Rapport général n° 77 (1995-1996) de M. Marc MASSION , fait au nom de la commission des finances, déposé le 28 novembre 1995

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N° 77

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1995.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 1996, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Alain LAMBERT,

Sénateur, Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Deuxième partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 10

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, ÉQUIPEMENT ET TRANSPORTS :

IV - MER : PORTS MARITIMES

Rapporteur spécial : M. Marc MASSION

(1) Cette commission est composée de MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, vice-présidents ; Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Emmanuel Hamel, René Régnault, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Philippe Marini, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Alain Richard, Maurice Schumann, Michel Sergent, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (l0ème legisl.) : 2222, 2270 à 2275 et T.A. 413.

Sénat : 76 (1995-1996).

Lois de finances.

PRINCIPALE OBSERVATION

1. La diminution constante du budget des ports maritimes devient préoccupante

Votre rapporteur ne peut que déplorer la diminution de - 4.6 % des crédits consacrés en 1996 aux ports maritimes, par rapport au budget voté de 1995. Cette diminution n'à certes rien d'exceptionnelle cette année, où une majorité des budgets sont présentés en baisse. Mais il importe de la resituer dans son contexte, qui est celui d'une érosion continue des concours de l'État aux ports maritimes.

L'an dernier, le regretté prédécesseur de votre rapporteur, M. Tony Larue, pouvait se féliciter de la très légère progression de + 0.5 % du budget des Ports maritimes, qui faisait suite à la baisse sensible de - 9,5 % enregistrée en 1994. Mais force est de constater que cette stabilisation affichée de l'effort financier de l'État en faveur des ports maritimes a été démentie en exécution, l'arrêté du 28 juin 1995 ayant annulé 63,5 millions de francs en crédits de paiement. En 1994 déjà, les annulations de crédits avaient porté sur 46 millions de francs. Cette pratique renouvelée de l'annulation de crédits, notamment aux titres IV et V, porte sur des montants importants (10% du budget initial en 1995) et rend difficile l'exécution du budget des ports.

Il semble que l'on ait atteint aujourd'hui des niveaux de dotation qui ne sont plus compatibles avec le simple entretien de l'outil portuaire.

La situation est particulièrement préoccupante pour les crédits du chapitre 44-34 "Ports autonomes maritimes - Participation aux dépenses", qui sont destinés au financement des dragages nécessaires pour garantir l'accès des installations portuaires quelles que soient les conditions de marée. Ainsi, la profondeur réglementaire n'est plus assurée dans les ports d'estuaire, particulièrement sujets à l'envasement.

AVANT-PROPOS

Mesdames. Messieurs.

Votre rapporteur a pour la première fois cette année l'honneur de vous présenter les crédits consacrés aux ports maritimes. Il se réjouit d'avoir ainsi l'opportunité d'aborder dans sa globalité un sujet que ses fonctions d'administrateur du port autonome de Rouen lui ont déjà rendu familier.

L'an dernier, à l'occasion du débat sur l'aménagement du territoire, l'importance des ports maritimes pour l'économie nationale avait été enfin reconnue. Plus récemment, le plan de relance de la politique de la mer rendu public à l'issue du Comité interministériel de la mer du 26 octobre dernier n'a pas oublié de prévoir un certain nombre de mesures de nature à améliorer la compétitivité des ports maritimes. On ne peut qu'approuver cette priorité affichée en faveur des ports, même s'il faut regretter qu'elle ne puisse pas se concrétiser sur le plan budgétaire.

Pourtant, les ports maritimes restent un secteur fragile de notre économie. Le regain d'activité que ceux-ci avaient commencé à enregistrer en 1993, après les perturbations de l'année précédente, ne s'est pas confirmé en 1994. On observe en effet une situation paradoxale : alors que le commerce extérieur de la France n'a jamais été aussi florissant, l'activité de nos plus grands ports a nettement fléchi. Ce paradoxe s'explique par le déconditionnement les flux commerciaux en valeur et les flux commerciaux en tonnage.

Ainsi, la moindre activité des ports maritimes en 1994 résulte essentiellement de la diminution marquée des importations de pétrole et des exportations de céréales. Ce fléchissement d'activité, qui a des raisons conjoncturelles, ne doit pas conduire à douter de la compétitivité des ports français.

Pour autant, l'effort de renforcement de leur compétitivité ne doit pas être relâché. Les réformes structurelles qui ont été lancées au cours des dernières années n'ont pas encore produit tous leurs effets. La réforme de la manutention semble encore fragile, tandis que la réforme de la domanialité publique dans les ports attend encore ses décrets d'application.

Ces chantiers déjà ouverts pourraient être prolongés par une modification du statut juridique des ports autonomes, si les propositions de M. Jacques Dupuydauby, président du Conseil national des communautés portuaires, étaient retenues par le gouvernement. La transformation de ces ports, actuellement établissements publics de l'État, en sociétés d'économie mixte ou sociétés nationales aurait pour conséquence une implication croissante des collectivités locales.

Votre rapporteur estime toutefois qu'il doit y avoir des limites au désengagement budgétaire de l'État et souligne l'importance de l'effet multiplicateur des fonds investis dans les ports maritimes en termes d'activité économique et d'emplois.

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES CRÉDITS

Le budget des ports maritimes est constitué par une fraction du fascicule IV - Mer du budget de l'Aménagement du territoire, de l'Équipement et des transports. Il ne correspond pas exactement au nouvel agrégat "Ports maritimes et littoral" qui, comme l'indique son intitulé, regroupe par ailleurs des crédits d'aménagement et de protection du littoral, mais il en forme l'essentiel.

Ainsi définis, les crédits inscrits au budget des Ports maritimes pour 1996 s'élèvent à 609,8 millions de francs, en diminution de - 4,6 % par rapport au budget voté de 1995 (639,3 millions de francs).

Toutefois, si l'on prend pour base les crédits effectivement disponibles après les annulations validées par le collectif budgétaire de juillet dernier, qui les avaient ramenés à 575.8 milliards de francs, on constate alors une progression de + 6 %.

(en million de francs)

A. LES DÉPENSES ORDINAIRES

1. Les dépenses de fonctionnement

Jusqu'à l'an dernier, le budget des Ports maritimes comportait des dépenses de personnel et d'informatique, constitués par la fraction des moyens des administrations maritimes qui est spécialement consacrée aux ports. Désormais, les articles budgétaires correspondants ne sont plus isolés, mais restent fondus dans l'agrégat "Administration générale et recherche" du budget de la Mer.

