N° 1683


ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

N° 838


SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
le 8 juillet 2025

 

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 juillet 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission mixte paritaire(1) chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi
portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social,

PAR MM. Nicolas TURQUOIS
et Stéphane VIRY,
Rapporteurs,

Députés

PAR Mmes Anne-Marie NÉDÉLEC
et Frédérique PUISSAT,
Rapporteurs,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, sénateur, président ; Mme Christine Le Nabour, députée, vice-présidente ; Mmes Anne-Marie Nédélec, Frédérique Puissat, sénateurs, MM. Nicolas Turquois, Stéphane Viry, députés, rapporteurs.

Membres titulaires : M. Olivier Henno, Mmes Annie Le Houerou, Corinne Féret, M. Dominique Théophile, sénateurs ; MM. Gaëtan Dussausaye, Thomas Ménagé, Louis Boyard, Mme Océane Godard, députés.

Membres suppléants : Mmes Pascale Gruny, Chantal Deseyne, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mmes Monique Lubin, Cathy Apourceau-Poly, M. Daniel Chasseing, Mme Maryse Carrère, sénateurs ; M. Théo Bernhardt, Mmes Nicole Dubré-Chirat, Ségolène Amiot, Sylvie Bonnet, M. Frédéric Valletoux, députés.

Voir les numéros :

Sénat :

Première lecture : 600, 667, 668 et T.A. 133 (2024-2025)

Commission mixte paritaire : 839 (2024-2025)

   

Assemblée nationale (17e législ.) :

Première lecture : 1526, 1617 et T.A. 158

TRAVAUX DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE

________________

Mesdames, Messieurs,

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social se réunit au Sénat le mardi 8 juillet 2025.

Elle procède tout d'abord à la désignation de son Bureau, constitué de M. Philippe Mouiller, sénateur, président, de Mme Christine Le Nabour, députée, vice-présidente, de Mmes Anne-Marie Nédélec et Frédérique Puissat, sénatrices, rapporteures pour le Sénat, et de MM. Nicolas Turquois et Stéphane Viry, députés, rapporteurs pour l'Assemblée nationale.

La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.

*

* *

M. Philippe Mouiller, sénateur, président. - Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution, une commission mixte paritaire (CMP) est chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels (ANI) en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social, adopté par le Sénat le 4 juin 2025 et par l'Assemblée nationale le 3 juillet 2025.

Les rapporteurs ont donc disposé de peu de temps pour rapprocher les versions des deux assemblées.

Je vous rappelle que ce texte comptait à l'origine dix articles. Il en était de même à l'issue des travaux du Sénat, qui n'a ajouté aucun article et n'en a pas supprimé non plus. Pour sa part, l'Assemblée nationale a adopté un article conforme, modifié neuf articles et ajouté trois articles au sein du projet de loi. Notre CMP est ainsi saisie de douze articles.

Compte tenu de l'absence d'un député titulaire qui n'a pas de suppléant pour le remplacer, je dois demander le déport d'un sénateur titulaire, de manière qu'il y ait six votants par chambre.

Mme Christine Le Nabour, députée, vice-présidente. - Le projet de loi dont nous débattons en CMP vise à transposer des accords nationaux interprofessionnels. Par le biais du contrat de valorisation de l'expérience (CVE), de la reprise des négociations de branche ou encore de la valorisation du temps partiel choisi, ce texte redonne des perspectives à ceux qui trop souvent se voient relégués en marge du marché du travail, bien avant l'âge légal de départ à la retraite. Il ancre durablement la question de l'emploi des salariés expérimentés dans les pratiques sociales et les négociations collectives.

M. Stéphane Viry, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je souhaite rappeler la méthode, la progression et le sens du travail collectif que nous avons mené avec les rapporteurs du Sénat, avec, pour principe fondamental, la volonté d'aboutir et de transcrire les accords nationaux interprofessionnels.

