loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, l'avancement de la date de mise en oeuvre de cette réforme (alors prévue pour le 1er janvier 2026) au 1er octobre 2025. La commission s'était alors interrogée sur la pertinence d'avancer de trois mois l'entrée en vigueur d'une réforme systémique des financements de la radiothérapie et de la dialyse engagée depuis plus de dix ans49(*). Elle s'était inquiétée du fait que cette accélération du calendrier ne mette inutilement en difficulté les acteurs sur le terrain.
Interrogées sur la mise en oeuvre de cette réforme par la rapporteure, les fédérations hospitalières ont pu confirmer les craintes exprimées par la commission. Ainsi, le recueil de données, toujours en cours pour la radiothérapie et quasiment inexistant pour la dialyse50(*), empêche toutes projection et simulation de l'impact financier de la réforme, pourtant indispensables à sa bonne mise en oeuvre par les établissements.
Surtout, ces mêmes fédérations se sont inquiétées du risque de décorrélation dans l'application de cette réforme entre les radiothérapeutes libéraux et les établissements de santé51(*). Pour rappel, un des objectifs de cette évolution des financements est d'uniformiser les modes de financement selon les secteurs afin d'éviter les distorsions tarifaires et une mauvaise allocation des ressources.
Dans ce contexte, les fédérations ont unanimement appelé au report de l'entrée en vigueur de cette réforme, « afin d'assurer qu'elle bénéficie à l'ensemble des acteurs de manière simultanée et qu'elle se fonde sur des preuves médico-économiques tangibles et mesurées à l'aide d'étude d'impact »52(*).
Interrogée sur ces éléments par la rapporteure, la direction générale de l'offre de soins (DGOS) a confirmé le calendrier de mise en oeuvre en précisant que la nomenclature commune au sein de la classification commune des actes médicaux (CCAM) a été élaborée et permettra bien « la création des différents forfaits d'ici au 1er octobre 2025 »53(*).
En tout état de cause, la rapporteure souhaite alerter sur le risque d'une mise en oeuvre en deux temps, sans étude d'impact et à marche forcée pour les établissements de santé au 1er janvier 2026, et, ensuite, pour les professionnels libéraux, selon un calendrier et des modalités encore inconnus, qui compromette fortement l'atteinte des objectifs de la réforme.
· Enfin, la rapporteure s'inquiète de l'absence d'avancée concernant le financement des activités de maternité, structurellement pénalisées par des séjours courts très demandeurs en ressources humaines et non correctement valorisés. Notre réseau de maternités est désormais structurellement fragilisé au point que, comme le relevait la mission d'information du Sénat sur l'avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale, « des situations de tensions susceptibles de conduire à des fermetures précipitées de services structurants sont aujourd'hui identifiées dans différentes régions, menaçant ainsi les capacités d'accueil et de prise en charge de manière soudaine »54(*).
Face à l'urgence de la situation, il convient d'agir rapidement pour réformer le financement des maternités. Il est particulièrement pertinent de prévoir un financement mixte (dotation et activité) pour les activités de maternité, qui sont soumises au maintien d'un personnel formé et spécialisé en grand nombre indépendamment du nombre effectif d'accouchements. Un financement à l'activité aggrave dans ce cadre la situation financière de très nombreux établissements.
En réponse à la rapporteure, la DGOS a indiqué que la création d'une dotation socle avant la réorganisation de la carte des établissements pourrait amener à maintenir des activités de maternité « dont le maintien n'est pas pertinent du point de vue de la qualité, de la pertinence et de l'organisation de l'offre de soin ».
Le bilan de deux réformes de financements
préalables
à la réforme du champ d'activité
MCO
La réforme des soins médicaux et de réadaptation (SMR)
Le nouveau modèle de financement pour les activités de soins médicaux et de réadaptation est entré pleinement en vigueur le 1er juillet 2023.
La mise en oeuvre du nouveau modèle s'accompagne par ailleurs d'un dispositif transitoire, la dotation de transition, qui ajuste la dotation populationnelle afin de lisser dans le temps les effets revenus induits par ce nouveau modèle de financement. Ce mécanisme de transition, qui permet une appropriation meilleure du modèle par les acteurs, est dégressif jusqu'au 1er janvier 2028, date prévue de sa disparition.
En 2024, les établissements ont été entièrement financés selon le nouveau modèle, avec application de la dotation de transition.
Les fédérations ont toutes regretté les conditions de mise en oeuvre de cette réforme. Selon la FHP, cette réforme « mal préparée a abouti à une impossibilité de facturation » lors de son entrée en application en janvier 2024. Par ailleurs, alors que cette réforme avait pour objectif d'établir une équité dans les financements entre les établissements privés et publics, la FHP a indiqué que les écarts se sont au contraire aggravés entre les deux secteurs depuis la mise en oeuvre de celle-ci.
La réforme du financement des urgences
Depuis 2021, les structures de médecine d'urgence bénéficient d'un mode de financement combiné autour d'une dotation populationnelle et d'un compartiment dédié à la qualité des organisations et des prises en charge qui représente environ 2 % du financement de la médecine d'urgence.
Depuis 2022, ce modèle intègre une meilleure prise en compte, dans le financement à l'activité, de l'intensité des prises en charge avec la mise en place de forfaits (urgentistes, imagerie, biologie, spécialistes) et suppléments dépendant notamment de l'âge du patient et de ses caractéristiques.
Un forfait patient urgences unique (FPU) pour les passages aux urgences non suivis d'hospitalisation a été mis en place la même année. Il correspond au reste à charge dû par les patients ou leur organisme complémentaire. Le caractère forfaitaire de ce paiement permet au patient de connaître dès son passage le montant de son reste à charge.
Contrairement à la réforme SMR, celle du secteur des urgences a fait l'objet d'une meilleure appropriation par les acteurs.
La FHP souligne notamment que « la gestion au niveau national a été globalement marquée par une écoute des professionnels et le pragmatisme », qui a notamment permis de retarder la mise en oeuvre de celle-ci afin d'assurer une meilleure mise en oeuvre par les professionnels sur le terrain. La Fehap considère également que cette réforme a « introduit une logique pertinente combinant dotation populationnelle, paiement à l'activité et prise en compte de la qualité » même si certains points de vigilance restent en suspens. On peut notamment soulever des problématiques techniques de facturation du FPU par certains établissements qui empêchent le versement de la dotation qualité.
C. UNE RÉFORME QUI S'INSCRIT DANS UN CONTEXTE FINANCIER CRITIQUE POUR L'HÔPITAL
En 2023, la commission avait interpellé sur le contexte dans lequel la réforme intervenait, avec une activité dynamique dans les établissements privés mais encore particulièrement fragile dans les établissements publics, qui avaient difficilement retrouvés les niveaux de 2019.
Face à une dégradation continue depuis plusieurs années, la commission marque sa forte préoccupation concernant la situation financière des établissements de santé, particulièrement les établissements publics et privés d'intérêt collectif.
Ainsi, après un déficit des établissements de santé évalué à 1,1 milliard d'euros en 2022 et près de 2 milliards d'euros en 2023, la situation s'est encore dégradée en 2024. Le déficit des établissements publics atteindrait ainsi 3 milliards d'euros sur l'année écoulée55(*). Cette situation financière constitue pour la Cour des comptes une véritable « impasse financière »56(*).
Force est ainsi de constater que si les dispositifs de sécurisation ont mobilisé des montants importants, ils n'ont au mieux que limité un décrochage financier profond.
La DGOS a indiqué que, malgré la nette reprise d'activité, la situation financière des hôpitaux publics ne s'améliorait pas en 2024 et poursuivait même sa dégradation dans des proportions préoccupantes57(*).
Le résultat consolidé (« tous budgets ») projeté poursuivrait son décrochage par rapport à 2023 et aux années précédentes, tiré par la dégradation du déficit du résultat principal et des budgets annexes (Ehpad et unités de soins de longue durée). Le résultat consolidé attendu devrait ainsi s'établir entre - 3 milliards d'euros et - 3,2 milliards d'euros.
Surtout, la dégradation du déficit hospitalier en 2024 par rapport à 2023 concerne désormais également une part non négligeable d'établissements privés lucratifs et tous les types d'établissements, avec une dégradation en plus forte proportion sur les plus petits centres hospitaliers.
Ainsi, en 2024, selon les chiffres transmis par la DGOS, 66 % des établissements publics de santé devraient être en déficit, contre 56 % en 2023. Parmi ces établissements, 81 % des CHU seraient en déficit.
*
* *
Dans ce contexte, la rapporteure appelle à la mise en oeuvre de réformes fondées sur une méthodologie précise et transparente. Les acteurs hospitaliers ont besoin de visibilité dans un contexte financier extrêmement tendu. Il ne suffit pas de changer la pancarte et de lancer des chantiers pour annoncer que la réforme du financement des hôpitaux est en cours.
Aussi, la rapporteure formule les propositions suivantes :
Proposition n° 1 : Adopter un calendrier réaliste de la mise en oeuvre de la réforme, prioriser les chantiers et accompagner les acteurs dans leur appropriation des nouveaux modes de financement.
Proposition n° 2 : Réaliser les études d'impact et les simulations qui n'ont jusqu'alors pas été faites ou du moins transmises aux acteurs hospitaliers afin de leur permettre d'anticiper au mieux les effets de la réforme selon les paramètres choisis58(*).
Proposition n° 3 : Prévoir d'ores et déjà les modalités d'évaluation et de révision des paramètres de la réforme afin d'assurer de la visibilité aux établissements de santé.
II. LES COTISATIONS AT-MP DÉROGATOIRES : UN FREIN AU DÉPLOIEMENT D'UNE LOGIQUE DE PRÉVENTION ? (MARIE-PIERRE RICHER)
A. LES COTISATIONS AT-MP DE DROIT COMMUN DÉPENDENT, DANS UNE VISÉE ASSURANTIELLE ET PRÉVENTIVE, DE LA SINISTRALITÉ DU SECTEUR OU DE L'ENTREPRISE
1. Les modalités de détermination du taux brut de cotisation AT-MP dépendent de la sinistralité
Le financement de la branche AT-MP repose quasi-intégralement sur les employeurs : les cotisations à leur seule charge représentent ainsi 97 % des recettes de la branche en 2023.
En droit commun, le taux brut de cotisation AT-MP applicable à chaque établissement est déterminé annuellement59(*) en fonction de la sinistralité propre à l'entreprise ou de la sinistralité de son secteur d'activité60(*).
Plus l'effectif de l'entreprise est important, plus le taux brut de cotisation est individualisé. Aussi :
- une tarification collective, fondée sur la sinistralité moyenne du secteur d'activité, est applicable aux entreprises de moins de 20 salariés61(*) ;
- une tarification mixte, fondée à la fois sur la sinistralité propre de l'établissement et sur celle du secteur, est applicable aux entreprises de 20 à 149 salariés. Plus l'entreprise se rapproche de 149 salariés, plus la part individuelle de la tarification prend le dessus62(*) ;
- une tarification individuelle, fondée sur la sinistralité propre de l'établissement, s'applique à partir de 150 salariés.
La sinistralité prise en compte pour le calcul du taux brut est celle des trois dernières années connues, soit les années n-2, n-3 et n-4.
Comme le note la direction des risques professionnels (DRP) de la Cnam dans ses réponses écrites au questionnaire de la rapporteure, « pour le calcul du taux brut en tarification individuelle : le coût imputé à l'employeur pour chaque sinistre n'est pas le coût réel mais un coût moyen par catégorie de gravité de sinistres, établi par grands secteurs d'activités (au niveau des comités techniques nationaux) ». Ce coût estimatif est ensuite divisé par la masse salariale de chaque établissement pour déterminer le taux brut.
Plus précisément, le code de la sécurité sociale prévoit six catégories d'incapacité temporaire (sans arrêt de travail ou avec un arrêt de travail de moins de quatre jours ; avec arrêt de travail de quatre à quinze jours ; de seize à quarante-cinq jours ; de quarante-six à quatre-vingt-dix jours ; de quatre-vingt-onze jours à cent cinquante jours ; de plus de cent cinquante jours) et quatre catégories d'incapacité permanente (inférieure à 10 % ; comprise entre 10 % et 19 % ; comprise entre 20 et 39 % ; supérieure à 40 % ou décès) sur lesquelles sont moyennés les coûts63(*).
Le mode de calcul du taux brut s'inscrit donc dans une visée assurantielle et incitative à la prévention pour les entreprises : une baisse de la sinistralité se traduit en effet par une diminution des cotisations. Plus l'entreprise est grande, plus l'incitation à la prévention est forte, puisque plus le lien entre la sinistralité propre et le taux de cotisation est direct.
La cotisation AT-MP fait partie, selon la direction des risques professionnels (DRP) de la Cnam, des principaux leviers à la disposition des pouvoirs publics pour renforcer la culture de prévention dans les entreprises, avec l'accompagnement des entreprises par des préventeurs et les politiques de subvention pour l'investissement en prévention, par exemple dans le cadre du fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle (Fipu)64(*).
2. Le passage du taux brut au taux net
Le taux brut est ensuite affecté par quatre majorations65(*) pour déterminer le taux net, effectivement acquitté par les employeurs66(*), selon la formule suivante : Taux net = (Taux brut + M1) × (1 + M2) + M3 + M4, où :
- M1 (taux 2025 : 0,18 %) constitue la majoration applicable au titre des accidents de trajet, dont le coût est mutualisé. Elle est additionnelle du taux brut ;
- M2 (taux 2025 : 56 %) constitue la majoration due aux « charges générales de gestion, dépenses de prévention et de rééducation professionnelle et, depuis 2024, versement à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des AT/MP et compensations entre régimes de sécurité sociale (notamment au titre de déséquilibres démographiques). En tant que majoration d'équilibre, M2 permet également de couvrir les prestations non financées par ailleurs et d'atteindre le solde fixé en LFSS. Cette majoration est multiplicative du taux brut c'est-à-dire qu'elle a d'autant plus d'impact pour une entreprise/un secteur d'activité que sa sinistralité est élevée »67(*) ;
- M3 (taux 2025 : 0,19 %) représente la majoration liée aux maladies professionnelles non imputables à un employeur et aux dotations aux fonds en faveur des victimes de l'amiante ;
- M4 (taux 2025 : 0,03 %) représente la majoration « pénibilité », finançant les dépenses générées par le dispositif de retraite anticipée au titre de l'incapacité permanente et par le compte professionnel de prévention (C2P). Cette majoration est additionnelle du taux brut.
3. Des exceptions à la tarification de droit commun
Le principe d'une tarification dépendant de la sinistralité individuelle au-delà d'un certain effectif, fondé sur les coûts moyens associés à différentes catégories de sinistres ne trouve toutefois pas d'application générale et absolue.
Aussi l'article D. 242-6-14 du code de la sécurité sociale prévoit que les établissements exerçant certaines activités listées par arrêté soient amenés à conserver un taux de cotisation collectif. Tel est, notamment, le cas de secteurs à très faible sinistralité tels que la banque ou l'assurance, mais aussi du secteur médico-social ou des agents et salariés des industries électriques et gazières, des concierges d'immeubles.
Les articles D. 242-6-6 et D. 242-6-22 du même code prévoient également des conditions de tarification dérogatoires pour le secteur des bâtiments et travaux publics.
B. LE SECTEUR MÉDICO-SOCIAL EST SOUMIS À UN TAUX COLLECTIF SYSTÉMATIQUE LIMITANT LE RÔLE PRÉVENTIF DES COTISATIONS VERSÉES
1. Le secteur médico-social se voit appliquer un taux brut collectif quel que soit l'effectif de l'entreprise
Par dérogation au droit commun68(*), le secteur médico-social est soumis à un taux de cotisation AT-MP collectif quel que soit l'effectif de l'entreprise69(*).
On entend ici par secteur médico-social l'ensemble des services d'aide sociale à domicile, l'accueil et hébergement en établissement pour personnes âgées, pour personnes handicapées, pour la petite enfance, l'enfance et l'adolescence, et l'action sociale sous toutes ses autres formes.
Le taux net collectif pour l'ensemble de ces secteurs est fixé, pour 2025, à 3,75 %, après 3,70 % en 2024 (3,5 % en 2020, 3,3 % en 2015). Il concerne, selon la Fehap, 475 000 ETP.
Il s'agit là d'une double particularité par rapport au droit commun : non seulement l'effectif de l'entreprise et, le cas échéant, la sinistralité propre de chaque établissement ne sont pas pris en compte dans la détermination du taux de cotisation, mais en plus un même taux de cotisation est appliqué à des secteurs relevant de codes risques distincts.
Le financement des risques professionnels dans le secteur médico-social public
Le secteur médico-social est scindé entre des acteurs publics et privés, qui ne sont pas soumis aux mêmes règles, notamment en matière de financement du risque professionnel. La branche AT-MP du régime général ne concerne en effet pas les fonctionnaires de l'État, hospitaliers ou territoriaux.
La Fédération hospitalière de France (FHF) rappelle ainsi que les établissements et services médico-sociaux (ESMS) publics sont « leur propre assureur pour l'ensemble du risque absentéisme pour les professionnels relevant du statut de la fonction publique (que la cause soit la maladie ordinaire ou les AT/MP), c'est-à-dire qu'ils payent sur leurs fonds propres l'ensemble des coûts liés notamment aux risques professionnels (dont AT-MP) des titulaires et stagiaires de leurs effectifs ».
Les établissements peuvent cependant souscrire à une assurance pour couvrir le risque d'absentéisme, notamment lié aux AT-MP.
Organisation institutionnelle de la gestion des
risques professionnels
dans les ESMS
En revanche, les personnels contractuels des ESMS relèvent bien de la branche AT-MP du régime général : les établissements doivent donc s'acquitter d'une cotisation à ce titre. Ces personnels représentent environ 20 % des effectifs, selon la FHF. Le taux associé est de 1,31 %, mais n'est pas directement comparable avec le taux collectif de 3,75 % applicable aux salariés du secteur médico-social privé.
Les différences d'organisation institutionnelle dans la gestion des risques professionnels entre secteurs public et privé interrogent sur de potentielles disparités, chaque modèle présentant des avantages et des inconvénients pour les employeurs. Toutefois, faute de données fiables et agrégées sur le coût des risques professionnels, notamment dans le secteur public, il est impossible de se prononcer sur l'équité entre les modes de gestion public et privé des sinistres professionnels.
2. L'application d'un taux collectif quel que soit l'effectif : un frein au déploiement d'une logique de prévention
Si l'application d'un taux collectif se justifie, pour des raisons de simplicité, dans des secteurs peu accidentogènes, elle semble plus contestable dans le secteur médico-social. Cette dérogation prive en effet les pouvoirs publics d'un levier parmi les plus décisifs pour développer la prévention dans un secteur touché par une sinistralité professionnelle particulièrement importante.
L'absence de retour sur investissement des dépenses de prévention par une baisse prévisible des cotisations AT-MP est particulièrement dissuasif compte tenu de la situation financière préoccupante du secteur - rappelons que 66 % des Ehpad étaient en déficit en 2023. La DRP de la Cnam note ainsi que « ces dérogations contreviennent à l'individualisation des taux dont l'effet incitatif est reconnu ».
Dépourvue du levier fiscal, la culture de la prévention apparaît insuffisante dans le secteur médico-social, lequel présente une sinistralité tendanciellement en hausse depuis les années 2010, ce qui se traduit par une hausse du taux global collectif de cotisations AT-MP de 0,45 point en 10 ans. Dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2022 (« Ralfss 2022 »)70(*), la Cour des comptes avait également noté que 19 % des journées d'absences dans les ESMS étaient liées aux risques professionnels.
3. L'application d'un taux collectif généralisé est également source de distorsions entre établissements
L'application d'un même taux collectif pour des secteurs relevant de codes risques différents « crée une forte iniquité entre les activités », selon la DRP de la Cnam. Celle-ci note ainsi que « les activités d'aide sociale à domicile et d'hébergement en établissement pour personnes âgées sont les principales bénéficiaires de ces règles, notamment pour les entreprises en taux calculé (mixte et individuel), avec un impact de l'ordre de 400 millions d'euros de cotisations supplémentaires si la tarification était de droit commun ».
A contrario, « les trois autres types d'activités (hébergement pour personnes handicapées ; hébergement, prévention pour petite enfance, l'enfance, l'adolescence et les autres domaines d'action sociale sont en revanche pénalisées par les règles actuelles (à hauteur de 110 millions d'euros de moindres cotisations si la tarification était de droit commun) ».
Le mode de tarification retenu est donc source d'importantes distorsions entre les secteurs d'activité et conduit en quelque sorte les établissements accueillant des petits enfants, des enfants ou des personnes handicapées à « subventionner » les Ehpad, via une sur-contribution aux risques professionnels.
La rupture d'équité est la plus manifeste pour les grandes entreprises du secteur, qui sont les principales bénéficiaires du taux collectif global. En guise d'illustration, lors de son audition, la DRP de la Cnam a ainsi indiqué que certaines grandes entreprises du secteur des Ehpad bénéficient du taux collectif à 3,75 % alors que le taux de cotisation qui ressortirait de leur sinistralité propre en droit commun serait compris entre 7 % et 8 %.
4. S'acheminer progressivement vers une tarification de droit commun dans le secteur médico-social : une nécessité pour le développement de la prévention et pour l'équité entre secteurs
La rapporteure pour la branche AT-MP s'inscrit dans la lignée du Ralfss 2022, et estime nécessaire de faire progressivement évoluer le modèle de cotisation AT-MP dans le secteur médico-social vers le droit commun.
Compte tenu de la situation financière des Ehpad, toute mesure brutale en la matière serait à proscrire. La Fehap rappelle ainsi que « toute augmentation du coût du travail dans le secteur doit se faire en tenant compte de la situation économique des établissements et services médico-sociaux, dont la dégradation des résultats est historique et qui doivent déjà faire face aux surcoûts induits par les vacances de postes et le manque d'attractivité. Elle ne pourrait avoir lieu dans l'immédiat ».
Il convient toutefois d'accélérer sur ce dossier, la convention d'objectifs et de gestion (COG) AT-MP pour la période 2023-2028 se bornant à prévoir que « des réflexions se poursuivront afin d'identifier et instruire les actions et évolutions des modalités de tarification qui permettront au dispositif d'être plus incitatif », « notamment en ce qui concerne certains secteurs soumis à la tarification collective systématique », sans toutefois donner de calendrier pour l'état des lieux et l'étude d'impact prévus, ni - le cas échéant - pour le déploiement de la mesure.
La rapporteure estime que, dans une logique d'équité, il serait opportun, d'ici 2028, de démutualiser le taux collectif applicable à l'ensemble du secteur médico-social, en prévoyant un taux collectif applicable à chaque code-risque. Cela permettra aux secteurs du handicap et de l'enfance, également touchés par des difficultés financières, de cesser de sur-contribuer.
Proposition n° 4 : Prévoir, dans le secteur médico-social, un taux collectif applicable à chaque code-risque à horizon 2028.
La rapporteure souhaite, par la suite, qu'un taux mixte s'applique, à titre transitoire, à l'ensemble des entreprises de plus de 150 salariés relevant du secteur médico-social, avant de converger progressivement vers le droit commun. Cette mesure doit toutefois être conditionnée à une batterie d'évolutions présentées ci-après pour permettre aux ESMS d'agir sur leur sinistralité propre avant que celle-ci ne puisse influer sur leurs cotisations.
Le cas échéant, des mesures transitoires d'accompagnement pourront être mises en oeuvre pour les établissements les plus impactés, avec un lissage sur plusieurs années du niveau de cotisations, par exemple.
Proposition n° 5 : S'acheminer progressivement vers la tarification de droit commun dans le secteur médico-social, après une période transitoire d'application d'un taux mixte pour les entreprises de plus de 150 salariés, en s'assurant que cette évolution soit suffisamment progressive pour ne pas être source de difficultés financières pour les établissements marqués par une sinistralité particulière.
La rapporteure rappelle également que la tarification AT-MP actuelle dans le secteur conduit à déresponsabiliser les employeurs dans la mesure où la sinistralité pèse collectivement, et non individuellement, sur les coûts AT-MP du secteur. Aussi, l'individualisation des taux de cotisation AT-MP aura certes un coût transitoire pour les établissements, mais cette mesure devrait être neutre voire économe in fine, l'incitation à réduire la sinistralité se répercutant à la baisse sur les cotisations.
5. Le levier de la tarification ne saurait toutefois, seul, favoriser le développement d'une culture de la prévention dans le secteur médico-social
Le levier fiscal doit être combiné à d'autres leviers afin de permettre une baisse pérenne de la sinistralité dans le secteur médico-social : l'absence d'incitation par la tarification AT-MP n'est en effet pas la seule cause de la sinistralité élevée dans le secteur.
• Certains facteurs jouant à la hausse sur la sinistralité semblent exogènes au secteur. La FHF note ainsi que « la dernière décennie a été marquée par une forte évolution du profil des personnes accueillies, avec une entrée plus tardive en établissement, des profils de plus en plus polypathologiques et des besoins d'accompagnement beaucoup plus importants » et une « prévalence de plus en plus forte des troubles cognitifs ».
• D'autres facteurs semblent endogènes au secteur. La FHF comme la Fehap pointent du doigt une situation de sous-effectif liée aux « conditions de travail des soignants »71(*) et à un « problème d'attractivité des métiers du secteur » « accentué par un manque d'attractivité salariale »72(*), à l'origine de risques psycho-sociaux et de troubles musculo-squelettiques. Or, comme l'indique la Fehap, « le manque de professionnels induit des fonctionnements qui ne permettent pas de s'engager dans une démarche de prévention ». Dans le Ralfss 2022, la Cour des comptes notait ainsi qu'« atteindre le ratio d'un salarié pour un résident permettrait de diminuer d'un tiers le taux d'absentéisme lié aux accidents du travail et maladies professionnelles en Ehpad ».
Dans ces conditions, et compte tenu de la situation financière du secteur, il convient de renforcer l'accompagnement de celui-ci pour lui permettre de mettre en oeuvre une véritable politique de prévention.
Si la DRP de la Cnam note que plusieurs codes risques du secteur médico-social faisaient partie des principaux bénéficiaires du Fipu, avec 571 subventions pour des établissements d'hébergement de personnes âgées, 169 et 140 pour l'hébergement de personnes handicapées ou l'aide à domicile, cet outil reste encore insuffisamment mobilisé alors qu'il peut permettre des subventions de 70 % à l'achat d'équipements de prévention, comme des rails plafonniers pour faciliter le déplacement des résidents. Rappelons que les crédits du Fipu sont sous-consommés chaque année depuis sa création.
Proposition n° 6 : Mettre en oeuvre une campagne de communication sur le Fipu auprès des employeurs des secteurs les plus sinistrogènes (médico-social, BTP, intérim, etc.).
Le secteur médico-social public, non éligible au Fipu, devait bénéficier, aux termes de l'article 17 de la loi n° 2023-27073(*) portant réforme des retraites, d'un fonds pour la prévention de l'usure professionnelle (Fpup). Toutefois, au regret de la FHF, ces dispositions n'ont pas trouvé à ce jour d'application opérationnelle, faute de texte d'application.
Proposition n° 7 : Prendre les textes d'application nécessaires à la création du fonds pour la prévention de l'usure professionnelle visant à accompagner les établissements publics de santé et médico-sociaux dans leur investissement en faveur de la prévention.
Enfin, un organisme professionnel de prévention (OPP) pourrait prochainement voir le jour dans le secteur médico-social, la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne (Fehap) ayant indiqué à la rapporteure qu'elle travaillait « à la création d'un organisme paritaire de prévention du secteur chargé de mettre en oeuvre les actions d'un plan paritaire sectoriel. Le premier objectif de l'OPP est de pouvoir agir sur la sinistralité observée sur le secteur tant sur les arrêts de travail reconnus d'origine professionnelle (AT-MP) que sur les arrêts pour maladie et accidents de la vie courante ».
