B. UNE LIGNE ÉDITORIALE AMBIGUË

1. Les intentions initiales

a). Le rapport de la mission d'information du Sénat sur la télévision éducative

Si le Sénat attache une attention particulière à La Cinquième, la raison doit en être recherchée dans les remarquables travaux de nos collègues MM. Pierre Laffite et René Trégouët, qui ont été à l'origine de ce qui devait être un renouveau de la télévision éducative, sous la forme rénovée d'une chaîne d'accès au savoir.

La programmation de la chaîne d'accès au savoir conçue par la mission d'information devait être constituée :

- de programmes d'éducation et de formation,

- de programmes « pouvant répondre à des besoins précis de formation émanant d'administrations, d'organismes publics ou d'entreprises »,

- de produits d'appel pour d'autres réseaux ou produits.

b). La loi du 1 er février 1994

L'article 45 de la loi du 30 septembre 1986. relative à la liberté de communication, dans sa rédaction issue de la loi du 1er février 1994, indique que la société nationale de « télévision à vocation nationale favorisant l'accès au savoir, à la formation et à l'emploi sur l'ensemble du territoire » doit concevoir des programmes visant « spécialement à améliorer les moyens de connaissance et de défense de la langue française tout en illustrant l'expression de la francophonie dans le monde », une partie « significative » de la programmation devant être consacrée « à des programmes de promotion pour des organismes favorisant l'accès au savoir ».

c). Le cahier des charges du 20 janvier 1995

Le cahier des charges assigne un grand nombre de missions à la chaîne. Cette diversité et cette polyvalence portent en elles de grands risques. Le « dérapage » a bien eu lieu lors de la rédaction de ce cahier des charges beaucoup trop souple et trop ambitieux.

Le préambule indique tout d'abord que La Cinquième a « pour mission de favoriser l'acquisition, par tous les publics, des connaissances facilitant la découverte et la compréhension du monde, l'accession à l'univers du travail et l'insertion dans la société contemporaine ».

A cette fin, le préambule présente les deux originalités qui doivent marquer à la ligne éditoriale de la chaîne : une nouvelle méthode, une nouvelle approche de l'audiovisuel.

La méthode doit être dominée par le souci de convivialité que doivent refléter les émissions tant par leur contenu que par leur présentation, afin de susciter la curiosité. Dans le même sens, l'interactivité et le « renvoi à des supports de connaissance complémentaires écrits, audiovisuels et informatiques » participent à cette « organisation de la relation avec le téléspectateur ». L'objectif de cette méthode est de favoriser l'accès de la population à l'usage des moyens de communication. A cet effet, l'article 17 du cahier des charges précise que les émissions doivent comporter des informations pratiques sur des sujets traités, des références bibliographiques ou des renvois à des documents de toute nature. Ces informations ne doivent pas avoir de caractère publicitaire.

La nouvelle approche est caractérisée par le pluralisme de la ligne éditoriale correspondant au caractère interdisciplinaire des programmes, la chaîne ne devant

« s interdire aucun genre dès lors que les émissions correspondantes entrent dans les missions de la société ». L'article 16 du cahier des charges précise que la politique des programmes privilégie, par des émissions de découverte et des documentaires « une approche large et multidisciplinaire de la connaissance ».

Les programmes doivent remplir plusieurs missions de nature très différente. Cette hétérogénéité est un facteur supplémentaire pour la « lisibilité » de la ligne éditoriale de la chaîne.

La Cinquième se doit tout d'abord de favoriser la connaissance, la promotion et l'illustration de la langue française en France et dans le monde.

Elle doit ensuite adapter les conditions de diffusion de ses programmes aux personnes sourdes et malentendantes.

Au titre de sa mission éducative proprement dite, elle « conçoit, réalise et diffuse des émissions 'accès au savoir destinées à l'acquisition par les téléspectateurs de nouvelles connaissances dans tous les domaines (...) conçues de façon à pouvoir accompagner l'action de la communauté éducative et culturelle à destination du public scolarisé ».

Elle a les mêmes obligations pour ce qui est du travail, de la formation professionnelle et de l'emploi. Les programmes doivent favoriser une meilleure connaissance du marché de l'emploi, du monde du travail et de la vie de l'entreprise, l'orientation des jeunes, la reconversion professionnelle des salariés, la connaissance des métiers, l'insertion professionnelle, sous la forme privilégiée de « conseils pratiques ».

