Rapport n° 187 (1995-1996) de M. Louis SOUVET , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 31 janvier 1996

Disponible au format Acrobat (1,3 Moctet)

Tableau comparatif au format Acrobat (1,4 Moctet)

N° 187

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 31 janvier 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, portant création d'un fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi,

Par M. Louis SOUVET,

Sénateur.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (l0ème législ. ) : 2346, 2417 et T.A. 439

Sénat : 147 (1995-1996).

Emploi.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean-Pierre Fourcade, président ; Jacques Bimbenet, Claude Huriet, Charles Metzinger, Louis Souvet. vice-présidents ; Mme Michelle Demessine. M. Charles Descours, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Jacques Machet. secrétaires ; José Balarello, Henri Belcour, Jacques Bialski, Paul Blanc, Mme Annick Bocandé, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Georges Dessaigne, Mme Joëlle Dusseau, MM. Guy Fischer, Alfred Foy, Serge Franchis, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. Alain Gournac, Roland Huguet, André Jourdain, Pierre Lagourgue, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès, Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Louis Philibert, André Pourny, Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, André Vézinhet.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission s'est réunie le mercredi 31 janvier 1996, sous la présidence de M. Jacques Bimbenet, vice-président, pour procéder à l'examen du rapport de M. Louis Souvet sur le projet de loi n° 147 (1995-1996), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en première lecture, portant création d'un fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi.

M. Louis Souvet, rapporteur, a tout d'abord rappelé que le projet de loi était la transposition législative de l'accord du 6 septembre 1995 « préretraite contre emploi » qui institue un système de préretraite financé par les entreprises et les salariés sur les fonds de l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC). En contrepartie, l'employeur doit embaucher un salarié, jeune de préférence, pour un volume d'heures de travail au moins équivalent à celui qu'aurait effectué le salarié ayant cessé son activité par anticipation.

Le rapporteur a précisé que 150.000 à 190.000 salariés remplissaient les conditions requises et que les partenaires sociaux attendaient de cet accord entre 70.000 et 100.000 embauches d'ici la fin de 1996. Il a en outre souligné le succès immédiat du dispositif

M. Louis Souvet, rapporteur, a ensuite donné les raisons de la transposition législative ; il s'agit d'autoriser l'utilisation des ressources de l'assurance chômage pour verser une allocation de préretraite, de déterminer les effets juridiques de la rupture du contrat de travail par accord des deux parties, de valider rétroactivement les départs anticipés effectués en marge de la loi, enfin d'instituer une procédure d'agrément des accords qui aura pour effet de les étendre aux secteurs « hors champ », dont les branches ne sont pas représentées au sein des organisations patronales signataires de l'accord (agriculture, sécurité sociale, secteur sanitaire et social...).

M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé que l'accord du 6 septembre 1995 illustrait clairement l'évolution de la politique de l'emploi consacrant un retrait partiel de l'État au profit des collectivités locales, des partenaires sociaux et des entreprises. Cette évolution révélait en outre une prise de conscience progressive de la nécessité d'activer les dépenses passives d'indemnisation ; la possibilité de cumuler une rémunération pour une activité réduite avec un revenu de remplacement a constitué la première traduction d'une telle prise de conscience. Puis, à la suite de la loi quinquennale du 20 décembre 1993, les partenaires sociaux ont mis en place un dispositif, financé par l'UNEDIC, dans le cadre de conventions de coopération, permettant de subventionner les entreprises qui embaucheraient un demandeur d'emploi depuis plus de huit mois. Constatant le peu de succès des conventions, ils ont cherché en 1995 à rendre ce dispositif plus attractif

Enfin, l'accord du 6 septembre 1995 « préretraite contre emploi » rendu possible par la bonne situation financière du régime d'assurance chômage, et en contrepartie de la reprise partielle de dettes par l'État, met en place un dispositif beaucoup plus efficace d'activation des dépenses d'indemnisation.

Le rapporteur a alors tracé les grandes lignes de cet accord ainsi que des accords qui lui sont annexés. Un fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi est créé au sein de l'UNEDIC, géré par un conseil de surveillance et doté de 8 milliards de francs, dont 4 au titre des exercices 1995 et 1996. Pourront bénéficier du dispositif de cessation d'activité jusqu'au 31 décembre 1996 les salariés nés en 1936 et 1937 justifiant de 160 trimestres de cotisations au régime de base de l'assurance vieillesse. Le salarié recevra alors une allocation égale à 65 % de son salaire brut antérieur jusqu'à son 60ème anniversaire.

Le rapporteur a ensuite précisé la procédure et les principales conditions de mise en oeuvre du dispositif. Il a notamment expliqué les modifications introduites par l'Assemblée nationale en ce qui concerne le versement d'une indemnité conventionnelle ou légale de départ à la retraite, les conditions dans lesquelles doivent s'effectuer les embauches compensatrices, ainsi que les pénalités en cas de non-respect de l'accord. Enfin, il a présenté les cinq articles du projet de loi, ainsi que les modifications introduites par l'Assemblée nationale.

M. Louis Souvet, rapporteur, a alors annoncé qu'il ne proposait pas d'amendement à la commission. Il a justifié cette position en précisant que le dispositif lui paraissait bien défini et que les modifications qu'il aurait pu proposer, si elles pouvaient améliorer le texte, n'auraient cependant pas apporté de changement de fond et surtout auraient eu l'inconvénient de retarder la promulgation de la loi, alors que de nombreuses entreprises, notamment dans les secteurs hors champ, l'attendent avec impatience. Il a, en conséquence, proposé d'adopter le projet de loi sans modification.

M. Jean Madelain a exprimé son parfait accord avec la position adoptée par le rapporteur et s'est félicité de voir les partenaires sociaux s'engager dans un processus d'activation des dépenses passives d'indemnisation. Il s'est demandé si le dispositif de financement par le fonds des mesures de soutien à l'emploi serait pérennisé.