La rapporteure ayant soutenu la diffusion à de nouveaux secteurs de ce modèle né dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), elle accueille très favorablement cette initiative de nature à développer une véritable culture de prévention dans le secteur. Elle estime qu'il serait judicieux d'associer aux travaux et au financement de cet organisme le secteur public, touché par des problématiques similaires en matière de sinistralité.
Proposition n° 8 : Favoriser et accélérer le déploiement d'un OPP du secteur médico-social, en associant les acteurs publics et privés du secteur.
C. DANS LE SECTEUR DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS, LE MODE DE CALCUL DES COTISATIONS ÉCRASE L'EFFET DES SINISTRES GRAVES ET SUSCITE LA TENTATION D'UN TRANSFERT DES RISQUES
1. Le secteur du BTP bénéficie de trois aménagements au droit commun de la tarification AT-MP
Compte tenu de la structure du BTP et de sa sinistralité marquée par une forte prévalence des accidents graves, ce secteur bénéficie historiquement de dérogations à la tarification AT-MP de droit commun. Selon la DRP de la Cnam, la « première dérogation relative au BTP remonte au 31 décembre 1965 ». On compte trois principales dérogations.
• D'abord, le calcul du taux de cotisation AT-MP s'effectue par activité (« section d'établissement ») au sein de chaque établissement, et non par établissement comme en droit commun. Un établissement ayant des activités relevant de codes risques différents se verra donc appliquer des taux de cotisations différents. Cette particularité est source d'une certaine complexité de gestion pour les caisses et d'un manque de lisibilité pour les employeurs, mais permet une meilleure individualisation du risque.
• Le secteur du BTP ne dispose, pour le calcul des coûts des sinistres intervenant dans la détermination du taux brut, que de deux catégories de sinistres ayant engendré une incapacité permanente, contre quatre en droit commun74(*). Seuls sont distingués, dans le BTP, les sinistres ayant donné lieu à un taux d'incapacité permanente inférieur à 10 %, et ceux ayant donné lieu à un taux d'incapacité permanente supérieur à 10 %. Chaque type de sinistre ayant occasionné une incapacité permanente est regroupé, pour déterminer le coût associé, selon trois facteurs de risque : gros oeuvre, second oeuvre et fonctions support.
• Enfin, en Alsace-Moselle, le taux de cotisation mixte s'applique jusqu'à 299 salariés dans les entreprises du BTP, contre 149 en droit commun.
• Par ailleurs, le BTP est l'utilisateur principal du taux « fonctions support de nature administrative », qui « permet à l'employeur qui le demande de bénéficier d'un taux de cotisation AT-MP réduit pour les salariés non exposés au risque principal de l'établissement. Il est réservé aux salariés occupant à titre principal une fonction support de nature administrative »75(*).
Au global, la DRP de la Cnam indique que le « taux brut moyen du CTN B76(*) s'élève pour 2025 à 2,48 %, relativement stable ces dernières années (2,47 % en 2024, 2,50 % en 2021), mais en hausse par rapport à 2015 (2,29 %) et 2019 (2,34 %) ».
2. La tarification ne fait globalement pas obstacle à une logique de prévention
La tarification dans le secteur du BTP, contrairement à celle du médico-social, ne fait pas obstacle à une logique de prévention. La Fédération française du bâtiment (FFB) estime que la tarification « a de toute évidence contribué à sensibiliser les entreprises à plus de prévention ». Celle-ci préserve en effet le principe d'incitation financière à la prévention et de lien entre la sinistralité de l'établissement et le montant de cotisations versé.
Le secteur a, de plus, mis en place il y a plus de 70 ans l'organisme professionnel de prévention du BTP (OPPBTP), afin d'accompagner les entreprises dans leur démarche de prévention par l'information, le conseil et la formation. Cet organisme, qui dispose d'un budget d'environ 53 millions d'euros en 2024, est financé par une cotisation de 0,11 % de la masse salariale et bénéficie également d'une dotation annuelle du Fipu à hauteur de 1,8 million d'euros en 2024.
Dans ce contexte, la FFB rappelle que « le BTP se singularise par une baisse continue du nombre d'accidents du travail depuis plus de 70 ans (création des éléments statistiques de sinistralité) », avec un indice de fréquence divisé par deux en vingt ans.
3. La tarification écrase toutefois le coût des sinistres les plus graves, et désincite donc à la prévention des accidents lourds
Les dérogations accordées au secteur du BTP impliquent que, pour une entreprise soumise à la tarification mixte ou individuelle, la survenue d'un accident très grave ait les mêmes effets sur les cotisations à verser que celle d'un accident de gravité limitée. Les coûts encourus sont en effet les mêmes pour tous les sinistres engendrant une incapacité permanente de 10 % au moins.
La DRP de la Cnam note ainsi que « pour les plus gros employeurs, l'uniformisation du coût des sinistres à l'exception des moins sévères s'avère désincitative à la prévention des sinistres graves et mortels ».
La rapporteure déplore les effets de cette harmonisation : une entreprise qui aura limité la gravité d'un sinistre en ayant sensibilisé au préalable ses effectifs au port d'équipements de protection individuelle (EPI) ou à une logique de prévention se verra pénalisée de la même manière qu'une entreprise qui n'a mis en oeuvre aucune mesure de prévention et pour laquelle un même sinistre aura des conséquences accrues.
Cette particularité présente également des effets distorsifs puisqu'elle conduit les employeurs en tarification collective à surcontribuer à hauteur de 12 millions d'euros, au bénéfice des employeurs en tarification individuelle à mixte, plus fortement concernés par les sinistres graves.
La rapporteure propose donc de créer un palier supplémentaire, à 40 % de taux d'incapacité permanente, pour l'imputation des coûts des sinistres dans les cotisations pour le secteur du BTP. Une telle évolution devrait toutefois faire l'objet d'une étude d'impact préalable et ne pas susciter l'opposition des organisations professionnelles concernées.
Elle permettrait de ne pas pénaliser excessivement les sinistres de gravité moyenne, et de récompenser les employeurs qui ont mis en oeuvre une démarche de prévention spécifique pour les sinistres les plus graves.
Proposition n° 9 : Engager des concertations en vue de créer un nouveau palier pour la tarification des AT-MP ayant provoqué une incapacité permanente dans le secteur du BTP.
La DRP de la Cnam indique également que la tarification est « susceptible de générer des pratiques d'optimisation (manipulation de masses salariales) ».
4. Le transfert de risques : une dérive contre laquelle lutter
Compte tenu de la sinistralité du secteur, le BTP est particulièrement touché par un phénomène de transfert de risques. Par le recours à l'intérim ou à la sous-traitance pour des tâches particulièrement sinistrogènes, le risque AT-MP - et le coût associé en cas de sinistre - peut ainsi être délégué à d'autres employeurs.
De telles pratiques présentent des risques de sinistralité accrus. Les sous-traitants et les intérimaires sont en effet plus exposés aux situations à risque en raison de plusieurs facteurs : intégration insuffisante dans l'entreprise donneuse d'ordre, méconnaissance des procédures de sécurité spécifiques, moindre accès à la formation, et parfois une précarité de l'emploi qui les pousse à accepter des tâches risquées sans oser signaler les dangers.
Pour lutter contre cette évolution préoccupante dans l'intérim, le décret du 5 juillet 202477(*), dont l'entrée en vigueur est prévue progressivement entre 2026 et 2028, prévoit que l'entreprise de travail temporaire (ETT) et l'entreprise utilisatrice (EU) partagent désormais à parts égales le coût de l'ensemble des AT-MP, quelle que soit la gravité des sinistres.
Auparavant, seuls les sinistres ayant entrainé un taux d'incapacité permanente de plus de 10 % ou le décès du salarié étaient soumis à un partage des coûts, avec une affectation aux deux tiers à l'ETT et au tiers à l'EU. Les sinistres n'ayant engendré qu'une incapacité temporaire, ou une incapacité permanente de moins de 10 % étaient, eux, à la charge exclusive de l'entreprise de travail temporaire.
Rien n'est toutefois envisagé, à ce stade, pour les cas de sous-traitance. La rapporteure soutient l'idée qu'un partage des coûts soit mis en oeuvre dans ces situations, la charge financière pour l'entreprise donneuse d'ordre devant être moindre que celle pour l'entreprise utilisatrice d'intérim. Une telle évolution devrait toutefois faire l'objet de concertations dans différents secteurs.
Proposition n° 10 : Engager des concertations pour mettre en oeuvre un partage du coût des sinistres professionnels entre le donneur d'ordres et le sous-traitant.
III. LES INÉGALITÉS DE PENSION ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES RETRAITÉS (PASCALE GRUNY)
A. MALGRÉ UN RATTRAPAGE PROGRESSIF, LES PENSIONS DE RETRAITE PERÇUES PAR LES FEMMES RESTENT INFÉRIEURES À CELLES PERÇUES PAR LES HOMMES
En 2021, le montant de la pension de droit direct78(*) perçu par les femmes restait inférieur de 37 % à celui perçu par les hommes, et ce malgré la prise en compte de la majoration pour trois enfants ou plus79(*). Si cet écart a tendance à se réduire progressivement (il était de 40 % en 2020 et de 54 % pour la génération née en 193080(*)) en raison de l'insertion croissante des femmes sur le marché du travail, de leur augmentation de niveau de diplôme et de rémunération, les carrières des femmes pâtissent plus que celles des hommes des conséquences de l'éducation des enfants, creusant de fait les inégalités entre les sexes.
1. Cet écart résulte des différences de carrière entre les femmes et les hommes
Le niveau moyen des pensions de retraite de droit direct connaît une tendance à l'augmentation depuis le début des années 2000, ce qui s'explique par l'effet dit « de noria ». En effet, les retraités disposent, pour le calcul de leur pension, d'évolutions de carrière plus favorables et d'un niveau de rémunération croissant par rapport aux générations précédentes.
Évolution de la pension moyenne versée par les régimes de base
Source : Rapport d'évaluation des politiques de sécurité sociale « Retraites » annexé au présent Placss
Cette dynamique est plus favorable aux femmes qu'aux hommes : entre 2004 et 2021, la pension de droit direct des femmes a augmenté de 20 %, contre 4,7 % pour celle des hommes. Cette différence d'augmentation s'explique avant tout par le fait que les pensions de retraite des femmes sont plus faibles que celles des hommes, aussi, la plus forte hausse qu'elles connaissent ne doit toutefois pas occulter une persistance des écarts de pensions entre les sexes.
Le système de retraite par répartition est un système de nature contributive. Le niveau des pensions de retraite du régime général et des régimes de base dépend du revenu d'activité d'une part, et de la durée d'assurance validée, d'autre part.
Outre les différences de rémunérations81(*), la persistance d'un écart de pension entre les femmes et les hommes s'explique également par l'impact de l'éducation des enfants sur la carrière, qui pèse principalement sur les femmes.
L'étude du taux d'activité de la tranche d'âge entre 25 et 49 ans, qui correspond à la période d'éducation des enfants, révèle ainsi de grandes disparités. En 2021, il était supérieur à 90 % pour les pères en activité, et ce indépendamment du nombre d'enfant au foyer. À l'inverse, on constate une corrélation certaine entre le nombre d'enfants et l'activité des mères : 88,2 % des femmes sans enfants appartenant à cette tranche d'âge étaient en activité en 2021, contre 83,7 % des mères avec un enfant, et seulement 50,5 % des mères avec trois enfants ou plus. Les femmes sont également plus sujettes au temps partiel que les hommes : en 2021, parmi les femmes en emploi salarié, 39,7 % des mères recouraient au temps partiel82(*).
2. Les femmes retraitées sont les principales bénéficiaires des dispositifs visant à assurer un revenu minimum, ce qui atteste de leur paupérisation
Au-delà du constat des écarts de pension de droit direct, les femmes sont sur-représentées parmi les retraités bénéficiaires des mécanismes visant à assurer un revenu minimum que sont le minimum de pension et le minimum vieillesse.
Le minimum de pension, mis en place au sein des régimes de base, est ouvert aux assurés ayant liquidé l'ensemble de leurs pensions et accessibles au taux plein dès lors qu'ils remplissent les conditions de durée d'assurance requise et d'âge légal d'ouverture des droits. Il permet d'élever le niveau de la pension de retraite jusqu'à un seuil d'écrêtement. Les femmes représentent 73 % de ses bénéficiaires au sein du régime général.
Le minimum vieillesse, dont le versement est indépendant de la durée d'assurance, et qui permet d'assurer une pension minimale de 1 034,28 euros par mois à une personne seule ainsi qu'à une personne en couple, et de 1605,73 euros pour les deux membres d'un couple83(*), compte 56 % de femmes parmi ses bénéficiaires. Parmi les 76 % d'allocataires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) qui sont des personnes isolées, deux tiers sont des femmes84(*). Selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), en 2022, 30 % des femmes seules non veuves étaient bénéficiaires de l'Aspa85(*).
B. CES INÉGALITÉS PEUVENT ÊTRE COMPENSÉES PAR DES MÉCANISMES CORRECTEURS
1. Les dispositifs de solidarité permettent d'atténuer les écarts de pension entre les femmes et les hommes
Outre le minimum de pension et le minimum vieillesse, certains mécanismes de solidarité, qui sont spécifiquement destinés à compenser les inégalités de carrière résultant de l'éducation des enfants, bénéficient dans les faits principalement aux mères et contribuent à réduire l'écart de niveau de pension de retraite avec les hommes. Les juridictions européennes et nationales ont toutefois jugé discriminatoire le fait de réserver juridiquement ces dispositifs aux seules mères86(*).
Les dispositifs de solidarité remplissent différents objectifs
Les minima de pension et les majorations de pension pour trois enfants et plus majorent le montant de la pension de droit direct.
Les dispositifs compensatoires que sont l'assurance vieillesse des parents au foyer, les majorations de durée d'assurance pour enfant augmentent la durée d'assurance validée.
Les départs anticipés pour motif familial et pour carrières longues permettent de partir à la retraite avant l'âge légal.
La reconnaissance d'un statut d'inaptitude ou d'invalidité permet de partir à la retraite à taux plein dès l'âge légal de départ à la retraite, et ce même lorsque la durée d'assurance validée est inférieure à celle requise pour l'obtention du taux plein.
La pension de réversion ou pension de droit dérivé permet, sous certaines conditions, de verser au conjoint survivant tout ou partie de la retraite dont bénéficiait son conjoint décédé.
Les droits familiaux de retraite que sont les majorations de durée d'assurance pour enfant, les majorations de pension pour les parents de trois enfants ou plus, ainsi que l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF)87(*), bénéficient principalement aux mères. Quelque 90 % des femmes retraitées bénéficient d'au moins un droit familial88(*). Au titre de l'année 2022, le nombre de trimestres validés au titre de l'AVPF, des trimestres dits de période assimilée et des trimestres de majoration de durée d'assurance est en moyenne de 40 pour les femmes et de 13 pour les hommes.
Décomposition de la durée validée par les nouveaux retraités de l'année 2022 selon la nature des trimestres
Source : Rapport d'évaluation des politiques de sécurité sociale « Retraites » annexé au présent Placss
Selon la Cour des comptes, la part des droits familiaux que sont les trimestres de majoration de durée d'assurance (MDA), d'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) et les majorations de pensions représenterait 10 % de la masse des pensions de droit direct en 2040 contre 6,7 % en 201689(*). Il convient néanmoins de souligner que les majorations de pension augmentent les écarts de pension entre les sexes lorsqu'elles s'appliquent aux pensions des pères, qui sont en moyenne plus élevées. La part de ces majorations dans la masse des pensions de droit direct n'est pas renseignée, de sorte qu'il ne peut être déduit que cette masse financière bénéficie principalement aux mères.
Le dernier mécanisme qui contribue au rattrapage du niveau de pension des hommes par les femmes est enfin la pension de réversion90(*), dont 88 % des bénéficiaires étaient en 2021 des femmes91(*). Cela s'explique par leur plus grande longévité, le fait qu'elles sont en moyenne plus jeunes de deux ans que leur conjoint, mais également par le fait que les hommes veufs perçoivent des pensions de droit direct plus élevées qui leur ouvrent moins droit à la pension de réversion. En 2020, les pensions de réversion ont réduit de 12 points (28 % contre 40 %) les écarts de pension entre hommes et femmes92(*).
Selon les estimations effectuées par le Conseil d'orientation des retraites dans son rapport annuel de 2022 et reprises par la Cour des comptes dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale de mai 2023, cet écart de pension se réduirait jusqu'à atteindre 17 % en 2040 mais persisterait en raison de l'écart des salaires.
2. Certains mécanismes continuent toutefois de pénaliser les femmes
Si les dispositifs de solidarité participent au rattrapage du niveau des pensions entre les femmes et les hommes, certaines règles restent dans les faits défavorables aux femmes, qui subissent plus d'interruption de carrière que les hommes.
Tel est le cas de la prise en compte du salaire de référence sur les 25 meilleures années dans le calcul de la pension de retraite du régime général. Ce mécanisme, qui permet d'exclure les plus bas salaires, est accessible aux assurés ayant une carrière d'une durée supérieure à 25 ans. Par ailleurs, l'effet du temps partiel sur le salaire de référence est beaucoup plus fort en fin de carrière qu'en début de carrière. Or, les femmes sont plus souvent amenées que les hommes à recourir au temps partiel en fin de carrière pour endosser leur rôle d'aidant familial de leurs enfants ou de leurs parents âgés.
Le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue (RACL) qui permet aux personnes ayant travaillé avant un certain âge et ayant validé la durée de cotisation légale, introduit par la réforme des retraites de 2003 et renforcé lors de la dernière réforme des retraites du 14 avril 2023, bénéficie également dans les faits aux hommes plus qu'aux femmes93(*), dans la mesure où ils sont plus nombreux à remplir la condition de durée légale de cotisation.
Les conditions de départ en retraite des femmes et des hommes
Source : Patrick Aubert, Les départs anticipés pour carrière longue devraient-ils permettre de partir à la retraite dès qu'on a cotisé la durée requise ?, Institut des politiques publiques, février 2024
Si les trimestres de maternité ainsi que ceux validés au titre de l'AVPF comptent parmi les trimestres cotisés pour le départ en retraite anticipée, ce n'est pas le cas des majorations de durée d'assurance pour enfants.
Enfin, le dispositif de cumul emploi-retraite permet à une personne ayant atteint la durée d'assurance requise et liquidé l'ensemble de ses pensions de retraite de continuer à exercer une activité rémunérée, dans les limites d'un plafond lorsqu'elle n'a pas atteint l'âge légal d'ouverture des droits. La réforme des retraites du 14 avril 2023 a ouvert la possibilité, pour les retraités bénéficiant du cumul emploi-retraite intégral (non plafonné), d'acquérir par leur activité rémunérée de nouveaux droits à la retraite à compter du 1er janvier 2023.
Parmi les retraités du régime général exerçant une activité salariée dans le cadre de ce dispositif en 2020, les femmes sont majoritaires dans les groupes ayant les plus faibles pensions de retraite et les plus faibles salaires. Elles représentent ainsi 68 % des professions intermédiaires ayant eu des carrières complètes avec des salaires compris entre la moitié et les deux tiers du plafond de la sécurité sociale, qui leur offrent des pensions modestes, et 87 % des retraités ayant liquidé leur pension sans avoir rempli la durée d'assurance requise, soit à l'âge d'obtention automatique du taux plein, à la suite d'une carrière incomplète, et qui touchent de ce fait les pensions les plus faibles94(*).
*
* *
Si le rapporteur se félicite de l'effet de rattrapage du niveau des pensions induit par l'évolution des carrières et des rémunérations des femmes, d'une part, et les dispositifs de solidarité, d'autre part, elle appelle de ses voeux à poursuivre ces efforts afin d'atteindre l'objectif d'égalité entre les hommes et les femmes qui s'applique aux pensions de retraite95(*).
Le rapporteur fait sienne la recommandation de la Cour des comptes dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale de mai 2023 visant à compenser en coût constant l'incidence des pertes de trimestres et de salaires liées aux interruptions de carrière pour l'éducation des jeunes enfants, en recourant moins à l'attribution de trimestres et plus à la majoration de pensions, tout en préservant des droits spécifiques aux parents de plus de trois enfants.
Elle appelle également à une meilleure prise en compte du temps partiel dans le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue, ainsi qu'à inclure dans la durée ouvrant droit au dispositif de retraite anticipée pour carrière longue les trimestres de majoration de durée d'assurance pour l'éducation des enfants.
Proposition n° 11 : Compenser en coût constant l'incidence des pertes de trimestres et de salaires liées aux interruptions de carrière pour l'éducation des jeunes enfants. À cette fin, recourir moins à l'attribution de trimestres et davantage à la majoration de pensions, tout en préservant des droits spécifiques aux parents de plus de trois enfants.
Proposition n° 12 : Mieux prendre en compte le temps partiel dans le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue.
Proposition n° 13 : Prendre en compte les trimestres de majoration de durée d'assurance pour l'éducation des enfants dans le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue.
IV. LES INDUS FRAUDULEUX DE LA CAISSE NATIONALE DES ALLOCATIONS FAMILIALES (OLIVIER HENNO)
A. LE DISPOSITIF DE RECOUVREMENT DES INDUS FRAUDULEUX PRÉSENTE DES PERFORMANCES CONTRASTÉES MALGRÉ UNE DYNAMIQUE D'AMÉLIORATION
1. Le dispositif juridique du recouvrement des indus frauduleux encadre l'action des caisses d'allocations familiales
La notion d'indu frauduleux distingue l'indu résultant d'une simple erreur de l'indu consécutif à une fraude96(*). Elle suppose la réunion de trois éléments : une violation d'une disposition légale ou réglementaire, l'obtention ou la tentative d'obtention d'une prestation indue, et l'intentionnalité. La fraude doit être établie à partir d'un faisceau d'indices concordants rendant la procédure de qualification exigeante pour les caisses d'allocations familiales.
Dès la détection d'un indu frauduleux, la caisse est tenue de notifier à l'allocataire la nature et le montant de la créance, ainsi que les motifs justifiant la qualification de fraude97(*). Cette notification ouvre à l'allocataire la possibilité d'exercer un recours, d'abord devant la commission de recours amiable, puis, le cas échéant, devant le tribunal judiciaire. En matière de recouvrement, les caisses d'allocations familiales privilégient la retenue sur les prestations en cours mais elles peuvent également recourir à d'autres modes de recouvrement tels que la mise en demeure ou la saisie sur compte bancaire. Le délai de prescription de l'action en recouvrement est fixé à deux ans à compter de la découverte de la fraude bien que le délai soit interrompu dès l'engagement de poursuites pénales98(*).
Lorsqu'un indu frauduleux d'un montant supérieur ou égal à 10 000 euros est constaté, la caisse d'allocations familiales a l'obligation de signaler le dossier au procureur de la République dans une logique d'articulation de l'action administrative de recouvrement avec l'action pénale99(*). En cas d'impossibilité manifeste de recouvrer la créance, notamment en cas de décès de l'allocataire, d'insolvabilité avérée ou d'usurpation d'identité, la dette est admise en non-valeur100(*).
2. La progression quantitative du recouvrement des indus frauduleux est notable mais demeure insuffisante au regard des enjeux financiers
Les données consolidées démontrent une amélioration substantielle du recouvrement des indus frauduleux sur la période 2020-2024. Les montants recouvrés ont progressé de 250 millions d'euros en 2020 à 314 millions d'euros en 2024, soit une augmentation de plus de 25 % en quatre ans. Cette performance s'inscrit dans le cadre des objectifs fixés par la convention d'objectifs et de gestion conclue entre l'État et la caisse nationale des allocations familiales (2023-2027) visant à porter le taux de recouvrement des indus frauduleux identifiés (hors revenu de solidarité active) à 24 mois de 76 % en 2023 à 80 % en 2027.
Indicateurs de cible de recouvrement des indus
frauduleux
et non frauduleux fixés par la COG
(en %)
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Taux de recouvrement des indus frauduleux à 24 mois |
76 |
77 |
78 |
79 |
80 |
Taux de recouvrement des indus non frauduleux à 48 mois |
88 |
88,5 |
89 |
89,5 |
90 |
COG : convention d'objectifs et de gestion.
Source : Réponse au questionnaire du rapporteur par la Cnaf
Cependant, cette amélioration doit être relativisée au regard de l'ampleur des enjeux financiers. Sur les 4,2 milliards d'euros d'indus frauduleux et non frauduleux estimés à partir des indicateurs de risque pour la branche famille en 2023, seuls 400 millions d'euros d'indus frauduleux ont été détectés et 300 millions d'euros mis en recouvrement effectif.
Indus frauduleux recouvrés
(en euros)
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
250 198 714 |
262 102 262 |
284 219 724 |
296 769 148 |
314 320 249 |
Source : Réponse au questionnaire du rapporteur par la Cnaf
Le montant total des indus frauduleux identifiés a progressé de 196 millions d'euros entre 2020 et 2024, soit une augmentation de 94 %. La courbe ascendante suggère à la fois une amélioration de la détection des indus frauduleux par la caisse nationale des allocations familiales et une augmentation des comportements frauduleux. Certaines augmentations sont très préoccupantes : le volume des indus frauduleux identifiés de la prime d'activité est passé de 17 millions d'euros en 2020 à 42 millions d'euros en 2024, soit une augmentation de 144 %, tandis que celui de l'allocation pour adulte handicapé est passé de 2,6 millions d'euros à 17,4 millions d'euros sur la même période, soit une augmentation de 558 %.
Montant par année et par prestation des principaux indus frauduleux identifiés
(en euros)
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
|
Revenu de solidarité active |
127 856 648 |
133 777 247 |
137 319 150 |
138 276 319 |
143 339 577 |
Prime d'activité |
7 250 154 |
29 381 390 |
36 349 383 |
36 095 240 |
42 103 560 |
Aide personnalisée au logement |
12 125 771 |
13 506 481 |
15 186 219 |
16 101 777 |
21 992 737 |
Allocation pour le logement familial |
12 594 927 |
15 757 818 |
17 791 806 |
18 398 607 |
21 045 557 |
Allocation adulte handicapé |
2 648 104 |
3 974 613 |
4 730 442 |
10 131 672 |
17 428 160 |
Allocation de soutien familial |
6 036 854 |
7 705 131 |
8 823 855 |
9 649 292 |
13 807 095 |
Total |
209 777 912 |
282 057 534 |
333 198 617 |
358 301 115 |
406 450 093 |
Source : Réponse au questionnaire du rapporteur par la Cnaf
3. Les écarts territoriaux de performance révèlent des marges d'amélioration dans l'homogénéisation des pratiques
L'analyse des performances territoriales révèle une hétérogénéité importante des résultats entre les 101 caisses d'allocations familiales. En 2024, les taux de recouvrement financier des indus frauduleux entre les caisses les plus efficaces et celles qui le sont moins vont de 50,7 % à 94,6 %, soit un écart de près de 44 points. Toutefois, par rapport à 2023, l'écart intervingtile entre les caisses est passé de 38 points à 17 points.
Cette disparité peut soulever des interrogations sur l'efficacité de l'organisation décentralisée du recouvrement. Les facteurs explicatifs identifiés, tels que l'hétérogénéité des publics, les typologies de fraudes différenciées selon les départements et les capacités financières variables des allocataires, ne suffisent pas à justifier entièrement de tels écarts de performance dans l'application uniforme de procédures nationales.
B. LES SPÉCIFICITÉS PROCÉDURALES DES INDUS FRAUDULEUX GÉNÈRENT DES CONTRAINTES OPÉRATIONNELLES MAJEURES QUI REQUIÈRENT UNE EXPERTISE ADAPTÉE
1. La complexité de la qualification de la fraude nécessite des délais de traitement étendus malgré l'existence d'outils d'aide à la décision
La qualification de la fraude mobilise des ressources considérables et génère des délais de traitement significativement supérieurs à ceux des indus non frauduleux. Les indus frauduleux nécessitent en moyenne 20 mois de recouvrement contre 4,4 mois pour les indus non frauduleux, soit un facteur multiplicateur de 4,5. Cette différence substantielle s'explique par la complexité inhérente à l'établissement de l'intentionnalité et la nécessité de respecter les droits des allocataires dans le cadre de procédures contradictoires.
