A. LES RÉDUCTIONS DE PRIX ACQUISES SUR LES FACTURES

Le premier paragraphe de l'article premier du projet de loi modifie partiellement les mentions devant obligatoirement figurer sur la facture. L'objectif est de faciliter l'application de la prohibition du refus de la revente à perte, dont le seuil est calculé à partir du prix effectif d'achat, résultant lui-même du prix porté sur la facture.

A la mention sur la facture « des rabais, remises et ristournes dont le principe est acquis et le montant chiffrable lors de la vente ou de la prestation de service, quelle que soit leur date de règlement », l'Assemblée nationale a substitué l'expression « toutes réductions de prix acquises à la date de la vente ou de la prestation de services et directement liées à l'opération d'achat ou de vente ».

1. Les problèmes posés par la réglementation actuelle

Le droit impose depuis 1941 l'établissement d'une facture, sous peine de sanctions pénales. L'ordonnance de 1986 a maintenu cette obligation en la précisant et en faisant l'élément central du contrôle de la revente à perte.

S'agissant des différentes exigences formelles ainsi requises par l'article 31 de l'ordonnance, telles le nom des parties, leur adresse..., celle relative aux mentions « rabais, remises et ristournes de principe acquis et de montant chiffrable » suscitent de sérieuses difficultés d'interprétation. Elles sont imprécises et controversées.

Or, de cette interprétation résultera la faculté ou non de revendre un produit à un prix donné. D'où le développement de ce que l'on a qualifié de « facturologie », qui a pour objet de déterminer :

- les éléments inhérents ou annexes à l'opération de vente, devant figurer sur la facture et pouvant donc entrer dans le calcul du seuil de revente à perte ;

- les éléments liés à la vente mais soumis à la réalisation d'une condition, qui ne sont souvent pas de principe acquis et n'ont, dans ce cas, pas à figurer sur la facture ;

- les services relevant de la coopération commerciale et qui, en vertu du cinquième alinéa de l'article 33, font l'objet d'une facturation spécifique, adressée cette fois au fournisseur par le distributeur et n'entrent pas dans le calcul du seuil précité.

Il convient de distinguer entre l'avantage inconditionnel et celui qui est conditionnel.


L'avantage inconditionnel

Il n'est pas subordonné à la réalisation d'une condition et il est de toute façon dû, même si son paiement est différé. Il doit donc nécessairement figurer sur la facture.

Tel est le cas des rabais et remises, qui sont immédiatement déductibles du prix d'achat.

Un rabais est une diminution de prix due aux avaries affectant des marchandises.

Une remise est une renonciation par le vendeur à un élément concourant à la détermination du prix d'une transaction. Elle rémunère un avantage quantitatif au qualitatif consenti par l'acheteur.


L'avantage conditionnel

Il est subordonné à la réalisation d'une condition. On parle alors de ristourne. Par exemple, une ristourne consentie à la condition que le distributeur commande telle quantité ou passe une commande portant sur un échantillonnage important de produits, qu'il accroisse son chiffre d'affaires est une ristourne conditionnelle. Mais toutes les ristournes ne sont pas de principe acquis.

Des divergences apparaissent entre l'administration, la doctrine et la jurisprudence sur la notion de « ristourne de principe acquis et de montant chiffrable ». Ce qui est sûr, c'est que les avantages tarifaires doivent être individualisés.

L'administration est méfiante à l'égard des avantages hors facture, en raison de leur opacité. Elle considère qu'un avantage est de principe acquis si la réalisation de la condition dépend de la volonté du distributeur, ce qui conduit à des distinctions parfois byzantines.

La ristourne d'objectifs, subordonnée à la réalisation d'un chiffre d'affaires, est, pour l'administration, de principe acquis, dès lors que les parties étaient antérieurement en relation d'affaires. Puisque l'objectif a été atteint l'année précédente, son principe en est acquis l'année suivante. Sa réalisation dépend essentiellement de la volonté du distributeur : une telle ristourne correspond à un engagement ferme du distributeur. Ceci paraît pourtant discutable. A l'inverse, la « ristourne de progression » de chiffre d'affaires, dite ristourne de potentiel, dépend plus du marché que de la volonté du distributeur. De telles ristournes ne sont pas de principe acquis.

Pour l'administration, les autres ristournes conditionnelles, telles les ristournes de gamme ou d'assortissement (avantage accordé en contre partie de la présence d'un certain nombre d'articles du fournisseur dans les rayons du distributeur), sont toutes de principe acquis, indépendamment du point de savoir si les parties étaient ou non antérieurement en relation d'affaires, car la réalisation de la condition dépend exclusivement du bon vouloir du distributeur.

Une doctrine importante considère qu'en raison des incertitudes qui entourent la réalisation de la condition, les ristournes conditionnelles ne doivent pas apparaître sur la facture. En revanche, une ristourne faussement conditionnelle, c'est-à-dire subordonnée à une condition fictive (le fournisseur ne vérifiant pas si elle est ou non réalisée) doit apparaître sur la facture.

Il semble que pour la jurisprudence, la ristourne est de principe acquis quand il est très probable qu'elle sera versée 10 ( * ) . Le principe en est acquis lorsque le droit est vérifiable lors de l'émission de la facture. En revanche, une ristourne faussement conditionnelle, c'est-à-dire subordonnée à une condition fictive, doit apparaître sur la facture.

La notion de caractère chiffrable de la ristourne est également sujette à controverse.