M. André Jourdain, saluant l'importance « psychologique » de l'accord, s'est inquiété de savoir si le fonds pourrait financer d'autres mesures. Il a notamment évoqué la création d'entreprises par les demandeurs d'emploi et l'amélioration des conventions de conversion qui, manifestement, ne rencontraient pas le succès escompté. Il s'est également inquiété des contraintes liées à l'obligation d'embauches compensatoires.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est félicitée de l'unanimité manifestée par les partenaires sociaux sur ce projet et s'est interrogée sur la possibilité de multiplier les mesures d'activation de ce type, tout en reconnaissant la difficulté de les financer. Elle a notamment cité la possibilité de passer des conventions avec les collectivités locales ou de réduire la durée du temps de travail. Elle a également souhaité savoir dans quelle mesure l'État pourrait concourir à alimenter le fonds et comment était calculée l'allocation de cessation d'activité lorsque les salariés bénéficiaient déjà d'une mesure de préretraite progressive.

M. Guy Fischer s'est félicité de l'adoption de l'accord et a souhaité savoir quel était le montant de l'indemnité versée au salarié à l'occasion de son départ anticipé.

M. Claude Huriet a relevé le caractère expérimental du dispositif et s'est interrogé sur la possibilité de le proroger.

M. Jacques Blanc s'est demandé s'il était possible d'étendre un tel accord aux collectivités locales.

M. Jean Chérioux s'est félicité de la politique d'activation des dépenses passives et a évoqué l'idée d'utiliser les ressources du régime d'assurance chômage pour favoriser le passage au travail à temps partiel dès lors qu'il y aurait une contrepartie d'embauche.

M. Charles Metzinger s'est inquiété des capacités de l'UNEDIC à financer durablement des dispositifs de ce type.

Enfin, M. Marcel Lesbros a rappelé qu'il avait formulé des propositions en vue de financer des congés sabbatiques assortis d'embauches compensatoires sur les fonds de l'UNEDIC, et a regretté qu'aucune disposition en ce sens n'ait été prise.

En réponse aux différents orateurs, M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé que le régime de l'assurance chômage ne pouvait intervenir au titre de la politique de l'emploi et de l'activation des dépenses passives que dans la mesure où son équilibre financier le lui permettait. En tout état ce cause, son intervention pouvait créer une dynamique favorable à l'embauche et à l'emploi, mais ne devait pas interférer durablement avec les mécanismes du marché du travail.

Il a rappelé que les chômeurs qui souhaitaient créer une entreprise pouvaient bénéficier de l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprises (ACCRE) et a indiqué que l'employeur avait toutes les chances de trouver sur le marché de l'emploi les personnes qu'il devait embaucher en contrepartie des départs anticipés, d'autant qu'il disposait pour cela d'un délai de trois mois, pouvant être porté, dans certains cas, à cinq mois.

Il a précisé que l'indemnité versée à la personne cessant par anticipation son activité était calquée, à la suite d'un amendement de l'Assemblée nationale, sur l'indemnité de départ à la retraite à l'initiative du salarié, mais qu'elle ouvrait droit au bénéfice des exonérations sociales et fiscales attachées à l'indemnité de départ à la retraite à l'initiative de l'employeur.

Il a rappelé que l'accord aurait une durée d'application de quinze mois, ce qui paraissait suffisant pour permettre de toucher l'ensemble des salariés susceptibles d'en bénéficier.

Il a également expliqué que les collectivités locales ne pouvaient bénéficier d'un tel dispositif dans la mesure où elles ne cotisaient pas, pour la plupart, au régime d'assurance chômage.

Il a enfin insisté sur le fait que le régime d'assurance chômage restait un régime d'assurance et qu'il ne pouvait en aucune façon financer de façon pérenne des mesures d'insertion, surtout s'il apparaissait que les chiffres du chômage continuent d'augmenter.

La commission a alors approuvé le projet de loi à l'unanimité, sans modification.

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi portant création d'un fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi, adopté par le Conseil des ministres du 8 novembre 1995, transpose dans la loi les accords des partenaires sociaux du 5 juillet 1995 qui crée un fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi et du 6 septembre 1995 « relatif au développement de l'emploi en contrepartie de la cessation d'activité de salariés totalisant 160 trimestres et plus de cotisations aux régimes de base d'assurance vieillesse ».

Cet accord met en place un système de préretraite financé par les entreprises et les salariés sur les ressources de l'UNEDIC, dans le cadre du fonds paritaire. Il s'agit là d'une innovation majeure en matière « d'activation des dépenses passives d'indemnisation ». En contrepartie, les partenaires sociaux ont institué une obligation d'embauche compensatoire pour un volume horaire de travail au moins équivalent à ce que le salarié partant aurait effectué jusqu'à son départ en retraite à 60 ans. Cet accord s'intègre donc directement à la politique de l'emploi conduite par le Gouvernement, tout en lui donnant une dimension nouvelle.

Les partenaires sociaux et le Gouvernement estiment entre 150.000 et 190.000 le nombre de salariés remplissant les conditions requises et entre 70.000 et 100.000 d'ici la fin 1996 le nombre d'embauches compensatrices. Entre le 1er octobre et début janvier, soit en un peu plus de trois mois, 10.000 embauches ont été réalisées sur ce fondement et 36.000 salariés ont retiré un dossier de demande. Le succès du dispositif a donc été immédiat, alors même que tous les employeurs cotisant aux ASSEDIC ne pouvaient en bénéficier.