Il s'agit de quatre accords, dont trois ont été signés en novembre 2024 et le dernier, plus récemment, le 25 juin 2025, sur l'accompagnement des transitions professionnelles. Ils forment un édifice complet.

Le texte sur lequel je souhaite que nous trouvions un accord conclusif, ce soir, n'est pas un simple exercice législatif, mais il constitue le prolongement d'un dialogue social nourri autour de ces quatre accords nationaux : celui-ci a été exigeant, parfois difficile, mais toujours constructif. Les partenaires sociaux ont négocié pendant plusieurs semaines, voire quelques mois, et ils ont abouti à un compromis. Chacun a fait un pas vers l'autre de sorte que la signature de ces accords est l'aboutissement d'un chemin convergent. Autrement dit, chacun des partenaires sociaux a fait des concessions pour aboutir à des mesures concrètes.

Je considère que ce chemin effectué dans le cadre du dialogue social doit nous conduire à respecter le travail des partenaires sociaux. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité, avec Nicolas Turquois, dans le cadre des travaux à l'Assemblée nationale, préserver l'équilibre de ce texte dans un esprit de loyauté.

Les quatre sujets évoqués sont centraux en matière de marché du travail et de droit du travail. Ce texte n'est pas figé dans le marbre : il pourra et il devra évoluer si les dispositifs mis en place nécessitent d'être ajustés. En réalité, cette CMP consacrera à la fois une forme d'aboutissement et une méthode d'expérimentation, témoignant que le Parlement sait parfois légiférer pour faire avancer un certain nombre de solutions et de causes.

Je vous invite, mes chers collègues, à ne pas faire dévier nos travaux de leur trajectoire et à respecter le compromis qui a été trouvé par les partenaires sociaux, en veillant à ce que cette CMP soit conclusive et fidèle.

M. Nicolas Turquois, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Monsieur le président Mouiller, je vous remercie de votre accueil au Palais du Luxembourg, dans un endroit étonnamment calme.

Comme vient de l'indiquer Stéphane Viry, je souhaite que nous poursuivions la démarche constructive qui a été celle des partenaires sociaux, mais aussi de l'ensemble des rapporteurs, et qui a également caractérisé les débats en commission et dans l'hémicycle, à l'Assemblée nationale. Il nous faut en effet parvenir à un texte commun sur les dispositions restant en discussion, notamment au sein des articles 4 à 12 sur lesquels j'ai travaillé, à l'exception de l'article 8, qui a déjà été adopté conforme.

À l'article 4, des précisions utiles ont été apportées par le Sénat quant au caractère expérimental du contrat et au plafond de l'exonération. Un point de débat concerne la période durant laquelle un salarié ne peut conclure de contrat de valorisation de l'expérience avec son ancien employeur ou avec une entreprise du même groupe. Le projet de loi l'avait fixée initialement à six mois, mais l'Assemblée nationale a voté un amendement visant à la porter à deux ans. Il me paraît souhaitable de rétablir le délai de six mois sur lequel les partenaires sociaux s'étaient accordés. Cette période est cohérente avec le délai applicable dans le cadre d'autres dispositifs, en particulier le cumul emploi-retraite. Elle semble de surcroît suffisante pour éviter tout effet d'aubaine dans la mise en oeuvre de ce nouveau contrat.

Les articles 5 à 9 bis, qui n'ont connu pendant la navette que des modifications strictement légistiques, me semblent pouvoir être retenus dans la version validée, jeudi dernier, au Palais-Bourbon.

Ce sont bien les articles 10 à 12 qui ont été concernés par la plupart de nos négociations ces derniers jours. Je me suis réjoui de notre initiative commune d'entendre une nouvelle fois les syndicats de salariés et d'employeurs, hier après-midi, qui nous ont fait part de leur unanimité sur le sujet. Ces articles correspondent - chacun le sait - aux clauses de l'accord du 25 juin 2025 qui nécessitent une intervention du législateur.

