III. L'AIDE FRANÇAISE À LA RECHERCHE D'UNE NOUVELLE EFFICACITÉ

Importante en valeur absolue tout comme en proportion de la richesse nationale, l'aide publique au développement accordée par la France transite par de multiples canaux qui rendent sa compréhension et son évaluation complexes. Un tel constat est déjà ancien et il ne doit pas pour autant conduire à remettre en cause systématiquement l'efficacité ou la cohérence de notre système de coopération. Néanmoins, il ne fait pas de doute que l'unité et la transparence ne sont pas ses vertus premières et, en raison même de l'importance des fonds publics consacrés à l'aide au développement, il importe d'en améliorer sensiblement l'organisation et le fonctionnement afin notamment de veiller à ce qu'une unité de vue politique définisse les priorités et préside à l'affectation de ces concours. C'est la voie sur laquelle se sont engagés les pouvoirs publics pour la réforme de l'aide publique au développement.

A. UNE AIDE DISPERSÉE

Les dépenses d'aide publique au développement ont atteint 41,6 milliards de francs en 1996, soit 0,53 % du PIB. Selon les estimations budgétaires pour 1997, ces dépenses devraient poursuivre leur mouvement de réduction et s'élever à 41,17 milliards de francs, soit 0,5 % du PIB.

Si l'on retranche de ces sommes les crédits relatifs aux territoires d'outre-mer qui sont comptabilisées dans l'aide publique au développement et représentent environ 5 milliards de francs par an, le montant de l'aide aux pays en développement devrait s'élever à environ 36,5 milliards de francs en 1996 et 36 milliards de francs en 1997.

Le tableau ci-après fournit la répartition de cette aide.

Effort d'aide publique au développement

(en millions de francs)

1995 (1)

1996 (2)

1997 (3)

1. Aide bilatérale

27.138

28.053

26.947

Ministère de la Coopération

4.023

3.969

3.770

Ministère des Affaires étrangères

2.544

2.763

2.626

Ministère des Finances et CFD

13.032

13.642

12.906

Autres ministères

7.538

7.679

7.645

Pour mémoire :

Prêts

5.074

5.370

4.350

Dons

16.406

16.969

16.196

annulations et consolidations

5.657

5.714

6.401

2. Aide multilatérale

10.055

8.486

9.101

Aide européenne

4.912

4.107

5.175

Banques et fonds de développement

3.237

3.351

2.853

Institutions des Nations Unies

562

627

609

FAS renforcée du FMI

1.345

401

464

Total États étrangers

37.193

36.539

36.048

3. Territoires d'outre-mer

Divers ministères

4.947

5.051

5.126

Total ADP (TOM inclus)

42.140

41.589

41.174

PIB (en MdsF)

7.675

7.893

8.170

APD rapportée au PIB

0,55 %

0,53 %

0,50 %

(1)Exécution

(2)Prévisions d'exécution

(3) PLF

La France se situe, surtout au sein de l'Union européenne, parmi les pays accordant une réelle prééminence à l'aide bilatérale. La part de l'aide multilatérale relative aux contributions à l'aide européenne est néanmoins en constante progression.

L'aide bilatérale de la France est dirigée en priorité vers l'Afrique qui reçoit environ la moitié des montants.

Au-delà de ces données générale, il apparaît malheureusement relativement difficile d'appréhender les différentes formes de l'aide publique française, les différents canaux par lesquels elle transite et son évolution précise.

Le « jaune » annexé au projet de loi de finances récapitulant les crédits concourant à la coopération avec les États en voie de développement permet néanmoins d'avoir une vision globale et de suivre dans le détail la nature et l'évolution des charges d'aide au développement. Son existence, qui date d'une dizaine d'années, illustre l'imperfection des moyens dévolus au contrôle parlementaire, dans un secteur qui représente plusieurs dizaines de milliards de francs chaque année.

Il apparaît ainsi que le ministère de l'économie, au travers du budget des charges communes et des comptes spéciaux du Trésor, constitue le premier contributeur pour l'aide au développement et gère, à ce titre, près de deux fois plus de crédits que le ministère de la coopération et le ministère des affaires étrangères réunis. D'autres ministères mènent également une action extérieure en direction des pays en développement : l'agriculture, les anciens combattants, l'éducation nationale, la recherche, l'environnement, l'équipement, l'industrie, l'intérieur, la justice et le travail.

Enfin, notre système d'aide repose également sur l'intervention d'une institution financière, la Caisse française de développement, et sur les organismes internationaux et européens destinataires de notre aide bilatérale.

La Cour des Comptes, dans son dernier rapport public, a longuement développé les inconvénients de cette dispersion, en rappelant d'ailleurs que cette situation est ancienne et a peu évolué sous la V e République.

Observations de la Cour des Comptes sur les structures administratives et la gestion des crédits du ministère de la Coopération

(Rapport public - octobre 1996)

Le budget du ministère chargé de la coopération a atteint 7,7 milliards de francs en 1995, soit environ 0.5 % du budget de l'État. Il n'intègre cependant qu'une faible partie (11,5 %) de l'aide publique au développement prise en charge par la France, dont ce département ministériel n'est que très insuffisamment le responsable et le coordonnateur. En outre, la définition à la fois imprécise et évolutive du champ d'intervention pose le problème de la dualité avec le ministère des affaires étrangères, même si la coopération n'en est plus aujourd'hui officiellement qu'une fonction déléguée.

La Cour a procédé de 1992 à 1995 à une vingtaine de contrôles sur le fonctionnement et la gestion des services et organismes rattachés à ce département ministériel, et tout particulièrement du Fonds d'aide et de coopération (FAC), instrument essentiel du dispositif institutionnel français de coopération. Elle a tenu à présenter dans une synthèse unique, comme elle l'avait fait en 1994 pour le ministère des affaires étrangères, les résultats de ses principales investigations.

Celles-ci ont fait ressortir les défauts d'une organisation dont les structures administratives restent marquées par leurs origines historiques et dont la complexité n'a pas été atténuée par des procédures de coordination suffisantes.

La dispersion de l'action culturelle ou le manque de cohérence entre les objectifs et les structures de la coopération militaire donnent deux illustrations des faiblesses du dispositif actuel.

L'organisation financière du ministère fait coexister une forte déconcentration de l'action opérationnelle au profit des missions de coopération et d'action culturelle, avec une centralisation marquée de la gestion budgétaire. Le mouvement de déconcentration qui a accompagné depuis 1991 la globalisation des crédits s'apparente plus à un allégement de la charge des services centraux qu'à une véritable volonté de modernisation et d'efficacité dans la gestion.

Le maintien du statut dérogatoire du FAC, la souplesse excessive du régime local des dépenses, l'absence de directives en matière d'organisation comptable et informatique, les insuffisances de la politique de recrutement et de formation, la faiblesse des procédures de contrôle, constituent autant d'incitations à la multiplication des irrégularités

En définitive, la réintégration de la totalité des dépenses dans le réseau des comptables publics et l'amélioration de la compétence budgétaire et comptable des personnels en poste à l'étranger sont les conditions préalables d'une amélioration de la gestion de cette administration.

Votre rapporteur partage une partie de ces observations - même s'il regrette que la Cour se soit livrée à des appréciations d'opportunité.

Il constate que la réforme de l'aide française au développement vise précisément à remédier à certains de ces défauts.

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