Les raisons de la transposition législative

Quatre raisons justifient la transposition législative de ces accords au lieu et place de leur extension par arrêté ministériel afin d'en généraliser l'application :

ï l'accord prévoit une utilisation des cotisations d'assurance chômage non mentionnée dans le code du travail : il s'agit ici, en effet, de consacrer une part des ressources de l'assurance chômage non au versement d'un revenu de remplacement dans l'attente d'une reprise d'emploi, mais au versement d'une allocation de préretraite : or seule la loi peut autoriser cette utilisation. Une telle autorisation avait d'ailleurs déjà été donnée en février 1995 pour financer les conventions de conversion. On notera à ce propos que le Gouvernement considère que ces autorisations doivent être données au coup par coup, afin de tenir compte de la situation financière du régime d'assurance chômage ;

ï l'accord fait référence à un mode de rupture du contrat de travail -par accord des deux parties, employeur et employé- non prévu par le droit du travail ( ( * )2) qui ne connaît que la démission ou le licenciement. Il convient donc de fixer par la loi le régime juridique de ce mode de rupture ;

ï l'accord, pour les raisons susdites, se situe en marge de la loi avec pour conséquence que les départs anticipés déjà acceptés n'ont pas de base légale. Il convient donc de les valider rétroactivement pour la période située entre le 1er octobre 1995, date d'entrée en vigueur de l'accord, et la date de l'agrément de l'accord, qui interviendra après la promulgation de la loi ;

ï l'accord ne concerne que les employeurs adhérents des organismes nationaux signataires de l'accord, CNPF, CGPME et UPA. Si cet accord était étendu, il concernerait également les employeurs non adhérents des organisations patronales mais relevant d'une branche qui y serait représentée. En revanche, les employeurs des secteurs non couverts par l'accord, c'est-à-dire appartenant à une branche d'activité non représentée dans les organisations patronales signataires (secteurs « hors champ »), ne peuvent mettre en oeuvre le dispositif, puisqu'il ne leur est juridiquement pas applicable. Une solution aurait pu consister à conclure des accords de même type dans les branches non concernées. Celle qui a été retenue est législative et réglementaire : elle consiste à créer un nouveau type d'accord, l'accord agréé, qui a les mêmes effets qu'un décret : l'accord, une fois conclu et agréé par arrêté ministériel, s'applique à tous les employeurs cotisant aux ASSEDIC et entrant dans les catégories définies par la loi (la loi exclut notamment les collectivités locales ayant adhéré volontairement au régime d'assurance chômage pour leurs salariés non statutaires). L'agrément sort donc l'accord du droit purement conventionnel pour en faire un instrument de la politique de l'emploi. Les secteurs hors champ qui pourront ainsi être concernés sont notamment l'agriculture, le journalisme, la sécurité sociale ou le secteur sanitaire et social.

Le contexte de l'accord du 6 septembre 1995

L'accord du 6 septembre 1995, conclu par l'ensemble des organisations syndicales et patronales ayant participé à sa négociation, illustre l'évolution actuelle de la politique de l'emploi. En effet, tout en s'engageant lui-même dans une vaste réforme structurelle d'abaissement du coût du travail, avec la ristourne dégressive sur les cotisations de sécurité sociale et les dispositifs en faveur des jeunes et surtout des chômeurs de longue durée, notamment le contrat initiative-emploi, l'État délègue une part de la politique de l'emploi de plus en plus importante aux collectivités territoriales, aux partenaires sociaux et aux entreprises.

Les partenaires sociaux se sont ainsi engagés, depuis quelques années, dans un processus d'activation des dépenses passives d'indemnisation, afin de faire en sorte que ces dépenses servent l'emploi, et d'abord ne le desservent pas en « dés incitant » à la reprise d'emploi. C'est ainsi que pour éviter que les demandeurs d'emploi hésitent à reprendre ou à conserver une activité réduite qui leur ferait perdre leur allocation, un système de cumul partiel et temporaire de l'indemnisation et de la rémunération a été mis en place et amélioré à plusieurs reprises, et dernièrement en juin 1994 (cf. délibération n° 28 de l'UNEDIC).

Dans le même esprit, la loi quinquennale du 20 décembre 1993 (art. 8) avait prévu la mise en oeuvre d'une indemnité différentielle en cas de reprise d'une activité rémunérée à un salaire inférieur au montant de l'allocation de chômage, financée par l'UNEDIC. Les partenaires sociaux ont refusé de s'engager dans cette voie. En revanche, ils ont, par un accord du 8 juin 1994, institué des formes expérimentales d'intervention du régime d'assurance chômage en faveur de certains allocataires.

Cet accord contient deux volets applicables à titre expérimental jusqu'au 31 décembre 1996 :


• d'une part, il améliore les possibilités de cumul entre une rémunération et les allocations de chômage -dix-huit mois (au lieu de douze) dans le cas général- et supprime toute limite pour les chômeurs de plus de 50 ans (cf. ci-dessus) ;


• d'autre part, il crée des conventions de coopération, conclues entre les ASSEDIC, l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE), les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP), des entreprises, des groupements d'entreprises ou tout autre organisme intervenant dans le domaine de l'emploi ou de la formation. Ces conventions ont pour objet de faciliter le reclassement des chômeurs indemnisés au moins depuis huit mois.

Le dispositif des conventions de coopération a nécessité une disposition législative -c'est l'article 92 de la loi n° 95-116 du 4 février 1995-afin d'autoriser l'utilisation des ressources du régime d'assurance chômage à une autre fin que le versement d'un revenu de remplacement.

Le principe de fonctionnement des conventions de coopération est le suivant : l'entreprise partie à la convention recrute, à durée déterminée ou indéterminée, un chômeur indemnisé en vue de son reclassement et le rémunère, conformément au droit du travail. Pendant la période de reclassement, qui ne pourra dépasser six mois, l'entreprise perçoit, à titre d'aide, le montant des indemnités qui auraient été versées au chômeur s'il était resté sans emploi.

L'UNEDIC devait consacrer 500 millions de francs à ces actions en 1995. Selon les partenaires sociaux, près de 13.000 demandeurs d'emploi devaient bénéficier chaque année de cette mesure.

Mais ce dispositif, très novateur, n'a pas rencontré le succès escompté : pour 61 conventions agréées, seuls 47 emplois ont été créés, la moitié à durée déterminée. Cela s'explique sans doute par son caractère peu attractif et par un certain manque de notoriété.

