B. LA RÉALISATION DU RÈGLEMENT
L'Assemblée nationale a introduit un deuxième paragraphe à l'article premier du projet de loi, sur la proposition de M. Jean-Pierre Philibert, rapporteur pour avis de la commission des Lois et contre l'avis du Gouvernement. Cette disposition tend à compléter l'article 31 de l'ordonnance, en précisant que le règlement de la facture « est réalisée à la date à laquelle les fonds sont mis à disposition du bénéficiaire. »
L'objectif est louable, puisqu'il s'agit de décourager les manoeuvres dilatoires des débiteurs ne respectant pas leurs délais de paiement.
L'applicabilité de ce texte semble cependant douteuse. En effet, la mise à disposition des fonds ne dépend de la seule bonne volonté du débiteur.
Il vise bien la mise à disposition des fonds et non la remise de moyens de paiement (chèque, traite, effet de commerce).
Or, la date de mise à disposition des fonds ne dépend pas seulement de la diligence du débiteur. Une fois que celui-ci a émis son moyen de règlement, il faut tenir compte du délai d'acheminement du courrier (parfois 3 ou 4 jours), ainsi que du délai de traitement des opérations bancaires (entre 5 et 8 jours) pour que le paiement soit effectivement crédité au compte du créancier.
Le débiteur n'a donc pas entièrement la maîtrise de l'opération.
Par ailleurs, le créancier peut avoir escompté la facture ou fait appel à une société d'affacturage et se trouver ainsi subrogé dans ses droits.
Toutes ces raisons expliquent que votre commission vous propose d'adopter un amendement de suppression du paragraphe II de l'article premier du présent projet de loi.
Elle vous demande d'adopter l'article premier ainsi modifié.
Article 2
(Article 3 de l'ordonnance n°
86-1243 du 1er décembre 1986)
Clarification des critères de la revente à perte
1. Une pratique prohibée car particulièrement déloyale
La revente à perte est une pratique particulièrement déloyale. Elle nuit au producteur en dévalorisant l'image de marque de ses produits. Elle trompe le consommateur : celui-ci par le biais des marges compensées, paye sur d'autres produits l'avantage de prix qu'il a obtenu sur ceux qui font l'objet d'une revente à perte et qui l'attirent dans le magasin concerné. Elle bouleverse les conditions de la concurrence locale entre les différentes formes de commerce. En effet, les magasins commercialisant un nombre réduit de références ou les magasins spécialisés ne peuvent compenser ces « prix cassés » sur certains produits par l'augmentation des marges sur d'autres produits ou gammes de produits.
Cette pratique, proche du dumping, est donc dommageable à la fois pour le producteur, le consommateur et une partie de la distribution.
Ceci d'autant plus que le producteur, dont les marques sont victimes de telles pratiques, ne pouvait jusqu'ici refuser de vendre ses produits (sauf en cas de pratique anticoncurrentielle). La concurrence par les prix est certes essentielle au bon fonctionnement du marché, mais la « guerre des prix » a des effets pervers et peut nuire à l'ordre public économique.
Une enquête réalisée par l'Institut de liaisons et d'études des industries de consommation (ILEC) a montré qu'en 1994, 800 marques étaient revendues à perte en France, contre 100 en 1985. Cette pratique est très limitée en Grande-Bretagne et en Allemagne, puisque la vente à perte n'y est pas prohibée. Ainsi, Outre-Rhin, elle est pratiquée ponctuellement lors de promotions avec, en général, l'accord des fournisseurs. En Grande-Bretagne, Tesco aurait annoncé vendre 100 marques à perte.
Lorsque l'on sait qu'un hypermarché peut commercialiser jusqu'à 100.000 références (contre 2.000 pour un commerce traditionnel), on voit qu'il s'agit pour lui d'un « ilôt de pertes dans un océan de profits. »
C'est pourquoi la prohibition de la revente à perte a été introduite dans le droit français par l'article premier de la loi de finances rectificative pour 1963 n° 63-628 du 2 juillet 1963 portant maintien de la stabilité économique et financière. L'objectif était de protéger les petits commerces de détail traditionnels face à la puissance croissante des supermarchés.
