TEXTE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

adopté par la commission des Finances

Le Sénat,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu la recommandation de la commission en vue d'une recommandation du Conseil visant à ce que soit mis un terme à la situation de déficit public excessif en France (n° E 648),

Se félicite que le projet de recommandation de la commission en vue d'une recommandation du Conseil (N° E 648), soit présenté au Parlement au moment où s'élabore le projet de loi de finances pour 1997, conformément à la demande contenue dans la résolution n° 14 adoptée par le Sénat en séance publique le 20 octobre 1994 et conformément aux engagements pris par la commission en novembre 1994 ;

Prend acte que la recommandation constate le non respect par la France, en 1995, des objectifs fixés par le programme de convergence de novembre 1993, malgré une réduction du déficit public de 0,8 point de pourcentage de PIB par rapport à 1994 ;

Estime justifiée la nécessité inscrite dans la recommandation de poursuivre la réduction du déficit en 1996 et en 1997 afin de parvenir à l'objectif d'un déficit public égal à 3 % du PIB en 1997 ;

Se félicite que la recommandation approuve la réforme du système de sécurité sociale présentée par le Gouvernement en novembre 1995, les mesures de gel des dépenses publiques prises au début de l'année 1996 ainsi que les orientations budgétaires pour 1997 annoncées au mois de mai 1996 ;

Considère important le rappel de la nécessité de veiller au respect des objectifs de croissance des dépenses de santé et à la mise en oeuvre intégrale de la réforme du système de sécurité sociale ;

Se félicite que la recommandation encourage le Gouvernement à réduire les dépenses de l'État en termes réels en 1997, pour compenser toute perte de recettes et réaliser l'objectif fixé en matière de déficit ;

Rappelle enfin que la rigueur budgétaire que s'imposent actuellement les États membres devrait conduire la commission à adopter le même comportement pour le budget des Communautés européennes afin de permettre aux États membres de stabiliser leurs contributions et de progresser sur la voie de la réduction du déficit.

ANNEXE

LA RÉDUCTION DE LA DÉPENSE PUBLIQUE DANS LES PAYS INDUSTRIALISÉS - EXPÉRIENCES RÉCENTES ET ANALYSES DU FMI

(Etude réalisée à partir des renseignements recueillis par un administrateur

de la commission des Finances lors d'un stage auprès

de l'administrateur français au FMI)

RÉSUMÉ

Plusieurs éléments rendent aujourd'hui une réduction de la dépense publique incontournable dans les pays industrialisés : le niveau élevé de la dette et des déficits, la difficulté d'augmenter les recettes, le poids des anticipations des agents économiques, les perspectives liées au vieillissement des populations.

La réduction de la dépense publique peut prendre plusieurs formes : des mesures de court terme - généralement des mesures d'attente - et des réformes de nature structurelle pour, notamment, éliminer les dépenses improductives - principalement la réforme des programmes sociaux, la réduction du champ d'intervention du secteur public et la réforme de la gestion administrative de l'État.

Une évolution des procédures budgétaires peut également favoriser une plus grande rigueur dans la gestion des finances publiques.

Les politiques d'ajustement ayant permis une diminution du ratio dette publique/PIB ont toutes comporté des mesures de réduction des dépenses et, plus particulièrement, des dépenses sociales et de transfert et des dépenses de personnel.

Les politiques menées par la Nouvelle Zélande, l'Irlande, le Canada et la Suède

frappent par l'ampleur des ajustements réalisés : une réduction des dépenses et des déficits de plusieurs points de PIB en quelques années. Leur réussite tient d'abord au degré de consensus qui, en raison de la gravité des situations initiales, a entouré les réformes. Des coupes sévères ont partout été réalisées dans les programmes sociaux, ainsi que dans les dépenses de personnel. Le Canada a procédé au réexamen de l'ensemble de ses programmes de dépenses par une méthode collégiale originale. La Nouvelle Zélande a, par une série de réformes structurelles, instauré les règles de la responsabilisation budgétaire et de la transparence de la gestion budgétaire.

Les Perspectives de l'économie mondiale du FMI mettent deux fois par an l'accent sur un problème économique ou financier d'actualité ou sur un thème de recherche estimé important et approfondi par les services du Fonds. Le document publié au mois de mai 1996 est pour l'essentiel consacré à l'analyse des politiques budgétaires tant dans les pays industrialisés que dans les pays en développement et les pays en transition. Cette étude constate la tendance générale et parfois rapide à l'accroissement des déficits, justifie la nécessité des politiques d'ajustement budgétaire et évalue les raisons du succès ou de l'échec de ces politiques.

Dans les pays industrialisés, le FMI démontre qu'une politique de restriction budgétaire n'entraîne pas forcément de récession. Il constate même que plusieurs pays ont enregistré une forte croissance en parvenant à réduire le ratio dette publique/PIB, à diminuer les taux d'intérêt réels et à gagner la confiance des marchés, des investisseurs et des consommateurs. S'il existe un cercle vicieux de l'endettement, il existe aussi un cercle vertueux du désendettement.

Le Fonds insiste également sur les conditions d'un ajustement budgétaire réussi en montrant qu'il va au-delà d'une simple - bien que nécessaire - réduction du déficit. Les moyens d'y parvenir sont en effet tout aussi importants. Or, ils passent aujourd'hui par une réduction de la dépense publique et plus particulièrement de certaines composantes de cette dépense.

Cette constatation conduit le FMI à reconnaître la difficulté de la mise en oeuvre des politiques d'ajustement puisque, notamment, des « acquis sociaux » doivent être remis en cause, de même que certaines organisations ou habitudes administratives.

Plusieurs pays y sont néanmoins parvenus, le plus souvent grâce à d'importantes réformes structurelles. L'analyse de ces expériences réussies est donc particulièrement éclairante pour les pays qui, comme la France, doivent aujourd'hui s'engager sur la voie d'une diminution significative des dépenses publiques.

I. POURQUOI RÉDUIRE LA DÉPENSE PUBLIQUE ?

Depuis un siècle, le niveau général de la dépense publique a très sensiblement progressé dans les pays industrialisés, passant en moyenne de moins de 10 % à plus de 50 % du PIB. Cet accroissement a été longtemps accompagné de progrès économiques et sociaux. Ceux-ci se sont toutefois ralentis au cours des vingt ou trente dernières années, alors que le rythme de progression des dépenses s'est accéléré, la part des dépenses publiques au sein du PIB ayant doublé au cours de cette période.

La croissance de la dépense publique dans les pays industrialisés

Étude du département des finances publiques du FMI (décembre 1995)

Depuis 1870, l'accroissement de la dépense publique a connu plusieurs phases :

- de la fin du XIXème siècle à 1913 : sous l'influence des économistes classiques et des règles du « laissez-faire », le rôle de l'État est cantonné aux fonctions régaliennes et la part des dépenses publiques dans la richesse nationale ne dépasse pas 10 % ; avec un taux de 12,6 % en 1870, la France se distingue des autres pays qui considèrent qu'il s'agit là d'une intervention excessive de l'État dans l'économie ; à la fin du siècle, le développement de la pensée marxiste et l'apparition des premiers systèmes de sécurité sociale posent néanmoins les bases d'une future progression des dépenses,

- la première guerre mondiale et l'entre-deux guerres : les besoins militaires entraînent un très fort accroissement des dépenses ; ce niveau, soit en moyenne 15 % du PIB dans les pays industrialisés, mais près de 25 % en Italie, en Allemagne, en Grande-Bretagne et en France, est maintenu après la guerre du fait d'un montant élevé de recettes (l'augmentation des impôts adoptée pour financer une partie de l'effort de guerre n'est pas remise en cause), du coût de la reconstruction, du remboursement de la dette et des réparations ; au cours des années 30 et du développement de la crise, les États mettent en place des programmes sociaux et interviennent dans l'économie (« New Deal » aux États-Unis) ; en 1937, les dépenses publiques dépassent 20 % du PIB dans les pays industrialisés et s'approchent de 30 % du PIB dans certains pays européens,

- de l'après-guerre aux années 80 : une forte croissance des dépenses publiques accompagne le développement de l'interventionnisme tous azimuts de l'État ; les dépenses publiques s'élèvent en moyenne à 28 % du PIB en 1960 et atteignent 43 % du PIB en 1980 ; jusqu'au milieu des années 70, la plupart des pays et des économistes semblent s'accorder sur ce nouveau rôle de l'État et sur les bienfaits de l'État-Providence ; l'arrivée au pouvoir de M. Thatcher et R. Reagan marque le début d'une remise en cause d'un État omniprésent ; la progression des dépenses publiques se poursuit néanmoins, leur niveau moyen atteignant 45 % du PIB en 1990 et 47,2 % en 1994.