Ainsi, le titre III est tout entier constitué par le seul chapitre budgétaire 35-34 "Ports maritimes - Entretien et exploitation".

Avec une dotation de 38,8 millions de francs, ce chapitre diminue de - 3 % par rapport au budget voté de 1995 (40 millions de francs), les économies réalisées (- 3,2 millions de francs) dépassant les moyens nouveaux dégagés (+ 2 millions de francs).

Ces crédits, destinés à l'entretien des ports non autonomes directement gérés par l'État, n'ont été que peu concernés par les annulations de crédits du collectif budgétaire (- 430.000 francs).

2. Les dépenses d'intervention

Comme le titre précédent, le titre IV correspond à un chapitre budgétaire unique : 44-34 "Ports autonomes maritimes - Participation aux dépenses". Ce chapitre représente à lui seul près des deux tiers du budget des Ports maritimes (64,6 % exactement).

Il a été fortement touché par la régulation budgétaire : l'arrêté du 28 juin 1995 portant annulation de crédits l'a réduit de 33,9 millions de francs, soit 8,4 % de sa dotation initiale pour 1995 (404,7 millions de francs).

Aussi, avec une dotation de 432,8 millions de francs pour 1996, ce chapitre est en diminution de - 2,6 % par rapport au budget voté de 1995, mais s'inscrit en augmentation de + 6,3 % par rapport aux crédits effectivement disponibles cette même année.

B. LES DÉPENSES EN CAPITAL

Les crédits du titre V sont constitués par quatre des neuf articles du chapitre 53-30 "Ports maritimes et protection du littoral".

D'un montant de 175 millions de francs en crédits de paiement et de 157,2 millions de francs en autorisations de programme, ces dépenses d'investissement s'inscrivent en diminution de - 10 % en crédits de paiement et de - 15 % en autorisations de programmes, par rapport au budget voté de 1995.

Toutefois, par rapport à la loi de finances rectificative pour 1995, elles s'inscrivent en hausse de + 5,8 % en crédits de paiement et de + 2,1 % en autorisations de programme. Le chapitre 53-30 a en effet été sensiblement diminué par l'arrêté d'annulation du 28 juin 1995, qui l'a réduit de 29,2 millions de francs en crédits de paiement et de 30,7 millions de francs en autorisations de programme.

Le détail de ces dépenses en capital est le suivant :

a) les investissements de capacité, les opérations de modernisation et les grosses réparations effectuées dans les ports maritimes de Métropole. Les dotations correspondantes s'élèvent à 157,5 millions de francs en crédits de paiement et de 144,5 millions de francs en autorisations de programme, soit respectivement 90 % et 92 % du total des crédits du titre V.

Parmi les travaux financés, cinq opérations particulièrement importantes méritent d'être signalées :

- Dunkerque : terminale de la darse 4 ;

- Bordeaux : amélioration des accès ;

- Marseille : restructuration du secteur Joliette (trafics passagers et rouliers) ;

- Boulogne : requalification des ouvrages ;

- Bayonne : création d'une zone d'évitage au droit du banc Saint-Bernard.

b) Les grosses réparations d'entretien et de restauration dans les ports maritimes Outre-Mer, principalement Martinique et Guadeloupe. Les dotations correspondantes s'élèvent à 17,5 millions de francs en crédits de paiement et 12,7 millions de francs en autorisations de programme, soit respectivement 10 % et 8,1 % du total des dépenses du titre V.

c) Les études générales liées aux travaux d'aménagement, d'amélioration et de protection des ports maritimes. Les dotations correspondantes s'élèvent à 1,1 million de francs en crédits de paiement et 0,2 million de francs en autorisations de programmes, soit respectivement 0,6 % et 0,1 % du total des dépenses du titre V.

Enfin, le budget des Ports maritimes comporte cette année un titre VI, qui correspond à la participation de l'État aux infrastructures portuaires en Polynésie française dans le cadre du contrat de développement État-territoire de Polynésie française (1994-1998). Des montants de 2 millions de francs en crédits de paiement et de 4 millions de francs en autorisations de programme sont inscrits à ce titre à l'article 20 du chapitre 63-30 "Ports maritimes et protection du littoral".

C. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En seconde délibération, sur proposition du gouvernement, les crédits du chapitre 35-34 "Ports maritimes - Entretien et exploitation" ont été minorés de 776.000 francs, soit une réduction de 2 % de la dotation initiale.

En seconde délibération également, sur proposition du gouvernement et conformément au souhait exprimé par la commission des finances de l'Assemblée nationale, les crédits du chapitre 53-30, article 70 "Ports maritimes outre-mer" ont été majorés de 250.000 francs en autorisations de programme et en crédits de paiement, soit une augmentation de 1,4 % de la dotation initiale.

II. LE VOLUME D'ACTIVITÉ DES PORTS MARITIMES FLÉCHIT

A. L'ÉVOLUTION RÉCENTE DES TRAFICS

1. Les résultats de 1994 sont décevants

Résultats globaux de 1991

a) Les ports métropolitains

En 1994, l'activité des ports de commerce a régressé très légèrement de 0,20 % au total. Cette évolution, due principalement aux trafics de vracs, recouvre des situations contrastées : les entrées progressent (+ 2,7 %). mais les sorties diminuent (- 6,8 %).

La diminution de - 1.0 % de l'activité des ports autonomes explique seule cette diminution d'activité globale, toute les autres catégories de ports ayant enregistré une progression de leurs trafics : en volume, les ports autonomes représentent 77,7 % du trafic total des ports métropolitains.

Une analyse par catégorie de marchandises montre que ces résultats décevants résultent essentiellement des évolutions de fond relatives aux hydrocarbures et aux céréales.

Après avoir progressé de 6.1 % en 1993, les importations de pétrole brut ont diminué de 2.7 % en 1994. La consommation du marché intérieur est restée pratiquement à son niveau de 1993 (- 0.3 %). tandis que la production des raffineries a baissé de 2 % et les exportations de produits raffinés de 6.2 %. Seules les importations de produits raffinés augmentent de 4 %. La situation de l'industrie du pétrole s'est répercutée durement sur le trafic des ports.