C'est pourquoi les partenaires sociaux ont souhaité améliorer l'accord du 8 juin 1994 par un avenant du 6 juillet 1995 : le versement de l'aide est porté de six à douze mois, son montant est stabilisé à la valeur d'entrée dans le dispositif au lieu d'être dégressif comme l'allocation, l'imputation de l'aide sur les droits de l'allocataire est supprimée, ce qui permet à ce dernier d'en retrouver l'intégralité si l'insertion échoue pour un motif quelconque, et le mode de calcul des huit mois de chômage nécessaires pour permettre le recours à ce dispositif est assoupli. Par ailleurs, les décisions sont décentralisées à l'échelon des ASSEDIC. Seules les conventions non conformes à une convention type sont examinées par l'UNEDIC. Mais le dispositif s'est, depuis, trouvé en concurrence avec le contrat initiative-emploi, beaucoup plus avantageux pour l'employeur, et le renouveau attendu ne semble pas s'être produit.

Néanmoins une étape que votre rapporteur qualifiera de « psychologique » a été franchie dans le sens de l'activation des dépenses passives.

L'accord du 6 septembre 1995 s'inscrit donc dans cette perspective, puisqu'il propose un nouveau dispositif d'activation des dépenses d'indemnisation, cette fois beaucoup plus attractif. Sa signature a été largement facilitée par l'amélioration de la situation financière de l'UNEDIC : il constitue une contrepartie à la reprise partielle de la dette de l'UNEDIC par l'État, qui résulte d'un avenant du 5 octobre 1995 à l'accord de 1993 conclu lorsque le régime connaissait un grave déficit ( ( * )3) . L'accord du 6 septembre a été précédé par un premier accord, en date du 5 juillet 1995, prévoyant « l'intervention financière du régime d'assurance chômage pour favoriser l'embauche en facilitant l'offre d'emploi », et la création, à titre temporaire jusqu'au 31 décembre 1996, d'un « fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi », sous forme d'une ligne budgétaire au sein du régime d'assurance chômage.

Votre commission se félicite de cette prise en charge par les partenaires sociaux d'une partie de la politique de l'emploi, initiative qui pourra peut-être être renouvelée. L'idée de départ était en effet de conférer au fonds paritaire d'intervention une vocation généraliste. Il convient toutefois de ne pas perdre de vue que de telles mesures ne peuvent être envisagées que si le régime d'assurance chômage est dans une situation financière excédentaire. Or, les récents chiffres du chômage montrent que cette situation pourrait ne pas durer.

Les grandes lignes des accords du 6 septembre 1995

Trois accords ont été conclus le 6 septembre 1995. Tout d'abord, un avenant à la convention de 1984 relative à l'UNEDIC crée le fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi au sein de l'UNEDIC qui en assure la gestion technique. Le fonds « a pour objet de financer des mesures décidées par les partenaires sociaux et destinées à permettre un meilleur soutien de l'emploi ». Un conseil de surveillance composé de représentants des partenaires sociaux assure le suivi des activités (art. 19 nouveau de la convention modifiée du 24 février 1984 relative aux institutions de l'assurance chômage). Un autre accord, toujours du 6 septembre, affecte huit milliards de francs au fonds, dont quatre au titre des exercices 1995 et 1996. Le projet de loi donne une existence légale à ce fonds.

Enfin, l'accord du 6 septembre 1995 « préretraites contre embauches » précise le dispositif de développement de l'emploi voulu par les partenaires sociaux. Pourront bénéficier du dispositif de cessation d'activité entre le 1er octobre 1995 et le 31 décembre 1996 les salariés nés en 1936 et 1937 atteignant 57 ans et 9 mois au cours de cette période et ceux nés en 1938 lorsqu'ils atteindront 57 ans et 6 mois, justifiant de 160 trimestres de cotisation aux régimes de base de l'assurance vieillesse. Ces salariés doivent avoir été affiliés douze ans au régime d'assurance chômage, et être depuis un an chez leur dernier employeur. Ils ne doivent en outre pas percevoir de complément de ressources au titre d'un dispositif anticipé de retraite, si ce n'est dans le cadre d'une préretraite progressive.

Par ailleurs, différentes situations marginales devraient être examinées par les partenaires sociaux. En outre, les salariés ayant validé 172 trimestres pourront bénéficier du dispositif à compter du 1er octobre sans condition de naissance.

L'accord fixe la procédure de la demande ainsi que les délais de réponse de l'employeur et de l'ASSEDIC. La demande est toujours à l'initiative du salarié et l'employeur est libre d'accepter ou non. En cas d'acceptation de l'employeur et du fonds, qui s'en remettra aux ASSEDIC pour effectuer un contrôle de forme, le salarié cesse son activité et perçoit une allocation égale à 65 % du salaire brut calculée sur le salaire moyen des douze derniers mois, sauf si le salarié s'est vu contraint d'accepter avant son départ, en raison des difficultés de l'entreprise, une diminution de salaire ou un travail à temps partiel. C'est le salaire temps plein qui est alors pris en compte. Cela concerne notamment les préretraites progressives du FNE. On notera que le projet de loi renvoie à l'accord les conditions de fixation de l'allocation.

L'allocation sera versée jusqu'au soixantième anniversaire. Elle sera assujettie à une cotisation de sécurité sociale de 5,5 %, à la CSG et au RDS, sauf si ces cotisations ramènent le revenu en dessous du SMIC journalier (actuellement 207 F). Une couverture sociale est assurée au préretraité. Ces points sont repris dans le projet de loi qui leur donne une base légale.

Par ailleurs, le salarié touche une indemnité de cessation d'activité d'un montant égal à celui de l'indemnité conventionnelle ou légale de départ à la retraite, calculée sur la base de l'ancienneté acquise à la date de rupture.