Le dispositif a été modifié par l'ordonnance de 1986, dont l'article 32 punit « d'une amende de 100.000 francs le commerçant qui revend un produit en l'état à un prix d'inférieur à son prix d'achat effectif. Le prix d'achat effectif est présumé être le prix porté sur la facture d'achat, majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et, le cas échéant, du prix du transport ».
L'application de l'article 32 est cependant insatisfaisante et les sanctions prévues insuffisantes. Le projet de loi tend à y remédier.
2. Le champ d'application du dispositif concernant la revente à perte
L'article 32 de l'ordonnance vise la revente de produits en l'état, à l'exclusion donc des produits transformés par le revendeur. Seuls les produits sont concernés, l'interdiction ne visant pas les prestations de service.
On a vu que le cas des prix anormalement bas pratiqués sur les ventes de produits transformés ou fabriqués était réglé par l'article premier D (nouveau) du projet de loi.
Le projet ne modifie donc pas le champ d'application de l'article 32.
Toutefois, il prohibe non seulement la revente à perte mais également son annonce publicitaire. Votre commission se félicite de cette disposition qui tend à éviter le détournement de clientèle provoqué par l'impact publicitaire d'une telle annonce.
3. Les critères de la revente à perte
• L'article 32
retient comme base de
calcul la facture d'achat délivrée par le fournisseur. Rappelons
que celle-ci mentionne, en application de l'article 31,
«
le prix unitaire hors taxe des produits vendus et les
rabais, remises ou ristournes dont le principe est acquis et le montant
chiffrable lors de la vente, quelle que soit la date de
règlement
» de ces avantages. La somme est
présumée être le prix d'achat effectif. Cette
présomption n'est cependant pas irréfragable, un prix d'achat
effectif différent pouvant être retenu si le revendeur
démontre que le prix figurant sur la facture n'est pas
représentatif de la réalité de la transaction
commerciale.
L'étendue des avantages tarifaires déductibles est controversée.
Trois principes semblent acquis :
- seules les ristournes et remises affectées à un produit ou à un service déterminé peuvent être déduites du prix d'achat effectif de ce produit ou service. La jurisprudence refuse d'admettre la déductibilité de remises « lorsque le prévenu ne produit aucun accord écrit mais des factures de participation du fournisseur au budget publicitaire du distributeur (....) ne précisant pas clairement les services rendus » 12 ( * ) ;
- les rabais, remises et ristournes apparaissant sur la facture sont déductibles du prix d'achat effectif ;
- les ristournes qui ne sont pas inscrites sur la facture, alors qu'elles auraient dû l'être, peuvent être déduites du prix d'achat effectif.
La difficulté porte sur les ristournes conditionnelles, non portées sur la facture, et sur le problème de la date à laquelle la déductibilité peut éventuellement jouer.
Le principe est que seule la ristourne liée à une opération d'achat est déductible, tandis que celle qui rémunère un « service spécifique » au sens de l'article 33 (alinéa 5) ne l'est pas.
Cet alinéa dispose que : « Les conditions dans lesquelles un distributeur ou un prestataire de services se fait rémunérer par ses fournisseurs, en contrepartie de services spécifiques, doivent faire l'objet d'un contrat écrit en double exemplaire détenu par chacune des deux parties » .
Ces services spécifiques correspondent à ce que l'on qualifie également d'accords de coopération commerciale. De tels accords sont définis par la circulaire Delors du 18 mars 1984 comme des « accords contractuels conclus entre un fournisseur et un distributeur qui, dans le cadre de leurs politiques respectives, décident de collaborer pour augmenter à un moindre coût leur efficacité commerciale » .
