Rapport n° 4 (1996-1997) de M. Hubert DURAND-CHASTEL , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 2 octobre 1996

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N° 4

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SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 2 octobre 1996

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Corée,

Par M. Hubert DURAND-CHASTEL,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Yves Guéna, Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Régis Ploton, Guy Robert, Michel Rocard, André Rouvière, Robert-Paul Vigouroux.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, a pour objet l'approbation d'une convention d'entraide judiciaire entre la France et la Corée signée le 2 mars 1995 à l'occasion de la visite à Paris du président coréen, M. Kim Young-Sam.

La convention d'entraide judiciaire en matière pénale, signée le 20 avril 1959 sous les auspices du Conseil de l'Europe, constitue le texte fondateur dans cette matière. A ce jour, la quasi-totalité des Etats membres du Conseil de l'Europe l'ont ratifiée.

La France a en outre signé récemment, dans un cadre bilatéral, des conventions inspirées du dispositif européen avec le Canada (15 décembre 1989), l'Australie (14 janvier 1993) et le Mexique (27 janvier 1994).

L'entraide judiciaire, au-delà de son intérêt pratique -la transmission directe des actes entre ministères de justice- manifeste aussi la communauté de valeurs dont se réclament les Etats démocratiques à travers leur système juridique.

Cette dimension ne saurait être oubliée dans l'analyse du texte qui est aujourd'hui soumis au Sénat. Aussi, votre rapporteur se propose-t-il, avant de présenter un dispositif d'ailleurs classique, de s'attarder sur les progrès accomplis par la Corée dans la construction d'un Etat de droit.

I. UNE VOLONTÉ D'OUVERTURE POLITIQUE ET DIPLOMATIQUE QUI TRACE UNE NOUVELLE VOIE POUR LA CORÉE

A. UNE DÉMOCRATIE MODERNISÉE, MIEUX ACCORDÉE AU HAUT NIVEAU DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE

1. Un nouveau départ pour la vie politique

Le succès de M. Kim Young-Sam aux élections présidentielles de 1993 a ouvert une nouvelle période dans la vie politique coréenne caractérisée jusque là par une forte tradition autoritaire.

Après la chute en 1960 de Syngman Rhee, au pouvoir depuis 1948, s'étaient succédé trois généraux (Park Chung-Hee 1961-1979, Chun Doo-Hwan 1980-1987, Roh Tae-Woo 1987-1992). Premier président civil depuis trente ans, M. Kim Young-Sam, élu dans des conditions démocratiques, a entrepris de rompre avec les pratiques politiques des régimes précédents. Le renforcement de la démocratie, « grand dessein » que s'est assigné le nouveau président, s'exprime à travers trois orientations majeures : lever l'impunité qui s'attache aux errements passés, lutter contre la corruption, conforter l'Etat de droit.

Le souci de « corriger les erreurs du passé » a conduit la majorité présidentielle à adopter en décembre 1995 une loi autorisant l'ouverture de poursuites contre les responsables des tentatives de sédition ou de coups d'Etat sans que puissent jouer les habituels délais de prescription.

Ainsi, dans le cadre de la procédure judiciaire ouverte sur la répression sanglante, par l'armée, d'un soulèvement d'étudiants en 1980 à Kwangju, le général Chun Doo-Hwan, parvenu au pouvoir en 1980 à la suite d'un coup d'Etat, a été arrêté et incarcéré en décembre 1995.

Le second volet de la politique présidentielle - la lutte contre la corruption - s'est traduit par l'arrestation d'un autre ancien président, Roe Tae-Woo, reconnu coupable d'avoir constitué des fonds secrets d'une valeur de 650 millions de dollars. La volonté de transparence n'a d'ailleurs pas concerné le seul domaine politique, elle s'est également manifestée sur le plan économique. L'obligation d'enregistrer toutes les transactions financières sous les noms réels, prise en 1993, a été étendue aux transactions immobilières afin de freiner la spéculation qui avait longtemps sévi dans ce secteur.

