CHAPITRE II - LE DÉVELOPPEMENT DU RÉSEAU AUTOROUTIER

S'agissant des autoroutes, seule figure au budget pour 1996 une dotation de 30 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de paiement destinée aux études de définition des tracés. En effet, le développement du réseau autoroutier concédé est financé par les seules sociétés concessionnaires, en partie sur leurs ressources propres, mais surtout par recours à l'emprunt. Ce dispositif a fait l'objet d'une importante réforme en 1994.

A. LES OBJECTIFS A LONG TERME : LE SCHÉMA DIRECTEUR ROUTIER NATIONAL

L'actuel schéma directeur routier national a été approuvé par un décret daté du 1er avril 1992. La loi du 4 février 1995 sur l'aménagement et le développement du territoire a prévu sa révision sous 18 mois.

Ce schéma est constitué d'un réseau national de 37.700 kilomètres environ, dont 9.450 kilomètres d'autoroutes de liaison, 2.580 kilomètres de liaisons assurant la continuité du réseau autoroutier (LACRA) et 4.400 Kilomètres de grandes liaisons d'aménagement du territoire (GLAT).

L'objectif retenu est d'assurer en 10 ans, à partir de 1994, le lancement de la totalité du programme d'autoroutes nouvelles (soit 3.500 kilomètres environ).

Au premier janvier 1995 il restait 2.760 kilomètres à mettre en service Pour achever le programme d'autoroutes concédées.

Le réseau d'autoroutes actuellement en service, ainsi que les liaisons nouvelles prévues par le schéma directeur, sont retracés sur la carte ci-après.

I_LIAISONS EN SERVICE

- Autoroutes en service au 1 janvier 1995 7274 Km. dont 6234 km concédées

- Liaisons assurant la continuité du réseau autoroutier au 1er janvier 1995 '3 55 km

II _ AUTOROUTES EN TRAVAUX AU 1er JANVIER 1995 865 km

III_AUTRES AUTOROUTES PRÉVUES AU SCHÉMA DIRECTEUR 1832 km

III_LIAISONS ASSURANT LA CONTINUITÉ DU RÉSEAU AUTOROUTIER EN COURS D'AMÉNAGEMENT PROGRESSIF 794 km

? 1 723.5 m d'autoroutes urbaines

Noté Conformément au Schéma Directeur Routier National, décret du 1er Avril 1992

Les liaisons, dont le tracé n'est pas encore arrête, sont représentées par des lignes droites

MINISTÈRE DE L'ÉQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU TOURISME 2 Janvier 1995

B. LES PERSPECTIVES D'AVANCEMENT DU PROGRAMME AUTOROUTIER EN 1994 ET 1995

1. Les mises en service d'autoroutes nouvelles

Quatre tronçons ont été mis en service en 1995 :

ï En région Ile-de-France, A 5a : raccordement à la Francilienne (11 km).

ï En région Rhône-Alpes, A 40 : doublement du tunnel de Chamoise et du Viaduc de Nantua.

ï En région Picardie, A 16 : contournement Ouest d'Amiens (10 km).

ï En région Haute-Normandie, A 29 Le Havre Amiens, débouché nord du pont de Normandie (2 km) vers l'autoroute A 131.

En 1996, il est prévu de mettre en service les sections suivantes, pour un total de 212 km :


Régions Haute et Basse-Normandie :

- A 13 Bretelle de Louviers (9 km)

- A 29 Le Havre - Yvetot (56 km)


Région Midi-pyrénées

- A 64 Toulouse - Muret (15 km)

- A 64 Pinas - Martres (55 km)


Région Poitou-Charentes

- A 837 Saintes - Rochefort (37 km)


Région Provence-Alpes-Côte d'Azur

- A 54 Arles - Salon (23 km)


Région Rhône-Alpes

- A 43 Aiton - Sainte-Marie de Cuines (31 km)


Région Ile-de-France

- A 14 Orgeval - la Défense (16 km)

2. La poursuite des travaux sur les liaisons déjà engagées

En vue d'une mise en service échelonnée à partir de 1997, l'activité de construction en cours se poursuivra en 1996 sur les sections énumérées ci-dessous (1.205 km) :

ï A 13 bretelle de Louviers

ï A 14 Orgeval - La Défense (16 km).