Ambition plus forte encore, elle doit « apporter des réponses aux interrogations du public sur la vie sociale », vie civique, insertion des étrangers, connaissance des institutions, « éducation et prévention dans le domaine économique, social et sanitaire », information sur les activités sportives et de loisirs.

Les programmes destinés aux enfants et adolescents doivent permettre de participer à leur éveil et les accompagner tout au long de la scolarité, développer leur conscience des droits et des responsabilités, favoriser l'acquisition par chacun de son autonomie et la capacité à «  élaborer un projet personnel, notamment sur le plan professionnel.

Il s'agit de lourdes missions pour une si jeune chaîne. Elles sont bien nombreuses. A trop vouloir courir de lièvres à la fois, on risque de n'en attraper aucun, enseigne un vieux proverbe...

2. De la chaîne éducative à autre chose

La Cinquième poursuit plusieurs objectifs à la fois. Elle en poursuit, sans doute, beaucoup trop. A force de cumuler les thèmes, de chaîne thématique, elle est bel et bien devenue une chaîne multithématique.

a). Une chaîne éducative

C'est bien évidemment la mission première que devait remplir la chaîne, comme son président-directeur général l'exposait devant votre commission des Finances, le 3 novembre 1994 :

« La télévision du savoir, de la formation et de l'emploi doit devenir une télévision éducative et populaire, s adressant au plus grand nombre et en priorité à ceux qui n'ont pas accès à la culture ».

b). Une chaîne du savoir

Se différenciant des « télévisions éducatives » proprement dite, La Cinquième se devait de dépasser le cadre étroit de l'action de l'Éducation nationale, être ni scolaire, ni académique, mais ludique et attractive. Comme l'indiquait le rapport de la Mission d'information du Sénat : « la seule création d'une chaîne de télévision éducative ne permettrait pas de répondre de façon satisfaisante aux besoins importants de notre pays en matière de formation ».

La mission concluait également à la nécessité de mettre en place une véritable industrie des programmes éducatifs.

Cependant, en voulant également se différencier d'ARTE, considérée comme trop élitiste, on risque de s'éloigner des préoccupations pédagogiques et culturelles.

Par ailleurs, la création de la chaîne a, certes, représenté un incontestable appel d'air offert à la production française, notamment en matière de programmes éducatifs. Mais au lieu de favoriser la naissance d'un pôle de production spécialisé, La Cinquième, souhaitant ne pas concentrer ses achats sur quelques sociétés de production, a réparti ses crédits entre une cinquantaine de maisons de production.

Pour le président de la chaîne, dans l'entretien qu'il a accordé au Monde du 20 septembre 1995 en effet, « être dans les mains de quatre ou cinq opérateurs nous faisait courir le risque de la monotonie » ; il ne s'estime pas, en outre, être « chargé de réguler le marché de la production ». La Cinquième tient à donner leurs chances à de jeunes producteurs et travaille régulièrement avec une demi-douzaine d'entre eux.

c). Une chaîne contribuant à réduire la fracture sociale

Il n'est pas évident, au premier abord, de considérer qu'une nouvelle chaîne de télévision publique constitue la réponse adéquate aux blocages de la société française.

Il s'agit pourtant de l'ambition affichée par son président : « en

cette époque où le grand public a peur des fractures sociales, où plane le hantise de voir un jour des corporations ou des groupes sociaux se combattre les uns les autres pour s'arracher des morceaux de richesses, des lambeaux de privilèges -privilèges de connaître, d'accéder aux études, à la santé, à des emplois etc., il serait gravement irresponsable de ne pas utiliser ce formidable instrument qu'est la télévision pour tenter d'éviter ces batailles fratricides dont on commence à voir les ravages aux États-Unis (...) La Cinquième est un outil qui réduit les différences sociales, les différences de culture sur le sol national, les disparités financières aussi ; on a beau dire que c 'est gratuit, s'éduquer coûte cher ! » (77 ( * )) .