Le renforcement de l'Etat de droit figure, en troisième lieu, au rang des priorités fixées par le Chef de l'Etat. Il peut s'appuyer sur la constitution du 29 octobre 1987 dont le préambule se réclame de « l'ordre fondamental libre et démocratique ». Le chapitre 2 de la charte fondamentale pose les principaux droits et libertés des citoyens. Deux sujets font cependant encore l'objet d'un débat.

En premier lieu, la loi sur la sécurité nationale autorisant l'arrestation de toute personne susceptible d'exercer des activités en faveur du régime nord-coréen demeure en vigueur. 173 personnes ont été arrêtées au titre de ce texte en 1995, même si, au cours de la même année, l'amnistie accordée lors du cinquantenaire de la libération a pu bénéficier à de nombreux prisonniers politiques suspects de sympathie pour le régime nord-coréen. La permanence de tensions régionales justifie pour Séoul le maintien de ce régime contesté par les organisations des droits de l'homme.

Le droit syndical sud-coréen se démarque également des principes reconnus par les pays occidentaux : le monopole accordé à la Fédération coréenne des syndicats (FKTU) dans chaque entreprise contredit le droit à l'établissement sans autorisation des syndicats prévu par les conventions du Bureau international du travail dont la Corée est pourtant membre depuis 1991. Deux évolutions favorables se dessinent cependant ; d'une part, la création d'une centrale indépendante, la Fédération des syndicats démocratiques, témoigne d'une volonté des salariés de remettre en cause le principe de l'unicité syndicale dans l'entreprise. D'autre part, la perspective d'une adhésion à l'OCDE suppose sans doute à terme un alignement du droit social sud-coréen sur les normes occidentales. La création, en avril 1996, d'un comité sur la réforme du travail va dans cette voie.

Le renforcement de l'Etat de droit ne se résume pas à l'affirmation des libertés et droits fondamentaux, il se traduit aussi par l'organisation d'une vie politique réellement démocratique. Le pluripartisme n'est pas un vain mot : le retour sur la scène politique de l'ancien dissident Kim Dae-Jung qui s'est promis de l'emporter sur l'actuel chef de l'Etat lors des élections présidentielles de 1997, a renforcé l'opposition. Les élections locales de 1995, puis les élections législatives de 1996 se sont d'ailleurs soldées par la défaite du parti présidentiel, le Parti de la Nouvelle Corée. Celui-ci toutefois conserve la majorité à l'Assemblée nationale coréenne grâce au ralliement de onze députés indépendants et de l'opposition. La stabilité lui étant ainsi assurée, M. Kim Young-Sam pourra poursuivre son programme de réformes. L'un des traits propres de la vie politique sud-coréenne, l'enracinement régional des différents partis (ainsi le chef de l'opposition, Kim Dae-Jung, a réuni sur son nom près de 95 % des suffrages dans sa province de Cholla lors de l'élection présidentielle de 1992) paraît toutefois encore devoir résister à la volonté de modernisation manifestée par le pouvoir.

2. Une croissance équilibrée et durable

La prospérité économique et les aspirations d'une nouvelle classe moyenne ne sont pas étrangères à la libéralisation du régime politique sud-coréen.

Entre 1980 et 1993, la Corée a connu un taux de croissance annuel moyen de 8 % (contre 2 % pour la France sur la même période). En 1995, la croissance du PIB a dépassé 9 % et repose encore sur les deux ressorts traditionnels du dynamisme économique coréen : un taux d'investissement très élevé, une forte progression des exportations .

En effet, l'économie coréenne se signale d'abord par la part que représente l'investissement productif au sein du PIB (34 % contre 18 % pour la France). Les exportations, favorisées par l'appréciation du yen par rapport au dollar, devise de référence pour le won coréen, ont crû de plus de 30 % en 1995. Le commerce extérieur s'inscrit dans un schéma désormais classique : importations de matières premières et de biens incorporant des technologies avancées permettant la production de biens à moindre valeur ajoutée exportés en priorité vers les Etats-Unis, le Japon et les autres pays asiatiques. Il faut toutefois relever la part toujours plus importante des produits à plus forte valeur ajoutée, dans les secteurs de l'électronique et de l'automobile notamment, qui concurrencent directement les productions japonaises.