Ils justifient, en contrepartie, une rémunération spéciale et restent confidentiels. Largement pratiqués par la distribution, ils constituent le dernier îlot de liberté dans la négociation contractuelle. Exception libérale au sein d'un système rigoureux, elle est particulièrement surveillée par les autorités de contrôle. Administration et doctrine en ont une conception restrictive, tandis que la pratique s'avère beaucoup plus confuse et complexe.
L'administration et les tribunaux considèrent que ne relèvent pas de la coopération commerciale, les services inhérents à la fonction du distributeur et directement destinés à la vente du produit concerné (telles que les remises subordonnées à un volume d'achat ou a une progression de chiffre d'affaires, les remises liées à l'importance de la gamme offerte au consommateur ou au groupement des commandes).
Sont considérés comme spécifiques, les services qui ne se rattachent pas directement à l'achat du revendeur. Il peut s'agir, par exemple, d'une participation générale aux actions publicitaires du revendeur.
Mais, la coopération commerciale est parfois déductible. C'est le cas lorsque la prestation peut être directement affectée à la promotion du produit concerné (action publicitaire ciblée ou tête de gondole par exemple), car il s'agit alors de remises déguisées.
On voit donc que la détermination du prix d'achat effectif facturé peut s'avérer pour le moins délicate.
L'article 32 de l'ordonnance dispose qu'il convient d'y ajouter, en outre :
- les taxes sur le chiffre d'affaires et les taxes afférentes à la revente. Il s'agit, en particulier des cotisations de sécurité sociale perçues sur le tabac et les boissons alcooliques et des droits attachés à la vente des alcools visés à l'article 403 du code général des impôts (droits de consommation) ;
- le cas échéant, le prix du transport facturé par le fournisseur, lorsqu'il assure lui-même ce service.
En résumé, le seuil de revente à perte est calculé ainsi à l'heure actuelle :
Seuil de revente à perte = = prix hors taxe facturé
- remises ou ristournes de principe acquis et de montant chiffrable lors de la vente ou de la prestation de service
- ristournes conditionnelles chiffrables au jour de la revente aux consommateurs
- prestations de coopération commerciale destinée formellement à la revente du produit (constituant ainsi des remises déguisées)
+ TVA et taxes afférentes à la vente
+ prix du transport
• Le premier alinéa du paragraphe I du
texte proposé pour l'article 32 de l'ordonnance améliore la
définition de ce seuil, en s'appuyant
-comme on l'a vu à
l'article premier-
sur une clarification des règles de
facturation.
Il supprime le régime de la présomption simple et prévoit que le prix d'achat effectif constitue, aux termes de la loi, le seuil en deça duquel il y a revente à perte.
Il s'agit du prix unitaire figurant sur la facture (précision très utilement apportée par l'Assemblée nationale), majoré -comme le prévoyait l'ordonnance de 1986- des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques à la revente et du prix de transport.
Seules les remises et ristournes acquises pourront abaisser le prix facturé, donc le seuil de revente à perte. Sont, par conséquent, exclues du calcul de ce seuil les ristournes conditionnelles, les remises hors factures d'achat ou la rémunération de services de coopération commerciale.
Relevons que le projet de loi mentionne toujours le prix de transport, et non pas le coût de transport. Il aurait pu sembler logique de permettre également l'imputation du coût, pour le revendeur de sa flotte de camions lorsque, procédant à une intégration verticale, il préfère assurer même le transport des marchandises.
L'efficacité du dispositif en eût cependant été amoindrie. L'objectif du projet de loi est, en effet, de simplifier le calcul du seuil de revente à perte et de le rendre en quelque sorte automatique. Or, la détermination du coût du transport implique une analyse des comptes d'exploitation du revendeur, qui compliquerait et retarderait la tâche du juge pénal.
C'est pourquoi, votre commission a décidé de retenir cette notion de prix du transport.
