II. LA PRISE EN COMPTE DE LA FIN DES ESSAIS NUCLÉAIRES EN POLYNÉSIE FRANÇAISE

L'année 1996 aura été celle d'une profonde réforme du statut de la Polynésie française, modifié, en effet, par la loi organique n° 96-313 du 12 avril 1996 et par la loi ordinaire n° 96-313 de la même date.

Au plan financier, la fin des essais nucléaires a également induit la passation d'un accord entre l'État et les autorités locales.

La convention pour le développement de l'autonomie économique de la Polynésie française, signée le 25 juillet par le Premier ministre et le Président du Gouvernement de la Polynésie française, repose sur trois principes :

1) Les mesures de compensation sont mises en oeuvre sur une période de 10 ans. Elles consistent en un maintien des flux financiers engendrés par l'activité du Centre d'expérimentation du Pacifique dont le niveau de référence est fixé à 990 millions de francs. L'importance de la mutation économique que doit entreprendre la Polynésie française nécessite en effet une action de longue durée.

2) Ces mesures doivent, d'une part, éviter tout risque de désorganisation à court terme pesant sur les finances du Territoire et l'activité immédiate et, d'autre part, favoriser la création de nouvelles activités justifiées économiquement et donc génératrices d'emplois durables.

3) Les mesures sont arrêtées de manière paritaire entre l'État et le Territoire.

Le maintien d'un flux financier annuel de 990 millions de francs est réalisé grâce à la mise en place de plusieurs actions :

- Une enveloppe de 220 millions de francs (montant 1996) est prévue annuellement, correspondant aux recettes douanières encaissées grâce à l'activité du CEP, au titre du volet de la convention relatif à la préservation des finances du Territoire. Ce montant, versé directement au budget du territoire sans préaffectation de son emploi, est indexé, à compter de 1997, sur l'indice prévisionnel d'évolution des prix en métropole. Il est imputé sur le chapitre 66-51, article 21 « Participation à des travaux d'équipements civils au profit du territoire de la Polynésie française » du budget de la Défense.

- Une dotation d'une cinquantaine de millions de francs est également prise en compte au titre de l'implantation, sur le territoire de la Polynésie française, du service militaire adapté (SMA).

- Sont enfin comprises dans le flux annuel de 990 millions de francs les activités résiduelles du Centre d'expérimentation, notamment le coût de son démantèlement, ainsi que les traitements et indemnités versés aux personnels civils et militaires, polynésiens et métropolitains, travaillant sur les sites du CEP.

La différence entre 990 millions de francs et les sommes acquittées au titre des trois masses financières ci-dessus décrites (maintien à niveau des recettes douanières, SMA et fin d'activité du CEP) sera consacrée à des activités créatrices d'emplois, par le biais de la commande publique ou semi-publique ainsi que par l'aide au développement des activités privées dans tous les secteurs, particulièrement le tourisme et l'exportation.

La mise en oeuvre de ce flux de subvention doit être effectuée en plusieurs étapes qui offrent, chaque fois, un important pouvoir d'intervention à l'État :

- La Polynésie française doit établir un programme stratégique pour son avenir économique et social. Le délai de rédaction, initialement fixé au 31 octobre 1996, a été repoussé sine die.

Construit par le Territoire, avec l'appui si celui-ci le souhaite des services de l'État, ce programme doit être approuvé par l'État. Il définira des objectifs à 10 ans et, par secteur d'activité, pour des périodes de 5 ans, les moyens financiers à mettre en oeuvre pour y parvenir.

- Un comité technique consultatif réunissant État, Territoire, communes et socioprofessionnels sera ensuite saisi pour avis préalable des programmes prévisionnels annuels dans tous les domaines d'intervention du fonds, à l'exception des grands équipements publics territoriaux dont il sera cependant tenu informé. Ce comité technique sera tenu informé de l'état des réalisations.

- Le comité de gestion mixe État-Polynésie française décidera projet par projet des interventions du fonds.

