- L'ESSENTIEL
- 1) I. APPROCHE CONTEXTUELLE
- II. LE PROJET D'ACCORD ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LE GOUVERNEMENT DU
MONTÉNÉGRO RELATIF À LA COOPÉRATION DANS LE DOMAINE
DE LA DÉFENSE
- 1) I. APPROCHE CONTEXTUELLE
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
- ANNEXE 1 : CARTES
- ANNEXE 2 : C3BO À PODGORICA
N° 158
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026
Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 novembre 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées (1)
sur le projet de loi autorisant l'approbation de
l'accord entre le
Gouvernement
de la
République
française et le
Gouvernement du
Monténégro relatif
à la
coopération dans le
domaine de la
défense (procédure
accélérée),
Par M. Étienne BLANC,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Cédric Perrin, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mmes Hélène Conway-Mouret, Catherine Dumas, Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Jean-Baptiste Lemoyne, Claude Malhuret, Akli Mellouli, Philippe Paul, Rachid Temal, vice-présidents ; M. François Bonneau, Mme Vivette Lopez, MM. Hugues Saury, Jean-Marc Vayssouze-Faure, secrétaires ; M. Étienne Blanc, Mme Valérie Boyer, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Olivier Cigolotti, Édouard Courtial, Jérôme Darras, Mme Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Guillaume Gontard, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Ludovic Haye, Loïc Hervé, Alain Houpert, Patrice Joly, Mmes Gisèle Jourda, Mireille Jouve, MM. Alain Joyandet, Roger Karoutchi, Ronan Le Gleut, Didier Marie, Pierre Médevielle, Thierry Meignen, Jean-Jacques Panunzi, Mme Évelyne Perrot, MM. Stéphane Ravier, Jean-Luc Ruelle, Bruno Sido, Mickaël Vallet, Robert Wienie Xowie.
Voir les numéros :
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Sénat : |
857 (2024-2025) et 159 (2025-2026) |
L'ESSENTIEL
Le présent projet de loi a pour objet l'approbation de l'accord, signé à Paris le 3 avril 2024 par le ministre des armées de la République française, Sébastien Lecornu, et par le ministre de la Défense du Monténégro, Dragan Krapovic.
Cette relation bilatérale n'était jusqu'à présent encadrée que par un simple arrangement technique signé par les mêmes représentants dix ans auparavant1(*).
Le Monténégro, indépendant depuis le 21 mai 2006, a rapidement déposé sa candidature d'adhésion à l'Union européenne2(*). Puis, forte d'approfondir davantage sa position pro-occidentale dans une région des Balkans occidentaux marquée par des tentatives répétées de déstabilisation, la République du Monténégro a fait le choix d'entrer dans l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) le 5 juin 2017.
Plus récemment, le 16 octobre 2023, nos deux pays ont signé, aux côtés de la Slovénie, un accord relatif à la création du Centre de développement des capacités cyber dans les Balkans occidentaux3(*), dit « C3BO », afin de développer une culture dans le domaine de la cybersécurité dans cette région fragile en la matière. Les trois membres fondateurs de cette organisation internationale, implantée dans la capitale monténégrine, ont vocation à être rejoints par les autres pays de la zone, voire par d'autres pays européens4(*).
Dans ce contexte, l'accord faisant l'objet du présent rapport vient renforcer les liens entre nos deux pays en développant la coopération en matière de défense. S'il s'inscrit dans le cadre général de la Stratégie française pour les Balkans occidentaux5(*) et qu'il couvre largement tous les domaines et formes de coopération dans le domaine de la défense, cet accord met davantage en avant le développement concret de capacités telles la coopération navale (escales, plongée et lutte contre les mines), la modernisation des forces et l'acquisition d'armement (patrouilleurs hauturiers) et la participation au C3BO. En outre, il cherche à donner un cadre juridique solide pour faciliter et/ou relancer des projets concrets déjà engagés.
Il s'appuie classiquement sur le statut des forces armées (dit « SOFA ») prévu par le Traité de l'OTAN, mais prévoit des aménagements pratiques simplifiés pour le règlement des demandes d'indemnités en cas de dommage en lieu et place d'une référence pure au SOFA.
En abrogeant l'arrangement technique de 2014, cet accord créé un cadre plus complet présentant des intérêts sur quatre plans. Tout d'abord, sur le plan géopolitique et stratégique, il permettra à la France de consolider sa présence dans les Balkans occidentaux et de contribuer à la stabilité régionale. Sur le plan opérationnel, il favorise notamment interopérabilité entre les membres de l'OTAN et le renforcement de la coopération technique et du C3BO. Sur le plan économique et industriel, il ouvre des perspectives d'exportations pour l'industrie de défense française et renforce la marque « France partenaire stratégique européen ». Enfin, il présente des intérêts diplomatiques pour notre place dans l'Europe en offrant à la France une position de partenaire de référence dans la région à l'heure où l'Union européenne cherche à relancer l'intégration des Balkans.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté ce projet de loi, dont le Sénat est saisi en première lecture.
1) I. APPROCHE CONTEXTUELLE
Le Monténégro, État des Balkans occidentaux d'environ 620 000 habitants, possède une position stratégique entre l'Adriatique et les massifs dinariques. Bien que petit par sa taille, son rôle géopolitique est important en raison de sa localisation et de son histoire complexe, marquée par la domination ottomane, l'intégration à la Yougoslavie, puis l'indépendance en 2006.