Les deux guerres mondiales ont donc été les deux étapes principales de la progression des dépenses publiques. Toutefois, l'essentiel de l'augmentation a été le résultat de la mise en place et de la croissance de l'État-Providence, plus encore que d'une application de la loi de Wagner selon laquelle les dépenses s'accroissent avec le degré de développement et de modernisation d'un pays.

La composition de la dépense publique a fortement évolué au cours de cette période :

- la plus forte progression a été celle des dépenses de transfert qui, de moins de 1 % du PIB à la fin du XIXème siècle, sont passées à plus de 20 % du PIB à partir de 1980, soit, en moyenne, de moins de 10 % à plus de 50 % des dépenses publiques,

- les dépenses de personnel et de fonctionnement de l'État - traditionnellement le premier poste de dépenses - ont également sensiblement augmenté, passant de 5 % du PIB à la fin du siècle à près de 18 % du PIB depuis 1980,

- les charges d'intérêt qui, en dehors des périodes d'immédiat après-guerre n'avaient jamais été très élevées, sont devenues, au cours des années récentes, un poste important des dépenses publiques, passant d'environ 1 % du PIB en 1970 à près de 4,5 % en 1994,

- en revanche, les dépenses d'investissement ont diminué depuis 1970, passant d'une moyenne de 4,5 % du PIB à environ 3 % au début des années 90.

Les gains économiques et sociaux obtenus par la progression des dépenses publiques ont été contrastés :

- l'essentiel des gains a été obtenu jusqu'en 1960 : parallèlement à la progression des dépenses, on a constaté une amélioration continue de nombreux indicateurs, notamment sociaux, relatifs par exemple au degré d'éducation ou à l'état de santé de la population, de même qu'un certain succès dans la redistribution des revenus,

- à partir de 1960, les progrès ont été nettement moindres, malgré la poursuite de la hausse des dépenses publiques et le sentiment, en début de période, qu'un accroissement des dépenses pourrait résoudre les problèmes économiques et sociaux ; les pays qui ont le plus accru leurs dépenses n'ont pas enregistré de meilleurs résultats que ceux qui les ont le moins augmentées ; enfin, les performances économiques des pays industrialisés semblent avoir été de plus en plus gênées par le poids excessif de la dépense publique (dont la part « productive » a diminué au profit des dépenses de transfert et d'intérêt) et ses diverses conséquences (taux d'imposition élevé, etc).

Or, depuis 1975, la progression des recettes ne suit plus celle des dépenses 4 ( * ) , ce qui a entraîné l'apparition de déficits dans la plupart des pays industrialisés. L'accumulation des déficits a eu pour conséquence le développement rapide d'une dette publique importante dont le coût pèse aujourd'hui de plus en plus lourdement sur l'équilibre général des finances publiques de ces pays.

Evolution des dépenses et des recettes publiques dans les principaux pays industrialisés

(en % du PIB)

Sources : FMI, OCDE

Cette double situation - augmentation de la dette et tarissement des recettes - explique en grande partie la nécessité actuelle de réduire la dépense publique. S'y ajoutent les conséquences du rôle accru des anticipations des acteurs économiques et les perspectives de long terme liées au vieillissement de la population.

A. LE NIVEAU INSOUTENABLE DE LA DETTE

L'explosion de la dette publique dans les pays industrialisés depuis une vingtaine d'années est un « événement » économique sans précédent, en particulier dans un temps de paix et de prospérité mondiale. Les précédentes hausses ont en effet toujours été limitées dans le temps et liées à une période de guerre (guerre civile américaine, guerre russo-japonaise, deux guerres mondiales) ou à un événement exceptionnel comme récemment la réunification allemande 5 ( * ) .

La dette actuelle est le résultat de l'accumulation de déficits publics importants -déficits budgétaires et déficits des comptes sociaux. Son montant par rapport au PIB s'est rapidement et fortement accru depuis 1980, passant de 40 % en moyenne à environ 70 % à la fin de 1995. Au cours de cette période, la plupart des pays ont enregistré un doublement de leur dette, notamment les États-Unis, le Japon, le Canada, l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, la France, l'Italie et les Pays-Bas. Certains pays ont même dépassé le seuil de 100 % du PIB, comme la Belgique, le Canada, la Grèce et l'Italie.

Ce niveau élevé de la dette publique a d'abord eu pour conséquence une hausse des taux d'intérêt réels. Certaines études estiment que l'accroissement de la dette depuis 1980 a entraîné, dans les pays industrialisés, une hausse des taux d'intérêt réels allant, selon les estimations, de 100 à 250 points de base. Il en est résulté, outre une contrainte budgétaire supplémentaire, du fait du coût élevé de la charge de la dette, une réduction de l'investissement privé, pénalisé par le coût du crédit, et une réduction de la croissance.

Par ailleurs, le poids de la dette publique et du besoin de financement de chaque État a eu un « effet d'éviction » sur les marchés au détriment du financement des activités du secteur privé, ce qui a également eu un impact négatif sur la croissance.

Enfin, les pays très endettés ont généralement du s'acquitter d'une prime de risque supplémentaire, ce qui a accru le coût de leur dette et accentué les conséquences macroéconomiques d'un niveau de dette élevé.

La charge des intérêts - qui dépasse parfois 10 % du PIB - est ainsi devenue une composante particulièrement importante et incontournable des dépenses publiques des pays industrialisés, réduisant leurs marges de manoeuvre budgétaires et les exposant à de nouveaux déficits. Le cercle vicieux de la dette fait en effet que des pays peuvent se trouver contraints d'emprunter pour simplement rembourser les intérêts de leur dette. Dans ces conditions, le ratio dette publique/PIB progresse rapidement.

À la fin des années 80, de nombreux pays ont pris conscience du problème et engagé des politiques de réduction du déficit. Toutefois, peu de pays, notamment en Europe, ont encore réussi à inverser la tendance de la progression du ratio dette publique/PIB.

En effet, pour rompre la spirale de l'endettement et casser l'« effet boule-de-neige », il est impératif de dégager un excédent primaire, c'est à dire un solde budgétaire hors charge d'intérêt positif. Toutefois, cette condition nécessaire peut ne pas être suffisante lorsque le taux d'intérêt réel de la dette est supérieur au taux de croissance en volume du PIB. En fonction de l'écart constaté, l'excédent primaire doit atteindre un montant minimum - parfois assez élevé.

Les services du FMI ont calculé ce montant pour un échantillon de pays en recherchant l'excédent primaire nécessaire pour revenir à un niveau de dette publique égal à 30 % du PIB en 2010 6 ( * ) . Les résultats qui figurent dans le tableau ci-après montrent l'ampleur des efforts à accomplir.

La plupart des pays industrialisés doivent aujourd'hui chercher à stabiliser - avant de réduire - leur ratio dette publique/PIB. En effet, le service de la dette absorbe un montant excessif de leurs ressources - montant qui s'accroît puisque le paiement des intérêts progresse généralement plus vite que l'augmentation des recettes. En outre, leurs déficits augmentent du fait de l'accroissement de la charge de la dette, ce qui entraîne une nouvelle hausse de la dette. Il apparaît donc urgent de rompre cet enchaînement. La réduction du déficit et la réalisation d'excédents primaires significatifs sont la seule solution. Pour y parvenir, réduire la dépense publique est une nécessité.

B. L'IMPOSSIBILITÉ D'AUGMENTER LES RECETTES

Les prélèvements obligatoires ont atteint, dans l'ensemble des pays industrialisés, un niveau très élevé, ce qui rend une augmentation des impôts aujourd'hui difficile et ne permet plus d'envisager une réduction des déficits par un simple accroissement des recettes.

De fait, les prélèvements obligatoires qui atteignaient en moyenne 28 % du PIB en 1960 en représentent maintenant plus de 44 %. Dans certains pays, comme le Danemark, la Finlande ou la Suède, ils dépassent le seuil de 50 %.

Pendant longtemps, il est en effet apparu plus facile d'augmenter les impôts pour couvrir de nouvelles dépenses, notamment sociales, que de faire des économies ou de redéployer les dépenses. La progression des recettes a donc suivi celle des dépenses. Pour répondre aux demandes insistantes des groupes de pression et accorder des programmes sociaux de plus en plus larges et généreux, les grandes démocraties industrielles ont choisi d'imposer plus lourdement les ménages, à la fois par une hausse des impôts directs et des impôts indirects, et, le plus souvent aussi, d'augmenter les contributions sociales.

Par ailleurs, tant que la hausse des prix était élevée, il était relativement facile de lever ce qu'il est convenu d'appeler « l'impôt d'inflation ». Or, les conditions économiques ayant profondément évolué et les économies s'étant assainies, cela n'est plus possible aujourd'hui.

