Rapport n° 47 (1995-1996) de M. Yves GUENA , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 26 octobre 1995

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N° 47

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 26 octobre 1995.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1)) sur :

1°) le projet de loi autorisant la ratification du traité d'entente et de coopération entre la République française et l 'Ukraine,

2°) le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l 'Ukraine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements,

Par M. Yves GUÉNA,

Sénateur.

Celle commission est composée de MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, vice-présidents ; Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Michel Alloncle, Jacques Genton, Jean-Luc Mélenchon, secrétaires , Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique Ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM, Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Paul Chambriard, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Bertrand Delanoë, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Gérard Gaud, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet, Yves Guéna, Jacques Habert, Marcel Henry, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Jean-Pierre Raffarin, Michel Rocard, André Rouvière, Robert-Paul Vigouroux, Serge Vinçon.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (10ème législ ) : 1909, 2124 et T.A.399.

Sénat : 384 (1994-1995) et 6 (1995-1996)

Traités et conventions

INTRODUCTION

Mesdames. Messieurs.

Les deux projets de loi qui nous sont soumis tendent à autoriser la ratification de deux conventions conclues avec l'Ukraine : le traité d'entente et de coopération du 16 juin 1992 et l'accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements du 3 mai 1994. Ces deux textes sont, l'un et l'autre, de facture très classique et désormais bien connue de notre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées.

Le premier s'inspire très largement des autres traités de même objet qui nous lient désormais à la plupart des anciennes républiques soviétiques. A ce jour, en effet, la France a signe des traités d'amitié avec la Russie, les trois États baltes, le Kazakhstan, la Moldova, l'Arménie, la Géorgie. F Azerbaïdjan, l'Ouzbékistan, le Turkménistan et le Kirghizistan.

Quant à l'Ukraine, elle a passé des traités d'amitié avec toutes les anciennes républiques soviétiques, à l'exception de la Russie (pour des raisons sur lesquelles votre rapporteur reviendra) et du Tadjikistan. En ce qui concerne ses partenaires occidentaux, des traités de même objet la lient au Royaume-Uni, au Canada et aux États-Unis (dans ces deux derniers pays sont établies d'importantes communautés ukrainiennes).

En ce qui concerne l'accord de garantie des investissements, ses stipulations suivent de très près le modèle-type élaboré par l'OCDF, auquel sont fidèles toutes les conventions de même objet conclues par la France. Votre rapporteur se bornera donc à un commentaire rapide de ce texte.

Indépendante depuis décembre 1991. L'Ukraine constitue pour notre pays un nouveau partenaire, ce qui paraîtra paradoxal si l'on considère que le mariage de la princesse Anne de Kiev avec le roi de France Henri 1er. en 1051, ancre dans l'histoire les relations entre ces deux pays.

On peut d'emblée s'interroger sur les motivations du décalage entre la date de la signature du traité d'amitié franco-ukrainien et la mise en oeuvre de la procédure interne de ratification par notre pays, d'autant que le Parlement ukrainien a autorisé la ratification de ce texte dés le 17 septembre 1992. Selon les informations transmises à votre rapporteur, l'adhésion de Ukraine au Traité de non-prolifération nucléaire en tant qu'État non nucléaire, le 5 décembre 1994, a levé les hypothèques suscitées par l'ambiguïté de l'attitude ukrainienne en matière de désarmement nucléaire, et a ainsi permis la ratification, par la France, du traité d'amitié conclu avec l'Ukraine.

Votre rapporteur se félicite que soit enfin engagée la ratification du présent traité, tant sont importants les enjeux des relations entre Paris et Kiev. L'Ukraine occupe, en effet, une position stratégique unique, en contact direct à la fois avec la Russie et la future Union européenne élargie. Pays-clé de l'architecture européenne à venir. L'Ukraine est néanmoins confrontée à d'importantes difficultés, qu'il s'agisse du passif hérité de la période soviétique, ou de la nécessité, pour ce jeune État d'affirmer une identité fragilisée par des siècles de domination étrangère.

Après un bilan de la situation en Ukraine depuis l'indépendance, votre rapporteur commentera le contenu du traité d'amitié conclu entre Paris et Kiev le 16 juin 1992, cadre juridique des relations entre la France et l'Ukraine, avant d'aborder l'accord de garantie des investissements du 3 mai 1994.

I. LA SITUATION EN UKRAINE DEPUIS L'INDÉPENDANCE

Après le rappel de quelques repères historiques, votre rapporteur évoquera successivement les aspects économiques, diplomatiques et politiques de l'actualité ukrainienne.

A. RAPPELS HISTORIQUES - DE LA DOMINATION ÉTRANGÈRE À L'INDÉPENDANCE UKRAINIENNE

L'histoire de l'Ukraine se confond avec celle des relations avec la Russie, envisagées de manière très différente par les historiens ukrainiens et russes. Si les premiers plaident pour la spécificité de la culture et de l'identité nationale ukrainiennes, les deuxièmes privilégient la théorie du « berceau commun » de « trois peuples frères slaves » (Russie. Ukraine et Biélorussie), et se réfèrent à la réunification de l'Ukraine et de la Russie, en 1654, pour attester le caractère inéluctable de la communauté entre les deux pays.

L'indépendance de l'Ukraine, à la fin de 1991, a ravivé ce débat, tant il est naturel que « toute naissance -ou renaissance- d'une nation s'accompagne d'une quête de légitimité historique » . 1 ( * )

1. Des origines à la « réunification » avec la Russie

Après le passé glorieux de la « Rous » kiévienne, État féodal fondé au milieu du XIe siècle, florissant grâce au contrôle des voies commerciales menant de la Baltique à Byzance, l'Ukraine devint un objet de convoitises incessantes de la part de ses voisins. Après le sac de Kiev par les Mongols, en 1240, l'Ukraine, morcelée, fut soumise aux Lituano-polonais à partir du milieu du XIVe siècle. A la fin du XVIe siècle, après deux siècles et demi d'influence polonaise, l'Ukraine s'était nettement différenciée de la Moscovie. Un État cosaque libre, la Sitch Zaporogue avait été constitué aux confins du pays. C'est de là que partit, dès la fin du XVIe siècle, en réplique à la tentative polonaise d'imposer la religion catholique romaine à l'Ukraine, une suite d'insurrections cosaques et paysanne dont le héros est Bogdan Khmelnitski. Ces soulèvements remirent en question l'ordre féodal que la Pologne tentait d'instaurer en Ukraine, puis les élites cosaques, inquiètes des débordements d'un soulèvement social qu'elles ne parvenaient pas à maîtriser, se tournèrent vers Moscou, en 1654, pour solliciter la protection de l'État russe (traité de Pereiaslavl). La protection russe se transforma cependant assez rapidement en domination : l'État cosaque perdit ses libertés, la paysannerie ukrainienne fut soumise à l'ordre seigneurial russe, la culture ukrainienne méprisée.

De manière très éloquente, la langue ukrainienne porte la marque de ces dominations successives. « Les deux termes (russe et ukrainien) pour exprimer le concept d'élever des enfants -vospitanie (nourrir) en russe et vychovannya (cacher) en ukrainien- recouvrent des millénaires de tâches et de difficultés tout à fait différentes. Si le paysan russe devait veiller à nourrir son enfant, l'Ukrainien s'inquiétait davantage de le cacher aux nombreux envahisseurs venant de l'est et du sud » 1 ( * ) .

2. La « Petite Russie » sous domination russe

A partir de la conclusion du traité de Pereiaslavl en 1654. « l'histoire de l'Ukraine n'est qu'un long martyrologe dont les pages ne sont pas encore closes », constate un observateur français. 2 ( * ) Parmi les épisodes les plus douloureux de cet asservissement, les historiens ukrainiens retiennent, sous Pierre le Grand, le remplacement des gouverneurs ukrainiens par des voïevod moscovites, ainsi que la défaite de l'hetman Mazeppa en 1709. Catherine II étant déterminée à recourir aux « dents d'un loup et aux ruses d'un renard » pour parvenir à la russification complète de l'Ukraine, le servage fut introduit sous son régime dans ce qui ne sera plus appelé que, de manière péjorative, la « Petite Russie ».

En 1775 furent écrasés par les troupes de Catherine II les derniers bastions de la Sitch cosaque. Nicolas Ier supprima l'Eglise uniate ukrainienne 3 ( * ) , imposa la religion orthodoxe, et fit déporter en Sibérie des intellectuels patriotes comme l'historien Kostomarov et le poète Chevtchenko.

A la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, l'Ukraine fut soumise à une politique de colonisation systématique (implantation de colonies militaires de paysans-soldats, création de villages peuplés de paysans russes asservis, venus du Nord, voire d'étrangers : Roumains, Bulgares. Allemands).

En 1863 et 1876, le pouvoir tsariste proscrivit la langue ukrainienne. Selon une circulaire du ministre de l'Intérieur Petr Yaluev. « il n'y a jamais eu de langue ukrainienne, il n'y en a pas et il ne doit pas y en avoir ». En conséquence, la proportion des illettrés s'éleva à 80 %, personne ne voulant aller dans les écoles où l'on n'enseignait que le russe.

Dès le début du XXe siècle se confirma la distinction entre trois régions ukrainiennes de plus en plus individualisées. A l'est. L'Ukraine industrielle regroupait autour de la ville de Kharkov une forte minorité russophone. A l'ouest, l'Ukraine « périphérique « (Ruthénie suhearpatique. Volhynie. Podolie), intégrée à l'Empire austro-hongrois, était le lieu d'expression du sentiment national ukrainien. Au centre, l'Ukraine agricole rassemblait, autour de Kiev, la bourgeoisie et les élites intellectuelles ukrainiennes.

3. L'Ukraine soviétique

Les événements de 1917 laissèrent, comme dans d'autres régions de l'Empire tsariste libre cours à la volonté d'émancipation du peuple ukrainien. « Durant quatre années (1917-1921), l'Ukraine fut un véritable « laboratoire expérimental » de toutes les émancipations politiques, sociales et nationales comme de toutes les oppositions au nouveau régime bolchevique ». 1 ( * ) Tandis que l'Ukraine est successivement occupée par les Allemands, puis par les Polonais, tandis que Kiev change sept fois de mains entre 1917 et 1920. l'autodétermination de l'Ukraine est proclamée. Dans le même temps coexistent un mouvement paysan opposé tant aux Rouges qu'aux Blancs, et un mouvement ouvrier bolchevique russifié et très minoritaire. Alors que l'indépendance semblait acquise avec la signature du traité de Brest-Litovsk en 1918 entre la Russie et l'Allemagne, l'Ukraine, alliée de la Pologne, devient, en 1922, une république soviétique.

Après une période relativement favorable d'autonomie culturelle (l'ukrainien devint, dans les toutes premières années du pouvoir soviétique, la seule langue officielle) et d'ukrainisation des cadres, l'Ukraine fut confrontée en 1929 à une collectivisation forcée particulièrement sévère. Tout obstacle à la collectivisation était, en effet, inacceptable dans le « grenier à blé » de l'Union soviétique. Pour briser la résistance paysanne, le pouvoir soviétique organisa une famine qui fit, entre 1932 et 1933, plus de cinq millions de victimes. Parallèlement fut supprimée toute autonomie culturelle : après avoir proclamé le russe langue officielle dès 1928. Moscou procéda à une purge radicale des cadres locaux du parti communiste ukrainien, et liquida l'intelligentsia ukrainienne.

En septembre 1939, l'URSS annexa la partie occidentale de l'Ukraine qui appartenait à la Pologne depuis mars 1921 (traité de Riga), suscitant dans cette région un sentiment favorable à l'Allemagne, que remit toutefois en cause la brutalité particulière de l'Occupation nazie en Ukraine. Après la guerre, le pouvoir soviétique mit cinq ans à « pacifier » l'Ukraine occidentale réintégrée dans l'Union. Persécutions religieuses contre les Uniates, déportations massives et déplacements de populations furent tels qu'à la mort de Staline, les Ukrainiens de l'ouest étaient, avec les Baltes, les plus représentés au Goulag. 1 ( * )

En 1954, à l'occasion du tricentenaire de l'accord de Pereiaslavl, la république de Russie donna, à l'initiative de N. Khrouchtchev, la Crimée à l'Ukraine, car la « réunification » de l'Ukraine à la Russie préfigurait « la réunification (du peuple ukrainien) avec le peuple russe dans un Etat unique l'URSS ».