Depuis cette indépendance, le pays s'engage dans une trajectoire double : consolider son État et ses institutions, tout en s'ancrant dans l'espace euro-atlantique. Cette trajectoire inclut des engagements régionaux et internationaux majeurs : l'adhésion à l'OTAN en 2017, la participation à la Convention C3BO, la perspective de l'adhésion à l'Union européenne, et la signature d'un accord de défense bilatéral avec la France en 2024.
A. UN ÉTAT JEUNE MARQUÉ PAR UN HÉRITAGE HISTORIQUE ET INSTITUTIONNEL COMPLEXE
1. Du démantèlement yougoslave à l'affirmation souveraine : un long processus d'émancipation
Le Monténégro a longtemps été intégré à des entités fédérales plus larges, comme la République fédérative socialiste de Yougoslavie après la Seconde Guerre mondiale. Durant cette période yougoslave, il bénéficie d'une autonomie relative mais reste dépendant de Belgrade pour les décisions stratégiques et militaires. Après la dissolution de la Yougoslavie, il forme avec la Serbie l'Union de Serbie-Monténégro de 1992 à 2006. Cette période est marquée par un dilemme identitaire : préserver des liens historiques, culturels et religieux avec la Serbie tout en construisant un État autonome.
Le référendum d'indépendance du 21 mai 2006, avec 55,5 % de votes favorables, marque le début de la souveraineté reconnue internationalement. Cette indépendance n'est pas seulement politique, mais aussi symbolique. En effet, elle ouvre la possibilité au Monténégro de rejoindre les institutions internationales et de définir sa propre politique de sécurité et de défense.
Le Monténégro affirme progressivement une identité nationale propre, façonnée par un équilibre délicat entre plusieurs influences historiques et culturelles. Héritier d'un passé étroitement lié à la Serbie, le pays partage avec elle la langue, une partie des traditions et l'appartenance majoritaire à l'orthodoxie, longtemps pilier de sa cohésion politique et sociale. Pourtant, la singularité monténégrine s'est aussi construite dans la continuité d'une histoire particulière : celle d'une principauté puis d'un royaume qui a conservé son autonomie face aux grands empires voisins. À cela s'ajoute l'empreinte adriatique, issue de siècles d'ouverture vers la mer et de contacts avec les mondes vénitien et méditerranéen, qui ont nourri une culture plus tournée vers l'Europe occidentale. Entre héritage serbe, tradition orthodoxe et influences adriatiques, le Monténégro forge aujourd'hui une identité plurielle, revendiquant à la fois ses racines communes et son caractère distinct.
L'enjeu identitaire reste central. Une partie de la population s'identifie à la culture serbe, tandis qu'une autre se rattache à une identité monténégrine spécifique. Cette dualité influence encore aujourd'hui les orientations politiques et les relations bilatérales avec Belgrade.
2. La consolidation interne : institutions, gouvernance et transition démocratique
La Constitution du 19 octobre 2007 établit une république parlementaire, démocratique et laïque. Les institutions prévues par cette dernière comprennent un parlement monocaméral (Skuptina Crne Gore) composé de 81 membres élus pour 4 ans au suffrage universel selon la représentation proportionnelle, un président élu au suffrage universel direct pour 5 ans renouvelable une fois dont le rôle est surtout symbolique et diplomatique, un gouvernement dirigé par un Premier ministre responsable devant le Parlement, une Cour constitutionnelle et un pouvoir judiciaire indépendant dominé par une Cour suprême.
Depuis l'indépendance, le pays a connu une longue période de domination politique par le Parti démocratique des socialistes (DPS) et son leader Milo Dukanovic, héritier de l'ancien Parti communiste. Cette hégémonie a généré des critiques liées au clientélisme, à la corruption et la lenteur des réformes institutionnelles. L'année 2023 marque un tournant politique majeur puisque, Jakov Milatovic du mouvement Europe Now ! est le premier président n'appartenant pas au parti historique à être est élu. Ce changement de cap sera confirmé avec les élections législatives anticipées dans lesquelles Europe Now ! reste en tête mais dans lesquelles aucune majorité claire ne s'est dégagée, obligeant les uns et les autres à former des coalitions complexes rendant la stabilité gouvernementale fragile.
Malgré ces difficultés, plusieurs réformes ont été engagées telles que les réformes judiciaires pour renforcer l'indépendance des tribunaux, celles sur la modernisation de l'administration et l'amélioration de la transparence financière, ou encore celles sur l'adaptation de la législation aux standards européens, notamment en matière de droits humains et de lutte contre le crime organisé.
Cette consolidation est indispensable pour préparer le Monténégro à ses engagements internationaux, en particulier à l'égard de l'OTAN, de la Convention « C3BO » et de l'Union européenne.
B. UNE DIPLOMATIE D'ÉQUILIBRE ENTRE ANCRAGE OCCIDENTAL ET STABILISATION RÉGIONALE
1. Le Monténégro dans les Balkans occidentaux : stabilité et coopération
Le Monténégro joue un rôle actif dans les organisations régionales, notamment l'Accord de libre-échange centre-européen, dit CEFTA, le Conseil de coopération régionale et l'Initiative Adriatique-Ionienne, visant à favoriser la coopération économique et sécuritaire.