ï A 16 Amiens Boulogne (116 km).

ï A 29 Le Havre-Yvetot-Neuchatel et bretelle de Dieppe (98 km).

ï A 29 Pont de Normandie - A 13 (20 km).

ï A 39 Dôle Bourg en Bresse (104 km).

ï A 40 doublement du Tunnel de Chamoise et du viaduc de Nantua

ï A 40 Bretelle d'Oyonnax (13 km).

ï A 43 Aiton-Freney (65 km), lancée en 3 phases en 1992, 1994 et 1995.

ï A 51 - Grenoble Col du Fau (26 km) et Sisteron-La Saulce (30 km).

ï A 54 Arles Salon (23 km).

ï A 64 Toulouse Muret (15 km).

ï A 64 Pinas Martres (61 km).

ï A 67 Dordives-Cosne (93 km).

ï A 83 Fontenay Le Comte-Oulmes (21 km)

ï A 85 Angers Langeais (76 km).

ï A 160 Sens Courtenay (25 km).

ï A 719 antenne de Cannât (9 km).

ï A 837 Saintes Rochefort (37 km).

A ces chantiers en cours, s'ajoutent les lancements de nouvelles autoroutes décidées par le FDES pour 1995.


• A 20 Bribe Montauban

Section Pince-oreille (27 km)

Section Montauban Cahors sud (40 km)


• A 68 Bretelle de Verfeil (9 km)

A 710 Bretelle de Lussat (7 km).

ï A 28 Le Mans Tours (84 km).

3. Le programme de lancement pour 1996

Le programme 1996 sera arrêté par le Conseil de direction du FDES à l'automne 1995. Il devrait prévoir à cette occasion la poursuite de l'autoroute A 20 entre Brive et Montauban (2e phase - 81 km) et de l'A 86 entre Rueil et Vélizy (2e phase - 16 km), le lancement des travaux des autoroutes A 20 entre Toulouse et Pamiers (37 km), A 87 entre Angers et La Roche sur Yon (58 km) et A 73 (exA89) entre Bordeaux et Clermont-Ferrand (sur 75 km).

C LA RÉFORME DU FINANCEMENT DU SECTEUR AUTOROUTIER

Le financement des investissements autoroutiers nécessaires à la réalisation du schéma directeur repose sur les sociétés concessionnaires qui disposent du produit des péages pour assurer leur autofinancement et rembourser leurs emprunts.

Ce système a connu en 1994 une importante réforme.

1. Les raisons de la réforme : le blocage du système de péréquation

Le réseau autoroutier concédé est géré par sept sociétés d'économie mixte et une société privée (COFIROUTE), auxquelles s'ajoute la société du tunnel du Mont-blanc (ST MB).

Les sociétés d'économie mixte étaient réunies dans le cadre d'un mécanisme de péréquation des ressources financières géré par l'établissement public "Autoroutes de France" qui a été créé par la loi de finances rectificative Pour 1982. ADF est géré par la Caisse des dépôts et consignations et détenait 34 % du capital des SEM.

Ce mécanisme consistait à faire rembourser leurs dettes (envers l'Etat) par les sociétés excédentaires à ADF qui rétrocédait ces sommes aux entreprises déficitaires.

Mais, au fur et à mesure du processus, les sociétés excédentaires se sont désendettées et ont quitté le système, laissant les sociétés déficitaires sans refinancement.

Ainsi, en 1993, ASF, totalement désendettée, est sortie du mécanisme. Dès lors, celui-ci ne disposait plus de ressources suffisantes pour faire face aux besoins en trésorerie des sociétés déficitaires. Le dispositif atteignait ainsi ses limites, et perdait sa principale raison d'être.

Enfin, la disparition du mécanisme de péréquation a été précipitée par le remboursement par anticipation, dès 1994, via Autoroutes de France, de 4 milliards de francs d'avances consenties dans le passé par l'Etat au secteur.