L'utilisation du « mémento fraude », outil d'aide à la décision composé de 9 fiches thématiques, vise à harmoniser les pratiques de qualification. Cet outil, fruit de l'expertise capitalisée par la caisse nationale des allocations familiales, n'a cependant pas encore permis de résorber entièrement les écarts territoriaux de performance.
2. Les montants unitaires élevés des indus frauduleux amplifient les difficultés de recouvrement et réduisent l'efficacité des procédures
Les indus frauduleux présentent un montant unitaire moyen 15 fois supérieur à celui des indus non frauduleux (7 981 euros contre 542 euros en 2023). Cette caractéristique structurelle génère des difficultés spécifiques de recouvrement, notamment un risque accru d'absence de prestations permettant d'effectuer des retenues.
La part du recouvrement dans l'année d'implantation de la créance s'établit à seulement 34,1 % pour les indus frauduleux contre 79,2 % pour l'ensemble des indus. Cette performance dégradée s'explique par la fréquence plus élevée des ruptures de prestations (57 % contre 77 %), privant les caisses d'allocations familiales de leur principal levier de recouvrement amiable.
Les pertes sur indus frauduleux comptabilisées dans les charges de la Cnaf s'élèvent à 6,2 milliards d'euros en 2024. La complexification de la prime d'activité et celle des aides au logement expliquent en grande partie le montant des pertes sur indus frauduleux.
C. L'ORGANISATION DU RECOUVREMENT MOBILISE DES MOYENS CONSÉQUENTS AVEC UN RENDEMENT ÉCONOMIQUE SATISFAISANT MALGRÉ DES DÉFIS PERSISTANTS SUR LA MODERNISATION INFORMATIQUE ET LA PRÉVENTION DES INDUS FRAUDULEUX.
1. Le dispositif organisationnel est coûteux mais présente une performance incontestée
La branche famille mobilise 3 336 équivalents temps plein (ETP) dédiés au contrôle, à la fraude et au recouvrement en 2024, représentant 10 % de ses effectifs totaux. Parmi ces ressources, 1 030 ETP sont spécifiquement affectés au recouvrement des indus frauduleux et non frauduleux.
L'analyse du rendement économique révèle une efficacité notable : en 2023, chaque ETP dédié au recouvrement a permis de récupérer 3 113 250 euros, pour un ratio coût-efficacité de 53,5 euros recouvrés pour 1 euro investi. Cette performance, stable par rapport à 2022 (53,1 euros), démontre la viabilité financière du dispositif.
Le rattachement des services de recouvrement aux directions comptables et financières des caisses d'allocations familiales depuis 2017 a permis une professionnalisation des équipes mais n'a pas résorbé les écarts territoriaux de performance, suggérant la nécessité d'une harmonisation renforcée des pratiques professionnelles.
2. La modernisation des outils informatiques s'accélère pour répondre à des défis technologiques croissants
Le système d'information du recouvrement des indus frauduleux repose principalement sur l'outil de gestion Corali, dont la refonte est programmée pour fin 2025. Cette modernisation, accompagnée d'évolutions fonctionnelles régulières (trois fois par an en moyenne), vise à améliorer l'efficacité du suivi des créances et la qualité du pilotage opérationnel.
Les perspectives d'innovation technologique incluent l'utilisation du datamining pour cibler les dossiers présentant un risque d'indu supérieur à 600 euros sur six mois, et le déploiement d'un modèle big data utilisant des graphes pour identifier des schémas de fraudes complexes. Ces innovations pourraient significativement améliorer les capacités de détection préventive.
3. L'importance de la prévention des indus frauduleux et l'apport de la solidarité à la source
La prévention des indus occupe une place stratégique dans la politique de maîtrise des risques financiers de la branche famille. Plutôt que de concentrer l'essentiel des efforts sur la détection et le recouvrement a posteriori, il s'agit de limiter en amont la survenue des situations génératrices d'indus, qu'elles soient frauduleuses ou non. Les mesures de prévention, telles que l'amélioration des contrôles ex ante, la fiabilisation des échanges de données et la sensibilisation des usagers, constituent ainsi un levier essentiel pour limiter la volumétrie des indus à traiter et recentrer les moyens sur les cas les plus complexes ou litigieux.
Dans cette perspective, la généralisation au 1er mars 2025 de la solidarité à la source pour le revenu de solidarité active (RSA) et la prime d'activité, testée depuis octobre 2024 dans cinq départements101(*), représente une avancée majeure. Ce dispositif consiste à préremplir automatiquement les éléments nécessaires au calcul des droits sociaux, en s'appuyant sur les données détenues par l'administration fiscale, les employeurs ou d'autres organismes sociaux. En réduisant la part des déclarations manuelles et des saisies par l'allocataire, la solidarité à la source limite mécaniquement les risques d'erreur ou d'omission, qu'ils soient involontaires ou intentionnels. Ce mode de gestion, déjà éprouvé dans le champ du prélèvement à la source de l'impôt, a une vertu dissuasive : il rend plus difficile la manipulation frauduleuse des informations déclaratives, puisque l'essentiel des données est transmis directement par des tiers de confiance.
D. HARMONISER LES PRATIQUES, MODERNISER LES OUTILS ET RENFORCER LA PRÉVENTION
1. L'harmonisation des pratiques territoriales et la professionnalisation des acteurs constituent des leviers majeurs pour garantir l'équité et l'efficacité du dispositif de gestion des indus
La gestion des indus dans la branche famille demeure marquée par des disparités territoriales persistantes, tant en matière de détection que de recouvrement. Afin de garantir une équité de traitement sur l'ensemble du territoire et d'optimiser la performance globale du dispositif, il apparaît indispensable de poursuivre la mise en oeuvre du référentiel national de bonnes pratiques. Un dispositif d'accompagnement renforcé devrait être déployé spécifiquement auprès des caisses d'allocations familiales les moins performantes, en prenant en compte leurs spécificités territoriales, afin de leur apporter un appui méthodologique, organisationnel et technique adapté à leurs besoins. Cette démarche vise à résorber les écarts de performance constatés et à garantir une application uniforme des procédures nationales.
Parallèlement, la professionnalisation des acteurs chargés de la lutte contre la fraude et la gestion des indus doit être consolidée. L'adaptation de la formation « gestionnaire fraude » constitue une priorité, avec l'instauration d'une certification obligatoire et d'un recyclage périodique pour l'ensemble des agents concernés. Ce dispositif de formation devra intégrer les nouvelles typologies de fraudes, notamment celles liées à la digitalisation croissante des démarches et à l'utilisation de techniques sophistiquées d'usurpation d'identité ou de falsification documentaire. La montée en compétence des équipes, associée à une culture commune du contrôle et du recouvrement, est un gage d'efficacité et de sécurisation du dispositif.
Proposition n° 14 : Renforcer l'harmonisation des pratiques territoriales en matière d'indus frauduleux au sein de la branche famille et la professionnalisation des acteurs.
2. L'accélération de la modernisation informatique et la révision des seuils économiques permettent de rationaliser la gestion et d'optimiser l'allocation des ressources
La modernisation des outils informatiques constitue un axe structurant pour la détection et le traitement des indus. Le déploiement anticipé de la refonte du système d'information Corali, avec l'intégration native d'outils de datamining et d'intelligence artificielle, doit permettre d'améliorer la détection préventive des fraudes et de cibler plus efficacement les contrôles. Cette évolution technologique s'inscrit dans une logique d'anticipation et de rationalisation des moyens, en facilitant le repérage des situations à risque et en réduisant les délais de traitement. Elle doit également s'accompagner d'une simplification des procédures de qualification des indus frauduleux, notamment par la révision du « mémento fraude ».
Par ailleurs, la révision des seuils économiques applicables à la mise en recouvrement et à l'admission en non-valeur (ANV) serait essentielle pour éviter d'engager des coûts de gestion disproportionnés par rapport au montant des créances.
Aux yeux du rapporteur, plusieurs mesures structurantes sont à mettre en avant. Premièrement, le relèvement du seuil de mise en recouvrement à 1,27 % du plafond mensuel de la sécurité sociale en vigueur (article D. 133-2 du code de la sécurité sociale), permettrait de concentrer les efforts sur les créances à fort enjeu et de limiter le traitement des dossiers de faible montant, dont la gestion représente un coût administratif élevé. Deuxièmement, le relèvement du seuil d'ANV pour faible montant de la créance à 5,3 % du plafond mensuel de la sécurité sociale (soit 209 euros au 1er janvier 2025, contre 80 euros actuellement), en accord avec les arrêtés du 25 août 1995 et du 26 décembre 2001, constituerait un levier d'optimisation des ressources. Enfin, la création d'un nouveau motif d'ANV pour les indus frauduleux issus d'usurpations d'identité, dans les situations d'impossibilité d'identification du débiteur (article D. 133-2-1 du code de la sécurité sociale), permettrait d'éviter l'engagement de procédures coûteuses et sans perspective de recouvrement effectif.
La combinaison de l'harmonisation des pratiques, de la professionnalisation des acteurs, de la modernisation des outils et de la rationalisation économique des seuils permettrait d'apporter une réponse structurée et efficace aux enjeux de gestion des indus dans la branche famille. Elle permet de recentrer les moyens sur les situations à fort enjeu, d'améliorer la performance globale du dispositif et de renforcer la confiance des usagers dans la capacité de la branche à garantir l'équité et la rigueur dans la gestion des fonds publics.
Proposition n° 15 : Accélérer la modernisation informatique.
Proposition n° 16 : Réviser les seuils économiques applicables à la mise en recouvrement et à l'admission en non-valeur.
3. Une extension de la solidarité à la source pourrait réduire le volume et la gravité des indus
La prévention des indus doit également s'appuyer sur la généralisation de la solidarité à la source, actuellement seulement utilisée pour les aides au logement, le RSA et la prime d'activité. Pour le moment, la Cnaf ne prévoit pas d'étendre la solidarité à la source mais un tel projet pourrait être contractualisé dans le cadre d'une future convention d'objectifs et de gestion.
Comme indiqué, la solidarité à la source consiste à préremplir automatiquement les données nécessaires au calcul des droits à partir des informations détenues par l'administration fiscale, les employeurs ou d'autres organismes. Ce dispositif limite les erreurs ou omissions déclaratives et contribue à réduire le risque de fraude. L'harmonisation des règles de gestion et la simplification des procédures participent également à la diminution des indus liés à des décalages réglementaires. Enfin, la conduite de campagnes régulières de sensibilisation et la mise en place de dispositifs de tiers-déclaration complètent cette approche préventive, en responsabilisant l'ensemble des acteurs et en facilitant la régularisation des situations à risque.
Par ailleurs, la solidarité à la source constitue un levier déterminant pour remédier à la non-certification des comptes de la branche famille par la Cour des comptes. En effet, la Cour relève que l'insuffisante fiabilité des données déclarées par les allocataires demeure la principale cause du volume élevé d'erreurs non détectées, frauduleuses ou non, estimé à plus de 6 milliards d'euros en 2024, ce qui empêche la certification des comptes depuis 2022. La solidarité à la source permettrait de réduire significativement le risque d'erreur déclarative et, par conséquent, d'améliorer la qualité comptable des prestations versées. Selon la Caisse nationale des allocations familiales, l'extension de ce dispositif répondrait ainsi aux exigences de fiabilité attendues par la Cour des comptes et pourrait permettre, à terme, de lever la réserve majeure qui pèse sur la certification des comptes de la branche famille.
Ces recommandations s'inscrivent dans une démarche d'amélioration continue et vise à garantir l'efficience, l'équité et la soutenabilité du dispositif de gestion des indus dans la branche famille de la sécurité sociale.
Proposition n° 17 : Étudier la possibilité d'étendre la solidarité à la source à de nouvelles prestations.
V. LE RECOURS À L'ALLOCATION JOURNALIÈRE DU PROCHE AIDANT (AJPA) (CHANTAL DESEYNE)
A. L'ALLOCATION JOURNALIÈRE DU PROCHE AIDANT : UNE ALLOCATION MISE EN PLACE POUR RENFORCER L'EFFECTIVITÉ DU CONGÉ DE PROCHE AIDANT
1. En reconnaissance du rôle des proches aidants, le législateur a créé un congé et une allocation spécifiques
a) La nécessité de reconnaître le rôle des proches aidants
En France, près d'une personne sur cinq est proche aidante, soit 8,8 millions d'adultes et 0,5 million de mineurs âgés de cinq ans ou plus102(*). Les aidants sont définis comme les personnes qui viennent en aide, de manière régulière et fréquente et à titre non professionnel, à une personne en perte d'autonomie du fait de son âge, de sa maladie ou de son handicap pour l'aider à accomplir des actes ou des activités de la vie quotidienne103(*).
Depuis plusieurs années, le nombre et le rôle des proches aidants prennent de l'ampleur sous les effets du vieillissement de la population, des difficultés d'accès aux soins et de l'impossibilité, pour certaines familles, de financer une aide à domicile ou un placement en établissement. Peu à peu et le plus souvent par défaut, les proches aidants se substituent aux professionnels en réalisant parfois eux-mêmes les gestes de soin.
Dans ce contexte, est apparue la nécessité de mettre en place des dispositifs pour que les aidants puissent concilier leurs vies professionnelle et personnelle.
Selon une enquête de la Drees104(*), 33 % des aidants en emploi qui ressentent une charge importante ont dû aménager leur vie professionnelle (horaires, lieu et/ou nature de l'emploi) et 39 % sont amenés à prendre des congés pour aider leur proche. Le statut d'aidant s'accompagne ainsi d'un risque d'éloignement durable du marché du travail, en particulier pour les femmes, qui représentent près de 60 % des aidants.
b) Le congé de proche aidant
Prenant acte de cet enjeu, le législateur a créé un congé de proche aidant (CPA), entré en vigueur en janvier 2017105(*).
Ce congé est ouvert à tout salarié, sans condition d'ancienneté, qui souhaite suspendre son contrat de travail pour s'occuper d'un proche présentant un handicap ou une perte d'autonomie. Il est pris à l'initiative du salarié, qui en informe l'employeur106(*). Depuis 2020107(*), les fonctionnaires et les agents publics peuvent également en bénéficier.
En outre, depuis le 11 mars 2023108(*), le bénéfice du CPA est également ouvert aux salariés du particulier employeur ainsi qu'aux assistants maternels de droit privé.
La notion de proche
Dans le cadre du congé de proche aidant, la notion de proche est appréhendée de façon très large. En vertu de l'article L. 3142-16 du code du travail, il peut s'agir du conjoint, du concubin, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité (Pacs), d'un ascendant, descendant ou collatéral de son conjoint, concubin ou partenaire, ou encore d'une personne âgée ou handicapée avec laquelle le salarié réside ou avec laquelle il entretient des liens étroits et stables.
Pour que le droit au congé de proche aidant soit ouvert, la personne aidée doit justifier de son niveau perte d'autonomie109(*) :
- s'il s'agit d'une personne en situation de handicap, elle doit avoir un taux d'incapacité au moins égal à 80 % reconnu par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) ;
- s'il s'agit d'une personne en situation de perte d'autonomie, elle doit être éligible à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), c'est-à-dire justifier d'une perte d'autonomie correspondant aux GIR 1 à 4. Ce critère a été assoupli : initialement, il était exigé que la perte d'autonomie soit d'une « particulière gravité ». Le législateur a supprimé la référence à ce critère, qui ne s'applique plus depuis le 1er juillet 2022110(*).
Le groupe iso-ressources (GIR)
La grille « autonomie gérontologie groupe iso-ressources », dite grille « AGGIR », est utilisée pour évaluer le niveau de perte d'autonomie d'une personne âgée. À l'issue de l'évaluation, la personne âgée est classée dans un des six groupes iso-ressources (GIR) existants, le GIR 1 correspondant au niveau de perte d'autonomie le plus élevé. Cette grille est notamment utilisée par les équipes médico-sociales départementales pour établir l'éligibilité des personnes âgées à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA).
La durée maximale du CPA et le nombre de renouvellements possibles peuvent être fixés par accord collectif111(*). À défaut, la durée maximale du CPA est de trois mois, renouvelable dans la limite d'un an sur l'ensemble de la carrière professionnelle du salarié112(*).
En cas de dégradation soudaine de l'état de santé de la personne aidée ou de toute situation de crise, le congé débute ou peut être renouvelé sans délai113(*), sur production d'un certificat médical ou d'une attestation en cas de cessation brutale de l'hébergement en établissement114(*).
Le salarié peut également choisir de fractionner son congé ou de le transformer en période d'activité à temps partiel, sous réserve de l'accord de l'employeur, sans toutefois pouvoir dépasser la durée maximale de trois mois.
Le congé de proche aidant n'est pas rémunéré, sauf usage ou accord collectif avantageux. En cas de période de travail à temps partiel, le salarié reçoit la rémunération proportionnelle au temps de travail effectué. Toutefois, les bénéficiaires du CPA peuvent percevoir une allocation journalière.
c) L'allocation journalière du proche aidant
Dans les années qui ont suivi la création du congé de proche aidant, l'absence d'indemnisation est rapidement apparue comme un obstacle à son utilisation, rendant ce congé en pratique ineffectif.
En conséquence, en 2020, dans le cadre de la stratégie nationale « Agir pour les aidants », le législateur a créé l'allocation journalière du proche aidant (AJPA)115(*) pour renforcer le recours au CPA. Cette allocation est versée par les caisses d'allocations familiales (CAF) et les caisses de mutualité sociale agricole (CMSA) pour le compte de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).
Au 1er janvier 2025, le montant de l'AJPA est fixé à 65,80 euros par jour. Elle peut être versée, sur l'ensemble de la carrière professionnelle, dans la limite de 264 jours d'accompagnement de proches avec un maximum de 66 jours par proche116(*).
Comme pour le CPA, pour en bénéficier, l'aidant doit justifier que la personne aidée a un taux d'incapacité d'au moins 80 % reconnu par la MDPH ou une perte d'autonomie évaluée en GIR 1 à 4.
Le spectre des personnes susceptibles de bénéficier de l'AJPA est particulièrement large : il comprend les salariés, les agents publics, les travailleurs indépendants et conjoints collaborateurs, les stagiaires de la formation professionnelle rémunérée et les chômeurs indemnisés.
Le CPA et l'AJPA s'articulent avec d'autres dispositifs ouverts aux aidants (voir tableau ci-après).
Congés et allocations ouverts aux aidants
Congé de proche aidant Allocation journalière du proche aidant (AJPA) |
Congé de présence parentale Allocation journalière de présence parentale (AJPP) |
Congé de solidarité familiale Allocation journalière d'accompagnement d'une
personne |
|
Personne aidée |
Proche en situation de perte d'autonomie |
Enfant gravement malade, accidenté ou handicapé |
Proche |
Durée |
66 jours (renouvelable trois fois sous conditions) sur l'ensemble de la carrière |
310 jours d'absence (renouvelables sous conditions) au sein d'une période déterminée par le médecin, dans la limite d'une durée de trois ans |
3 mois |
Versé par |
CAF |
CAF |
Assurance maladie |
Financé par |
Branche autonomie |
Branche famille |
Branche maladie |
Montant |
65,80 euros |
65,80 euros |
64,41 euros |
Public éligible |
Salariés du secteur privé, agents publics, travailleurs indépendants et demandeurs d'emploi. |
Source : Commission des affaires sociales
Pour demander l'AJPA, les salariés, agents publics et stagiaires rémunérés doivent avoir préalablement fait une demande de CPA à leur employeur. Ils doivent ensuite communiquer mensuellement, à la CAF ou à la CMSA, l'attestation de leur employeur indiquant le nombre de jours de congés pris dans le mois.
De leur côté, les travailleurs indépendants et les chômeurs indemnisés doivent transmettre chaque mois, à la CAF ou à la CMSA, une déclaration sur l'honneur attestant de leur réduction ou cessation d'activité professionnelle ou de recherche d'emploi pour s'occuper de la personne aidée.
2. L'attractivité de l'AJPA a été renforcée par l'assouplissement des conditions d'éligibilité et sa revalorisation
Afin d'élargir le recours à l'AJPA, le législateur a progressivement renforcé l'attractivité du dispositif.
D'une part, en cohérence avec la réforme des critères d'éligibilité au CPA (suppression de la notion de « particulière gravité » de la perte d'autonomie) mentionnée ci-avant, depuis 2022, le champ du bénéfice de l'AJPA a été élargi aux aidants de personnes en perte d'autonomie moins avancée (jusqu'au GIR 4).
D'autre part, le montant de l'AJPA a été rehaussé au niveau du Smic journalier net des prélèvements sociaux obligatoires. Il est revalorisé au 1er janvier de chaque année sur l'évolution du Smic net117(*).
Par ailleurs, en 2023, la mesure d'écrêtement du montant de l'AJPA appliquée aux travailleurs indépendants et aux chômeurs indemnisés a été supprimée. Ils peuvent ainsi percevoir le montant plein de l'AJPA, sans qu'il ne soit réduit du fait de leurs autres revenus ou allocations118(*).
Enfin, depuis le 1er janvier 2025, le droit à l'AJPA, initialement limité à 66 jours sur l'ensemble de la carrière pour aider un proche, est renouvelable trois fois, à condition que la personne aidée soit différente119(*). Le proche aidant peut ainsi bénéficier, au total, de 265 jours indemnisés (66 jours × quatre proches). Si l'association française des proches aidants salue cette mesure, elle regrette que le droit à l'AJPA ne puisse être renouvelé pour une même personne aidée.
B. LE RECOURS À L'ALLOCATION JOURNALIÈRE DU PROCHE AIDANT DEMEURE TIMIDE MALGRÉ SON UTILITÉ CERTAINE
1. Le déploiement de l'AJPA demeure limité
Malgré l'indéniable avancée qu'elle représente pour les proches aidants et le périmètre très large des personnes susceptibles d'en bénéficier, le recours à l'AJPA (ainsi qu'au CPA)120(*) demeure limité.
Au 1er novembre 2024, d'après les données de la direction de la sécurité sociale, 19 836 droits à l'AJPA ont été ouverts, contre 14 190 au 1er novembre 2023, soit + 40 % en un an. Le nombre moyen de jours indemnisés par aidant et par mois est de 9 jours121(*).
Sur le plan budgétaire, en 2023, l'AJPA représente, pour la CNSA, un coût total de 11 millions d'euros, contre 8 millions d'euros en 2022122(*).
La montée en charge de l'AJPA reste donc limitée au vu du nombre d'aidants potentiellement éligibles. En effet, l'évaluation préalable annexée au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 estimait que près de 270 000 salariés et 67 000 agents publics aidants pourraient prétendre à l'indemnisation du CPA. Sur cette base, le taux de recours serait donc d'environ 6 %.
À titre de comparaison, le taux de recours est estimé à 50 % pour le minimum vieillesse, 34 % pour le revenu de solidarité active (RSA) et 27 % pour la prime d'activité123(*).
2. Plusieurs facteurs expliquent ce faible taux de recours
a) Des freins inhérents à la situation financière du proche aidant
Premièrement, le faible recours au CPA et à l'AJPA s'explique par la perte de salaire qu'il induit pour les travailleurs.
En effet, si le montant de l'AJPA n'est pas pénalisant pour les plus faibles salaires, au-delà du Smic, si l'employeur n'a pas mis en place de mécanisme de complément, il se traduit par une perte de salaire.
Ainsi, malgré l'avancée que constitue l'indemnisation du CPA, les aidants, anticipant que l'allocation versée ne correspondra pas à leur équivalent de salaire, peuvent préférer - à défaut d'être contraints - de maintenir leur activité professionnelle en sus de leur activité d'aidant ou de solliciter un autre type de congé.
Si cette population représente une infime part des personnes éligibles124(*), comme l'a souligné la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) au rapporteur, ce constat s'observe par exemple chez les exploitants agricoles, qui doivent maintenir l'équilibre économique de leur entreprise.
Par ailleurs, l'importance des freins psychologiques ne doit pas être sous-estimée : comme pour toute autre allocation, certaines personnes refusent de faire appel à la solidarité nationale.
b) Des conditions de recours qui restent complexes
Deuxièmement, les conditions de recours à l'AJPA peuvent se révéler complexes.
Selon l'association française des aidants, la nécessité, pour l'aidant, de réaliser deux démarches en parallèle - la demande de congé auprès de l'employeur d'une part, et la demande d'allocation auprès de la sécurité sociale d'autre part - est particulièrement lourde.
De plus, les dossiers de demande d'AJPA sont souvent mal remplis, ce qui donne lieu à des refus pour non-conformité et alimente le non-recours. Entre septembre 2020 et février 2022, sur les 18 987 demandes d'AJPA reçues par les CAF, seulement 35 % ont abouti à l'ouverture d'un droit : les dossiers étaient mal renseignés, ou les personnes non éligibles à l'allocation (en grande majorité des personnes retraitées).
En outre, l'AJPA peut difficilement être sollicitée en cas de dégradation brutale de l'état de santé de la personne aidée. En effet, la demande d'AJPA suppose de fournir des données qui caractérisent la perte d'autonomie (calcul du point GIR ou du taux d'incapacité). Or, les délais pour obtenir une évaluation de la perte d'autonomie, qui peuvent aller jusqu'à plusieurs mois, ne sont pas compatibles avec une mobilisation du CPA et de l'AJPA en urgence.
Enfin, il ressort des travaux du rapporteur que le taux de recours au CPA et à l'AJPA est plus faible dans la fonction publique que dans le secteur privé. Pour un certain nombre d'emplois postés, le fractionnement du temps de travail est difficilement envisageable, les agents de la fonction publique hospitalière étant les plus exposés à ce frein.
c) Un dispositif récent qui manque de notoriété
Enfin, le faible recours à l'AJPA s'explique par un défaut de connaissance de cette allocation, constat que dressait déjà le rapport d'évaluation de l'AJPA publié en 2022125(*).
Au moment de l'entrée en vigueur de la réforme, au début de l'année 2021, un plan de communication a été mis en place par les caisses de sécurité sociale via la diffusion de supports de communication grand public et l'envoi de mails à destination des personnes en perte d'autonomie dont les aidants sont susceptibles d'être éligibles à l'AJPA. En outre, l'information a été relayée par le ministère des solidarités et de la santé auprès des acteurs institutionnels locaux (agences régionales de santé, départements, associations d'aidants, etc.).
Une deuxième campagne de communication été mise en place dans le courant de l'année 2021, face au constat de la montée en charge limitée de l'allocation. Les sites internet institutionnels ont notamment évolué pour mieux mettre en avant l'AJPA et les critères d'éligibilité.
Pour autant, plus de quatre ans après la création de cette allocation, les administrations et l'association française des aidants constatent que l'AJPA reste trop méconnue non seulement des aidants, mais aussi de certains guichets institutionnels - tels que les MDPH et les maisons départementales de l'autonomie - et des associations de soutien qui interviennent auprès d'eux.
3. Pour renforcer l'effectivité de ces dispositifs, il convient de simplifier les démarches et de mieux cibler la communication
a) Simplifier le recours au CPA et à l'AJPA
Un travail de réflexion pourrait être conduit par les administrations et les caisses de sécurité sociale pour simplifier le recours au congé et à l'allocation journalière du proche aidant. Celui-ci pourrait porter sur :
- l'identification des irritants qui entravent le recours, par les agents publics, au CPA et à l'AJPA ;
- les pistes de simplification de la procédure envisageables pour permettre aux aidants de bénéficier de l'AJPA, a posteriori si nécessaire, dans le cas d'une dégradation brutale de l'état de santé de la personne aidée ;
- et l'opportunité d'ouvrir le renouvellement des droits à l'AJPA pour une même personne aidée.