La définition du seuil de revente à perte reste certes toujours éloignée de celle de prix de revient. Elle ne tient, par exemple, pas compte des coûts logistiques (frais de livraison, de déchargement, de mise en rayon, des frais de personnel, de l'amortissement des matériels, de la rémunération du capital investi...).
Un long débat s'est déroulé à l'Assemblée nationale pour savoir s'il convenait d'intégrer l'ensemble de ces coûts, regroupés sous l'expression « coûts additionnels indissociables » de la revente d'un produit, dans le seuil de revente à perte.
Ni l'Assemblée nationale, ni votre commission n'ont retenu une telle solution, qui présenterait deux inconvénients majeurs :
- en premier lieu, elle serait inapplicable. Il est, en effet, beaucoup trop complexe d'imputer tous ces types de coûts sur le prix unitaire des milliers de produits référencés dans les moyennes et grandes surfaces ;
- en second lieu, en aboutissant à un relèvement du seuil de revente à perte, elle risquerait d'avoir un effet à la hausse des prix préjudiciable aux consommateurs.
4. Les sanctions applicables
L'ensemble des autres alinéas du paragraphe I du texte proposé par l'article 2 pour l'article 32 de l'ordonnance ont pour objet de renforcer le régime des sanctions applicables à la revente à perte et de prévoir des sanctions en cas d'annonce publicitaire d'une telle pratique.
La revente à perte demeure un délit et son annonce devient une infraction pénale. Le montant maximal de l'amende encourue par tout commerçant contrevenant passe de 100.000 francs à 500.000 francs, ce montant pouvant être porté à 50 % des dépenses de publicité pour une annonce faisant état d'un prix constituant une revente à perte, ceci quelque soient les supports publicitaires employés. Le juge pourra également ordonner l'affichage de sa décision.
En outre, comme pour les infractions aux articles 31 (facturation) et 33 de l'ordonnance (communication des conditions de vente, mention des pénalités en cas de dépassement de la date de paiement prévue, coopération commerciale), les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables et encourir une amende de 2.500.000 francs et l'affichage de la décision de justice ou la diffusion de celle-ci par la presse écrite ou par tout moyen de communication audiovisuelle.
En outre, le dispositif est complété par la faculté, pour le juge d'instruction ou le tribunal saisi des poursuites pour annonce publicitaire comportant un prix constitutif d'une revente à perte, de recourir à la procédure de l'article 121-3 du code de la consommation prévue pour mettre fin à une publicité trompeuse, afin d'ordonner la cessation des annonces publicitaires.
La cessation de l'annonce peut être ordonnée soit d'office, soit sur réquisition du ministère public.
Comme à l'article 121-3 précité, la décision de justice est exécutoire nonobstant toutes voies de recours. Une mainlevée peut être donnée sur la mesure de cessation de l'annonce publicitaire par la juridiction qui a ordonné la cessation ou qui est saisie du dossier.
Un appel peut être formé devant la chambre d'accusation ou la cour d'appel contre les décisions du juge d'instruction ou du tribunal correctionnel. La juridiction d'appel doit statuer dans un délai de 10 jours a compter de la réception des pièces.
5. Les dérogations à l'interdiction de revente à perte
L'Assemblée nationale a décidé de réintégrer dans l'article 32 de l'ordonnance (en introduisant un paragraphe II à cet article) -sous réserve de certains aménagements- les exceptions à l'interdiction de la revente à perte figurant à l'article premier de la loi de finances rectificative pour 1963 du 2 juillet 1963.
Elle a, par voie de conséquence, abrogé cet article. Cette abrogation est l'objet du paragraphe I (nouveau) de l'article 2 du projet de loi, auquel votre commission a adopté un amendement rédactionnel.