De même, les sorties de vracs solides, essentiellement constituées de céréales, prennent de plein fouet les effets des changements de la politique agricole commune (PAC), qui se sont traduits en matière de trafics portuaire par des déstockages massifs fin 1993 et par un arrêt des exportations durant 1994, cette conjoncture affectant tous les ports exportateurs sans exception (seul Bordeaux limite la baisse grâce à ses exportations de maïs). Au total, les sorties de céréales chutent en 1994 de 35.5 %.

Il est toutefois rassurant de constater que les marchandises diverses, particulièrement sensibles à la concurrence et aux performances de la manutention, progressent assez nettement en 1994 de + 6.2 %. Cette progression est particulièrement sensible dans les ports d'intérêt national, qui réalisent plus de la moitié de ces trafics et enregistrent une hausse de 17.3 % en 1994.

En revanche, le trafic conteneurisé. Principalement concentré sur les ports autonomes et le port de Sète n'a pas pu encore bénéficier en 1994 des pleins effets de la réforme de la manutention et son volume global ne progresse que de 0,6 % régressant même sensiblement dans certains ports autonomes. Ce trafic diminue de 14,7 % à Dunkerque de 1,6 % au Havre, et de 0,8 % à Marseille, mais il progresse à Bordeaux (+ 5,7 %) et surtout à Nantes Saint-Nazaire (+ 12.3 %). à Rouen (+ 25.9 %) et à Sète (+ 47 %).

Enfin, le trafic roulier transmanche reste orienté à la hausse (+ 1 % en 1994) dans un contexte marqué par un repositionnement des compagnies livrées à la concurrence du tunnel. Dans ce contexte, il convient de noter un recentrage des trafics au profit de Calais (+ 21.5 %) et de Boulogne (+91,4 %), mais au détriment de Dunkerque (-22.27 %), ainsi que la bonne tenue des ports normands (+ 7 % à Dieppe, + 11,7 % au Havre, + 7,2 % à Caen et + 9,6 % à Cherbourg). Saint-Malo connaît un essor important de son trafic transmanche (+ 69,69 %). alors que Roscoff marque le pas.

b) Les ports d'Outre-Mer

Le trafic des ports d'Outre-Mer est très déséquilibré, le volume des importations étant près de quatre fois supérieures à celui des exportations. Il progresse de 6.7 % par rapport à 1993.

Les entrées de vracs progressent cette année de 8.5 % pour les vracs liquides et de 6.3 % pour les vracs solides.

Les marchandises diverses progressent partout (+ 4.6 % au total), que ce soit aux Antilles, en Guyane ou dans l'Océan Indien. Les mauvais résultats de la Guadeloupe (- 5.9 %) pèsent lourdement sur le total des sorties (+1.3%). masquant des hausses importantes dans la plupart des autres départements d'Outre-Mer.

2. Les premiers résultats de 1995 ne montrent pas d'amélioration

Les premières estimations concernent le trafic de dix-neuf ports métropolitains dont les six ports autonomes. Ce trafic global, toutes marchandises, s'élève à 144.4 millions de tonnes (MT) au 1er semestre 1995. soit une baisse de 4 % par rapport au 1er semestre 1994.

Le trafic des six ports autonomes métropolitains s'élève à 114,7 MT. en baisse de 4,9 % par rapport au 1er semestre de l'an dernier. Le trafic des treize autres ports métropolitains s'élève à 29.7 MT, en légère baisse de 0,6 % par rapport au 1er semestre 1994.

L'explication de cette baisse globale s'explique exclusivement par la forte chute du trafic pétrolier (- 10,8 %).

Le trafic des marchandises diverses s'élève à 37,2 MT. en hausse de 2 % par rapport au 1er semestre 1994. Le trafic marchandises diverses des six ports autonomes métropolitains s'établit à 19,6 MT soit une hausse de 7,7 % tandis que le trafic des autres ports métropolitains marque une baisse de 3,4 % à 17,6 MT.

Le trafic des marchandises conteneurisées, essentiellement assuré par les six ports autonomes, s'élève à 8,5 MT, soit une hausse de 9,5 % par rapport au 1er semestre 1994.

Le trafic de marchandises en vracs solides atteint 35,7 MT, en hausse de 2,4 %. Les six ports autonomes métropolitains assurent 28,5 MT (+ 2,5 %) tandis que les autres ports métropolitains affichent un tonnage de 7,2 MT, en hausse de 2,3 %.

Le trafic global de marchandises en vracs liquides se réduit à 71,3 MT et enregistre ainsi une forte baisse : - 9,7 %.

Le trafic des ports autonomes métropolitains s'établit à 66,5 MT, en baisse de 10,6 %. Celui des autres ports métropolitains s'inscrit à 4,7 MT (+5.8 %). Cette baisse est due au trafic des produits pétroliers qui subit une érosion encore plus forte à 65,9 MT. en baisse de 10,8 %.

B. COMPARAISON INTERNATIONALE

1. En dépit de certains indices de compétitivité...

Jusqu'en 1992 les statistiques douanières permettaient de déterminer, sur un certain nombre de destinations, les parts de marché des ports français et étrangers dans l'acheminement du commerce extérieur de la France. Cet indicateur, communément appelé "détras" ou "détournements de trafics" permettait de suivre l'évolution de la compétitivité relative des ports français par rapport à leurs concurrents.

La méthode utilisée consistait à comptabiliser à nos frontières terrestres la part du commerce extérieur acheminée par les ports français et celle acheminée par les ports étrangers. La suppression des contrôles aux frontières au 1er janvier 1993 a eu pour conséquence de rendre beaucoup plus difficiles les observations habituelles, ainsi que la mesure des parts de marché prises par les ports étrangers sur le commerce extérieur de notre pays.

Cette lacune devrait bientôt être comblée, avec l'adoption au Conseil des ministres européens du 18 juin 1995 du règlement relatif à l'action de la communauté dans le domaine statistique. Par ailleurs, le récent plan de modernisation des procédures administratives et douanières dans les ports (voir ci-après p.33.) comporte un important volet consacré au développement des outils d'observation du marché.

Dans l'immédiat, un autre indicateur peut toutefois être utilisé. Il s'agit du trafic de transit, que les places portuaires ont les moyens d'estimer, du moins en partie. Ce trafic est celui des marchandises débarquées ou embarquées dans les ports français en provenance de pays étrangers ou leur étant destinées. Il a représenté plus de 38,3 MT en 1994, soit une augmentation de 2 % par rapport à 1993 (37,7 MT).