La participation à la Convention relative au Centre de développement des capacités cyber dans les Balkans occidentaux, dit « C3BO », permet, d'une part, de renforcer la coopération militaire et sécuritaire avec les pays voisins, d'autre part, de partager des renseignements sur les menaces transnationales, notamment le terrorisme et la criminalité organisée, et enfin de coordonner la réponse face aux cyberattaques et aux menaces hybrides6(*).
La participation au « C3BO » permet au Monténégro d'accroître sa crédibilité militaire, de renforcer sa résilience face aux influences extérieures et de contribuer activement à la sécurité régionale
À cet égard, le Monténégro est un acteur stabilisateur dans une région où certaines influences extérieures (Serbie, Chine, Russie) cherchent à exploiter les fragilités politiques et économiques.
2. L'ancrage euro-atlantique et les partenariats bilatéraux structurants
L'adhésion à l'OTAN, le 5 juin 2017, a été un tournant stratégique, affirmant l'orientation pro-occidentale du Monténégro. Cette adhésion implique l'interopérabilité des forces armées, la participation aux missions internationales de maintien de la paix et la contribution au renforcement de la sécurité régionale.
Dans ce cadre, le partenariat bilatéral avec la France, formalisé dans un premier temps par un arrangement technique signé le 9 mai 2014 sur la formation, puis largement renforcé par l'accord de défense signé le 3 avril 2024, revêt trois dimensions : la première est relative à la formation et l'entraînement des forces armées monténégrines, la deuxième concerne la coopération en matière de cybersécurité et de gestion de crise, et enfin, la troisième prévoit le soutien à la modernisation des capacités militaires et de commandement du Monténégro.
L'ensemble de ces engagements renforcent le rôle stratégique du Monténégro dans les Balkans occidentaux et consolident ses relations avec l'Union européenne et l'OTAN.
C. LES DÉFIS CONTEMPORAINS D'UN ÉTAT EN QUÊTE DE STABILITÉ ET DE CRÉDIBILITÉ STRATÉGIQUE
1. Les enjeux internes : économie, société et gouvernance
L'économie monténégrine est fortement dépendante du tourisme, qui représente plus de 25 % du PIB et génère des revenus saisonniers concentrés sur la côte adriatique. Cette dépendance rend le pays vulnérable aux crises régionales et aux fluctuations économiques mondiales.
Les défis internes sont multiples. Le premier est relatif à la diversification économique, notamment par le développement du secteur industriel et technologique. Le Monténégro doit, ensuite parvenir à réduire considérablement le chômage, notamment chez les jeunes diplômés. Enfin, les défis concernent également l'amélioration de la gouvernance publique et la lutte contre la corruption, afin de renforcer la confiance des investisseurs et des partenaires internationaux.
2. Les enjeux externes : sécurité, influence et alliances
Situé entre l'Adriatique, la Serbie, le Kosovo, la Bosnie-Herzégovine et l'Albanie, le Monténégro occupe une position-clé dans les Balkans occidentaux, zone historiquement instable et convoitée. Sa façade maritime lui confère un accès stratégique à la mer Adriatique, ce qui suscite l'intérêt des grandes puissances militaires et économiques.
L'adhésion du Monténégro à l'OTAN en 2017 symbolise son engagement ferme en faveur de la sécurité collective occidentale. Malgré les protestations internes et la forte opposition de la Serbie et de la Russie, le pays a maintenu le cap, considérant cette adhésion comme un garant de sa souveraineté et de sa protection militaire. Cette appartenance à l'OTAN fait du Monténégro un bastion pro-occidental dans une région où certains États comme la Serbie conservent des liens étroits avec Moscou.
Comme d'autres États des Balkans, le Monténégro fait face à des menaces hybrides (campagnes de désinformation, cyberattaques sur les infrastructures gouvernementales, financement opaque de partis politiques par des acteurs extérieurs...). Le « C3BO » et l'accord France-Monténégro offrent des leviers pour renforcer la résilience militaire et cyber, garantir la souveraineté nationale et jouer un rôle de pivot régional stabilisateur. Ainsi la France devient pour le Monténégro un allié de référence, complémentaire à l'OTAN, dans une perspective de consolidation de l'autonomie stratégique européenne.
Malgré son orientation occidentale, le Monténégro reste exposé à des influences extérieures multiples, et en premier lieu à l'influence russe. Historiquement, la Russie a soutenu l'Église orthodoxe monténégrine et les milieux politiques pro-serbes. Depuis l'indépendance, Moscou considère le Monténégro comme une perte symbolique dans son espace d'influence. Les relations entre les deux pays n'ont cessé de se dégrader depuis l'adhésion du Monténégro à l'OTAN, par exemple avec l'application des sanctions européennes contre la Russie par le gouvernement monténégrin après 2022.
Concernant la Chine, l'endettement élevé du Monténégro envers Pékin a suscité des inquiétudes sur la dépendance financière du pays, poussant l'Union européenne et la Banque européenne d'investissement à intervenir pour aider le Monténégro à restructurer cette dette.
Face à ces multiples influences, la diplomatie monténégrine adopte une stratégie d'équilibre pragmatique. Elle reste clairement engagée envers l'Union européenne et l'OTAN tout en maintenant des relations bilatérales correctes avec la Serbie, en faisant preuve de vigilance face aux ingérences extérieures, et en participant activement aux organisations régionales pour renforcer la coopération multilatérale balkanique.