Les dérogations prévues par l'article premier de la loi de 1963 précitée rendaient le dispositif d'interdiction de la revente à perte inapplicable :
« Aux produits périssables à partir du moment où ils sont menacés d altération rapide ;
Aux ventes volontaires ou forcées motivées par la cessation ou le changement d'une activité commerciale ;
Aux produits dont la vente présente un caractère saisonnier marqué, p endant la période terminale de la saison des ventes et dans l'intervalle compris entre deux saisons de vente ;
Aux produits qui ne répondent plus à la demande générale en raison de l'évolution de la mode ou de l'apparition de perfectionnements techniques ;
Aux produits dont le prix de revente est aligné sur le prix légalement pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant dans la même zone d'activité. »
Ces exceptions à l'interdiction de revente à perte prenaient en compte les cas où cette revente n'avait pas pour objectif de détourner la clientèle des commerces concurrents, mais d'éviter la perte pure et simple d'une marchandise qui, sans prix attractif, ne serait pas vendue et devrait être éliminée. Il était donc, à juste titre, paru inopportun de limiter la liberté du commerce dès lors que la revente à perte était compatible avec les règles de loyauté et d'effectivité de la concurrence.
Il paraît toujours justifié de maintenir ces exceptions. On peut cependant souhaiter que les ventes dites de liquidations et les ventes saisonnières fassent l'objet d'un encadrement plus strict, car on constate de nombreux abus dans ce domaine.
Les règles en vigueur devraient d'ailleurs être réformées prochainement.
Sur la proposition de sa commission de la Production et des Échanges, l'Assemblée nationale a aménagé cette liste des exceptions en vigueur :
- en autorisant la revente à perte pour les produits périssables menacés d'altération rapide et les ventes saisonnières, mais à la condition que cette opération ne fasse l'objet d'aucune publicité à l'extérieur des magasins. En effet, les opérations publicitaires sur ces produits peuvent avoir des effets désastreux sur les productions concernées 13 ( * ) ;
- en appuyant l'exception justifiée par la baisse des prix constatée lors du réapprovisionnement sur le prix résultant de la seule nouvelle facture d'achat, excluant ainsi la référence à la valeur de réapprovisionnement.
Cette exception vise à ne pas pénaliser un commerçant vis-à-vis de ses concurrents dont les dates de réapprovisionnement ne sont pas les mêmes et qui profiteraient de ce fait d'avantages compétitifs liés à la baisse des cours.
L'article premier de la loi de 1963 précitée prévoit une dernière dérogation à l'interdiction du refus de vente : l'exception d'alignement.
Le deuxième alinéa de cet article dispose que cette interdiction ne s'applique pas « aux produits dont le prix de vente est aligné sur le prix légalement pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant dans la même zone d'activité . »
Il est ainsi possible de lutter contre la concurrence sauvage d'un commerçant vendant à perte un produit dans le but de perturber le marché local et d'en tirer un gain financier ou d'amoindrir la concurrence, avant que la justice ait pu intervenir en cas d'infraction à la législation sur la revente perte.
L'appréciation de la licéité de ces pratiques d'alignement des prix est certes délicate à réaliser.
Par un revirement de jurisprudence, la Cour de Cassation a décidé qu'il suffisait au prévenu de prouver qu'il s'aligne sur le prix de son concurrent sans qu'il soit nécessaire pour lui de prouver sa licéité ; il appartient à la personne poursuivante d'établir, le cas échéant, le caractère illégal du prix de référence sur lequel le vendeur démontre s'être aligné 14 ( * ) .
Dans le paragraphe II de l'article 32 de l'ordonnance, l'Assemblée nationale a décidé de limiter ce droit d'alignement aux magasins non visés par les articles 29 et 29-1 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, dite loi Royer, c'est-à-dire non soumis à autorisation. Rappelons qu'en vertu de l'article 89 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, ce seuil a été porté à 300 m2 , ceci pour une période temporaire de six mois.
L'Assemblée nationale a ainsi réservé l'exception d'alignement aux petits commerçants.