Une bonne partie du trafic de transit des ports français est constituée de produits pétroliers, qui représentent en 1994 21,1 MT.

Le transit des vracs solides est réduit (0,6 MT) et concerne pour l'essentiel le port de Marseille qui assure un trafic d'éclatement de charbon vers l'Italie.

Le trafic de transit de marchandises diverses, qui représente la plus forte valeur ajoutée par la communauté portuaire, représente environ 17 MT. Il se décompose principalement en 1.5 MT pour les conteneurs (essentiellement de transbordement maritime au Havre et à Marseille), plus de 14 MT pour le trafic transmanche et 0,5 MT pour les autres diverses.

Ces résultats montrent que, dans une conjoncture peu propice aux trafics de grands vracs et de produits pétroliers et malgré l'attente, prolongée jusqu'au début de 1994, des effets de la réforme de la manutention sur le trafic conteneurisé, nos ports restent capables d'attirer les trafics des pays voisins. La progression de + 2 % des trafics de transit en 1994, alors que le trafic total diminuait de - 0.4 % cette même année, est un indice favorable de la compétitivité des ports français.

2. ...les performances des ports français sont moins bonnes que celles de leurs concurrents européens

Dans l'ensemble, on observe en 1994 une progression régulière et homogène des trafics des ports de l'Europe du Nord et des évolutions beaucoup plus contrastées en Méditerranée et le long de l'Atlantique. Les ports autonomes français paraissent se situer en dessous de la moyenne des autres ports européens, mais cette comparaison doit être faite avec prudence, car les baisses des importations de vracs (pétrole, charbon, etc.) et des exportations de céréales imputables à des difficultés de conjoncture et non à des pertes de compétitivité, pèsent très lourdement sur les résultats des ports autonomes français.

Comparé à 1993, le trafic des ports autonomes français a baissé de 1,8 % en moyenne alors que celui des principaux ports allemands a progressé de 5,3 %, celui des principaux ports du Benelux de 4,5 %, celui des principaux ports méditerranéens de 5,9 % et celui des principaux ports de l'Atlantique de 3,3 %.

Comparativement aux ports français, Hambourg a un trafic en hausse de 3,8 %, Brême Bremerhaven de 8,9 %, Rotterdam de 4,1 %, Anvers de 7,5 %, Bilbao de 1.9 %. Barcelone de 15.3 % et Gênes de 5,7 %.

III. LA SITUATION FINANCIÈRE DES PORTS AUTONOME EST DÉLICATE

La situation financière des ports autonomes, qui représente près de 80 % du trafic total en tonnage des ports français, a été fragilisée en 1994 malgré la reprise des trafics de marchandises diverses, en raison de la baisse des trafics les plus rémunérateurs, en particulier les exportations de céréales, les importations de charbon et de gaz énergétiques, et les trafics de produits pétroliers.

A. UN EFFORT CONSTANT DE MODÉRATION DES TARIFS

Les tarifs portuaires publics perçus au profit des ports autonomes comprennent les droits de port et les taxes d'usage de l'outillage public.

Le niveau des tarifs portuaires, fixé au plan local selon une procédure déconcentrée, est fonction de la situation de chacun des établissements. La loi fait d'ailleurs obligation au conseil d'administration de chaque port autonome de soumettre chaque année à l'approbation des autorités compétentes un état prévisionnel des produits et charges d'exploitation et des opérations en capital. Cet état doit comporter un compte prévisionnel d'exploitation présenté à l'équilibre.

Outre ces tarifs portuaires publics, il convient de mentionner, à la charge du navire, les tarifs de pilotage, de remorquage et de lamanage dont la fixation relève le plus souvent d'entreprises privées, mais qui n'en ont pas moins un impact non négligeable sur la compétitivité d'un port. Il faut aussi mentionner, à la charge de la marchandise et pour partie, du navire, les tarifs de manutention dont le poids est prépondérant dans le coût de passage portuaire pour les marchandises diverses.

Pour les six ports autonomes métropolitains, les relèvements de tarifs intervenus au cours des trois dernières années ont été les suivants :

1993 : Les tarifs des droits de ports ont été augmentés de 0,90 % à Dunkerque, 2,80 % au Havre, 4,00 % à Rouen. 2.70 % à Nantes Saint-Nazaire, 2,50 % à Bordeaux et de 3,00 % à Marseille.

Les tarifs d'outillages ont suivi la hausse des droits de port à Dunkerque, au Havre, à Bordeaux et à Marseille. Ils ont augmenté de 2,50 % à Rouen et de 3,00 % à Nantes-Saint-Nazaire.

1994 : Les tarifs des droits de ports ont été augmentés de 1,60 % à Dunkerque, de 1,00 % au havre, de 0,40 % à Rouen, de 2,60 % à Nantes Saint-Nazaire, de 3,00 % à Bordeaux et de 1,90 % à Marseille.

Les tarifs d'outillage ont suivi la hausse des droits de port à Marseille. Ils ont augmenté de 2,50 % à Dunkerque, de 1,30 % à Nantes Saint-Nazaire et à Bordeaux. Ils sont restés globalement à leur niveau de 1993 à Roue et au Havre.

1995 : Les tarifs des droits de port ont été augmentés de 1,50 % au Havre et à Marseille, 1,90 % à Dunkerque, 3,50 % à Rouen, 4,50 % à Nantes Saint-Nazaire et 1,00 % à Bordeaux.

Les tarifs d'outillage ont suivi la hausse des droits de port à Dunkerque, à Nantes Saint-Nazaire et à Marseille. Ils ont augmenté de 1,00 % au Havre, de 2,00 % à Rouen et de 1,50 % à Marseille.

On notera qu'il n'y a pas d'évolution uniforme des tarifs en raison de l'autonomie commerciale des ports.

Par ailleurs, à l'exception de situations particulières, la tendance générale est depuis plusieurs années à la modération des hausses lesquelles recouvrent souvent de véritables baisses ciblées sur tel ou tel trafic dans le cadre d'une politique commerciale d'ensemble. Confrontés à la concurrence des ports étrangers, les ports français s'efforcent de maintenir leurs tarifs en deçà ou dans les limites du niveau prévisible de l'inflation.

B. UNE FAIBLE PROGRESSION DU CHIFFRE D'AFFAIRES

Le chiffre d'affaires des ports autonomes métropolitains, qui regroupe les prestations de services des ports (droits de port, taxes d'outillage, recettes des domaines et concessions, autres prestations de services) s'est établi à 3,015 milliards de francs en 1994, contre 3,052 milliards de francs en 1993, soit une diminution de -1,2 %.