II. LE PROJET D'ACCORD ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LE GOUVERNEMENT DU MONTÉNÉGRO RELATIF À LA COOPÉRATION DANS LE DOMAINE DE LA DÉFENSE
A. LA GENÈSE DE L'ACCORD
Les Balkans occidentaux constituent une zone d'importance stratégique pour la stabilité européenne, la sécurité méditerranéenne et la lutte contre les influences extérieures, notamment russe et chinoise. La France, soucieuse de renforcer son ancrage dans cette région, cherche à y consolider des partenariats de défense avec les états membres de l'OTAN et candidats à l'Union européenne, dont le Monténégro.
Depuis 2014, la France et le Monténégro étaient liés par un arrangement technique centré sur la formation militaire. Cependant, ce dispositif était limité et ne couvrait ni la coopération navale ni les enjeux émergents comme la cybersécurité. L'accord signé en 2024 vient donc élargir ce cadre, officialisant une coopération de défense globale et équilibrée.
Membre de l'OTAN depuis le 5 juin 2017 et pays candidat à l'Union européenne depuis 2008, le Monténégro est un partenaire clé pour la stabilité régionale. Cet accord s'inscrit dans la stratégie française d'appui à la montée en puissance des capacités balkaniques compatibles avec les standards OTAN. Il respecte pleinement le SOFA OTAN et les principes de la défense collective.
L'accord a été signé le 3 avril 2024 par Sébastien Lecornu, ministre des Armées, et son homologue monténégrin, Dragan Krapovic, à l'occasion de la visite de ce dernier à Paris.
B. LES ENJEUX DE L'ACCORD
Cet accord s'inscrit dans le contexte géopolitique déjà présenté plus haut. La France, par ce texte, réaffirme sa volonté de renforcer la sécurité européenne et sa présence diplomatique et miliaires dans cette zone charnière.
Pour la France, il s'agit d'un instrument de rayonnement et d'influence, permettant de renforcer la coopération technique et la formation et d'ouvrir éventuellement des perspectives d'exportations pour la BITD française.
Pour le Monténégro, l'accord représente une opportunité majeure de modernisation de ses forces armées, d'accès à la formation française et d'intégration accrue aux standards euro-atlantiques.
C. LE CONTENU DE L'ACCORD
Le texte comporte un court préambule et quatorze articles, dont la rédaction répond aux standards français de référence.
Le préambule se réfère notamment à l'Accord sur l'échange et la protection réciproque d'informations classifiées entre la France et le Monténégro, signé le 21 décembre 2017, ainsi qu'à la Lettre d'intention des ministres de la défense des deux parties sur le développement de la coopération en matière de défense, signée le 29 mars 2017. Il rappelle les principes de « respect total du droit à la souveraineté, de l'intégrité territoriale et des principes d'égalité, de non-ingérence dans les affaires internes et d'intérêt mutuel ».
L'article 1er donne une définition des notions de « Forces armées », de « Membre du personnel », de « Personne à charge », de « Partie d'origine » et de « Partie d'accueil », dans des termes conformes à ceux figurant habituellement dans de tels accords.
L'article 2 énonce l'objet du partenariat entre les deux Parties, à savoir le développement de la coopération de défense et définit les autorités compétentes pour la mise en oeuvre dudit accord : pour le Monténégro, il s'agit du ministre de la défense ; pour la France, celui des armées. Il crée un cadre de coopération souple sans imposer d'obligations automatiques. Les futures actions nécessiteront donc des accords d'application.
L'article 3 précise l'étendue de la coopération ; le 1. est consacré aux domaines de cette coopération à travers une liste non exhaustive, citant la politique de défense, l'organisation et le fonctionnement des forces armées, l'armement et l'acquisition d'équipement des forces armées, les opérations de maintien de la paix, humanitaires et d'entraînement, la formation, les activités de topographie et de cartographie militaire ainsi que la réglementation dans le domaine de l'accord.
Le 2. précise que les Parties peuvent s'entendre sur tout autre domaine qu'elles estimeraient nécessaire pour améliorer la coopération militaire.
L'article 4 établit les formes que peut prendre la coopération, à travers une liste non exhaustive : des échanges d'expérience et visites, des exercices militaires et des manoeuvres pour les observateurs, des formations militaires ou des échanges d'officiers experts techniques ainsi que toute autre activité de coopération en fonction des intérêts communs des Parties.
L'article 5 prévoit l'organisation d'entretiens bilatéraux. Ce mécanisme institutionnalise le dialogue stratégique et permet de suivre les progrès de la coopération.
L'article 6 traite de l'exclusion de toute utilisation des forces étrangères pour des opérations de sécurité intérieure. Il garantit que la coopération reste technique, formatrice et non-combattante.
L'article 7 prévoit une clause financière standard selon laquelle chaque partie supporte les frais liés à sa propre participation aux activités de coopération, sauf accord contraire.
L'article 8 encadre la prise en charge médicale en déplacement. Il prévoit l'assistance mutuelle sans transfert automatique de responsabilité.
