AUTITION DE M. JACQUES BARROT MINISTRE DU TRAVAIL ET DES AFFAIRES SOCIALES

Réunie le mardi 22 octobre 1996, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission des finances a procédé à l'audition de M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, qui a présenté les crédits consacrés aux affaires sociales et à la santé.

S'agissant du budget de l'action sociale et de la solidarité, il a indiqué que les crédits s'élevaient à 61,4 milliards de francs pour 1997, soit une progression de + 3,7 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 1996.

Il a annoncé que la première priorité était l'accroissement des crédits en faveur des dispositifs de lutte contre l'exclusion et de renforcement de la cohésion sociale, les crédits relatifs au revenu minimum (RMI) d'insertion progressant de + 5,3 % pour constituer le premier poste de dépenses de ce budget. Il a estimé que la mise en oeuvre du projet de loi de renforcement de la cohésion sociale devrait permettre aux allocataires du RMI de bénéficier, dès le second semestre 1997, d'une politique d'insertion professionnelle plus vigoureuse.

Le ministre a indiqué que les crédits relatifs aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) progressaient de + 5,6- %, soit un doublement de l'effort réalisé en 1995 et en 1996, et que les crédits des programmes d'action sociale de l'État, essentiellement consacrés à la lutte contre l'exclusion et à l'accueil d'urgence des sans-abri, progressaient de près de 6 %, pour atteindre près d'un milliard de francs. Il a précisé que les seuls crédits déconcentrés destinés à la prise en charge de l'urgence sociale progressaient de + 100 millions de francs et que cette augmentation permettrait de faire face tout au long de l'année 1997 aux besoins des populations en situation de grande marginalité.

Par ailleurs, considérant qu'il n'y avait pas d'action sociale de qualité sans professionnels qualifiés, il a annoncé une augmentation des capacités des centres de formation des travailleurs sociaux, 13 millions de francs de mesures nouvelles permettant à la rentrée 1997 une progression de 10 % des effectifs d'éducateurs et d'assistantes sociales.

Le ministre a ensuite indiqué que l'accentuation de l'effort en faveur des personnes handicapées constituait la seconde priorité du projet de budget de l'action sociale et de la solidarité.

Il a cité, en particulier, la création de 2.000 places nouvelles de centres d'aide par le travail (CAT), pour un montant de 135 millions de francs en mesures nouvelles, qui s'ajouteront aux 84.300 places autorisées à ce jour, en précisant que ces capacités nouvelles contribueraient à la résorption des effectifs de jeunes adultes maintenus dans les établissements d'éducation spéciale au titre de "l'amendement Creton". Il a cité également la revalorisation des crédits finançant l'allocation aux adultes handicapés (AAH), pour un montant de près de 1,5 milliard de francs, soit une progression de + 7,2 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 1996.

Il a souligné que les crédits ouverts en 1997 pour l'aide médicale à la charge de l'État, qui recouvrent la prise en charge des dépenses de soins, du forfait journalier et des cotisations d'assurance personnelle des personnes dépourvues de résidence stable, progressaient de 17 %, pour atteindre 807 millions de francs, ce qui permettra d'éviter tout report de charge entraînant des retards de paiement préjudiciables à tous les acteurs du système de santé.

S'agissant du budget de la santé publique et des services communs, M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, a indiqué qu'il s'élevait à un peu plus de 8,1 milliards de francs pour 1997. .

Il a considéré que l'accroissement significatif des crédits relatifs à la santé publique montrait que celle-ci était une préoccupation majeure du Gouvernement : d'un montant de 3,5 milliards de francs, ces crédits progressent de près de 4,5 %, à structure constante, compte tenu du transfert des crédits de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie sur le budget du Premier ministre.

Le ministre a identifié trois grands axes de la politique de santé publique.

Il a indiqué que le premier axe était le renforcement de la veille et de la sécurité sanitaires, le réseau national de santé publique voyant sa dotation augmenter de près de 50 %, ce qui lui permettra de mettre en place deux cellules Inter-régionales supplémentaires, de développer les activités en épidémiologie des problèmes de santé liés à l'environnement, et de mettre en place une surveillance de la maladie de Creutzfeld-Jacob, qui donne lieu désormais à une déclaration obligatoire. Sur ce point, il a également évoqué le financement, pour 3 millions de francs, d'actions dans le domaine des maladies génétiques et des maladies rares.

Le ministre a indiqué que le deuxième axe de la politique de santé publique était la lutte contre les grands fléaux sanitaires et les dépendances.

Il a relevé que les crédits consacrés à la lutte contre le Sida augmentaient en 1997 de 24 millions de francs, soit une hausse de + 5,3 % qui permettrait de financer le développement de la prise en charge extrahospitalière et des consultations de dépistage anonyme, que les crédits de lutte contre la toxicomanie augmentaient de plus de 8,5 %, essentiellement pour la politique de substitution et la mise en place des structures prévues dans le plan de lutte contre la toxicomanie présenté par le Gouvernement en septembre 1995, et que les crédits consacrés à l'alcoolisme et au tabagisme étaient stabilisés, une partie importante des moyens des programmes régionaux de santé, c'est-à-dire 21 millions de francs, étant par ailleurs consacrée à ces deux thèmes.