Dans la situation actuelle, une hausse du niveau des prélèvements obligatoires aurait plutôt des conséquences économiques défavorables, par exemple en provoquant une diminution de la consommation si les ménages étaient à nouveau imposés (ce qui réduirait en outre d'autant le produit des impôts sur la consommation) ou en favorisant une augmentation du chômage par une hausse des charges sociales. Elle pourrait également entraîner des effets pervers en termes d'évasion fiscale, de développement des marchés parallèles et, de façon plus générale, en aggravant les distorsions dans l'allocation des ressources. Pour de nombreux pays, une telle hausse ne pourrait que réduire la compétitivité de l'économie. Un plafond semble donc avoir été atteint.

Enfin, en application de la règle du « tax and spend » (imposer et dépenser), certains économistes estiment qu'une augmentation des impôts ne servirait qu'à accroître les dépenses et rendrait difficile sinon impossible une réduction réelle et durable du déficit 7 ( * ) .

C. LE POIDS DES ANTICIPATIONS

La thèse de l'effet expansionniste des déficits semble aujourd'hui fragile. On assiste plutôt à l'application, au moins partielle, de l'équivalence Ricardienne - l'épargne privée s'ajuste au montant du déficit public, par anticipation d'une hausse des impôts pour combler le déficit.

Ainsi, à l'origine de la désépargne publique, les déficits menacent la croissance saine et durable des économies et sont perçus comme tels, en particulier par les marchés. Or, la confiance de ceux-ci est devenue indispensable, ne serait-ce que pour éviter le coût de primes de risques supplémentaires. L'anticipation des conséquences que le service d'une lourde dette peut avoir pour l'avenir - notamment la perspective d'un alourdissement sensible de la charge fiscale ou d'une résorption inflationniste de la dette par la création monétaire - peut en effet entamer considérablement la confiance des marchés.

Il s'agit du problème plus général de la crédibilité des politiques économiques : grâce à cet « effet de crédibilité », une politique rigoureuse, menée par des dirigeants déterminés, peut conduire à une baisse des taux d'intérêt, à des anticipations favorables des entreprises et à une augmentation de l'investissement et de la croissance. En revanche, une politique laissant apparaître un doute dans la volonté de réduire les déficits sera plus aléatoire et en tout état de cause plus coûteuse.

Une autre caractéristique de la période actuelle est qu'il n'apparaît plus possible de « surprendre » les agents économiques. Ceux-ci ont pris conscience de la nécessité de réduire les déficits et également, bien que plus récemment, de la nécessité d'un ajustement par une diminution de la dépense publique. Les agents économiques attendent donc des mesures en ce sens. Le poids de leurs anticipations dépasse désormais les effets bien connus et toujours recherchés du multiplicateur keynésien - un accroissement de la demande privée et, partant, une relance de la croissance grâce à l'augmentation des dépenses publiques. 8 ( * )

De ce fait, les marchés finissent par imposer les politiques d'ajustement, les politiques de stabilisation budgétaire étant un élément important de la création d'un environnement macro-économique stable et un élément nécessaire pour augmenter l'épargne nationale et l'investissement privé.

D. LES CONSEQUENCES DU VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION

Le vieillissement de la population au cours des prochaines décennies risque de devenir un problème majeur, en particulier en raison de ses conséquences budgétaires élevées dues à l'accroissement des dépenses de santé et de retraite. Les économistes du FMI ont créé le concept de « dette invisible » des pays industrialisés qui représente, pour nombre d'entre eux, un montant supérieur à celui de leur dette publique actuelle. L'Allemagne, la France, l'Italie et le Japon sont à cet égard en mauvaise position avec des engagements évalués à près de 100 % de leurs PIB respectifs.

Si les pays industrialisés ont profité d'une démographie favorable depuis la guerre, ils devront, avant 2030, faire face au doublement du nombre de personnes de plus de 65 ans rapporté au nombre d'actifs et, en conséquence résoudre le problème du financement des régimes de retraite par répartition, de nombreuses autres prestations ainsi que celui de l'équilibre des régimes de dépenses de santé.

Les travaux récemment effectués par le FMI montrent que des ajustements sont indispensables et qu'ils se chiffrent en plusieurs points de PIB. Les options à la disposition des Gouvernements sont : une augmentation des cotisations sociales, très difficile toutefois aujourd'hui, une baisse des prestations, certainement inévitable, une augmentation de l'âge

Par ailleurs, le FMI recommande d'encourager l'épargne individuelle en vue de la retraite. Mais il ne propose pas de substituer des régimes de capitalisation aux régimes de répartition, estimant, d'une part, que le transfert d'une formule à l'autre est trop onéreux et, d'autre part, qu'une complémentarité entre les deux types de régimes est souhaitable.

Enfin, les travaux de comptabilité générationnelle fournissent un éclairage intéressant sur les conséquences des mouvements démographiques. En projetant les données et tendances actuelles et en établissant des « profils fiscaux » sur la durée d'une vie, ils constatent que si les dépenses budgétaires et sociales se maintiennent à leur niveau d'aujourd'hui, les « actifs » des prochaines décennies devront payer jusqu'à deux fois plus d'impôts et de charges que leurs prédécesseurs.

Certains pays, en particulier ceux qui connaissent un très fort déséquilibre entre les générations actuelles et les générations futures d'actifs, utilisent ces raisonnements pour rechercher une distribution des ressources plus équitable entre les générations et pour engager une baisse programmée des dépenses de retraite.

La préparation de cet avenir exige en effet une réflexion approfondie sur le niveau et la composition souhaitables des dépenses publiques. La poursuite des tendances actuelles -accroissement des dépenses et augmentation de la dette - ne pourra que se renforcer avec le vieillissement des populations et ne pourra donc être maintenue. Aussi est-il impératif de réduire la dépense publique.

II. COMMENT RÉDUIRE LA DÉPENSE PUBLIQUE ?

L'objectif recherché est de définir, puis de mettre en oeuvre une politique d'ajustement à la fois la plus efficace possible, mais également réaliste et supportable, en tenant compte des contraintes économiques, politiques et sociales du pays.

Il est en effet souhaitable de maintenir le bon fonctionnement des services publics essentiels, de protéger les facteurs de croissance et de réaliser une distribution équitable du revenu.

Certaines catégories de dépenses peuvent être adaptées rapidement, notamment pour enrayer une dégradation de la situation budgétaire. Toutefois, une réduction durable des dépenses nécessite des réformes structurelles et une action de moyen terme. Il apparaît aussi important de revoir certaines procédures d'élaboration, d'adoption et d'exécution du budget.

A. LA RÉDUCTION DES DÉPENSES À COURT TERME

Indispensable pour faire face à une augmentation importante ou imprévue du déficit et rétablir rapidement l'équilibre budgétaire, la réduction des dépenses publiques à court terme peut prendre plusieurs formes.

Parmi les diverses mesures possibles, certaines - souvent les plus faciles - ne font que différer des réformes en profondeur pourtant nécessaires, alors que d'autres ont réellement un impact positif sur l'amélioration de la situation budgétaire.

Les mesures d'attente

Trois types de mesures entrent dans cette catégorie :

- les réductions forfaitaires de crédits qui consistent à amputer de quelques points de pourcentage et de façon indifférenciée les dépenses budgétaires. Certains postes de dépenses échappent néanmoins généralement à ces coupes : les dépenses obligatoires telles que la charge de la dette, certains programmes sociaux ou des engagements internationaux, ainsi que les charges de personnel. Cette méthode a le mérite d'être simple et d'être en théorie la plus équitable car elle s'applique également à tous les ministères. Elle dispense cependant d'avoir à établir des priorités, peut entraîner un dérèglement du fonctionnement des services et parfois simplement reporter des dépenses à un exercice ultérieur. Ce sont en réalité des économies efficaces mais de courte durée qui ne font que différer des réformes plus profondes.

- la réduction des dépenses d'investissement public. Ce type de dépenses est également facile à couper mais les économies réalisées sont souvent des économies différées lorsqu'il s'agit de la suppression de dépenses d'infrastructures, d'entretien ou de maintenance indispensables. En outre, ces dépenses ont généralement une « productivité » économique réelle qu'il est dommage d'annuler.

- le blocage des rémunérations. Le gel des salaires est efficace et permet des économies souvent importantes mais il ne peut être que limité dans le temps (en général 1 ou 2 ans). Il est aussi difficile d'y recourir régulièrement.

Les mesures constructives

Deux catégories de mesures d'économies à court terme ont un impact positif sur l'amélioration de la situation budgétaire :

- la réduction des effectifs. Les économies sur la masse salariale par une baisse des effectifs ont des conséquences aussi bien à court terme qu'à long terme. Elles sont plus productives qu'une baisse des rémunérations dans la mesure où elles n'entraînent pas la même démotivation des personnels. En outre, s'il s'agit d'une politique pluriannuelle de gel des recrutements, les économies réalisées peuvent avoir assez rapidement un effet cumulatif important.