Par ailleurs, concernant le cas spécifique des exploitants agricoles, un travail pourrait être conduit sur l'extension du service de remplacement aux bénéficiaires de l'AJPA, qui serait de nature à favoriser son accès.
Proposition n° 18 : Simplifier le recours au CPA et à l'AJPA pour garantir leur effectivité.
b) Mieux cibler la communication sur le CPA et l'AJPA
La communication sur le dispositif doit également se poursuivre, et associer toutes les parties prenantes - administrations, acteurs institutionnels locaux, associations et employeurs.
La direction de la sécurité sociale a indiqué au rapporteur qu'un travail sur l'amélioration de la connaissance de l'AJPA serait bientôt conduit. En tout état de cause, en sus du renforcement des actions de communication mentionnées ci-avant, il conviendra de s'appuyer sur le déploiement du service public départemental de l'autonomie, censé intervenir dans le courant de l'année 2025, dont l'une des missions est de faciliter les démarches des proches aidants126(*).
Les employeurs peuvent aussi jouer un rôle important dans la lutte contre le non-recours. En améliorant leur connaissance du dispositif, ceux-ci pourraient, lorsque les salariés ou agents publics sollicitent un congé de proche aidant auprès d'eux, les informer systématiquement de leur droit à percevoir l'AJPA.
Proposition n° 19 : Mieux cibler la communication sur le CPA et l'AJPA en s'appuyant sur le service public départemental de l'autonomie.
EXAMEN DES ARTICLES (ÉLISABETH DOINEAU)
Article liminaire
Approbation des recettes, des
dépenses et du solde
des administrations de sécurité
sociale
Cet article présente, pour l'exercice auquel la loi d'approbation des comptes se rapporte, les dépenses, les recettes et le solde des administrations de sécurité sociale.
I - Le dispositif proposé
Cet article, qui jusqu'à la réforme organique de 2022 ne figurait pas dans les premières parties des LFSS, résulte du 1° de l'article L.O. 111 3-13 du code de la sécurité sociale (inséré par la loi organique du 14 mars 2022).
Cette disposition résulte d'une modification apportée par le Sénat en première lecture à la future loi organique du 14 mars 2022.
En effet, si le Parlement, au moment de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ne peut se prononcer, pour l'essentiel, que sur les mesures ayant un effet sur les régimes obligatoires de base (Robss), les organismes ou des organismes concourant à leur financement (FSV), à l'amortissement de leur dette (Cades) ou à la mise en réserve de recettes à leur profit (FRR), c'est bien le champ plus large des administrations de sécurité sociale (Asso) qui est considéré par l'Insee dans le calcul des comptes des administrations publiques (selon les concepts de la comptabilité nationale).
Au demeurant, l'État accorde sa garantie de droit ou de fait à plusieurs organismes et régimes situés en dehors du périmètre des Robss.
C'est pourquoi, à défaut d'élargir formellement le périmètre des LFSS, comme l'avait proposé le Sénat127(*), le législateur organique a au moins souhaité que le Parlement dispose d'une vision financière globale des administrations de sécurité sociale au moment de l'examen des lois de financement, tant par la création de nouvelles annexes relatives à l'assurance chômage, aux régimes complémentaires de retraite et aux établissements de santé que par la création de cet article liminaire.
A. Un excédent des administrations de sécurité sociale de 0,1 point de PIB en 2023
Les chiffres du présent article sont retracés dans le tableau ci-après.
Dans le cas des Lacss, cette information qui porte sur l'exercice précédent est moins utile que dans le cas des LFSS, les données relatives à l'exercice précédent étant depuis longtemps publiées par l'Insee fin mars et précisées à la fin du mois de mai128(*).
Le Placss 2022 a été déposé le 16 mai, soit avant la publication par l'Insee des comptes des administrations publiques, le 31 mai. Le Gouvernement a donc dû actualiser l'article liminaire par voie d'amendement à l'Assemblée nationale. De même, le Placss 2023 n'était pas à jour, bien que son dépôt (le 31 mai 2024) ait coïncidé avec la publication le même jour par l'Insee des comptes des administrations publiques en 2023.
Le Placss 2024 a quant à lui été déposé le 23 mai, alors que les comptes des administrations de sécurité sociale ont été publiés le 28 mai.
Il résulte des données publiées par l'Insee le 28 mai 2025 un solde des administrations de sécurité sociale de 0,1 point de PIB, et non 0,0 point de PIB, comme dans la rédaction initiale du présent article (cf. tableau ci-après).
Recettes, dépenses et solde des
administrations de sécurité sociale (Asso)
pour les
années 2020 à 2024 au sens de la comptabilité
nationale
Données historiques (Insee) |
Présent article |
Insee, 28 mai 2025 (comptes nationaux) |
|||||
Unité |
Points de PIB |
milliards d'euros* |
Points de PIB (calculs commission**) = montants qui devraient être inscrits au présent article |
||||
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2024 |
2024 |
|
Recettes |
26,5 |
26,6 |
26,9 |
26,5 |
26,6 |
779,0963 |
26,7 |
Dépenses |
28,5 |
27,3 |
26,6 |
26,1 |
26,6 |
776,8169 |
26,6 |
Solde |
- 2,3 |
- 0,9 |
0,4 |
0,5 |
0,0 |
2,2794 |
0,1 |
* Tableau 3.212 « Dépenses et recettes des administrations de sécurité sociale (S1314) ».
** Sur la base du PIB en valeur, de 2 919,9 milliards d'euros (tableau 1.101-103 « Le produit intérieur brut et ses composantes »).
Source : Insee, projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2024, calculs de la commission des affaires sociales
B. Analyse de l'excédent des administrations de sécurité sociale en 2024
L'excédent des Asso en 2024 a été présenté dans l'exposé général du présent rapport.
II - Le rejet du projet de loi par l'Assemblée nationale
Comme indiqué supra, l'Assemblée nationale a adopté une motion de rejet préalable du groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire, rejetant ainsi l'ensemble du texte.
III - La position de la commission
Comme exposé en première partie du présent rapport, la commission propose également au Sénat de rejeter le présent Placss.
En conséquence, elle propose de supprimer le présent article.
Article
1er
Approbation des tableaux d'équilibre des Robss et du FSV
Cet article a pour objet d'approuver les tableaux définitifs des Robss et du FSV de l'année 2024, dernier exercice clos.
I - Le dispositif proposé
Conformément aux dispositions du 2° de l'article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale, inséré par la loi organique du 14 mars 2022, cet article tend à approuver les tableaux d'équilibre des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss) et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV).
Il s'agit de dispositions figurant précédemment dans la première partie des LFSS (relative au dernier exercice clos), dont elles constituaient une partie de l'article 1er129(*), et qui sont désormais du seul domaine des Lacss.
L'article L.O. 111-3-13 précité reprend presque intégralement les dispositions de l'article L.O. 111-3 du même code, dans sa rédaction antérieure au 1er septembre 2022. La seule différence est que désormais, il n'est plus prévu de tableaux spécifiques pour le régime général (cf. encadré).
Article L.O. 111-3-13 du code de la
sécurité sociale
(inséré par la loi organique du
14 mars 2022)
(extrait)
« La loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale :
[...]
2° approuve les tableaux d'équilibre du dernier exercice clos des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, par branche, et des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que les dépenses relevant du champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie constatées lors de cet exercice ;
[...] ».
En application de ces dispositions, le présent article prévoit l'approbation de deux tableaux d'équilibre distincts relatifs au dernier exercice clos :
- le tableau d'équilibre, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss) ;
- le tableau d'équilibre des organismes concourant au financement des régimes de sécurité sociale, cette catégorie ne comportant que le Fonds de solidarité vieillesse (FSV).
A. L'approbation des tableaux d'équilibre, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale
Le 1° du présent article présente le tableau d'équilibre, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale.
Celui-ci est reproduit ci-après, ainsi que les prévisions pour 2024 des LFSS 2024 et LFSS 2025.
Tableau d'équilibre 2024 de l'ensemble
des régimes obligatoires
de base et du fonds de solidarité
vieillesse : prévision et exécution
(en milliards d'euros)
Montants |
Écarts du Placss 2024 par rapport à la LFSS concernée |
|||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|
Placss 2024 (présent article) |
|
|
|
|||
Maladie |
239,2 |
253,0 |
- 13,8 |
|
|
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
16,9 |
16,3 |
0,7 |
|
|
|
Vieillesse |
288,2 |
293,8 |
- 5,6 |
|
|
|
Famille |
58,9 |
57,8 |
1,1 |
|
|
|
Autonomie |
41,2 |
39,9 |
1,3 |
|
|
|
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
626,4 |
642,8 |
- 16,4 |
|
|
|
Toutes branches y compris Fonds de solidarité vieillesse (hors transferts entre branches ou fonds) |
627,8 |
643,1 |
- 15,3 |
|
|
|
LFSS 2024 (prévisions pour 2024) |
||||||
Maladie |
243,4 |
251,9 |
- 8,5 |
- 4,2 |
1,1 |
- 5,3 |
Accidents du travail et maladies professionnelles |
17,1 |
16,0 |
1,1 |
- 0,2 |
0,3 |
- 0,4 |
Vieillesse |
58,8 |
58,0 |
0,8 |
229,4 |
235,8 |
- 6,4 |
Famille |
287,9 |
293,7 |
- 5,8 |
- 229,0 |
- 235,9 |
6,9 |
Autonomie |
41,2 |
40,0 |
1,2 |
0,0 |
- 0,1 |
0,1 |
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
630,3 |
641,6 |
- 11,3 |
- 3,9 |
1,2 |
- 5,1 |
Toutes branches (hors transferts entre branches) y compris Fonds de solidarité vieillesse |
631,5 |
642,0 |
- 10,5 |
- 3,7 |
1,1 |
- 4,8 |
LFSS 2025 (prévisions pour 2024) |
||||||
Maladie |
238,0 |
253,3 |
-15,3 |
1,2 |
- 0,3 |
1,5 |
Accidents du travail et maladies professionnelles |
16,7 |
16,1 |
0,6 |
0,2 |
0,2 |
0,1 |
Vieillesse |
58,4 |
57,9 |
0,5 |
229,8 |
235,9 |
- 6,1 |
Famille |
287,6 |
293,6 |
- 6,0 |
- 228,7 |
- 235,8 |
7,1 |
Autonomie |
41,1 |
39,9 |
1,1 |
0,1 |
0,0 |
0,2 |
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
623,6 |
642,6 |
- 19,0 |
2,8 |
0,2 |
2,6 |
Toutes branches (hors transferts entre branches) y compris Fonds de solidarité vieillesse |
624,7 |
642,9 |
- 18,2 |
3,1 |
0,2 |
2,9 |
Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les Placss 2024, LFSS 2024, LFSS 2025
En 2024, le supplément de déficit (de 4,8 milliards d'euros) par rapport à la prévision de la LFSS 2024 vient du fait que les dépenses ont été supérieures de 1,1 milliard d'euros aux prévisions (643,1 milliards d'euros au lieu de 642 milliards d'euros), et surtout que les recettes ont été inférieures de 3,7 milliards d'euros aux prévisions (627,8 milliards d'euros au lieu de 631,5 milliards d'euros).
Recettes et dépenses de la sécurité sociale (Robss + FSV)
(en milliards d'euros)
Source : Commission des affaires sociales du Sénat
Les principales caractéristiques de l'exécution 2024 ont été présentées supra.
B. Une impossibilité de certifier les comptes 2024 de la branche famille et de la Cnaf
1. Une dégradation de la qualité des comptes depuis 2020
Alors que les refus ou impossibilités de la Cour des comptes de certifier les comptes de la sécurité sociale, fréquents les premières années de la procédure de certification (mise en place en 2006), pouvaient sembler appartenir au passé, on assiste depuis l'exercice 2020 à de nouveaux refus ou impossibilités de certifier les comptes.
Ainsi, après l'impossibilité (2020) puis le refus (2021) de certifier les comptes de la branche recouvrement (en raison notamment de l'imputation de recettes sur le mauvais exercice), la Cour a exprimé un refus (2022) puis une impossibilité (2023 et 2024) de certifier les comptes de la Cnaf et de la branche famille, en raison du montant important des paiements erronés, qui faussent les comptes.
Ces refus et impossibilités de certifier, en particulier pour ce qui concerne l'exercice 2024, sont présentés plus en détail supra, dans l'exposé général du présent rapport.
2. L'avis de la Cour des comptes sur les tableaux d'équilibre
En application de l'article L.O. 111-4-6 du code de la sécurité sociale, la Cour des comptes a émis un avis (publié dans le Ralfss) sur les tableaux d'équilibre figurant au présent article.
Cet avis comprend deux observations (cf. encadré) :
- l'observation 1, relative à la fiabilité des comptes, concerne notamment l'impossibilité de la Cour des comptes de certifier les comptes de la Cnaf et de la branche famille (cf. supra, première partie, II. A) ;
- l'observation 2, relative aux contractions de produits et de charges, est reconduite chaque année par la Cour. Elle vient notamment du fait que la « clause de sauvegarde », qui est un prélèvement obligatoire sur l'industrie pharmaceutique, est présenté comme minorant les dépenses entrant dans le champ de l'Ondam.
L'avis de la Cour sur les tableaux d'équilibre est, au mot près, le même qu'il y a un an.
Avis de la Cour des comptes sur les tableaux
d'équilibre
au 31 décembre 2024
« En application de l'article LO. 111-4-6 du code de la sécurité sociale, auquel renvoie l'article LO. 132-3 du code des juridictions financières, la Cour a procédé à des vérifications sur les tableaux d'équilibre de l'exercice 2024 établis par la DSS, qui seront soumis à l'approbation du Parlement dans le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité et sociale pour l'année 2024.
À l'issue de ces vérifications dans les délais contraints d'examen des comptes et sur le fondement des éléments d'information qui lui ont été communiqués par la direction de la sécurité sociale, la Cour estime que les tableaux d'équilibre précités fournissent une représentation cohérente des recettes, des dépenses et du solde qui en découle au regard des comptes arrêtés par les entités relevant de leurs périmètres respectifs. Elle formule néanmoins les observations suivantes :
1. des faiblesses persistantes des dispositifs de contrôle interne et des difficultés comptables continuent à affecter la fiabilité des comptes retracés dans les tableaux d'équilibre pour l'exercice 2024, comme le soulignent le rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale pour l'exercice 2024 et les rapports d'opinion des commissaires aux comptes de la Mutualité sociale agricole (MSA), du FSV et de l'établissement national des invalides de la marine (Énim) pour ce même exercice [...] ;
2. les tableaux d'équilibre sont établis en procédant à des contractions de produits et de charges non conformes au cadre fixé par la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale pour l'établissement des comptes annuels [...]. »
Source : Cour des comptes, Ralfss de mai 2025
II - Le rejet du projet de loi par l'Assemblée nationale
Comme indiqué supra, l'Assemblée nationale a adopté une motion de rejet préalable du groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire, rejetant ainsi l'ensemble du texte.
III - La position de la commission
Comme exposé en 1ère partie du présent rapport, la commission propose également au Sénat de rejeter le présent Placss.
En conséquence, elle propose de supprimer le présent article.
Article
2
Approbation des dépenses constatées relevant de l'Ondam,
des recettes affectées au FRR, des recettes mises en réserve par
le FSV
et du montant de la dette amortie par la Cades
Cet article propose d'approuver les dépenses constatées relevant de l'Ondam, les recettes affectées au FRR, les recettes mises en réserve par le FSV et le montant de la dette amortie par la Cades.
I - Le dispositif proposé
Conformément aux dispositions des 2° et 3° de l'article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale, inséré par la loi organique du 14 mars 2022, cet article tend à approuver les dépenses constatées relevant de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), les recettes affectées au Fonds de réserve des retraites (FRR), les recettes mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) et le montant de la dette amortie par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades).
Ces dispositions figuraient jusqu'alors dans les premières parties des PLFSS, dont elles constituaient une partie de l'article premier130(*).
Article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale
(inséré par la loi organique du 14 mars 2022)
(extrait)
« La loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale :
[...]
2° approuve les tableaux d'équilibre du dernier exercice clos des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, par branche, et des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que les dépenses relevant du champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie constatées lors de cet exercice ;
3° approuve, pour ce même exercice, les montants correspondant aux recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base [le Fonds de réserve des retraites (FRR)] et aux organismes concourant au financement de ces régimes [le Fonds de réserve des retraites] et les montants correspondant à l'amortissement de leur dette [la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades)] ;
[...] ».
A. Les dépenses relevant du champ de l'Ondam
Le 1° du présent article indique le montant en 2024 des dépenses entrant dans le champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), de 256,4 milliards d'euros (256 milliards d'euros hors dépenses liées à la crise sanitaire).
Ventilation des dépenses de l'Ondam, hors covid, en 2024 (256 milliards d'euros)
Source : Cour des comptes, Note de synthèse sur l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, avril 2025
En préambule, alors que l'Ondam 2024 fait l'objet d'un nouveau dépassement d'environ 1,5 milliard d'euros par rapport à l'objectif fixé initialement, la commission ne peut que rappeler les lacunes persistantes d'information du Parlement concernant le suivi des dépenses au cours de l'exécution budgétaire. Elle insiste sur l'importance d'une information infra-annuelle régulière et fiable, voire, dans certains cas, du dépôt de textes rectificatifs en cours d'exercice, sans attendre le PLFSS de l'année suivante lorsque que les conditions de l'équilibre général sont appelées à être remises en cause.
Dans ce cadre, la capacité du comité d'alerte à évaluer de manière fine les risques de dérapages est cruciale, de même que la possibilité pour l'instance d'accéder aux données en temps réel et à signaler les conséquences de mesures nouvelles ou les effets inattendus d'un contexte économique ou social changé.
Ainsi à la suite du comité d'alerte qui a appelé le 15 avril 2025 à « une vigilance renforcée sur l'évolution en 2025 des dépenses de soins de ville et à une action déterminée visant à réduire le point de fuite majeur de l'Ondam que constitue le déficit croissant des établissements publics de santé », la commission ne peut que d'ores et déjà s'inquiéter des perspectives de dépassement important de l'Ondam pour 2025.
a) Des dépenses relevant du champ de l'Ondam revues à la hausse par la LFSS pour 2025...
La loi de financement pour 2024131(*) a fixé l'Ondam 2024 à 254,9 milliards d'euros (soit une progression à champ constant de 2,9 % par rapport à 2023).
Le texte initial de la loi de financement pour 2025 déposé en octobre 2024 prévoyait une hausse de l'Ondam 2024 de 256,1 milliards d'euros. Le texte définitivement adopté par le Parlement a fixé l'Ondam 2024 à 256,9 milliards d'euros (256,4 milliards d'euros hors crise sanitaire). Soit une augmentation de 2 milliards d'euros par rapport à l'objectif initialement fixé dans la LFSS pour 2024.
b) ... mais finalement inférieures de 500 millions d'euros par rapport à la dernière révision inscrite dans la LFSS pour 2025
Le projet de loi d'approbation des comptes présente une exécution de l'Ondam à hauteur de 256,4 milliards d'euros (256 milliards d'euros hors dépenses liées à la crise sanitaire), soit une sous-exécution de 0,5 milliard d'euros par rapport à l'objectif rectifié en LFSS 2025 mais un dépassement de près 1,5 milliard d'euros par rapport à l'objectif initial fixé en LFSS pour 2024.
En neutralisant les dépenses en lien avec la crise sanitaire, la progression entre l'Ondam 2023 et l'Ondam exécuté en 2024 atteint ainsi +3,6 %.
Retour sur l'Ondam 2023
L'Ondam 2023 laisse apparaître une surconsommation encore plus forte que celle déjà inscrite dans le Placss pour 2023 pour s'établir finalement à 248,3 milliards d'euros (plus 400 millions d'euros supplémentaire par rapport aux chiffres arrêtés dans le Placss pour 2023 et qui laissaient déjà apparaître une sur-exécution de 200 millions d'euros), soit un dépassement au total de près de 700 millions d'euros par rapport à l'objectif 2023 rectifié en LFSS pour 2024.
Cette surconsommation importante peut notamment s'expliquer par :
- un rendement sur les remises et la clause de sauvegarde revu à la baisse entrainement une dépense supplémentaire de 79 millions d'euros ;
- une hausse des prestations en établissements de santé (+ 50 millions d'euros) ;
- l'inscription d'une provision sur créances (enregistrée dans les comptes 2024 au titre de l'Ondam 2023) de 210 millions d'euros ;
- une révision à la hausse des autres prises en charge de + 136 millions d'euros, dont + 79 millions d'euros sur les soins des Français à l'étranger.
Ainsi, l'Ondam 2023 évolue de + 5,0 %, hors dépenses en lien avec la crise sanitaire, par rapport à 2022.
Pour rappel, la commission s'était fortement interrogée lors de l'examen du PLFSS 2024 sur « la sincérité de l'Ondam 2023 révisé au regard des besoins de financement du système de santé » et notamment quant à un juste niveau de financement des établissements de santé. Force est malheureusement de constater que les réserves de la commission étaient fondées.
Source : Annexe 3 au Placss pour 2024
Prévisions et exécution de l'Ondam 2024
Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après l'annexe 3 au Placss pour 2024
L'exercice 2024 marque ainsi la cinquième année consécutive de dépassement de l'Ondam initial.
En revanche, on constate une sous-exécution par rapport à la révision effectuée en loi de financement pour 2025. Il s'agit d'une première depuis 2019.
c) Un rythme de progression particulièrement élevé
Comme cela avait déjà été souligné par le passé, les dépassements successifs conjugués à des trajectoires initiales déjà dynamiques ont produit un effet d'emballement de l'Ondam sur les dernières années.
Surtout, il apparaît particulièrement important de souligner le cumul de facteurs de progression non maîtrisés, avec la comparaison des différentes trajectoires présentées par le Gouvernement en annexe au Placss.
Ainsi, la trajectoire « hors crise, Ségur, inflation exceptionnelle et aides exceptionnelles à l'activité » montre un écart de - 21,6 milliards d'euros en 2024 par rapport à l'exécution réelle hors crise (- 8,4 %).
Taux d'évolution de l'Ondam de 2017 à 2024
Source : Annexe 3 au Placss 2024
Surtout, il convient de constater le rythme d'évolution particulièrement soutenu de l'Ondam, y compris sur la trajectoire « hors crise », avec une moyenne sur 2019-2024 à 4,7 % de progression annuelle, contre 2,4 % par an de 2015 à 2019132(*).
Enfin, tous facteurs retenus, la trajectoire de l'Ondam représente une progression annuelle de 4,8 % sur la période, conduisant entre 2019 et 2024 à une augmentation de 56,2 milliards d'euros.
Évolution de l'Ondam depuis 2015
(en milliards d'euros)
Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après l'annexe 3 au Placss
La commission des affaires sociales a proposé à plusieurs reprises ces dernières années de préciser qu'un dépassement anticipé du montant de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ordre de plus de 1 % du montant inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale constitue une remise en cause des conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale au sens de l'article L.O. 111-9-2-1 du code de la sécurité sociale133(*). Ce montant représenterait, pour 2024, un dépassement d'environ 2,5 milliards d'euros.
2. Un dépassement quasiment intégralement lié aux soins de ville
Le sous-objectif relatif aux soins de ville s'établit finalement à 110,1 milliards d'euros (109,6 hors dépenses liées au covid) et le sous-objectif relatif aux établissements de santé s'établit à 105,6 milliards d'euros (105,5 milliards d'euros hors dépenses covid).
Une nouvelle fois, le dépassement constaté par rapport à la prévision initiale porte principalement sur le sous-objectif relatif aux soins de ville (+ 1,3 milliard d'euros hors covid) et révèle une incapacité récurrente à piloter ces dépenses.
La Cour fait ainsi de 2024, marquée par une inflation faible, « une occasion manquée de retour à une maitrise de l'exécution de l'Ondam»134(*). Elle précise en effet que, si « les dépassements constatés les années passées étaient largement imputables à des circonstances exceptionnelles (crise sanitaire entre 2020 et 2022, forte inflation en 2022 et 2023), tel n'est pas le cas en 2024 ».
Ondam 2024 initial, révisé et constaté, par sous-objectifs
(en milliards d'euros)
Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après l'annexe 3 au Placss
a) Un dépassement important des prévisions initiales pour les soins de ville
Le sous-objectif relatif aux soins de ville a été supérieur de 1,3 milliard d'euros en exécution par rapport à la prévision initiale (1,5 milliard d'euros en intégrant les dépenses liées à la crise).
Les dépenses de soins de ville hors crise atteignent 109,6 milliards d'euros, en progression de 4,3 % par rapport à 2023 (à périmètre constant). Par rapport à la LFSS pour 2024, le dépassement de 1,3 milliard d'euros tient principalement pour 0,4 milliard d'euros aux prestations et indemnités journalières, auquel s'ajoutent 0,8 milliard d'euros sur les recettes atténuatives (remises).
L'année 2024 est marquée par une forte progression des indemnités journalières en volume et des dépenses d'honoraires médicaux et paramédicaux tirées par les revalorisations visant à compenser la forte inflation enregistrée en 2022 et 2023. À ce titre, la Cour des comptes souligne les hausses particulièrement importantes concernant certaines dépenses d'honoraires en particulier des masseurs-kinésithérapeutes (+ 5,2 %), des infirmiers (+ 4,9 %) et des médecins spécialistes (+ 4,6 %). Elle invite à « renforcer les mécanismes de pilotage des conventions pour s'assurer d'une évolution des dépenses d'honoraires qui soit globalement conforme à l'objectif de progression des soins de ville »135(*).
b) Une sous-exécution du sous-objectif relatif aux établissements de santé qui cache une situation financière critique
Les dépenses relatives au sous-objectif établissements de santé s'élèvent à 105,5 milliards d'euros en 2024, en dépassement de + 0,2 milliard d'euros par rapport à la LFSS 2024 mais en sous-exécution de - 0,2 milliard d'euros par rapport à l'objectif rectifié en LFSS 2025.
L'exécution 2024, comparée aux objectifs initiaux de la LFSS 2024, se décompose de la manière suivante.
Décomposition du sous-objectif relatif aux établissements de santé
Source : Réponse de la DGOS au questionnaire de la rapporteure, d'après les chiffres de la DSS
Malgré la nette reprise d'activité, la situation financière des hôpitaux publics ne s'améliore pas en 2024 et poursuit même sa dégradation dans des proportions inquiétantes.
Le résultat consolidé projeté poursuivrait son décrochage par rapport à 2023 et aux années précédentes, tiré par la dégradation du déficit du résultat principal et des budgets annexes (Ehpad et unités de soins de longue durée). Le résultat consolidé attendu devrait ainsi s'établir entre - 3 milliards d'euros et - 3,2 milliards d'euros136(*) contre 1,9 milliard d'euros en 2023 et 0,7 milliard d'euros en 2019137(*).
Surtout, la dégradation du déficit hospitalier en 2024 par rapport à 2023 concerne désormais tous les types d'établissements ainsi qu'une part non négligeable d'établissements privés lucratifs. Ainsi, en 2024, selon les chiffres transmis par la DGOS, 66 % des établissements publics de santé devraient être en déficit, contre 56 % en 2023. Parmi ces établissements 81 % des CHU sont en déficit.
Les déséquilibres financiers auxquels font face les établissements de santé ont conduit à une aggravation de leur situation, alimentée par un renchérissement continu de leurs charges structurelles, en particulier les revalorisations salariales du Ségur de la santé depuis 2020 et un niveau élevé d'inflation plusieurs années consécutives.
Par ailleurs, la Cour, dans son dernier rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, note que les mécanismes de régulation sur les crédits mis en réserve prévus par l'article 20 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027138(*) ont principalement porté sur les établissements de santé (304 millions d'euros de crédits annulés) ce qui contribue à majorer d'autant leur déficit.
c) Des dépenses maîtrisées sous la prévision pour le médico-social, le FIR et les autres prises en charge
En 2024, les dépenses du Fonds d'intervention régional (FIR), du soutien national à l'investissement et du plan d'aide à l'investissement (PAI) se sont élevées à 6,6 milliards d'euros, soit une sous-exécution de 0,1 milliard d'euros par rapport à l'objectif rectifié en LFSS 2025 et un dépassement de + 0,1 milliard d'euros par rapport à l'objectif de la LFSS 2024.