La ristourne peut être à taux fixe, le taux étant fixé quelque soit l'accroissement ou la diversification des commandes. Elle peut être à taux variable, c'est-à-dire progressive, car dépendante de l'évolution de l'importance ou de la diversification des commandes. Les différents taux progressifs sont fixés par avance et connus des deux parties.

Le contrat peut prévoir, non plusieurs taux différents selon les quantités ou la diversification des commandes, mais un taux unique révisé rétroactivement pour s'adapter à la progression. Les opinions sont alors très partagées. A première vue, on ne peut plus dire que le montant de la ristourne est chiffrable dès lors qu'il est révisé aussitôt qu'un nouveau seuil est atteint. Mais, un jugement s'est prononcé en faveur du caractère chiffrable d'une telle ristourne : « la variabilité avec effet rétroactif du taux de ristourne applicable en fonction du chiffre d'affaires réalisé ne fait aucunement obstacle au calcul du montant chiffré de cette ristourne au taux applicable lors de l'émission de chaque facture ». 11 ( * ) La jurisprudence ne semble pas fixée.

Posant trop de problèmes d'interprétation, la réglementation actuelle est donc source d'insécurité juridique et incite les agents économiques à faire preuve de plus en plus d'imagination...

Cette situation est source de contentieux, d'autant plus que l'on note la part croissante prise par les ristournes conditionnelles dans les négociations commerciales. Ces dernières portent de moins en moins sur le produit concerné, les conditions de vente ou les services apportés, mais sur caractère conditionnel ou inconditionnel des avantages de prix accordés et sur leur présence sur la facture d'achat.

La détermination du prix d'achat effectif, nécessaire à celle du prix de revente à perte, est devenue par conséquent très délicate.

2. La clarification proposée par le projet de loi mérite d'être encore améliorée

Le paragraphe I de l'article premier du présent projet de loi a pour ambition de clarifier le texte de l'article 31 de l'ordonnance, en visant « les réductions de prix acquises à la date de la vente ou de la prestation de service et directement liées à l'opération d'achat ou de vente ».


La notion de réduction de prix a été retenue par l'Assemblée nationale, sur proposition de sa commission de la production et des échanges, dans le but de viser, outre les rabais, remises et ristournes, les escomptes pour paiement anticipé.

Votre commission ne partage pas ce point de vue. Afin de favoriser les paiements rapides, la loi du 31 décembre 1992 sur les délais de paiement entre entreprises a certes exigé que l'escompte apparaisse sur la facture. Il n'en demeure pas moins que l'escompte est un avantage conditionnel, qui n'est acquis par l'acheteur qu'à la condition qu'il paye son fournisseur « à une date antérieure à celle résultant de l'application des conditions générales de vente. » Or, au moment de la vente, il est certes souhaitable mais pas certain qu'il respectera son éventuel engagement en ce sens.

C'est pourquoi, votre commission préfère revenir aux notions de « rabais, remises et ristournes », ce qu'elle vous propose dans un amendement au paragraphe I de l'article premier du présent projet de loi.


• Le caractère « acquis » à la date de la vente
ou de la prestation de service.

La notion d' » acquis » est préférable à celle de « principe acquis », puisqu'on a vu qu'un avantage de principe acquis n'était pas nécessairement acquis.

Une ristourne peut être certaine, car acceptée formellement par les parties (l'acheteur acceptant cette réduction différée), mais la créance qu'elle représente ne sera acquise, c'est-à-dire exigible, qu'au terme d'une période convenue. A cette date, le fournisseur pourra constater que les conditions d'octroi de la ristourne ont été remplies (progression des ventes, présence conforme des articles dans les rayons, etc.) et sera donc en mesure de liquider la créance.

L'acquisition des avantages financiers correspondant aux rabais, remises ou ristournes, c'est-à-dire leur incorporation effective et définitive dans le patrimoine de l'acheteur, sera appréciée à la date de la vente.

Cette rédaction est cohérente avec la 6ème directive du 17 mai 1977 d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, qui fixe les règles de détermination d'une assiette de TVA commune aux États membres et a autorisé ces derniers à exclure de la base d'imposition « les rabais et ristournes de prix consentis à l'acheteur ou au preneur et acquis au moment où s'effectue l'opération ».

La date de la vente ou de la prestation de service doit figurer sur la facture, en vertu de l'article 31.

Le projet de loi initial faisait référence à la date de réalisation de la vente.

En réalité, il y a très généralement identité entre la date de réalisation de la vente, la date de la vente et celle de la facturation.

En cas d'exécution fractionnée d'une prestation, la facture doit être établie à chaque échéance normale de paiement.

Il existe cependant des cas où l'administration tolère un léger différé, c'est-à-dire un léger décalage entre la date de délivrance de la facture et la réalisation de la vente (exemple du lait livré chaque jour mais facture une fois par semaine).

Il faut également citer le cas des factures récapitulatives, admises à condition que les livraisons soient fréquentes et d'un faible montant. Le délai de facturation ne peut excéder 15 jours, sauf dérogation du directeur des services fiscaux qui peut le porter à 30 jours.

Mais, il s'agit là de cas spécifiques et marginaux.

Votre commission préfère retenir la date de la facture, plus précise et probante.

Dans le même amendement, que celui présenté ci-avant, votre commission vous propose de retenir « la date de la facture afférente à la vente du produit ou service et directement liés à cette opération de vente » .

* 10 Paris, 9 mars 1993. TGI Reims, 25 octobre 1993.

* 11 TGI Bobigny, 26 avril 1993.

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