B. LA SUPPRESSION DE L'INTERDICTION DE LA VENTE DU PRODUIT OU LA PRESTATION DE SERVICES LIÉE
La subordination de vente consiste à obliger le distributeur, qui souhaite acquérir un certain produit, à acheter également d'autres produits ou services. Par exemple, si un distributeur souhaite distribuer un alcool de marque célèbre, il s'agit de l'obliger à acquérir également un autre alcool de marque peu connue et donc plus difficile à vendre et qu'il n'aurait pas de lui-même souhaité commercialiser.
L'article 36-3 de l'ordonnance de 1986 rend passibles d'une condamnation civile trois pratiques de subordination de vente :
- la vente ou la prestation conditionnelle pour laquelle un fournisseur impose à un client d'acheter un produit ou un service qu'il ne désire pas, pour que sa commande de produits ou de services soit satisfaite ;
- la vente par lots, par laquelle un fournisseur regroupe en un même ensemble indissociable des produits ou des services différents et non complémentaires aux fins de l'offrir à la vente, même à un prix inférieur à la somme des prix unitaires des produits et des services composant l'ensemble ;
- la vente par quantité imposée, par laquelle un fournisseur impose l'acquisition d'une quantité minimale de produits, sauf si ces produits font l'objet d'un conditionnement unique conforme aux usages commerciaux.
Le maintien, en 1986, de cette disposition datant de 1945, n'était justifié que pour éviter de contourner l'interdiction du refus de vente : un producteur aurait pu, en jumelant deux produits, refuser la vente sans tomber sous les dispositifs d'interdiction si les ventes liées avaient été licites.
L'autorisation du refus de vente faisant perdre tout objet à cette disposition, le projet de loi propose de supprimer cette disposition en proposant une nouvelle rédaction de l'article 36-3 (comme on le verra ci-après).
C. LA LUTTE CONTRE LES ABUS DE DÉPENDANCE ÉCONOMIQUE
La répression de l'abus de dépendance économique est certes déjà prévue dans la législation (article 8-2 de l'ordonnance), mais sa mise en oeuvre suppose qu'il y ait un effet sur le marché, ce qui est rarement le cas lorsque la victime est une petite ou moyenne entreprise.
Le concept de dépendance est difficile à cerner, sauf cas de relations contractuelles étroites (sous-traitance ou réseaux intégrés), ce qui explique que l'on ait préféré isoler certaines pratiques particulièrement abusives qui sont en fait révélatrices de la dépendance économique, pour faciliter l'établissement de la preuve devant le juge.
Le projet de loi identifie donc certaines pratiques révélatrices d'un abus de dépendance économique et les traite en tant que telles, avec un dispositif de responsabilité civile.
Dans le but de rééquilibrer les relations producteurs-distributeurs, l'article 4 du projet de loi prévoit ainsi trois nouveaux cas susceptibles d'engager la responsabilité de l'entreprise qui serait à l'origine de l'une des pratiques suivantes :
- la tentative d'obtention ou l'obtention de conditions d'achat abusives (article 36-3) ;
- la menace de rupture abusive des relations commerciales (article 36-4) ;
- la rupture abusive des relations commerciales établies (article 36-5).
1. La tentative d'obtention ou l'obtention de conditions d'achat abusives (article 36-3)
Le référencement est un contrat par lequel une centrale d'achat ou de référencement représentant plusieurs revendeurs (distributeurs, détaillants ou grossistes) autorise un fournisseur, en contrepartie de conditions de vente ou d'avantages financiers particuliers, à proposer ses produits a la revente chez ses affiliés.
Ces « primes de référencement » (lorsqu'il s'agit de contreparties financières) peuvent atteindre des sommes considérables.
L'Institut de liaisons et d'études des industries de consommation (ILEC) évalue ainsi entre 1 à 3 millions de francs le budget de référencement moyen par enseigne en France pour un produit de marque nationale. Ce même budget ne s'élève en moyenne qu'à 800 à 900.000 francs en Allemagne et 120 à 200.000 francs en Grande-Bretagne.