La période de Brejnev remit en cause la modeste autonomie culturelle acquise à la faveur du dégel. La russification alla de pair avec l'épuration du parti communiste ukrainien, et avec l'arrestation des militants pour la défense des Droits de l'Homme. Cette politique fut l'oeuvre de Vladimir Chtcherbiski. Premier secrétaire du PC ukrainien de 1972 à 1989. Celui-ci interpréta à la lettre la politique brejnevienne des nationalités, fondée sur un assimilationnisme forcené devant aboutir au rapprochement, puis à la « fusion » des nationalités dans une « nouvelle communauté historique ». Le mépris dans lequel furent alors tenues la langue et la culture ukrainiennes est illustré par l'expression « langue humaine » qui, selon le dissident Leonid Pliouchtch désignait alors la langue russe, la langue ukrainienne étant considérée, par a contrario, comme une langue inhumaine... 2 ( * ) .

4. Vers l'indépendance

L'importance de l'Ukraine pour l'Union soviétique était colossale. En 1922, Lénine affirmait que « si l'Union soviétique perd l'Ukraine, elle perd sa tête ». Les chiffres sont, en effet, éloquents : l'Ukraine fournissait à l'Union 30 % de ses ressources en fer. 80 % de ses ressources en manganèse, 25 % de son charbon, et 60 % des sols à tchernoziom. Elle fabriquait 34 % de l'acier, 26 % des machines agricoles et 35 % des téléviseurs produits en URSS. La contribution de l'Ukraine au complexe militaro-industriel soviétique était également très substantielle : la moitié des tanks et des missiles soviétiques. Par ailleurs, le port d'Odessa était, par son trafic, le troisième port de l'URSS (28 millions de tonnes par an), et jouait un rôle important dans l'exportation du pétrole soviétique.

On comprend dès lors combien l'enjeu ukrainien était considérable pour les autorités soviétiques, et pourquoi le pouvoir central a cherché à freiner le cours de la perestroïka en Ukraine. De ce fait « le rythme de la marche de l'Ukraine vers son indépendance a été très différent de celui des États baltes ou caucasiens, à la fois plus tardif, plus feutré, plus prudent -et plus décisif... » 1 ( * ) .

C'est à la catastrophe de Tchernobyl (avril-mai 1986) que l'on peut faire remonter le réveil de la conscience nationale ukrainienne, assoupie par une longue russification. Le lien fut bientôt établi par l'intelligentsia entre la destruction du patrimoine culturel ukrainien et ce désastre écologique, à l'origine d'une prise de conscience de la responsabilité du pouvoir central à l'égard du drame. Les commémorations de Tchernobyl mobilisèrent beaucoup plus de manifestants que la cause des droits de l'homme, alors même que, dans les autres pays de l'ancien bloc soviétique, les mouvements écologiques avaient conduit, depuis plusieurs années déjà, à la contestation politique.

Créé en 1989 (avec un à deux ans de retard par rapport aux autres fronts nationaux est-européens), le Mouvement démocratique ukrainien (Roukh) fédéra des associations écologistes, des cercles uniates, des groupes de défense de la langue ukrainienne et des mouvements de soutien à la perestroïka. Initialement, l'objectif du Roukh était, très prudemment, de renégocier les rapports entre les républiques soviétiques.

Alors que, pendant l'été 1989, la grève des mineurs du Donbass allait contribuer à radicaliser les oppositions. Léonid Kravtchouk, futur Président de l'Ukraine indépendante, remplaça Chtcherbitski à la tête du PC ukrainien. Homme de l'appareil communiste (il avait été responsable de l'idéologie du PC ukrainien de 1980 à 1989) et fort de sa toute nouvelle légitimité ukrainienne, il fut élu Président du Soviet Suprême (Parlement) le 23 juillet 1990. Une semaine avant, le Soviet Suprême avait proclamé la souveraineté de la République et la primauté des lois ukrainiennes sur celles de l'URSS. Cette proclamation confirme toutefois la prudence de la démarche ukrainienne dans l'accession à l'indépendance puisque, en affirmant la citoyenneté ukrainienne, les députés, soucieux de rassurer les quelque onze millions de Russes (21 % de la population en 1989) établis dans la République, admettaient le maintien de la citoyenneté soviétique.

L'échec du putsch d*août 1991 accéléra la chute de l'URSS. Le 24 août, le Parlement ukrainien se prononça en faveur de l'indépendance, ce que confirma le « oui » massif (90.3 %) au référendum du 1er décembre 1991.

Les résultats de ce référendum sont très significatifs d'une géographie politique très contrastée. L'Ukraine occidentale (intégrée à l'Union soviétique en 1945 seulement) vota le plus massivement pour l'indépendance (98 % de « oui » à Lvov). Dans les régions minières de l'Est, où les Russes constituent une importante communauté, le « oui » recueillit 80 à 85 % des suffrages, ce qui atteste la « fusion » très réelle des communautés ukrainienne et russe (confirmée par le taux très élevé de mariages mixtes). En Crimée, où l'on compte 90 % de russophones, le « oui » remporta le plus faible pourcentage de voix (54 %). mais notons que la majorité se prononça néanmoins pour l'indépendance.

B. UNE SITUATION POLITIQUE À STABILISER

Les élections présidentielles de juin-juillet 1994 ont porté à la tête de l'État ukrainien Léonid Koutchma, ancien Premier ministre (d'octobre 1992 à septembre 1993) favorable à des réformes économiques libérales, à un pouvoir présidentiel fort face à un Parlement qui reste dominé par les conservateurs, et à un rapprochement avec la Russie.

Successeur du Premier Président de l'Ukraine indépendante. Léonid Kravtchouk. Léonid Koutchma est confronté à la nécessité de rénover une Constitution héritée de la période Brejnev, et à une forte polarisation régionale du pays, susceptible de poser, à terme, la question de la structure de l'État ukrainien.

1. La nécessaire rénovation d'une constitution très marquée par la période soviétique

Officiellement est encore en vigueur la constitution de 1978, adoptée dans les républiques de l'URSS à la suite de la constitution soviétique de 1977. Certes, la loi fondamentale ukrainienne a été très largement amendée, depuis 1991. Le préambule affirmant la suprématie du Parti communiste, ainsi que les chapitres relatifs aux principes d'organisation de l'économie et de la société socialistes ont été abrogés. Les modifications apportées à l'ancienne constitution soviétique consacrent l'indépendance de l'Ukraine, posent les principes fondamentaux d'une société de droit (respect de la personne, pluripartisme, participation des citoyens à la vie publique ...). et se réfèrent à la présence, à la tête de l'État, d'un président élu pour cinq ans au suffrage universel.

En dépit de ces retouches substantielles, la constitution ukrainienne demeure inadaptée au fonctionnement d'institutions représentatives. C'est ainsi que le vote d'une « loi sur les pouvoirs ». survenu le 7 juin 1995 au terme d'une grave crise entre le chef de l'Etat et le Parlement, a posé les termes d'un compromis institutionnel entre le Président et les députés, clarifiant la répartition des pouvoirs au profit du chef de l'Etat. Celui-ci dispose de pouvoirs étendus :

- nomination des ministres et des responsables des administrations.

- détermination des politiques étrangère et de défense.

- élaboration du budget, promulgation des lois et mise en oeuvre par décret des réformes économiques.

Le Parlement, monocaméral, peut s'opposer par veto, à la majorité des deux-tiers, aux décrets présidentiels, et est en mesure de mettre en jeu la responsabilité du gouvernement ou de certains ministres par un vote de défiance.

Par ailleurs. l' « arrangement constitutionnel », adopté le 7 juin 1995 à la suite de la loi sur les pouvoirs, vise à éviter toute paralysie des pouvoirs susceptible de bloquer le processus des réformes économiques. Le Parlement (dominé par une majorité conservatrice : agrariens. communistes et socialistes) et le chef de l'État s'engagent à ne pas organiser de référendum ou de plébiscite, sauf pour faire adopter la nouvelle constitution, qu'ils doivent élaborer conjointement dans un délai d'un an.

2. Une forte polarisation régionale


• Les élections de 1994 (législatives en avril, présidentielles en juin-juillet) ont confirmé l'existence de tendances centrifuges susceptibles, à terme, de compromettre l'unité de l'Ukraine. La polarisation régionale y est héritée de l'histoire (voir ci-dessus. I. A. 2). L'ouest du pays, ancienne dépendance de l'Empire austro-hongrois, est le terreau du nationalisme ukrainien. Les partisans du parti nationaliste Roukh, anticommunistes et partisans d'un rapprochement avec l'Europe occidentale, y ont remporté un grand succès électoral. A l'Est, la minorité russophone, partisan du rapprochement avec la Russie, du retour de l'Ukraine dans la zone rouble et de la reconnaissance du russe comme langue officielle, l'a emporté en contribuant directement au succès du nouveau président. Leonid Koutchma.

L'Ukraine occidentale et l'Ukraine orientale persistent donc à évoluer à des rythmes différents. La première, proche de l'Europe centrale et marquée par la tradition catholique (les Uniates. catholiques de rite grec orthodoxe, représentent 40 % de la population galicienne), est favorable à une coupure radicale avec la Russie. L'est du pays, où est installée la population russophone (si l'on excepte la Crimée), est plus modéré à l'égard de l'ex « Grand frère ».


• Or, bien que l'Ukraine soit un État unitaire, le processus de décentralisation en cours est susceptible de conduire à la prise en compte des spécificités linguistiques et culturelles du pays, du poids économique de l'Est industriel, de l'importance de villes telles que Kharkov ou Donetsk, voire (votre rapporteur y reviendra) du particularisme de la Crimée.


• Depuis juin 1994 en effet, les 26 présidents de région (hors Crimée) sont élus au suffrage universel direct. Ils assurent la direction de l'exécutif et la représentation de l'État dans leur région.

L'existence de fortes disparités (politiques, culturelles, sociales et économiques) entre les régions peut, à terme, poser la question de l'organisation de l'État ukrainien. Il n'est pas exclu que celui-ci, de l'avis des spécialistes, s'oriente vers une fédération. Il est probable que la solution retenue en Crimée influencera le type d'organisation étatique qui l'emportera.

3. La question de Crimée

Connue dans l'Antiquité sous le nom de Chersonèse Taurique. la Crimée (26 000 km 2 et 2.5 millions d'habitants) fut jusqu'à la première guerre russo-turque (1768-1774), un « Khanat » tatare soumis à la suzeraineté ottomane. En 1775, la presqu'île fut annexée par la Russie. Après l'occupation nazie, la Crimée fut peuplée de colons ukrainiens et russes qui. en 1989, représentaient respectivement 25 % et 65 % de la population de la région. Au préalable, les quelque 400 000 Tatars de Crimée, accusés par Staline d'avoir collaboré avec l'Allemagne, furent déportés en Sibérie et en Ouzbékistan. « Donnée » à l'Ukraine par la Russie en 1954. à l'occasion du tricentenaire de l'accord de Pereieslavl, par lequel l'Ukraine s'était placée « sous la protection » de la Russie, la Crimée est la région d'Ukraine qui a voté avec le plus de réticence en faveur de l'indépendance lors du référendum du 1er décembre 1991 : 54 % de oui (80 à 85 % dans l'Est du pays, 98 % en Ukraine occidentale). L'importance relative du vote négatif s'explique par la présence d'une importante colonie russe assez conservatrice.

Le contentieux entre l'Ukraine et la Russie s'articula d'abord autour de la question de la flotte de la mer Noire, composée de quelque 350 bâtiments, et sur laquelle votre rapporteur reviendra ci-après. Après l'accord conclu, le 13 janvier 1992. entre Moscou et Kiev, en vue d'établir un premier partage de la flotte, les tensions se sont reportées sur la question du statut de la Crimée.