- l'élimination des dépenses improductives. La progression continue des dépenses budgétaires depuis plusieurs décennies a permis la création de nombreuses structures administratives et le développement de programmes de toutes sortes dont le bien-fondé, l'existence ou simplement le mode de fonctionnement n'ont pas souvent été remis en cause par la suite. La reconduction, année après année, des crédits correspondants a autorisé le maintien de structures ou de procédures obsolètes et inutiles ainsi que parfois l'existence de véritables gaspillages des crédits publics. Un réexamen de ces crédits avec une suppression des dépenses « improductives » peut être la source de véritables économies.

Les dépenses publiques improductives

Étude du département des finances publiques du FMI (1995)

Comme la productivité du capital ou du travail, la productivité de la dépense publique peut être calculée en comparant la production de biens ou services publics ou la réalisation d'objectifs avec le montant des dépenses effectuées.

Ainsi, pour être « productives » , les dépenses publiques doivent respecter deux conditions :

- avoir - individuellement - un coût minimal ou être le plus rentable possible, c'est à dire être réalisées sans gaspillage de ressources publiques, notamment humaines,

- être - collectivement - réparties de façon optimale dans le cadre d'un niveau global supportable de dépenses publiques ; en d'autres termes, l'avantage social procuré par un bien ou un service public (cet avantage comprend outre le prix du bien ou du service, la réalisation d'objectifs généraux tels que la réduction de la pauvreté ou la création d'un environnement macro-économique favorable) doit toujours être supérieur à son coût.

Une dépense « improductive » est donc :

- la différence entre le coût actuel d'une dépense publique et celui de la même dépense réalisée dans des conditions de rentabilité maximales,

- la différence entre deux niveaux agrégés de dépenses publiques lorsque la modification de la répartition des dépenses affecte le niveau global de ces dépenses sans en changer l'avantage social global. Par exemple, pour réduire la pauvreté, une allocation alimentaire bien ciblée est plus « productive » qu'une allocation alimentaire généralisée. De même, une répartition différente entre politiques de santé préventives et curatives peut se révéler plus « productive ».

-

Certains facteurs favorisent l'apparition de dépenses publiques improductives :

- une fonction publique insuffisamment formée ou peu adaptable aux évolutions économiques, sociales ou administratives,

- une mauvaise ou insuffisante évaluation des politiques publiques,

- une trop grande sensibilité des pouvoirs publics à certaines parties de l'électorat, à certaines régions ou à certains groupes de pression,

- la réalisation d'opérations de prestige sans utilité économique ou sociale,

- le soutien d'entreprises publiques non rentables.

Les dépenses publiques improductives sont sujettes à une certaine forme de subjectivité en raison de :

- la difficulté de mesurer la valeur de certains services publics tels que le maintien de la sécurité, l'administration de la justice ou la conduite des affaires étrangères : ces services ne peuvent être trouvés sur le marché ni leur coût être individualisé.

- la difficulté d'évaluer la productivité de programmes ayant une pluralité d'objectifs (par exemple, investissements ayant à la fois un objet économique et une fonction de défense nationale) et de programmes ayant des conséquences macro-économiques certaines mais diffuses en termes de production d'investissement ou d'emploi.

Les conséquences économiques des dépenses publiques improductives sont importantes :

- leur existence signifie que le niveau global des dépenses publiques est plus élevé que nécessaire pour remplir les objectifs fixés, ce qui entraîne un déficit et/ou un niveau de prélèvements obligatoires plus élevés que si ces dépenses publiques étaient toutes rentables ou d'une efficacité maximale.

- de même, une réduction des dépenses publiques sans élimination des dépenses publiques improductives ne permet pas de réduire le déficit sans toucher aux programmes publics essentiels et sans entraîner de conséquences sur le niveau de l'investissement tant public que privé,

- inversement, une réduction des dépenses publiques improductives ouvre une marge de manoeuvre pour de nouvelles dépenses ou pour une réduction du déficit ou des impôts. Ainsi, selon les calculs du FMI, une amélioration de 1 % de la productivité des dépenses publiques mondiales aurait pour effet immédiat d'injecter 90 milliards de dollars de ressources supplémentaires dans l'économie et donc de permettre d'augmenter les investissements publics, d'accroître les programmes sociaux ou de réduire plus nettement les déficits publics (estimations réalisées à partir d'un PIB mondial de 9 000 milliards de dollars et d'un niveau de dépenses publiques de l'ordre de 30 % du PIB).

Les solutions pragmatiques proposées par les services du Fonds pour « traquer » les dépenses improductives reposent essentiellement sur une analyse de leur rentabilité. Il s'agit :

- de rechercher les fonctionnaires « fantômes » et les investissements ou services pas ou peu utilisés mais ayant des coûts de fonctionnement élevés,

- de bien identifier l'objectif principal de chaque programme de dépense (exemple : une université a pour objet de fournir une éducation supérieure et non de procurer une « occupation » aux jeunes d'âge universitaire),

- de vérifier la bonne adaptation des moyens (exemple : un nombre raisonnable de généraux et d'officiers supérieurs par rapport au nombre de soldats ou, plus généralement, des effectifs d'agents publics adaptés aux dépenses de fonctionnement des administrations),

- de comparer, chaque fois que cela est possible, le coût d'une dépense avec le coût de cette même dépense dans le secteur privé pour évaluer l'efficacité de la dépense publique,

- de comparer avec les résultats obtenus par d'autres pays (exemple : en rapprochant le niveau scolaire d'une classe d'âge, le niveau de formation des enseignants et le montant des dépenses publiques d'éducation ou encore le taux de mortalité infantile, l'espérance de vie, divers indicateurs de santé et le montant des dépenses publiques de santé),

- d'affiner le ciblage d'un programme, en particulier dans le secteur social, par une meilleure identification des bénéficiaires d'une mesure - surtout lorsque des déviations sont constatées ou par une redéfinition des critères d'attribution,

- de réformer certaines procédures comme les procédures de passation des marchés publics ou les procédures d'exécution ou de contrôle des dépenses budgétaires.

Enfin, l'étude du FMI insiste sur les effets positifs d'un accroissement de la transparence de la gestion et des comptes publics et de l'amélioration de l'information du Parlement et de l'opinion publique.

B. LA RÉFORME STRUCTURELLE DES DÉPENSES

Une réforme en profondeur des dépenses publiques et de leur structure est sans aucun doute le meilleur moyen de parvenir à des réductions de dépenses durables et significatives.

Ces économies peuvent toutefois n'apparaître qu'à moyen terme car certaines réformes peuvent commencer par « coûter » avant de « rapporter ». Ainsi, les indemnités de licenciement des agents publics dont les postes sont supprimés ont un coût immédiat alors que l'impact de la suppression des charges de personnel correspondantes est pluriannuel et ne pourra être réellement constaté qu'après quelques mois ou années. Ce décalage dans le temps est une des raisons du report fréquent des réformes structurelles et cela d'autant plus que l'enjeu budgétaire et financier est important.

Une évaluation générale des services et politiques publics doit être à la base de ce type de réformes, par exemple sous la forme d'audits internes ou externes visant à réexaminer l'ensemble des activités de l'État. La méthode des budgets de programme établis « à base zéro », en fonction de la seule réalisation d'objectifs précisément définis, peut également être utilisée.

Parmi l'ensemble des réformes structurelles possibles et réalisées par différents pays -allant de la réforme d'un secteur d'intervention de l'État, comme la défense ou l'éducation, à la réforme de procédures administratives - certaines méritent d'être plus particulièrement évoquées. Il s'agit, d'une part, des réformes ayant pour objet de redéfinir le champ d'intervention du secteur public et, d'autre part, des réformes de la gestion administrative de l'État. Enfin, plus simples mais souvent politiquement plus difficiles à mettre en oeuvre, les réformes des systèmes et programmes sociaux peuvent avoir un impact budgétaire considérable.

La redéfinition du champ d'intervention du secteur public

Par tradition et sous l'influence d'économistes hostiles à l'existence d'États forts et interventionnistes, certains pays se sont engagé dans une politique de réexamen systématique des activités du secteur public en les soumettant aux questions suivantes : est-il nécessaire de maintenir ces différentes activités publiques ? le secteur public s'en acquitte-t-il de manière satisfaisante ? faut-il qu'elles soient prises en charge par des institutions publiques ou peuvent-elles être sous-traitées ? peuvent-elles se plier aux lois du marché ?

La réponse à ces questions a alors permis :

- de supprimer des services non productifs ou très peu prioritaires.