Il arrive que des fournisseurs, pour avoir une chance de voir leurs produits proposés à la vente par une enseigne, versent de telles primes sans aucune contrepartie ou avec une contrepartie insuffisante, et s'aperçoivent au bout d'un an que le volume des commandes passées par l'enseigne concernée n'a même pas atteint le montant de la prime !
Or, les producteurs sont rarement en mesure de résister aux conditions imposées par les distributeurs.
Ces, pourquoi, il convient de sanctionner ce type d'abus de dépendance économique.
Le projet de loi initial prévoyait de sanctionner la subordination du référencement d'un fournisseur à l'octroi d'avantages sans contrepartie suffisante. L'expérience de l'octroi de tels avantages, posé comme condition préalable à la passation de commandes, devait être assorti d'un « engagement sur un volume d'achat proportionné ou un service demandé par le fournisseur et ayant fait l'objet d'un accord ».
L'Assemblée nationale a modifié le texte et visé le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir de tels avantages sans les assortir d'un engagement écrit. Elle a précisé que le service éventuellement demandé par le fournisseur devait également faire l'objet d'un accord écrit.
Si elle estime souhaitable cette exigence d'un écrit, votre commission vous propose cependant d'adopter une nouvelle rédaction de l'article 36-3 de façon, notamment, à réintroduire la précision selon laquelle il s'agit d'une « condition préalable à la passation de commandes » . L'Assemblée nationale l'avait supprimée, ne faisant plus aucune référence au fait que l'on souhaite ici lutter contre les chantages au référencement.
2. Menace de rupture abusive des relations commerciales (article 36-4)
Le texte proposé pour l'article 364 de l'ordonnance propose de ranger au nombre des pratiques restrictives ou déloyales l'emploi de la menace de rupture brutale des relations commerciales pour tenter d'obtenir des prix, des délais de paiement, des modalités de ventes ou des conditions de coopération commerciale qui sont manifestement exorbitants des conditions générales de vente.
Contrairement à l'article 36-3 nouveau, qui vise spécifiquement une pratique des revendeurs, l'article 36-4 nouveau concerne aussi bien des pratiques des acheteurs que celles des vendeurs.
En effet, deux types de déséquilibres des relations commerciales existent : celui qui se fait au détriment des producteurs, en situation de dépendance économique à l'égard des distributeurs ; mais aussi celui des commerçants qui subissent des pratiques abusives des grands producteurs.
Sur la proposition de sa commission de la Production et des Échanges, l'Assemblée nationale a sensiblement modifié le projet de loi initial, par le biais de ce qu'on peut qualifier d' » amendement virgule », consistant à modifier la place d'une virgule, afin d'empêcher l'obtention de conditions de vente exorbitantes des conditions générales de vente, ceci même en l'absence de menace d'une rupture brutale des relations commerciales.
Une telle disposition interdirait de facto toute négociation commerciale, quand on sait que, dans la pratique, les conditions générales de vente constituent le plus souvent la base à partir de laquelle ces négociations peuvent s'engager. A l'heure actuelle, les parties peuvent toujours décider de déroger aux conditions générales de vente et le législateur ne saurait avoir pour objectif de le leur interdire, sauf à renoncer au caractère libéral de notre économie.
C'est pourquoi, votre commission vous demande d'adopter une nouvelle rédaction de l'article 36-4.
En outre, une discussion s'est déroulée à l'Assemblée nationale sur la portée du terme « exorbitant », qui a encore obscurcit le débat. Juridiquement, ce terme signifie : « qui dépasse le cadre habituel », mais dans le langage courant il signifie : « tout à fait excessif ». Pour éviter toute ambiguïté sur ce point, votre commission propose d'y substituer le mot : « dérogatoire ».