Après des originalités procédurales sur lesquelles je ne reviendrai pas, l'article 10 a été récrit par le Gouvernement pour fusionner deux outils, la transition collective (Transco) et la reconversion ou promotion par alternance (Pro-A), dans un dispositif appelé « période de reconversion professionnelle ».

Cette période sert autant à la mobilité interne qu'externe, permet d'acquérir une qualification certifiante, est éligible au conseil en évolution professionnelle (CEP) et à la validation des acquis de l'expérience. Elle se caractérise par une suspension du contrat de travail, avec, à l'égard de l'entreprise de départ, une rupture conventionnelle ou une réintégration dans un cadre simple, selon le résultat de la période d'essai dans l'entreprise d'accueil. Enfin, elle emporte un nouveau financement de France compétences au profit des opérateurs de compétences, en intégrant les droits du compte personnel de formation.

Nous vous proposerons de combler un oubli du Gouvernement, puisque la rupture après que la période d'essai a été concluante n'est pas un licenciement économique.

L'article 11 institue l'espace consacré à la stratégie nationale qu'ont voulu les partenaires sociaux sous la forme du Conseil national de l'orientation et de la formation professionnelles pour le développement des compétences. Nous avons déjà exprimé nos réserves quant à la création d'une structure supplémentaire, alors que l'État doit s'alléger et qu'il y a déjà, outre un nombre important de commissions, un Comité national pour l'emploi (CNE). Cependant, puisque cet organe sera allégé, avec un secrétariat assuré par l'association nationale pour la certification paritaire interprofessionnelle et l'évolution professionnelle (Certif'Pro), nous proposons de rester fidèles dans la transposition.

L'article 12 reconnaît justement Certif'Pro et lui attribue dans la loi les fonctions de l'instance paritaire nationale pour les transitions professionnelles, distincte du Conseil que veulent créer les organisations représentatives. Deux commissions supplémentaires sont créées au sein de France compétences : l'une pour le conseil en évolution professionnelle et l'autre pour les transitions professionnelles de façon plus large.

Est aussi installé un circuit financier au terme duquel les sommes consacrées aux projets de transition professionnelle seraient réparties entre les commissions paritaires interprofessionnelles régionales.

Enfin, le droit à réintégration de son entreprise par un salarié qui, après avoir suivi un tel projet, ne souhaite pas changer d'employeur est renforcé.

Telle est la version du texte que nous devons examiner, mais nos échanges avec les organisations professionnelles nous ont incités à aller plus loin dans le respect de leurs accords, en veillant à ce que l'association Certif'Pro soit véritablement chargée des règles de priorité et de ventilation des fonds - nous aurons l'occasion d'apporter des précisions sur ce point lors de l'examen des articles.

Je conclus en formulant à nouveau le souhait que nos travaux soient conclusifs et respectent la volonté des partenaires sociaux.

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure pour le Sénat. - À la suite de la conclusion, par trois fois depuis novembre dernier, d'accords nationaux interprofessionnels ou d'une convention équivalente, le Gouvernement s'est engagé à en assurer la transposition fidèle et complète.

Ce projet de loi avait ainsi pour objet d'assurer la transcription des mesures de ces accords qui nécessitent des modifications législatives sur le travail des salariés expérimentés, sur l'évolution du dialogue social et, enfin, sur les règles d'assurance chômage.

À ces trois accords, se sont ajoutés, en cours de navette parlementaire, deux nouveaux accords dont il faut également se féliciter : d'abord un avenant à la convention d'assurance chômage concernant le système dit du bonus-malus sur les contrats courts, mais surtout, il y a tout juste une semaine, un nouvel accord, tant attendu, sur les reconversions professionnelles.

Nous pouvons saluer la démarche de respect du dialogue social qu'a choisie le Gouvernement. Le rôle des partenaires sociaux est essentiel pour bâtir notre droit du travail, dans l'esprit de l'article L. 1 du code du travail, issu de la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social, dite loi Larcher. C'est également cette conviction qui a conduit les quatre rapporteurs que nous sommes à aller jusqu'au bout des négociations pour faire aboutir nos travaux.