Enfin, en contrepartie de la prise en charge du salarié en préretraite par le régime d'assurance chômage, l'employeur doit procéder dans les trois mois à des embauches compensatoires correspondant au minimum au volume d'heures de travail que le salarié partant aurait effectué jusqu'à son départ en retraite. La nature du contrat de la personne embauchée dépend de la nature du contrat du salarié partant : contrat à durée indéterminée pour contrat à durée indéterminée et contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée pour un contrat à durée déterminée. L'embauche ne peut être réalisée dans le cadre d'un contrat aidé. L'accord précise en outre qu'une attention particulière doit être portée aux jeunes de moins de 26 ans. Enfin, diverses dispositions règlent les difficultés pouvant survenir, telles que l'absence d'embauches compensatrices qui donne lieu à une pénalité financière (remboursement majoré de 50 % de l'allocation versée au préretraité, au prorata du nombre d'heures non effectuées), ou la rupture du contrat de travail du nouvel embauché, qui doit entraîner une nouvelle embauche dans les deux mois. L'ASSEDIC doit être tenue informée de tout événement pouvant survenir dans la mise en oeuvre du dispositif par le préretraité ou par l'employeur.

Cet accord entrait en application, pour les entreprises concernées, dès le 1er octobre. L'UNEDIC a publié les documents d'information nécessaires au cours de la première quinzaine d'octobre et ce dispositif fonctionne avec succès en marge de la loi depuis cette période.

Le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui et qui a été adopté par l'Assemblée nationale le 19 décembre dernier, légalise les dispositifs en marge de la loi retenus par les accords : il comprend cinq articles examinés ci-après.

La commission, suivant son rapporteur, n'a, sur ces articles, adopté aucun amendement. Le dispositif lui a paru suffisamment cerné et défini et même s'il était possible d'apporter quelques améliorations, notamment sur l'article premier A, elle y a renoncé ; ces modifications, essentiellement de forme, n'auraient rien changé quant au fond et surtout, elles auraient eu pour conséquence de retarder la promulgation de la loi alors que beaucoup d'entreprises et de salariés, notamment dans les secteurs « hors champ », attendent sa promulgation avec impatience. Trop retarder l'adoption du texte retirerait beaucoup d'intérêt et d'efficacité au dispositif.

Votre commission vous proposera donc d'adopter le projet de loi sans modification.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier A - Création d'un fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi

Le projet de loi adopté par le Conseil des ministres insérait les dispositions relatives au fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi et aux allocations versées en cas de cessation d'activité en contrepartie d'embauche dans le code du travail. Mais, considérant que les partenaires sociaux avaient conclu un accord -dont le projet de loi est la transposition législative- qui n'était valable que jusqu'au 31 décembre 1996, l'Assemblée nationale, sur proposition de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, a opportunément décidé de ne pas codifier ces dispositions. L'adoption de l'article premier A est la conséquence de cette position : celui-ci reprend en effet les dispositions figurant à l'article L. 353-3 que l'article premier devait insérer dans le code du travail.

Le premier alinéa de l'article premier A crée un fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi. Il autorise les parties signataires de l'accord prévu à l'article L. 351-8 du code du travail, c'est-à-dire les organisations syndicales les plus représentatives d'employeurs et de travailleurs (cf. art. L. 352-2 du code du travail) ayant conclu l'accord relatif au régime d'assurance chômage, à verser au fonds paritaire une partie des contributions des employeurs et des salariés au régime d'assurance chômage mentionnées à l'article L. 351-3-1. Deux précisions sont en outre apportées : un plafond sera fixé par décret (il devrait être de 4 milliards), et les sommes ainsi versées au fonds ne pourront servir qu'à financer des mesures de soutien à l'emploi, elles-mêmes prévues à l'article premier : il s'agit du versement d'allocations au bénéfice de salariés demandant une cessation d'activité, dès lors qu'ils répondent aux conditions fixées par la loi et l'accord du 6 septembre 1995. Le dispositif est donc strictement encadré.

Le deuxième alinéa dispose que le fonds paritaire est géré par les institutions gestionnaires du régime d'assurance chômage (cf. art. L. 351-21), c'est-à-dire par l'UNEDIC.

Le troisième alinéa renvoie la détermination des mesures financées par le fonds paritaire à des accords conclus par les partenaires sociaux. Le fonds pourrait donc être amené à financer d'autres types d'actions que celles expressément prévues par le projet de loi ( ( * )4) . Toutefois, ces accords devront être agréés par un arrêté du ministre chargé de l'emploi. Cet agrément est soumis à deux conditions :

ï le dispositif prévu par l'accord doit être compatible avec la politique de l'emploi ; l'État se réserve ainsi un moyen indirect d'inciter les partenaires sociaux à coordonner leur propre politique de l'emploi avec la sienne ;

ï il ne doit pas être contraire aux dispositions législatives et réglementaires, ce qui peut paraître aller de soi, mais vise les accords dérogatoires ; même lorsque la loi les y autorise, le fonds ne peut être appelé à les financer. Cela semble normal dans la mesure où ces accords sont le plus souvent spécifiques ; or, la vocation du fonds, qui relève de la politique de l'emploi, doit être générale.

On notera qu'actuellement aucun accord n'a été agréé. L'accord du 6 septembre 1995 doit, pour pouvoir l'être, être partiellement transposé dans la loi puisqu'il contient des dispositions contraires à celle-ci : ce sera l'objet de l'article premier examiné ci-après.

Les quatrième et cinquième alinéas fixent la procédure d'agrément et en déterminent les effets. Il est tout d'abord prévu un avis du comité supérieur de l'emploi (cf. art. L. 322-2), instance qui assiste le ministre chargé du travail dans la mise en oeuvre de la politique d'adaptation aux contraintes du développement économique financée dans le cadre du fonds national de l'emploi et où sont représentées les administrations intéressées et les organisations professionnelles d'employeurs et de travailleurs. Par ailleurs, avant l'agrément, les accords doivent être soumis à publicité dans les mêmes conditions que pour un arrêté d'extension : ainsi un avis relatif à l'agrément doit être publié au journal officiel invitant les organisations et les personnes intéressées à faire connaître leurs observations. Dans un second temps, l'arrêté d'agrément est publié au journal officiel.