Les dépenses relatives aux autres prises en charge affichent quant à elles un léger dépassement de 50 millions d'euros par rapport à l'objectif rectifié en LFSS 2025 en raison d'une surconsommation des soins des Français à l'étranger.
Les dépenses entrant dans le champ de l'Ondam médico-social s'élèvent à 31,2 milliards d'euros (16,1 milliards d'euros pour le secteur des personnes âgées et 15,1 milliards d'euros pour les personnes en situation de handicap), ce qui représente une sous-exécution de 0,1 milliard d'euros par rapport à l'objectif 2024 rectifié en LFSS pour 2025.
B. Les autres montants indiqués par le présent article
1. Les recettes (nulles) affectées au Fonds de réserve pour les retraites (FRR)
Le 2° du présent article indique le montant (nul) des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites (FRR) pour 2024. Ce montant est nul chaque année depuis 2011.
Le Fonds de réserve pour les retraites (FRR)
Le FRR a été créé par l'article 2 de la LFSS pour 2019139(*), qui prévoyait qu'il était géré par le FSV. L'article 6 de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 lui a donné le statut d'établissement public à caractère administratif140(*).
L'objectif initial, affirmé par l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale, était de « contribuer à la pérennité des régimes de retraite ».
Le FRR était censé permettre le passage à un système de « répartition provisionnée », en accumulant des réserves financières de l'ordre de 150 milliards d'euros à l'horizon 2020. Selon les calculs du FRR, transmis à la rapporteure générale, si cet objectif avait été atteint, le FRR pourrait actuellement contribuer à la charge des retraites pour 12 à 15 milliards d'euros par an.
Ses ressources affectées (prévues par l'article L. 135-7 du même code) et divers abondements ont permis aux réserves d'atteindre le montant de 31,38 milliards d'euros en 2010.
L'objectif d'accumulation de réserves a ensuite été abandonné, le FRR devenant un simple « réservoir » dans lequel puiser pour financer à court terme la sécurité sociale.
Ainsi, la crise des dettes souveraines a conduit la LFSS pour 2011 à réaffecter ces ressources à la Cades et au FSV et à modifier l'article L. 135-6 précité, pour prévoir que de 2011 à 2024, « le fonds verse chaque année, au plus tard le 31 octobre, 2,1 milliards d'euros à la Caisse d'amortissement de la dette sociale afin de participer au financement des déficits, au titre des exercices 2011 à 2018, [de la Cnav et du FSV] ».
De même, en conséquence de la crise sanitaire, la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie a à nouveau modifié l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale, qui prévoit désormais que de 2025 à 2033, le FRR versera chaque année à la Cades 1,45 milliard d'euros (soit 13 milliards d'euros au total) au titre du financement de l'amortissement de cette dette résultant des exercices postérieurs à 2018. Cette loi a en outre imposé au FRR de verser intégralement à la Cnav dès 2020 la soulte relative à la caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG), qui était payable à partir de 2020.
Ainsi, fin 2024, le FRR a payé un montant total net de 2,2 milliards d'euros et il lui reste 20,4 milliards d'euros sous gestion, ce qui correspond à 22,6 milliards d'euros de création de valeur brute depuis l'origine.
Abondements, versements et encours d'actif du FRR
(en milliards d'euros)
FRR : Fonds de réserve des retraites. Cnieg : Caisse nationale des industries électriques et gazières.
Source : Données Fonds de réserve des retraites - graphique commission des affaires sociales
2. Les recettes (nulles) mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV)
Le 3° du présent article indique le montant (nul) des recettes mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV).
L'exercice 2022 a vu le retour à une situation d'excédent du FSV (ce qui ne s'était pas produit depuis 2009), avec un résultat net de 1,3 milliard d'euros (contre - 1,5 milliard d'euros en 2021, - 2,5 milliards d'euros en 2020 et - 1,6 milliard d'euros en 2019).
Un excédent a de nouveau été observé en 2023 et en 2024, de 1,1 milliard d'euros dans chaque cas.
Ce résultat s'explique par la baisse du nombre de chômeurs (les prises en charge de cotisations au titre des périodes assimilées de chômage constituant près des deux tiers des charges de l'établissement141(*)) et la dynamique des recettes.
3. Le montant de la dette amortie par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades)
Le 4° du présent article propose l'approbation du montant de la dette amortie par la Cades en 2022, soit 16 milliards d'euros.
L'amortissement est égal à la différence entre le produit net des ressources affectées et le montant de ses frais financiers nets.
Il correspond au résultat de la Cades. En effet, les achats de dette ne constituent pas des dépenses au sens de la comptabilité générale (ni de la comptabilité nationale).
Montant de la dette amortie par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades)
(en milliards d'euros)
Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après les LFSS et le présent projet de Lacss
Les produits et les charges de la caisse se sont élevés à respectivement 19,2 milliards d'euros et 3,2 milliards d'euros, d'où un résultat (correspondant à la dette amortie) de 16 milliards d'euros. La forte baisse par rapport à 2023 vient du transfert de 0,15 point de CSG de la Cades vers la CNSA, pour un montant de 2,6 milliards d'euros.
II - Le rejet du projet de loi par l'Assemblée nationale
Comme indiqué supra, l'Assemblée nationale a adopté une motion de rejet préalable du groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire, rejetant ainsi l'ensemble du texte.
III - La position de la commission
Comme exposé en 1ère partie du présent rapport, la commission propose également au Sénat de rejeter le présent Placss.
En conséquence, elle propose de supprimer le présent article.
Article
3
Approbation du rapport annexé sur les excédents ou
déficits
de l'exercice 2024 et le tableau patrimonial (annexe)
Cet article propose d'approuver le rapport, destiné à être annexé à la future Lacss, sur la situation patrimoniale et les mesures prévues pour l'affectation des excédents ou la couverture des déficits.
I - Le dispositif proposé
A. Un rapport qui, selon la lettre de la loi organique, devrait constituer une annexe au Placss (et non à la future Lacss)
Conformément aux dispositions du 4° de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, cet article approuve le rapport sur la situation patrimoniale (c'est-à-dire le bilan) des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss), du Fonds de réserve des retraites (FRR) et de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), et sur les mesures prévues pour l'affectation des excédents ou la couverture des déficits.
Ces dispositions figuraient jusqu'alors dans la première partie des PLFSS, dont elles constituaient l'article 2 et l'annexe A (correspondant au rapport).
Il faut toutefois souligner que, d'un point de vue formel, selon la lettre des articles L.O. 111-4-4 et L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale (cf. encadré), le rapport devrait être annexé non à la future loi (comme le prévoit le présent article), mais au projet de loi lui-même (comme les sept annexes actuelles au projet de loi).
Article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale
(inséré par la loi organique du 14 mars 2022)
(extrait)
« La loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale :
[...]
4° approuve le rapport mentionné au 2° de l'article L.O. 111-4-4. »
Article L.O. 111-4-4 du code de la sécurité sociale
« Sont jointes au projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale des annexes :
[...]
2° comportant un rapport décrivant les mesures que le Gouvernement a prises ou compte prendre pour l'affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés à l'occasion de l'approbation des tableaux d'équilibre relatifs au dernier exercice clos. Ce rapport présente également un tableau, établi au 31 décembre du dernier exercice clos, retraçant la situation patrimoniale des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement, à l'amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ;
[...]. »
B. La situation patrimoniale de la sécurité sociale au 31 décembre 2024
1. Vue d'ensemble
Le tableau patrimonial consolide l'ensemble des bilans des régimes et organismes compris dans son périmètre, qui comprend le régime général et quinze autres régimes, les organismes concourant à leur financement (FSV), à l'amortissement de leur dette (Cades) ou à la mise en réserve de recettes à leur profit (FRR).
Les graphiques ci-après synthétisent les principales lignes du bilan de l'exercice 2024, en les replaçant dans le contexte des années récentes.
Principales lignes du bilan des Robss, du FSV, de la Cades et du FRR
(en milliards d'euros)
1° actif
2° passif
NB : Les comptes 2020 et 2021 ne tirent pas les conséquences de la correction apportée par le Parlement aux comptes 2021 dans le cadre de l'examen du PLFSS 2023 (cf. première partie de l'exposé général, II. A).
Source : D'après le présent article, les Placss 2022 et 2023 et la LFSS pour 2023
Ainsi, le bilan de la sécurité sociale en 2024 est de 198,5 milliards d'euros (à comparer à 1 987,2 milliards d'euros pour l'État).
Du côté de l'actif, l'actif financier, dont le montant a diminué jusqu'en 2022 avant de remonter (suscitant une évolution analogue du total de l'actif), consiste essentiellement en des valeurs mobilières (détenues par le FRR, mais aussi par les différents régimes) et en des encours bancaires ; l'actif circulant correspond essentiellement à des produits à recevoir de cotisations et contributions sociales.
Le passif est quasiment égal au passif financier, les autres lignes se compensant à peu près les unes les autres. Le passif financier correspond très majoritairement à la dette de la Cades (147,2 milliards d'euros). L'augmentation du passif financier en 2024, de 23 milliards d'euros, s'explique très majoritairement par l'augmentation de la dette de l'Acoss (+ 25,5 milliards d'euros), en conséquence du niveau élevé du déficit de la sécurité sociale.
Le passif net (ou « dette ») de la sécurité sociale, mesuré par ses fonds propres négatifs, et qui recouvre pour l'essentiel le cumul des déficits passés restant à financer, était de 93,4 milliards d'euros au 31 décembre 2024, en légère augmentation par rapport à 2023 (92,2 milliards d'euros).
2. L'avis de la Cour des comptes sur la cohérence du tableau patrimonial
En application du 2° de l'article LO. 111-4-6 du code de la sécurité sociale, la Cour des comptes a émis un avis sur « la cohérence du tableau patrimonial du dernier exercice clos » dans son rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
Cet avis comprend une unique observation, relative à la fiabilité des comptes. Elle concerne notamment l'impossibilité de la Cour des comptes de certifier les comptes de la Cnaf et de la branche famille (cf. supra, première partie de l'exposé général, II. A).
L'avis est, au mot près, le même que celui relatif à l'exercice 2023, sous l'unique réserve qu'il n'est plus fait mention d'insuffisances dans le cas de la Caisse nationale s'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL)142(*). Le maintien de la mention d'insuffisances dans le cas de la Cades, de la Mutualité sociale agricole (MSA), du FSV et de l'Établissement national des invalides de la marine (Enim) vient du fait que leurs comptes ont été certifiés avec réserves.
Avis de la Cour des comptes sur la
cohérence
du tableau patrimonial au 31 décembre
2024
« En application du 2° de l'article LO. 111-4-6 du code de la sécurité sociale, auquel renvoie l'article LO. 132-3 du code des juridictions financières, la Cour a procédé à des vérifications sur le projet de tableau de situation patrimoniale au 31 décembre 2024 établi par la DSS, qui figurera dans le rapport soumis à l'approbation du Parlement dans le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2024, ainsi que sur les éléments d'information qui lui ont été transmis.
À l'issue de ses vérifications, la Cour estime que le tableau de situation patrimoniale précité fournit une représentation cohérente de la situation patrimoniale de la sécurité sociale au 31 décembre 2024 qui en découle au regard des comptes arrêtés par les entités dans leurs périmètres respectifs. Elle formule à cet égard l'observation suivante.
La fiabilité des données comptables intégrées au tableau de situation patrimoniale au 31 décembre 2024 a un caractère variable et présente dans certains cas des insuffisances, comme le soulignent les opinions exprimées par la Cour sur les comptes de l'activité de recouvrement et des branches du régime général de sécurité sociale et celles des commissaires aux comptes de la Cades, de la MSA, du FSV et de l'Énim [...] »
Source : Cour des comptes, Ralfss de mai 2023
C. La couverture des déficits constatés sur l'exercice 2024
L'annexe devant être annexée à la future Lacss décrit « les mesures que le Gouvernement a prises ou compte prendre pour l'affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés à l'occasion de l'approbation des tableaux d'équilibre relatifs au dernier exercice clos ».
Comme le souligne cette annexe, certains régimes présentent par construction des résultats annuels équilibrés ou très proches de l'équilibre et n'appellent par construction aucune mesure de ce type143(*).
S'agissant des déficits, l'annexe souligne que « l'année 2024 ne pourra être couverte par les versements de la Cades organisés par la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie, ceux-ci se rapportant seulement aux déficits cumulés des exercices 2020 à 2023 des branches maladie, vieillesse et famille du régime général, du FSV et de la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles ».
Comme la commission a eu maintes fois l'occasion de le souligner, en l'état actuel du droit (notamment organique) aucun nouveau transfert de dette à la Cades n'est possible, ce qui pose la question des modalités de financement de la dette sociale. Il ne paraît en effet pas envisageable de laisser la dette sociale s'accumuler à l'Acoss, qui ne peut s'endetter qu'à court terme.
II - Le rejet du projet de loi par l'Assemblée nationale
Comme indiqué supra, l'Assemblée nationale a adopté une motion de rejet préalable du groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire, rejetant ainsi l'ensemble du texte.
III - La position de la commission
Comme exposé en 1ère partie du présent rapport, la commission propose également au Sénat de rejeter le présent Placss.
En conséquence, elle propose de supprimer le présent article.
LEXIQUE DES PRINCIPAUX SIGLES ET ACRONYMES
Acoss |
Agence centrale des organismes de sécurité sociale (devenue Urssaf Caisse nationale) |
AGGIR (grille) |
Grille « autonomie gérontologie groupe iso-ressources » |
Ajap |
Allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie |
AJPA |
Allocation journalière du proche aidant |
AJPP |
Allocation journalière de présence parentale |
ANV |
Admission en non-valeur |
APA |
Allocation personnalisée d'autonomie |
APU |
Administrations publiques |
Arrco |
Association des régimes de retraite complémentaire |
ARS |
Agence régionale de santé |
Aspa |
Allocation de solidarité aux personnes âgées |
Asso |
Administrations de sécurité sociale |
AT-MP |
Accidents du travail - Maladies professionnelles |
AVPF |
Assurance vieillesse des parents au foyer |
BTP |
Bâtiment et des travaux publics |
CAS |
Commission des affaires sociales |
Casa |
Contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie |
CCAM |
Classification commune des actes médicaux |
CCSS |
Commission des comptes de la sécurité sociale |
CHU |
Centre hospitalier universitaire |
Cnaf |
Caisse nationale des allocations familiales |
Cnam |
Caisse nationale d'assurance maladie |
Cnav |
Caisse nationale d'assurance vieillesse |
CNSA |
Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie |
COG |
Convention d'objectifs et de gestion |
CPA |
Congé de proche aidant |
CSA |
Contribution de solidarité pour l'autonomie |
CSG |
Contribution sociale généralisée |
CSS |
Code de la sécurité sociale |
Dares |
Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques |
DGOS |
Direction générale de l'offre de soins |
DGS |
Direction générale de la santé |
Drees |
Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques |
DRP |
Direction des risques professionnels (de la Cnam) |
DSS |
Direction de la sécurité sociale |
Enim |
Établissement national des invalides de la marine |
EPI |
Equipement de protection individuelle |
ESMS |
Etablissement et service médico-social |
ETP |
Equivalent temps plein |
ETT |
Entreprise de travail temporaire |
EU |
Entreprise utilisatrice |
Fehap |
Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés solidaires |
FHF |
Fédération hospitalière de France |
Fipu |
Fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle |
Fnehad |
Fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile |
FPU |
Forfait patient urgences unique |
Fpup |
Fonds pour la prévention de l'usure professionnelle |
FRR |
Fonds de réserve des retraites |
FSV |
Fonds de solidarité vieillesse |
GIR |
Groupe iso-ressources |
HCFP |
Haut Conseil des finances publiques |
Igas |
Inspection générale des affaires sociales |
IGF |
Inspection générale des finances |
Insee |
Institut national de la statistique et des études économiques |
Lacss |
Loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale |
LFRSS |
Loi de financement rectificative de la sécurité sociale |
LFSS |
Loi de financement de la sécurité sociale |
LO |
Loi organique |
LOLF |
Loi organique relative aux lois de finances |
LPFP |
Loi de programmation des finances publiques |
LRG |
Loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes |
M€ |
Million d'euros |
MCO |
Médecine, chirurgie, obstétrique |
Md€ |
Milliard d'euros |
MDA |
Majoration de durée d'assurance |
MDPH |
Maison départementale des personnes handicapées |
Mecss |
Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale |
Migac |
Missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation |
MSA |
Mutualité sociale agricole |
Odac |
Organismes divers d'administration centrale |
Odass |
Organismes dépendant des assurances de sécurité sociale |
Ondam |
Objectif national de dépense d'assurance maladie |
OPP |
Organisme professionnel de prévention |
OPPBTP |
Organisme professionnel de prévention du BTP |
PCH |
Prestation de compensation du handicap |
Placss |
Projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale |
PLF |
Projet de loi de finances |
PLFRSS |
Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale |
PLFSS |
Projet de loi de financement de la sécurité sociale |
PLRG |
Projet de LRG |
RACL |
Retraite anticipée pour carrière longue |
Ralfss |
Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (rapport annuel de la Cour des comptes) |
Repss |
Rapport d'évaluation de politiques de sécurité sociale (annexés au Placss) |
Resf |
Rapport économique, social et financier (annexé au PLF) |
Robss |
Régimes obligatoires de base de sécurité sociale |
RSA |
Revenu de solidarité active |
SMR |
Soins médicaux et de réadaptation |
T2A |
Tarification à l'activité |
Unédic |
Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce |
Urssaf |
Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales |
ANNEXE : LES PROJETS DE LOI D'APPROBATION DES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
La loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, résultant d'une proposition de loi organique de Thomas Mesnier, alors rapporteur général de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, et s'inspirant largement sur ce point de la proposition de loi organique n° 492 (2020-2021) du 26 mars 2021 de Jean-Marie Vanlerenberghe, alors rapporteur général de la commission des affaires sociales du Sénat, a créé une nouvelle catégorie de lois de financement de la sécurité sociale : les lois d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss)144(*).
L'instauration d'une « loi de résultats pour la sécurité sociale » était également préconisée en 2021 par le rapport145(*) de la commission pour l'avenir de nos finances publiques, présidée par l'ancien sénateur Jean Arthuis.
Les Lacss correspondent, schématiquement, à l'ancienne première partie des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), examinée à l'automne.
I - L'obligation de dépôt du Placss avant le 1er juin
En application de l'article L.O. 111-6 du code de la sécurité sociale, le projet de Lacss (Placss) est déposé « avant le 1er juin ».
Il s'agit d'une évolution majeure du calendrier des LFSS. En effet, jusqu'à l'exercice 2021, les comptes d'une année n étaient approuvés par le Parlement en même temps que le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour l'année n+2, examiné à l'automne, dont ils constituaient la première partie.
II - Instaurer un « chaînage vertueux » entre Placss et PLFSS
L'instauration des Lacss doit permettre un « chaînage vertueux » entre le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss) sur l'année n-1, examiné au printemps, et le PLFSS pour l'année n+2, examiné à l'automne146(*). Il s'agit en effet d'examiner non seulement les comptes, mais aussi l'efficacité et l'efficience des politiques, dans la perspective de l'examen du prochain PLFSS.
A. Un examen du Placss juridiquement nécessaire à la mise en discussion du PLFSS suivant
C'est pour favoriser ce « chaînage vertueux » que, selon l'article L.O. 111-7-1 du code de la sécurité sociale, « le projet de loi de financement de l'année ne peut être mis en discussion devant une assemblée avant l'adoption de la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale afférente à l'année qui précède celle de la discussion dudit projet de loi de financement ».
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2022-836 DC du 10 mars 2022 sur la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, a précisé qu'il suffisait, pour que cette disposition soit satisfaite, que le Placss ait été examiné par l'assemblée concernée147(*).
B. Une anticipation de la publication du rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale de la Cour des comptes
Toujours pour permettre un « chaînage vertueux » entre Placss et PLFSS, le code des juridictions financières, dans sa rédaction issue de la loi organique du 14 mars 2022, prévoit que le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (Ralfss) de la Cour des comptes, jusqu'alors publié à l'automne, quand les commissions des affaires sociales étaient fortement sollicitées par l'examen du PLFSS, est désormais « conjoint au dépôt du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale »148(*).
Le Parlement pourra ainsi interroger les ministres et les autres responsables publics sur les analyses et recommandations de la Cour, en amont de l'examen du PLFSS.
II - La sécurité sociale dans le processus d'approbation des comptes publics et d'évaluation des politiques publiques
Le deuxième trimestre correspond désormais, non seulement pour l'État, mais aussi pour la sécurité sociale, à ce que l'on pourrait appeler un « trimestre de l'exécution et de l'évaluation ».
La séquence commence par l'avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) relatif au solde structurel des administrations publiques (APU) présenté dans le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année (PLRG)149(*). Selon l'article 62 de la LOLF150(*), si ce solde structurel est supérieur de plus de 0,5 point de PIB potentiel151(*) à celui prévu par la loi de programmation des finances publiques (LPFP), le Gouvernement en « tient compte » au plus tard dans le prochain PLF ou PLFSS. Ces dispositions ne s'appliquent pas en cas de « circonstances exceptionnelles ». Dans le cas de l'exercice 2022, la LPFP qui s'applique est celle du 22 janvier 2018, antérieure à la crise sanitaire. Bien que le déficit structurel ait été supérieur en 2022 de 2,6 points à la prévision de la LPFP, le HCFP a considéré que, du fait des circonstances exceptionnelles que représentait la crise sanitaire, il n'y avait pas lieu de déclencher le mécanisme de correction.
La séquence se poursuit, avec le dépôt et l'examen du PLRG, et désormais du Placss. L'enjeu est de profiter de l'exercice, en lui-même habituellement formel, d'approbation des comptes, pour examiner l'efficacité et l'efficience des politiques, et d'en tirer des conséquences pour le prochain PLFSS.
Le tableau ci-après permet de situer le Placss et les modifications liées (anticipation de la publication du Ralfss...) dans le processus d'approbation des comptes publics et d'évaluation des politiques publiques au deuxième trimestre.
Le processus d'approbation des comptes et
d'évaluation au deuxième trimestre
(État et
sécurité sociale)
Date limite |
2023 |
2024 |
2025 |
Ensemble des administrations publiques |
Budget de l'État |
Sécurité sociale |
|
Échéances |
Nouveauté liée au Placss |
||||||
22 février (arrêté du 24 décembre 2014) |
Comptes provisoires |
Non |
|||||
Fin mars |
28 mars 2023 |
26 mars 2024 |
27 mars 2025 |
« Informations rapides » de l'Insee sur les comptes des APU |
Non |
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Avis joint au PLRG |
11 avril 2023 |
17 avril 2024 |
16 avril 2025 |
Avis du HCFP relatif au solde structurel des APU présenté dans le PLRG |
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Avant le 1er mai |
13 avril 2023 |
17 avril 2024 |
16 avril 2025 |
Dépôt du PLRG |
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Resp. conjoint au dépôt du PLRG et
annexé au PLRG |
13 avril 2023 |
17 avril 2024 |
16 avril 2025 |
Publication par la Cour des comptes du rapport sur le budget de l'État et de l'acte de certification des comptes de l'État |
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2023 : 15 avril (arrêté du 24 décembre 2014) 2024 et 2025 : 5 avril (arrêté du 2 février 2024) |
Annexes définitives et états financiers |
Oui (2024) |
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Avril (règlement (CE) n° 1466/97 puis n° 2024/1263 du 29 avril 2024) |
26 avril 2023 |
17 avril 2024 |
30 avril 2025 |
Envoi du programme de stabilité (jusqu'en 2024) puis du rapport annuel d'avancement (2025) à la Commission européenne |
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30 juin (art. 48 LOLF) |
29 juin 2023 |
15 juillet 2024 |
ND |
C. Cptes : rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques |
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Au plus tard le 30 juin (art. L.O. 132-2-1 CJF) |
16 mai 2023 |
17 mai 2024 |
16 mai 2025 |
Publication par la Cour des comptes du rapport de certification des comptes |
Non |
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Avant le 1er juin |
24 mai 2023 |
31 mai 2024 |
23 mai 2025 |
Dépôt du Placss |
Oui |
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Pub. Ralfss : |
24 mai 2023 |
29 mai 2024 |
26 mai 2025 |
CF AN : examen du PLRG |
Publication par la Cour des comptes du Ralfss |
Oui (Ralfss jusqu'alors publié début octobre) |
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Entre le 15 avril et le 15 juin et entre le
15 septembre et le 15 octobre |
25 mai 2023 |
30 mai 2024 |
3 juin 2025 |
Réunion de la CCSS |
Oui (réunion habituellement en juin), mais la Cour des comptes recommande une réunion la 1re quinzaine de mai (Ralfss 2023, reco. n° 3) |
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Fin mai |
31 mai 2023 |
31 mai 2024 |
28 mai 2025 |
Publication par l'Insee des comptes des APU |
Non (données déjà publiées fin mai) |
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30 et 31 mai 2023 |
5 juin 2024 |
4 juin 2025 |
CAS AN : examen du Placss |
Oui |
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Dissolu-tion AN 9 juin |
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Nouveau dépôt Placss |
19 juillet 2024 |
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5 juin 2023 |
14 octobre 2024 |
AN : examen du PLRG en séance |
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6 juin 2023 |
15 octobre 2024 |
10 juin 2025 |
AN : examen du Placss en séance |
Oui |
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1er juin (art. L. 114-4-1 du code de la sécurité sociale) |
7 juin 2023 |
26 juillet 2024 |
[Non publié lors de l'examen du présent rapport] |
Avis du comité d'alerte sur l'exécution de l'Ondam de l'année en cours |
Oui (l'échéance du 1er juin n'est plus tenable, les personnes concernées étant jusqu'à fin mai accaparées par le Placss) |
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28 juin 2023 |
16 octobre 2024 |
17 juin 2025 (CF) et 18 juin 2025 (CAS) |
CF Sénat : examen du PLRG |
CAS Sénat : examen du Placss |
Oui |
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3 juillet 2023 |
22 octobre 2024 |
23 juin 2025 |
Sénat : examen du PLRG en séance |
Sénat : examen du Placss en séance |
Oui |
AN : Assemblée nationale. CAS : commission des affaires sociales. CCSS : commission des comptes de la sécurité sociale. CF : commission des finances. CJF : code des juridictions financières. CSS : code de la sécurité sociale. HCFP : Haut Conseil des finances publiques. LOLF : loi organique relative aux lois de finances. Placss : projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale. PLRG : projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année. Ralfss : rapport (de la Cour des comptes) sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
Le Placss et ses conséquences sont en grisé. Les échéances relatives aux années en cours et suivantes sont en italiques.
Source : Commission des affaires sociales du Sénat
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 18 juin 2025, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport de Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale, sur le projet de loi (n° 729, 2024-2025) d'approbation des comptes de la sécurité sociales de l'année 2024.
M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle l'examen du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss) pour l'année 2024.
Ce texte a été rejeté l'Assemblée nationale en première lecture, le mardi 10 juin.
Je vais laisser la parole à nos rapporteurs en vous précisant que la rapporteure générale est, formellement, rapporteure de droit de ce texte. Néanmoins, chaque rapporteur de branche du PLFSS a souhaité tirer le bilan d'une mesure d'une récente loi de financement de la sécurité sociale qui concerne sa branche et nous le présentera brièvement.