- de privatiser les activités qui peuvent - et pour certains, doivent - être exercées par le secteur privé,

- d'adopter une optique plus marchande pour les activités publiques, en lançant des appels d'offres, en sous-traitant certains services au secteur privé, en utilisant des techniques comptables commerciales pour gérer, voire recouvrir le coût des services.

Dans les pays qui ont des secteurs publics élargis, ces diverses mesures peuvent avoir un impact budgétaire particulièrement élevé, par exemple en supprimant les dépenses de soutien aux entreprises du secteur public et en rentabilisant la production de nombreuses activités.

La réforme de la gestion administrative de l'État

Pour améliorer la productivité et l'efficacité du service public et, parallèlement, alléger les procédures et structures administratives, certains pays ont mis en oeuvre des réformes consistant à créer des « centres de coûts », c'est à dire à rassembler des activités liées sous une gestion unifiée, puis à leur fixer des objectifs précis (en chiffrant la production, si toutefois cela est possible, et les moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir), à accorder une autonomie de gestion aux dirigeants de ces centres de coûts, enfin à rattacher la rémunération de ces dirigeants aux résultats qu'ils obtiennent.

Ce type de réforme, qui se heurte aux principes et habitudes de la fonction publique de nombreux pays en particulier européens, a permis d'enregistrer des résultats appréciables en termes budgétaires, principalement dans les pays anglo-saxons. Comme la redéfinition du périmètre du secteur public, il s'agit de mesures fortement encouragées par le FMI.

La réforme des dépenses de transfert et des programmes sociaux

Le principal but de la réforme des programmes sociaux, indispensable pour réduire effectivement le premier poste des dépenses publiques, doit être de chercher à mieux cibler les dépenses effectuées. Ainsi, les programmes de redistribution du revenu n'ont pas en principe pour objet de relever le niveau du revenu moyen mais plutôt de faire en sorte que les revenus des ménages visés ne tombent pas en-dessous d'un certain seuil.

Il convient donc d'améliorer le ciblage des programmes et de redéfinir les critères d'attribution de certaines dépenses ou prestations.

Par ailleurs, dans la plupart des pays, plusieurs séries de programmes visant des cas et des situations différents ont été mis en place au cours des dernières décennies. Ils se surajoutent souvent et, par leur complexité et leur multiplicité, peuvent donner lieu à des abus ou entraîner des effets pervers tels qu'un montant de revenu de remplacement très supérieur à un revenu d'activité. En regroupant certains dispositifs et en instaurant une meilleure coordination entre les différents programmes, des économies significatives, du fait du nombre de bénéficiaires de ces prestations, sont généralement possibles.

Les réformes des dépenses de santé et de retraite, également essentielles et d'un intérêt évident en termes de dépenses publiques, font l'objet d'études nombreuses et détaillées du FMI. Il s'agit de réformes structurelles déterminantes pour les années futures.

C. LES REFORMES INSTITUTIONNELLES

Un champ nouveau de recherche s'est récemment développé autour des questions institutionnelles et de procédure budgétaires. Plusieurs études, notamment des services de recherche du Fonds, montrent que les disparités observées dans les niveaux de dette publique rapportée au PIB dans les pays de l'OCDE résultent en partie de la différence des règles budgétaires applicables dans ces pays.

Ainsi, les pays donnant peu de pouvoir au ministre des finances, imposant peu de restrictions aux votes du Parlement ou ayant des règles d'exécution budgétaire souples ont plus de chance de mettre en oeuvre des politiques budgétaires laxistes et, au fil du temps, d'accumuler des déficits et une lourde dette que les pays ayant des procédures plus contraignantes.

De la même manière, ces travaux constatent que les pays dans lesquels une majorité de coalition est au pouvoir ont plus de difficulté à engager des politiques d'ajustement que les pays disposant de majorités fortes et stables.

À partir de ces études et des mesures récemment adoptées ou envisagées par certains pays, deux pistes de réforme peuvent être identifiées : celles qui cherchent à fixer des objectifs et des principes de gestion budgétaire, celles qui modifient les règles de préparation, d'adoption et d'exécution du budget.

La fixation de principes et d'objectifs de gestion budgétaire

Les critères de convergence définis dans le traité sur l'Union économique et monétaire ont donné un relief particulier au débat sur l'intérêt, voire la nécessité, de fixer des objectifs chiffrés en matière de finances publiques. Les controverses autour de la proposition du « Balanced Budget amendment » aux États-Unis 9 ( * ) ont aussi contribué à alimenter le débat.

Les économistes du Fonds considèrent pour leur part que la fixation d'objectifs numériques peut constituer un élément favorable à la mise en place d'une sorte de « discipline budgétaire » 10 ( * ) . Dans leur examen de la situation des pays membres de l'Union européenne, ils insistent d'ailleurs toujours sur la nécessité du respect des critères de convergence en matière de finances publiques, même si cette position est avant tout liée au poids de la dette et des déficits dans ces pays. Les dernières Perspectives de l'économie mondiale rappellent à juste titre l'importance pour les pays européens de disposer d'une marge de manoeuvre budgétaire dès lors qu'ils n'auront plus l'arme des taux de change et de la politique monétaire.

Toutefois, des objectifs chiffrés stricts présentent plusieurs inconvénients. Ils rendent impossible une certaine flexibilité budgétaire et, en particulier, le jeu des stabilisateurs automatiques. On pourrait certes imaginer un système de correction des objectifs, dans un certain nombre de cas précisément définis, mais ces exceptions seraient difficiles à définir et l'avantage de la simplicité de la règle disparaîtrait. On pourrait aussi prévoir une « réserve budgétaire conjoncturelle », mais les conditions de son utilisation seraient tout aussi difficiles à déterminer.

Par ailleurs, des règles trop strictes pourraient inciter les Gouvernements à « contourner l'obstacle » en transférant des dépenses vers d'autres organismes ou en utilisant des fonds extrabudgétaires, ce qui serait contraire à la lisibilité et à la transparence des comptes budgétaires estimées indispensables par ailleurs.

Les réformes préconisées ont donc moins pour objet la fixation d'objectifs chiffrés que la définition de règles de bonne gestion et de responsabilisation budgétaire visant à tracer la voie d'une réduction du déficit et d'une diminution de la dette. Dans la situation actuelle, il paraît souhaitable d'y ajouter des lignes directrices en matière de réduction des dépenses.

L'amélioration de la procédure budgétaire

Les trois étapes de la procédure budgétaire - préparation par le Gouvernement, adoption par le Parlement, exécution par l'administration - peuvent être améliorées. Il s'agit de modifier les règles qui empêchent le fonctionnement d'une correcte discipline budgétaire et de faciliter la mise en place de politiques d'ajustement.

Ainsi, sur la base de travaux comparatifs, les services du Fonds recommandent généralement de renforcer les pouvoirs du ministre des finances (ou du Premier ministre) dans la phase d'élaboration du budget, de limiter le pouvoir d'amendement parlementaire et d'instituer une discipline rigoureuse dans l'exécution 11 ( * ) . Ils mettent également l'accent sur la transparence qui doit accompagner chacune de ces étapes et notamment la définition du cadrage macro-économique et des prévisions budgétaires ainsi que le suivi en cours d'exercice de l'exécution.

Il apparaît en effet important de permettre aux responsables politiques et à leurs électeurs de prendre pleinement conscience de la situation budgétaire de leur pays et des niveaux de dépense publique, de déficit et de dette supportables par l'économie et ses « citoyens-contribuables ».

Toutefois, les économistes du Fonds insistent sur le fait que les réformes de procédure ne peuvent à elles seules régler la question de la progression des dépenses sociales obligatoires, Ils rappellent que celles-ci expliquent l'essentiel des difficultés budgétaires actuelles des pays industrialisés ainsi que, le plus souvent, les disparités constatées dans les niveaux de dette publique de ces différents pays.

III. LES LEÇONS DES EXPÉRIENCES RÉUSSIES

Une récente et vaste analyse rétrospective a permis de mettre en évidence les facteurs principaux de succès des politiques d'ajustement budgétaire conduites depuis 1960 dans les pays industrialisés.

Trente ans de politique budgétaire dans les pays de l'OCDE

Alesina et Perotti. Economic Policy, octobre 1995

Les auteurs de l'étude ont analysé les résultats des politiques budgétaires conduites dans 20 pays de l'OCDE entre 1960 et 1992. afin de déterminer les facteurs de succès ou d'échec de ces politiques.

Cette étude fait d'abord un certain nombre de constatations :

- au cours de la période, les augmentations de dépenses intervenues dans les années d'expansion budgétaire ont eu tendance à devenir permanentes et à préparer les augmentations d'impôt des années suivantes.