Dans ces conditions, la révision de l'ensemble de l'organisation et du fonctionnement du secteur autoroutier d'économie mixte est apparue nécessaire, d'autant plus que la disparité des situations financières entre sociétés était appelée à s'aggraver rapidement compte tenu des programmes chargés déjà attribués.

2. Les trois étapes de la réforme

La réforme aura connu trois étapes :

- une recapitalisation des sociétés d'économie mixte ;

- leur réorganisation en trois pôles géographiques ;

- la mise en place de relations contractuelles avec l'Etat, entraînant une nouvelle définition de la politique tarifaire.

a). La recapitalisation des sociétés d'économie mixte

Les six SEM CA intéressées par la réforme du secteur autoroutier souffraient d'un handicap important : une forte sous-capitalisation. Alors que leur chiffre d'affaires global annuel dépassait 17 milliards de francs en 1993 et que leur endettement était supérieur à 80 milliards de francs, leur capital cumulé représentait moins de 28 millions de francs.

La structure du capital jusqu'à l'intervention de la réforme en cours était globalement identique pour chacune des six SEM CA et se présentait de la façon suivante :

- Autoroutes de France 34 %

- Caisse des Dépôts et Consignations 17 %

- Collectivités territoriales et chambres consulaires 49 %

ADF détenant quelque 950 millions de francs d'avances d'actionnaires sur les six sociétés concernées, il a été décidé, dans un premier temps, de transformer ces avances en véritable capital social au cours d'une procédure d'augmentation de capital ouverte à l'ensemble des actionnaires de chaque société.

A l'issue de cette phase, et compte tenu de l'intérêt limité attaché par les autres actionnaires (essentiellement les collectivités locales) à une telle souscription, ADF s'est trouvé détenir une majorité du capital de chaque société généralement supérieure à 90 % la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) devait également suivre l'augmentation pour détenir 8,5 % du capital des sociétés mères.

Dans un second temps, ADF a rétrocédé à l'Etat la moitié de ses participations dans les sociétés mères en contrepartie d'une réduction à due concurrence de la dotation que détenait l'Etat au passif de l'établissement. Ainsi, dans les sociétés mères, la participation de l'Etat est désormais répartie entre une détention directe et une détention par l'intermédiaire des établissements publics ADF et CDC.

b). La création de trois pôles géographiques

Parallèlement à la cession à l'Etat de 50 % de ses participations dans les mères, ADF a cédé à celles-ci la totalité de ses participations dans les filles. De la sorte, chaque société mère détient au moins 95 % du capital de sa filiale. Les groupes sont ainsi constitués :

- SAPRR avec AREA pour filiale,

- ASF avec ESCOTA pour filiale,

- SANEF avec SAPN pour filiale.

La configuration des groupes a été déterminée avec le triple souci de maintenir un certain équilibre entre les trois pôles (en termes d'effectifs, de longueur du réseau exploité, de chiffre d'affaires), d'assurer la viabilité et l'autonomie financière de chacun des pôles, et de respecter une certaine cohérence géographique propre à faciliter des politiques de gestion coordonnée des trafics sur les réseaux.

Ayant écarté l'idée de fusionner les différentes SEM CA, l'Etat a tenu à conserver à chacune d'entre elles son existence, son autonomie de gestion et son identité propre. Par conséquent, la filialisation n'est en aucun cas synonyme de subordination des sociétés filles à leurs mères respectives.

Cependant, l'une des principales raisons d'être de la réforme ayant été de donner à chaque société les moyens de réaliser le programme qui lui a été confié par l'Etat, la forte intégration financière entre mères et filles mettent les premières en mesure d'apporter aux secondes des moyens de financement.

En effet, dans le cadre de chaque groupe, et dans les conditions définies par les deux partenaires, les mères peuvent consentir aux filles, en tant que de besoin, des avances de trésorerie à taux très bas. Ce dispositif "interne" viendra prendre le relais du mécanisme de péréquation "externe" existant.

La nature du rôle d'ADF est donc radicalement modifiée. Il a perdu son rôle de péréquation financière pour devenir une instance de concertation entre l'Etat, les collectivités locales et les sociétés d'autoroutes sur la gestion du réseau autoroutier.