L'arrêté d'agrément rend ces accords applicables à tous les employeurs et salariés visés à l'article L. 351-4 (employeurs soumis à l'obligation d'assurer les salariés qui leur sont liés par un contrat de travail contre le risque de privation d'emploi), ou mentionnés aux 3° et 4° de l'article L. 351-12 et placés sous le régime de l'article L. 351-4 (entreprises publiques, établissement à caractère industriel et commercial des collectivités territoriales, sociétés d'économie mixte dans lesquelles les collectivités territoriales ont une participation majoritaire, salariés non statutaires des chambres des métiers, des services à caractère industriel et commercial gérés par les chambres de commerce et d'industrie, des chambres d'agriculture, ainsi que les services d'utilité agricole de ces chambres). L'agrément étend donc le champ d'application de l'accord au-delà de ce qu'il aurait été s'il avait été simplement « étendu ». L'agrément ne fait plus référence aux branches d'activités, mais se réfère aux champs UNEDIC déterminés par la loi. En ce sens, il a le même effet qu'un décret.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article premier - Conditions de mise en oeuvre et financement de l'allocation de cessation d'activité

Dans le texte initial du Gouvernement, l'article premier insérait deux articles nouveaux dans le code du travail. Le premier, pour les raisons susdites, figure à l'article premier A, le second, désormais non codifié, constitue le présent article. Il transpose dans la loi l'accord du 6 septembre 1995 « préretraites contre embauches », sous réserve de quelques adaptations et précisions justifiant la voie législative. Il comporte trois paragraphes.

Le paragraphe I autorise la cessation anticipée d'activité, précise les conditions et la procédure de financement des allocations, et détermine les effets juridiques de la rupture du contrat de travail.

Le premier alinéa dispose que le fonds prévu à l'article premier A assure le financement d'allocations aux bénéfices des salariés ayant demandé à cesser leur activité par anticipation, dès lors que la demande est acceptée par l'employeur. Celui-ci a un pouvoir d'appréciation souverain. En revanche, le fonds n'a pas ce pouvoir, dès lors que le salarié remplit les conditions fixées par l'accord ; au titre des conditions, on citera notamment la durée des périodes d'assurance, ou reconnues équivalentes (cas des maternités, cf. JO débats AN p. 5351) dans les régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse (l'accord fixe 160 trimestres) ( ( * )5) . Il ne peut que vérifier que le dossier est complet et exact. On notera toutefois que le deuxième alinéa, à la suite d'un amendement de précision du Gouvernement, introduit une incertitude car il laisse supposer que le fonds pourrait refuser de prendre en charge le salarié. Il s'agit en fait de renforcer la protection juridique du salarié pour le cas où le fonds ne pourrait plus s'engager à payer d'allocations, sa dotation étant devenue insuffisante.

Il est en outre précisé que le dispositif s'applique dans les conditions déterminées par un accord agréé comme il a été dit à l'article premier A. Il ne s'agit ici que d'un rappel. Cependant, dans la mesure où le texte ne donne aucune indication sur les modalités de calcul de l'allocation, cela signifie que celles-ci sont déterminées par l'accord seul. Ce dernier (art. VI) fixe son montant à 65 % du salaire mensuel brut antérieur de l'intéressé dans la limite de quatre fois le plafond de la sécurité sociale. Le salaire brut de référence est le salaire brut moyen des douze derniers mois précédant la cessation d'activité calculé de la même façon que le salaire de référence de l'allocation unique dégressive. Cela signifie notamment que l'on prend en compte la rémunération habituelle et non celle qui résulterait d'une activité réduite imposée ou d'un salaire réduit en raison de difficultés économiques.

Le deuxième alinéa précise la situation juridique du salarié au regard de la rupture du contrat de travail. Il dispose que l'acceptation par l'employeur de la demande du salarié entraîne la rupture du contrat de travail « du fait du commun accord des parties ». Ce mode de rupture n'entre pas dans les catégories de rupture de droit commun que sont le licenciement et la démission. Il s'apparente à la rupture du contrat de travail d'un salarié ayant accepté de bénéficier d'une convention de conversion (cf. art. L. 321-6 du code de travail) ou à la rupture anticipée par accord des parties d'un contrat de travail à durée déterminée (art. L. 133-3-8). Il s'agit donc d'une procédure spécifique, non soumise aux conditions de délais ou de notifications du licenciement ou de la démission, fixée par l'accord du 6 septembre 1995 (art. III) : demande par lettre recommandée avec accusé de réception, ou récépissé de remise en main propre, réponse par écrit dans le délai d'un mois, date de rupture fixée par l'employeur dans les deux mois de l'acceptation. On notera que cette date n'est effective que si l'ASSEDIC a donné son accord et si le fonds est en mesure de prendre en charge l'intéressé (cf. ci-dessus).

L'alinéa dispose également que l'acceptation de la demande du salarié entraîne l'obligation, pour l'employeur, de procéder à une ou plusieurs embauches compensatrices de demandeurs d'emploi, dans les conditions, notamment de délai, prévu par le présent article (paragraphe II commenté ci-dessous) et par l'accord agréé. C'est ce dispositif de remplacement « heure pour heure » qui justifie de classer l'accord parmi les mesures d'activation des dépenses passives d'indemnisation. L'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur, s'est interrogée sur l'opportunité de supprimer le terme de « compensatrices » pour qualifier les embauches effectuées en contrepartie des départs. Mais ayant constaté que ce terme, juridiquement inutile dans le contexte, avait une portée pédagogique, elle a décidé de le garder.