Contre la montée du mouvement autonomiste criméen. les partis russes les plus conservateurs ont contesté la légitimité de la cession de la presqu'île, en 1954. En mai 1992. le Soviet suprême de Crimée a proclamé l'indépendance de la République autonome. Cette déclaration fut néanmoins retirée quand l'Ukraine eut promis un statut d'autonomie favorable.

Le sécessionnisme criméen rebondit en janvier 1994, quand le nouveau Président de la République autonome, soutenu par le commandant russe de la flotte de la mer Noire, proposa d'appliquer la Constitution élaborée lors de la déclaration d'indépendance de mai 1992 : double nationalité (russe et ukrainienne) aux habitants de la presqu'île, statut de très large autonomie, retrait de toutes les forces armées ukrainiennes et contrôle par la Russie de la flotte. Ces revendications conduisirent à une montée des tensions entre Moscou et Kiev, tandis que le Parlement criméen de Simféropol votait, le 20 mai 1994, une déclaration d'indépendance incitant le président russe à évoquer l'éventualité d'une dérive de type tchétchène, si Kiev et Simféropol n'adoptaient pas un compromis.

La guerre des souverainetés entre Kiev et Simféropol semble néanmoins marquer le pas. et les autorités de Crimée paraissent avoir accepté le principe d'un statut d'autonomie dans le cadre de l'État ukrainien, formule à laquelle Moscou semble avoir souscrit. La constitution de la république de Crimée, en cours d'élaboration à l'heure où le présent rapport est mis sous presse, tirera les conséquences de ce statut.

C. LA DIPLOMATIE DE L'UKRAINE INDÉPENDANTE

La politique extérieure de l'Ukraine indépendante a été conditionnée, dès le début de l'année 1992, par le souci des autorités ukrainiennes de prendre leurs distances par rapport à l'ex « grand frère », et de faire confirmer par les puissances occidentales l'appartenance de l'Ukraine à la communauté internationale. L'enjeu était, à travers une diplomatie parfois incisive dans ses débuts, plus réaliste aujourd'hui, d'oublier l'époque où l'Ukraine était le « fantôme de l'Europe 1 ( * ) ».

1. Des relations difficiles avec Moscou

Le désaccord entre Moscou et Kiev s'enracine dans l'histoire de la domination de l'Ukraine par la Russie. Depuis l'indépendance de l'Ukraine, le conflit entre les deux pays tient à la question de Crimée précédemment évoquée (voir supra. C.3). à la dépendance énergétique de Kiev à l'égard de Moscou, au partage de l'héritage militaire soviétique, et aux réticences qu'inspire à l'Ukraine la CEI (Communauté des États indépendants). Notons que les volets économiques et politiques du contentieux opposant l'Ukraine à la Russie sont très étroitement liés. Moscou faisant valoir l'argument énergétique pour obtenir gain de cause dans le cadre des négociations politiques.

a) Le problème posé par le partage de l'héritage militaire soviétique

Le conflit lié à l'héritage militaire de l'URSS s'articule autour de la flotte de la mer Noire d'une part, et des armes nucléaires d'autre part.

Il remonte à l'exigence, exprimée dès la proclamation de l'indépendance par le président Leonid Kravtchouk, que toutes les forces soviétiques présentes sur le territoire ukrainien deviennent ukrainiennes, et que les officiers prêtent serment à l'État ukrainien.

(1) Le partage de la flotte de la mer Noire

Seule des quatre flottes soviétiques à échapper à la souveraineté russe, la flotte de la mer Noire revêt pour Moscou un intérêt stratégique déterminant, bien qu'elle semble inférieure aux autres en équipements. Le partage des quelque 350 bâtiments de la flotte de la mer Noire a donné lieu à une longue série de négociations, rendues plus difficiles encore par les velléités sécessionnistes de la Crimée.

Les premiers accords, conclus en juin 1992 à Dagomys et en août 1992 à Moukhalatka prévoyaient une exploitation et un financement communs des bases, et la mise en place d'un commandement conjoint jusqu'en 1995 en attendant un partage définitif. Le 17 juin 1993 un nouvel accord passé entre Boris Eltsine et Leonid Kravtchouk stipulait le partage équitable des 350 bâtiments, provoquant l'hostilité des officiers qui hissaient le drapeau russe sur plus de 200 bâtiments. En septembre 1993 un accord signé à Massandra mais dénoncé aussitôt par l'Ukraine, transférait à la Russie la part ukrainienne en échange d'une remise de la dette contractée par Kiev à l'égard de Moscou. L'Ukraine s'engageait également à louer à la Russie des bases navales, dont Sébastopol. L'accord conclu en avril 1994. et lui aussi dénoncé par Kiev, prévoyait un partage de la flotte à raison de 80 à 85% pour la Russie et 15 à 20 % pour l'Ukraine.

Depuis 1995, la présence à la tête de l'État ukrainien de I.. Koutehma partisan d'une ligne de conduite plus réaliste à l'égard de Moscou, pourrait permettre la normalisation progressive de la situation.

La question de la flotte de la mer à ainsi paru aboutir le 9 juin 1995. lors de la conclusion d'un accord par lequel la Russie garde la base de Sébastopol, et obtient 81,7 % des bâtiments, le fait que cet accord élude les aspects techniques du dossier (statut de Sébastopol. conditions financières de la mise à disposition des bases navales, durée du bail ...) empêche néanmoins de considérer comme réglé le problème du partage de la mer Noire.

(2) La question nucléaire

Jusqu'à son adhésion au Traité de non prolifération en tant qu'État non nucléaire, en novembre 1994, l'Ukraine avait laissé planer un doute sur ses intentions réelles en matière nucléaire.

La polémique qui s'est engagée à cet égard dès décembre 1991 n'a-t-elle été qu'un « immense marchandage » visant à « vendre » au plus haut prix la dénucléarisation de l'Ukraine et à obtenir les compensations les plus élevées de la part de Moscou tout autant que des États-Unis, ou bien l'Ukraine a-t-elle réellement envisagé être la troisième puissance nucléaire mondiale avec 1700 ogives ? 1 ( * )

Dès l'indépendance, en revendiquant la propriété de l'arsenal nucléaire ex-soviétique se trouvant sur son ex-territoire, l'Ukraine est revenue sur sa décision, exprimée en 1990 lors de sa déclaration de souveraineté, de devenir un État neutre partie au TNP en tant qu'État non nucléaire. Kiev refusa également d'admettre le protocole de Lisbonne (23 mai 1992) signé entre les États-Unis et les quatre républiques nucléaires ex-soviétiques, qui reconnaissait à la Russie la qualité d'unique héritière de l'arsenal nucléaire soviétique, seule responsable de l'application du traité Start I.

Reportant régulièrement la ratification du traité Start I. en assortissant à chaque fois celle-ci de nouvelles conditions financières, le Parlement ukrainien vota, en juillet 1993, une résolution selon laquelle l'Ukraine assurait le «  contrôle administratif  » des armes nucléaires se trouvant sur son territoire, ce qui posait la question de l'entretien de missiles et d'ogives dont Moscou gardait le contrôle opérationnel.

En novembre 1993. le Parlement ukrainien autorisa la ratification de Start I avec, entre autres réserves, le fait que l'Ukraine n'était pas concernée par l'article 5 du protocole de Lisbonne relatif à l'adhésion au TNP.

En définitive, au terme d'une nouvelle série de négociations entre Kiev. Moscou et Washington, l'accord du 14 janvier 1994 prévoit l'élimination des armes nucléaires du territoire ukrainien. La version dont le Parlement autorise la ratification exige néanmoins que l'Ukraine conserve 46 missiles SS24 et 42 bombardiers lourds. En adhérant au TNP, l'Ukraine a, par ailleurs, rappelé son droit de propriété sur les armes déployées sur son territoire. Ce point devrait pourtant être vidé de son objet quand sera achevé le transfert vers la Russie des armes nucléaires stationnées en Ukraine, soit à la fin de l'année 1995.

Le différend militaire entre Moscou et Kiev a néanmoins pris une tournure moins inquiétante que dans les toutes premières années de l'indépendance, quand les aspects militaires de celle-ci contribuaient à l'affirmation de l'identité nationale ukrainienne.

b) L'arme économique aux mains de Moscou

Ainsi que votre rapporteur l'a évoqué plus haut, la dépendance énergétique très étroite dans laquelle se trouve l'Ukraine par rapport à la Russie, qui lui fournit 80 % de son pétrole, confère évidemment à Moscou de puissants arguments dans le règlement des contentieux entre les deux pays.

Les aspects économiques du conflit entre la Russie et l'Ukraine ont pris un tour particulièrement dramatique en mars 1994, quand la firme russe Gasprom suspendit ses livraisons de gaz à l'Ukraine, mettant ainsi la production industrielle ukrainienne en péril. En avril 1994, l'Ukraine consentit à céder une part de ses bâtiments de la flotte de la mer Noire pour rembourser une part de sa dette énergétique. Celle-ci représente, à cette époque, quelque 600 millions de dollars, l'ensemble de la dette contractée par l'Ukraine à l'égard de la Russie s'élevant à 3,6 milliards de dollars. L'accord signé le 14 janvier 1994 entre Kiev, Moscou et Washington prévoyant l'élimination des armes nucléaires du territoire ukrainien est assorti de l'annulation d'un passif de 1 500 milliards de roubles.

c) Les réticences de l'Ukraine à l'égard de la CEI

La Communauté des États indépendants a été créée le 8 décembre 1991 à Minsk par les présidents russe, ukrainien et biélorusse. Huit autres ex-républiques soviétiques ont adhéré à la CEI dès le 21 décembre 1991. Aujourd'hui, la CEI rassemble la totalité des anciennes républiques de l'URSS, à l'exception des trois États baltes.

Or, pour des raisons tenant notamment à l'héritage d'une longue tutelle russe, l'Ukraine privilégie très nettement l'affirmation de son indépendance par rapport à son appartenance à la CEI. C'est ainsi que, fondateur de la Communauté des États indépendants, l'Ukraine n'en a pas ratifié la Charte. Le président ukrainien assiste aux différents sommets, tantôt comme membre de la Communauté, tantôt comme simple observateur, en fonction des intérêts de l'Ukraine indépendante.

En dépit de réserves durables sur l'efficacité de la CEI, l'attitude de l'Ukraine à l'égard de la Communauté paraît, depuis l'élection du président Koutchma, moins hostile : Kiev appartient désormais à part entière à l'union économique de la CEI. En revanche, l'Ukraine n'envisage toujours pas de faire partie de l'espace de sécurité de la CEI, et s'oppose durablement à ce que la Communauté des États indépendants soit reconnue comme une organisation internationale qui ne manquerait pas, selon les autorités de Kiev, d'être contrôlée par Moscou. En effet, l'Ukraine considère la CEI comme une formule transitoire destinée à liquider la succession soviétique et à accompagner le passage à l'indépendance. C'est pourquoi elle veille à éviter que la création de la CEI ne se solde par la restauration de l'autorité de Moscou sur les anciennes républiques soviétiques.

Depuis l'élection du président Koutchma néanmoins, l'Ukraine cherche à normaliser ses relations avec l'ancien « grand frère », essentiellement en négociant la restauration, au sein de la CEI, de liens économiques favorables à son développement, tout en demeurant très ferme sur le terrain de l'indépendance politique.

C'est pour ces raisons que, inquiet de l'émergence d'un axe Moscou-Minsk susceptible de préfigurer une évolution vers une CEI plus intégrationniste. l'Ukraine souhaite faire contrepoids à ces relations privilégiées entre la Russie et la Biélorussie en faisant reconnaître par l'Occident sa vocation européenne, tout en sachant qu'elle n'est pas destinée à adhérer à l'Union européenne ni à l'OTAN.