L'article 9, plutôt que de recréer un régime de protection, renvoie à un instrument existant, déjà en vigueur entre les deux États, à savoir l'accord bilatéral du 21 décembre 2017 sur la protection réciproque des informations classifiées.
L'article 10 confère au personnel militaire un statut juridique personnel régi par la Convention entre les États parties au Traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, dits SOFA OTAN.
L'article 11 prévoit une clause humanitaire et logistique en cas de décès sur le territoire de la Partie d'accueil. Elle fixe ainsi les procédures pour éviter les conflits de compétence.
L'article 12 établit un régime de responsabilité qui ne renvoie pas directement à celui de l'OTAN mais qui s'en inspire. Il prévoit ici un partage à parts égales si la faute ne peut être déterminée.
L'article 13 est consacré à la résolution des litiges par voie diplomatique. Aucune procédure d'arbitrage ou juridictionnelle n'est prévue, la résolution ne repose que sur la concertation diplomatique.
Les « dispositions finales » énoncées à l'article 14 prévoient la procédure d'entrée en vigueur de ce présent accord et remplace définitivement l'arrangement technique antérieur du 9 mai 2014, beaucoup plus limité.
*
* *
L'enjeu de l'accord faisant l'objet du présent rapport est essentiellement d'approfondir la relation bilatérale avec le Monténégro née en 2014. Il établit un cadre juridique complet, souple et équilibré, destinée à encadrer la coopération militaire, la formation, la maintenance, la cybersécurité et les échanges d'expertises entre les deux pays. Il traduit une convergence de vues sur la sécurité européenne et confirme la place du Monténégro comme partenaire fiable et engagé au de sein de la communauté euro-atlantique.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 26 novembre, sous la présidence de M. Philippe Paul, vice-président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Etienne Blanc sur le projet de loi n° 857 (2024-2025) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Monténégro relatif à la coopération dans le domaine de la défense.
M. Philippe Paul, président. - Enfin, nous allons examiner le projet de loi n° 857, qui vise à autoriser l'approbation de l'accord de coopération en matière de défense entre la France et le Monténégro. Cet accord bilatéral vise le renforcement de notre coopération militaire avec le Monténégro dans le cadre du développement de la stratégie française pour les Balkans occidentaux. Je donne la parole à notre collègue Étienne Blanc.
M. Etienne Blanc, rapporteur. - Nous examinons aujourd'hui un projet d'accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et celui de la République du Monténégro, dont nous sommes saisis en première chambre. Les auditions que j'ai conduites avec les commissaires du Gouvernement en charge du dossier, m'ont permis de mesurer l'enjeu de cet accord, qui, au-delà du nécessaire cadre juridique qu'il apporte à notre coopération, est porteur d'opportunités pour les deux parties.
Le rapporteur projette une présentation PowerPoint en complément de son propos.
Situé dans les Balkans occidentaux, le Monténégro est un petit État d'Europe du Sud-Est, doté d'une façade sur l'Adriatique et entouré par la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie, le Kosovo et l'Albanie. Il est officiellement candidat à l'adhésion à l'Union européenne depuis 2010 et membre de l'Alliance atlantique depuis 2017.
La candidature monténégrine à l'Union européenne s'inscrit dans une logique de stabilisation régionale et de renforcement de la sécurité dans les Balkans occidentaux. Outre les réformes politiques, judiciaires et économiques exigées par l'Union européenne, le pays s'efforce de moderniser ses forces armées et sa coopération militaire avec ses partenaires européens et atlantiques. Membre de l'OTAN depuis 2017, le Monténégro cherche à aligner ses standards de défense sur ceux de l'Union européenne, ce qui constitue un facteur clé pour son intégration future. Les négociations d'adhésion intègrent ainsi des volets liés à la sécurité, à la lutte contre le crime organisé et au contrôle aux frontières, reflétant l'importance accordée par l'UE à la stabilité régionale. En l'état actuel, la quasi-totalité des trente-trois chapitres de négociation ont été ouverts, et sept chapitres ont été provisoirement clos. Bien que des progrès significatifs aient été réalisés, la mise en oeuvre effective des réformes reste un défi, et l'adhésion définitive, visée autour de 2028, dépendra de l'avancement concret dans tous les chapitres, surtout ceux liés à l'État de droit et à la sécurité.
La possible adhésion du Monténégro à l'Union européenne s'inscrit pleinement dans la stratégie française pour les Balkans occidentaux, qui vise à renforcer la stabilité, la sécurité et l'intégration européenne de la région. La France soutient l'élargissement progressif de l'UE pour consolider la démocratie, l'État de droit et le développement économique, tout en limitant les influences extérieures pouvant déstabiliser ces États. Dans ce cadre, l'adhésion du Monténégro permettrait de renforcer la coopération en matière de défense et de sécurité, de sécuriser les voies d'accès à l'Adriatique et d'encourager les réformes régionales, tout en servant de modèle pour les autres candidats des Balkans occidentaux, comme la Serbie et le Kosovo. La France, comme cela était relevé dans le rapport d'information Réinvestir les Balkans occidentaux : un impératif stratégique cosigné en juillet 2023 par nos collègues Olivier Cigolotti, Hélène Conway-Mouret, Bernard Fournier et Michelle Gréaume, considère donc l'intégration européenne du Monténégro comme un levier stratégique pour stabiliser et sécuriser durablement la région balkanique, tout en affirmant l'influence française et européenne dans cette zone géopolitique sensible.