En effet, sous réserve de quelques modifications, l'Assemblée nationale a adopté un texte qui assure la transposition des accords.

Considérant que la majorité sénatoriale avait retenu une ligne simple consistant à assurer une transposition fidèle et complète des mesures des ANI qui nécessitent l'intervention du législateur, nous avons été conduits à revenir sur certaines mesures adoptées par l'Assemblée nationale qui s'écartaient de la stricte transposition de ces accords.

Je tiens à remercier nos collègues rapporteurs, Nicolas Turquois et Stéphane Viry, pour la qualité de nos échanges en amont de cette réunion, et pour leur exigence - qui est aussi la nôtre - quant au respect des partenaires sociaux. Nous avons beaucoup consulté les organisations syndicales et patronales dans la préparation de cette CMP afin de leur soumettre systématiquement nos projets de rédaction. Hier encore, nous avons même réuni l'ensemble des partenaires sociaux signataires de l'ANI sur les transitions professionnelles. Cela constitue, à notre connaissance, une première.

Concernant les articles relatifs à l'emploi des seniors, nous vous proposerons de retenir l'article 1er dans la rédaction de l'Assemblée nationale. Il prévoit la tenue d'une négociation obligatoire de branche, tous les quatre ans, sur le recrutement des salariés seniors, leur maintien dans l'emploi, l'aménagement des fins de carrière et la transmission des savoirs et des compétences. Une proposition de rédaction permettra de revenir à l'équilibre trouvé dans l'ANI du 14 novembre 2024, en rétablissant le caractère facultatif de certains thèmes de négociation que l'Assemblée nationale avait souhaité rendre obligatoires.

De même, nous vous proposerons d'adopter l'article 2, au sujet de négociations analogues au sein des entreprises, sous réserve d'une proposition de rédaction précisant le caractère facultatif de l'évocation de la mobilisation du fonds d'investissement pour la prévention de l'usure professionnelle (Fipu), conformément à la lettre de l'ANI.

Concernant l'article 3, qui a considérablement été remanié par un amendement du Gouvernement à la suite de la conclusion de l'ANI sur les transitions professionnelles en cours de navette parlementaire, nous vous proposerons de retenir la rédaction de l'Assemblée nationale avec certaines précisions rédactionnelles. Les partenaires sociaux se sont en effet montrés satisfaits de cette transcription en faveur d'une meilleure prise en compte des perspectives de reconversion professionnelle des salariés.

L'article 4, qui vise à créer un contrat de valorisation de l'expérience permettant le recrutement de demandeurs d'emploi seniors en ayant une visibilité accrue sur leur date de départ à la retraite, a fait l'objet d'une modification contraire à l'ANI. En effet, ce dernier prévoit qu'un employeur ne peut recruter en CVE un salarié ayant travaillé dans l'entreprise durant les six derniers mois. Nous avons donc entendu rétablir ce délai de carence dans une durée strictement conforme à celle qui a été retenue par les partenaires sociaux. Ce sera l'objet d'une proposition de rédaction que nous vous présenterons.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour le Sénat. - Les articles 5, 6 et 7, ont tous trait aux dispositifs d'aménagement de fin de carrière : facilitation du recours à la retraite progressive, flexibilisation du passage à temps partiel et sécurisation du recrutement de salariés de plus de 70 ans. Nous vous proposerons d'adopter ces trois articles dans leur version adoptée par l'Assemblée nationale.

Concernant les articles relatifs à l'assurance chômage, l'article 9 permettra de répondre au souhait des partenaires sociaux d'assouplir les conditions d'affiliation à l'assurance chômage des travailleurs n'ayant jamais bénéficié de l'allocation d'aide au retour à l'emploi. Nous vous proposerons de l'adopter dans la version issue du vote de l'Assemblée nationale.