Dans ce but, son conseil d'administration a été modifié. Il est passé de 12 à 20 personnes, l'Etat et les collectivités locales gagnant chacun quatre administrateurs supplémentaires. Les collectivités locales sont notamment représentées par un administrateur désigné, pour chacune des six SEM, par le collège des administrateurs représentant les collectivités territoriales.

c). L'instauration de relations contractuelles de long terme entre l'Etat et le système autoroutier

C'est la troisième étape de la réforme, et la seule qui concerne la totalité des sociétés concessionnaires, y compris Cofiroute, la société française du tunnel du Fréjus (SFTRF) et la société du Tunnel du Mont Blanc (ST MB).

Des contrats de plan passés entre l'Etat et chacun des groupes pour une durée de cinq ans formalisent les engagements de chacune des parties dans les principaux domaines de la politique autoroutière : investissements et tarifs surtout, mais aussi objectifs financiers et politique de gestion.

A partir d'une programmation nationale fixant un volume d'investissements sur cinq ans, les contrats de plan portent sur les engagements de chaque pôle en matière d'investissements. Les contrats comportent notamment le montant global d'investissements et le besoin prévisionnel d'emprunts nécessaires, compte tenu de l'autofinancement attendu. Sont également précisés les échéanciers annuels de dépenses sur la durée du contrat. Enfin, des engagements sont pris sur les délais de réalisation. A partir des montants d'investissement prévus dans les contrats de plan, les présidents des sociétés élaborent une liste indicative des programmes physiques à lancer pendant les cinq ans.

Sur la base des contrats de plan, le programme de lancements, de dépenses d'investissements et d'emprunts continuent d'être arrêté annuellement par le Gouvernement dans le cadre du Fonds de développement économique et social (FDES), dont le rôle sera donc moins autoritaire. Il devra en effet décider de lancements conformes aux contrats de plan, en fonction d'une mission quinquennale et plus seulement annuelle.

* concessionnaires non définitivement désignés

3. Les conséquences de la réforme sur la politique tarifaire

Les sociétés bénéficient désormais d'une souplesse de gestion en matière tarifaire. Une norme moyenne d'évolution est fixée pour chaque société, dans le cadre des contrats. Le contrôle de l'Etat ne s'exerce plus dans le cadre d'autorisations annuelles, mais a posteriori, par la vérification du respect des engagements. Le nouveau dispositif tarifaire s'appuie sur les contrats de plan, mais aussi sur les cahiers des charges des sociétés qui sont modifiés en conséquence.

Evolutions tarifaires prévues dans les contrats de plan

(Hausses moyennes annuelles)

Hausse VL

Hausse PL

Minimum

Maximum

ASF

0.85i

0.85i + 0.5

0.85i + 1

ESCOTA

i

i + 0.5

i + 1

SAPRR

1.13i

1.13i + 0.5

1,13i + 1

AREA

I

i + 0.5

i + 1

SANEF

i

i+ 0.5

i + 1

SAPN

1.88i

1.88i + 0.5

1.88i + i

i = inflation hors tabac constatée depuis la précédente revalorisation tarifaire

VL : véhicules légers

PL : poids lourds

Ce nouveau dispositif tarifaire a nécessité une réforme de la réglementation tarifaire entraînant une abrogation du décret du 30 décembre 1988, qui régissait les modalités de fixation et d'évolution des tarifs de péage. Ce fut fait par le décret n° 95-81 eu 24 janvier 1995.

Article premier du décret 95-81 du 24 janvier 1995
relatif aux péages autoroutiers

Art. 1 er - Les tarifs de péage autoroutiers sont fixés chaque année par les sociétés concessionnaires d'autoroutes dans les conditions définies ci-après.

Le cahier des charges de la société concessionnaire prévu par l'article L. 122-4 du code de la voirie routière définit les règles de fixation des tarifs de péages, notamment les modalités de calcul d'un tarif kilométrique moyen servant de base aux tarifs de péages et qui tient compte de la structure du réseau, des charges d'exploitation et des charges financières de la société, ainsi que les possibilités de modulation de ce tarif kilométrique moyen.