La croissance n'entraîne pas pour autant une remise en cause des grands équilibres. Qu'on en juge : malgré la hausse du déficit commercial en 1995, le déficit des paiements courants ne représente guère que 1,7 % du PIB, l'inflation reste limitée à 4,5 % tandis que le budget de l'Etat enregistre des excédents depuis 1993.

La croissance a favorisé une augmentation du revenu qui dépasse aujourd'hui 10 000 dollars par habitant. Le taux de chômage, inférieur à 2 %, peut être tenu pour négligeable.

Pour 1996, la croissance devrait rester vigoureuse (17 %), même si son rythme se ralentira sans doute sous les effets probables d'un fléchissement des exportations coréennes.

B. UNE PRÉSENCE RENFORCÉE SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE

1. Une diplomatie dominée par l'évolution des relations intercoréennes

La politique étrangère de la Corée reste naturellement dominée par les relations intercoréennes. La déshérence de l'économie nord-coréenne, l'inachèvement du processus de succession de Kim Il Sung entretiennent de vives inquiétudes sur les intentions de Pyong Yang.

La Corée du Sud peut toutefois compter sur le soutien américain réaffirmé lors de la visite de M. Kim Young-Sam aux Etats-Unis en juillet 1995. 38 000 soldats américains sont en permanence présents sur le sol coréen. En outre, malgré les tentatives nord-coréennes d'écarter Séoul des négociations ouvertes avec les Etats-Unis sur le gel du programme nucléaire de Pyong Yang, la Corée du Sud a finalement participé aux discussions sur l'accord de fourniture des réacteurs civils dans le cadre de la KEDO (Organisation pour le développement énergétique de la Corée).

Les autorités sud-coréennes ont également reçu un appui moins prévisible de la Chine. Lors d'une visite à Séoul en novembre 1995, le président Jiang Zemin a appelé à la poursuite du dialogue intercoréen, au respect du régime d'amnistie et au principe d'une réunion pacifique des deux Corée.

Les relations avec le Japon, marquées par le poids d'une histoire douloureuse, doivent parfois surmonter quelques malentendus sur le problème nord-coréen. Le Japon, qui compte une importante communauté nord-coréenne, a pu donner le sentiment, en acceptant d'aider la Corée du Nord par des livraisons de riz, que les relations nippo-nord-coréennes évoluaient plus rapidement que les rapports intercoréens.

Malgré l'importance des préoccupations régionales dans la diplomatie coréenne, Séoul a souhaité développé, au cours des dernières années, ses relations avec l'Europe et singulièrement la France.

2. Le développement des relations avec la France

Le président Kim Young-Sam a entrepris en mars 1995 une tournée européenne qui l'a conduit successivement en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Belgique, au Danemark et en République tchèque.

La Corée négocie avec l'Union européenne un accord-cadre assorti d'une déclaration politique qui devrait être signé en octobre prochain.

Les relations avec la France ont pris un nouvel essor à la suite de la visite de mars 1995.

La Corée, devenue membre du Conseil de sécurité pour la période 1996-1997, cherche en effet à renforcer son rôle dans les relations internationales : les problèmes de l'aide aux pays en développement constituent notamment un terrain d'entente pour nos deux pays.

La Corée du Sud a par ailleurs apprécié la participation de la France au consortium international créé en 1995 pour régler le problème nucléaire nord-coréen et fournir des réacteurs civils à Pyong Yang. Séoul, de son côté, a montré une certaine modération dans le mouvement d'opposition à notre ultime campagne d'essais nucléaires.

L'ombre apportée à nos relations par la question de la restitution des archives saisies en 1866 par une expédition française et conservées à la Bibliothèque nationale pourrait se dissiper grâce à la formule proposée par le président Jacques Chirac : un échange d'archives sous forme de prêt à longue durée sans transfert de propriété.