Enfin, l'Assemblée nationale a prévu qu'engagerait sa responsabilité une personne effectuant le même type de pratique, même en l'absence de conditions générales de vente, lorsque les conditions obtenues sont manifestement exorbitantes des usages commerciaux.
Cette disposition répond à la situation de nombreux petits producteurs et pourrait d'ailleurs les inciter à établir des conditions générales de vente.
Votre commission estime utile cette disposition.
Rappelons, en effet, que l'article 33 de l'ordonnance de 1986 n'impose pas aux producteurs ou aux prestataires de services d'établir un barème de prix ou un document retraçant leurs conditions de vente. Il les oblige simplement à communiquer ces documents, lorsqu'ils existent, aux acheteurs qui en font la demande.
3. Rupture abusive des relations commerciales établies (article 36-5)
Le texte proposé pour l'article 36-5 de l'ordonnance, comme celui proposé pour l'article 36-4, s'applique aussi bien à l'acheteur qu'au fournisseur, même s'il a surtout pour objet de lutter contre des pratiques abusives de déréférencement.
Le projet de loi initial prévoyait que serait considérée comme déloyale par la loi, la rupture brutale, totale ou partielle, sans motif légitime, des relations commerciales établies avec un fournisseur ou un client.
Il précisait que la menace ou l'existence d'une rupture brutale des relations commerciales serait appréciée par le juge en fonction des relations commerciales antérieures entre les deux partenaires et des usages reconnus par des accords professionnels. Le respect de cette disposition imposait donc d'adresser un préavis de rupture assorti d'une durée « raisonnable ».
Sur la proposition de sa commission de la production et des échanges, l'Assemblée nationale a sensiblement modifié ce dispositif :
- en supprimant la notion de « motif légitime », aux contours flous et variables ;
- en introduisant l'obligation d'établir un préavis écrit « dans un délai conforme aux usages reconnus par des accords interprofessionnels », mais en supprimant la référence aux relations commerciales antérieures.
Votre commission vous propose de réintégrer cette notion, qui est essentielle dans la mesure où il existe en réalité très peu d'accords interprofessionnels en la matière, le texte ayant pour objectif d'inciter les professionnels à en établir.
Elle vous propose, par conséquent, de prévoir qu'engage la responsabilité de son auteur le fait de « rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte des relations commerciales antérieures ou des usages reconnus par des accords interprofessionnels ».
Votre commission vous demande donc d'adopter un amendement proposant une nouvelle rédaction du 4 et du 5 de l'article 36 de l'ordonnance de 1986.
4. Limitation à l'atteinte à l'ordre public économique de l'action en justice du Parquet, du ministre chargé de l'économie et du président du Conseil de la concurrence
L'article 36 de l'ordonnance de 1986 organise un régime dérogatoire au droit commun s'agissant des titulaires de l'action devant la justice. Outre le droit d'action reconnu à toute personne justifiant d'un intérêt, il permet au parquet, au ministre chargé de l'économie et au président du Conseil de la concurrence d'introduire l'action devant une juridiction civile ou commerciale pour l'une des pratiques restrictives visées (pratiques discriminatoires, refus de vente ou de prestation de services, vente ou prestation liée).
En effet, ces pratiques résultent le plus souvent d'un abus de puissance. La victime n'ose donc pas porter plainte en justice et ne peut d'ailleurs pas se le permettre, sauf à courir le risque de subir des représailles économiques causant un dommage supérieur à la réparation qu'elle pourrait obtenir du juge. Or, ces pratiques ne sont pas conformes à l'ordre public économique voulu par le législateur.
En outre, il est souhaitable que le parquet, le ministre chargé de l'économie et le Conseil de la concurrence puissent saisir le juge lorsqu'ils ont connaissance de l'existence de telles pratiques, à l'occasion des plaintes dont ils sont saisis, des enquêtes auxquelles ils font procéder, des procès-verbaux qu'ils reçoivent ou des instructions qu'ils conduisent.