Le contrat de plan, conclu pour une durée maximale de cinq années renouvelable entre l'Etat et la société concessionnaire, fixe les modalités d'évolution des tarifs de péages pendant la période considérée.

Cette modification de la réglementation des péages tient mieux compte du rôle nouveau qui leur est dévolu. Ce rôle est actuellement triple :

- financer l'achèvement du schéma directeur autoroutier, par le remboursement des emprunts contractés pour lui ;

- imputer à l'usager le coût de l'utilisation des ouvrages ;

- mais le péage sert désormais, et de plus en plus, à la régulation du trafic par les prix, qu'il s'agisse de gérer les pointes de trafic (en encourageant/décourageant la circulation sur certains tronçons) où qu'il s'agisse d'orienter en profondeur la structure du trafic selon les différents axes.

D. LA SITUATION FINANCIÈRE DES SOCIÉTÉS D'AUTOROUTE

1. Les résultats d'exploitation obtenus en 1993 et 1994

Les recettes de péage perçues par les sociétés concessionnaires en 1993 et 1994 ont été les suivantes :

Les recettes de péage ont enregistré une progression de 8,7 % en 1993 et de 7,4 % en 1994, en raison d'une hausse des tarifs de 3 % au 1er septembre 1993 et de 2,2 % au 1er janvier 1994 et d'une hausse du trafic de + 5,2 % en 1994. Cette hausse est du même ordre qu'en 1993. L'extension du réseau y a une part importante. A réseau constant, le trafic croît de 3,3 %. Les résultats qui ont pu être dégagés par les sociétés concessionnaires grâce à ces recettes, après remboursement d'emprunts se sont établis globalement à 2.219 millions de francs, soit une stabilité par rapport à 1993 (2.295 millions de francs).

Le tableau ci-après retrace l'évolution de l'endettement des sociétés.

Pour l'exercice 1995, il est prévu un chiffre d'affaires de 25,2 milliards de francs, et un résultat global de 1,8 milliard de francs.

2. L'évolution des emprunts émis pour le financement des autoroutes

Les emprunts destinés à procurer aux sociétés concessionnaires les ressources destinées à financer la construction ou l'aménagement des autoroutes à péage sont émis par la Caisse nationale des autoroutes (CNA), établissement public à caractère administratif doté de l'autonomie financière, créé par un décret du 20 juin 1963 et géré par la Caisse des dépôts et consignations. Sur les 17.834 millions de francs d'emprunts à souscrire en 1995, la CNA devrait en financer 17.166(96%).

Le volume d'emprunts émis par la CNA sur les marchés financiers français et étrangers a connu une croissance rapide au cours des dernières années.

Sur le programme d'émission prévu pour 1995, 9.232 millions de francs étaient réalisés au 30 juin 1995. Ce volume très élevé, proche de celui de 1994, s'explique par deux raisons :

- l'accélération du programme autoroutier, décidée à la fin de 1993. 14.812 millions de francs sont prévus pour le financement de la construction,

- le solde s'expliquerait soit par le remboursement anticipé d'avances envers l'Etat (871 millions de francs) (5 ( * )) soit pour financer la trésorerie déficitaire de certaines sociétés (533 millions de francs), soit pour refinancer certains emprunts dans des opérations de restructuration de l'endettement (950 millions de francs).

3. Des charges nouvelles à partir de 1995

En 1994, les sociétés d'autoroute avaient dû rembourser 4 milliards de francs d'avances de l'Etat, puis 1 milliard de francs en 1995. Par ailleurs, l'article 37 de la loi d'orientation pour le développement et l'aménagement a créé une taxe de 2 centimes par kilomètre parcouru par chaque véhicule pour alimenter le fonds d'intervention des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN).