En matière de politique étrangère, le Monténégro mène depuis son indépendance en 2006, une politique résolument tournée vers l'intégration euro-atlantique, considérant que sa sécurité, sa stabilité institutionnelle et sa prospérité dépendent avant tout de son ancrage dans l'Union européenne et l'OTAN. L'adhésion du Monténégro à l'Alliance atlantique en 2017 a été vivement critiquée par Moscou, qui a tenté d'influencer le contexte politique interne. L'événement le plus marquant demeurant la tentative de coup d'État d'octobre 2016 attribuée à des agents liés à la Russie selon les autorités monténégrines et plusieurs services occidentaux. L'entrée dans l'OTAN a donc été perçue comme un basculement géopolitique contre l'intérêt de Moscou. Néanmoins, le Monténégro participe activement aux mécanismes de défense collective et augmente progressivement son effort militaire, près de 2 % de son PIB soit environ 150 millions de dollars en 2024.
Comme nous l'avons vu précédemment, son rapprochement avec l'UE est avancé : Podgorica est l'un des favoris des Balkans occidentaux dans les négociations d'adhésion, bénéficiant d'un alignement élevé sur la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), d'un soutien financier européen et d'un renforcement capacitaire via la Facilité européenne pour la paix (FEP). C'est dans ce cadre que, le 28 février 2025, le Conseil de l'Union européenne a adopté une mesure d'assistance d'un montant de 6 millions d'euros pour soutenir les forces armées du Monténégro et qu'en 2022, il avait également bénéficié d'une partie des 6 millions d'euros destinés au Balkan Medical Task Force (BMTF) soutenant les capacités médicales militaires des pays balkaniques.
Depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022, le Monténégro soutient fermement Kiev, en ligne avec son ancrage euro-atlantique et sa politique pro-OTAN. Le pays a appliqué l'ensemble des sanctions de l'UE contre la Russie, participe à des exercices et formations de l'OTAN, et a fourni un soutien symbolique limité mais visible, notamment en termes de personnel et de matériel de défense. Cette position a renforcé sa crédibilité internationale mais accentué les tensions internes, certains partis pro-russes contestant cet alignement.
Dans la région des Balkans occidentaux, le Monténégro cherche à projeter l'image d'un acteur fiable, pro-européen et stabilisateur. À ce titre, il a signé, en octobre 2023, avec la France et la Slovénie, un accord relatif à la création du Centre de développement des capacités cyber dans les Balkans occidentaux, dit « C3BO », visant à renforcer la cybersécurité, la lutte contre la cybercriminalité et la coopération politique dans le cyberespace. Comme notre collègue Sylvie Goy-Chavent nous l'a indiqué dans son rapport du 29 janvier dernier sur l'approbation de cet accord, l'initiative, financée majoritairement par la France, permet de former les administrations et les forces de sécurité des Balkans occidentaux, tout en consolidant l'ancrage euro-atlantique du Monténégro et en renforçant son rôle stratégique régional. Le centre, installé à Podgorica, contribue à améliorer la résilience numérique face aux menaces criminelles et étatiques, tout en offrant à la France un levier de soft power et de coopération régionale. Les principaux défis concernent la pérennité du financement, la participation active des États balkaniques et la gouvernance multilatérale pour garantir un impact durable. Malgré cette volonté d'afficher une certaine fiabilité dans la région, ses relations avec la Serbie demeurent ambivalentes, mêlant interdépendances économiques et tensions politiques, notamment autour des questions identitaires et de l'influence de partis pro-serbes.
Cependant, malgré toutes les actions pro-euro-atlantiques et son fort potentiel géostratégique, le Monténégro est très exposé à des vulnérabilités structurelles. En premier lieu, des faits de corruption et de clientélisme, affaiblissent les institutions et peuvent favoriser des crises de gouvernance, d'autant que les coalitions politiques peuvent être fragiles. En deuxième lieu, sa dépendance aux capitaux étrangers, notamment chinois, et son endettement structurel compromettent la résilience économique. En troisième lieu, le pays doit également composer avec les tentatives d'influence externe (russes, serbes, parfois chinoises ou turques), qui exploitent ses divisions internes. Cette vulnérabilité rend d'autant plus stratégique son ancrage euro-atlantique, ainsi que la coopération régionale dans les domaines de l'énergie, des transports et de la sécurité. En quatrième lieu, le développement touristique rapide combiné à la faiblesse des infrastructures peut poser des risques environnementaux comme du surtourisme, de l'érosion ou une pression sur les ressources. Enfin en dernier lieu, si les réformes nécessaires ne sont pas consolidées, cela pourrait ralentir ou compliquer le processus d'entrée dans l'Union européenne.
Les relations bilatérales entre la France et le Monténégro s'inscrivent dans une histoire longue et globalement positive, marquée notamment par l'engagement du Monténégro, allié de la Serbie aux côtés de l'Entente durant la Première Guerre mondiale, puis par son rôle de haut lieu de la résistance yougoslave contre l'occupation italienne et allemande pendant la Seconde Guerre mondiale. Après son indépendance en 2006, cette relation s'est encore approfondie, portée par un dialogue diplomatique régulier et un engagement commun en faveur de la stabilité des Balkans et de l'intégration euro-atlantique. Sur le plan économique, les échanges restent modestes mais progressent, avec une présence française croissante dans les secteurs du tourisme, de l'énergie et des infrastructures. Cette relation, ancienne, éprouvée et tournée vers l'avenir, constitue aujourd'hui un socle solide pour une coopération renforcée.