2. Un souci permanent de reconnaissance par la Communauté internationale

L'adhésion de l'Ukraine au Traité de non prolifération en tant qu'État non nucléaire a permis le développement des relations entre Kiev et l'Occident et notamment, la levée de l'hypothèque américaine sur le soutien du FMI aux réformes en cours. Le souci de l'Ukraine est de faire reconnaître son appartenance à la communauté internationale, sans que celle-ci puisse la considérer comme une dépendance de Moscou. C'est ainsi que la contribution ukrainienne aux opérations de maintien de la paix (consacrée dans son intégralité, soit 1 152 hommes, à la FORPRONU) plaçait l'Ukraine au 21e rang des membres de l'ONU. L'Ukraine a désormais des représentations diplomatiques dans les pays suivants (outre la France) : États-Unis. Canada. Allemagne. Italie. Autriche. République tchèque. Biélorussie. Russie. Espagne. Belgique. Royaume-Uni. Inde. Roumanie. Hongrie, Israël. Turquie. Pologne. Finlande. Suisse. Iran. Un ambassadeur ukrainien est accrédité auprès de l'Union européenne.

En ce qui concerne les questions de sécurité l'Ukraine craint la restauration d'une nouvelle ligne de fracture entre deux blocs et de ce fait, s'inquiète comme la Russie du projet d'élargissement de l'OTAN.

N'ayant pas vocation à être admise à l'OTAN, l'Ukraine s'efforce de participer à toutes les enceintes auxquelles elle a accès : CCNA. OSCE. Conseil de l'Europe, relations de partenariat avec l'Union européenne.

Le projet du président Kravtchouk tendant à créer une « zone de stabilité et de sécurité » en Europe centrale et orientale atteste l'importance qu'attache l'Ukraine à sa participation à un système de sécurité paneuropéen, afin d'éviter que l'Ukraine ne se retrouve dans une nouvelle « zone grise » entre deux blocs reconstitués, et ne soit rejetée de facto dans la sphère d'influence russe.

Dans cet esprit, l'Ukraine a été la première république de CEI à s'être engagée dans le Partenariat pour la paix, dont elle a signé le document cadre dès février 1994. Dans son programme individuel de partenariat, l'Ukraine sollicite le concours de l'OTAN pour l'organisation de ses forces militaires (élaboration du budget, planification de la défense, doctrine et stratégie, dispositions législatives).

De même, l'Ukraine participe au Pacte de stabilité en Europe. Elle a ainsi présenté une liste d'accords de bon voisinage avec la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie. L'Ukraine a fait également des déclarations d'apaisement concernant des questions sensibles de minorités et de coopération transfrontières (Hongrie. Pologne. Slovaquie)

D. UNE ÉCONOMIE CONTRASTÉE

En dépit d'une situation générale très critique, la politique d'austérité actuellement conduite par les autorités ukrainiennes pourrait permettre de mettre en valeur les atouts réels dont dispose l'Ukraine sur le plan économique.

1. Des secteurs d'activité diversifiés malgré le poids excessif de l'industrie

L'économie ukrainienne, qui représentait 16 % du PIB de l'URSS en 1990 dispose d'un secteur agricole très important, d'une industrie nettement surdimensionnée et d'un secteur tertiaire qui reste à développer.

a) L'atout agricole

En dépit de difficultés liées à l'héritage soviétique, l'Ukraine, ancien « grenier à blé » de l'Empire russe, demeure une grande puissance agricole.

La production agricole chute depuis plusieurs années (- 3.7 % en 1990. - 13.2 % en 1991. - 8.5 % en 1992). La production de céréales est inférieure de 20 % à celle de la période 1986-1990. Le passif de l'agriculture ukrainienne est imputable aux défaillances héritées du système collectif : insuffisance des équipements, des capacités de stockage, des fertilisants et des pesticides, mauvaise qualité du réseau routier en milieu rural...

Les terres arables (32 millions d'hectares) représentent toutefois 56 % du territoire, soit un des taux les plus élevés du monde. L'agriculture ukrainienne représente toujours un important potentiel d'exportation (céréales, betteraves à sucre, produits de l'élevage). Au prix d'une modernisation radicale des techniques et de l'achèvement de la privatisation des terres, l'agriculture pourrait, de l'avis des observateurs, devenir un atout majeur du développement du pays.

b) L'industrie gravement touchée par la crise économique

L'ampleur de la tâche à accomplir dans le domaine industriel est imputable à l'inadaptation des structures de production héritées de la période soviétique.

En effet, l'industrie lourde représentait encore, en 1993. 60 à 70 % de la production industrielle, la part des entreprises d'État s'élevant à 75 %. Or les secteurs confrontés aux plus grandes difficultés sont précisément la métallurgie lourde, la chimie, la pétrochimie et le secteur de l'énergie. En ce qui concerne, entre autres exemples, la sidérurgie, l'obsolescence des équipements est telle que les entreprises ne peuvent produire de manière compétitive que des aciers de basse qualité.

Le secteur des constructions mécaniques et des machines-outils représentait en 1990 30 % de la production industrielle. Il comprend l'industrie militaire, fondée sur un potentiel technologique élevé qu'il importe de mettre à profit en procédant à la conversion de ces productions vers le secteur civil (les équipements pour l'industrie agro-alimentaire, pour la santé, électronique grand public et les produits de consommation courante pourraient constituer des perspectives de conversion envisageables).

Le secteur de l'énergie revêt une importance stratégique dans le contexte politique issu de la disparition de l'URSS. La production intérieure ne satisfait que la moitié environ des besoins énergétiques du pays. Or ceux-ci sont considérables : la consommation de gaz naturel est quatre fois supérieure à celle de la France. Cette situation est imputable à une industrie métallurgique trop consommatrice d'énergie. Or l'Ukraine doit importer de Russie 80 % de son pétrole, à un prix désormais aligné sur les prix mondiaux, ce qui constitue une contrainte majeure pour une économie déjà très largement fragilisée (votre rapporteur reviendra ci-après (4) sur cet aspect des relations entre Kiev et Moscou).

Malgré ces difficultés, l'industrie ukrainienne demeure importante et diversifiée.

Au total, les priorités concernent notamment, dans le domaine de l'industrie, la conversion des industries militaires, la modernisation des industries lourdes, du secteur agro-alimentaire, des industries de transformation et des transports. Les besoins sont considérables. Il est clair que l'Ukraine ne peut, à elle seule, faire face aux investissements colossaux que rend nécessaire la période actuelle, et que l'aide internationale et les investissements étrangers doivent contribuer à apurer le passif, particulièrement lourd, de la période soviétique.

L'Ukraine dispose néanmoins d'atouts à faire valoir : outre son agriculture, elle possède de nombreuses ressources minérales (mercure, fer, titane, manganèse, kaolin...) à exploiter, sans omettre la qualité toute particulière de la main-d'oeuvre ukrainienne dont le niveau d'éducation est, en effet, supérieur à celui de la majorité des ex-républiques soviétiques.

2. Une situation critique

Entre 1990 et 1993, l'effondrement du PNB (- 43 %) s'est accompagné d'une hyperinflation (200 % par mois à la fin de 1993) et d'une chute du niveau de vie liée à l'abandon, à la fin de 1992, du système d'indexation des revenus sur les prix. En 1993, l'augmentation du niveau général des prix par rapport à 1990 aura été de 10 000 %. La paupérisation de la population qui en est résultée (avec un revenu moyen par habitant de 10 dollars par mois début 1994) est allée de pair avec une progression régulière du chômage technique et du travail à temps partiel, qui constituent une forme de chômage déguisé. En effet, plus de trois cents entreprises auraient cessé toute activité depuis 1990. la plupart des autres réduisant leur production.

Cette situation s'explique, comme dans toutes les autres anciennes républiques soviétiques, par la diminution brutale des liens économiques avec les partenaires de l'ex-URSS, par l'obsolescence du capital et par le caractère surdimensionné du secteur industriel, qui occupe 85 % des actifs.

Les obstacles structurels à la modernisation de l'économie ukrainienne sont considérables. La production était encore, à la fin de 1993 assurée à 90 % par les monopoles d'État. Le secteur privé, en progression depuis 1990-1991, demeurait très dépendant du secteur public pour son approvisionnement, son équipement et ses débouchés (en 1992. les entreprises privées vendaient en moyenne 40 % de leur production à une seule entreprise d'État).

Dans ce contexte, le succès de la privatisation et de la reconversion des monopoles d'État conditionne directement l'avenir de l'économie ukrainienne. Notons que les entreprises privées n'employaient, en 1994 qu'environ 5 % des actifs, et ne représentaient que 4 % environ du PNB.

Entre autres obstacles auxquels est confronté le secteur privé en Ukraine, notons un accès aux ressources (facteurs de production, équipements) rendu plus difficile par la disparition des structures économiques traditionnelles, un accès au crédit très limité, et une fiscalité modérément adaptée à l'investissement et à l'emploi.

Or, d'après les informations transmises à votre rapporteur, le processus de privatisation lancé à l'automne 1994 progresse lentement. Au lieu des 8 000 PME que les autorités envisageaient de privatiser à l'échéance de la fin de 1995. on n'en compterait à ce jour pas plus de 1 000.

S'agissant des aspects monétaires de la crise ukrainienne, rappelons que le karbovanets ou coupon, introduit en janvier 1992, a remplacé en novembre 1992 le rouble comme monnaie officielle à part entière, à un moment où l'approvisionnement de l'Ukraine en roubles était limité par la Banque centrale de Russie. Cette autonomie monétaire s'inscrit dans la recherche d'attributs de souveraineté par un Etat ayant récemment accédé à l'indépendance. Notons que le karbovanets était conçu à l'origine comme une étape transitoire avant l'introduction de la grivna, étape prolongée par les reports successifs du projet de création de la grivna qui ne devrait pas voir le jour avant 1996.

La détérioration du taux de change du coupon a été rendue structurelle par l'hyperinflation : à la fin de 1993, le taux officiel était tombé à 12 610 coupons pour 1 dollar, les banques commerciales appliquant un taux de 31 700 coupons pour un dollar et le marché libre négociant 1 dollar à 36-38 000 coupons.

L'ampleur des difficultés et de la désorganisation économiques, jointe à la contusion politique et aux réticences des autorités ukrainiennes à l'égard des réformes à entreprendre (voir infra. 4) s'est traduite par une faible mobilisation de la communauté internationale et des bailleurs de fonds.

3. La prudence des bailleurs de fonds

La transition postsoviétique exige un investissement extérieur important et une aide technique massive. La Banque Mondiale a ainsi évalué à 11 milliards de dollars, sur la période 1993-1995 et pour la seule Ukraine, l'apport nécessaire au financement des importations et du service de la dette extérieure. A titre d'exemple, le règlement des importations d'énergie fossile absorbait en 1993 80 % des recettes d'exportation ukrainiennes. Or jusqu'à ce jour, la faible mobilisation de la communauté internationale n'a pas permis à l'aide internationale de contribuer de manière décisive à la transition ukrainienne.

Le montant de l'assistance des institutions financières internationales est jusqu'à une date récente, demeuré limité pour des motifs politiques (les États-Unis l'ont subordonnée à la participation de l'Ukraine au désarmement nucléaire) et économiques (il s'agit essentiellement des réticences des autorités ukrainiennes à mettre en oeuvre le programme de réformes recommandé par le LM1 : réduction du déficit budgétaire, libéralisation du commerce extérieur, privatisation...).

A la fin de 1994, la Banque Mondiale avait accordé un prêt de 27 millions de dollars au titre de l'assistance technique. Néanmoins en avril 1995, après l'adoption d'un budget de rigueur et de mesures libérales, l'Ukraine a pu conclure un accord de confirmation du FMI pour 1.9 milliard de dollars, qui préfigure probablement une mobilisation plus importante des bailleurs de fonds.

. L'assistance européenne est loin d'être négligeable. Au titre du programme TACIS l'aide s'est élevée à 48.2 millions d'écus en 1992. 43 en 1993 et 37 en 1994. L'aide à la balance des paiements a représenté 185 millions d'écus en 1994. L'aide humanitaire à l'Ukraine s'est élevée à 130 millions d'écus.