- les accroissements du déficit budgétaire ont presque toujours résulté d'augmentations des dépenses tandis que les diminutions du déficit ont essentiellement été réalisées par des augmentations d'impôt,

- les dépenses qui ont le plus augmenté au cours de la période ont été les dépenses sociales et de transfert ainsi que, dans une moindre mesure, les dépenses de personnel.

- en période de restriction budgétaire, les dépenses qui diminuent sont principalement les dépenses d'investissement public (l'essentiel de l'ajustement est cependant fait par l'impôt).

- les impôts qui augmentent en période d'ajustement sont d'abord les impôts sur les ménages et les impôts indirects ; en période d'expansion, les premiers impôts à être baissés sont l'impôt sur les sociétés et les impôts indirects.

- la phase ascendante du cycle de croissance est particulièrement favorable aux politiques d'ajustement.

Trois conclusions sont tirées :

- le succès des politiques d'ajustement ne réside pas tant dans leur ampleur que dans leur composition ,

- les politiques qui ont réussi sont celles dans lesquelles 80 % de la baisse du déficit provenait de la baisse des dépenses : inversement, les politiques d'ajustement ayant échoué comportaient des hausses d'impôt en moyenne trois fois supérieures au montant des coupes budgétaires,

- les politiques qui ont réussi ont procédé à des coupes dans les dépenses sociales et de transfert et dans les dépenses de personnel (salaires et effectifs des agents publics) ; les politiques ayant échoué ont essentiellement procédé à des réductions des dépenses d'investissement public.

Les auteurs de l'étude insistent enfin sur le fait que, dans le cas des politiques d'ajustement réussies, loin de constater une récession, on observe une augmentation de la croissance, de l'emploi et de la compétitivité, en particulier grâce à « l'effet de crédibilité » et à des anticipations favorables.

Ainsi, la réduction des dépenses de transfert et de personnel a été le facteur déterminant du succès - la baisse du ratio dette publique/PIB - de ces politiques d'ajustement.

L'étude plus affinée des politiques conduites par des pays ayant récemment obtenu des résultats significatifs - parfois même spectaculaires - fournit des informations d'un très grand intérêt. À cet égard, les expériences de la Nouvelle Zélande, du Canada, de l'Irlande et de la Suède - pays qui ont choisi de préserver un modèle de solidarité nationale développé -méritent d'être plus longuement examinées. Elles font notamment apparaître qu'une mauvaise situation de départ favorise les politiques de restriction budgétaire et les ajustements de grande ampleur. Elles montrent également l'importance des réformes structurelles dans la réussite de ces politiques.

A. UNE SITUATION DES FINANCES PUBLIQUES CRITIQUE

Dans les 4 pays examinés plus en détail, un niveau de dette très élevé et en forte augmentation a été le facteur déclenchant de la réforme. L'impossibilité d'augmenter les impôts pour combler les déficits a été un autre argument fort pour justifier les mesures prises qui, du fait de la gravité de la situation, ont bénéficié d'un exceptionnel soutien de la classe politique et de l'opinion.

Un niveau de dette et de déficit élevé

Dans les 4 pays, le ratio dette publique/PIB a atteint des montants records, les plaçant nettement au-dessus de la moyenne des pays industrialisés, principalement sous l'effet de l'accumulation de déficits budgétaires importants.

La Nouvelle Zélande a enregistré des déficits tout au long des années 70, portant sa dette publique à un peu plus de 70 % du PIB en 1984.

L'Irlande a connu des déficits supérieurs à 12 % chaque année, de 1977 à 1986. Au début des années 80, le montant des dépenses publiques a dépassé 60 % du PIB et la dette s'est rapidement élevée pour atteindre 120 % du PIB en 1986.

Le Canada avait une dette proche de 100 % en 1993, le plaçant au 4ème rang des pays industrialisés, en raison de 10 années de déficits (entre 4 et 7% selon les années).

Le cas de la Suède est particulier dans la mesure où sa situation s'est brutalement aggravée en l'espace d'à peine 4 ans, entre 1990 et 1993. Sous l'effet d'un dérapage des dépenses, notamment des dépenses de transfert, et d'une réforme fiscale mal conçue en 1991, le solde budgétaire est passé d'un excédent de 4,2 % en 1990 à un déficit de 13,5 % en 1993. En conséquence, la dette est passée de 45 à 80 % du PIB.

Les perspectives d'évolution du déficit et de la dette dans chacun de ces pays étaient donc, au milieu des années 80 ou au début des années 90, d'une gravité telle que des réformes ont été jugées indispensables pour inverser les tendances.

La difficulté d'augmenter les recettes

Dans chacun de ces pays, les marges de manoeuvre fiscales étaient limitées et, en tout état de cause, insuffisantes pour combler les déficits et, à fortiori, pour réaliser des excédents primaires et stabiliser, puis réduire, le ratio dette/PIB.

Ainsi, en Irlande et en Suède, le montant des prélèvements obligatoires dépassait respectivement 50 et 60 % du PIB.

Au Canada, où le montant des prélèvements est sensiblement inférieur (36 % du PIB en 1993), un obstacle majeur à la hausse des impôts résulte de la proximité des États-Unis où le niveau des impôts est relativement modéré et dont la concurrence pose un sérieux risque d'évasion fiscale.

Une réduction des dépenses est donc apparue incontournable dans tous ces pays ainsi que, par voie de conséquence, la réalisation de réformes d'une certaine ampleur.

L'existence d'un consensus

Les mauvais résultats et les perspectives d'évolution inquiétantes de la dette ont permis une prise de conscience générale de la dégradation de la situation. Des politiques d'austérité ont donc pu être élaborées sur la base d'un consensus assez solide.

En Irlande, après les élections de 1987, les partis politiques d'opposition, les partenaires sociaux et les professions agricoles ont donné leur accord à une réforme en profondeur et rapide des finances publiques.

Au Canada, la mise en place de la politique de rigueur et de réduction du déficit a fait l'objet d'un très fort degré d'acceptation par l'opinion publique, peut-être en partie grâce aux retombées du débat sur le « balanced budget » (budget équilibré) en cours aux États-Unis.

B. DES POLITIQUES D'AJUSTEMENT DE GRANDE AMPLEUR

Les politiques engagées par ces 4 pays ont toutes été de grande ampleur - parfois même brutales quant à leur montant et à leurs effets. Pour atteindre des objectifs ambitieux, elles se sont traduites par des coupes importantes dans les dépenses et par une sensible réduction de la taille de l'État. Dans trois pays, elles ont été accompagnées de mesures monétaires, la Nouvelle Zélande et l'Irlande ayant dévalué leur monnaie en 1984 et 1987, la Suède ayant laissé flotter la couronne à partie de 1992.

Des objectifs ambitieux

Partout, l'objectif principal a été et demeure la réduction du ratio de la dette publique par rapport au PIB.

La Nouvelle Zélande a fixé un objectif de moyen terme de réduction, puis de maintien de la dette à 30 % du PIB, et, pour y parvenir, la réalisation d'excédents budgétaires d'au moins 3 % par an. Elle a dépassé ce dernier objectif cette année, ce qui a permis l'adoption de réductions d'impôt applicables à compter du 1er juillet prochain. Le résultat accompli est très significatif puisque le déficit budgétaire s'élevait encore à 7 % en 1991-1992.

Le Canada a fixé un objectif final d'équilibre du déficit budgétaire fédéral et un objectif intermédiaire de 3 % du PIB pour 1996-1997. ce qui représente une baisse de 3 points en 3 ans.

L'Irlande a dépassé ses premières prévisions en matière de réduction de la dette publique (90 % du PIB autour de 1995), grâce à de très bonnes performances économiques. Le niveau actuel de la dette est d'environ 80 % du PIB, ce qui représente, depuis 1986, une baisse moyenne du niveau de la dette de 5 points de PIB par an.

La Suède a engagé sa politique d'ajustement avec pour objectif la réalisation des critères de convergence de l'Union économique et monétaire, soit un déficit de 3 % du PIB en 1997. Dans son programme de convergence, elle prévoyait un déficit de 9 % en 1995 (6,8 % réalisé) pour parvenir à l'équilibre du budget en 1998. L'objectif de 3 % en 1997 représente une diminution de 10 points de PIB par rapport à 1993. Par ailleurs, le niveau de la dette publique a été stabilisé en 1995 à 80 % du PIB.