Selon les dernières prévisions des ports autonomes, leur chiffre d'affaire global pour l'année 1995 serait de 3,087 milliards de francs, ce qui représenterait une progression de + 1,1 % par rapport à 1994.

La composition du chiffre d'affaires est stable depuis 1993 : les droits de port constituent 51 % du chiffre d'affaires de l'ensemble des ports autonomes, les recettes d'outillage assurent 28,7 % du total des recettes et les produits des domaines en représentent 14,3 %.

Décomposition du chiffre d'affaires en MF constants de 1994

Il convient de souligner la part prépondérante des recettes liées aux produits pétroliers (hors gaz pétrolier liquide), qui représentaient en 1994 un peu plus de 42 % des droits de port et d'outillage.

DROITS DE PORT ET TAXES D'OUTILLAGE en 1994

Il en résulte que tout fléchissement des trafics pétroliers a un fort impact négatif sur les résultats financiers des ports autonomes.

C. UNE DÉGRADATION DES RÉSULTATS FINANCIERS

Après avoir connu une longue période de déficit, le résultat net global des ports était redevenu positif de 1988 à 1992. En raison des conflits sociaux persistants au Havre et à Marseille, de la conjoncture économique morose et de phénomènes externes tels que la baisse des importations de charbon par EDF, l'année 1993 a connu un résultat négatif de - 42 millions de francs.

En 1994, ce déficit s'est encore aggravé pour atteindre près de 50 millions de francs, du fait des résultats négatifs enregistrés au Havre (-17 millions de francs) où les accords sociaux n'ont été signés que durant l'été 1994, et surtout à Rouen (- 36 millions de francs) en raison de la baisse des trafics de vracs solides (céréales essentiellement).

En 1995, les ports se sont engagés dans une réduction significative de certains de leurs postes de dépenses afin de réduire le déficit d'exploitation, qui serait inférieur à 20 millions de francs.

Évolution du résultat net global des PA en MF

IV. LA MODERNISATION DE LA FILIÈRE PORTUAIRE : OMBRE ET LUMIÈRE

A. LA RÉFORME DE LA MANUTENTION SEMBLE ENCORE FRAGILE

1. Les objectifs immédiats de la loi du 9 juin 1992 sont atteints

Trois années après le vote de la loi du 9 juin 1992 la réforme de la manutention portuaire a été mise en oeuvre dans tous les ports concernés sans exception : des accords y ont été conclus, des plans sociaux d'accompagnement visant à résorber les sureffectifs y ont été appliqués et la plupart des dockers professionnels restant ont été mensualisés.

Entre fin juin 1992 et fin juin 1995, le nombre de dockers professionnels ayant la carte "G" (carte professionnelle instituée par la loi du 6 septembre 1947 et conférant à son possesseur la priorité d'embauche et l'indemnité de garantie en cas d'inemploi) est passé officiellement de 8151 à 4149, mais en fait à 3847 si l'on ne retient que les ouvriers dockers en situation d'activité.

La plupart de ces dockers professionnels sont maintenant mensualisés, et leur répartition est la suivante :

(1) Ce chiffre comprend les dockers intermittents en invalidité ou handicapés, ce qui ramène le chiffre des dockers professionnels restés au travail à 3 847 et celui des dockers intermittents à 486

Ces nombres représentent la situation actuelle mais des programmes de mensualisation sont toujours en cours. A la fin de cette année il ne devrait plus rester que de l'ordre de 360 intermittents, dont la 2/3 est à Marseille.

La mensualisation s'est donc largement développée, puisque, si l'on écarte les dockers intermittents handicapés ou en maladie de longue durée, dans 20 bureaux centraux de la main d'oeuvre (BCMO) sur 31 il n'y a actuellement plus aucun docker professionnel intermittent en situation d'activité.

Quant aux dockers occasionnels, leur dénombrement n'a guère de signification car il n'en n'existe pas officiellement de liste exhaustive : toute personne devenant docker occasionnel dès lors qu'elle accomplit une tâche de docker.

En trois ans. 4.079 dockers professionnels titulaires de la carte "G" ont quitté la profession dans le cadre des plans sociaux, soit en mesure d'âge, soit en reconversion.

2. Un coût considérable

Le coût total des plans sociaux accompagnant la réforme a été estimé à 4 milliards de francs.

Ce coût total se répartit en deux parts égales, 2.021 milliards à la charge de l'État, 2 029 milliards à la charge des places portuaires.

S'il est possible de distinguer pour chaque port la part de l'État et la part locale, il n'est par contre guère possible, et surtout non significatif, de préciser la part de chaque intervenant dans la part locale, tant les montages financiers sont différents et non comparables.

Ainsi, en ce qui concerne les collectivités locales, celles-ci ont également considéré, mais pas toujours, qu'elles n'avaient pas à intervenir dans le financement d'un plan social. Mais, souvent, eu égard à l'intérêt économique local de la réussite de la réforme, elles ont aidé financièrement le port par d'autres biais, par exemple par des aides à des investissements, si bien qu'elles ont en réalité participé au financement de la réforme.

De même, les ports autonomes ont pris à leur charge une part importante du financement des plans sociaux, le reliquat étant à la charge des employeurs.

Au total, les estimations de la part de l'État et de la part locale pour le financement des plans sociaux dans les différents bureaux centraux de la main-d'oeuvre (BCMO) sont les suivantes :

Il convient de souligner que pour l'État, l'essentiel de la charge est supportée par le Fonds National de l'Emploi. Le budget de la Mer ne prend en charge que trois catégories de mesures particulières :

- la contribution de l'État (100.000 F) à l'indemnité de reconversion au profit des ouvriers dockers volontaires :

- les mesures de reconversion et les mesures d'âge au-delà de la première période de 10 mois de droit commun, à hauteur de 50 % ;

- en cas de reclassement effectif avant l'échéance du congé de conversion de 18 mois, la prise en charge, par capitalisation, de la moitié d'une somme correspondant à 65 % des allocations restant dues jusqu'à la fin du congé de conversion.

Les crédits correspondants sont imputés sur le chapitre 46-37. Article 40, qui n'est pas abondé en loi de finances initiales, mais régulièrement alimenté en loi de finances rectificatives.