. Les principaux bailleurs de fonds bilatéraux sont l'Allemagne, les États-Unis (où est établie une importante communauté ukrainienne) et la France. L'assistance allemande s'est élevée à 400 et 500 millions de DM en 1992 et 1993. Après l'adhésion de l'Ukraine au TNP en tant qu'État non nucléaire, les États-Unis ont annoncé l'attribution d'une aide de 700 millions de dollars, puis d'une aide à la balance des paiements de 100 millions de dollars. La ligne de crédit ouverte par la France représente 500 millions de francs.

. A cet égard, notons que l'aide bilatérale française à l'Ukraine ne représente qu'environ un quart du total de l'aide française, compte tenu des contributions françaises à l'assistance internationale à l'Ukraine. Celles-ci se sont élevées, en effet, depuis 1992, à environ 1 600 millions de francs (578 millions de francs au titre du FMI et de la Banque mondiale. 160 au titre du G7. 879 au titre de l'aide communautaire, dont 700 millions de francs dans le domaine des suites de Tchernobyl). Le total aide bilatérale + contribution française à l'aide internationale à l'Ukraine représente donc, depuis 1992, quelque 2 milliards de francs, soit un effort que l'on ne saurait qualifier de négligeable.

. Notons que les secteurs bénéficiaires de l'aide, toutes origines confondues, sont essentiellement la santé, l'énergie et l'agriculture. En ce qui concerne la nature des opérations financées, l'aide humanitaire représente quelque 35 % de l'ensemble, l'aide technique (programmes de formation, encouragement au processus de privatisation...). 43 % de l'aide internationale, alors que les transferts de technologie n'en représentent que 13 %.

. Enfin, le problème de la dette extérieure a été réglé, après de longues et difficiles négociations entre la Russie et l'Ukraine, par le rééchelonnement du 1er avril 1993 (dans le cadre du Club de Paris) et par la prise en charge des dettes de l'ex-URSS par la Russie, celle-ci conservant les actifs détenus par l'URSS. La dette à l'égard de la Russie s'élèverait au chiffre considérable de 3.5 milliards de dollars. Compte tenu de nombreux impayés croisés entre entreprises russes et ukrainiennes, le montant de la dette nette devrait néanmoins être moins élevé.

4. Les réformes économiques : un immobilisme prolongé

Les réformes indispensables à la modernisation et à la conversion de l'économie ukrainienne n'ont été véritablement mises en oeuvre qu'à l'automne 1994 trois ans après l'indépendance.

Pendant cette période, la politique économique était demeurée très interventionniste. C'est ainsi que le « plan de développement socio-économique pour 1994 » maintenait le caractère obligatoire des commandes et des contrats d'État pour les entreprises ukrainiennes, et préservait les subventions aux entreprises. La persistance des pans condamnés de l'économie ukrainienne était financée, dans le cadre du budget de 1994, par un taux de pression fiscale très élevé, le taux de taxation des profits passant de 18 à 22 %, celui des banques et assurances étant porté à 55 %, et le taux de la TVA étant fixé à 28 %. Par ailleurs, cet interventionnisme budgétaire se traduit par un pourcentage par rapport au PIB des dépenses consolidées des différentes administrations publiques au sens large (incluant les fonds de retraite, d'assurance sociale et d'emploi) parmi les plus élevés du monde (59 % du PIB).

Un cap décisif semble cependant avoir été franchi à l'automne 1994, lors de l'adoption par les députés d'un programme de réformes fondées sur le marché : budget d'austérité, privatisation des terres et des entreprises (avec distribution de bons de privatisation aux particuliers et petits épargnants), libéralisation du commerce extérieur, réduction de l'inflation et refonte de la fiscalité.

Cette politique se heurte néanmoins à trois obstacles majeurs :

- les risques de déstabilisation sociale sont très réels, notamment dans le Donbass, où sévissent en permanence des menaces de grève des mineurs.

- sur le plan politique, le succès des réformes d'inspiration libérale est subordonné à l'adhésion de la majorité conservatrice (communistes, agrariens, socialistes) qui domine le Parlement, prompte à voir dans l'application de principes libéraux une soumission excessive aux intérêts des centres financiers internationaux.

- enfin, la très forte dépendance énergétique de l'Ukraine à l'égard de la Russie, d'où est importée la majorité de l'énergie consommée dans le pays (les trois quarts de la consommation de gaz, 80 % du pétrole) constitue une lourde hypothèque. La Russie s'étant alignée sur les prix internationaux, l'Ukraine a accumulé une dette énergétique importante (qui s'élevait, en 1994, à quelque 600 millions de dollars). Les deux pays se sont livrés, en 1992-1993, à une véritable guerre économique, la Russie suspendant alors ses livraisons d'hydrocarbures. L'affrontement n'a pris fin que lors du sommet russo-ukrainien de Moscou, en mars 1993, qui posa les bases d'un accord énergétique « mutuellement avantageux » pour les deux partenaires. A cette occasion fut également réglé le contentieux financier et monétaire qui opposait Kiev à Moscou. La Russie prit alors acte de la sortie de l'Ukraine de la zone rouble, tandis que les deux parties se mettaient d'accord sur la dette et les avoirs étrangers de l'ex-URSS (la Russie prenant en charge la part ukrainienne de la dette soviétique, l'Ukraine renonçant à sa part des avoirs soviétiques à l'étranger). En mars 1995. un accord bilatéral envisageait l'annulation de la dette énergétique ukrainienne, en contrepartie d'une prise de participation dans le capital des entreprises ukrainiennes privatisées.

Le succès de la réforme économique ukrainienne est donc directement lié à la stabilité intérieure du pays et de la sérénité de ses relations avec l'ex « grand frère ».

II. LE TRAITÉ D'ENTENTE ET DE COOPÉRATION ENTRE LA FRANCE ET L'UKRAINE : UNE MISE À JOUR OPPORTUNE DU CADRE JURIDIQUE DE RELATIONS ENCORE PEU DÉVELOPPÉES

Les relations entre la France et l'Ukraine ont été occultées pendant la période de domination russe, puis de tutelle soviétique, quand la conduite de la diplomatie de l'Empire relevait de Moscou. Elles peuvent néanmoins se recommander d'une certaine tradition.

Ainsi, en juin 1917, les couleurs de l'Ukraine (jaune et bleu) auraient été hissées sur la Douma municipale aux accents de la Marseillaise. De même, la présence linguistique et culturelle française en Ukraine paraît attestée, dès avant la guerre de 1914. L'Alliance française aurait alors disposé d'une implantation à Kiev 1 ( * )

La France dispose ainsi en Ukraine d'un certain capital de sympathie qu'il importe aujourd'hui de raviver. La période actuelle peut nous inciter à fonder nos relations sur des bases nouvelles, adaptées à l'indépendance recouvrée par l'Ukraine et aux besoins d'un pays confronté aux difficultés de la transition postsoviétique.

Très classiquement, le traité du 16 juin 1992 fonde les relations franco-ukrainiennes sur 1' « amitié » et la « confiance », se réfère à la « construction d'une Europe pacifique et solidaire », et définit les orientations d'une coopération bilatérale au contenu encore modeste. Les stipulations sont suffisamment proches des traités de même objet qui nous lient aux pays issus de l'effondrement du communisme pour que votre rapporteur en présente un commentaire sommaire.

A. DES « RELATlONS D'AMITIÉ ET DE COOPÉRATION  »

Le préambule et l'article 1er du traité du 16 juin 1992 prennent acte de la volonté des Parties de "développer entre elles (...) des relations de coopération fondées sur la compréhension et la confiance réciproques" (art. 1er).

. Cette amitié s'appuie sur l'attachement des deux pays « aux valeurs de liberté, de démocratie et de justice qui leur sont communes ». Dans cet esprit, la France et l'Ukraine s'engagent à agir « de concert pour la défense des droits de l'Homme et la promotion des valeurs démocratiques, notamment au sein des organisations internationales compétentes » (art. 2).

. L'article 3 du traité encourage les parties à tenir des « consultations régulières aux niveaux appropriés » afin d'arriver. « lorsque cela leur semble nécessaire, à des actions concertées ». Au plus haut niveau, ces consultations sont organisées « par accord entre les Parties », sans périodicité préétablie. Ces rencontres ont lieu au moins deux fois par an entre ministres des Affaires étrangères. Elles sont organisées « en tant que de besoin », selon des priorités définies en commun, au niveau des représentants des ministres des Affaires étrangères et entre les autres membres du gouvernement des deux Etats.

Or le rythme des rencontres entre ministres des Affaires étrangères prévu par le traité n'a pas été suivi. Après les visites de M. Dumas, ministre des Affaires étrangères (en juin 1991 et janvier 1992), celle du premier président ukrainien Leonid Kravtchouk, en juillet 1992, on relève des visites ministérielles françaises (MM. Bérégovoy en 1991. Mellick, Strauss-Kahn et Bianco en 1992, Lamassoure et Barnier en 1994) et ukrainiennes (MM. Tarassiouk, vice-ministre des affaires étrangères et Mitioukov, vice-Premier ministre chargé des affaires économiques, en 1994. ainsi que des visites régulières de ministres techniques).

. Des consultations entre les deux pays peuvent être organisées en cas de « menace contre la paix », afin que la France et l'Ukraine « s'efforcent d'adopter une position commune sur les moyens de surmonter cette situation » (art. 4). Par ailleurs, Paris et Kiev sont encouragés à « harmoniser le plus possible leurs positions au sein des organisations internationales dont les deux pays sont membres, notamment à l'ONU dont l'Ukraine, rappelons-le, est membre fondateur (art. 5) ».

B. DE NOMBREUSES RÉFÉRENCES À LA « CONSTRUCTION D'UNE EUROPE PACIFIQUE ET SOLIDAIRE »

Comme tous les autres traités de même objet qui nous lient à des pays de l'ex-bloc de l'Est, le traité d'amitié franco-ukrainien est conclu sous les auspices d'une « Europe démocratique, pacifique et solidaire ».

Le traité du 16 juin 1992 renvoie donc à la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (depuis janvier 1995 Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), au Conseil de l'Europe et à l'Union européenne.

1. Une «  coopération étroite  » dans le cadre de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe


• L'article 7 vise à encourager les Parties à renforcer les institutions de l'OSCE, afin de donner à cette organisation les « moyens appropriés, notamment juridiques, pour garantir la stabilité, la sécurité et l'état de droit sur le continent européen ». Rappelons que, seule enceinte paneuropéenne de sécurité. l'OSCE comprend tous les États européens (dont l'Ukraine et la Russie), les États-Unis et le Canada, ainsi que les États du Caucase et d'Asie centrale. L'objectif est, par un dialogue aujourd'hui permanent entre les membres, de promouvoir la sécurité et la stabilité du continent.

Depuis novembre 1994, l'Ukraine accueille une mission de l'OSCE chargée d'observer l'évolution de la situation en Crimée, de faciliter le dialogue entre les autorités de Kiev et celles de Simféropol et. de manière générale, d'observer les questions liées aux minorités et à la liberté de la presse sur l'ensemble du territoire ukrainien.


• L'article 8 prend acte de la volonté des Parties de collaborer dans le cadre de l'OSCE en vue du maintien de la paix et du renforcement de la sécurité en Europe et à terme, afin d'élaborer un Traité de sécurité européenne. Celui-ci constituerait le prolongement du traité FCE (forces conventionnelles en Europe) du 19 novembre 1990. C'est néanmoins vers une réflexion commune sur un nouveau modèle de sécurité que l'on semble s'orienter désormais, de préférence à l'élaboration d'un nouveau traité. Celui-ci serait, en effet, susceptible de prendre insuffisamment en compte la rapidité des changements en Europe, et de figer de manière inappropriée les engagements relatifs à la mise en place d'une nouvelle architecture de sécurité pour le continent.

L'Ukraine est très attachée à cette réflexion commune, où elle voit un moyen de faire reconnaître sa vocation européenne, alors même qu'elle se sait non concernée par les projets d'élargissement de l'Union européenne, de l'Union de l'Europe occidentale et de l'OTAN.

2. Le « développement de relations étroites entre l'Ukraine et les Communautés européennes »

ï L'article 6 prend acte du souhait de l'Ukraine de se rapprocher des Communautés européennes au moyen de la reconnaissance du statut d'État associé. Le 14 juin 1994, un Accord de partenariat et de coopération a été signé. Celui-ci comporte un volet commercial et des mesures d'accompagnement que précise l'Accord intérimaire, conclu le 1er juin 1995.

