B. LES AUTOROUTES DE L'INFORMATION EN FRANCE

Les autoroutes de l'information passeront par le câble, acteur déterminant pour la distribution de nouveaux services interactifs, et le développement du multimédia.

Elles ne devront toutefois pas être, dans les années à venir, ce que le plan câble a été dans les années quatre-vingt.

1. Les suites du rapport Théry

a). Un « plan câble » - bis ?

Le rapport THÉRY a été perçu comme la « seconde mort du câble (31 ( * )) »

La mise à niveau, en France, du réseau câblé pour pouvoir accueillir les autoroutes de l'information serait tellement coûteuse, qu'il serait préférable de tout reconstruire en fibre optique, sans se préoccuper du câble dont l'utilité ne saurait être que locale.

Les critiques techniques sont de deux ordres.


En premier lieu, l'architecture des réseaux câblés, arborescente (en étoile) pour leur grande majorité, les destine exclusivement à la télédiffusion.

L'information ne peut aller que dans un seul sens, ce qui interdit l'interactivité, atout majeur des autoroutes de l'information. Par ailleurs, la structure arborescente interdit la communication de point à point, que, seules, autorisent les structures en étoile.

Au centre des réseaux en étoile, sont situés les commutateurs ATM, qui permettent d'adapter la capacité de transmission entre deux ou plusieurs abonnés à de très hauts débits (images animées, fichiers informatisés, logiciels...) ou à de faibles débits (simples appels téléphoniques). Il s'agit de réseaux de TÉLÉCOMMUNICATION, et non pas seulement de réseaux de diffusion.


•Le réseau câblé français souffre, en second lieu, d'être bâti en fibre coaxiale, dont les capacités de transmission sont bien moindres que celles de la fibre optique, limitant ainsi à terme ses capacités.

La fibre optique ne véhicule pas des signaux électriques, mais un signal lumineux, dont la modulation est porteur d'informations. Sa capacité de transmission permet de couvrir de très longues distances avec un amplificateur de signal placé tous les 10 à 100 km (à comparer avec les 200 à 1000 mètres pour un câble coaxial). Grâce à la transmission numérisée, la fibre optique permet la diffusion de nombreux programmes, avec une voie de retour (interactivité) très performante.

Avec une majorité de réseaux de distribution bâtis en arbre et en coaxial il paraît difficile au câble français d'avoir une place dans les autoroutes de l'information.

Les câblo-opérateurs français font valoir que leurs réseaux ont le mérite d'exister et d'avoir coûté largement plus de 30 milliards de francs. De plus, les progrès de la compression numérique autorisent l'offre d'une très large gamme de services multimédia. En outre, la voie de retour, nécessaire pour l'interactivité, quoique de faible capacité sur la plupart des réseaux, permet néanmoins d'exploiter un grand nombre de services, tels que la vidéo à la demande. Enfin, au prix de quelques aménagements, le réseau câblé serait en mesure d'offrir des services de TÉLÉCOMMUNICATION locaux, à des coûts moindres que ceux pratiqués par FRANCE TÉLÉCOM dont les tarifs sont encore protégés par le monopole.

Les expérimentations issues de l'appel à propositions déposées auprès du Ministère de l'Industrie le 23 janvier 1995 auraient dû permettre de lever les doutes sur les capacités réelles de ces réseaux.

Les projets qui dérogeaient à la réglementation n'ont donc pas été retenus et, parmi eux, ceux des câblo-opérateurs alliant câble et téléphone. Le Gouvernement a, en effet, considéré que remettre en cause le monopole de FRANCE TÉLÉCOM sur les télécommunications locales, même à titre expérimental, était prématuré et nécessitait, en tout état de cause, une modification de la législation.

Toutefois le Gouvernement -prenant le contre-pied du rapport Théry a reconnu la nécessité de concilier les futurs réseaux et ceux qui sont actuellement en service.

Les câblo-opérateurs ne cachent donc pas leur volonté d'être présents sur cet immense chantier, malgré le monopole de FRANCE TÉLÉCOM sur le téléphone, qui constitue 80 % environ de son chiffre d'affaires. Ce secteur est cependant supposé s'ouvrir à la concurrence, sous l'impulsion de Bruxelles, en 1998. Les services téléphoniques constituent, en effet, bien davantage que les services multimédia une source de rentabilité évidente pour le réseau câblé. Tel est bien, à terme, l'objectif visé par les câblo-opérateurs lorsqu'ils revendiquent une place sur les autoroutes de l'information.