3. Une application conventionnelle pas toujours respectueuse de l'esprit de la loi

Conformément à la loi du 9 juin 1992. Une convention collective nationale de la manutention portuaire a été signée par l'Union Nationale des Industries de la Manutention (UNIM) et l'ensemble des syndicats le 18 avril 1994.

Globalement, la convention collective est un document qui apparaît équilibré et qui s'inscrit bien dans l'esprit de la réforme. Elle ne concerne pas exclusivement les personnels dockers titulaires d'une carte "G", mensualisés ou intermittents, mais l'ensemble des ouvriers dockers, conformément à la loi, ainsi que des salariés des entreprises de la branche, y compris les employés, les cadres et les ouvriers non dockers. Ses dispositions se fondent sur les principes du droit commun du travail et elle assure la liberté d'opinion et la liberté syndicale au sens le plus large.

Toutefois, la négociation des accords locaux complétant cette convention nationale a parfois été difficile. L'activité des deux plus grands ports français, Marseille et le Havre, a ainsi été encore perturbée au cours de l'année 1994. Ces perturbations ont affecté notamment le trafic conteneurisé, activité pour laquelle la manutention est cruciale. Alors que ce trafic a progressé en 1994 de 26 % à Rouen et de 12,7 % à Nantes, il a diminué de cette même année de 1.6 % au Havre et de 0.8 % à Marseille.

Les accords qui ont été finalement conclus dans ces deux ports devraient leur permettre de retrouver une activité plus normale, mais ils semblent déroger à l'esprit de la loi du 9 juin 1992. Au Havre. 200 apprentis ont été intégrés à la main-d'oeuvre permanente. A Marseille, un contingent de dockers "occasionnels" a été constitué.

La conclusion d'accords analogues dans les autres ports maritimes pourrait aboutir à remettre en cause, par voie conventionnelle, les acquis de la réforme de 1992.

B. LA RÉFORME DE LA DOMANIALITÉ MONTRE CERTAINES LACUNES

1. Une réforme attendue

Les règles, très contraignantes, de la domanialité publique ont souvent constitué des obstacles à une gestion dynamique des ressources foncières des ports maritimes.

En effet, ces règles (inaliénabilité. imprescriptibilité, caractère précaire et personnel des occupations, impossibilité de constituer des droits réels immobiliers), définies pour protéger le domaine public, s'opposaient de plus en plus aux besoins économiques et à la mobilisation des investissements privés indispensables au développement des ports et des emplois industriels et portuaires.

Or, selon le groupe de travail présidé par M. Querrien, seule une réforme législative pouvait, sans remettre en cause les critères et l'étendue du domaine public, reconnaître à des occupants privés du domaine public un droit de propriété sur les constructions érigées et le droit de recourir à des sûretés réelles pour garantir les emprunts nécessaires à la réalisation de ces constructions.

2. La loi du 26 juillet 1994 relative à la constitution de droits réels sur le domaine public

La loi n° 94-631 du 25 juillet 1994 modifie le code du domaine de l'État et conduit à la délivrance d'autorisations d'occupation temporaire du domaine public constitutives de droit réel. Ces dispositions sont applicables à la totalité du domaine public de l'État, à l'exception du domaine naturel. Cependant, les ports maritimes qui, tout comme les aéroports, sont susceptibles d'accueillir des entreprises industrielles ou commerciales sont particulièrement concernés.

La loi dispose que le titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire, mais aussi, sous certaines conditions, le titulaire d'une concession de service public ou d'outillage public, dispose d'un droit réel sur les ouvrages, constructions et installations qu'il réalise dans le cadre de cette autorisation. La durée totale de l'autorisation ne peut excéder 70 ans.

Ce droit s'analyse comme une sorte de droit de propriété, mais limité dans le temps et limité dans sa portée : cessible, mais avec l'agrément du propriétaire du domaine, hypothécable, mais uniquement pour couvrir des dettes créées par la réalisation de l'ouvrage faisant l'objet des droits.

L'occupation reste temporaire et révisable mais, en cas de résiliation anticipée, le titulaire sera indemnisé du préjudice direct, matériel et certain.

La loi prévoit aussi le recours au financement par voie de crédit-bail des équipements autres que ceux affectés à un service public ou exécutés par une personne publique dans un but d'intérêt général.

Ces dispositions sont applicables au domaine public des établissements publics de l'État, tels les ports autonomes, qu'il s'agisse du domaine de l'État dont ils assurent la gestion ou de leur domaine propre.

3. Un texte décevant par bien des aspects

Dans son récent rapport sur la filière portuaire (1 ( * )) M. Jacques Dupuydauby, président du Conseil national des communautés portuaires a porté un jugement assez critique sur la loi du 24 juillet et la façon dont elle est appliquée.

Tout d'abord, il relève le retard de publication du décret qui doit conférer les compétences nécessaires aux ports autonomes et aux concessionnaires des ports d'intérêt national enlève beaucoup d'efficacité à la parution de ces textes. Ainsi, a ce jour, ni les ports autonomes, ni les Chambres de Commerce et d'Industrie concessionnaires ne sont habilités à délivrer des autorisations constitutives de droits réels sur le domaine public de l'État dont ils ont la gestion.

Sur le fond, M. Jacques Dupuydauby relève de nombreuses difficultés ou insuffisances :

? La nécessité de publier aux hypothèques les droits réels pour qu'ils produisent des effets à l'égard des tiers entraîne l'obligation de cadastrer le domaine public maritime.

? Le recours au crédit-bail est limité aux seuls investisseurs privés et les concessionnaires ou entreprises publiques n'auront pratiquement aucune possibilité de bénéficier de ces dispositions. Au demeurant, la première mesure réglementaire prise par le Gouvernement de fixer à un seuil de 20 millions de francs seulement les investissements des concessionnaires de service public, d'outillage public ou nécessaire à la continuité du service public, qui sont soumis à un double accord ministériel, n'est pas de nature à responsabiliser les acteurs portuaires.

? Les textes ne sont pas applicables au domaine public des collectivités locales, ni au domaine de l'État mis à disposition dans le cadre des lois de décentralisation ou transféré en gestion : ceci entraîne donc une distorsion de traitement supplémentaire entre les ports maritimes relevant de l'État et les autres.