Des coupes sévères dans les dépenses

Dans les 4 pays, des réductions importantes des dépenses ont été mises en oeuvre et en particulier des dépenses sociales et de transfert. Les principales prestations ont été redéfinies dans un sens plus restrictif : les allocations chômage ont été diminuées ou liées à des conditions strictes de recherche d'emploi (Nouvelle Zélande, Irlande), les aides au logement ont été partout revues à la baisse (notamment en Suède), certaines allocations notamment les allocations familiales ont été différenciées en fonction du revenu des bénéficiaires (Nouvelle Zélande), les aides aux études ont été attribuées en fonction des résultats scolaires, le nombre de cas de maladies ou d'invalidité permettant de bénéficier de prestations spécifiques a été réduit, etc. Certains pays ont également commencé une réforme des dépenses de retraite, notamment sur fonds budgétaires, en diminuant leur montant (Suède) et en augmentant les cotisations ou la durée de vie active (en Nouvelle Zélande, l'âge de départ à la retraite doit passer en 10 ans de 60 à 65 ans).

Les charges de personnel ont fait l'objet de mesures tout aussi sévères. Le Canada a prévu un gel des rémunérations de la fonction publique de 1992 à 1997 et une diminution des effectifs de 15 %, soit de 45 000 personnes, en 3 ans. L'Irlande a également réduit ses effectifs publics de 15 % en 2 ans.

Le Canada et la Suède ont procédé à des baisses des dépenses de transfert aux provinces et autres collectivités locales (baisse de 10 % en 4 ans au Canada).

Par ces coupes budgétaires, l'Irlande a réduit ses dépenses publiques de 10 points de PIB en 2 ans et la Nouvelle Zélande de 10 points en 5 ans. Le Canada a prévu une baisse de ses dépenses de plus de 20 % en termes réels sur une durée de 5 ans.

La réduction de la taille de l'État

Ces diverses mesures de réduction des dépenses ont entraîné une diminution de la part de l'État dans l'économie. Le transfert au secteur privé d'un certain nombre d'activités, à l'image de ce qu'a fait le Royaume-Uni au début des années 80, a également eu pour conséquence une réduction de la taille de l'État.

Le Canada a ainsi déjà enregistré le départ de 18 000 fonctionnaires grâce à la récente privatisation d'activités, comme le service de la navigation aérienne.

La Nouvelle Zélande a entrepris, dès 1984, de soustraire l'État du secteur productif, en transformant les services publics concernés en sociétés, puis en privatisant ces sociétés.

C. DES RÉFORMES STRUCTURELLES EFFICACES

Deux pays - le Canada et la Nouvelle Zélande - ont procédé à des réformes de structure particulièrement intéressantes dans la mise en place de leurs politiques d'ajustement. Certaines tiennent aux procédures et à la méthode budgétaires, d'autres interviennent dans l'organisation et la gestion de l'État.

La rénovation des procédures

Les dirigeants du Canada ont estimé en 1994 que l'une des raisons de l'accumulation des déficits et de l'échec des politiques d'ajustement précédentes était un problème de méthode. Les travaux du FMI montrent que cela est le cas dans beaucoup de pays. C'est d'ailleurs à partir de cette constatation que la Nouvelle Zélande a essayé de rendre irréversible une méthode « vertueuse » d'élaboration des budgets.

La réforme canadienne a été avant tout pragmatique. Elle repose sur plusieurs principes:

- la nécessité d'établir un cadrage macro-économique prudent,

- l'utilisation de la collégialité, en particulier pour les décisions de réduction des dépenses difficiles,

- le caractère indispensable d'une remise à plat de tous les programmes de dépenses,

- l'intérêt de disposer de programmations pluriannuelles.

Pour le budget de 1995, le Gouvernement a donc cherché à établir un cadrage macroéconomique à la fois précis et raisonnable. Il a ensuite fixé, collégialement, sa stratégie globale de réduction du déficit et, à partir de ces données procédé à la détermination de priorités pour les dépenses et d'enveloppes pour chacun des programmes retenus.

L'aspect le plus intéressant de cette nouvelle méthode a été la phase de réexamen de l'ensemble des programmes de dépenses. Un « Comité de revue des programmes » interministériel a été installé par le Premier ministre pour faire ce travail. Il devait décider collégialement, de façon aussi équilibrée et cohérente que possible, des programmes de dépenses à supprimer, réduire ou modifier. Bien que d'une application espacée dans le temps

- sur 4 ans -, les décisions prises ont été annoncées en une seule fois, ce qui a permis de manifester la volonté des dirigeants et de signifier l'importance des modalités de la réforme.

Critères de l'examen des programmes

Chaque ministère devait revoir ses activités et programmes en fonction des critères suivants :

- critère de l'intérêt public : le programme ou l'activité continue-t-il à servir l'intérêt public ?

- critère du rôle du Gouvernement : le Gouvernement a-t-il un rôle légitime et nécessaire à agir dans le domaine du programme ou de l'activité ?

- critère du fédéralisme : le rôle actuel du Gouvernement est-il approprié ou doit-il être transféré aux provinces ?

- critère du partenariat : quelles activités peut-on en tout ou partie transférer au secteur privé ou bénévole ?

- critère de l'efficacité : en cas de poursuite du programme, que peut-on faire pour améliorer son efficacité ?

- critère de la capacité financière : a-t-on les moyens de maintenir l'ensemble des programmes et activités retenus et que peut-on abandonner ?

- critère de l'équité : les programmes retenus permettent-ils d'assurer une bonne équité entre les provinces ou les groupes sociaux ?

Les résultats de cette remise à plat des programmes ont été très substantiels. L'application des mesures prises étant en cours, il est encore difficile d'en évaluer l'impact définitif. Toutefois, la méthode retenue a incontestablement permis la prise de décisions politiquement difficiles et d'une réelle ampleur.

La Nouvelle Zélande a également cherché à instaurer une certaine discipline budgétaire pour la détermination annuelle des dépenses publiques. La méthode choisie a été celle de la définition par la loi d'objectifs contraignants - bien que non chiffrés - afin de rendre obligatoire un chemin budgétaire vertueux. Une très grande transparence est organisée au profit tant du Parlement que de l'opinion publique. Le nombre des explications et des documents que le Gouvernement doit fournir pour expliquer sa politique, surtout s'il s'éloigne des objectifs de la loi, rend tout écart « politiquement coûteux ».

La loi néo-zélandaise de responsabilisation budgétaire

(Fiscal Responsibility Act, 1994)

Conçue pour survivre à des changements de Gouvernement, cette loi définit les principes à respecter pour une gestion responsable des finances publiques et prévoit la publication régulière de plusieurs documents destinés à établir une réelle transparence de la gestion budgétaire.

Les 5 principes de la gestion responsable des finances publiques :

- adopter des budgets en excédent pour permettre une réduction de la dette publique et disposer d'une marge de manoeuvre pour faire face à des évènements imprévus,

- une fois un niveau de dette « prudent » atteint, maintenir ce niveau en adoptant des budgets équilibrés (l'équilibre n'est pas forcément annuel mais doit être respecté sur quelques exercices),

- générer une situation bilantielle positive pour disposer d'une marge de manoeuvre en cas d'évènement imprévu,

- gérer prudemment les engagements et garanties de la Couronne,

- conduire des politiques offrant une bonne vision sur le niveau et la stabilité des règles d'imposition.

Les documents que doit publier le Gouvernement :

Deux documents concernent la stratégie et les objectifs du Gouvernement :

- la Déclaration de politique budgétaire (Budget Policy Statement), publiée au plus tard le 31 mars de chaque année, soit 2 mois avant le dépôt du budget (l'exercice budgétaire commence le 1er juillet) : elle doit contenir les objectifs budgétaires de long terme du Gouvernement ainsi que ses intentions pour les 3 années à venir en précisant le montant et l'évolution des recettes, des dépenses, du solde budgétaire, de la dette et de la situation bilantielle de la Couronne, en expliquant la manière dont chacun de ces éléments respecte les principes de gestion responsable des finances publiques,

- le Rapport sur la Stratégie Budgétaire (Fiscal Strategy Report), publié en même temps que le budget, fin mai-début juin : il fournit les données économiques et les résultats budgétaires les plus récents et justifie leur cohérence avec les objectifs pour l'année du Gouvernement ; il projette les tendances budgétaires et fiscales sur 10 ans en utilisant différents scénarios et en analysant leur compatibilité avec les objectifs publiés dans la Déclaration de politique budgétaire.

Plusieurs autres documents doivent être publiés en cours d'année et d'exécution budgétaire :

- la veille de la discussion budgétaire, une mise à jour de la situation économique et fiscale sur 3 ans,

- au cours du mois de décembre, une mise à jour semestrielle de la situation économique et fiscale et de ses tendances sur 3 ans,

- environ 1 mois avant chaque élection législative, une mise à jour de la situation économique et fiscale et ses tendances sur 3 ans,

- une mise à jour de la situation budgétaire de l'année en accompagnement des éventuels budgets rectificatifs.