Le ministre a indiqué que le troisième et dernier axe du projet de budget était la mise en oeuvre des réformes structurelles du système de santé. Ainsi, il a annoncé que la nouvelle agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES), élément essentiel de la politique d'amélioration de la qualité des soins, disposerait d'une dotation budgétaire de l'État de 35 millions de francs en 1997, tandis que les 24 agences régionales de l'hospitalisation disposeraient, pour leur part, de près de 98 millions de francs.

Le ministre a, enfin, évoqué les crédits relatifs à l'administration sanitaire et sociale, qui seront stabilisés en 1997 au niveau de 5 milliards de francs.

Il a souligné que les moyens des services déconcentrés seraient accrus de 30 millions de francs environ et que ces derniers ne pâtiraient pas de la création des agences régionales.

Enfin, il a indiqué que l'administration sanitaire et sociale contribuerait à l'effort de diminution de l'emploi public par la suppression nette de 100 postes budgétaires vacants ou gelés d'agents de catégorie B et C, mais que les indemnités des administrateurs civils et des personnels de direction seraient sensiblement revalorisées.

M. Jacques Oudin, rapporteur spécial, après avoir rappelé que la Cour des" Comptes avait critiqué les méthodes d'attribution, tant du revenu minimum d'insertion (RMI) que de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), a considéré qu'il n'y avait pas lieu de se féliciter de la progression des crédits consacrés à ces deux prestations et s'est inquiété des moyens de les stabiliser au niveau déjà atteint.

Relevant que le projet de budget pour 1997 prévoyait le financement de 2.000 places nouvelles en centres d'aide par le travail (CAT), il a souhaité connaître la capacité d'accueil des CAT qui était considérée comme optimale.

Il a estimé que la mise en place des agences régionales de l'hospitalisation et de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation des soins en santé (ANAES) était urgente, et a souhaité savoir sur quelles bases avaient été calculées leurs dotations.

Il a rappelé que l'évaluation des créances d'assurance maladie détenues par la France sur les pays étrangers non membres de l'Union européenne n'était toujours pas connue.

Il a enfin souhaité connaître la façon dont le Gouvernement entendait répartir l'enveloppe de 600,2 milliards de francs prévue pour l'objectif national des dépenses d'assurance maladie de 1997 entre les différents secteurs du système de soins.

M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, a indiqué que la progression régulière des crédits consacrés à l'AAH s'expliquait par la longévité plus grande des personnes handicapées, conséquence heureuse de la politique menée en faveur de celles-ci.

Après avoir souligné que les dépenses de RMI progressaient à un rythme désormais ralenti, il a estimé qu'il était possible d'accélérer les sorties du dispositif, qui sont actuellement au nombre de 300.000 chaque année, en améliorant la réinsertion et en renforçant les contrôles. Il a précisé qu'il était plus aisé d'accroître les sorties que de limiter les entrées, qui sont liées à la réduction de la couverture offerte par l'assurance chômage, et a estimé que les contrats d'initiative locale qui seraient créés par la loi de cohésion sociale devraient y contribuer.

Le ministre a ensuite annoncé que le décret institutif des agences régionales de l'hospitalisation se trouvait devant le Conseil d'État et que celles-ci seraient opérationnelles au cours du premier semestre 1997. Il a précisé que la dotation de 98 millions de francs prévue pour les agences régionales avait été calculée sur la base de 7,5 emplois permanents pour chacune des 24 agences, dont les budgets seraient constitués à 75 % de dépenses de rémunérations.

Il a indiqué que la dotation de 35 millions de francs prévue pour l'ANAES permettrait de financer un tiers de son budget, estimé à 105 millions de francs en 1997, le solde étant apporté par l'assurance maladie. Il a précisé que la transition entre l'agence nationale de développement de l'évaluation médicale (ANDEM) et l'ANAES ne serait pas immédiate et qu'une dotation de 9 millions de francs serait inscrite par voie d'amendement au projet de loi de finances, afin de financer l'ANDEM pendant encore les premiers mois de 1997.

Le ministre a observé que la création de 2.000 places de CAT en 1997 n'apporterait de solution que pour une partie des 5.500 jeunes adultes handicapés concernés par "l'amendement Creton". Il a relevé que ces derniers, alors que l'accès au marché du travail ordinaire leur est difficile, avaient financièrement intérêt à entrer en CAT ou en ateliers protégés, tandis que les gestionnaires de ces établissements spécialisés avaient intérêt à conserver leurs travailleurs les plus productifs. Pour ces raisons, il a estimé que la création de nouvelles places de CAT était inévitable. Mais il a indiqué qu'une actualisation de la loi de 1975 était en projet, qui prévoyait des formules plus souples permettant les transitions entre le milieu protégé et le milieu ordinaire.

S'agissant des créances d'assurance maladie, il a annoncé qu'une circulaire avait été adressée le 10 septembre 1996 à tous les hôpitaux pour leur demander de recenser les créances qu'ils détenaient sur les personnes ou les États étrangers.