? La loi ne traite que de l'avenir et des autorisations en cours de validité dont les ouvrages autorisés font l'objet de modifications substantielles : les droits des occupants restent donc aussi ambigus qu'auparavant, alors que l'annonce de la loi avait laissé espérer la résolution de tous les problèmes.

? Enfin, se pose le problème du retour des produits de cession aux gestionnaires des ports. Les terrains et terre-pleins inclus dans le domaine de l'État, remis en jouissance aux ports autonomes, concédés ou utilisés par les Chambres de Commerce et d'Industrie concessionnaires dans les ports non autonomes, ont été en général réalisés ou mis en valeur avec une participation très significative du trafic maritime au travers des droits de port et taxes payés souvent depuis des décennies.

Lorsque, par suite de l'évolution de l'activité portuaire ou de l'urbanisme, ils ne deviennent plus utiles au port, ils pourraient être aliénés ou changés d'affectation au sein du domaine public.

Pendant longtemps, les ports ne trouvaient qu'un intérêt financier limité à ces opérations, le retour des produits de cession étant limité, dans des périmètres déterminés, au réemploi pour des acquisitions foncières. Cette situation s'est améliorée pour les ports autonomes ces dernières années. En effet, par une lettre interministérielle a été reconnu la possibilité de récupérer 90 % de ces produits pour un investissement libre par le port autonome. Par ailleurs, l'attribution au port autonome de l'indemnité de changement d'affectation a été admise dans un certain nombre de cas.

Cependant, la procédure du fonds de concours a été retenue ce qui conduit à des délais supérieurs à un an et à un passage systématique par le Ministère du Budget pour les premières opérations. En ce qui concerne les changements d'affectation, il ne s'agit que d'un usage qui est contredit par certaines dispositions du code des ports maritimes. En ce qui concerne les ports concédés, aucune disposition explicite ne prévoit le retour au gestionnaire public des produits résultant de restructuration du domaine qu'il exploite et qu'il a contribué à valoriser par les redevances perçues sur le trafic.

La loi du 24 juillet 1994 est encore trop récente pour qu'il soit possible d'en tirer un premier bilan. On peut raisonnablement espérer que de nouveaux investissements privés, créateurs d'emplois et porteurs de recettes foncières en découleront.

Il est à craindre néanmoins que les investisseurs étrangers soient peu attirés par ce nouveau régime légal, seuls les investisseurs français étant avertis que les clauses de précarité figurant dans les autorisations sont plus théoriques que réelles.

C. LES AVANCÉES RÉCENTES

1. La contribution des douanes à la compétitivité des ports

A l'issue du Comité interministériel de la mer du 26 octobre dernier, le ministère du Budget a rendu public un plan tendant à associer les services des douanes à la modernisation de la filière portuaire.

Ce plan comporte trois axes d'actions prioritaires :

1 Favoriser l'implantation, dans les ports français, de services logistiques, industriels et commerciaux, créateurs d'emplois nouveaux.

Dans ce but seront adaptées et assouplies les pratiques administratives pour répondre aux besoins spécifiques des entreprises : globalisation du cautionnement des opérations douanières, élargissement du bénéfice de l'entrepôt franc aux opérateurs privés, développement des possibilités de stockage des marchandises en suspension de droits et taxes, offre d'une palette de procédures de dédouanement simplifiées.

2 Accélérer la fluidité du passage portuaire

A cette fin, seront accélérées les conditions de délivrance des documents administratifs obligatoires, les formalités douanières grâce, en particulier, au développement de moyens informatiques et télématiques permettant de promouvoir le pré dédouanement (développement de l'informatisation de la chaîne portuaire et amélioration des interfaces entre les systèmes informatiques des ports et le système informatique douanier) ; seront aussi renforcées la coordination et la simultanéité de tous les contrôles des services administratifs de l'État lors des opérations d'importation ou d'exportation (contrôles douaniers, sanitaires et vétérinaires).

3 Placer les enceintes portuaires françaises dans les conditions optimales de concurrence

A compter du 1er janvier 1996, les opérateurs pourront effectuer leurs opérations de dédouanement dans le bureau de douane de l'État membre de leur choix.

C'est pourquoi il importe que soit, en toute priorité, poursuivie la politique d'harmonisation communautaire : harmonisation des méthodes d'intervention et de contrôle des services douaniers aux frontières extérieures de la Communauté, harmonisation des sanctions administratives douanières et des mesures d'effet équivalent.

Ce plan prévoit également des mesures permettant aux entreprises de bénéficier des avantages directement liés à la mise en oeuvre de la réglementation communautaire relative à la création d'entrepôts fiscaux. Ceux-ci permettront de stocker certaines marchandises communautaires en suspension de taxe (TVA ou taxes parafiscales). La simplification des conditions d'octroi du statut de représentant fiscal est également mise en oeuvre.

2. Vers une modification du statut juridique des ports ?

Dans son rapport précité, M. Jacques Dupuydauby trace les voies d'une réforme statutaire des ports maritimes, considérant que le cadre fixé en 1965 ne suffit plus aujourd'hui à prendre en compte leur double nature :

- Les ports exercent par certaines de leurs activités une mission de service public et bénéficient de prérogatives de puissance publique. Ils ont un rôle moteur en matière d'aménagement du territoire et de développement régional et sont le siège d'investissements publics importants.

- Mais, les ports sont aussi des entreprises vendant un service et dont le souci premier doit être la satisfaction de leurs clients dans un contexte concurrentiel. Enfin, ils sont le siège d'investissements privés et doivent, à ce titre, favoriser l'exercice des activités privées qui s'exercent sur leur domaine.

L'ensemble de ces éléments impose un équilibre entre les interventions de l'État, des collectivités locales et des établissements gestionnaires des équipements portuaires.

Dès lors que l'on admet d'une part, que l'autonomie des ports vis-à-vis de l'État doit prendre son vrai sens et, d'autre part, que la fonction commerciale des ports doit se voir reconnaître la première place, on est inévitablement conduit à recherche une modernisation d'un cadre juridique maintenant trentenaire.

Incontestablement, la loi de 1965 a introduit une certaine confusion en regroupant au sein des ports deux types de prérogatives de nature sensiblement différentes : celles qui relèvent du droit régalien de l'État, dont le caractère de service public est sans ambiguïté, et d'autres activités à caractère industriel et commercial.

De ce fait, la plupart des problèmes portuaires, qu'ils soient d'ordre financier ou stratégique, butent généralement sur l'absence de clarté du rôle de l'État et sur les prérogatives attribuées aux ports.