La Cinquième tente néanmoins de proposer des informations utiles et vivantes sur la formation professionnelle de façon, notamment, à aider les chômeurs. La chaîne permet, selon un journal économique « d'établir un curriculum vitae et de l'insérer dans une base de données pour aller à la rencontre des entreprises qui recrutent. Un service Minitel, dans le prolongement des offres d'emploi réalisées à l'antenne, propose des offres de stages, petits boulots, premiers emplois, ainsi qu'un service d'offres de quotidiens de la presse régionale. Ce service propose une aide à l'évolution professionnelle sur demande, les spectateurs recevront un guide d'anticipation professionnelle, leur permettant de saisir leur CV sur Minitel et leurs souhaits pour le futur. Ces données leur permettront de sélectionner les données de 2,5 millions d'entreprises les mieux adaptées à leurs projets, en fonction des secteurs d'activité, de la région et de la taille des entreprises. Réciproquement, les entreprises pourront prendre contact avec les candidats qui les intéressent et introduire les profils des postes qu'elles ont à pourvoir. Enfin, La Cinquième propose par le biais de la télématique des tests de recrutement » (78 ( * )) .

L'évaluation de la réalisation de l'objectif ambitieux de réduction de la fracture sociale, grâce à l'action de La Cinquième, est hors de portée de l'analyse de votre rapporteur. Il s'abstiendra donc de faire quelque commentaire que ce soit.

d) Une vitrine internationale de l'audiovisuel français

La création d'une « association internationale des télévisions d'éducation et de découverte », dont le président de La Cinquième a été élu président, les proposition de constitution d'un groupement d'intérêt économique avec RFO, TV5 et CFI, l'accord de collaboration sur la fourniture et la diffusion de programmes entre CFI et La Cinquième sont la preuve d'une indéniable volonté de la chaîne de jouer un rôle en matière d'action audiovisuelle extérieure.

On peut toutefois s'interroger sur la nécessité pour La Cinquième de disposer d'une « ligne d'information spécifique à la diffusion internationale, qui ne ressemblera à aucune autre offre » et mise à la disposition de TV5 et CFI. La chaîne n'a pas reçu mandat pour présenter des informations, encore moins à l'étranger qu'en France.

Alors que l'heure est à l'effort de rationalisation de l'action audiovisuelle extérieure, on ne peut que s'inquiéter de l'arrivée d'un nouvel acteur.

e) Une chaîne multithématique et quasi-généraliste

« On attendait une chaîne éducative et thématique. La Cinquième sera populaire et généraliste », pouvait-on lire dans Le Monde du 18 novembre 1994.

Au total, le vrai bilan de La Cinquième est sans doute celui d'une chaîne multithématique.

Davantage que le fond c'est le format qui fait le relatif succès de la chaîne : les courts métrages de 13 ou 26 minutes qu'elle propose constituent en effet une nouveauté dans le paysage audiovisuel. Ils expliquent en même temps le taux élevé d'audience « de transit », non fidèle.

3. L'évaluation de la programmation de La Cinquième

a). La Cinquième respecte-t-elle le cahier des charges ?

L'évaluation des politiques publiques est un thème d'actualité. Cet exercice ressort de la compétence des commissions compétentes des assemblées, lesquelles peuvent recourir à des collaborations extérieures.

A cet effet, le président de votre commission des Finances a, sur la Proposition de votre rapporteur spécial, saisi, le 26 juillet 1995, le Conseil supérieur de l'audiovisuel d'une demande d'étude en application de l'article 18, alinéa 4. de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Cette étude devait évaluer « le respect par la ligne éditoriale de la Cinquième des recommandations du rapport de la Mission d'information sur la télévision éducative du Sénat, des dispositions de la loi du 1er février 1994 et ses décrets d'application, de la mise en oeuvre du rapport Harari et enfin de son cahier des charges ».

Le bilan établi, pour le 15 octobre, après environ 8 mois de programmation de la chaîne, porte un jugement globalement positif sur La Cinquième, qui a « répondu de façon satisfaisante aux objectifs qui lui ont été assignés notamment celui de complémentarité avec les autres chaînes » et a su « nettement marquer sa différence » dans les thèmes abordés et dans la façon de les traiter.

Selon les conclusions de cette étude, même si sa ligne éditoriale comporte encore quelques lacunes, La Cinquième offre des programmes spécifiques et remplit -du point de vue de l'offre- de manière satisfaisante -du point de vue de l'offre- les orientations définies dans son cahier des missions et des charges.

(1). Des programmes spécifiques

« La Cinquième consacre plus des deux tiers de ses programmes à des magazines et des documentaires de découverte et de connaissance.

« Quand elle programme des émissions de divertissement, celles-ci sont toujours choisies en fonction de leur mission éducative : films en noir et blanc et en version originale, fictions télévisuelles du patrimoine, à caractère historique, jeux axés sur les connaissances et la réflexion.