L'article 9 bis, qui a été ajouté en séance publique à l'Assemblée nationale et que nous n'avions donc pas pu examiner au Sénat, retranscrit l'accord des partenaires sociaux en vue de faire évoluer le système du bonus-malus. Il permettra d'exclure du calcul du taux de rupture de contrat des entreprises les ruptures de contrat qui ne relèvent pas de la volonté de l'employeur. Il est légitime que ces dernières n'accroissent pas son taux de contribution ; c'est notamment le cas pour le licenciement consécutif à une faute grave ou lourde d'un salarié. Nous vous proposerons donc de l'adopter dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.

Nous en venons enfin aux articles relatifs à la transposition de l'ANI en faveur des reconversions et transitions professionnelles, qui a été conclu postérieurement à l'adoption du texte au Sénat. Nous avions, je le rappelle, fait le choix de remplacer une habilitation à légiférer par ordonnance du Gouvernement par un dispositif d'intention, permettant la retranscription sous le contrôle direct du Parlement. Je dois dire que nous nous en félicitons, vu le nombre de points de la version initiale du Gouvernement qui ont nécessité des précisions pour correspondre à l'intention des partenaires sociaux.

L'article 10 prévoit la création d'une période de reconversion, permettant aux salariés, sur proposition de l'employeur, de bénéficier du financement d'une certification professionnelle ou de blocs de compétences afin d'évoluer professionnellement, au sein de l'entreprise, ou dans une autre entreprise. Ce dispositif est en outre assorti de garanties pour le salarié, permettant sa réintégration au poste précédemment occupé en cas d'échec de la formation. Nous vous inviterons à l'adopter sous le bénéfice d'une proposition de rédaction.

L'article 11 prévoit de créer un conseil national de l'orientation et de la formation professionnelles pour le développement des compétences. Cette instance serait quadripartite et permettrait de transcrire l'article 1er de l'ANI, qui visait à créer un nouvel espace stratégique de discussion.

Les partenaires sociaux ont ensuite souhaité modifier le financement et le pilotage du projet de transition professionnelle (PTP), dispositif sur l'initiative du salarié. Ils ont donc prévu de transférer les fonds issus des contributions des employeurs de France compétences vers l'association Certif'Pro, qui serait chargée de répartir les fonds entre les associations régionales Transition Pro en lieu et place de l'opérateur de l'État, France compétences.

L'article 12, issu d'un amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale, reconnaît une existence légale à l'instance paritaire Certif'Pro. Il renforce son rôle de gouvernance des associations régionales Transition Pro, mais, contrairement à l'ANI, il ne lui donne pas directement le pilotage du financement du PTP. La répartition des fonds resterait dans la main de France compétences avec une commission paritaire créée au sein de cet opérateur. Le conseil d'administration de France compétences prendrait ses décisions après avis conforme de cette commission.

Cette transposition n'est pas conforme à la volonté des partenaires sociaux et ils ont été unanimes à nous rappeler leur souhait d'aller vers une meilleure gestion paritaire des fonds finançant le PTP, alors que le poids de l'État est écrasant dans la gouvernance de France compétences.

Après de longues discussions avec le Gouvernement - et je remercie très sincèrement Nicolas Turquois et Stéphane Viry -, nous avons fini par être entendus, lors d'une réunion avec le Premier ministre, hier soir. Celui-ci nous a fait savoir qu'il était prêt à soutenir une transposition plus proche de la volonté des partenaires sociaux, ce dont nous nous félicitons. Cependant, le transfert direct des fonds de France compétences à l'association Certif'Pro serait constitutif d'une charge au sens de l'article 40 de la Constitution, ce qui nous empêche de vous proposer la rédaction que nous envisagions initialement pour cet article.

Nous vous proposerons donc une version de repli, que nous avons travaillée avec les partenaires sociaux et qui a obtenu leur assentiment. Cependant, nous restons fermes sur notre position de transcription fidèle, et présenterons donc, parallèlement à cette proposition de rédaction, un amendement visant à reprendre les dispositions litigieuses au regard de l'article 40. Ce dernier concerne notamment le transfert des fonds à une gestion paritaire, et nous proposerons au Gouvernement de le soutenir lors de la lecture des conclusions de cette CMP devant nos deux assemblées, ce jeudi au Sénat et en septembre à l'Assemblée nationale.