ï De manière classique, l'article 6 engage les Parties à respecter les compétences communautaires dans les accords passés dans le cadre de leurs relations bilatérales.

ï De même, l'Ukraine prend acte de « l'importance de l'édification de l'Union européenne », incluant la mise en oeuvre de la politique étrangère et de sécurité commune (art. 8).

3. Les perspectives d'adhésion de l'Ukraine au Conseil de l'Europe

Dès juillet 1992, l'Ukraine a fait connaître son souhait d'adhérer au Conseil de l'Europe. La France s'engage, par l'article 6 du présent traité, à favoriser l'admission de l'Ukraine. Celle-ci interviendra le 9 novembre, et l'Ukraine sera ainsi le 38e État à se joindre à l'assemblée de Strasbourg.

En attendant cette formalité, l'Ukraine bénéficie du statut d'observateur. Des experts désignés par l'assemblée parlementaire se sont rendus en Ukraine en mai 1994. Une étude remise au Conseil de l'Europe en février 1994 avait conclu que, sous réserve de la tenue d'élections libres (étape franchie au printemps et à l'été 1994), l'Ukraine n'aurait pas sur les États récemment intégrés un « retard qui l'empêche de devenir, elle aussi, membre à part entière ».

L'Ukraine a, quant à elle, créé une commission nationale chargée de coordonner l'activité des ministères pour accélérer la réforme de la législation dans un sens conforme aux législations européennes.

La France, conformément aux engagements souscrits dans le cadre du présent traité, a soutenu la candidature ukrainienne.

C. LES PREMIERS PAS DE LA COOPÉRATION FRANCO-UKRAINIENNE

Les secteurs de la coopération bilatérale évoqués par le présent traité ne diffèrent pas de ceux que retiennent habituellement les accords de même objet : coopération militaire, économique, culturelle, juridique et institutionnelle. L'originalité du traité d'amitié franco-ukrainien réside dans la priorité attachée à la coopération dans le domaine des suites de l'accident de Tchernobyl.

1. Une coopération militaire encore peu développée

L'article 10 encourage l'approfondissement des contacts entre la France et l'Ukraine dans le domaine militaire, qu'il s'agisse des contacts entre ministères des affaires étrangères et ministères de la défense, ou entre états-majors des armées des deux États. Par ailleurs, l'article 10 évoque des « échanges de vues réguliers » entre les Parties sur leurs « concepts de défense ».

A la suite de la visite en Ukraine de M. Jacques Mellick, secrétaire d'État à la Défense, en mars 1992. le lancement de la coopération militaire bilatérale s'est traduite par la nomination d'un attaché de Défense à Kiev. La visite en France du ministre ukrainien de la Défense en septembre 1992 a confirmé l'importance attachée par la partie ukrainienne à cet aspect des relations franco-ukrainiennes. Lors du déplacement en Ukraine de l'amiral Lanxade, chef d'état-major des armées, en juin 1993, a été envisagée la signature d'un accord intergouvernemental spécifique qui pourrait intervenir, selon les informations transmises à votre rapporteur, dans les prochains mois.

La coopération militaire bilatérale pourrait s'appuyer sur trois types d'action :

- la coopération maritime s'est déjà traduite par l'escale en France d'un destroyer ukrainien, suivie par celle d'un aviso français à Odessa ;

- l'amorce d'une coopération opérationnelle s'est manifestée en ex-Yougoslavie, dans le cadre de la Forpronu, lors de l'envoi d'escortes humanitaires et à Sarajevo. Elle est toutefois restée assez formelle ;

- la formation des cadres, liée à l'enseignement du français, s'est à ce jour appuyée, de manière très classique, sur l'accueil de trois officiers ukrainiens en France depuis 1993, sur l'envoi en Ukraine d'élèves de l'École de l'air et de l'École spéciale militaire de St Cyr, et sur la formation de professeurs ukrainiens. Par ailleurs, des auditeurs de l'IHEDN ont effectué une mission à Kiev en mai 1995.

La poursuite de ce type de coopération est néanmoins subordonnée à la diffusion de la langue française en Ukraine. Faute d'avoir défini précisément les priorités de la coopération militaire bilatérale, en l'absence d'un accord qui en fixe le cadre général, cet aspect de la coopération franco-ukrainienne paraît quelque peu limité, même si la création récente d'un poste d'attaché militaire ukrainien à Paris est susceptible de faciliter les échanges à venir.

2. Des relations économiques à intensifier

Diverses stipulations du traité du 16 juin 1992 visent à encourager la coopération économique bilatérale, qu'il s'agisse de la coopération en matière de formation des acteurs de la vie économique et sociale (art. 13), de l'élaboration d'un cadre juridique et fiscal adapté aux investissements étrangers (point développé par l'accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements du 3 mai 1994. commenté ci-après -voir III-par votre rapporteur), ou de la définition des secteurs prioritaires que sont l'espace, l'agro-alimentaire. la sûreté nucléaire civile, la santé, l'énergie, l'environnement, la recherche et les communications (art. 11 et 12).

Par ailleurs, l'engagement relatif à la simplification des procédures d'octroi et de prorogation des visas (art. 19) s'inscrit dans la volonté de faciliter les échanges entre hommes d'affaires des deux pays.

Force est de constater néanmoins que la France demeure un partenaire marginal de l'Ukraine, tant par la faiblesse des échanges commerciaux que par l'insuffisant développement des investissements français en Ukraine, alors même que le marché ukrainien paraît offrir des perspectives à prendre en considération.

a) Des échanges commerciaux limités

ï L'Ukraine continue d'entretenir des liens très étroits avec ses partenaires ex-soviétiques, avec lesquels elle réalisait, avant l'indépendance, 80 % de ses exportations et importations. L'Ukraine exporte aujourd'hui vers la CEI du blé. du sucre, de l'huile végétale, du matériel agricole et des moteurs électriques. Les échanges avec la CEI sont cependant caractérisés par un déficit considérable aux dépens de l'Ukraine, imputable essentiellement au poids de la facture énergétique due à la Russie et au Turkménistan.

ï Les échanges de l'Ukraine avec le reste du monde sont peu développés, du fait notamment de l'insuffisante compétitivité des productions nationales. L'Ukraine ne réalise aujourd'hui que 25 % de son commerce extérieur avec des pays hors CEI. alors que la réorientation des échanges commerciaux des pays d'Europe centrale et orientale s'est traduite par une proportion d'échanges avec les pays de l'OCDE qui dépasse désormais 50 % du total.

ï Dans ce contexte, la France n'est que le quatrième partenaire commercial de l'Ukraine hors CEI (derrière l'Allemagne, les États-Unis et la Suisse) avec 6 % des importations ukrainiennes. Les exportations françaises se partagent entre produits alimentaires (22 %) et produits industriels (78 %. dont 27 % de biens de consommation). Ce phénomène d'importation de biens de consommation destinée à pallier le manque de produits locaux, tant en qualité qu'en quantité, existe en Ukraine comme dans la plupart des pays en transition. Un tait nouveau consiste cependant dans le développement d'activités de sous-traitance en Ukraine, qui deviendrait un pays de délocalisation pour des entreprises françaises du secteur du textile et de l'habillement 1 ( * ) .

Si toutefois l'Ukraine est notre deuxième partenaire commercial en ex URSS, après la Fédération de Russie, elle ne représente, tous partenaires confondus, que le 74e client de la France (au même niveau que Chypre ou que la Nouvelle-Zélande), et son 66e fournisseur (au même niveau que la Bulgarie ou le Pérou). 1

b) Le caractère marginal des investissements français en Ukraine

Bien que le manque de fiabilité des statistiques ne permette pas d'établir des données précises, les montants investis par les entreprises françaises en Ukraine sont de l'ordre d'une dizaine de millions de francs. La France se situe donc très en-deçà des États-Unis (88 millions de dollars, soit 22 % de l'ensemble des investissements étrangers) et de l'Allemagne (90 sociétés. 130 joint-ventures et 83 millions de dollars investis, soit 21 % de l'ensemble). Il est vrai que l'Allemagne, premier investisseur étranger par le nombre d'implantations, dispose, par le biais de réseaux constitués à l'époque de la RDA, d'un ancrage substantiel dans le tissu économique local. Après le Royaume-Uni (31.5 millions de dollars, soit 8 % des investissements étrangers), la Russie se situe au quatrième rang avec 26.6 millions de dollars.

Les secteurs privilégiés par les entreprises françaises présentes en Ukraine ne se démarquent pas des créneaux habituellement occupés par la France en ex-URSS. Il s'agit du secteur bancaire (Crédit Lyonnais. BNP. Société Générale), des télécommunications (Alcatel - CIT), du bâtiment et des transports (construction du terminal de l'aéroport de Kiev/Borispol par Aéroports de Paris et Spie/Batignolles. production de rames de métro en commun par Matra et Antonov), de l'agro-alimentaire (Rhône Poulenc, Sucden, Sanofi), et des biens de consommation (L'Oréal, Dior, Rodier).

c) Des perspectives d'avenir non négligeables

Bien que l'Ukraine offre aux investissements étrangers un environnement encore modérément favorable, il serait imprudent de négliger un marché présentant des perspectives d'avenir non négligeables.

(1) Un climat général encore modérément favorable aux investissements étrangers

Si l'Ukraine s'est dotée d'un cadre juridique et fiscal adapté aux contraintes des investisseurs étrangers, la survivance de pratiques administratives héritées de la période soviétique est de nature à décourager les investisseurs étrangers candidats à une implantation en Ukraine.

ï Le cadre juridique résulte notamment du décret du 20 mai 1993. Les formes d'investissement prévues par ce texte sont diversifiées (de l'acquisition de parts ou d'actions aux droits de propriété intellectuelle). Les garanties définies par la législation en vigueur concernent la protection contre les nationalisations, l'attribution de compensations et indemnités en cas de pertes provoquées par le non-respect de la législation par des autorités ukrainiennes, les transferts de revenus, la protection de la propriété intellectuelle et industrielle (toutes garanties visées par l'accord de garantie des investissements du 3 mai 1994). Des avantages fiscaux et douaniers sont, par ailleurs, consentis aux investisseurs étrangers (exemption de l'impôt sur les sociétés pendant les 5 premières années, exemption de TVA sur les exportations, droits de douane préférentiels ...).

ï En dépit de cet environnement juridique favorable, il est indéniable que le climat général d'accueil des investissements étrangers reste caractérisé par les pesanteurs héritées de la période soviétique : lourdeurs bureaucratiques, difficultés liées au partage de compétences incertaines entre les différents échelons administratifs ... Cette situation, loin d'être propre à l'Ukraine, est aggravée notamment par le caractère fluctuant de la législation et de la réglementation, et par les difficultés matérielles imputables à des liaisons aléatoires avec la province.

(2) Des débouchés potentiels à considérer

Bien que le marché ukrainien soit qualifié par nos observateurs de « difficile », ceux-ci préconisent, pour les entreprises françaises intéressées, une situation de « veille active ». car « rien ne remplace une présence décidée suffisamment tôt » 1 ( * ) .

Parmi les secteurs ayant un réel potentiel de développement, on peut citer les industries agro-alimentaires, les constructions mécaniques et les matériels de transport. 1

ï Dans le secteur agro-alimentaire, la demande d'équipements et de technologies agricoles est vouée à s'accroître car ni les investissements, ni la technologie n'ont suivi, pendant de nombreuses années, les besoins réels de l'économie. Ainsi sont désormais prioritaires la modernisation des équipements agricoles et le développement des capacités de transport et de stockage. Entre autres atouts dont dispose l'Ukraine dans le domaine agro-alimentaire, mentionnons la qualité des terres, le faible coût de la main d'oeuvre et son haut degré de qualification, et des possibilités d'échanges avec la CEI.

ï En ce qui concerne les matériels de transport, les transports terrestres font déjà l'objet d'une attention soutenue des investisseurs étrangers (production de bus et de camions ...). L'aéronautique militaire et civile offre également des opportunités intéressantes.