Le paragraphe III de l'article 4 du présent projet de loi propose de préciser ce que doit être la finalité de l'action civile ou commerciale en justice du parquet, du ministre chargé de l'économie et du président du Conseil de la concurrence, à savoir la poursuite des atteintes à l'ordre public économique. Il ne s'agit pas pour eux d'obtenir une réparation pécuniaire, mais de faire disparaître une pratique déloyale. C'est pourquoi, il restreint aux personnes j ustifiant d'un intérêt à agir le droit de demander le versement d'une indemnité. Ceci correspond bien entendu à la pratique. Ainsi, selon la jurisprudence, le ministre est appelé à occuper, devant les juridictions de l'ordre judiciaire, une place qui ne permet pas de l'assimiler à celle occupée par un justiciable dépendant des intérêts particuliers. Si le ministre est seul, il ne peut donc logiquement réclamer que la cessation des pratiques illicites.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 4 ainsi modifié.
Article 5
(article 37 de l'ordonnance n°
86-1243 du 1er décembre 1986)
Renforcement des sanctions applicables aux ventes à la sauvette sur le domaine public
• Les ventes à la sauvette, ou
« ventes sauvages », représentent une forme de
concurrence déloyale à l'égard du commerce
sédentaire car, pour une même activité, ceux qui s'y
livrent ne supportent pas les mêmes charges. Elles sont susceptibles, en
outre, de peser sur l'hygiène et la sécurité des
consommateurs.
Le premier alinéa de l'article 37
de
l'ordonnance du 1er décembre 1986 a donc organisé la
répression de ce type de pratiques.
Il dispose qu' » il est interdit à toute personne d'offrir à la vente des produits ou de proposer des services en utilisant, dans des conditions irrégulières, le domaine public de l'État, des collectivités locales et de leurs établissements publics. »
Rappelons que la jurisprudence administrative considère comme appartenant au domaine public, les biens affectés à l'usage direct du public, tels que les rivages de la mer ou la voirie terrestre (routes, rues et places des villes), ainsi que les biens affectés à un service public et faisant l'objet d'un aménagement spécial (aérodromes, voies ferrées, stations du métro, gares avec leurs dépendances).
L'exercice d'une activité commerciale sur le domaine public est soumis au respect d'un certain nombre de règles.
Il suppose :
- que la personne envisageant une telle activité ait la capacité requise pour être commerçant et satisfasse aux obligations pesant sur ceux effectuant professionnellement des actes de commerces ;
- qu'elle soit titulaire d'une autorisation : permission de voirie, accordée par l'autorité chargée de la gestion du domaine, s'il s'agit d'une occupation privative avec emprise (kiosques, étalages permanents, buvettes implantées dans des parcs municipaux) ; permis de stationnement délivré par l'autorité chargée de la police, s'il s'agit d'une occupation sans emprise (vente de souvenirs sur un trottoir ou camion magasin sur le bord des routes, par exemple).
• Le défaut d'autorisation
administrative fait l'objet de sanctions
:
- l'article 33 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 le sanctionne d'une contravention de cinquième classe (soit 10.000 francs, 20.000 francs en cas de récidive) ;
- par ailleurs, les articles R. 644-2 et R. 644-3 punissent d'une amende de 5.000 francs au plus (contravention de quatrième classe) et d'une confiscation, le fait de contrevenir aux dispositions réglementaires concernant l'occupation des lieux publics.
Ce dispositif n'a pas enrayé la multiplication des ventes à la sauvette sur le domaine public.
C'est pourquoi, l'article 5 du présent projet de loi tend à renforcer les sanctions applicables.
A cet effet, il insère dans l'ordonnance un nouvel article 37-1 qui reprend intégralement les dispositions du premier alinéa de 1'article 37, puis il prévoit que les infractions à ces dispositions sont recherchées et constatées dans les conditions prévues aux articles 45 à 47 et à 1'article 52 de l'ordonnance.
