II- LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

S'il n'est pas douteux que le secteur des fruits et légumes en France est pénalisé par le système en vigueur, il n'est pas assuré pour autant que la proposition de réforme de la Commission corresponde à son intérêt.

Devant les propositions de réforme de la Commission, deux attitudes étaient concevables : repousser l'ensemble des dispositions proposées ou en retenir les principales orientations en en corrigeant les faiblesses et en demandant des garanties. Il n'a pas paru souhaitable à votre commission de proposer le rejet du dispositif proposé : elle a donc opter pour la seconde attitude.

Les propositions de votre commission ont pour objet, tout d'abord, de modifier le dispositif proposé au niveau communautaire, afin d'en empêcher les dérives prévisibles et d'en infléchir les dispositions dans un sens plus conforme aux intérêts de la filière des fruits et légumes ; elles visent aussi à dénoncer, une nouvelle fois, l'absence de mise en place des mécanismes de protection du marché communautaire conduisant à considérer le secteur agricole, et notamment celui des fruits et légumes, comme une perpétuelle monnaie d'échange.

A- UNE RÉFORME INSUFFISANTE DANS SES MODALITÉS

Si votre commission souscrit, globalement, à l'esprit de cette réforme, elle propose la mise en oeuvre de mécanismes plus satisfaisants pour parvenir à un réel équilibre et renforcer la compétitivité du secteur des fruits et légumes.

Comme le souligne la Délégation du Sénat pour l'Union européenne les modalités de la réforme sont conçues avec une rigidité excessive, qui pourrait compromettre leur efficacité, et le dispositif proposé comporte des insuffisances notables.

1. Permettre un renforcement effectif de la filière au sein d'une profession organisée

a) Une organisation économique plus structurée


• Les organisations de producteurs et les interprofessions

Ces organisations pourront devenir la cheville ouvrière de ce secteur si elles sont réellement à même de remplir le rôle qui leur est assigné.

Les organisations de producteurs estiment qu'afin de mettre en place une organisation de la production à la fois la plus efficace possible et suffisamment souple, le principe d'une reconnaissance des organisations de producteurs par produit devrait être conservé, telle qu'il était prévu dans le règlement 1035/72, et imposer aux producteurs de n'être adhérents que d'une seule organisation de producteurs pour tous les produits pour lesquels cette organisation est reconnue.

En effet, l'obligation pour un producteur donné de n'être membre que d'une seule organisation de producteurs et de vendre soit la totalité de sa production au travers de cette organisation de producteurs, soit une partie seulement et l'autre partie au travers d'une autre organisation de producteurs, choisie par la première organisation de producteurs, risque de poser des problèmes comme, par exemple :

- l'octroi d'une « prime à l'inefficacité » à des structures non spécialisées dans la commercialisation de certains produits mais qui pourraient obliger leurs adhérents à livrer ces produits ;

- ou l'impossibilité pour un producteur produisant deux produits distincts et très spécifiques (pêche et tomate d'industrie, par exemple) de s'impliquer dans la gestion de deux organisations de producteurs différentes.

Enfin, l'absence de critères de reconnaissance des OP et la non attribution d'aides aux groupements de producteurs pour favoriser leur mise en conformité avec les nouvelles règles et les inciter au regroupement en bassins de production s'avèrent dommageables.

En ce qui concerne les interprofessions, les professionnels font observer qu'en préconisant la reconnaissance de plusieurs interprofessions de niveau régional dans un même Etat membre, le texte risque de provoquer le désordre dans l'ensemble de la filière. De plus leur rôle n'est pas clairement défini (par exemple, en matière de commercialisation).


L'industrie de la transformation

La difficulté particulière porte sur l'exclusivité des contrats entre le secteur de transformation et les organisations de producteurs. Il s'agit d'une mesure acceptable à moyen terme, mais qui va certainement provoquer, dans l'immédiat, de graves problèmes d'adaptation dans les Etats et les régions confrontés à des retards dans la structuration de leurs organisations de producteurs. Cela tend à montrer la nécessité de définir une période de transition adéquate dans la réforme de l'OCM.

D'autre part, la proposition visant à remplacer dans l'industrie de la transformation les quotas fixes par des quotas mobiles peut provoquer, arbitrairement, de sérieux problèmes en favorisant certains Etats membres au détriment d'autres.

b) La diminution des retraits doit être ni systématique ni globale

La proposition de la Commission visant à réduire progressivement les prix de retrait pour les rendre complètement dissuasifs au bout de quatre ans ne peut être acceptée.

S'agissant des retraits, il convient en effet d'établir une distinction entre excédents structurels et excédents conjoncturels, afin d'adapter le mécanisme d'élimination des premiers et de réserver le régime de retrait aux seconds. C'est pourquoi les réductions linéaires des prix institutionnels proposées par la Commission sont contestables, celles-ci ne pouvant être acceptées que pour certains produits et pour certaines variétés provenant d'un nombre limité de régions. Une réduction radicale de l'ensemble des prix de retrait pourrait entraîner les disparitions de dizaines d'exploitations, l'indemnisation ne couvrant même pas les frais de cueillette.