Une procédure de suivi a également été mise en place :

- Chaque année le comité de gestion ne pourra procéder à des engagements qu'après avoir approuvé le compte rendu de l'année précédente. Est ainsi écarté tout risque d'intervention non contrôlée du fonds.

- Les conventions de financement passées avec les bénéficiaires prévoiront une obligation de compte rendu dépassant sensiblement la période de réalisation de l'opération afin de suivre dans la durée les résultats obtenus et d'en tirer les enseignements pour les nouvelles décisions du comité.

- Un bilan à mi-parcours sera établi.

Enfin le fonds étant comptablement géré par l'État, l'ensemble du dispositif de contrôle de l'utilisation des fonds publics s'appliquera.

La grande souplesse d'intervention donnée au fonds, gage de son efficacité, nécessitait en contrepartie un pilotage attentif de celui-ci et notamment une appréciation fréquente de ses résultats. Les dispositifs décrits ci-dessus imposent ce pilotage sans compliquer la gestion.

Le montant de la subvention gérée, au titre de 1996 et de 1997, par le comité mixte État-Polynésie française, dans le cadre du fonds créé par la convention, ne devrait s'élever qu'à quelques dizaines de millions de francs, compte tenu du poids encore important des dépenses du CEP.

Selon les informations fournies à votre rapporteur spécial, le solde pourrait en revanche atteindre autour de 400 millions de francs dès 1998.

Il convient enfin de rappeler que la réduction progressive de l'activité du centre d'expérimentation du Pacifique (C.E.P.), depuis la suspension des essais nucléaires en 1992, avait déjà amené le ministère de la défense et le commissariat à l'énergie atomique à signer, le 21 octobre 1993, avec le territoire, une convention remplaçant l'ancienne convention douanière et prévoyant, outre une subvention dite de « coopération économique », l'exécution de travaux par l'armée pour le compte du territoire. Formellement, cette convention cessera de s'appliquer à compter du 1 er janvier 1997 : les dispositions relatives à la compensation des versements douaniers contenues dans la convention pour le développement de l'autonomie économique signée le 25 juillet 1996 se substituent aux dispositions similaires de la convention de 1993 et l'article 5 de cette même convention maintient les mesures économiques de la convention de 1993, soit un flux annuel de 45 millions de francs s'ajoutant aux 990 millions de francs de la convention.

Si le contrôle, par la représentation nationale, de la mise en oeuvre des effets de la convention du 25 juillet paraît bien balisé, votre rapporteur spécial doit relever, pour la regretter, la « tiédeur » de l'accueil réservé par le Gouvernement, dans ce cadre, aux conclusions du rapport de la mission interministérielle sur les communes de Polynésie française, rédigé voici tout juste un an. Ses auteurs avaient, en effet, achevé leur document par ces lignes : « Le développement de la Polynésie française du XXI ème siècle va se jouer en grande partie au cours des dix premières années de l'après CEP. Cette occasion est unique et ne se représentera pas. Or, il n'y aura pas de développement viable si les communes ne savent pas prendre leur place dans le dispositif ou si elles sont tenues à l'écart. »

Le rapport appelle de ses voeux une loi organique portant modernisation de l'institution communale dont l'objet serait de notamment « garantir l'affectation directe d'une part des crédits de l'après CEP aux communes, dans le cadre du fonds globalisé d'investissements dont la création est préconisée par ailleurs ».

Les motifs qui conduisent à cette conclusion ne paraissent pas infondés à votre rapporteur spécial.

Ainsi que l'estime le rapport précité, les communes, collectivités locales de proximité peuvent, en effet, en premier lieu être les correspondants locaux privilégiés de l'État, des services territoriaux et des entrepreneurs, capables de susciter, d'identifier ou d'analyser des projets de développement sur leur territoire.

En second lieu, elles peuvent contribuer au maintien de l'activité économique par des commandes directes, à condition de disposer elles-mêmes des crédits nécessaires pour la réalisation d'équipements structurants. Ceci suppose à la fois une rationalisation de leur gestion et une mise à niveau de leur budget, grâce à une partie des fonds de l'après-CEP.

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