Ainsi, les agents de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, mais aussi les officiers de police judiciaire (en application des pouvoirs généraux qu'ils détiennent du code de procédure pénale), pourront désormais procéder à des enquêtes et dresser des procès-verbaux, recevoir des commissions rogatoires des juges d'instruction, accéder aux locaux et diligenter des expertises.
En outre, ils pourront retenir pendant un mois les marchandises offertes à la vente, ainsi que les biens ayant permis la vente ou l'offre de services, ce qui constitue une nouveauté apportée par le texte.
Les procès-verbaux seront communiqués au procureur de la République, qui pourra saisir le tribunal.
Ce dernier aura la possibilité de décider la confiscation des produits offerts à la vente ou des biens ayant permis la vente des produits ou l'offre de services.
• L'article 5 du projet de loi ne modifie pas le
second alinéa de l'article 37 de l'ordonnance, qui interdit aux
associations ou coopératives d'entreprise ou d'administration de vendre
de façon habituelle des produits ou des services, si ces
activités ne sont pas prévues par leurs statuts.
Il conviendrait de veiller à une plus stricte application de ces règles.
Une réflexion est en cours concernant la concurrence déloyale que certaines associations exerceraient au détriment des professionnels du commerce. Il convient toutefois d'être prudent en la matière, dans la mesure où il est également souhaitable d'encourager la vie associative dans notre pays.
Dans ce contexte, votre commission vous propose d'adopter un amendement demandant au Gouvernement de déposer sur le bureau des Assemblées parlementaires, avant le 1er janvier 1997, « un rapport sur les activités exercées par les associations en concurrence avec des commerçants ainsi que les problèmes posés par cette concurrence », et présentant le cas échéant des propositions de nature à y remédier.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi complété.
Article 6
(nouveau) (Article 56 ter de l'ordonnance
n° 86-1243 du 1er décembre 1986)
Action en justice des organisations consulaires ou représentatives des consommateurs
La loi n° 95-95 du 1er février 1995, de modernisation de l'agriculture, a introduit un article 56 ter dans l'ordonnance du 1er décembre 1986, qui permet aux organisations professionnelles « d'introduire l'action devant le juge civil ou commercial pour les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession ou de secteur qu'elles représentent, ou à la loyauté de concurrence ».
Sur la proposition de sa commission de la Production et des Échanges, et contre l'avis du Gouvernement, l'Assemblée nationale a décidé d'étendre les dispositions de l'article 56 ter aux organisations consulaires, c'est-à-dire aux chambres de métiers, d'agriculture et de commerce et d'industrie, ainsi qu'aux organisations représentatives des consommateurs.
Votre commission estime cette disposition à la fois peu souhaitable et inutile.
Peu souhaitable, car le fait d'ester en justice pour des faits relatifs à la concurrence n'entre manifestement pas dans les missions des chambres consulaires.
En effet, ces dernières sont des établissements publics qui ont pour attribution de donner au Gouvernement des avis et des renseignements sur des questions industrielles et commerciales, de présenter leur point de vue sur les moyens d'accroître la prospérité de l'industrie et du commerce, et d'assurer l'exécution des travaux et l'administration des services dont elles ont la garde.
Inutile, dans la mesure où les organisations représentatives des consommateurs ont déjà le droit d'ester en justice, en vertu des dispositions du code de la consommation (articles L.421-1 et L.421-2).
Par voie de conséquence, votre commission vous propose de supprimer cet article.
Article additionnel après l'article
6
(paragraphe X de l'article 60 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er
décembre 1986)
Prix abusivement bas offerts ou pratiqués par les prestataires de transport routier de marchandises
Votre commission s'est penchée sur le problème spécifique des prix abusivement bas pratiqués dans le secteur du transport routier de marchandises.