Dans tous ces documents, doivent figurer un certain nombre d'indicateurs économiques accompagnés d'une explication sur les projections macro-économiques du Gouvernement qui doivent être « raisonnables » -, ainsi que des indications détaillées sur la situation budgétaire et financière de la Couronne, sur les engagements et les garanties qu'elle a pris et sur sa situation bilantielle.

Chacun de ces documents doit être adressé à la commission parlementaire des finances qui peut auditionner le Gouvernement et toute personne de son choix. Elle prépare des rapports pour les débats en séance publique sur la Déclaration de politique budgétaire et le Rapport sur la stratégie budgétaire.

La réforme de la gestion de l'État

La Nouvelle Zélande a été plus loin que beaucoup de pays dans l'ampleur des réformes économiques mises en oeuvre au cours des dernières années. Ces réformes ont bénéficié de la durée puisque deux séries de gouvernements de majorité opposée ont successivement libéralisé l'économie, réalisé l'ouverture des marchés extérieurs commerciaux et de capitaux, réformé la politique monétaire, réformé le marché du travail et réformé le secteur public.

La principale innovation, après le retrait du secteur productif du domaine étatique, a été la réforme de l'organisation des services administratifs. L'idée essentielle a été de substituer la notion de résultat à celle de moyen. Ainsi, des objectifs et des critères de performance précis ont été définis pour chaque activité qui, en contrepartie, a reçu plus d'autonomie. Les chefs de services ont vu leur responsabilité renforcée mais ils ont obtenu une marge de manoeuvre plus grande pour la gestion de leurs effectifs et de leur budget. Leur rémunération est désormais liée aux résultats et à la performance des services qu'ils dirigent. La conséquence de cette réforme a été une amélioration considérable de la productivité des administrations néo-zélandaises.

Une autre réforme importante - et très innovante - a été l'introduction de nouvelles règles comptables pour les services administratifs mais également pour les comptes de l'État. La Nouvelle Zélande est aujourd'hui le seul pays industrialisé à avoir une comptabilité patrimoniale complète et à fournir toutes ses données budgétaires et financières non plus en patrimoniale complète et à fournir toutes ses données budgétaires et financières non plus en termes de flux, mais en termes de stocks. Cette publication systématique du « bilan de la Couronne » a permis de mieux mesurer la situation réelle des engagements de l'État, de renforcer la transparence des comptes publics et de donner un éclairage nouveau à certaines décisions gouvernementales telles que les privatisations ou l'attribution de garanties.

Bilan de la Couronne pour 1994-1995

(en millions de dollars néo-zélandais)

CONCLUSION : QUELLE TRANSPOSITION À LA FRANCE ?

Pour réduire effectivement et durablement la dépense publique, l'analyse des travaux du FMI et des expériences réussies montre le caractère incontournable des réformes structurelles. Toutefois, même décidées rapidement, celles-ci ne peuvent produire leurs effets qu'à moyen terme. Aussi est-il nécessaire, à court terme, de prévoir d'autres mesures d'économie dans le cadre des budgets et collectifs annuels.

Ainsi, en France, la réduction des dépenses devrait commencer dès la loi de finances pour 1997 par l'adoption de trois séries de mesures :

- dans la fonction publique, un gel total ou partiel des recrutements et une politique salariale modérée,

- un recalibrage de quelques dépenses d'intervention : aides à l'emploi, allocation aux adultes handicapés, allocation de logement spéciale, revenu minimum d'insertion, etc,

- la poursuite des privatisations pour accélérer le remboursement de la dette et réduire la charge des intérêts.

À moyen terme, les réformes structurelles, qui auront pour objectif principal la durabilité de la réduction des dépenses, pourraient s'orienter autour de plusieurs axes :

- la mise en place d'une prévision budgétaire pluriannuelle, par exemple sur trois ans, de toutes les dépenses et en particulier des dépenses nouvelles (ou des économies nouvelles) ; pour les dépenses d'investissement, le coût de fonctionnement associé le cas échéant à ces dépenses devrait être évalué sur la même durée,

- l'association de tous les membres du Gouvernement et du Parlement à la préparation du budget, de façon à déterminer collectivement et à approuver politiquement les grandes priorités budgétaires dans le cadre de prévisions économiques raisonnables et d'un objectif de déficit précis,

- le renforcement de la transparence des comptes publics et l'amélioration du suivi de l'exécution budgétaire par le Gouvernement, le Parlement et l'opinion publique ; des « rendez-vous » mensuels, trimestriels et annuels pourraient être fixés,

- un réexamen général des activités de l'État avec une analyse de leur degré de nécessité, voire de l'opportunité de leur maintien, une appréciation de la manière dont elles sont actuellement réalisées et une justification de leur prise en charge par l'État ; cet exercice devrait entraîner un réexamen de toutes les dépenses publiques,

- une réforme des administrations de l'État afin de rendre leur gestion plus performante, grâce à une autonomie et une responsabilisation accrues des agents publics et à la définition collective, pour chaque activité ou service, d'objectifs et de critères de performance précis,

- l'élaboration d'une comptabilité patrimoniale de l'État afin de retracer de manière plus transparente et exhaustive les divers mouvements affectant le patrimoine de l'État et notamment les mouvements de capitaux.

Parallèlement à ces réformes, principalement axées sur la dépense publique, une réforme fiscale devra être menée. Le FMI a mis en évidence cinq critères pour le succès d'une telle réforme : l'adaptabilité du système fiscal à l'évolution macroéconomique et sa capacité à générer des recettes, l'efficience qui repose sur des assiettes aussi larges que possibles, des taux faibles ou modérés et uniformes et la limitation des exonérations, l'équité par une répartition de la charge fiscale juste et équitable, la transparence par l'élaboration de règles claires, simples, stables et prévisibles, enfin l'acceptabilité du niveau de charge fiscale globale afin de ne pas encourager la fraude fiscale ni de fausser la structure des prix relatifs dans l'économie.

La réussite d'un programme de réformes aussi complet est un objectif ambitieux mais réalisable, comme le montre l'expérience néo-zélandaise. Elle nécessite cependant au préalable un engagement fort et manifeste de la part des pouvoirs publics et, dans le meilleur des cas, une forme de consensus national.

L'action entreprise doit également s'inscrire dans la durée. Cette notion de durée reste sans doute encore insuffisamment comprise en France. Elle est pourtant la condition de la réalisation de réformes au-delà de l'annualité budgétaire et au-delà même des changements de gouvernement. À cet égard, le retard pris par la France en matière de prévision budgétaire pluriannuelle est une bonne illustration de l'insuffisante prise en compte du temps dans la mise en oeuvre des politiques publiques. Aussi la définition d'un échéancier à la fois réaliste, clair et détaillé des mesures à prendre pour parvenir à la réalisation d'objectifs annoncés et approuvés peut-elle apparaître aujourd'hui comme l'une des conditions déterminantes du succès de la réforme - et de la réduction - de la dépense publique en France.

Enfin, si le coût politique de la réduction de la dépense publique apparaît encore indéniablement élevé, les travaux du FMI montrent que les gains économiques d'un tel ajustement, en particulier en termes de réduction du poids de la dette, de croissance, d'investissement et d'emploi, sont réels et compensent rapidement plus que largement les inconvénients « apparents » de la baisse de la dépense publique à court terme.

* 4 Les recettes ont continué de progresser par rapport au PIB mais à un rythme moins élevé que les dépenses.

* 5 Les services du Fonds reconnaissent qu'ils ne portaient pas ou peu d'attention à la dette dans leurs études sur les pays industrialisés jusqu'au milieu des années 80.

* 6 Les calculs sont réalisés sur la base de taux de croissance et de taux d'intérêt identiques à ceux de la période actuelle ; une baisse des taux d'intérêt ou une croissance plus soutenue permettraient donc d'élaborer des scénarios plus optimistes.

* 7 Milton Friedman affirme par exemple « You cannot reduce deficit by raising taxes. Increasing taxes only results in more spending, leaving the deficit at the highest level conceivably accepted by the public. Political rule number one is : Government spends what Government receives, plus as much more as it can get away with.(...) Increasing taxes would mean that you'd have just as large a deficit but a higher level of Government spending. »

* 8 Dans le sens négatif, le multiplicateur keynésien ne semble pas jouer non plus puisque une réduction des dépenses n'a pas d'effet récessif mais a plutôt pour effet de relancer la croissance grâce à des anticipations plus favorables, une baisse des taux d'intérêt et une hausse de l'investissement.

* 9 Sous forme d'amendement à la Constitution, cette proposition vise à rendre obligatoire le vote de budgets en équilibre à compter de l'année 2002 et à soumettre les éventuelles dérogations à des règles de vote très contraignantes.

* 10 La procédure européenne des « déficits excessifs » est un bon exemple de cette nouvelle discipline.

* 118 Au regard de ces critères, la France est classée parmi les pays modèles

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