Le troisième alinéa concerne le versement au salarié d'une indemnité de cessation d'activité à la charge de l'employeur. L'accord du 6 septembre prévoit que le montant de cette indemnité est égal à celui de l'indemnité légale de départ à la retraite. Le projet de loi initial modifiait légèrement la formule en prévoyant le versement anticipé de l'indemnité de départ à la retraite à l'initiative de l'employeur. L'Assemblée nationale, sur proposition de son rapporteur, a souhaité revenir au texte de l'accord en précisant que l'indemnité de cessation d'activité est calculée comme l'indemnité de départ à la retraite à l'initiative du salarié, moins coûteuse pour l'employeur. En tout état de cause, les dispositions conventionnelles plus favorables s'appliquent. Le choix de la référence (demande de retraite à l'initiative du salarié ou de l'employeur) a en outre une incidence sur le régime fiscal et social de l'indemnité : l'indemnité de départ à la retraite à l'initiative du salarié est considéré comme un revenu sur lequel sont opérés les prélèvements habituels, alors que l'indemnité de départ à la retraite à l'initiative de l'employeur, qui a un caractère, comme l'indemnité de licenciement, de dommages-intérêts, est exonérée de cotisations sociales et d'impôt sur le revenu. La logique voulait donc que l'indemnité de cessation d'activité soit assujettie à l'impôt (au-delà de 20.000 F) comme aux cotisations. Mais l'Assemblée nationale a précisé que l'indemnité, comme d'ailleurs le prévoyait implicitement le Gouvernement, obéissait au même régime fiscal et social que l'indemnité de licenciement et donc qu'elle était exonérée.

En conséquence de ces modifications, l'alinéa dispose que le montant de l'indemnité de cessation d'activité est égal à celui de l'indemnité de départ à la retraite prévue au premier alinéa de l'article L. 122-14-13 du code du travail (initiative du salarié), calculée sur la base de l'ancienneté acquise au moment de la rupture du contrat de travail, sans préjudice de l'application de dispositions conventionnelles plus favorables.

Aux termes de l'article L. 122-14-13, l'indemnité légale est égale à l'indemnité prévue à l'article 6 de l'accord (du 10 décembre 1977) annexé à la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978 relative à la mensualisation et à la procédure conventionnelle : un demi-mois de salaire après 10 ans d'ancienneté, un mois après 15 ans, un mois et demi après 20 ans et deux mois après 30 ans. Le salaire pris en considération est le salaire moyen des trois derniers mois (art. R. 122-2 du code du travail).

Le quatrième alinéa, qui ne figurait pas dans le texte original, a été introduit par le Gouvernement à l'Assemblée nationale. Il vise à soumettre les ruptures de contrat de travail des salariés protégés qui souhaitent cesser leur activité par anticipation à l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail : celui-ci effectue un « contrôle restreint » du respect des conditions légales, qui double celui de l'ASSEDIC, et surtout s'assure du consentement du salarié ; les salariés concernés sont les conseillers du salarié (art. L. 122-14-16), les membres d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (art. L. 236-11), les délégués syndicaux (art. L. 412-18), les délégués du personnel (art. L. 425-1), les représentants du personnel au comité d'entreprise et (sous-amendement de l'Assemblée nationale) les conseillers prud'hommes (art. L. 514-2).

Enfin, le cinquième alinéa dispose que les allocations (dites allocations de remplacement pour l'emploi, ARPE) versées par le fonds paritaire sont soumises aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 352-3 du code du travail, c'est-à-dire qu'elles sont cessibles et saisissables dans les mêmes conditions et limites que les salaires, qu'elles sont exonérées du versement forfaitaire (taxe) de droit commun, car elles sont assujetties à des cotisations spéciales dont le taux est fixé par décret (cf. art. 2), et qu'elles sont imposables au titre de l'impôt sur le revenu.

Le paragraphe II fixe les conditions dans lesquelles l'employeur doit procéder aux embauches compensatrices de demandeurs d'emploi, après le départ anticipé d'un salarié. Deux hypothèses sont retenues.

Le premier alinéa concerne la compensation du départ d'un salarié sous contrat à durée indéterminée ; la ou les embauches (donc, dans ce cas, à temps partiel) doivent être à durée indéterminée et correspondre à un volume d'heures au moins égal à celui qu'aurait pratiqué le partant jusqu'à son soixantième anniversaire. Cela signifie, dans le cas général (contrat à durée indéterminée à temps plein) que la personne embauchée doit avoir un âge égal ou inférieur au partant.

Le deuxième alinéa concerne le départ d'un salarié sous contrat à durée déterminée ; la compensation se fait à volume d'heures de travail au moins égal à celui que le salarié aurait accompli s'il avait poursuivi son contrat jusqu'à son terme, sans que la durée du ou des contrats conclus puisse être inférieure à six mois.

Dans les deux cas, la compensation doit donc être intégrale. L'accord (art. VII) précise que les embauches à plein temps constituent une priorité et qu'elles doivent intervenir dans les trois mois suivant l'acceptation de la demande de départ anticipé. Les contrats d'insertion ou de formation aidés par l'État ou les partenaires sociaux (conventions de coopération) sont exclus. L'accord recommande en outre une attention particulière pour les jeunes de moins de 26 ans.

Le troisième alinéa détermine la sanction de l'inobservation des obligations relatives aux embauches compensatrices : l'employeur doit rembourser au fonds paritaire d'intervention les sommes versées par celui-ci au salarié ayant cessé par anticipation son activité, au prorata du nombre d'heures non accomplies, majoré de 50 %. La sanction peut donc se révéler coûteuse.

L'accord précise en outre qu'en cas de rupture du contrat de travail du ou des salariés embauchés en contrepartie du départ, l'employeur doit procéder dans les deux mois à de nouvelles embauches pour la durée restant à courir.

Enfin, le paragraphe III de l'article premier prévoit une information du comité d'entreprise, ou à défaut des délégués du personnel. Cette information prendra la forme d'un bilan des cessations de travail et des embauches compensatrices, présenté à l'occasion de la réunion sur l'emploi prévue à l'article L. 432-4-1 du code du travail, tous les trimestres dans les entreprises de plus de 300 salariés et tous les semestres dans les autres. Ce paragraphe reprend l'article IX de l'accord.