Ce secteur souffre aujourd'hui d'une certaine fragilité, dans la mesure où les entreprises sont simultanément confrontées à un effondrement de leurs prix de vente et à un renchérissement de leurs charges, entraînant la réduction, voire la suppression de leurs marges.
Dans ce contexte et dans le but de moderniser et de réguler leurs activités, les professionnels du secteur ont engagé, depuis un an, une démarche dite du « contrat de progrès ».
Très positive, cette démarche est aussi source de coûts pour les transporteurs, qui ont créé 4.000 emplois nets depuis un an. Elle doit donc être encouragée.
Or, certaines pratiques de prix abusivement bas exercent un effet néfaste sur la profession.
Comment, en effet, supporter une accentuation des charges liées à la nécessaire amélioration des conditions de travail des transporteurs ou au renforcement de la sécurité routière, si, dans le même temps, certains prix « prédateurs » évincent du marché les entreprises engagées dans cette démarche de progrès ?
Or, le droit en vigueur n'est pas efficace :
- La question des prix anormalement bas est traitée par l'article 3 de la loi n°°92-1445 de décembre 1992 relative aux relations de sous-traitance dans le transport routier de marchandises.
Cet article permet de punir d'une amende de 600.000 francs le donneur d'ordres qui rémunère le transporteur à un prix ne permettant pas de couvrir les charges entraînées par les obligations légales et réglementaires, notamment en matière sociale et de sécurité.
Mais il ne vise que les donneurs d'ordres professionnels du transport (il s'agit de la sous-traitance) et il n'incrimine que ces derniers, à l'exclusion donc des prestataires de services qui offriraient ou pratiqueraient de tels prix.
- Le décret du 23 juillet 1992 (dit décret « donneurs d'ordres ») permet de sanctionner tout donneur d'ordres ayant donné des instructions à un transporteur qui son incompatibles avec le respect des réglementations sociales et de sécurité. Il ne le sanctionne que d'une amende de 10.000 francs (contravention de cinquième classe).
- La loi du 1er février 1995 n° 95-96 du 1er février 1996 redéfinit le cadre juridique des contrats de transport en vue de rééquilibrer les relations entre donneur d'ordres et transporteur : elle impose la rémunération de toutes les prestations accomplies par le transporteur en fonction des durées réelles pour leur réalisation.
Ces deux textes ont essentiellement pour mérite de faciliter les investigations des contrôleurs, pour leur permettre d'établir l'infraction en matière de couverture des coûts.
A l'occasion de l'examen de la loi de 1992 précitée sur la sous-traitance, M. Jean-Paul Emin, rapporteur au nom de la Commission des Affaires économiques, avait déjà fait part de son scepticisme quant à l'efficacité de cette loi et avait souhaité que cette reforme soit intégrée dans l'ordonnance du 1er décembre 1986 17 ( * ) . La commission des Affaires économiques avait donc « tiré la sonnette d'alarme », mais elle n'a pas entendue.
Aujourd'hui, force est de constater que ses prédictions étaient, malheureusement pour la profession, justes.
C'est pourquoi votre commission juge nécessaire de remédier aux deux lacunes essentielles des textes en vigueur, qui :
- ne visent pas le cas du prestataire de transport qui offrirait, ou pratiquerait, des prix abusivement bas ;
- ne prévoient pas d'infraction pénale pour le donneur d'ordres qui n'est pas un professionnel du transport, sauf si la complicité est établie. Il sera seulement jugé par le tribunal de commerce pour non respect du contrat qui doit prévoir la rémunération de toutes les prestations et des durées réelles.
Votre commission vous propose d'adopter un article additionnel après l'article premier 6 de façon à interdire à tout prestataire de transport public 18 ( * ) routier de marchandises (notamment aux transporteurs publics routiers de marchandises, commissionnaires de transport ou loueurs de
véhicules industriels) « d'offrir ou de pratiquer un prix abusivement bas par rapport au coût de la prestation, dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou pour effet d'éliminer d'un marche ou d'empêcher l'accès à un marché d'un autre prestataire de transport routier de marchandises » .