Ainsi, par exemple, la baisse du prix de retrait découlant du calcul de celui-ci à partir du prix mensuel moyen le plus bas de 1995/1996 serait négligeable pour les aubergines, les raisins, les abricots ; mais elle serait de 56 % pour les pommes, de 45 % pour les poires et de 30 % pour les choux-fleurs et les tomates. Si l'on prend en compte la baisse supplémentaire de 15 % prévue sur 5 ans, la réduction du prix de retrait paraît, pour certains produits, draconienne.

Jusqu'à présent, les retraits constituent le seul élément de soutien direct du secteur et représentent un filet de sécurité indispensable en raison des caractéristiques de la production (caractère périssable et irrégularité en raison des conditions climatiques). Or, la volonté de la Commission de plafonner les retraits à 10 % de la production commercialisée de chaque groupement de producteurs est en totale contradiction avec le fait qu'elle reconnaisse, dans son exposé des motifs, que l'apparition d'excédents conjoncturels est inhérente à la production des fruits et des légumes et que, dans ce cas, les retraits constituent un instrument efficace pour soutenir les prix de marché. Il faut donc impérativement supprimer cette notion de plafond mais, par contre, mettre en place un système de responsabilité des opérateurs par rapport aux quantités retirées. Ainsi, le système retenu paraît rigide, contraignant et inéquitable.

c) La réforme des fonds opérationnels doit s effectuer au bénéfice de l'ensemble de la filière

La Commission préconise la création d'un mécanisme de cofinancement public. La méthode du fonds de roulement unique -doté de missions très vastes- pour regrouper tous les mécanismes actuels de soutien interne au secteur amène votre commission à émettre un certain nombre de réserves. En effet le financement des opérations d'intervention ne doit pas se confondre avec les actions structurelles et les actions de promotion. De plus, en l'absence d'orientations sur son montant et sur sa dotation, se pose la question des capacités du fonds à accomplir les missions que lui assigne la Commission ; il est enfin également discutable que le montant du fonds soit limité en fonction de la dimension de l'organisation de producteurs.

2. Assurer une meilleure garantie de transparence du secteur

a) La carence actuelle de l'outil statistique n'est pas comblée

La proposition de la Commission, en ne prévoyant la compilation de statistiques qu'au niveau des groupements de producteurs et en n'envisageant ni le traitement de ces statistiques au niveau national et communautaire, ni l'obligation pour les producteurs hors groupement de fournir les mêmes informations, reste tout à fait insuffisante en la matière. Il apparaît de plus quelque peu irréaliste de prétendre confier à une organisation une collecte d'informations auprès des producteurs qui ne sont pas membres de cette dernière.

Il est enfin illusoire de prétendre gérer un marché si on ne connaît ni les potentiels de production, ni les flux physiques et financiers de commercialisation.

b) L'affirmation de la compétence communautaire en matière de normalisation

La normalisation est un instrument de transparence du marché trop important pour être déléguée au groupe de la Commission économique pour l'Europe de l'ONU.

L'adoption des normes recommandées par la Commission européenne pour l'Europe de l'ONU ne garantit pas l'indépendance de l'Union européenne en la matière. En outre, ces normes ne couvrent pas l'ensemble des produits commercialisés en Europe. En conséquence, il semble préférable que l'établissement des normes reste du ressort d'un groupe de travail européen qui s'engagerait à prendre comme base de travail, pour les produits pour lesquels elles existent, les normes CEE/ONU.

c) Un indispensable renforcement des contrôles

Les propositions de la Commission n'envisagent pas la définition et l'harmonisation des méthodes de contrôle, l'établissement d'un système de sanctions, la coordination des services nationaux et des services communautaires et le financement des ressources humaines et matérielles requises.

Les producteurs souhaitent, au contraire, une harmonisation des contrôles et des sanctions dans tous les Etats membres et une responsabilité du détenteur du produit à tous les stades de la commercialisation et non plus seulement du producteur, comme c'est le cas actuellement.

De plus une incertitude demeure quant à l'application effective de ces contrôles aux produits importés ; il serait en effet pour le moins inéquitable que les seuls fruits et légumes communautaires fassent l'objet d'un renforcement de ces contrôles.

Ainsi le renforcement des normes de qualité et surtout leur contrôle effectif, tout particulièrement pour les produits importés, permettraient d'atteindre un double objectif que la réforme de l'OCM néglige : l'amélioration de la qualité des produits offerts par une meilleure prise en compte de critères gustatifs et l'utilisation éventuelle de la normalisation comme moyen de gérer le marché (calibres, date de mise en marché...).

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