ï C'est probablement le secteur des machines et de la construction mécanique qui pourrait offrir le plus de débouchés, si sont mises en oeuvre des transformations destinées à réduire les coûts de production.

ï Enfin, le problème de la conversion des industries de défense se pose en termes aigus dans un pays qui produisait la moitié des tanks et des missiles soviétiques.

3. L'engagement de la France dans le domaine des suites de Tchernobyl

Le traité du 16 juin 1992 consacre un article spécifique à la coopération bilatérale dans le domaine des suites de Tchernobyl (art. 18), qu'elles concernent la protection de l'environnement, la sûreté nucléaire civile ou la santé (art. 12).

ï Les conséquences de ce drame sont, en effet, tragiques, point n'est besoin de le souligner. Rappelons néanmoins que, sans compter l'incidence de l'irradiation des terres sur l'environnement, l'agriculture et l'élevage, le nombre de malformations néonatales a triplé, le nombre de malformations congénitales a triplé, les mutations génétiques ont été multipliées par 15. tandis que l'Ukraine se situe au premier rang mondial pour le nombre de cancers. 1 ( * )

ï En ce qui concerne l'assistance sanitaire mise en place par la France à la suite de l'accident, on relève la création à Kiev d'un centre d'études épidémiologiques et de dépistage de pathologies secondaires, lié à l'association « les enfants de Tchernobyl » soutenue financièrement par la France. Actuellement est en cours d'études un projet interrégional (avec la Biélorussie, très touchée elle aussi par le drame) de traitement des pathologies liées à Tchernobyl, dont la mise en oeuvre reviendrait conjointement au CNRS, à l'INSERM et à l'Institut Gustave Roussy. La dispersion des opérateurs français pourrait toutefois, selon les informations transmises à votre rapporteur, compromettre l'aboutissement rapide de cette initiative qu'il conviendrait pourtant d'appuyer.

ï En ce qui concerne le problème de la sûreté nucléaire, la communauté internationale demande la fermeture de la centrale de Tchernobyl. Votre rapporteur a pu. au cours d'une mission en Ukraine en novembre-décembre 1993, constater que les défaillances imputées à cette centrale -comme, du reste, à toutes les « centrales Trabant » des anciens satellites ou républiques de l'URSS- ne sont pas imaginaires. Le danger que ces installations font peser sur tout le continent européen ne doit pas être sous-estimé.

Les difficultés posées à l'Ukraine par la perspective de fermer la centrale de Tchernobyl doivent néanmoins être situées dans le contexte de la grave crise énergétique que traverse l'Ukraine du fait de sa dépendance à l'égard de la Russie, son principal fournisseur en hydrocarbures (voir supra, I C.l.b).


L'aide internationale concerne l'achèvement des trois centrales de Rovno, Zaporoje et Khmelnitski. Elle est subordonnée à la condamnation définitive des réacteurs 1 et 3, et à la fermeture du réacteur 2 de la centrale de Tchernobyl. Celui-ci produit encore aujourd'hui, en effet, quelque 7 % de l'électricité ukrainienne.

L'assistance internationale à cet égard est substantielle. Le Conseil européen de Corfou (juin 1994) a annoncé une aide de 400 millions d'Ecus sous forme de prêts Euratom et de 100 millions d'Ecus (sur trois ans) sous forme de dons, dans le cadre du programme TACIS (Technical assistance for the Community of independant States).

Précisons à cet égard que le volet sûreté nucléaire de TACIS paraît plus satisfaisant que les autres aspects du programme. 27 millions d'Ecus lui ont été consacrés en 1994. la France contribuant à hauteur de 20 %. Dans le domaine de la sûreté nucléaire semble avoir été engagée une coopération dynamique, notamment avec le concours d'EDF, dans le cadre de jumelages entre centrales nucléaires et ukrainiennes.

Lors du sommet du G7 de Naples. en juillet 1994. a été décidée l'attribution d'une aide complémentaire de 200 millions de dollars, la part française s'élevant à 32 millions de dollars. A Halifax, en 1995, les Sept ont réaffirmé la nécessité de fermer Tchernobyl, précisant que « toute aide au remplacement des capacités de production de Tchernobyl sera fondée sur des critères économiques, environnementaux et financiers sains », alors même que les demandes ukrainiennes ne paraissent pas à la communauté occidentale satisfaire ces critères.


• Force est de constater l'ambiguïté de l'attitude des autorités ukrainiennes. Bien que celles-ci aient accepté les principes arrêtés à Naples en juillet 1994. et bien qu'un calendrier de fermeture ait été publié à la suite de la visite en Ukraine de M. Barnier (alors ministre de l'environnement) en avril 1995, les autorités ukrainiennes assortissent désormais la fermeture de la centrale de nouvelles conditions, parmi lesquelles la construction, avec l'aide des occidentaux, d'un nouveau sarcophage à Tchernobyl et d'une centrale thermique à gaz à Slavoutitch (ville située à 45 km de Tchernobyl), afin de compenser la perte énergétique subie du fait de la fermeture de Tchernobyl.

4. Des relations culturelles relativement dynamiques

L'article 17 du présent traité renvoie à une « tradition ancienne des relations culturelles » entre les deux pays, ainsi qu'à la volonté de ceux-ci de contribuer à la « construction d'un espace culturel » paneuropéen. L'article 17 aborde, comme dans tous les traités d'amitié passés avec nos partenaires est-européens, les aspects culturels classiques -diffusion linguistique, coopération audiovisuelle, échanges de jeunes, centres culturels, diffusion du livre- ainsi que la coopération scientifique et technique.

Mentionnons néanmoins que la diffusion de la langue ukrainienne en France demeurant marginale, et en l'absence d'un centre culturel ukrainien en France, l'article 17 se réfère à une réciprocité encore très largement fictive.

a) La coopération culturelle classique


La présence culturelle et l'action linguistique françaises en Ukraine s'appuient sur la présence à Kiev d'un Institut français et de l'Alliance française.

Sur le plan juridique, la coopération culturelle repose sur un traité cadre bilatéral, signé en juin 1992, et sur deux accords signés en mai 1994 sur les centres culturels et les échanges dans le domaine de la jeunesse et des sports. L'Institut français d'Ukraine, installé depuis l'automne 1993 dans des locaux distincts de ceux de l'ambassade, abrite une bibliothèque-vidéothèque et une médiathèque de 10 000 documents. Ses activités se sont développées dans toutes les disciplines artistiques : cinéma, théâtre, danse, musique ... En janvier 1996, l'Institut français deviendra un Centre culturel et de coopération linguistique bénéficiant de l'autonomie financière. Les cours de l'Alliance française de Kiev sont suivis par quelque 2 500 personnes chaque année.

Le Centre français de Kharhov (2ème ville d'Ukraine), inauguré en novembre 1994, vise à ancrer notre présence linguistique dans cette région essentiellement industrielle.

Les 12 Alliances françaises (13 si Ton inclut celle de Kiev) sont réparties sur l'ensemble du territoire ukrainien. Elles constituent autant de relais des manifestations culturelles organisées à Kiev. Elles dispensent toutes des cours de langue. Au lycée Richelieu d'Odessa est en cours de création une section bilingue.

ï Les initiatives françaises dans le domaine du livre visent la formation de personnels de bibliothèque, l'organisation de stages en France au profit de professionnels de l'édition, ainsi qu'un programme d'aide à la publication inspiré du programme Pouchkine mis en oeuvre à Moscou. La conduite en Ukraine de ce type de programme se heurte néanmoins à un problème de choix de la langue de traduction : le russe, plus lu, surtout dans l'est du pays, ou l'ukrainien, pour des raisons politiques évidentes.

ï Les échanges dans les domaines de la jeunesse et des sports, encouragés par l'article 17 du présent traité, s'appuient sur un accord signé à Kiev en mai 1994. Celui-ci traduit la volonté de la France et de l'Ukraine d'encourager la mobilité des jeunes, en favorisant notamment les programmes conduits dans le cadre du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne. Des stages musicaux pourraient être organisés en 1996.

ï La coopération audiovisuelle évoquée par l'article 17 du présent traité a déjà donné lieu à des réalisations significatives. Des accords lient RFI à des radios privées ukrainiennes. Chaque semaine est proposée sur le canal public Promin une émission sur la chanson française. Deux accords ont été conclus avec la télévision ukrainienne en vue de l'adaptation au public ukrainien du cours télévisuel de français « Bienvenue en France ». Par ailleurs, la diffusion de TV 5 se poursuit, notamment dans certaines universités.

b) Coopération scientifique et universitaire

L'article 12 du présent traité fait de la recherche l'un des domaines prioritaires de la coopération franco-ukrainienne. L'article 17 encourage les actions scientifiques d'intérêt commun, cohérentes avec les programmes communautaires, et engage chaque Partie à mieux faire connaître à sa population les réalisations scientifiques et techniques de l'autre Partie.

A cet égard, un accord a été signé en juin 1993 entre le CNRS et l'institution ukrainienne correspondante. Un projet de coopération aurait vu le jour dans le domaine de la carbochimie. Dans le domaine de la physique, les échanges ont pris la forme de jumelages entre universités (École centrale de Lyon et université de Kiev. École des mines et Université de Kiev. Université de Paris VI et Institut des basses températures de Kiev), d'échanges de boursiers et de stagiaires (en 1994, ceux-ci ont concerné 20 chercheurs de haut niveau et 103 étudiants ukrainiens accueillis en France). D'autres projets ont été engagés notamment par l'INRA (Institut national de la recherche agronomique), 1TFREMER et le Commissariat à l'énergie atomique. Ces opérations sont à rapprocher des priorités exprimées par les articles 11 et 12 du présent traité : agro-alimentaire, environnement, sûreté nucléaire.

5. La coopération administrative et institutionnelle

Le traité du 16 juin 1992 aborde les aspects administratifs et institutionnels de la coopération bilatérale. Il n'est pas étonnant que s'exprime dans ces domaines une demande attentive, tant le problème de la transition vers l'Etat de droit se pose en termes aigus dans les pays soumis pendant plusieurs décennies à la tutelle soviétique.

Ce volet de la coopération bilatérale comprend des initiatives visant la coopération dans le domaine de l'état de droit et des institutions démocratiques, ainsi que des projets, encore quelque peu en retrait, concernant des secteurs institutionnels spécifiques (coopération interparlementaire, jumelages, coopération judiciaire ...).

a) Une forte demande dans le domaine de la coopération administrative (état de droit, institutions démocratiques)

L'article 15 pose le cadre général d'une coopération « dans le domaine des institutions démocratiques et de l'état de droit ». afin de contribuer à l'élaboration de normes constitutionnelles, législatives et réglementaires adaptées à un Etat démocratique et indépendant, notamment en ce qui concerne les libertés publiques et les droits des minorités nationales. Un autre versant important consiste en l'aide à la formation des cadres des fonctions publiques d'Etat et territoriale.

Point fort de nos relations bilatérales, la coopération administrative franco-ukrainienne remonte à 1992, quand les autorités ukrainiennes ont sollicité la France pour mettre en place un « Institut de gestion des affaires publiques et locales » destiné à assurer la formation initiale des diplômés de l'enseignement supérieur se destinant à la fonction publique, et la formation continue des hauts fonctionnaires d'Ukraine. Créé grâce à la collaboration de l'ENA et de l'Institut international d'administration publique, cet institut a été transformé en mai 1995 en Académie directement rattachée à la présidence, ce qui montre avec quel intérêt ce programme est considéré par les plus hautes autorités de l'Etat ukrainien.