Cet article précise que le prix abusivement bas s'évalue par rapport au coût de la prestation et il le définit comme étant « celui qui notamment ne permet pas de couvrir les charges entraînées par les obligations légales et réglementaires » .
Sur le plan formel, cet article additionnel propose une nouvelle rédaction du paragraphe X de l'article 60 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
Il est, en effet, souhaitable de ne pas introduire une disposition spécifique à un secteur dans l'article premier D (nouveau), qui traite du prix abusivement bas de l'ensemble des produits fabriqués ou transformés et qui ne vise que les prix à l'égard des consommateurs, et non les relations entre professionnels.
En outre, le paragraphe X de l'article 60 de l'ordonnance fixe les modalités de répression de l'article premier de la loi de finances n° 63-628 du 2 juillet 1963 sur la revente à perte, article supprimé par le paragraphe I de l'article 2 du présent projet de loi.
Le paragraphe X de l'article 60 de l'ordonnance, qui modifie l'article 4 de la loi de 1963 précitée, est donc caduc. C'est pourquoi votre commission vous en propose une nouvelle rédaction, de façon à introduire la disposition qu'elle vous a exposée ci-dessus. Cette dernière étant spécifique à un secteur, il lui a, en effet, semblé qu'elle trouvait sa place au titre VII de l'ordonnance comportant des dispositions diverses.
En conséquence, elle vous propose, dans un second paragraphe, d'abroger l'article 4 de la loi n° 63-628 du 2 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963 portant maintien de la stabilité économique et financière, devenu lui aussi caduc.
Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel dans la rédaction qu'elle vous soumet.
Article additionnel après l'article
6
(Article 11 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre
1986)
Domaine de compétence du Conseil de la concurrence
L'article 11 prévoit les conditions dans lesquelles le Conseil de la concurrence exerce son contrôle pour l'application des articles 7 et 8, portant respectivement sur les ententes et sur les abus de position dominante et de dépendance économique.
Il est nécessaire d'étendre son champ d'application au contrôle des deux nouvelles infractions créées par le projet de loi :
- à l'article 12-1, sur l'offre ou la pratique de prix abusivement bas, de produits fabriqués ou transformés ;
- au paragraphe X de l'article 60, sur la même pratique, mais concernant la prestation de services routiers de marchandises.
Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel dans la rédaction qu'elle vous soumet.
Article 7 (nouveau)
Missions des commissaires aux comptes
Sur la proposition de M. Jean-Paul Charié, rapporteur de la commission de la Production et des Échanges, et contre l'avis du Gouvernement, l'Assemblée nationale a complété le troisième alinéa de l'article 228 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. Elle a ainsi souhaité confier aux commissaires aux comptes la mission de veiller au respect des dispositions des articles 31 et 35 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, relatifs respectivement facturation et aux délais de paiement légaux.
Deux analyses, pourtant différentes, des missions des commissaires aux comptes, permettent d'aboutir à la même conclusion : cet article doit être supprimé. Il s'avère, en effet, soit inopportun, soit inutile.
On peut considérer que le fait de confier une responsabilité spécifique aux commissaires aux comptes en matière de facturation et de délais de paiement réglementés changerait la nature de leur intervention. Ces professionnels ont pour mission de certifier la régularité et la sincérité des comptes des entreprises.
Ils n'ont pas, en revanche, à assurer une sorte de « police économique » (qui ressortit des missions de 1'État), ceci -qui plus est- aux frais de l'entreprise, d'autant plus que les honoraires des commissaires aux comptes auraient alors toutes les chances d'augmenter.
En outre, ce « contrôle » ne serait -par définition- effectué que dans les entreprises soumises à leur intervention. Y échapperaient donc la majorité des SARL, ainsi que les entreprises individuelles...