En définitive, nous vous invitons donc à adopter les modifications que nous vous proposons, afin d'aboutir à un texte commun. Celui-ci permettra d'assurer une transposition fidèle et complète des mesures des ANI qui nécessitent de modifier la loi, tandis que nous comptons sur la diligence du Gouvernement pour transposer les mesures qui relèvent du pouvoir réglementaire.

Nous faisons également confiance aux branches et aux entreprises pour appliquer les ANI et se saisir des apports de ce texte, notamment concernant les salariés expérimentés.

C'est ainsi que, dans l'intérêt des salariés et des employeurs, nous ferons vivre la démocratie sociale.

EXAMEN DES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION

Article 1er

M. Stéphane Viry, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition commune de rédaction n° 1 des rapporteurs vise à rétablir « la santé au travail et la prévention des risques professionnels » et « l'organisation du travail et les conditions de travail » comme des thèmes facultatifs de la négociation de branche sur l'emploi et le travail des salariés expérimentés instaurée en vertu de l'article 1er.

Ériger ces thèmes en sujets obligatoires de la négociation n'est pas conforme à l'équilibre trouvé au sein de l'ANI du 14 novembre 2024 en faveur de l'emploi des salariés expérimentés. Ce point a été rappelé par l'ensemble des organisations, tant syndicales que patronales, signataires de cet accord.

Conformément à notre ligne qui est de transcrire fidèlement l'accord et après avoir sollicité de nouveau, hier, les partenaires sociaux, je vous propose d'apporter cette correction mineure au texte.

La proposition commune de rédaction n° 1 des rapporteurs est adoptée.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 2

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour le Sénat. - La proposition commune de rédaction n° 2 des rapporteurs vise à retranscrire plus fidèlement les termes de l'ANI, en inscrivant l'examen de la possibilité de mobilisation du fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle (Fipu) parmi les matières facultatives de négociation d'entreprise.

La proposition commune de rédaction n° 2 des rapporteurs est adoptée.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 3

L'article 3 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale, sous réserve de modifications rédactionnelles.

Article 4

M. Nicolas Turquois, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition commune de rédaction n° 3 des rapporteurs vise à rétablir un délai de carence de six mois, et non de deux ans, afin de pouvoir recruter en contrat de valorisation de l'expérience un salarié précédemment licencié.

Nous avons débattu assez longuement de ce point lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale. Il ne nous semble pas justifié de nous écarter, sur ce point comme sur les autres, des termes de l'accord conclu par les partenaires sociaux.

Le délai de carence a été fixé en référence à la durée applicable dans d'autres dispositifs, en particulier le cumul emploi-retraite. Il semble peu vraisemblable qu'il fasse l'objet d'un contournement de la part d'employeurs qui chercheraient à se séparer d'un salarié pour l'embaucher ensuite dans le cadre d'un contrat de valorisation de l'expérience. Il s'agit en outre d'un dispositif expérimental.

Nous proposons donc de nous en tenir aux termes de l'accord conclu par les partenaires sociaux.

M. Gaëtan Dussausaye, député. - Ce point sur lequel nous avions débattu à l'Assemblée nationale avait fait l'objet d'une réflexion commune et transpartisane, puisque deux amendements identiques présentés par le groupe Socialistes et apparentés et par le groupe Rassemblement National avaient été adoptés en commission, dont l'objet était d'éviter les effets d'aubaine, même s'ils peuvent être rares dans le cadre de cette expérimentation. Je souhaitais le rappeler.

La proposition commune de rédaction n° 3 des rapporteurs est adoptée.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Articles 5, 6, 7, 9 et 9 bis (nouveau)

Les articles 5, 6, 7, 9 et 9 bis sont successivement adoptés dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 10

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure pour le Sénat. - La proposition commune de rédaction n° 4 des rapporteurs vise à transposer les clauses de l'article 4 de l'ANI du 25 juin indiquant que, dans le cadre de la période de reconversion, la rupture d'un commun accord ne donne pas lieu à l'application du régime du licenciement économique.