M. Michel Mercier a estimé qu'afin de mieux contrôler le dispositif du RMI, il convenait d'y associer les maires. Rappelant la vive progression des dépenses d'aide médicale, il a souhaité savoir si celle-ci couvrait les situations de séjour irrégulier en France. Considérant l'enchevêtrement des compétences de l'État et des départements en matière de maisons d'accueil spécialisées et de foyers à double tarification et le transfert massif des hôpitaux psychiatriques vers ce secteur partagé, il s'est prononcé pour une réforme de la loi du 30 juin 1975.

M. Louis Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, s'est inquiété du problème des "trisomiques 21" vieillissants, ainsi que des pratiques de certains hôpitaux qui utilisent les crédits de rémunération de postes non pourvus pour financer des dépenses de fonctionnement.

Après avoir estimé qu'il était urgent de placer en milieu ordinaire certains des jeunes adultes bénéficiaires de "l'amendement Creton", M. Henri Collard a souhaité savoir si les établissements médico-sociaux entreraient dans les compétences des directeurs des agences régionales de l'hospitalisation.

M. François Trucy a souhaité connaître les mesures prévues pour l'amélioration de la santé de la population carcérale et s'est interrogé sur la fiabilité du nouveau système de transfusion sanguine.

Après avoir jugé que les crédits consacrés au RMI seraient vraisemblablement insuffisants face à la progression du nombre des allocataires et qu'ils nécessiteraient une remise à niveau en loi de finances rectificative, Mme Marie-Claude Beaudeau s'est inquiétée de la stagnation des crédits consacrés aux dispositifs de veille sanitaire et à la lutte contre la toxicomanie.

Après avoir relevé que le remboursement aux départements du solde des dépenses d'aide sociale antérieures à 1984 parvenait à son terme en 1996, M. Christian Poncelet, président, a souhaité savoir si le financement des sections de cure médicale dans les maisons de retraite était "budgété". Il s'est également interrogé sur la façon dont seraient arbitrés d'éventuels conflits entre le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation et le préfet de région, dans l'hypothèse où la fermeture d'un établissement sanitaire provoquerait des troubles à l'ordre public.

En réponse à M. Michel Mercier, le ministre a indiqué que la réforme de la loi de 1975 porterait sur les foyers à double tarification, une concertation avec les départements sur ce sujet étant prévue pour le printemps 1997. Il a relevé la faiblesse de la base juridique de ces foyers, qui relevaient de simples circulaires. Il lui a d'autre part précisé qu'au regard de l'aide médicale, un séjour irrégulier était considéré comme un séjour permanent, tout en convenant que cette solution n'était guère satisfaisante.

Répondant à M. Louis Boyer, le ministre a précisé qu'un groupe de travail avait été confié à Mme Geneviève Laroque sur la question des trisomiques 21 âgés de plus de 60 ans.

À M. Henri Collard, il a répondu que les agences régionales de l'hospitalisation n'avaient pas encore compétence pour les établissements médico-sociaux, mais que cela lui paraissait souhaitable.

En réponse au président Christian Poncelet, le ministre a indiqué qu'il n'y avait pas de lien de subordination entre le président de l'agence régionale de l'hospitalisation et le préfet de région, mais que l'on devait espérer une étroite collaboration entre eux, sur le modèle de celle existant entre les préfets et les recteurs. Il a estimé que le directeur de l'agence aurait le dernier mot en cas de désaccord, les questions d'ordre public étant tranchées à un niveau supérieur. Il lui a par ailleurs confirmé solennellement le financement dans les deux prochaines années des 14.000 lits de section de cure médicale en attente, les crédits correspondants ayant été pris en compte dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

À M. François Trucy, le ministre a précisé qu'une dotation de 11,4 millions de francs était prévue pour la vaccination contre l'hépatite B de la population carcérale et que le travail remarquable de l'agence française du sang avait permis aux centres de transfusion sanguine de réduire les risques transfusionnels à des niveaux infinitésimaux. Il a toutefois déploré que le nouveau statut de groupement d'intérêt public des centres de transfusion sanguine ait eu pour conséquence d'assujettir leurs activités à la TVA.

Répondant à Mme Marie-Claude Beaudeau, le ministre a indiqué que le collectif budgétaire pour 1996 ne prévoirait aucun crédit supplémentaire au titre du RMI et que le redéploiement des crédits, qui resteront stables, au sein de la dotation consacrée à la veille sanitaire, permettrait de dégager en 1997 50 millions de francs supplémentaires pour le réseau national de santé publique. Il a fait valoir que la constitution de véritables observatoires du risque prendrait encore quelque temps, compte tenu de la dispersion des moyens administratifs entre plusieurs ministères. Il a annoncé que le premier comité interministériel de lutte contre l'amiante s'était tenu la veille et que l'application des mesures de prévention et de réparation annoncées se déroulait selon le calendrier prévu. Il a précisé que l'interdiction des produits à base d'amiante serait doublée d'une étude approfondie des éventuels effets cancérigènes des produits de substitution.

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