« Dans sa grille, le téléspectateur découvre des émissions qui ne sont programmées sur aucune autre chaîne (émission en langue des signes pour les sourds et malentendants, par exemple) ou qui abordent des thèmes réputés difficilement transposables à l'écran (la philosophie, par exemple).

« Nombreuses sont les émissions sur le monde du travail, sur les questions liées à l'emploi et à la formation professionnelle, qui fournissent informations et conseils pratiques.

« La Cinquième affiche une vocation sociale affirmée avec des émissions de services et de conseils pratiques dans les relations avec les administrations, d'instruction civique et de connaissance des institutions à destination des populations défavorisées, à l'attention des sourds et malentendants.

« Cette programmation est d'autant plus méritoire que La Cinquième a dû ouvrir son antenne sans disposer d'un stock d'émissions adaptées à sa spécificité, contrairement à ARTE qui a bénéficié de l'expérience acquise durant plusieurs années Par La SEPT en matière d'édition de programmes.

« Pour surmonter cet handicap, elle s'est lancée dans une politique de commandes ambitieuses auprès de producteurs divers, répondant en cela à l'un des objectifs de développement d'une industrie de programmes spécialisés. Sa politique d'achats à l'INA lui a permis en outre d'utiliser à bon escient toute une partie du Patrimoine de la télévision française ».

(2). Quelques lacunes

« Certes, il faudra du temps à La Cinquième pour consolider une programmation qui comporte encore quelques lacunes.

« On peut notamment regretter l'absence de certains programmes. Ainsi, le théâtre classique n'a pas encore trouvé sa place dans la grille. La Cinquième diffuse actuellement un film du patrimoine par semaine ; il faut espérer que, de la même Manière, une case soit réservée dans l'avenir à des retransmissions de pièces du répertoire, un programme rarement offert par les autres chaînes.

« Plus généralement, il manque encore des programmes d'initiation aux langages artistiques, la musique, l'architecture, les arts plastiques... De même, certaines disciplines sont insuffisamment représentées, comme le français dont la Maîtrise est pourtant la clé de la réussite scolaire et professionnelle.

« Si l'histoire est très présente, on regrettera le traitement privilégié accordé à l'histoire contemporaine, même si, par ailleurs, la chaîne propose des séries documentaires retraçant des événements plus anciens.

«  A l'inverse, le recours trop fréquent à des documentaires de découverte visant le grand public, qui ont déjà leur place notamment sur France 3, certes à des horaires différents, ou sur la chaîne câblée Planète, devrait n 'être qu' une facilité provisoire. A terme, il serait souhaitable que l'aspect pédagogique de ces émissions soit plus affirmé, comme il l'est déjà dans d'autres secteurs (cours de langue, émissions de connaissance), même si, rappelons-le, la chaîne n 'a pas une vocation uniquement pédagogique.

« A l'avenir, La Cinquième aurait également tout avantage à développer ses programmes centrés sur l'insertion sociale, programmes à la fois innovants, attrayants et inexistants ailleurs, afin de répondre au mieux à sa mission de « Chaîne du savoir, de la formation et de l'emploi ».

(3). Une chaîne spécifique

« Quand on examine la grille actuelle de La Cinquième, on ne peut l'accuser de dérives vers une programmation généraliste. Ces programmes affirment nettement leur différence. L'information et la fiction restent très minoritaires, au profit des documentaires et magazines.

« L'Eurojournal est le seul journal d'information. Il est composé d'extraits de journaux et de magazines des pays européens, et il est diffusé en langues originales. Les longs métrages sont diffusés en cycle, à la manière d'un ciné-club. Les fictions télévisuelles issues du stock de l'INA font l'objet d'une présentation préalable qui met en valeur leur appartenance au patrimoine.

« Les programmes éducatifs et de connaissance, les émissions sur l'emploi et le monde du travail restent néanmoins les deux axes essentiels de la programmation de la chaîne ».

« Au vu de cette programmation » conclut l'étude, « on ne constate pas, actuellement, de décalage entre les programmes proposés par la chaîne et les orientations qui lui sont définies dans son cahier des missions et des charges ».

b). La Cinquième correspond-elle aux attentes de l'Éducation nationale ?

Le rapport de Mme Hélène Waysbord, Inspecteur général de l'Éducation nationale, du 9 mai 1995, est en revanche plus nuancé.