Pour représenter un marché vaste et homogène, faut-il encore que les réseaux soient interconnectés, ce qui suppose que soit défini le meilleur maillage permettant de relier entre eux les réseaux des villes câblées et que sort également déterminée l'autorité territoriale compétente pour établir le schéma d'interconnexion. Si la loi de 1986, relative à l'audiovisuel, et celle de 1990, relative aux télécommunications, donnent aux municipalités autorité sur l'établissement et l'exploitation des réseaux câblés municipaux, l'interconnexion leur échappe. C'est la Région qui préside à l'établissement du Projet de construction du vaste réseau « Cristal » en Alsace, et c'est manifestement à cette échelle que les grandes infrastructures pourront être conçues, puis construites.

Néanmoins, les autoroutes de l'information pourront-elles se développer sans une redéfinition des pouvoirs de chaque autorité territoriale ? Il est inconcevable qu'après plus de dix ans d'implication dans le câble, des municipalités puissent accepter d'être purement et simplement destituées de leurs prérogatives. Il faudra donc trouver un juste équilibre. Les opérateurs privés devront connaître clairement le partage et l'exercice des responsabilités pour ne pas connaître à nouveau les difficultés qu'ils ont rencontrées sur le câble.

b). La prudence s'impose

Le rapport Théry a fait le choix du réseau téléphonique commuté en soulignant que les réseaux câblés ne peuvent évoluer que difficilement vers la téléphonie. Il estime qu'il faudrait les modifier profondément pour qu'ils offrent une voie de retour et que leur architecture soit revue pour qu'ils autorisent des liaisons point à point. Cette position est fortement contestée par les câblo-opérateurs, qui soulignent que le câble peut autoriser, sous certaines conditions, l'interactivité.

L'approche volontariste et colbertiste du rapport, qui conduit à réaliser, par FRANCE TÉLÉCOM, un plan d'équipement général en fibre optique pour la France d'ici 2015 pour un montant total de 150 à 200 milliards de francs ne peut être retenue. Il existe encore trop d'interrogations techniques sur la démarche à suivre.

Aux États-Unis, comme le souligne le rapport de M. Thierry Miléo pour le compte du Commissariat général au Plan (« Technologie du futur et réseaux de la société de l'information »), « tous les câblo-opérateurs et toutes les compagnies de téléphone américaines ont rejeté, parce que ne pouvant être rentabilisée, la solution des réseaux commutés totalement en fibre optique jusqu'à tous les foyers  », que préconise le rapport Théry, « et préfèrent n'investir que dans les réseaux câblés classiques dotés de fibre optique sur les artères et de câble coaxial sur les cinq cents derniers mètres ».

La démarche prudente du Gouvernement, qui consiste à mieux cerner la demande avant de se prononcer sur l'offre, ne peut qu'être approuvée.

2. Le comité interministériel sur les autoroutes de l'information du 28 février 1995 : des choix raisonnables

La démarche expérimentale adoptée en France conduit à relativiser l'objectif du « tout optique » annoncé par le rapport Théry qui eut l'immense mérite de bien poser le problème et de faire réfléchir la France.

a)La philosophie de la démarche française

La couverture du territoire français d'ici 2015 en « autoroutes de l'information » est l'objectif proposé à la France par le comité interministériel du 28 février 1995.

Auparavant, la philosophie de la démarche de l'État avait été exposée lors d'un colloque organisé à La Défense, le 7 décembre 1994.

Après avoir promu les autoroutes de l'information au rang de « grande ambition nationale », le Gouvernement avait, à cette occasion, rappelé qu'elles ne se feraient pas par décret. La démarche industrielle, volontariste, devait rester libérale, alors que les pouvoirs publics, pour encourager les initiatives, devraient assouplir la réglementation. Le choix d'un opérateur unique, qui aurait été FRANCE TÉLÉCOM, a été repoussé. La couverture intégrale du territoire national en fibre optique a été abandonnée en raison de l'utilisation domestique des réseaux, qui n'exige pas une utilisation de la voie de retour en hauts débits.

La voie pragmatique adoptée par le Gouvernement, supposant des initiatives décentralisées, manifestait la volonté de ne pas reproduire les errements étatiques du plan câble, qui a laissé de douloureux souvenirs et des déficits encore béants.

b). Les expérimentations retenues dans le secteur de l'audiovisuel

Après un appel à expérimentation lancé en novembre 1994, le comité interministériel a retenu 49 projets d'expérimentation de services ou d'infrastructures sur 635 propositions présentées aux pouvoirs publics, parmi lesquelles 27,5 % concernait l'audiovisuel et les téléservices.

* 31 Titre du dossier paru dans Communication & Business - 24.10.94

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