Une telle position est cependant critiquable. En effet, en premier lieu, on peut penser que les « hard discounts » (dont la moitié sont possédés par des sociétés étrangères) en seront les premiers bénéficiaires. On peut, par ailleurs, douter que les petits commerçants que l'on espère ainsi sauver d'une concurrence déloyale aient réellement les moyens d'aligner leur prix, alors qu'eux-mêmes obtiennent des conditions d'achat généralement moins avantageuses que les magasins procédant à ce type de pratique.
De plus, en évoquant un seuil de 300 m2, l'Assemblée nationale fait état d'une disposition temporaire de la loi Royer. Cette dernière doit faire l'objet d'une réforme de fond dans les semaines à venir, à l'occasion de l'examen du projet de loi portant diverses dispositions relatives au commerce et à l'artisanat. N'est-il pas alors choquant d'anticiper sur les travaux du Parlement ?
Enfin, il paraît dangereux de priver les commerçants de ce moyen de défense qui permet à des commerces de taille modeste, mais également par exemple à des grandes surfaces spécialisées, de ne pas être contraints à l'immobilisme quand leur survie peut être enjeu.
Pour toutes ces raisons, votre commission vous propose d'adopter un amendement au sixième alinéa du texte proposé pour le paragraphe II de l'article 32 de l'ordonnance, de façon à autoriser l'exception d'alignement pour l'ensemble des commerces et de retenir, par voie de conséquence, la rédaction prévue à cet effet dans la loi de 1963 précitée.
Enfin, l'Assemblée nationale a introduit un paragraphe III au texte proposé pour l'article 32 de l'ordonnance. Celui-ci prévoit que les exceptions exposées ci-dessus ne faisaient pas obstacle à l'application des dispositions de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises (au 2 de l'article 189 et au 1 de l'article 197). Il s'agit de la faculté pour le tribunal, lorsqu'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, de prononcer la faillite personnelle ou la banqueroute à l'encontre des personnes ayant, dans l'intention d'éviter ou de retarder une telle procédure, « fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ».
Votre commission vous demande d'adopter l'article 2 ainsi modifié.
Article 3 bis (nouveau)
(Article 33 de l'ordonnance
n° 86-1243 du 1er décembre 1986)
Point de départ du délai de paiement et barème des escomptes
L'Assemblée nationale a adopté un amendement de sa commission de la Production et des Échanges, assorti d'un sous-amendement du Gouvernement, tendant à compléter le deuxième alinéa de 1 article 33 de l'ordonnance qui indique les mentions que doivent obligatoirement comporter les conditions de règlement, comprises dans les conditions générales de vente.
Cette disposition prévoit que ces conditions de règlement doivent préciser le point de départ pour le calcul du délai de paiement et le barème des escomptes.
Il s'agit, en règle générale, de la date de la commande. Mais, l'entreprise peut choisir de faire courir les délais de paiement a compter de la date de la livraison, voire plus tard. Dans certains secteurs (notamment celui de bâtiment, mais c'est également le cas pour certaines prestations de services), le paiement peut être fractionné.
La rédaction proposée va dans le sens de la précision et de la clarification des relations commerciales.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article 3 ter (nouveau)
(Article 35 de l'ordonnance
n° 86-1243 du 1er décembre 1986)
Délais de paiement de certains produits alimentaires congelés et surgelés
L'Assemblée nationale a adopté un amandement du Gouvernement tendant à élargir le champ d'application de l'article 35 de l'ordonnance, modifié par la loi n° 92-1442 du 31 décembre 1992 sur les délais de paiement entre entreprises.
Elle a ainsi décidé de fixer à vingt jours après le jour de livraison les achats de viandes congelées ou surgelées ainsi que de poissons surgelés, dont les délais de paiement sont, à l'heure actuelle, laissés à la libre négociation des parties.
Les délais fixés par les professionnels du surgelé sont d'environ 60 jours. Il paraît donc difficile d'imposer à tout un secteur d'activité de diminuer brutalement de 40 jours en moyenne ses délais de paiement, alors que ces derniers sont aujourd'hui négociés en même temps que les prix des produits concernés.