L'image culturelle de la France reste traditionnellement forte en Corée où notre langue figure au troisième rang des langues étrangères enseignées dans le secondaire (derrière l'anglais et le chinois), et au second rang dans le supérieur.

Notre avance dans les domaines scientifique et technologique mérite quant à elle un effort de valorisation. Une série de séminaires franco-coréens organisée en 1995 a permis de poser quelques jalons dans plusieurs domaines cibles : l'énergie nucléaire, l'environnement, la médecine d'urgence, l'urbanisme ou encore les biotechnologies. Le renforcement de la coopération scientifique constituera un atout décisif pour le succès des entreprises françaises sur le marché coréen.

Pour l'heure, malgré le maintien, à notre avantage, d'un solde commercial positif (479 millions de dollars d'excédent), les exportations françaises marquent le pas (une progression de 0,3 % en 1995 contre une hausse de 45 % pour le Royaume-Uni, de 34 % pour l'Allemagne et de 25,4 % pour l'Italie). Les entreprises n'ont pas su tirer parti du formidable essor des importations coréennes et ont perdu des parts de marché. La mise en oeuvre du contrat TGV signé en 1993 devrait cependant donner un nouvel élan à nos ventes.

II. UN ACCORD QUI S'INSCRIT DANS LE CADRE D'UN SYSTÈME JURIDIQUE CORÉEN RÉNOVÉ

A. UN SYSTÈME JUDICIAIRE CONFORME AUX PRINCIPES DE L'ETAT DE DROIT

1. Une organisation judiciaire adaptée

Il existe en Corée du Sud trois degrés de juridiction . Les cours de district (établies à Séoul et dans les onze cités provinciales) constituent le premier degré de juridiction pour les recours non administratifs. Les procès sont en général conduits par un juge unique, ou, pour les affaires les plus importantes, par trois juges.

Les cours d'appel exercent leur compétence en appel pour les décisions des cours de district et connaissent en première instance des recours formés par des particuliers ou des personnes morales contre un acte administratif. Au nombre de quatre, les cours d'appel se composent chacune d'un juge-président et, en général, de trois juges associés.

Enfin, la cour suprême constitue l'instance de renvoi contre les décisions des cours d'appel, mais aussi contre celles des cours martiales (compétentes pour les infractions au droit pénal militaire par les membres des forces armées). Ses décisions définitives et obligatoires forment jurisprudence pour les juridictions de degré inférieur. Le président de la cour suprême est désigné par le Président de la République pour six ans non renouvelables, après consentement de l'Assemblée nationale. Les autres juges sont nommés par le Président de la République sur proposition du président de la cour suprême, pour une période de six ans renouvelable. Les membres de la cour suprême sont choisis parmi les juges, procureurs ou avocats âgés de plus de 40 ans possédant une expérience professionnelle de 20 ans au moins.

A l'exception des membres de la cour suprême, les juges sont recrutés par concours. La Constitution de 1987 garantit l'indépendance du pouvoir judiciaire. Aux termes de l'article 103, les magistrats du siège doivent agir selon leur conscience, en conformité avec la Constitution et la loi. Aucun juge ne peut être l'objet d'une suspension ou de toute autre mesure défavorable si ce n'est pour un motif disciplinaire.

Le parquet , compétent pour diriger des enquêtes en cas de violation de la loi et pour conduire des actions légales contre des suspects au moyen des forces de police, est placé sous l'autorité du ministre de la justice. Celui-ci cependant, sauf mention explicite de la loi, n'exerce pas de contrôle sur les décisions du parquet. La plus haute instance du parquet, l'office du procureur général, assure le contrôle de l'ensemble des officiers subordonnés : procureurs supérieurs, procureurs de district et procureurs-adjoints.