En plus des modifications déjà évoquées, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements de coordination.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 2 - Assujettissement de l'allocation de remplacement pour l'emploi à une cotisation d'assurance maladie, maternité, invalidité et décès

Le deuxième alinéa de l'article L. 131-2 du code de la sécurité sociale dispose que les avantages alloués aux assurés en situation de préretraite ou de cessation d'activité sont assujettis à une cotisation d'assurance maladie, maternité, invalidité et décès, à un taux fixé par décret. L'article 2 rend applicable ces dispositions à l'ARPE.

La cotisation sera donc de 5,5 % (art. D. 242-12 du code de la sécurité sociale). S'y ajoute une cotisation de 2,4 % au titre de la CSG et bientôt de 0,5 % au titre du RDS. Ces cotisations ne sont pas perçues (ou le sont seulement en partie) si l'allocation journalière est inférieure au SMIC journalier (207 francs) ou si la rémunération est ramenée par ces cotisations en-dessous de ce seuil.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sous réserve d'un amendement de coordination (conséquence de la décodification).

Votre commission vous demande de l'adopter sans modification.

Art. 3 - Droit aux prestations en nature des assurances maladie et maternité du régime général pour les bénéficiaires de l'ARPE

Comme cela est prévu par l'article L. 311-5 du code de la sécurité sociale pour les personnes en complète inactivité par application d'accords professionnels ou interprofessionnels régionaux ou nationaux, les bénéficiaires de l'ARPE ont droit, pour elles-mêmes et leurs ayants-droit, à des prestations en nature des assurances maladie et maternité du régime général de sécurité sociale, auquel ils cotisent en vertu de l'article 2 ci-dessus. Le régime de protection sociale est donc celui appliqué dans le cadre des dispositifs de même nature relevant de la politique de l'emploi menée par l'État.

Cet article a été modifié à l'Assemblée nationale à seule fin de coordination.

Votre commission vous propose de l'adopter sans modification.

Art. 4 - Application rétroactive

L'accord du 6 septembre 1995 relatif au développement de l'emploi en contrepartie de la cessation d'activité de salariés totalisant 160 trimestres et plus de cotisations aux régimes de base d'assurance vieillesse (art. X) stipule qu'il entre en application le 1er octobre 1995.

Or l'accord pose deux types de problèmes : il contient des dispositions non autorisées par la loi, notamment en prévoyant l'utilisation des contributions à l'assurance chômage à d'autres fins (versement de l'ARPE) que celles prévues par le code du travail ou en déterminant les effets juridiques d'un type de rupture du contrat de travail non prévu par le code, et il n'est applicable, dans la mesure où il n'est pas étendu (justement parce qu'il est en marge de la loi), qu'aux entreprises appartenant à une organisation signataire de l'accord, en l'occurrence le CNPF. Or, d'autres secteurs « hors champ » souhaitent l'appliquer. Toutes ces raisons justifiaient donc l'intervention d'une loi afin de lever ces obstacles juridiques. Tel est l'objet du présent texte qui rendra de ce fait possible l'agrément de l'accord.

Toutefois, afin de tenir compte de la volonté des partenaires sociaux, il est proposé de valider rétroactivement à la date de l'accord les cessations d'activité acceptées antérieurement à la promulgation de la loi, en application de l'accord. Cela n'aura cependant pas pour effet de valider d'éventuels départs intervenus dans les secteurs « hors champ », puisque l'accord n'y était pas applicable.

L'article 4 rend donc applicable les dispositions de la loi aux ruptures de contrats intervenues entre le 1er octobre 1995 et la date de l'agrément de l'accord. Ne sont toutefois pas reprises dans la loi les dispositions du dernier alinéa du paragraphe II qui édictent des sanctions pécuniaires, en raison du caractère non rétroactif des lois pénales. Toutefois, cette disposition pouvant s'analyser comme une clause pénale contractuelle, elle s'applique entre les parties et peut donner lieu à dommages-intérêts pour la période considérée. Les employeurs ne sont donc pas exemptés de leurs engagements.

Cet article a été adopté modifié par un amendement de clarification de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales et un sous-amendement du Gouvernement ayant le même objectif.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

En conséquence, la commission des Affaires sociales vous demande d'adopter, sans modification, le présent projet de loi.

* (2) Sauf pour le cas très spécifique des conventions de conversion.

* (3) L'accord du 6 septembre 1995 relatif à la dotation du Fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi institué par le relevé de décisions de la réunion paritaire sur l'emploi du 5 juillet 1995 et sur l'avenant du 6 septembre 1995 aux statuts de l'UNEDIC précise : « Le présent accord prend en compte l'ensemble des engagements pris par l'État dans le cadre du protocole d'accord tripartite du 23 juillet 1993 et de la convention État-UNEDIC du 13 octobre 1993, engagements confirmés par le Premier ministre lors des entretiens des 4 et 5 septembre 1995 et par les lettres du ministre du Travail, du Dialogue social et de la Participation adressées les 5 et 6 septembre 1995 au président de l'UNEDIC. »

* (4) Sous réserve que soit modifié le début du premier alinéa qui réserve le fonds au financement de la seule allocation de cessation anticipée d'activité. Cette restriction est révélatrice de la prudence avec laquelle le Gouvernement s'engage dans cette voie, malgré les déclarations du ministre du travail à l'Assemblée nationale : « le fonds pourra servir d'instrument pour d'autres expériences, si le besoin s'en fait sentir. »

* (5) L'accord impose une durée de cotisation supérieure à ce qu'exige aujourd'hui le code de la sécurité sociale pour avoir droit à une retraite à taux plein : les 160 trimestres ne seront requis qu'à partir de 2003.

Page mise à jour le

Partager cette page