Dans le domaine de la défense, notre coopération était régie par un arrangement technique bilatéral signé en 2014. Il constituait un cadre souple de coopération en matière de défense, moins contraignant qu'un traité officiel, destiné à poser les bases d'une collaboration bilatérale. Ses principaux objectifs étaient de renforcer les échanges militaires dans plusieurs domaines, notamment l'enseignement du français, les escales navales et les contacts stratégiques entre états-majors, tout en préparant la mise en place d'un cadre plus formel à l'avenir. Cet arrangement s'inscrivait également dans la stratégie française pour les Balkans occidentaux, visant à soutenir la stabilité de la région et à préparer la coopération avec le Monténégro avant son adhésion ultérieure à l'OTAN.
L'accord de coopération dans le domaine de la défense signé le 3 avril 2024 entre la France et le Monténégro marque un renforcement significatif de leur coopération militaire, en posant un cadre juridique beaucoup plus solide que l'arrangement technique de 2014. Cet accord couvre un large spectre d'actions : politique de défense, formation des forces, équipement et armement (notamment des patrouilleurs hauturiers), ainsi que des missions navales. Les clauses de l'accord sont très classiques, reprenant des dispositions traditionnelles des accords de défense bilatéraux : coopération technique, échanges de personnels, formation, assistance mutuelle, protection et statut des forces. Il inscrit aussi explicitement le statut des personnels militaires sous le régime du « SOFA OTAN », clarifiant les droits et obligations des troupes sur le territoire de l'autre partie. Enfin, il s'inscrit dans la stratégie française pour les Balkans occidentaux, en vue de stabiliser la région et de consolider des partenariats stratégiques avec un allié déjà membre de l'OTAN.
Cet accord constitue avant tout un cadre général destiné à organiser et faciliter la coopération de défense entre la France et le Monténégro, sans en limiter la portée : il fixe les principes, les modalités et le socle juridique commun, mais laisse entièrement ouverte la possibilité d'aller plus loin. Ainsi, toute action additionnelle, tout programme nouveau ou tout approfondissement opérationnel peut être décidé ultérieurement par les deux parties, ce qui permet d'adapter en permanence la coopération à leurs besoins stratégiques et à l'évolution du contexte régional.
Au regard de ces éléments, il apparaît clairement que cet accord offre un cadre solide, évolutif et pleinement cohérent avec nos intérêts stratégiques dans les Balkans occidentaux comme au sein de l'OTAN. Il s'inscrit dans la continuité du travail déjà accompli par notre commission, puisque nous avons déjà approuvé plusieurs accords très similaires, notamment avec la Macédoine du Nord il y a quelques semaines, ainsi que celui officialisant le C3BO en janvier dernier, témoignant ainsi de notre volonté de renforcer la stabilité et l'intégration de la région. Cet accord consolide une coopération ancienne, sécurise notre partenariat militaire et ouvre la voie à des développements futurs bénéfiques pour les deux pays. Je vous invite donc, chers collègues, à approuver ce texte.
L'examen de ce projet de loi est inscrit en séance publique à l'ordre du jour du mercredi 10 décembre prochain, selon la procédure simplifiée, ce à quoi la Conférence des Présidents, ainsi que votre rapporteur, a souscrit.
Présidence de M. Philippe Paul, vice-président
M. Philippe Paul., président - Merci au rapporteur que je félicite de son travail.
Mme Hélène Conway-Mouret - Merci au rapporteur pour cette excellente présentation. Je pense en effet, que nous ne saurons que nous féliciter de ces accords. Ce sont des signaux incroyablement importants que nous nous devons de donner aujourd'hui aux pays de cette région, qui font de gros efforts pour se raccrocher au bloc européen. Et je pense que c'est un signal très positif. En plus, la position géographique fait que nous nous devons également de les soutenir pour les inciter à aller plus vite dans ce qui est mis en place sur le plan civil, et ces accords de défense sont un gage dont ils ont besoin, donc merci. En tout cas, je souscris totalement à ce qui a été proposé.
Mme Michelle Gréaume - Je voudrais revenir sur un point. Il a été évoqué que j'avais fait partie du déplacement aux Balkans, et que je suis d'accord avec cette coopération de défense. Non, pas du tout. Au contraire, je voterai contre, pourquoi ? Parce que cet accord contribue à l'élargissement du maillage de l'OTAN et nous sommes contre, bien entendu, dans une région qui, je le rappelle, est historiquement sensible. La France, au lieu de défendre une politique étrangère indépendante et tournée vers la paix s'inscrit, là, dans une logique d'alignement militaire atlantiste. De plus, la coopération définit dans les articles 3 et 4 ses limites à la sphère militaire alors que le Monténégro a besoin de partenariats civils, universitaires, culturels et économiques. Le texte lui-même encadre finement les responsabilités des personnels, les frais, le soutien médical et l'indemnisation des dommages, ce qui témoigne de l'ampleur et de la lourdeur de l'engagement militaire. Enfin, à l'heure où notre pays fait face à des défis considérables ici en France, en matière de service public et de transition écologique, dédier des ressources à un accord militaire de cette ampleur constitue, pour nous, un mauvais choix de priorité.