Bien que l'influence de l'exécutif soit traditionnellement forte sur la magistrature, plusieurs affaires récentes ont manifesté le souci d'indépendance de la justice coréenne. Ainsi, en 1995, la cour d'appel de Séoul a acquitté un éditeur accusé par le ministère public de sympathies pour la Corée du Nord en raison de la publication d'un roman nord-coréen. La même cour a également prononcé l'acquittement du président de l'Alliance nationale des organisations non gouvernementales, responsable de l'organisation d'une manifestation jugée par les autorités comme favorable aux thèses nord-coréennes sur la réunification.

2. Un code de procédure pénale réformé

Un nouveau code de procédure pénale a été adopté en 1994 afin de conformer le système coréen aux principes d'un Etat de droit moderne.

S'agissant de l'instruction, les autorités chargées de l'enquête ne peuvent arrêter un suspect pour détention sans un mandat de dépôt délivré par un juge sous certaines conditions (absence de domicile, motifs raisonnables de soupçonner que l'intéressé pourrait s'échapper ou détruire les preuves ...). En cas d'urgence ou de flagrant délit, le mandat peut être délivré après l'arrestation. La personne appréhendée est informée de son droit de se faire assister par un avocat. Un suspect détenu doit être relâché s'il n'est pas déféré devant le parquet dans les dix jours qui suivent son arrestation. A moins d'une inculpation prononcée dans un délai de dix jours à compter de la date à laquelle le suspect a été remis au parquet, celui-ci doit décider de relâcher le détenu.

La détention peut toutefois être reconduite pour une nouvelle période de dix jours si le parquet demande un complément d'information. En vertu de la nouvelle Constitution, le détenu a le droit de demander un contrôle judiciaire de la légalité de la détention avant que l'inculpation ne soit prononcée.

La procédure relative à l'inculpation se signale notamment par le pouvoir exclusif dont dispose le parquet pour engager une action pénale, et par l'appréciation discrétionnaire de ne pas porter l'affaire devant le tribunal si le procureur juge les preuves insuffisantes pour établir les faits ou que ceux-ci ne constituent pas un délit.

Une fois inculpé, le prévenu a le droit -qui ne peut lui être refusé que sous certaines conditions précisément énumérées- d'obtenir une mise en liberté sous caution.

En outre le code de procédure pénale de 1994 a renforcé notamment le système d'avocats commis d'office.

Le régime de la preuve se caractérise en particulier par le rejet de la preuve indirecte et par l'exigence de preuves corroborant des aveux.

En l'absence d'un système de jury, le jugement est rendu par un magistrat ou un collège de juges pour toute peine d'emprisonnement supérieure à un an.

B. LA CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE : UN DISPOSITIF CLASSIQUE

1. Le champ d'application

La convention pose, dans son article premier, le principe d'une aide judiciaire la plus large possible entre les deux parties dans toute enquête, poursuite judiciaire ou procédure en matière pénale visant des infractions dont la répression relève des compétences de la partie requérante.

Cependant l'aide ne s'applique pas :

- à l'exécution des décisions d'arrestation ou des condamnations ;

- au transfert des procédures pénales ;

- aux infractions militaires qui ne relèvent pas des infractions de droit commun.

En outre, l'aide judiciaire peut être refusée par la partie requise dans trois cas : les infractions de caractère politique, les demandes de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels, les affaires ne constituant pas une infraction pour la législation de la partie requise (article 4).

2. Les formes de l'entraide

Les demandes d'entraide judiciaire pourront concerner :

. les actes d'enquête et d'instruction

- l'accomplissement des actes d'instruction, la communication des dossiers, des documents, ou des pièces à conviction, la restitution à la victime des objets en valeurs provenant d'une infraction selon les formes prévues par la législation nationale de la partie requise.;

- les dépositions sous serment de témoins ou d'experts, les perquisitions et saisies si la législation nationale l'autorise (art. 5.3)

- la possibilité pour les représentants mandatés par la partie requérante d'assister à l'exécution de la demande d'entraide relève de l'appréciation de la partie requise (art. 6).

Selon la nature de l'aide demandée, la convention prévoit ainsi pour la partie requise différents degrés d'engagement.