D'un rendement escompté d'un milliard de francs, la nouvelle taxe devrait rapporter 980 millions de francs ainsi répartis entre les différents concessionnaires :

En principe, les sociétés d'autoroutes devront recourir à l'emprunt pour financer cette taxe, car il est expressément prévu qu'elle ne s'imputera pas sur les tarifs de péage, auxquels elle n'est volontairement pas liée (n'étant pas assise sur le chiffre d'affaires), ni sur une réduction des programmes d'investissement

Mais, remettant en cause l'équilibre financer à moyen terme des sociétés, elle a nécessité des avenants aux contrats de concession afin de les rallonger de deux ans pour les sociétés mères, un an pour les filiales et la STMB (6 ( * )) . Les concessions s'achèvent donc actuellement vers 2013/2017 pour les sections existantes et celles à construire figurant dans les cahiers des charges des différentes sociétés.

L'article 28 du présent projet de loi double le tarif de la taxe d'aménagement du territoire.

La logique de ce doublement n'est guère contestable dans son principe. Cette recette servira en effet à alimenter FITTVN financé par ailleurs par une taxe sur les ouvrages hydroélectriques. Malgré ce doublement, le fonds n'atteindra que 3,05 milliards de francs en 1996, ce qui reste très en deçà des montants nécessaires pour financer les tâches gigantesques qui lui sont assignées : liaisons fluviales à grand gabarit, lignes de TGV, autoroutes de désenclavement.

L'objectif de la taxe sur les autoroutes concédées est conforme à l'esprit de la loi : sur les 2 milliards de francs de recettes attendues, 1,65 iront au financement des trois grandes voies de désenclavement du Massif central A 75, A 20 et RN 7. Il s'agit en quelque sorte d'une péréquation entre les liaisons rentables concédées, et les liaisons d'aménagement du territoire non rentables et gratuites.

Logique dans son principe, la taxe ne pose pas moins deux difficultés sérieuses : dans la forme d'une part, et surtout dans ses conséquences financières.

Dans la forme, on peut remarquer que cette augmentation intervient alors même que l'encre des contrats de plan Etat/sociétés d'autoroute, celle des avenants aux concessions et aux cahiers des charges est encore humide. Or, ces documents avaient précisément été calibrés sur le tarif initial de la taxe, en prévoyant des clauses d'évolution des tarifs de péage indépendants de cette taxe et un allongement de la durée des concessions. En aucun cas ils n'ont anticipé la hausse du prélèvement.

Plus préoccupantes sont les conséquences financières qu'il faudra tirer de l'aggravation de la taxe.

Quatre solutions sont envisageables : un nouvel allongement de la durée des concessions ; une augmentation de l'endettement ; une révision

En baisse des programmes d'investissement ou une répercussion sur les péages.

La première solution paraît impraticable car sans efficacité. En effet, coûtant 2 milliards de francs par an. La taxe représente 8,8 % des recettes de péage (7 ( * )) . et dépasse les deux tiers de la masse salariale des sociétés. Elle est susceptible de provoquer un déficit durable de trésorerie.

L'allongement des concessions n'aurait alors de sens que si les sociétés pouvaient bénéficier d'un étalement de leurs charges d'emprunt. Mais ceux-ci sont remboursable in fine et à intérêts constants. Le problème n'est donc pas soluble. Même si l'allongement de la durée des concessions peut faciliter la rentabilité des entreprises à terme, il ne peut résoudre le problème de la trésorerie. Cette solution n'est donc pas substituable à l'une des trois autres.

Le recours à une augmentation de l'endettement serait d'un intérêt économique très douteux. Les sociétés d'autoroute sont déjà très endettées : plus de 100 milliards de francs ; soit plus de quatre fois leurs recettes de péages. On peut rappeler que la dette de la SNCF n'est que de trois fois son chiffre d'affaires, et que cela est jugé catastrophique... L'accroissement de cet endettement est très dynamique : + 9.4 % en 1994 ; et l'accélération du programme autoroutier aura pour effet de le dynamiser encore. Il pourrait ainsi atteindre 200 milliards de francs à l'horizon 2006. Or les fonds propres des sociétés d'autoroutes restent très faibles : 3 milliards de francs après recapitalisation par ADF. Le service de la dette représente actuellement 58 % des recettes des sociétés. Dans ces conditions, il serait très dangereux d'augmenter la dette sans être à peu près sûr d'un bon niveau de retour sur investissement. Or les coûts des programmes sont croissants tandis que l'augmentation du trafic fléchit, et les prévisions de recettes aussi par voie de conséquences.