Il s'agit là d'une démarche tout à fait dans l'esprit de la loi organique et de la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss). Je les remercie pour leurs travaux.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - C'est la troisième fois que nous faisons cet exercice depuis sa création. (Mme la rapporteure générale projette une présentation PowerPoint en complément de son propos.)
Les Placss sont issus d'une initiative de mon prédécesseur, Jean-Marie Vanlerenberghe, reprise par le rapporteur général de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, Thomas Mesnier, qui a donné lieu à une loi organique votée en 2022. Le Placss doit être déposé au printemps, pour un examen en juin ou juillet.
Il s'agit de profiter de l'approbation des comptes pour susciter un « chaînage vertueux » entre les Placss et les projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et questionner l'efficacité de la dépense. C'est pourquoi le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (Ralfss) de la Cour des comptes, jusqu'alors publié à l'automne, l'est désormais lors du dépôt du Placss.
Le Placss doit être déposé avant le 1er juin. Une assemblée ne peut examiner le PLFSS avant d'avoir examiné le Placss. L'approbation de ce dernier n'est toutefois pas indispensable : son examen suffit. Ainsi, le Parlement a pu le rejeter en 2022 et 2023.
Le calendrier du Placss relatif à 2023 a évidemment été bouleversé par la dissolution qui, du fait de l'application du principe dit de la « table rase » a impliqué un second dépôt en juillet. Nous revenons cette année à un calendrier normal.
La date de production des comptes par les caisses ne permet pas au Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie de rendre son avis sur l'exécution de l'année en cours avant le 1er juin, comme il est censé le faire. Nous attendons ce nouvel avis ce jour.
Nous pourrions nous dire que les deux sujets n'ont rien à voir l'un avec l'autre. Mais la date de production des comptes par les caisses conditionne notamment la date de la première réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS), qui ne peut actuellement avoir lieu avant fin mai ou début juin. Or le rapport à la CCSS et l'avis du Comité d'alerte mettent à contribution les mêmes personnes : il s'agit du secrétaire général de la CCSS, un magistrat de la Cour des comptes, qui est de droit l'un des trois membres du Comité d'alerte dont il est chargé d'organiser les travaux. Et la direction de la sécurité sociale (DSS) est, bien sûr, sollicitée par le Comité d'alerte.
En pratique, le Comité d'alerte ne peut pas respecter l'échéance du 1er juin et, lors de l'examen du Placss, le Parlement peut donc ne pas être informé des perspectives d'évolution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), ce qui est ennuyeux, sachant que l'examen du Placss est censé être l'occasion de se projeter dans l'avenir. La Cour des comptes, dans ses Ralfss 2024 et 2025, demande que la production des comptes soit anticipée de dix jours.
Afin que la discussion du Placss ne se réduise pas à l'approbation des comptes, nous sommes convenus que les rapporteurs de branche réaliseraient des contributions sur divers sujets. L'année dernière, le contexte n'était pas optimal. Nous pouvons espérer que ces contributions auront davantage d'échos cette année.
J'en viens à l'exécution 2024.
Le déficit, qui avait atteint 10,8 milliards d'euros en 2023, est reparti à la hausse, pour atteindre 15,3 milliards d'euros. En l'absence de nouvelles mesures, la situation continuera de se dégrader, même si l'on retient les hypothèses de croissance du Gouvernement. Il se présente donc un risque pour le financement de la sécurité sociale, d'autant que l'accumulation de la dette sociale à l'Urssaf Caisse nationale, anciennement Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), sans perspective d'amélioration du solde, suscite un risque de crise de liquidité susceptible d'empêcher la sécurité sociale de payer des prestations aussi fondamentales que, par exemple, les pensions. La commission des affaires sociales n'a cessé d'ailleurs d'alerter le Gouvernement sur ce sujet.
Dans le cadre des travaux que Raymonde Poncet Monge et moi-même menons pour la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), les responsables de l'Urssaf Caisse nationale nous ont indiqué que le besoin de trésorerie anticipée pour fin 2025, proche de son plafond de 65 milliards d'euros, la faisait entrer dans une zone de risque, et que la situation pourrait devenir critique en 2027, année où, du fait des déficits accumulés, le besoin de trésorerie devrait dépasser 100 milliards d'euros.
Il faut chiffrer les mesures nécessaires pour revenir à l'équilibre en 2029. La trajectoire figurant dans le rapport à la CCSS de juin 2025 suppose que l'Ondam augmentera bien de 2,9 % par an, ce qui, compte tenu d'une croissance spontanée d'environ 4,5 %, revient à prendre en compte près de 4 milliards d'euros de mesures d'économies sur l'Ondam chaque année, soit 15 milliards d'euros de 2026 à 2029.
La ministre chargée des comptes publics a déclaré à plusieurs reprises, notamment au Sénat, que l'objectif du Gouvernement était de ramener les comptes de la sécurité sociale à l'équilibre en 2029. Or, à cette date, le déficit devrait s'élever à près de 25 milliards d'euros.
Au total, les mesures d'amélioration du solde à prendre pour ramener la sécurité sociale à l'équilibre en 2029 s'élèveraient donc à environ 40 milliards d'euros - si l'on additionne les 25 milliards d'euros aux 15 milliards d'euros précédents -, soit 10 milliards d'euros par an, dont 4 milliards d'euros sur l'Ondam.
Entre 2023 et 2024, les dépenses ont été supérieures d'environ 13 milliards d'euros à ce qu'elles auraient été si elles avaient augmenté selon le même taux que le PIB potentiel, ce qui a contribué d'autant à l'aggravation du déficit. Ces 13 milliards d'euros s'expliquent pour moitié par la revalorisation importante des prestations indexées sur l'inflation - comme les retraites - en 2023, année de forte inflation. Mais ils s'expliquent aussi par le dynamisme des dépenses hors revalorisation, ce qui est plus préoccupant.
Du côté des recettes, de nouvelles mesures ont généré 4,7 milliards d'euros - dont le transfert de 0,15 point de contribution sociale généralisée (CSG) de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) vers la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), pour 2,6 milliards d'euros. Le dynamisme spontané des recettes, plus précisément l'écart entre la croissance spontanée des recettes et celle du PIB potentiel, a également contribué à limiter l'aggravation du déficit.
La situation est très différente en 2024 de celle de 2023, où, du fait de la forte croissance des allégements généraux les recettes avaient été inférieures d'environ 10 milliards d'euros à ce qui aurait découlé d'une croissance spontanée au même taux que le PIB. En 2024, le dynamisme modéré des recettes vient, pour environ 2 milliards d'euros, du fait que les allégements généraux ont spontanément stagné, comme cela était logique. En effet, sous l'effet de l'inflation, le Smic a pris de l'avance par rapport aux autres salaires, ce qui a suscité une forte augmentation des allégements généraux. Désormais, ce sont les salaires supérieurs au Smic qui augmentent. Au lieu d'augmenter au même taux que le PIB, comme cela est habituellement le cas, les allégements généraux augmentent moins vite, d'où la stagnation que nous constatons.
Si l'on compare ensuite l'exécution 2024 aux prévisions, l'on observe que le déficit a été de 15,3 milliards d'euros en 2024, soit 4,8 milliards d'euros de plus que la prévision de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024. Cela tient au fait que les dépenses ont été supérieures de 1,1 milliard d'euros aux prévisions, quand les recettes leur ont été inférieures de 3,7 milliards d'euros. Le dérapage des dépenses provient, comme d'habitude, essentiellement de la branche maladie, particulièrement de l'Ondam.
Les 3,7 milliards d'euros de recettes manquantes par rapport aux prévisions viennent essentiellement des impôts et taxes, notamment de la TVA. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) souligne que le Gouvernement avait retenu une hypothèse optimiste pour sa prévision de recettes de TVA, comme nous l'avions d'ailleurs relevé, suivant laquelle les recettes augmenteraient plus vite que leur base taxable, ce qui ne s'est pas produit.
J'en viens au respect des obligations organiques.
La Cour des comptes avait refusé de certifier les comptes de la branche famille et de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) pour l'exercice 2022. L'année dernière, nous avons pu constater un « progrès » : elle s'est déclarée seulement dans l'impossibilité de les certifier. Elle ne disait donc plus que les comptes étaient faux, mais qu'elle n'était pas en mesure d'affirmer qu'ils étaient justes. Il en va de même pour l'exercice 2024.
Le principal motif de ce refus, puis de cette impossibilité de certifier, est le suivant : les erreurs de paiement de la branche famille neuf mois après le paiement sont égales à 11,7 % du montant des prestations. Or, vingt-quatre mois après le paiement, elles équivalent encore à 8 % de ce montant, ce qui est assez perturbant. En outre, la situation s'est dégradée en 2024 par rapport à 2023. En 2023, l'indicateur à 24 mois s'améliorait, quand celui de neuf mois se dégradait. En 2024, les deux indicateurs se sont dégradés.
On observe une dégradation inquiétante de la qualité des comptes sociaux depuis 2020, les refus ou impossibilités de certification étant nombreux.
Dans le cas du Placss 2022, les indicateurs des rapports d'évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss), qui présentent les objectifs et les résultats des politiques menées par les différentes branches, étaient à jour en moyenne pour 2020, soit deux ans avant l'exercice concerné par le Placss - nous l'avions alors signalé au Gouvernement. Pour les Placss 2023 et 2024, la situation n'est toujours pas optimale, néanmoins nous relevons une amélioration par rapport au Placss 2022.
Ainsi, pour le Placss 2024, les indicateurs s'arrêtent en moyenne en 2023, ce qui correspond à un retard ramené à un an, ce qui constitue un progrès. Nous pouvons nous interroger sur la signification d'indicateurs datant de 2017 ou 2018. Toutefois, il est normal que certains indicateurs ne soient actualisés que de manière périodique, comme c'est le cas, par exemple, pour les données épidémiologiques. Faire en sorte que la majorité des indicateurs s'arrête l'année concernée par le Placss aurait forcément un coût important.
J'aborde à présent une arlésienne : l'évaluation de l'efficacité des niches sociales. Selon la loi organique, l'annexe sur les niches devrait comprendre chaque année l'évaluation d'un tiers de celles-ci. Mais, s'appuyant sur un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'inspection générale des finances (IGF) de 2023, le Gouvernement considère que les seules vraies évaluations, dites « approfondies », ne doivent concerner que 82 niches sur 120. Cela n'est pas absurde en soi, toutefois, même en la limitant ainsi, l'obligation d'évaluer un tiers des niches tous les ans est loin d'être respectée.
Lors du dépôt du Placss 2023, 20 % des niches correspondant à 28 % de leur montant total avaient été évaluées. L'objectif d'évaluation d'un tiers des niches n'était donc pas atteint. Mais le rapport Bozio-Wasmer sur les allégements généraux a été rendu public à l'automne, avant l'examen du Placss 2023 en commission. Le nombre de niches évaluées n'a presque pas augmenté, mais, comme les allégements généraux coûtent très cher, les niches évaluées ont bondi à 92 % du montant total des niches. Dans le cadre du Placss 2024, la situation a de nouveau évolué, mais plus lentement. Il faut poursuivre ce travail d'évaluation. Près de 34 % des niches ont été évaluées jusqu'à présent, correspondant à 96 % du montant total.
Le Sénat a adopté une motion de la commission tendant à opposer la question préalable aux Placss pour les exercices 2022 et 2023, car ces textes présentaient d'importantes lacunes, même si une amélioration avait été enregistrée en 2023 concernant notamment l'actualisation des indicateurs des Repss.
La situation est meilleure dans le cadre du Placss 2024, sous l'effet du rapport Bozio-Wasmer, grâce auquel la quasi-totalité des niches, en montant, ont été évaluées. Je vous suggère néanmoins de rejeter de nouveau le texte cette année, en raison de l'impossibilité de la Cour des comptes de certifier les comptes de la Cnaf et de la branche famille. Nous pourrons éventuellement reconsidérer notre position l'année prochaine, dans l'hypothèse où la Cour accepterait finalement cette certification.
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour la branche vieillesse. - À l'occasion de l'examen de ce projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale, j'ai souhaité approfondir la question des inégalités de pensions de retraite entre les femmes et les hommes. J'en ai eu l'idée après que la Cour des comptes a insisté, au terme de son rapport, sur les impacts du système de retraite sur la compétitivité et l'emploi, sur la nécessité de renforcer l'équité inter et intragénérationnelle dans les paramètres de notre système de retraite.
Les données dont disposent les administrations, dont certaines sont annexées au présent rapport, concernent les années 2021 et 2022 et ne permettent malheureusement pas de tirer des enseignements de la réforme des retraites menée en avril 2023.
Pour autant, le constat premier, dont je me félicite, est celui de la réduction progressive de l'écart de pension entre les hommes et les femmes : il était de 54 % pour la génération née en 1930, et de 37 % en 2021. Cette réduction est le fait d'une meilleure insertion des femmes sur le marché du travail et d'une hausse de leurs qualifications et de leurs rémunérations.
Derrière ces avancées, il apparaît toutefois que l'éducation des enfants incombe prioritairement aux femmes : sur la tranche d'âge comprise entre 25 et 49 ans, 90 % des pères sont en activité, et ce indépendamment du nombre d'enfants au foyer, contre 83,7 % des mères d'un enfant et 50,5 % des mères de trois enfants ou plus. En 2021, les femmes salariées étaient 39,7 % à recourir au temps partiel, ce qui s'explique notamment par leur rôle d'aidant familial.
Vous le savez, le niveau des pensions de retraite des régimes de base et du régime général dépend du revenu d'activité ainsi que de la durée d'assurance validée. Or, le recours au temps partiel atténue la durée de cotisation et amoindrit le revenu perçu, surtout lorsqu'il y est recouru en fin de carrière, là où il est le plus élevé. Nous le savons désormais, dans notre société vieillissante, le rôle d'aidant des femmes ne se limite pas à l'éducation des enfants, mais s'étend désormais à l'assistance aux aînés.
Ces réalités sociales expliquent qu'en 2021, les femmes représentaient 73 % des bénéficiaires du minimum contributif du régime général et 56 % des bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, deux mécanismes qui leur garantissent un revenu minimum. Les écarts de pension de retraite contribuent à la paupérisation des femmes, et nous ne pouvons nous en satisfaire.
Fort heureusement, il existe des mécanismes correcteurs de ces inégalités.
Le premier mécanisme est la pension de réversion, dont 88 % des bénéficiaires sont des femmes. Cela s'explique par leur plus grande longévité, mais aussi par le fait que les hommes veufs perçoivent des pensions de droit direct plus élevées ; or, le bénéfice de la pension de réversion est soumis à condition de ressources.
Le second mécanisme, qui prend la forme de droits familiaux visant à compenser l'éducation des enfants dans le calcul des pensions de retraite, bénéficie à 90 % des femmes retraitées. Ces droits consistent en l'attribution de trimestres de majoration de la durée d'assurance au titre de la maternité, de trimestres d'assurance vieillesse pour les parents au foyer ayant cessé partiellement ou totalement leur activité, ainsi qu'en la majoration de 10 % de la pension de retraite de l'un des parents d'une fratrie d'au moins trois enfants.
Si je me félicite de la réelle plus-value de ces mécanismes - à titre d'exemple, la pension de réversion a permis de réduire de 12 points l'écart de pension entre les hommes et les femmes au titre de l'année 2020 -, je rappellerai toutefois que les inégalités de carrière entre les sexes pénalisent les femmes dans l'accès à d'autres dispositifs que sont le départ en retraite anticipée pour carrières longues et le cumul emploi-retraite, qui ont tous deux été renforcés lors de la réforme des retraites du 14 avril 2023.
En effet, la carrière fragmentée des femmes constitue un obstacle pour la validation de la durée d'assurance légale qui ouvre droit au dispositif de départ en retraite anticipée pour carrières longues, et ce même si elles ont commencé à travailler tôt. Comme l'a également souligné la Cour des comptes dans son rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, dont il nous a été rendu compte la semaine passée, les femmes sont surreprésentées parmi les retraités en situation de cumul emploi-retraite les plus modestes : elles représentent 87 % de ceux qui ont liquidé leurs pensions sans avoir atteint la durée d'assurance légale requise.
En ma qualité de rapporteur, je ne peux qu'encourager la poursuite des efforts afin d'atteindre l'objectif d'égalité entre les femmes et les hommes, qui s'étend, je le rappelle, aux retraites.
J'ai ainsi formulé trois propositions en ce sens. La première, qui reprend une recommandation de la Cour des comptes, consiste à privilégier le recours à la majoration de pension sur la validation de trimestres pour compenser les pertes de trimestres et de salaire liées aux interruptions de carrière. Les deux suivantes s'inscrivent dans une réforme du dispositif de départ en retraite anticipée afin que le temps partiel y soit mieux pris en compte, et que les trimestres de majoration pour l'éducation des enfants soient comptabilisés dans la durée d'assurance requise pour pouvoir bénéficier de ce dispositif.
Mme Corinne Imbert, pour la branche maladie. - Concernant l'Ondam, je souligne le montant atteint en 2024, s'élevant à 256,4 milliards d'euros, contre 247,8 milliards en 2023, soit une hausse de 56 milliards depuis 2019. Nous avions refusé de voter l'Ondam 2024, l'estimant ni crédible ni sincère au regard de la situation du système de santé.
Si le dépassement reste plus limité que les années précédentes, avec une hausse de 1,5 milliard d'euros, je constate néanmoins que, pour la cinquième année consécutive, l'Ondam voté en LFSS initiale a été dépassé.
Les résultats nous donnent donc une nouvelle fois raison et la Cour fait ainsi de l'année 2024, pourtant marquée par une inflation faible, « une occasion manquée de retour à une maîtrise de l'exécution de l'Ondam », et, plus particulièrement, à une maîtrise de l'exécution des dépenses de soins de ville.
Inlassablement, nous le répéterons : il nous faut disposer de prévisions plus solides. Ainsi à la suite du Comité d'alerte qui a appelé le 15 avril 2025 à « une vigilance renforcée sur l'évolution en 2025 des dépenses de soins de ville », nous ne pouvons que nous inquiéter d'ores et déjà des perspectives de dépassement important de l'Ondam pour 2025.
Par ailleurs, j'ai choisi de faire un point, à l'occasion de ce projet de loi d'approbation des comptes, sur la mise en oeuvre de la réforme des financements des activités de médecine, chirurgie et obstétrique dites « MCO » adoptée lors du PLFSS pour 2024.
Pour rappel, nous avions alors soutenu la mise en oeuvre de cette réforme qui vise à diminuer la part de la tarification à l'activité en créant un financement plus équilibré entre tarification, objectifs de santé publique et missions spécifiques sous la forme de dotations.
Toutefois, en l'absence de simulation des effets de la réforme et des besoins d'accompagnement financier, nous avions invité le Gouvernement à reporter son entrée en vigueur en 2028. Cette réforme, pertinente dans son principe, semblait alors largement cosmétique et insuffisamment préparée. Force est de constater que les faits confirment les réserves sur le calendrier et les modalités de mise en oeuvre exprimées alors par notre commission. Ainsi, toutes les fédérations ont regretté l'absence de mise en oeuvre opérationnelle à ce stade. Je m'inquiète tout particulièrement de l'avancée de la réforme du financement des activités de radiothérapie et de dialyse qui, de l'aveu même des fédérations hospitalières, ne pourra pas être correctement mise en oeuvre au 1er janvier 2026.
Si de nombreux chantiers ont été lancés, tous restent inachevés. Et on ne peut que regretter un manque criant de priorisation, qui entraîne des incertitudes pour les établissements de santé qui doivent agir dans un contexte financier critique. Le déficit des établissements publics atteindrait ainsi 3 milliards d'euros sur l'année écoulée.
Il ne suffit pas de changer la pancarte et de lancer des chantiers pour annoncer que la réforme du financement des hôpitaux est en cours.
Il est plus que temps que le Gouvernement réalise les études d'impact permettant de mieux anticiper les effets de la réforme selon les paramètres choisis et que soit adopté un calendrier réaliste qui classe les chantiers par ordre de priorité. Enfin, il paraît nécessaire de prévoir d'ores et déjà les modalités d'évaluation et de révision des paramètres de la réforme afin d'assurer de la visibilité aux établissements de santé.
Voilà, mes chers collègues, quelques observations qui doivent, pour certaines, préparer notre grille de lecture du PLFSS pour 2026.
M. Olivier Henno, pour la branche famille. - J'ai souhaité travailler sur le recouvrement des indus frauduleux à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). En effet, il s'agit d'un enjeu majeur dans la certification de la branche famille de la sécurité sociale. Ce recouvrement pose également une problématique financière dans le contexte difficile de nos finances publiques. Il s'agit enfin d'un enjeu de justice entre les assurés sociaux : nous devons nous assurer que celles et ceux qui souhaitent contourner les règles soient effectivement contrôlés par les caisses d'allocations familiales.
Les chiffres révèlent une situation préoccupante. En 2023, le volume total des indus frauduleux et non frauduleux est estimé à 4,2 milliards d'euros pour la branche famille. Parmi ces montants, seuls 400 millions d'euros d'indus frauduleux ont été effectivement détectés et 300 millions d'euros mis en recouvrement.
Cette disproportion illustre l'ampleur du défi. Les montants recouvrés ont certes progressé de 250 millions d'euros en 2020 à 314 millions en 2024, soit une augmentation de 25,6 %, mais cette performance demeure insuffisante au regard des enjeux.
Certaines évolutions sont particulièrement inquiétantes : les indus frauduleux de l'allocation aux adultes handicapés ont augmenté de 558 % entre 2020 et 2024, passant de 2,6 à 17,4 millions d'euros. Pour la prime d'activité, l'augmentation atteint 144 %, passant de 17 à 42 millions d'euros.
La qualification de la fraude nécessite l'établissement cumulatif de trois éléments : violation légale, obtention de prestation indue, et intentionnalité. Cette exigence procédurale génère des délais de traitement moyens de 20 mois pour les indus frauduleux, contre 4,4 mois pour les indus non frauduleux. Les disparités territoriales persistent de manière préoccupante : les taux de recouvrement oscillent entre 50,7 % et 94,6 % selon les caisses d'allocations familiales, révélant des écarts de performance de près de 44 points.
Malgré ces difficultés, l'analyse coût-efficacité demeure favorable. La branche famille mobilise 3 336 équivalents temps plein (ETP) dédiés au contrôle et au recouvrement, soit 10 % de ses effectifs. En 2023, chaque ETP a permis de récupérer 3 113 250 euros, générant un ratio de 53,5 euros recouvrés pour 1 euro investi.
Face à ces constats, je formule trois recommandations prioritaires.
Premièrement, l'harmonisation des pratiques territoriales et la professionnalisation des acteurs sont essentielles. Il est indispensable de déployer un dispositif d'accompagnement renforcé auprès des caisses les moins performantes et d'instaurer une certification obligatoire pour les gestionnaires fraude, avec recyclage périodique des formations.
Deuxièmement, l'accélération de la modernisation informatique est également une priorité. Le déploiement anticipé de la refonte du système Corali, avec intégration d'outils de datamining contribuera à l'amélioration de la détection préventive. Il faut également songer à l'intégration d'un outil d'intelligence artificielle afin d'amplifier davantage encore la productivité des agents. Cette modernisation doit s'accompagner d'une révision des seuils économiques : relèvement du seuil de mise en recouvrement à 1,27 % du plafond mensuel de sécurité sociale et du seuil d'admission en non-valeur à 5,3 %, soit 209 euros.
Troisièmement, il faut étudier l'opportunité de l'extension de la solidarité à la source. Ce dispositif préventif majeur, généralisé au 1er mars 2025 pour le revenu de solidarité active (RSA) et la prime d'activité, consiste à préremplir automatiquement les données nécessaires au calcul des droits. L'extension devrait favoriser la certification des comptes de la branche famille. Son élargissement à d'autres prestations découragerait l'adoption de comportements frauduleux. La Cnaf devrait expertiser cette possibilité pour prévenir davantage la constitution d'indus frauduleux.
Mes chers collègues, l'adoption de ces trois axes structurants devrait permettre d'améliorer la performance globale et de renforcer la confiance des citoyens dans la gestion rigoureuse des fonds publics.
Mme Chantal Deseyne, pour la branche autonomie. - Je me suis penchée, pour la branche autonomie, sur le recours à l'allocation journalière du proche aidant (AJPA).
Nous sommes tous témoins du rôle croissant que jouent les quelque 9,3 millions d'aidants en France. Cette dynamique résulte du vieillissement de la population, mais aussi des difficultés d'accès aux soins et de l'impossibilité, pour certaines familles, de financer une aide à domicile ou un placement en établissement.
Dans ce contexte, le problème de la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle se pose, pour les aidants, avec une particulière acuité.
C'est pour répondre à cet enjeu qu'en 2017 le Parlement a voté la création du congé de proche aidant : tout salarié qui le souhaite peut suspendre son contrat de travail pour s'occuper d'un proche en perte d'autonomie ou en situation de handicap. La durée de ce congé peut être fixée par accord collectif, mais à défaut, sa durée maximale est de trois mois renouvelables dans la limite d'un an sur l'ensemble de la carrière professionnelle. Depuis 2020, les agents publics peuvent aussi en bénéficier.
La création de ce congé a bien évidemment constitué une avancée pour les proches aidants, mais dans les faits, l'absence d'indemnisation est vite apparue comme un obstacle à son recours.
C'est précisément pour lever cet obstacle qu'a été créée, en 2020, l'AJPA.
Cette allocation, je le rappelle, est financée par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et versée par les caisses des allocations familiales et de la Mutualité sociale agricole (MSA). Son montant s'élève à 65,80 euros par jour. Elle peut être versée, sur l'ensemble de la carrière professionnelle, dans la limite de 66 jours par proche et pour quatre proches au maximum.
Pour favoriser la montée en charge de l'AJPA, le législateur a souhaité renforcer son attractivité.
Dans la LFSS pour 2022, les critères d'éligibilité au congé de proche aidant et à son indemnisation ont été élargis pour permettre aux aidants de personnes en perte d'autonomie moins avancée d'en bénéficier. Par la même occasion, le montant de l'AJPA a été rehaussé au niveau du Smic journalier net.
Plus récemment, dans la LFSS de 2024, le Parlement a voté le rechargement des droits à l'AJPA : initialement limité à 66 jours sur l'ensemble de la carrière pour aider un seul proche, le droit à l'indemnisation est désormais renouvelable trois fois, soit jusqu'à 264 jours, à condition que la personne aidée soit à chaque fois différente.
L'AJPA est donc, à première vue, un dispositif attractif et ouvert à un public très large. Pourtant, le recours à cette allocation peine à se développer. Au 1er novembre 2024, près de 19 800 droits à l'AJPA ont été ouverts. Sur le plan budgétaire, en 2023, la CNSA a alloué 11 millions d'euros au financement de cette allocation.
Ces chiffres sont très maigres par comparaison avec le nombre d'aidants potentiellement éligibles : on estime ainsi que près de 270 000 salariés et 67 000 agents publics aidants pourraient prétendre à l'indemnisation du congé de proche aidant. Sur cette base, le taux de recours à l'AJPA approche difficilement les 6 %.
Alors, pourquoi le recours à l'AJPA - et, en tout état de cause, au congé de proche aidant (CPA) - est-il si faible ? Mes travaux m'ont permis d'identifier plusieurs freins.
Premièrement, cela s'explique tout simplement par la perte de salaire induite. Pour les salariés rémunérés au-dessus du Smic, si l'employeur n'a pas mis en place de mécanisme de complément, le montant de l'AJPA se traduit par une perte de revenu désincitative. Sur ce point, il me semble difficile d'envisager une évolution du dispositif, que j'estime suffisamment robuste dans un contexte budgétaire très contraint.
Deuxièmement, le recours à l'AJPA peut s'avérer complexe, notamment dans le cas d'une dégradation brutale de l'état de santé de la personne aidée. L'ouverture des droits suppose en effet que la perte d'autonomie de la personne aidée ait été préalablement évaluée par l'équipe médico-sociale départementale ou par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), et nous connaissons tous la longueur des délais pour obtenir ces évaluations. Il me semble qu'une simplification des démarches serait bienvenue pour faciliter le recours à l'AJPA dans ces situations d'urgence.