Il est vrai que les entreprises de transformation souffrent du décalage existant entre les délais légaux qu'ils sont tenus de respecter et les délais contractuels qu'ils négocient avec leur clients. Mais, il faut également prendre garde de ne pas risquer de mettre les professionnels assujettis à ces nouveaux délais dans la difficulté. Ainsi, si les ventes de viandes et poissons surgelés ne constituent qu'une faible part du chiffre d'affaires réalisé par une moyenne ou grande surface, ils représentent un quart des ventes totales des détaillants spécialisés.
En 1992, le législateur est intervenu pour inciter les professionnels à réduire des délais de paiement qui, on le sait, sont trop longs dans notre pays. Mais, on ne peut totalement déconnecter un délai fixé par la loi de la durée de vie du produit concerné. Rappelons qu'à cette date, le délai de 20 jours qui avait été fixé pour les achats de bétail sur pied et les viandes fraîches dérivées était cohérent avec le délai de 6 à 12 jours qui s'écoule entre l'abattage du bétail et la consommation de la viande fraîche. En outre, il rappelait un usage professionnel qui tendait à se perdre.
De même, le délai fixé pour les achats de produits alimentaires périssables à 30 jours après la fin de la décade de livraison -c'est-à-dire de 35 jours en moyenne et de 40 jours maximum- était cohérent avec la durée de vie de ces produits qui varie de quelques jours (fruits et légumes, volailles) à quelques semaines (produits laitiers frais, etc.).
La durée de vie des surgelés et congelés est beaucoup plus longue que celle des viandes fraîches auxquels on les assimilerait, puisqu'elle est de plusieurs mois.
Un délai de 20 jours créerait également des difficultés de trésorerie aux hôteliers et restaurateurs, pour lesquels l'utilisation de surgelés représentent en moyenne 10 à 15 % des produits employés.
Si l'on veut faire un pas supplémentaire dans le direction d'une réduction souhaitable des délais de paiement, il paraît beaucoup plus logique et raisonnable de fixer les délais de paiement des viandes congelées et surgelées et de poissons surgelés à 30 jours après la fin de la décade de livraison, comme pour les services alimentaires périssables. Tel est l'objet de l'amendement que votre commission vous propose d'adopter à 1'article 3 ter.
Elle vous propose, par conséquent, d'adopter une nouvelle rédaction de cet article.
Article 4
(Article 36 de l'ordonnance n°
86-1243 du 1er décembre 1986)
Moraliser les rapports entre fournisseurs et clients : refus de vente ou de prestation de services, vente ou prestation liée, conditions abusives sans engagement proportionne, menace de rupture brutale des relations commerciales et rupture des relations commerciales sans préavis.
Cet article comporte un certain nombre de dispositions, qui viennent modifier l'article 36 de l'ordonnance de 1986, et sont destinées à moraliser les relations commerciales.
* 12 Cass. crim. 4 février 1991.
* 13 Il s'agit, en vertu de la circulaire Scrivener du 10 janvier 1978, des produits suivants : « Viandes et abats frais ou réfrigérés. Jambon et épaule cuits, produits de charcuterie fraîche. Volailles et leurs abats comestibles, lapins domestiques et gibiers, réfrigérés ou frais. Poissons, coquillages, crustacés et mollusques, frais ou réfrigérés. Laits crus et pasteurisés. Laits stérilisés. Produits laitiers frais tels que : yaourts, desserts (laits gélifiés), crème fraîche, fromages frais, fromage à pâte molle ou à pâte pressée, cuite ou non, fromage à pâte persillée, beurre frais. Glaces, sorbets, crèmes glacées , oeufs frais ou réfrigérés. Pain frais, produits frais de boulangerie, viennoiserie et pâtisserie fraîche. Levure de panification. Plantes vivantes et produits de la floriculture. Fleurs et boutons de fleurs coupés frais. »
* 14 Cass. crim. - 7 mai 1991.