En fait, le recours à l'endettement n'aurait qu'un intérêt optique : substituer l'endettement des sociétés d'autoroute à celui de l'Etat. Mais cette substitution ne fait guère illusion : à l'exception de COFIROUTE qui représente moins de 15 % du chiffre d'affaires consolidé des autoroutes françaises, les sociétés d'autoroutes sont détenues par l'Etat, directement et via ADF, à plus de 90 %. Qui peut dire que leur dette n'est pas celle de l'Etat, qui la garantit au travers des emprunts de la Caisse Nationale des Autoroutes (CNA) ? Si, comme c'est le cas à la SNCF depuis dix ans, les lourds investissements des autoroutes n'avaient pas la rentabilité attendue, une nouvelle hypothèque pèserait sur les finances publiques.

La troisième solution, un ralentissement des programmes d'investissement serait certainement plus efficace financièrement, mais de toute évidence contraire à la volonté du gouvernement. En effet, la taxe d'aménagement du territoire n'a pas pour but de favoriser la construction de certains axes au détriment d'autres. En particulier, ce serait une impasse que de vouloir absolument financer des axes a priori peu fréquentés et ralentir la construction d'itinéraires rentables. L'aménagement du territoire et l'emploi n'y trouveraient pas leur compte. Chaque milliard de francs investi dans les autoroutes représente 3.000 emplois, et un kilomètre en fonctionnement nécessite 4 emplois permanents. Enfin, il serait très peu cohérent de renoncer à l'accélération du programme alors qu'elle vient d'être décidée (début 1994).

Reste la seule solution viable : l'augmentation des tarifs de péage. Cette solution est la seule qui concilie une situation financière satisfaisante pour les sociétés sans pour autant retarder les investissements. Cette solution est d'ailleurs assez compatible avec le nouveau rôle de péréquation dévolu au Péage, même si elle n'est guère conforme à la loi n° 55-435 du 18 avril 1955 (8 ( * )) portant statut des autoroutes ; à savoir un rôle de péréquation entre les tronçons amortis et rentables et les tronçons à construire. Cette solution trouve cependant sa limite dans les perturbations qu'elle peut occasionner aux autres rôles du péage : couverture des coûts de construction et d'exploitation des sections sur lesquelles il se situe, orientation conjoncturelle et structurelle du trafic, régulation de la fluidité pour raisons de sécurité. Ceci signifie qu'il ne sera pas possible d'aller très loin dans la taxation des autoroutes : la hausse correspondante des tarifs de péage pourrait nuire à la fonction économique qu'elles doivent remplir.

Devant l'Assemblée nationale, le ministre de l'aménagement du territoire de l'équipement et des transports s'est montré ouvert à toutes les solutions (9 ( * )) (mis à part un accroissement de l'endettement), tout en réaffirmant qu'il veillerait à la poursuite du programme d'investissement. Devant le Sénat, le ministre de l'économie et des finances a admis qu'une révision des barèmes de tarifs devrait prendre la taxe en considération (10 ( * )) Les solutions à chercher seront adaptées à la situation financière des différentes sociétés. Il est inéluctable qu'une répercussion au moins partielle sur les péages interviendra.

* 5 Le projet de loi de finances pour 1995 prévoyait le remboursement anticipé d'un milliard de francs de dettes d'Autoroutes de France envers l'Etat.

* 6 La concession de COFIROUTE a été globalement allongée de 15 ans. en raison surtout du programme de travaux important dont elle aura la charge (20 milliards de francs sur 10 ans). L'A86 Ouest lui est concédée pour 50 ans après mise en service (vers 2008).

* 7 Calcul réalisé sur les 7 sociétés acquittant la taxe (la SFTRF. qui n'a pas d'autoroute encore en service, n'y est pas assujettie de fait)

* 8 Article L 122-4 du code de la voirie routière

* 9 1 ère séance du mercredi 25 octobre 1995 - J.O. Débats n° 52 AN. (C.R) p. 2.436

* 10 Séance du 24 novembre 1995 - .10 Débats n° 54 S (C R) p 3019

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