Un autre point important concerne le renouvellement des droits à l'AJPA, qui n'est possible que si la personne aidée est différente. Si l'objectif de ne pas faire peser l'accompagnement d'une personne sur un même proche aidant est louable, dans les faits, cette condition s'applique mal à la réalité du terrain. Il me semble important de prendre cela en compte, en étudiant l'opportunité d'ouvrir le rechargement des droits à l'AJPA pour une même personne aidée.
Enfin, il faut garder à l'esprit que l'allocation journalière du proche aidant est un dispositif récent, qui manque encore de notoriété. La stratégie de communication sur le congé de proche aidant et sur son indemnisation doit donc être mieux ciblée, et devrait pouvoir s'appuyer sur le déploiement du service public départemental de l'autonomie.
Mme Marie-Pierre Richer, pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles. - Pour la onzième fois sur les douze derniers exercices, la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) a dégagé un excédent en 2024 à hauteur de 700 millions d'euros, soit 400 millions d'euros de moins que ne le prévoyait la LFSS de 2024, du fait d'une surestimation des recettes et de dépenses plus dynamiques que prévu. Le résultat de la branche est globalement conforme, à 100 millions d'euros près, aux prévisions de la dernière LFSS. Pour rappel, la situation structurellement excédentaire de la branche devrait prendre fin à compter de cette année.
Cette année, dans le cadre de l'examen du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale, j'ai souhaité me pencher plus précisément sur la question des cotisations AT-MP dans les secteurs du médico-social et du bâtiment et des travaux publics (BTP). En effet, ces deux secteurs bénéficient de dispositions dérogatoires en matière de tarification, qui ne sont pas sans effet sur les mesures de prévention mises en oeuvre.
Rappelons qu'en droit commun, les cotisations AT-MP dépendent de la sinistralité propre à chaque établissement pour les entreprises comptant au moins 20 salariés. Il s'agit là d'un levier important d'incitation financière pour favoriser l'investissement en matière de prévention, toute baisse de la sinistralité se traduisant par une diminution des cotisations dues.
Cette règle ne s'applique toutefois pas à toutes les entreprises. En sont notamment exemptés les secteurs à faible sinistralité comme la finance et, plus étonnamment, le secteur du médico-social. Celui-ci bénéficie même d'une double dérogation, puisque tous les établissements du secteur, quels que soient leur taille et leur code risque, sont soumis à un même taux de cotisation, de 3,75 % en 2025.
Cette particularité entraîne des distorsions à ne pas ignorer : elle conduit les petits organismes et les établissements des champs de l'enfance et du handicap à surcontribuer à hauteur de 400 millions d'euros par an, principalement au profit des grands groupes d'Ehpad, touchés par la sinistralité la plus élevée. Cela pose une question d'équité sectorielle : nous connaissons tous les difficultés financières rencontrées par certains établissements d'accueil des enfants ou des personnes handicapées sur nos territoires. Il n'est pas normal que ces tensions soient accentuées par une prise en charge, via les cotisations AT-MP, des dépenses occasionnées par les sinistres professionnels d'autres secteurs.
Cette dérogation nous interpelle également sur le message envoyé au secteur médico-social : elle prive d'un levier d'incitation décisif la prévention, pourtant présentée comme une priorité dans un secteur marqué par une sinistralité particulièrement importante, notamment féminine, et qui n'a fait que s'accentuer lors des années 2010. La situation est baroque : on demande aux employeurs du secteur, exsangues financièrement, d'investir pour la prévention, sans prévoir le moindre retour sur investissement par une baisse des cotisations.
Par conséquent, il me semblerait judicieux de faire converger progressivement la tarification AT-MP du secteur médico-social vers le droit commun. J'ai bien dit « progressivement », car la situation financière du secteur proscrit toute hausse brutale de charges. Dans une logique d'équité, un taux collectif pourrait être maintenu dans un premier temps, sous réserve qu'il soit différent pour chaque secteur. Par la suite, il semble opportun d'envisager une tarification mixte pour les plus grands établissements et de converger, peu à peu et avec les mesures d'accompagnement nécessaires pour les entreprises les plus touchées, vers une tarification de droit commun, incitative à la prévention.
Le levier de la tarification n'est toutefois pas une réponse suffisante pour lutter contre les risques professionnels dans le secteur, également alimentés par un sous-effectif chronique lié à un défaut d'attractivité des métiers et par l'évolution des tâches réalisées et des publics accueillis. Avant d'indexer les cotisations AT-MP sur la sinistralité, il nous faut donner au secteur les moyens de développer une culture de la prévention. Dans le privé, le fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle (Fipu) voit ses crédits sous-consommés chaque année : il faut davantage communiquer sur cet outil qui permet de subventionner certains équipements de prévention à hauteur de 70 %. Il convient également d'accélérer la création de l'homologue du Fipu pour la fonction publique, prévu par la loi, mais jamais institué faute de parution des textes d'application. Enfin, j'estime qu'il serait opportun de soutenir la création envisagée d'un organisme professionnel de prévention dans le secteur médico-social, sur le modèle de celui du BTP, et d'y associer les acteurs publics comme privés.
Le secteur du BTP bénéficie également de modalités dérogatoires de calcul des cotisations AT-MP, mais celles-ci ne reposent pas sur un taux collectif généralisé et ne font donc pas véritablement obstacle au développement d'une politique de prévention. Portée notamment par les efforts de l'organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP), celle-ci porte ses fruits puisque la sinistralité y a été divisée par deux en vingt ans.
Le secteur du BTP reste toutefois marqué par la fréquence des accidents graves, des accidents associés à de forts taux d'incapacité permanente, voire des accidents mortels. Afin de lisser la charge fiscale engendrée par de tels sinistres, le droit en vigueur prévoit de pénaliser de la même manière les employeurs du BTP pour tous les AT-MP engendrant une incapacité permanente de 10 % ou plus, ce qui revient à écraser le coût des accidents les plus graves en le diluant avec des accidents de gravité moyenne. Sans effacer les spécificités de la sinistralité et du tissu économique du BTP, il me paraît judicieux que des concertations soient engagées en vue de créer un nouveau palier pour la tarification des AT-MP ayant entraîné une incapacité permanente dans le BTP, afin de prévenir la survenue des sinistres les plus graves.
Par ailleurs, un autre phénomène a attiré mon attention lors des auditions : les délégations de tâches par l'intérim ou par la sous-traitance, de plus en plus fréquentes, ont pour effet secondaire de transférer le risque AT-MP de l'entreprise donneuse d'ordres vers d'autres entités. Si la responsabilité des sinistres professionnels doit, bien sûr, incomber au premier chef au sous-traitant ou à l'entreprise d'intérim, il ne faut pas pour autant que le donneur d'ordres soit exonéré de toute responsabilité.
Pour lutter contre cette tendance dans l'intérim, un récent décret a prévu de renforcer le partage des coûts liés aux sinistres professionnels entre l'entreprise utilisatrice et l'entreprise de travail temporaire. À compter de l'entrée en vigueur de la réforme, échelonnée entre 2026 et 2028, l'entreprise utilisatrice et l'entreprise d'intérim se partageront désormais à parts égales les hausses de cotisations provoquées par des sinistres professionnels subis par des intérimaires.
Il me semblerait opportun que les partenaires sociaux s'inspirent des évolutions prévues dans le secteur de l'intérim afin de mettre en oeuvre un partage du coût des sinistres professionnels en cas de sous-traitance.
M. Philippe Mouiller, président. - Je remercie l'ensemble des intervenants pour leurs travaux.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Merci, madame la rapporteure générale, pour votre rapport. Parler de dynamisme des dépenses, et non plus de dérive, est un grand progrès. Nous savons que ce dynamisme est, d'une certaine façon, inéluctable. En effet, les dépenses de la branche maladie augmentent dans tous les pays européens, et les dépenses de la branche vieillesse également, du fait du déclin démographique.
Or ce dynamisme des dépenses est régulé par toutes les mesures prises sur la valeur de ces dépenses. L'Ondam doit progresser de 2,9 % par an pour les quatre ans à venir, soit une valeur supérieure au PIB. Mais, si aucune mesure n'était prise sur les dépenses, il excéderait les 4 %. On demande en réalité à l'Ondam un tiers de mesures d'économies et de baisse de la valeur des dépenses.
Il en va de même pour les retraites. C'est par la forte pression exercée sur les pensions des retraités que l'on maintient la stabilité des dépenses de la branche. Au cours de nos auditions, il nous a été dit que, si rien n'était fait et si les dernières réformes des retraites s'appliquaient en l'état, la baisse relative des pensions et du niveau de vie des retraités ne serait guère soutenable. Le taux de pauvreté repartirait à la hausse, alors que notre système social est particulièrement performant par rapport aux autres pays européens, puisque nous avons contenu à 10 % la pauvreté des retraités.
Le dynamisme des dépenses est donc contenu, dans la mesure du possible. Nous soutiendrons pour notre part toutes les mesures qui ne seront pas antisociales.
Cependant, nous constatons également que les mesures prises par le Gouvernement pèsent sur les recettes. Selon la Cour des comptes, en 2024, le montant représenté par la sous-compensation des exonérations de charges patronales s'est élevé à 5,5 milliards d'euros. Cela a été rendu possible par le fait que cette compensation ne se fait plus à « l'euro, l'euro », mais par l'intermédiaire de la TVA, appuyée sur la consommation, et non sur le travail. La non-application de la loi Veil entraîne donc une perte de 5,5 milliards d'euros.
De plus, la Cour des comptes relève également une sous-compensation structurelle du bandeau maladie, qui a entraîné, en cumulé, entre 2019 et 2024, 18 milliards d'euros de pertes de recettes, lesquels pèsent à présent sur l'Urssaf Caisse nationale.
Par ailleurs, nous ne pouvons pas ne pas parler des niches sociales. Depuis 2019, les niches d'exemptions d'assiette - celles qui n'ont jamais eu vocation à être compensées, comme la prime de partage de la valeur ou l'exonération des heures supplémentaires - ont augmenté de 10 milliards d'euros. Elles pèsent désormais 19 milliards d'euros ! Or la déflation salariale se règle par le partage de la valeur ajoutée dans les entreprises. Ce n'est pas à la sécurité sociale de compenser la perte de pouvoir d'achat des travailleurs.
Par le passé, nous avons pu faire face à l'augmentation des dépenses au moyen de recettes supplémentaires. Or, depuis 2019, nous assistons à une rupture totale. L'effort sur les recettes est quasi nul, en revanche nous pesons fortement sur les dépenses. C'est ce que nous avons appelé la politique des caisses vides. Par conséquent, le solde s'en trouve aggravé.
L'exonération des heures supplémentaires, inefficace pour l'emploi et la compétitivité, a été supprimée, puis rétablie par le président Macron. Elle coûte 2,2 milliards d'euros. Or la sous-compensation pour la branche vieillesse représente également 2,2 milliards. Au total, 5,6 milliards d'euros ont pesé sur le solde de la branche vieillesse en 2024.
Il faut revenir à une politique de recettes correcte et mettre fin à l'envolée des niches sociales.
Depuis des années, le Gouvernement fonde ses prévisions de croissance sur des taux supérieurs à ceux qui sont avancés par le Fonds monétaire international (FMI), le consensus des économistes, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), la Banque de France, la Commission européenne et l'OCDE. Il faut que cela cesse. C'est une illusion idéologique nourrie par la croyance du Gouvernement en la politique de l'offre. Alignons plutôt les prévisions sur les consensus économiques.
M. Bernard Jomier. - Je remercie la rapporteure générale et les rapporteurs de branche pour leurs interventions.
Je partage le propos de la rapporteure générale sur le chaînage : l'idée n'est pas d'avoir une lecture purement technique du texte, sans quoi nous le rejetterions simplement, puisque la Cour des comptes n'a pas pu certifier les comptes. Il s'agit en réalité d'un exercice politique. Or le calendrier n'est effectivement pas tout à fait le bon, comme la rapporteure générale l'a souligné.
Les cinq rapporteurs de branche ont fait des propositions en prévision de la nouvelle LFSS. Nous sommes donc en train d'ouvrir une nouvelle séquence politique, dont le Premier ministre nous annonce qu'elle doit aboutir à 40 milliards d'euros d'économies sur les finances publiques. C'est déraisonnable. Un tel montant d'économies, sur une année, se fera au prix soit d'atteintes fortes aux droits sociaux, soit d'un effet récessif sur l'économie, entraînant une hausse du chômage et d'autres conséquences négatives pour notre pays.
Il serait plus raisonnable de prévoir un redressement plus modéré, mais maintenu dans le temps, dans une perspective pluriannuelle.
Depuis deux ans, on nous présente des trajectoires de comptes dégradées, et depuis deux ans nous appelons au retour à une trajectoire de rétablissement. Le gouvernement de Michel Barnier avait présenté un projet qui ne prévoyait pas de rétablissement des comptes, mais au moins ne les dégradait pas.
Mme Frédérique Puissat. - Il fallait le garder, pas le censurer !
M. Bernard Jomier. - Nous l'avons censuré, car il ne prévoyait pas de rétablissement des comptes. La LFSS a été adoptée, parce que les Français souhaitaient un budget pour le pays. Or, entre le projet de 2024 et la loi adoptée en 2025, une trajectoire de dégradation a été finalement tracée, notamment parce que les recettes n'étaient pas suffisantes. Les quelques milliards d'euros de suppressions d'exonérations de cotisations proposées ne convenaient pas à la mouvance présidentielle, qui a exigé que l'on abandonne cette piste.
Une trajectoire de redressement est donc indispensable, et nous en discuterons. Cependant, je m'adresse à vous, mes collègues de la majorité sénatoriale : lors du débat sur la taxe Zucman, vous avez refusé de solliciter les ultrariches pour un prélèvement qui était pourtant très loin du niveau confiscatoire. Or aucun discours de réalité économique ne peut se tenir au prix de l'injustice sociale, car les Français refuseront ensuite toutes les mesures qu'on leur demandera d'accepter. Toutes ! Car vous délégitimez la notion même de solidarité nationale.
Le Premier ministre annoncera prochainement les mesures qu'il souhaite voir adopter pour redresser les finances du pays. C'est dans ce sillon politique que nous nous trouvons. Or nous n'aurons évidemment pas un regard positif sur la Lacss - pas davantage que vous, madame la rapporteure générale, mais je n'ai pas tout à fait compris si vous déposeriez une motion tendant à opposer la question préalable, ou si vous laisseriez le Placss être examiné pour le rejeter ensuite.
L'Ondam est dans une impasse, même si nous observons une évolution structurelle positive. Mais la façon dont l'Ondam est établi n'est pas de nature à permettre aux 265 milliards d'euros du budget santé du pays d'avoir une véritable efficience. Cela pose problème. Poursuivre les mesures paramétriques, comme nous l'avons fait jusqu'à présent, y compris quand la gauche était au pouvoir, contraindra certes la dépense, mais n'améliorera nullement la situation.
Il faut s'attaquer au volet structurel. Quelle que soit la faiblesse politique du Gouvernement, ne pas conduire ce chantier pour éviter d'être censuré n'est pas une preuve de responsabilité. Il faut s'y attaquer, dès maintenant, si l'on ne veut pas s'attaquer aux prestations sociales ou aux personnes qui n'ont pas beaucoup de revenus.
Des progrès ont certes été enregistrés sur l'évaluation des niches. Mais la question n'est pas là ! Il s'agit de prendre des décisions. Cela fait des années que cela dure, que les rapports se succèdent sans qu'aucune décision ne soit prise. Il est temps de nous attaquer aux exonérations économiquement inutiles et socialement injustes.
Mme Laurence Muller-Bronn. - Je félicite également les rapporteurs.
Un proche aidant à la retraite peut-il percevoir l'AJPA ? De même, un proche aidant chômeur peut-il toucher cette allocation ?
Par ailleurs, lorsque les femmes ont une carrière complète, les trimestres de maternité sont-ils utiles ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Le refus de la majorité sénatoriale de voter la taxe Zucman montre qu'il y a un problème. Vous parlez souvent de solidarité, de partage, mais si l'on refuse de s'attaquer aux ultrariches du pays, comment le Gouvernement, dont vous faites partie, finalement, peut-il expliquer aux Français qu'il faut faire 40 milliards d'euros d'économies ?
Nous ne voulions pas tout prendre aux ultrariches, nous ne voulions d'ailleurs pas leur prendre grand-chose et ce que nous voulions n'était, à mon avis, pas assez. Quoi qu'il en soit, notre proposition n'avait rien de honteux. En revanche, le geste que vous avez eu était honteux à l'égard du peuple français qui souffre. (Les membres du groupe Les Républicains protestent.)
Je ne parle pas de vous en tant qu'individus, mais de la décision que vous avez prise que je trouve, personnellement, honteuse. Refuser de taxer les plus riches du pays est honteux, je le dis clairement.
Le rapport montre, une fois de plus, qu'il faudra couper dans les dépenses. Il faut trouver de l'argent : on a parlé d'un dynamisme des dépenses, mais j'aimerais que l'on parle aussi d'un dynamisme des recettes. Une nouvelle fois, le Gouvernement s'en prend aux plus fragiles du pays. Il est question de supprimer le classement de certaines pathologies en affections de longue durée (ALD), ou encore d'augmenter la TVA sociale. Ce sont toujours les mêmes qui sont visés.
Par ailleurs, au fil des gouvernements successifs, nous avons assisté à un assèchement des recettes de la sécurité sociale. Nous recensons 80 milliards d'euros d'exonérations au profit des entreprises, dont 5,5 milliards d'euros d'exonérations et 3,3 milliards d'euros d'exemptions de cotisations - primes, heures supplémentaires - non compensées par le Gouvernement au budget de la sécurité sociale. Au total, cela fait 8,8 milliards d'euros !
Si nous pouvions récupérer cette somme, le déficit de la sécurité sociale serait bien amoindri.
Je partage les propositions de Mme Pascale Gruny, sur la majoration des pensions notamment, mais il convient de mettre aussi en avant les gains substantiels qui seraient issus d'une réelle égalité entre les hommes et les femmes.
Par ailleurs, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) pèse désormais sur tous les établissements : établissements médico-sociaux, hôpitaux, offre publique sanitaire. Or elle est appliquée pour l'instant sans compensation de la part de l'État. Et tout cela se fait au détriment de la santé.
Il faudrait que nous soyons plus dynamiques pour demander à l'État de jouer pleinement son rôle et de trouver des recettes.
Monsieur Henno, je suis contre toutes les fraudes, quelles qu'elles soient. Mais il arrive que l'on commette des erreurs, que l'on se trompe dans ses papiers. Et les suppressions d'emplois ont été si nombreuses dans les caisses d'allocations familiales (CAF) que les gens ne sont pas toujours bien renseignés. Le moindre appel dure une demi-heure, et l'on tombe sur un répondeur qui nous demande de taper un, puis deux, puis trois avant de raccrocher... Ce manque de personnel compromet la délivrance d'un service public de qualité.
Je voudrais que l'on s'attaque aussi à la fraude fiscale, qui représente 13,7 milliards d'euros.
Nous vous proposons donc d'apporter des ressources nouvelles et de prendre parfois les bonnes décisions en ayant l'audace de taxer les plus riches, plutôt que d'agir comme toujours au détriment des plus pauvres.
M. Daniel Chasseing. - Je félicite également Mme la rapporteure générale et tous les rapporteurs de branche.
Je suis pour la solidarité, mais taxer les hyperriches sera-t-il vraiment efficace ? Une taxe sur les yachts a été instaurée, dont il nous avait été dit qu'elle rapporterait beaucoup d'argent. Or seuls cinq yachts sont taxés en France désormais ; tous les autres ont disparu, car ils sont allés s'amarrer ailleurs ! (Les membres du groupe Les Républicains approuvent.)
Mme Corinne Bourcier. - C'est contre-productif !
M. Daniel Chasseing. - Le problème est que leur entretien et leurs réparations se font aussi désormais ailleurs qu'en France.
Malheureusement, ce genre de taxe n'est pas efficace.
Le déficit de la sécurité sociale est dû en grande partie aux branches maladie et vieillesse. Les dépenses de la branche maladie ont augmenté de 9 milliards d'euros, celles de la branche vieillesse de 18 milliards d'euros et les revalorisations des retraites de 14 milliards d'euros. La CNRACL se dégrade donc, et le retour à l'équilibre continuera à se faire attendre, car les pensions progressent de 8 % alors que les cotisations n'ont augmenté que de moins de 6 %.
Un effort doit donc être mené sur les dépenses de la branche maladie, ce qui sera difficile au vu de la hausse du nombre de maladies chroniques et du vieillissement de la population. Les dépenses continueront donc à augmenter malgré les efforts entrepris sur les fraudes.
Notre sécurité sociale, colonne vertébrale de la République, se trouve dans une situation alarmante. Si les choses continuent ainsi, son financement ne sera, à terme, plus assuré. Une action vigoureuse de redressement doit donc être menée. L'objectif d'augmenter l'Ondam de 2,9 % pour atteindre l'équilibre en 2029 me semble pertinent.
Je suis aussi d'accord avec la nécessité de résorber le nombre de fraudes au sein de la branche famille. Il en va de même pour la branche vieillesse, notamment concernant les retraites perçues à l'étranger.
S'agissant de l'autonomie, il faudrait faire un effort également pour les aidants, car ils seront de plus en plus nombreux à l'avenir.
En matière d'AT-MP, la prévention est essentielle, notamment concernant l'usure professionnelle et les accidents du travail.
Toutefois, nous ne parviendrons réellement à l'équilibre qu'en augmentant le nombre d'emplois. Or, pour y parvenir, les entreprises ne doivent pas être davantage imposées en France qu'elles ne le sont dans les autres pays. Nous devons avoir des entreprises compétitives. Il faut aussi favoriser les emplois seniors pour avoir moins de retraites à payer et plus de personnes en emploi pour générer des cotisations. En faisant ainsi un effort sur les dépenses et sur les créations d'emploi et les formations, particulièrement à destination des jeunes et des seniors, nous pourrons avancer.
Mme Frédérique Puissat. - Je partage plusieurs des propos qui viennent d'être tenus. Monsieur Jomier, le calendrier dans lequel nous nous trouvons nous permet déjà de nous projeter en 2026. Nos rapporteurs ont esquissé des pistes à cet égard, et je les en remercie.
Je constate également, avec mes collègues, que nous n'avons pas la même vision des choses. Cela me paraît tout à fait sain. Vos positions relatives à la taxe Zucman étaient audibles, et nous les avons entendues. Mais nos positions étaient différentes et nous n'avons pas fait les mêmes choix. De même, vous n'aviez pas fait les mêmes choix que nous lorsque nous avions proposé d'augmenter le temps de travail l'année dernière. Ces débats sont sains et nous devons respecter les positions des uns et des autres. C'est la chance du Sénat d'avoir des majorités qui arrivent à se dégager.
En revanche, je ne suis pas d'accord avec Bernard Jomier lorsqu'il dit que, parce que nous avons refusé la taxe Zucman, nous ne pourrions pas proposer de mesures d'économies susceptibles d'être acceptées par les Français. La majorité sénatoriale fera des propositions pour 2026, que vous voterez ou non. Le moment est grave. Si nous nous interdisons de faire des propositions, nous ne nous en sortirons pas.
Tout l'honneur du Sénat est d'avoir une majorité, nous l'avons vu en 2025 : nos collègues députés n'ont pas pu présenter de projet de loi de finances ni de projet de loi de financement de la sécurité sociale. Heureusement, le Sénat a pu le faire, ce qui nous a permis d'avoir un budget rapidement. Malheureusement, les prévisions de déficit de la sécurité sociale se sont aggravées depuis que le PLFSS a été voté au Sénat. Soyons donc prudents dans nos votes.
Nous ferons en sorte que des majorités se dégagent pour que le PLFSS soit voté au Sénat. Nous ne serons pas forcément d'accord, mais je n'accepte pas d'entendre dire que les Français n'accepteront pas nos positions parce que nous n'avons pas voté un texte de loi. Sinon, c'est la Révolution, les « gilets jaunes », avec nos encouragements ! (Les membres du groupe Les Républicains applaudissent.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Madame Poncet Monge et moi-même menons dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) un travail ensemble sur l'avenir de la protection sociale. Nous cherchons à élaborer une « boîte à outils », grâce à laquelle nous pourrons parler en connaissance de cause des différents moyens à notre disposition.
L'ensemble des allégements existants représente environ 100 milliards d'euros, dont 35 milliards d'euros non compensés. Mais cette non-compensation est en quasi-totalité légale. La loi Veil s'applique, selon le type de niche, qu'à partir de 1994 ou 2004. Or les exemptions d'assiette, de près de 15 milliards d'euros, sont presque toutes antérieures à cette date, raison pour laquelle elles ne sont pas compensées.
La sous-compensation des allégements généraux, de 5,5 milliards d'euros, provient quant à elle de la part de TVA que la loi a décidé de lui attribuer en 2019.
J'aimerais que tout soit compensé à l'euro près, mais il faudrait mobiliser de toute façon les moyens de l'État. Ce qui serait gagné du côté de la sécurité sociale serait perdu de celui de l'État. Ces déficits qui augmentent chaque année nous privent par ailleurs de politiques publiques souhaitables. Le remboursement des intérêts de la dette ne cesse d'augmenter. Le comité de surveillance de la Cades la semaine dernière l'a montré, les taux d'intérêt ont augmenté, rembourser la dette nous coûte plus cher qu'avant.
Monsieur Jomier, Jean-Marie Vanlerenberghe défendait précisément l'idée d'un chaînage vertueux. Étudier le bilan de l'année écoulée avant de se projeter dans les deux ans à venir me semble pertinent pour organiser l'avenir.
Vous avez dit que la somme de 40 milliards d'euros d'économies était déraisonnable. Je dirais surtout qu'elle est difficile à atteindre. Il faudra faire des économies, et ce sera de toute façon difficile pour ceux qui seront mis à contribution.
Nous défendons depuis longtemps la pluriannualité, pour travailler sur le moyen terme et le long terme. Nous le démontrerons avec Raymonde Poncet Monge.
Vous avez souligné l'importance de la prévention : c'est une décision politique d'affichage qui doit être actée dans les faits. Il y a des marges de manoeuvre sur ce point au niveau de la branche AT-MP.
J'ai voté contre la proposition de loi dite taxe Zucman, mais ce n'est pas le sujet. Ce texte ne s'inscrit pas dans un ensemble, alors qu'il faut agir dans le cadre d'une stratégie cohérente de retour à l'équilibre. Je ne suis pas opposé personnellement à la taxation des ultrariches, mais cette proposition est déconnectée d'un tel ensemble.
Concernant l'efficience de l'Ondam, nous aborderons le sujet dans la mission d'information qui nous a été confiée par la Mecss. Il faut une stratégie globale du système de santé, pour le moyen et le long terme.
Concernant l'évaluation des niches, je me félicite effectivement des améliorations qui se présentent d'année en année. Les décisions sur les niches à supprimer relèvent toutefois du PLFSS.
Madame Apourceau-Poly, je ne peux pas vous laisser dire que les économies touchent toujours les plus vulnérables. Lors du dernier PLFSS, nous avons essayé de répartir les efforts le plus justement possible. Le problème est que toutes nos propositions n'ont pas été retenues, ce qui a pu déséquilibrer l'ensemble. Il reste qu'elles avaient toujours été atténuées pour les plus vulnérables.
Par ailleurs, concernant la CNRACL, le Gouvernement a annoncé en mars dernier une compensation pour les hôpitaux.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Cette compensation ne sera pas intégrale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Cette compensation a été annoncée à l'euro près.
La Cour des comptes a évalué la fraude fiscale entre 60 milliards et 80 milliards d'euros. Nous pouvons nous y attaquer, mais ce n'est pas du ressort de notre commission.