M. Étienne Blanc - On comprend bien le contexte politique. C'est vrai que le Monténégro s'est rapproché de l'OTAN, qu'aujourd'hui il a des partenariats extrêmement forts avec les occidentaux et que de fait, le Monténégro a fait un choix et que ce choix assure une sécurité notamment vis-à-vis d'une influence russe. Donc sur ce point-là, évidemment nous avons un désaccord avec nos collègues du CRCE-K.
M. Rachid Temal - Je voudrais tout d'abord saluer la grande qualité du rapport d'Etienne Blanc et dont nous partageons les conclusions. J'attire l'attention sur un pays clé mais qui est un peu oublié, c'est la Bosnie-Herzégovine. Parce qu'aujourd'hui, le débat qui doit permettre la stabilisation et la paix dans les Balkans c'est la Bosnie-Herzégovine. Voilà un pays qui est totalement impacté par toutes les ingérences russes. Voilà un pays qui aujourd'hui est à deux doigts de se faire couper en deux puisque la République de Serbie de Bosnie-Herzégovine a un leader qui contrevient à toutes les règles et qui menace de faire imploser le pays. On sait qu'il y a eu des guerres. Je ne comprends pas les positions de l'Union européenne et de l'OTAN, de refuser la demande qui est faite par la Bosnie-Herzégovine. Alors, ce n'est pas le sujet du jour mais je crois que si on continue à ne pas regarder, à ne pas soutenir la Bosnie-Herzégovine, il y aura un problème dans ce pays, et il n'y aura pas de stabilité dans les Balkans. C'est une priorité absolue. D'ailleurs quand on regarde une carte, on voit très clairement qu'au milieu des Balkans, il reste la Bosnie-Herzégovine. Vous avez la Croatie qui est membre à la fois de l'OTAN et de l'Union européenne. On voit en bas le Monténégro. On connait la question de la Serbie notamment son rapport depuis 1999 avec l'OTAN. C'est la Bosnie-Herzégovine qui est aujourd'hui l'enjeu majeur des attaques serbes et russes. Donc, je crois que nous leur devons solidarité et soutien. J'estime qu'il est urgent que le Sénat s'exprime pour que la Bosnie-Herzégovine rejoigne au plus vite l'Union européenne, dans les conditions prévues, et aussi l'OTAN. Je crois d'ailleurs que la question de l'adhésion à l'OTAN est beaucoup plus simple paradoxalement que la question de l'adhésion à l'Union européenne pour la Bosnie-Herzégovine.
M. Jean-Luc Ruelle - La mise en place et l'application de cette convention n'impliquent-elles pas un risque de fuite de nos savoir-faire vers des puissances hostiles ?
M. Étienne Blanc - Non, je ne pense pas. Évidemment, tout cela sera placé sous contrôle. Cette convention est extrêmement large et elle ouvre des opportunités. Je crois qu'on fera du cas par cas en fonction des situations qui vont se présenter à nous. Je l'ai dit très clairement dans le rapport, l'essentiel pour la France c'est de s'inscrire dans une politique de stabilisation de cette région. Donc, la convention pose ce principe-là, puis après, au cas par cas, nous aurons des coopérations renforcées. Et, évidemment, il faudra être extrêmement vigilants, notamment du fait des influences russes, pour qu'il n'y ait pas de percolations.
Le projet de loi est adopté sans modification.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Pour le Ministère de l'Europe et des affaires étrangères :
- M. Alexandre PIQUET, Chef à la Mission des Accords et Traités, Direction des affaires juridiques
- Mme Valeria MANZIONE, Rédactrice à la Mission des Accords et Traités, Direction des affaires juridiques
- Mme Julia DUBUC, Chargée de communication, Suppléante de la Mission des Accords et Traités, Direction de la Coopération, de sécurité et de défense, pôle partenariat rayonnement
- M. Florent CHEVAL, Sous-directeur de la Sous-direction de l'Europe balkanique, Direction des Affaires juridiques
Pour le Ministère des Armées :
- M. Antoine PAVAGEAU, Sous-directeur, Sous-direction du droit international et européen, Direction des affaires juridiques (DAJ)
- M. Jean MAZEL, Conseiller juridique, Sous-direction du droit international et européen, Direction des affaires juridiques (DAJ)
ANNEXE 1 : CARTES
ANNEXE 2 : C3BO À PODGORICA
* 1 Le 9 mai 2014 à Paris.
* 2 le 15 décembre 2008 en France. Le statut de candidat officiel lui est accordé en décembre 2010 par le Conseil européen, soit 2 ans après sa demande.
* 3 Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine du Nord, Monténégro et Serbie.
* 4 Cf rapport n°284 (2024-2025) de Mme Sylvie Goy-Chavent du 29 janvier2025
* 5 Cf rapport d'information n°882 (2022-2023) sur « Réinvestir les Balkans occidentaux : un impératif stratégique », de M. Olivier Cigolotti, Mme Hélène Conway-Mouret, M. Bernard Fournier et Mme Michelle Gréaume
* 6 Cf rapport n°284 (2024-2025) de Mme Sylvie Goy-Chavent du 29 janvier2025