La proposition commune de rédaction n° 4 des rapporteurs est adoptée.

L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 11 (nouveau)

L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, sous réserve de modifications rédactionnelles.

Article 12 (nouveau)

M. Nicolas Turquois, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition commune de rédaction n° 5 rectifiée vise à améliorer la transposition de l'ANI en faveur des transitions et des reconversions professionnelles.

Les partenaires sociaux avaient exprimé une volonté claire dans cet accord, qu'ils nous ont unanimement rappelée, hier, lorsque nous les avons auditionnés, concernant la réforme de la gouvernance des dispositifs de transition et de reconversion professionnelle, en particulier du projet de transition professionnelle.

Je veux rappeler les termes de l'amendement n° 127 du Gouvernement adopté en séance à l'Assemblée nationale, car il avait été discuté de façon quelque peu précipitée. Je vous indiquerai ensuite les corrections que nous pourrions retenir sans remettre en cause la reconnaissance explicite, par ce texte, de l'association nationale pour la certification paritaire interprofessionnelle et l'évolution professionnelle.

Dans la version du Gouvernement, France compétences restait chargée de répartir les sommes consacrées aux PTP entre les commissions paritaires interprofessionnelles régionales. Cependant, cet amendement visait également à rendre nécessaire un avis conforme d'une nouvelle commission, au sein de France compétences, composée des organisations syndicales et patronales présentes à son conseil d'administration et auprès de Certif'Pro.

Certif'Pro n'aurait donc pas été directement à l'origine de la définition des règles de ventilation entre les associations de transition professionnelle régionales. En outre, le versement des moyens à ces structures serait resté une prérogative de France compétences.

Nous aurions voulu intégrer, d'une part, une retranscription fidèle de l'accord, donnant le rôle de détermination des critères et d'attribution des crédits à Certif' Pro, et, d'autre part, des préconisations du ministère du travail visant à éviter les conflits d'intérêts - agrément, transparence financière et encadrement des frais de gestion.

Toutefois, l'article 40 de la Constitution nous empêche de donner une nouvelle compétence à une structure chargée d'une mission de service public et de prévoir un nouveau mode de distribution des crédits de l'État, surtout en réduisant son contrôle à un opérateur. Le Gouvernement, à ce stade, n'a pas voulu couvrir cette charge.

Ainsi avons-nous prévu une proposition de rédaction de repli, qui vise à remplacer la commission par Certif'Pro. Cependant, en raison de l'article 40, il reviendra au Gouvernement, lors de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire, de soutenir l'amendement qui sera déposé en ce sens et que nous lui avons d'ores et déjà soumis.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour le Sénat. - La proposition commune de rédaction n° 6 tend à retirer l'alinéa 15 introduit par le Gouvernement prévoyant que le salarié bénéficiant du projet de transition professionnelle qui démissionne à l'issue de sa formation est indemnisé par l'assurance chômage. Cette disposition ne figure pas dans l'ANI. Il poserait un problème d'équité, en plus d'entraîner une charge pour le régime pouvant aller jusqu'à 180 millions d'euros, selon les organisations d'employeurs.

Par ailleurs, je remercie nos collègues de l'Assemblée nationale de leur coopération pour parvenir à une solution qui, certes, n'est pas entièrement satisfaisante, mais qui, nous l'espérons, pourra être amendée en séance afin de retranscrire l'ANI en des termes identiques.

Je confirme, enfin, que nous avons déjà préparé, à l'intention du Gouvernement, l'amendement qui permettrait d'encore d'avantage rapprocher notre rédaction de la volonté exprimée par les partenaires sociaux.

Les propositions communes de rédaction n° 5 rectifiée et n° 6 sont adoptées.

L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social.

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