En raison du dynamisme manifesté par la France dans ce domaine. Bruxelles a choisi l'HAP comme chef de file d'un consortium européen d'institutions de formation de fonctionnaires, afin de contribuer, dans le cadre du programme TACIS (Technical assistance for the Community of indépendant States) à la rénovation de l'administration ukrainienne. Ce projet devrait déboucher sur une refonte de la fonction publique et sur une réforme de l'État ukrainien. D'autres projets, conçus dans un cadre bilatéral, concernent la modernisation de deux grandes collectivités locales (Odessa et Nicolaïev). Dans le domaine de l'établissement d'un État de droit, des projets pourraient éventuellement concerner l'administration des services sociaux, du travail, et des services chargés du maintien de l'ordre (milice, garde-frontières, administration pénitentiaire ...).

b) Une coopération institutionnelle à développer

ï L'article 16 encourage la coopération entre les Parlements, partis politiques, organisations sociales et syndicales des deux États, ainsi que les jumelages et la coopération décentralisée.

ï A cet égard, notons l'existence de plusieurs jumelages entre villes françaises et ukrainiennes : Lille-Kharkov. Marseille-Odessa. Strasbourg-Lvov, Toulouse-Kiev. Ce dernier serait le plus actif (actions culturelles, coopération judiciaire, audit de la mairie de Kiev).

ï En ce qui concerne les relations interparlementaires, il est indéniable que les institutions et la constitution françaises suscitent, en Ukraine comme dans la plupart des pays issus de l'effondrement de L'URSS, un grand intérêt, lié notamment à la place centrale qu'occupe le chef de l'État dans nos institutions. Les échanges entre les deux Parlements ne se situent toutefois encore, à ce jour, qu'à un niveau modeste, en dépit du dynamisme dont font preuve les présidents des deux groupes d'amitié franco-ukrainiens, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, et malgré la participation active de Bruxelles, à travers le programme TACIS. à cet aspect des relations entre les deux pays.

ï La coopération judiciaire, visée par l'article 20 du traité d'amitié, demeure, à ce jour, réduite à des échanges de magistrats dans le cadre du jumelage entre Kiev et Toulouse.

ï La coopération en matière de police s'appuie sur une stipulation commune à tous les traités passés avec les anciens satellites ou républiques soviétiques, qui concerne la coopération dans les domaines de la lutte contre le terrorisme international, le crime organisé, le trafic illicite de stupéfiants et le trafic illégal d'oeuvres d'art. Encore très peu développée, la coopération en matière de police fait l'objet d'une demande particulière de la part de nos interlocuteurs ukrainiens. Une mission d'évaluation déterminera prochainement les besoins, essentiellement dans le domaine de la lutte contre les stupéfiants et de la sécurité civile.

III. L'ACCORD SUR LA PROTECTION ET L'ENCOURAGEMENT RÉCIPROQUES DES INVESTISSEMENTS DU 3 MAI 1994

Les stipulations de l'accord du 3 mai 1994 ne s'écartent pas du modèle-type élaboré dans le cadre de l'OCDE, modèle auquel se réfèrent les 41 accords de même objet conclus par la France (hors partenaires de la zone franc), 56 si l'on inclut les accords dont la procédure de ratification est en cours. Le contenu de cet accord est donc suffisamment familier à notre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées pour que votre rapporteur se borne à en présenter les grandes lignes. Soulignons, par ailleurs, que le caractère marginal de la présence économique ukrainienne en France vide quelque peu de sens le caractère réciproque des stipulations du présent traité.

A. UN CHAMP D'APPLICATION ÉLARGI

Le présent accord retient une définition extensive des investissements et des revenus protégés, de manière à limiter le risque d'éventuels malentendus entre les Parties.


• La notion d'investissement retenue par l'article 1 est ouverte, puisque cette stipulation renvoie, de manière non exclusive, aux « biens, droits et intérêts de toutes natures » tels que les biens meubles et immeubles et tous les autres droits réels, les actions, primes d'émission et toutes formes de participation, les obligations et créances, les droits d'auteur et de propriété industrielle, et les concessions ... L'article 1 précise que la modification de la forme d'investissement des avoirs n'affecte pas leur qualification, pour autant que cette modification soit conforme à la législation de l'État d'accueil.

ï La notion de revenu renvoie à « toutes les sommes produites par un investissement, tels que bénéfices, redevances et intérêts ».

ï De manière classique, le champ d'application géographique du présent accord s'étend à la zone maritime de chacune des Parties.

B. ENGAGEMENTS SOUSCRITS PAR LES PARTIES EN VUE D'ASSURER UN «  TRAITEMENT JUSTE ET ÉQUITABLE  » AUX INVESTISSEMENTS DE L'AUTRE PARTIE

ï De manière générale, la France et l'Ukraine s'engagent à admettre et à encourager les investissements effectués sur leur territoire et dans les zones maritimes par les sociétés et personnes physiques de l'autre Partie (art. 2), en vertu du principe de non discrimination.

ï L'État d'accueil doit s'abstenir de toute entrave, de droit ou de fait, susceptible de réduire les droits des investisseurs, telles que :

ï les restrictions à l'achat et au transport de matières premières, d'énergie, de moyens de production et d'exploitation,

ï les entraves à la vente et au transport des produits à l'intérieur du pays et à l'étranger (art. 3).

ï Une autre obligation réside dans l'examen bienveillant des demandes d'entrée et d'autorisation de séjour, de travail et de circulation formulées au titre d'un investissement (art. 3).

ï Les garanties protectrices assurées aux investissements de l'autre Partie sont :

- le libre transfert des avoirs détenus par les investisseurs, ainsi que d'une « quotité appropriée » de la rémunération versée aux nationaux de chaque Partie ayant été autorisés à travailler sur le territoire de l'autre Partie (cette clause exclut, par ailleurs, toute discrimination par le change (art.6)) :

- la « protection » et la « sécurité » « pleines et entières » des investissements, y compris contre les risques non commerciaux, ce qui implique le non-recours à des mesures d'expropriation, de nationalisation et de manière générale, de dépossession, sauf paiement d'une « indemnité prompte et adéquate » qui produit des intérêts et dont le montant doit être calculé « par rapport à la situation économique prévalant antérieurement à toute menace de dépossession ». Les pertes subies du fait d'une guerre ou de tout autre conflit armé (révolution, état d'urgence nationale ...) donnent lieu au traitement accordé aux nationaux ou aux ressortissants de la Nation la plus favorisée (art. 5) ;

- le maintien des garanties prévues par le présent accord pour une période de vingt ans destiné à assurer la sécurité juridique des investissements même en cas de non-prorogation de l'accord :

- enfin, des investissements sont susceptibles de faire l'objet d'un engagement particulier de la part des autorités de la Partie d'accueil. Ils sont, dans ce cas « régis par les termes de cet engagement dans la mesure où celui-ci comporte des clauses plus favorables » que celles que prévoit l'accord du 3 mai 1994.

C. UN DOUBLE SYSTÈME DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS

De manière classique, les procédures de règlement des différends prévues par le présent accord s'appuient sur le recours au CIRDI (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements) quand les éventuels différends opposent l'une des Parties à une société ou à une personne physique de l'autre Partie, et si un délai de six mois à partir du moment où il a été soulevé n'a pas suffi à le résoudre à l'amiable (art. 8).

Les différends opposant les deux États sont réglés, si possible, par la voie diplomatique et, si celle-ci a échoué au terme d'un délai de 6 mois, sont soumis à un tribunal arbitral, éventuellement relayé par le secrétaire général de l'ONU.

Force est de constater néanmoins que l'accord franco-ukrainien de garantie des investissements est voué pour le moment à une application limitée, du fait de la faible implantation des investisseurs français sur un marché encore en devenir (voir supra, II. C. 2), et de la présence encore quelque peu théorique des investisseurs ukrainiens en France.

Cet accord témoigne néanmoins de la volonté de Kiev d'attirer les investissements occidentaux sur le territoire ukrainien, volonté qu'illustre également l'adoption d'une réglementation interne adaptée aux préoccupations des investisseurs étrangers (voir supra, II, C, 2, c) ). Votre rapporteur espère que ces signaux pourront encourager nos entreprises à se manifester davantage dans un pays où les besoins sont immenses, et où la présence des investisseurs étrangers peut contribuer au succès de la transition post communiste.

CONCLUSIONS DU RAPPORTEUR

Après quelques mois d'hésitations, l'Ukraine a désormais donné des gages, en entreprenant une réforme ambitieuse de son économie, et en renonçant à l'arsenal nucléaire hérité de l'URSS, de sa volonté de s'ancrer dans la communauté internationale. Tout en sachant que son adhésion à l'Union européenne et à l'OTAN ne saurait être envisagée, son souci est de ne pas être reléguée par l'Occident dans la zone d'influence russe, dont elle a une trop longue expérience. Son intégration au Conseil de l'Europe va, à cet égard, dans le bon sens, et votre rapporteur se félicite que la France ait soutenu la candidature ukrainienne à Strasbourg. Mais il faut aujourd'hui essayer d'aller plus loin, et accélérer la transition postcommuniste en intensifiant la présence française en Ukraine, à travers tous les volets de notre coopération et, plus particulièrement, le secteur de la santé où nous sommes en mesure d'aider à prendre en charge les terribles conséquences du drame de Tchernobyl. Qu'il s'agisse de la famine orchestrée par Staline en 1933, des déportations massives qui ont suivi la deuxième guerre, ou de l'accident de Tchernobyl, l'Ukraine a assez souffert. N'ajoutons pas l'indifférence de notre pays à la liste des épreuves qu'a connues l'Ukraine.

EXAMEN EN COMMISSION

Votre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a examiné, au cours de sa réunion du 26 octobre 1995, les projets de loi autorisant la ratification du traité d'entente, d'amitié et de coopération et de l'accord sur la protection et l'encouragement réciproques des investissements conclus entre la France et l'Ukraine.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Guy Penne est revenu sur la structure des échanges commerciaux de l'Ukraine avec les pays hors CEI.

Puis M. Yves Guéna, à la demande de M. Xavier de Villepin, président, a commenté les perspectives d'évolution de la question de Crimée, relevant que, après une période de graves tensions, la « guerre des souverainetés » entre Kiev et Simferopol pourrait marquer le pas.

M. Yves Guéna est ensuite revenu, avec M. Xavier de Villepin, président, sur les évolutions récentes du contentieux lié à la dépendance énergétique de l'Ukraine à l'égard de la Russie, notant que la production intérieure (notamment de charbon) ne satisfaisait que la moitié des besoins énergétiques du pays.

La commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a alors, suivant l'avis de son rapporteur, conclu favorablement à l'adoption des deux projets de loi qui lui étaient soumis.

PROJET DE LOI

(Texte adopté par l'Assemblée nationale)

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Ukraine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Kiev le 3 mai 1995, et dont le texte est annexé à la présente loi. 1 ( * )

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée la ratification du traité d'entente et de coopération entre la République française et l'Ukraine, signé à Paris le 16 juin 1992, et dont le texte est annexé à la présente loi. 1 ( * )

* 1 Nicolas Werth. « U kraine. La République dans le changement ». L'État de toutes les Russies. La découverte, 1993.

* 1 Léonid Pliouchtch, Ukraine : à nous l'Europe !.. Paris, 1993

* 2 Jean Dubreuil, Deux années en Ukraine (1917-1919), Paris, Henri Paulin, 1919.

* 3 Église catholique de rite oriental apparue en Biélorussie et en Ukraine en 1596, lors de l'union de Brest. Considérée comme le cheval de Troie de la papauté, elle a été intégrée de force en 1946 à l'Église orthodoxe. Elle sortit de la clandestinité en 1989.

* 1 Nicolas Werth. op cil

* 1 Nicolas Werth, op. cit.

* 2 Pliouchtch, op. cit.

* 1 Nicolas Werth. op. cit.

* 1 Benoist-Méchin. Ukraine, le fantôme de l'Europe 1991

* 1 Rapport Ramsès 1996 p. 67

* 1 Charles Duhreuil. Deux années en Ukraine (1917-1919) Paris, 1919.

* 1 Poste d'expansion économique à Kiev. Tableau de bord Ukraine, août

* 1 Poste d'expansion économique à Kiev. Ukraine. Collection « un marché », CFCE, 1994.

* 1 Léonid Pliouchtch, op. cit

* 1 Voir le texte annexé au document Assemblée nationale n° 1909 (1994-1995)

* 1 Voir le texte annexé au document Sénat n° 384 (1994-1995)

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