Mais, on pourrait aussi considérer que l'article 7 du projet de loi est inutile. En effet, le troisième alinéa de l'article 228 de la loi de 1966 précitée ne confie-t-elle pas aux commissaires aux comptes pour « mission permanente (...) de vérifier (...) les documents comptables de la société et de contrôler la conformité de sa comptabilité aux règles en vigueur » ?
Pour toutes ces raisons, votre commission vous propose de supprimer cet article.
Article 8 (nouveau)
Entrée en vigueur de la loi
Le projet de loi ne contenant aucune disposition particulière sur l'entrée en vigueur de la loi, ses dispositions devraient toutes être applicables le jour de sa promulgation.
Or, un délai s'avère nécessaire pour l'application de certaines d'entre elles.
C'est pourquoi, sur la proposition de sa commission de la Production et des Échanges, l'Assemblée nationale a prévu un délai de six mois avant l'entrée en vigueur des articles premier (règles de facturation) et 2 (calcul du seuil de revente à perte).
Tenant compte du fait que la périodicité mensuelle est la base de la plupart des relations commerciales, l'article 8 dispose que l'entrée en vigueur de ces articles s'effectuera la premier jour du sixième mois suivant la publication de la loi.
Votre commission estime nécessaire un tel délai et vous propose de l'étendre aux dispositions de l'article 3 bis, qui imposera une modification des conditions générales de vente des entreprises (de manière à préciser le point de départ pour le calcul du délai de paiement et le barème d'escompte) et de l'article 3 ter relatif aux délais de paiement de certains produits congelés et surgelés.
Elle vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
Article 9 (nouveau)
Rapport au Gouvernement
Des entreprises publiques ont développé, au cours de ces dernières années, une stratégie d'intervention dans un certain nombre de secteurs économiques ouverts à la concurrence.
Celle-ci a suscité des réflexions et une concertation, qui ont débouché sur des décisions que l'ont peut juger équilibrées.
Il faut rappeler que cet important dossier avait donné lieu à :
- un rapport de l'inspection générale de l'industrie et du commerce, en février 1994 (rapport Guillet) ;
- un avis du Conseil de la concurrence, du 10 mai 1994, précisant les principes à respecter -notamment la transparence- par les entreprises publiques, pour que la diversification de leurs activités n'altèrent pas le jeu normal de la concurrence ;
- un avis du Conseil d'État du 7 juillet 1994 sur la conformité des activités en cause avec le principe de spécialité 19 ( * ) .
Un certain nombre règles ont ainsi été clarifiées et affirmées.
La réflexion mérite cependant d'être poursuivie dans ce domaine. On oppose souvent secteur public et secteur privé, mais n'existe-t-il pas des terrains sur lesquels l'un et l'autre ont intérêt à coopérer, ceci pour le plus grand bénéfice des consommateurs ?
L'Assemblée nationale a adopté, sur la proposition de M. Jean-Paul Charié, rapporteur de la commission de la Production et des Échanges, un article 9 (nouveau) destiné à favoriser les réflexions dans ce domaine. Votre commission y est favorable.
Cet article demande au Gouvernement de déposer sur le bureau des Assemblées parlementaires, « avant le 1er octobre 1997, un rapport faisant le bilan des possibilités de coopération entre les entreprises du secteur public et celles du secteur privé dans les différents domaines d'activités économiques et sociales où elles sont en situation de concurrence ».
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
* 17 Voir l'excellent rapport de notre collègue M. Jea-Paul Emin, au nom de la commission des Affaires économiques (n° 91 - 1ère session ordinaire 1992-1993).
* 18 Public, au sens travaillant pour le compte d'autrui.
* 19 Pour plus de détails, voir l'excellent rapport pour avis de notre collègue M. Jean Besson, au nom de la commission des Affaires économiques sur le budget de l'énergie pour 1996 (n° 79-Tome VI)