. les autres forme d'entraide

- la comparution de témoins experts et personnes détenues

L'entraide prévoit également l'hypothèse où la partie requérante souhaite faire comparaître devant ses propres autorités judiciaires des témoins, experts ou personnes détenues. Cette possibilité est toutefois entourée de plusieurs garanties.

S'agissant des témoins et des experts -dont la comparution doit faire l'objet d'une mention expresse dans la demande adressée à la partie requise- le défaut de comparution ne pourra donner lieu à aucune sanction ou mesure de contrainte même si la citation à comparaître contient des injonctions (art. 11).

Quant aux personnes détenues , leur transfèrement peut être refusé par la partie requise dans quatre hypothèses (art. 12) :

- si la personne détenue n'y consent pas,

- si sa présence est nécessaire dans l'Etat requis dans le cadre d'une procédure pénale en cours,

- si son transfèrement conduit à prolonger sa détention,

- si d'autres considérations impérieuses s'opposent au transfèrement.

En outre, en vertu du principe de la spécialité des poursuites, aucune personne citée ne peut être poursuivie et a fortiori détenue sur le territoire de la partie requérante pour des faits ou condamnations antérieurs à son départ du territoire de la partie requise et non visés par la citation (art. 13).

- La communication des extraits du casier judiciaire est possible sur demande d'une partie pour les besoins d'une affaire pénale, dans la mesure où les autorités judiciaires compétentes de la partie requise pourraient elles-mêmes les obtenir en pareil cas (art. 15).

- La France et la Corée s'engagent à s'échanger au moins une fois par an les avis des sentences pénales et les mesures postérieures qui concernent leurs ressortissants (art. 22).

3. Les procédures

La compétence pour déposer ou recevoir une demande d'entraide judiciaire relève du ministère de la justice pour la France et du ministère de la justice ou de l'un de ses représentants pour la Corée du Sud. Ces « autorités centrales » communiquent en principe par la voie diplomatique ou directement en cas d'urgence.

La convention précise plusieurs autres points de procédure : les indications que doivent contenir les demandes d'entraide (art. 16), les conditions de confidentialité -garantie en principe si le souhait en est exprimé (art. 17)-, la traduction des demandes et des documents dans la langue de la partie requise (art. 18).

A l'exception des frais liés à l'intervention d'experts sur le territoire de la partie requise et au transfèrement de personnes détenues, les demandes d'entraide ne donnent lieu au remboursement d'aucun frais (art. 21).

La convention s'applique à toute demande présentée après son entrée en vigueur, même si les actes qui lui sont liés se sont produits avant cette date.

CONCLUSION

Pour votre rapporteur, l'intérêt de cette convention ne se résume pas au renforcement, certes nécessaire, d'une coopération judiciaire aujourd'hui réduite (en moyenne deux demandes d'enquête par an).

Une convention d'entraide judiciaire, malgré les garanties dont les procédures sont entourées, ne se conçoit qu'entre des Etats respectueux des principes du droit. La signature de cet accord témoigne d'un acte de confiance de la France dans les progrès accomplis par la Corée du Sud au cours des dernières années dans la construction d'un système juridique digne d'une démocratie moderne.

La présente convention constitue une pierre supplémentaire dans le rapprochement, indispensable, entre nos deux pays, et votre rapporteur ne peut qu'en recommander l'adoption.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent projet de loi lors de sa réunion du 2 octobre 1996.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin, président, a souhaité quelques éclaircissements sur l'affaire du sous-marin nord-coréen découvert dans les eaux territoriales de la Corée du sud. M. Hubert Durand-Chastel a répondu qu'il s'agissait, selon toute probabilité, d'une mission d'espionnage, en rappelant que des escarmouches opposaient régulièrement les deux pays à leur frontrière.

La commission a alors adopté le présent projet de loi.

PROJET DE LOI

(Texte adopté par l'Assemblée nationale)

Article unique

Est autorisée l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Corée, signée à Paris le 2 mars 1995 et dont le texte est annexé à la présente loi 1 ( * ) .

* 1 Voir le texte annexé au document Sénat n° 425 (1995-1996)

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