M. Jacques Dupuydauby propose en conséquence un plan de restructuration portuaire de cinq ans en deux phases, au cours desquelles chaque port autonome, rendu plus libre de sa gestion, pourra lui-même décider de son statut futur :

1 Dans une première phase de trois ans, chaque port deviendrait un établissement public industriel et commercial (EPIC) de plein exercice avec tout ce qui s'y rattache, et notamment une beaucoup plus grande souplesse de gestion.

Pour affronter la concurrence suscitée par les règles communautaires, ces EPIC auraient la possibilité de créer des filiales, sans autorisation préalable de l'État. Il leur serait aussi reconnu le droit de pratiquer une politique commerciale dynamique, comportant notamment la possibilité de moduler facilement les tarifs d'usage et d'accorder librement des rabais et ristournes aux usagers.

2 Au plus tard à l'issue des trois premières années de ce régime transitoire, le conseil d'administration de chaque port autonome devrait présenter au gouvernement ses voeux quant à l'évolution de son statut vers trois formules possibles : maintien en EPIC transformation en Société d'Économie Mixte (SEM) transformation en entreprise publique, une telle mutation se fondant sur le principe du maintien de l'engagement de la puissance publique dans le fonctionnement des Ports français, mais selon des formules adaptées, et donc souples et différenciées.

L'un des objectifs de cette évolution est la transformation de la majorité des six ports autonomes en SEM dans le capital desquelles pourront entrer des partenaires publics autres que l'État ou privés, ceci en fonction du contexte local de chacun d'entre eux, les uns ayant une vocation à s'affirmer comme des entités régionales ou interrégionales, les autres à devenir des instruments économiques nationaux.

Pour les plus importants de nos ports autonomes, l'évolution de leur structure pourrait conduire à proposer au Législateur de transformer ces établissements publics en entreprises publiques, tout en autorisant les collectivités territoriales intéressées à acquérir une partie du capital de ces sociétés, dont l'organisation s'inscrirait dans le cadre de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales et de la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.

Dans les trois hypothèses, il ne s'agit donc ni de privatisation, ni de régionalisation, de telles évolutions n'étant pas souhaitables. Le seul but poursuivi serait d'introduire une plus grande souplesse dans la gestion de l'outil portuaire français et une meilleure association des opérateurs privés et des collectivités locales à leur fonctionnement.

Cette mutation serait la conséquence logique de l'évolution à la baisse des crédits budgétaires affectés par l'État aux investissements dans les ports, ayant eu pour contrepartie une augmentation des participations des collectivités locales. Elle implique une redéfinition des responsabilités respectives de l'État et des collectivités locales.

ANNEXE :

L'EXÉCUTION DES CONTRATS DE PLAN 1994-1998

Les opérations d'infrastructure portuaire contractualisées par la nouvelle génération des contrats de plan État-Région sont les opérations présentant un intérêt stratégique pour le développement de notre économie et de notre commerce extérieur. Elles concernent principalement les ports autonomes : extension de terminaux à conteneurs et marchandises diverses, programmes structurels d'amélioration des accès, par exemple. Quelques opérations sont également programmées dans les ports d'intérêt national dans la mesure où, favorisant la desserte de l'arrière pays de ces ports, elles contribuent à l'aménagement du territoire.

L'enveloppe financière, dans les contrats de plan État-Région 1994-1998, sera affectée au titre du budget de la Mer aux grandes opérations d'équipements d'infrastructures des ports maritimes de métropole et d'outremer s'élève pour les années à 755.9 millions de francs.

Par ailleurs, les collectivités locales participeront, pour un montant équivalent de 700 à 800 millions de francs, au financement de ces opérations.

En outre, dans le cadre du contrat de développement entre l'État et le Territoire de Polynésie Française, il est prévu une participation du budget de la Mer à hauteur de 20 millions de francs pour l'amélioration des infrastructures portuaires dans différentes îles de Polynésie.

La liste des opérations, les participations financières de l'État affectée à chacune d'elles pour l'ensemble des années 1994 à 1998, ainsi que les réalisations de 1994 et la programmation de 1995 sont indiquées dans le tableau ci-après.

CONTRATS DE PLAN ÉTAT-RÉGION 1994-1998 INVESTISSEMENT DANS LES PORTS MARITIMES

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 8 novembre 1995 sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission a procédé à l'examen des crédits du budget de l'Aménagement du territoire, Équipement et Transports - IV - Mer -Ports maritimes pour 1996.

M. Yann Gaillard a suggéré que le rapporteur spécial interroge le ministre sur la question de l'application inégale de la loi de 1992 sur la manutention. Il a par ailleurs estimé que la France n'avait jamais vraiment eu de politique portuaire et qu'à l'extrême, elle pourrait se contenter de deux grands ports seulement, l'un sur sa façade méditerranéenne, l'autre sur sa façade atlantique. Il a jugé particulièrement navrante la multiplicité des ports dans les départements d'outre-mer, qui sont situés dans des zones particulièrement soumises à la concurrence internationale.

Mme Marie-Claude Beaudeau a mis en exergue le contraste entre le quatrième rang mondial tenu par la France pour les exportations et son vingt-cinquième rang pour sa flotte. Elle a estimé que la division par deux des effectifs du personnel de manutention donnait la mesure du déclin maritime de notre pays.

M. Alain Richard s'est inquiété de l'évolution de la part des ports français dans les trafics portuaires européens.

M. Jacques Rocca Serra, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, a regretté le manque de choix stratégiques des Gouvernements précédents et estimé que ces choix devaient être faits aujourd'hui sous une forte contrainte budgétaire pour être appliqués avec une volonté politique sans faille. Il a souligné que les ports avaient une importance stratégique dans l'éventualité d'un conflit.

M. Marc Massion, rapporteur spécial, a indiqué qu'à sa connaissance les annulations de crédits de 1995 n'avaient pas porté sur des crédits non consommés. Après avoir estimé que l'application de la loi de 1992 sur la manutention devait être la même dans tous les ports, il a indiqué qu'en tant qu'administrateur du port de Rouen il avait pu observer les effets bénéfiques de cette réforme qui avait permis de récupérer depuis trois ans des trafics qui avaient été détournés vers le port d'Anvers.

* 1 " Une volonté portuaire pour une ambition maritime" - Rapport sur la filière portuaire Jacques Dupuydauby - 50 septembre 1995

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