Abordant l'organisation de la grille, le rapport relève que « chaîne d'éveil et de services, pour répondre à des objectifs diversifiés, La Cinquième s'est structurée à partir de modules brefs (13 ou 26 minutes le plus souvent). D'où la difficulté, lors du lancement, à y trouver des repères alors que la visibilité et la notoriété ne sont pas encore au rendez-vous.

« Les témoignages font unanimement état d'une gêne face à cette trop grande dispersion. Comment se retrouver dans cette accumulation de sujets à un rythme trop rapide ? En particulier, la séquence plus strictement didactique, « Les écrans du savoir », apparaît comme un fourre-tout.

Elle estime, par ailleurs, que « La Cinquième, qui est apparue à sa naissance comme un dictionnaire suggestif de thèmes et de curiosités », devrait se construire « comme une encyclopédie cathodique », afin de susciter le désir d'apprendre malgré l'émiettement des sujets.

Elle note ensuite des lacunes et des insuffisances « des besoins nouveaux, qu'une télévision généraliste et culturelle peut permettre de satisfaire, sont loin de l'être encore. C est le cas en matière de citoyenneté, qui dès le lancement, fut annoncé comme un axe fort de la chaîne et en matière d'initiation artistique, à généraliser.

« Certaines disciplines sont insuffisamment représentées, comme le français dont la maîtrise est la clé de la réussite scolaire et professionnelle. C'est pourtant un objectif prioritaire du « Nouveau contrat pour l'école », et toutes les enquêtes conduites auprès des parents le situent en tête des disciplines à acquérir. Sa place dans la programmation actuelle semble insuffisante.

« En histoire, qui est bien représentée par l'émission « Sens de l'Histoire », recueillant de nombreux avis positifs, on regrette le privilège excessif du monde contemporain. L'Antiquité, immense réserve de mythes et de fictions, source d'interprétations de notre modernité ; le Moyen Age, etc., devraient trouver leur place.

« Pour certains niveaux, les programmes sont à enrichir et diversifier. L'école, en particulier, permet une utilisation plus souple de la télévision que le secondaire. Il faut proposer davantage d'émissions à destination des maternelles, là où l'exploitation de l'outil audiovisuel est très stimulante ; concevoir des documents scientifiques pour le primaire ».

Dans le domaine de la lecture de l'image, Mme Waysbord souligne que « /' attente est grande, de longue date, dans le monde enseignant. L'image, omniprésente dans la culture d'aujourd'hui, est le langage le plus familier pour les jeunes. Intégrée dans des pratiques pédagogiques, elle constitue un facteur de motivation accrue pour des publics hétérogènes.

« Deux émissions sont consacrées à l'analyse de l'image : «  Alphabets de l'image » et «  Arrêt sur image », qui s'attachent à une lecture critique, à la mise en évidence des stéréotypes, des scénarios, des récurrences, des codes de discours et de comportement, favorisant ainsi la formation des téléspectateurs avertis et citoyens qu'appelaient les instructions de 1985. Donner des clés contre la consommation passive de l'image correspond à une mission de l'école aujourd'hui.

Il lui semble, à cet égard, que « l'écran de La Cinquième est un lieu d'expérimentation idéal. Celui où l'on peut montrer que l'image n'est pas seulement illustration par un auxiliaire de discours qu'elle vient confirmer, mais qu'elle est en elle-même porteuse de significations. Par l'image, la réflexion s'enrichit, se relance, grâce à la tension entre texte et image. Une image forte est un document dans la construction du savoir, tout autant qu'un texte d'archives.

« La Cinquième devrait être l'occasion de mettre en évidence, dans des domaines concrets comme les sciences, l'histoire ou les lettres, cette capacité productive de l'image. Pour les enseignants comme pour les élèves, la chaîne doit permettre l'accès au langage de l'image dans la diversité de ses formes ; explorer son apport et son rôle tant informatif didactique que symbolique ».

En conclusion, elle juge qu'au regard : « des attentes suscitées et des demandes, la chaîne évolue dans le sens souhaité ; les procédures d'échange mises en place entre les responsables de La Cinquième et les téléspectateurs -parmi eux, à une place privilégiée, les acteurs du système éducatif- sont constructives. Une télévision pilotée de cette façon promet d'être un outil éducatif de premier plan ».

* 77 Le Nouvel Observateur, 8 juin 1995

* 78 Les Echos, 4 avril 1995.

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