Monsieur Chasseing, des tableaux de bord pourront être mis en place concernant la hausse du nombre de maladies chroniques. Avec l'intelligence artificielle, nous pouvons imaginer des parcours de soins, de traitements et de consultations mieux protocolisés et adaptés, pour maximiser le bénéfice du soin.
Enfin, l'usager doit devenir citoyen. Il faut responsabiliser chacun.
Mme Chantal Deseyne, pour la branche autonomie. - L'allocation journalière est un revenu de remplacement destiné aux actifs, qui doivent mettre leur activité entre parenthèses pour venir en aide à un proche. Les retraités, qui ne sont plus en activité, n'y sont donc pas éligibles.
Quant aux chômeurs, ils peuvent bénéficier de l'AJPA s'ils justifient devoir suspendre leur recherche d'emploi pour s'occuper d'un proche.
Mme Pascale Gruny, pour la branche vieillesse. - Madame Richer, j'ai eu connaissance de la situation d'un boucher qui avait demandé à bénéficier d'un accompagnement pour investir dans du matériel servant au port de charges lourdes et s'était vu répondre en juillet dernier que les fonds étaient épuisés. Le Fipu est-il régionalisé ?
Par ailleurs, pour répondre à Laurence Muller-Bronn, les trimestres de majoration pour la durée d'assurance viennent compenser le manque de trimestres. En outre, la réforme de 2023 a ouvert des droits, sous certaines conditions, à une surcote de 1,5 % pour chaque trimestre accompli à partir de 63 ans, qui augmente la pension à hauteur de 5 % pour l'année entière. Cette surcote est ouverte aux salariés nés à partir de 1965.
Des dispositifs de majoration existent également à l'Agirc-Arrco pour les retraites complémentaires, tels que la hausse de 10 % du nombre de points à partir de trois enfants.
Mme Marie-Pierre Richer, pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles. - Dans les textes, le Fipu est national.
M. Philippe Mouiller, président. - En réalité, les caisses d'assurance retraite et de santé au travail (Carsat) répartissent tacitement l'enveloppe. Lorsqu'un territoire a consommé intégralement son enveloppe en cours d'année, elles font appel aux autres territoires susceptibles d'avoir des excédents.
Mme Marie-Pierre Richer, pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles. - Mais le fonds en lui-même est national.
La commission décide de proposer au Sénat de rejeter le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale de l'année 2024.
LISTE DES PERSONNES
ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
ASSURANCE
MALADIE
(rapporteure : Mme Corinne Imbert)
· Direction générale de l'offre de soins (DGOS)
Julie Pougheon, cheffe de service, adjointe à la directrice générale de l'offre de soins
Céline Faye, sous-directrice chargée du financement et de la performance
· Fédération hospitalière de France (FHF)
Cécile Chevance, responsable du pôle OFFRES
· Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés solidaires (Fehap)
Arnaud Joan Grange, directeur de l'offre de soins et des parcours de santé
· Fédération de l'hospitalisation privée (FHP)
Frédérique Gama, présidente
Thierry Bechu, délégué général
· Unicancer
Sophie Beaupère, déléguée générale
Sandrine Boucher, directrice stratégie médicale et performance
Sophélia Picaud, ajointe directrice de cabinet
· Fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile (Fnehad)
Mathurin Laurin, délégué général
Ilosoa Johanna Razafitsiatosika, directrice des affaires économiques
ACCIDENTS DU TRAVAIL - MALADIES
PROFESSIONNELLES
(rapporteure : Mme Marie-Pierre
Richer)
· Direction générale du travail (DGT)
Christelle Akkaoui, sous-directrice des conditions de travail, de la santé et de la sécurité au travail
· Direction de la sécurité sociale (DSS)
Maroussia Perehinec, adjointe à la sous-directrice de l'accès aux soins, des prestations familiales et des ATMP
Baptiste Blan, chargé de mission « tarification des accidents du travail et maladies professionnelles » au sein du bureau des AT-MP
· Cnam Risques professionnels
Anne Thiebeauld, directrice des risques professionnels, de la Caisse nationale d'assurance maladie
Laurent Bailly, directeur adjoint des risques professionnels, de la Caisse nationale d'assurance maladie
Franck de Rabaudy, responsable du DEFIC (département économique financier et informatique Carsat)
· Fédération française du bâtiment (FFB)
Thierry Micor, chef du service emploi et protection sociale
Fabienne Viel, juriste protection sociale
Léa Lignères, chargée d'études relations institutionnelles
Ghislaine Rigoreau, cheffe du département tarification et contentieux des AT-MP
· Confédération de l'artisanat et des entreprises du bâtiment (Capeb)
Marc Lagouarre, administrateur confédéral
Élodie Carqueijo, chargée de mission - direction juridique et sociale
Alexandre Cobret, chargé de mission - affaires publiques
· Fédération hospitalière de France (FHF)
Sandrine Courtois, co-responsable du pôle autonomie-parcours
· Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés solidaires (Fehap)
Sylvie Amzaleg, directrice des relations du travail
Sophie Niviere, directrice adjointe des relations du travail
· Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (Synerpa)
Corentin Travers Lesage, directeur organisation et santé au travail (Domusvi)
ASSURANCE
VIEILLESSE
(rapporteur : Mme Pascale
Gruny)
· Direction de la sécurité sociale (DSS)
Delphine Chaumel, sous-directrice de la direction des retraites et des institutions de la protection sociale complémentaire
FAMILLE
(rapporteur :
M. Olivier Henno)
· Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf)
Nicolas Grivel, directeur général
Lorraine Canton, responsable du département sécurisation des activités et animation du réseau
Klara Le Corre, chargée des relations institutionnelles
AUTONOMIE
(rapporteur :
Mme Chantal Deseyne)
· Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA)
Christine Dechesne-Céard, directrice de la réglementation
Christophe Simon, chargé des relations parlementaires
· Association française des aidants
Gwénaëlle Thual, présidente
Contributions écrites
· Direction de la sécurité sociale (DSS)
· Direction générale du travail (DGT)
* 1 Les dispositions relatives à la Lacss reprennent l'essentiel des dispositions de l'article 11 de la proposition de loi organique n° 492 (2020-2021).
* 2 Refus par la Cour des comptes de certifier les comptes 2022 de la branche famille et de la Cnaf, absence de prise en compte dans le tableau patrimonial d'une correction apportée par le Parlement sur les comptes 2021 dans le cadre de la LFSS 2023.
* 3 Non-respect de l'obligation d'évaluation d'un tiers des niches sociales, actualisation insuffisante des indicateurs des rapports d'évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss).
* 4 Projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale de l'année 2023, n° 2714, déposé le vendredi 31 mai 2024.
* 5 La commission a supprimé l'article liminaire (recettes, dépenses et solde des administrations de sécurité sociale) et l'article 1er (approbation des tableaux d'équilibre relatifs à l'exercice 2023) et rejeté les articles 2 (Ondam, recettes affectées au FRR et dette amortie par la Cades) et 3 (tableau patrimonial et couverture des déficits).
* 6 Projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour l'année 2023, n° 4, déposé le vendredi 19 juillet 2024.
* 7 Les rapports d'évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss) n'indiquaient toujours pas les résultats atteints lors des trois dernières années comme le prévoit la loi organique. Par ailleurs, l'annexe relative aux niches sociales n'évaluait toujours pas un tiers de ces niches.
* 8 L'amélioration des comptes résultait de la quasi-disparition des dépenses liées à la crise sanitaire et de l'anticipation au 1er juillet 2022 de l'essentiel de la revalorisation des pensions qui aurait dû survenir au 1er janvier 2023.
* 9 Correspondant aux erreurs résiduelles imputables à des données déclaratives non corrigées au bout de 24 mois (lorsque les prestations versées à tort deviennent prescrites en faveur des allocataires).
* 10 Répartition indiquée dans le Repss « famille » annexé au Placss 2023.
* 11 Selon lequel une charge ou un produit doit être rattaché à l'exercice correspondant au fait générateur, et non à celui correspondant au décaissement ou à l'encaissement.
* 12 Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; François Braun, ministre de la santé et de la prévention ; Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics.
* 13 IGF, Igas, Évaluation de l'efficacité des mesures de réduction ou d'exonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale prévue par la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, mars 2023.
* 14 Dans son rapport sur le Placss 2022 (n° 1302, XVe législature, 31 mai 2023), Stéphanie Rist, alors rapporteure générale de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, préconisait que « les commissions des affaires sociales des deux assemblées puissent être associées à la définition du programme triennal d'évaluation, afin que celui-ci reflète les attentes du Parlement ». Dans son rapport (n° 789, 2022-2023, 28 juin 2023), Élisabeth Doineau écrivait : « La commission des affaires sociales du Sénat considère également que les deux commissions des affaires sociales devront participer à la gouvernance ».
* 15 Acronyme provenant de l'intitulé de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer. Il s'agit d'exonérations de cotisations patronales.
* 16 « S'agissant des dispositifs devant faire l'objet d'évaluations allégées, des obstacles structurels (notamment du fait de l'absence de disponibilité des données qui ne sont pas collectées auprès des employeurs) empêchent la réalisation d'évaluations correctes. Ces travaux se poursuivent et certains aboutiront d'ici la prochaine LFSS (apprentissage, Lodéom) ».
* 17 Antoine Bozio, Etienne Wasmer, Mission sur l'articulation entre les salaires, le coût du travail et la prime d'activité : quels effets sur l'emploi, le niveau des salaires et l'activité économique ?, document d'étape, 25 avril 2024.
* 18 Antoine Bozio, Etienne Wasmer, Les politiques d'exonérations de cotisations sociales : une inflexion nécessaire, 3 octobre 2024.
* 19 Igas, IGF, Revue des dépenses publiques d'apprentissage et de formation professionnelle, mars 2024.
* 20 Igas, IGF, Évaluation des mesures d'exonération de cotisations sociales spécifiques aux outre-mer, novembre 2024.
* 21 Cour des comptes, « La retraite des artistes-auteurs : une indispensable restructuration de la gestion », in La sécurité sociale - rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2025.
* 22 Ces calculs portent sur les Placss des trois principales branches : vieillesse, maladie et famille.
* 23 « Prévalence de la surcharge pondérale et de l'obésité chez l'enfant et l'adolescent » ; « prévalence de la surcharge pondérale et de l'obésité selon le groupe socio-professionnel des parents ».
* 24 Recommandation n° 1 : « En cohérence avec le nouveau délai de production des annexes aux comptes, avancer de dix jours la date de production des comptes provisoires et définitifs ».
* 25 Un arrêté du 2 février 2024 avance la date de production des annexes provisoires, désormais entre le 8 et le 22 mars (contre le 31 mars auparavant) ainsi que celle des annexes définitives (et états financiers), désormais le 5 avril (contre le 15 avril auparavant).
* 26 La recommandation n° 1 du Ralfss 2024 est en effet de « produire au 5 avril de l'année suivant l'exercice visé les tableaux d'équilibre et le tableau de situation patrimoniale en examinant une production anticipée des comptes ».
* 27 Article L. 114-4-1 du code de la sécurité sociale. Trois avis sont obligatoires, devant être rendus au plus tard le 15 avril, le 1er juin et le 15 octobre.
* 28 Qui doit avoir lieu avant le 1er juin (article L.O. 111-6 du code de la sécurité sociale).
* 29 Qui s'est réunie en 2023 le 25 mai, en 2024 le 30 mai et en 2025 le 3 juin.
* 30 Selon l'article L. 114-4-1 du code de la sécurité sociale, « le comité est composé du secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale, du directeur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques et d'une personnalité qualifiée nommée par le président du Conseil économique, social et environnemental ». L'article D. 114-4-0-18 du même code précise : « Le secrétaire général permanent de la commission des comptes de la sécurité sociale organise les travaux du comité d'alerte. Il fait appel à cette fin aux services du ministre chargé de la sécurité sociale ».
* 31 Le 7 juin 2023.
* 32 Pour mémoire, le second tour des élections législatives s'est tenu le 7 juillet.
* 33 Les notions de solde structurel et d'effort structurel sont définies par l'encadré à la suite du tableau et du graphique.
* 34 Ces chiffres peuvent être retrouvés simplement à partir des dépenses publiques rapportées au PIB (57 %). Selon le programme de stabilité, le solde conjoncturel de l'ensemble des administrations publiques est de 0,57×(-1,1)-0,6 point de PIB, donc le déficit structurel est d'environ 5,5-0,6=4,9 points de PIB (ramenés à 4,8 points de PIB après prise en compte de 0,1 point de PIB de mesures exceptionnelles et temporaires). Selon la Commission européenne, le solde conjoncturel est de 0,57×(-0,1)-0,1 point de PIB, donc le déficit structurel est d'environ 5,5+0,1=5,4 points de PIB.
* 35 Selon la Commission européenne, en 2024 le PIB a été inférieur de 0,5 point à son potentiel (prévisions économiques du 19 juin 2025).
* 36 L'effort structurel est une notion introduite par le ministère du budget au sujet du projet de loi de finances pour 2004. Il s'agit de l'évolution du solde structurel, corrigée de l'évolution spontanée du ratio recettes/PIB (découlant des fluctuations spontanées de l'élasticité des recettes au PIB). Concrètement, il se définit comme la somme (en points de PIB) de la diminution du ratio dépenses/PIB potentiel et des mesures nouvelles sur les recettes.
* 37 On rappelle en particulier que dans le cas des retraites, la revalorisation au 1er janvier d'une année n correspond à l'inflation en moyenne annuelle de la période de novembre n-2 à octobre n-1.
* 38 Qui correspondent à la quasi-totalité des dépenses.
* 39 Selon le rapport à la CCSS de juin 2025, les dépenses du « Ségur de la santé » ont représenté en 2024 un coût de 13 milliards d'euros et les mesures « inflation » un coût de 8,6 milliards d'euros.
* 40 Source : rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2025.
* 41 Source : rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2025.
* 42 Source : rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2025.
* 43 Source : rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2025.
* 44 Cour des comptes, La sécurité sociale - rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2025.
* 45 Le HCFP souligne « des hypothèses favorables sur le rendement de certains impôts (croissance de la TVA supérieure à celle de sa base taxable [...]) » (HCFP, Avis n° HCFP-2025-2 du 14 avril 2025 relatif au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024).
* 46 Cour des comptes, La situation financière de la sécurité sociale - un déficit devenu structurel malgré les mesures envisagées pour 2025, communication à la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale et à la commission des affaires sociales du Sénat, octobre 2024.
* 47 Décret n° 2024-1267 du 31 décembre 2024 relatif à la réforme du financement des établissements de santé.
* 48 Décret n° 2025-186 du 26 février 2025 fixant les activités susceptibles de donner lieu à l'allocation des dotations mentionnées aux articles L. 162-22-4 et L. 162-22-5 du code de la sécurité sociale.
* 49 Cf. rapport de la commission des affaires sociales du Sénat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (rapport n° 138 (2024-2025)).
* 50 Selon la FHP, concernant la dialyse, « aucune remontée de données n'est planifiée ».
* 51 À ce titre, Unicancer précise par exemple que la méthode de recueil des données actuelle reposant sur l'utilisation de la méthode « Fichcomp » de l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (Atih) ne permet pas d'intégrer correctement les acteurs libéraux.
* 52 Réponse d'Unicancer au questionnaire transmis par la rapporteure.
* 53 Réponse de la DGOS au questionnaire transmis par la rapporteure.
* 54 Rapport d'information n° 753 (2023-2024), tome I, déposé le 10 septembre 2024.
* 55 Cour des comptes, d'après les données provisoires 2024 des hôpitaux publics.
* 56 Cour des comptes, La sécurité sociale - rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2025.
* 57 Données provisoires avant la clôture comptable qui intervient d'ici mi-juillet.
* 58 À titre d'exemple, la fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile (Fnehad) a pu préciser que l'hospitalisation à domicile est aujourd'hui financée à 98 % à l'activité ; dans ce contexte, toute modification, même minime, des paramètres a une incidence majeure sur les financements.
* 59 Article L. 242-5 du code de la sécurité sociale.
* 60 Article D. 242-6-4 du code de la sécurité sociale.
* 61 Le seuil diffère en Alsace-Moselle : le taux collectif s'applique jusqu'à 50 salariés.
* 62 Article D. 242-6-13 du code de la sécurité sociale : la fraction du taux individuel est égale à 0,9/130 × (Effectif - 20) + 0,1. La part individuelle de la tarification mixte varie donc de 10 % à 99 %.
* 63 Article D. 242-6-6 du code de la sécurité sociale.
* 64 Créé par la LFRSS pour 2023, article L. 221-1-5 du code de la sécurité sociale.
* 65 Définies à l'article D. 242-6-9 du code de la sécurité sociale.
* 66 Article D. 242-6-3 du code de la sécurité sociale.
* 67 Réponses écrites de la direction des risques professionnels de la Cnam au questionnaire de la rapporteure.
* 68 Article D. 242-6-14 du code de la sécurité sociale.
* 69 Article 5 et annexe 1 de l'arrêté du 29 avril 2025 relatif à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles pour l'année 2025.
* 70 Cour des comptes, La sécurité sociale - rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, octobre 2022.
* 71 Réponses écrites de la FHF au questionnaire de la rapporteure.
* 72 Réponses écrites de la Fehap au questionnaire de la rapporteure.
* 73 Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.
* 74 Article D. 242-6-6 du code de la sécurité sociale.
* 75 Réponses écrites de la DRP de la Cnam au questionnaire de la rapporteure.
* 76 Les CTN sont les « comités techniques nationaux », qui élaborent des recommandations nationales qui font office de références pour la prévention des risques professionnels. En pratique le sigle est fréquemment utilisé pour désigner un secteur d'activité. Le « CTN B » correspond au secteur du bâtiment.
* 77 Décret n° 2024-723 du 5 juillet 2024.
* 78 Les pensions de droit direct correspondent à un droit propre à une prestation vieillesse versée sous forme de rente, et se différencient des pensions de droit dérivé que sont réversion et de vieillesse de veuf ou veuve, ainsi que des prestations de droit direct non contributives tel que le minimum vieillesse.
* 79 Rapport d'évaluation des politiques de sécurité sociale « Retraites » annexé au présent projet de loi, p. 43.
* 80 Cour des comptes, « La retraite des femmes et des hommes : une réduction des écarts à poursuivre », La Sécurité sociale - rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2023.
* 81 Selon l'Insee, en 2023, l'écart de salaire moyen entre les hommes et les femmes était de 22,2 % pour les salariés du secteur privé. Les différences de rémunération s'expliquent par les différences de qualification et de temps de travail.
* 82 Cour des comptes, « La retraite des femmes et des hommes : une réduction des écarts à poursuivre », in La Sécurité sociale - rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2023.
* 83 L'Allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) consiste en l'attribution d'un montant égal à la différence entre le montant maximum de pension cité ci-dessus, et le montant des revenus des allocataires. Plus de la moitié des personnes qui y sont éligibles ne le sollicitent toutefois pas.
* 84 Rapport d'évaluation des politiques de sécurité sociale « Retraites » annexé au présent projet de loi.
* 85 Drees, Les retraités et les retraites, édition 2024.
* 86 CJUE, 13 décembre 2021, Mouflin c/ France ; Cour de cassation, 2ème chambre civile, 19 février 2009.
* 87 Les trimestres de majoration de durée d'assurance (MDA) sont attribués au titre de la maternité et de l'éduction des enfants. Les trimestres d'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) permettent aux parents qui bénéficient de prestations familiales pour avoir réduit ou cessé leur activité, de valider des trimestres au régime général, le report au compte étant équivalent au Smic. Enfin, l'un des deux parents d'une fratrie d'au moins trois enfants peut prétendre à une majoration de sa pension.
* 88 Cour des comptes, « La retraite des femmes et des hommes : une réduction des écarts à poursuivre », in La Sécurité sociale - rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2023.
* 89 Cour des comptes, « Les droits familiaux de retraite : des dispositifs à simplifier et à harmoniser », in La Sécurité sociale - rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2022.
* 90 La pension de réversion est une pension de droit dérivé qui permet, sous certaines conditions, de verser à un conjoint ou ex-conjoint survivant d'un assuré décédée une partie de la retraite dont ce dernier bénéficiait, afin de préserver le niveau de vie de la personne ayant été mariée. Les conditions d'attribution ainsi que le taux de réversion varient selon les régimes, ce qui est source de disparités entre les assurés.
* 91 Rapport d'évaluation des politiques de sécurité sociale « Retraites » annexé au présent projet de loi.
* 92 Cour des comptes, « La retraite des femmes et des hommes : une réduction des écarts à poursuivre », in La Sécurité sociale - rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2023.
* 93 Ce dispositif a été introduit par la loi du 21 août 2023 portant réforme des retraites et permettait alors aux personnes ayant commencé à travailler entre 14 et 16 ans, de partir à la retraite avant l'âge légal de 60 ans, soit 56 ans, dès lors qu'ils avaient atteint la durée cotisée. A la suite des différentes réformes de 2010, 2014 et 2023 relevant l'âge légal d'ouverture des droits à la retraite, le dispositif RACL permet désormais de partir à la retraite à respectivement 58, 60, 62 et 63, pour les assurés justifiant d'avoir validé 4 à 5 trimestres avant la fin de l'année de ses 16, 18, 20 ou 21 ans, et ayant cotisé la durée d'assurance requise pour une retraite au taux plein.
* 94 Cour des comptes, « Le cumul emploi-retraite : un coût élevé, une cohérence à établir », Ralfss 2025, chapitre VII.
* 95 Ce principe est notamment affirmé à l'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale, qui dispose que « la Nation assigne [...] au système de retraite par répartition un objectif de solidarité entre les générations et au sein de chaque génération, notamment par l'égalité entre les femmes et les hommes ». Cet article décline dans la loi l'extension du principe d'égalité, affirmé dans des normes supérieures que sont l'article 1er de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et les textes fondamentaux européens.
* 96 Article L. 553-2 du code de la sécurité sociale.
* 97 Article L. 114-17 du code de la sécurité sociale.
* 98 Article L. 553-1 du code de la sécurité sociale.
* 99 Article L. 553-2 du code de la sécurité sociale.
* 100 Article L. 161-1-5 du code de la sécurité sociale.
* 101 Alpes-Maritimes, Aube, Hérault, Pyrénées-Atlantiques et Vendée.
* 102 Il s'agit des personnes déclarant apporter une aide régulière à une personne en situation de handicap ou de perte d'autonomie (Drees, Études et résultats n° 1255, paru le 2 février 2023).
* 103 Article L. 113-1-3 du code de l'action sociale et des familles.
* 104 Enquête Handicap Santé Ménages de la Drees, 2008.
* 105 Articles L. 3142-16 à L. 3142-27 du code du travail.
* 106 Article L. 3142-19 du code du travail.
* 107 Décret n° 2020-1557 du 8 décembre 2020 relatif au congé de proche aidant dans la fonction publique pris en application de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.
* 108 Loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture (article 18).
* 109 Article D. 3142-8 du code du travail.
* 110 Décret n° 2022-1037 du 22 juillet 2022 relatif au congé de proche aidant et à l'allocation journalière du proche aidant (article 3), pris en application de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 (article 54).
* 111 Article L. 3142-26 du code du travail.
* 112 Article L. 3142-27 du code du travail.
* 113 Article L. 3142-19 du code du travail.
* 114 Article D. 3142-7 du code du travail.
* 115 Loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 (article 68).
* 116 Décret n° 2024-697 du 5 juillet 2024 relatif à la durée de versement de l'allocation journalière du proche aidant.
* 117 Loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 (article 54).
* 118 Loi n° 2023-622 du 19 juillet 2023 visant à renforcer la protection des familles d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap ou victimes d'un accident d'une particulière gravité.
* 119 Loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024 (article 80).
* 120 La Direction générale du travail ne dispose pas de données sur le recours au congé de proche aidant.
* 121 Source : données de la Caisse nationale des allocations familiales.
* 122 Source : questionnaire envoyé à la direction de la sécurité sociale.
* 123 Rapport n° 44 fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale de l'année 2023 par Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale (session 2024-2025).
* 124 Selon les données de la CCMSA, près d'une centaine d'exploitants agricoles sont proches aidants.
* 125 Direction de la sécurité sociale, Direction générale de la cohésion sociale et Caisse nationale des allocations familiales, Rapport d'évaluation de l'allocation journalière du proche aidant, 2022.
* 126 Loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie (article 2).
* 127 Voir notamment la proposition de loi organique n° 492 (2020-2021) tendant à renforcer le pilotage financier de la sécurité sociale et à garantir la soutenabilité des comptes sociaux de M. Jean-Marie Vanlerenberghe et le rapport du Sénat n° 825 (2020-2021) sur la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
* 128 L'Insee publie les comptes des administrations publiques en deux étapes : fin mars, des « premiers résultats » ; fin mai, le compte des administrations publiques.
* 129 L'article 1er des PLFSS comprenait également d'autres dispositions (dépenses constatées relevant de l'Ondam, recettes affectées au FRR, recettes mises en réserve par le FSV, montant de la dette amortie par la Cades), figurant à l'article 2 du présent Placss.
* 130 Dans le présent Placss, l'article premier ne concerne plus que les tableaux d'équilibre des Robss et du FSV.
* 131 Article 106 de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.
* 132 Cour des comptes, Note de synthèse sur l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, avril 2025.
* 133 Amendement n °115, présenté par Mmes Corinne Imbert et Élisabeth Doineau au nom de la commission des affaires sociales, au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.
* 134 Cour des comptes, La sécurité sociale - rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2025.
* 135 Cour des comptes, La sécurité sociale - rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2025.
* 136 DGOS, données provisoires avant la clôture comptable, qui interviendra d'ici mi-juillet.
* 137 Cour des comptes, La sécurité sociale - rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2025.
* 138 L'article 20 prévoit qu'« à compter du 1er janvier 2024, une fraction représentant 0,3 % du montant de l'Ondam est mise en réserve au début de chaque exercice ».
* 139 Loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999.
* 140 Loi portant diverses dispositions relatives au fonds de solidarité vieillesse et modifiant le code de la sécurité sociale.
* 141 Le FSV finance également le minimum vieillesse.
* 142 Dont les comptes 2023 avaient pourtant également été certifiés sans réserve.
* 143 Branche AT-MP ; branches et régimes intégrés financièrement au régime général (ensemble des branches maladie des différents régimes de base depuis la mise en oeuvre, en 2016, de la protection universelle maladie, et branche vieillesse de base du régime des salariés agricoles depuis 1963) ; régimes de retraite qui bénéficient, sous forme d'attributions directes jusqu'en 2024, de subventions de l'État (SNCF, RATP, régimes des mines et des marins) ; régimes d'employeurs équilibrés par ces derniers (fonction publique de l'État, industries électriques et gazières).
* 144 Les dispositions relatives à la Lacss reprennent l'essentiel des dispositions de l'article 11 de la proposition de loi organique n° 492 (2020-2021).
* 145 Commission pour l'avenir des finances publique, « Nos finances publiques post-covid-19 : pour de nouvelles règles du jeu », mars 2021.
* 146 Le chapitre III de la proposition de loi organique n° 492 (2020-2021) précitée du sénateur Jean-Marie Vanlerenberghe était intitulé « Reproduire le chaînage vertueux des lois de finances ».
* 147 « Ces dispositions ne sauraient, sans porter atteinte à l'article 34 de la Constitution, faire obstacle à la mise en discussion du projet de loi de financement de l'année dès lors que le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale a été examiné. » (considérant 18).
* 148 Article L.O. 132-3 du code des juridictions financières.
* 149 Jusqu'en 2023 projet de loi de règlement du budget de l'État (PLR).
* 150 Jusqu'à la révision de la LOLF en 2022, l'article 23 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012. Ces dispositions mettent en oeuvre le traité sur la stabilité, la coopération et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (TSCG) du 2 mars 2012.
* 151 Ou 0,25 point de PIB potentiel deux années consécutives.