Rapport général n° 86 (1996-1997) de M. Jean CLUZEL , fait au nom de la commission des finances, déposé le 5 décembre 1996

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N° 86

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1996

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 1997. ADOPTE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE.

Par M. Alain LAMBERT.

Sénateur. Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Deuxième partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 8

COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

Rapporteur spécial : M. Jean CLUZEL

(1) Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Philippe Marini, vice-présidents ; MM. Emmanuel Hamel, René Régnault, Alain Richard, François Trucy, secrétaires ; M. Alain Lambert, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann, Michel Sergent, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (l0 ème législ.) : 2993, 3030 à 3035 et T.A.590.

Sénat : 85 (1996-1997).

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Lois de finances.

OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR

- trois réserves à formuler

- trois propositions de clarification

- trois bombes à désamorcer

- trois pièges à éviter

I - Trois réserves

1 - Les perspectives de ressources publicitaires paraissaient - dans ce projet de budget - bien optimistes pour 1997

Rappelons que leur progression est inscrite pour près de 290 millions francs pour France 2 (+ 14,5 %) et pour près de 560 millions de francs pour France 3 (+ 54,6 %). Les calculs de la tutelle ont pris en compte une stabilisation (en 1997) par rapport aux prévisions (faites à mi 1996) de recettes réelles des chaînes, mais non l'évolution de la conjoncture économique générale. Au contraire, si le contexte économique de fin 1996 se poursuivait en 1997, les ressources publicitaires des chaînes seraient en baisse : les budgets de communication, les plus flexibles, sont en effet les premiers touchés. Si le premier semestre (1996) a vu une progression de 11 % (par rapport à 1995), les trois premiers mois du second semestre (août, septembre, octobre) ont connu une nette diminution de cette progression.

C'est pourquoi France Espace a communiqué un tarif moyen d'écrans publicitaires en baisse de 15 % pour mars 1997 par rapport à octobre 1996.

Dans un tel contexte, on peut légitimement craindre que les annonceurs ne sacrifient, au sein de leurs « plans médias », les supports qui ont le plus faible GRP ( ( * )2) , surtout France 3, dont l'audience est plus faible que France2 ou TF1.

2. La participation financière de France Télévision au sein de TPS

Votre rapporteur est convaincu que la télévision du secteur public ne doit pas manquer la révolution du numérique. Mais encore faut-il le faire dans de bonnes conditions. La participation de France Télévision au bouquet Télévision Par Satellite (TPS) appelle deux réserves.


• La première est juridique. Le secteur public peut-il accorder l'exclusivité de la diffusion, même gratuite, de ses programmes à l'un des opérateurs plutôt qu'à un autre ? La décision du conseil de la concurrence du 19 novembre 1991, relative au marché des programmes de télévision réservés à la diffusion sur les réseaux câblés, par laquelle le conseil a enjoint aux câblo-opérateurs de supprimer les clauses d'exclusivité figurant dans les contrats de diffusion des programmes, ne doit-elle pas s'appliquer au marché numérique ?


• La seconde est financière. Le coût total du bouquet est évalue à 4 milliards de francs d'ici l'an 2000, selon le calcul suivant : la première tranche de financement est de 1,5 milliard. Si, 18 mois après son lancement, le bouquet compte au moins 200 000 abonnés, une seconde tranche de 1 milliard de francs sera appelée. Le coût d'un tel investissement est justifié par la nécessité de mettre en oeuvre quatre services :

- politique d'achat de droits de diffusion.

- système de gestion des abonnés.

- exploitation d'un système d'accès conditionnel,

- acquisition et entretien d'un parc de décodeurs.

La seule acquisition du catalogue Paramount s'élève à 100 millions de francs par an pendant cinq ans. La participation de France Télévision au capital de TPS est de 8,5 %. Le financement de la première tranche repose à moitié sur l'emprunt et à moitié sur l'appel de fonds aux actionnaires. France Télévision devra donc apporter 63,75 millions de francs en 1996 et autant en 1997. Un montant de 55 millions de francs a été provisionné en 1996 et de 40 millions en 1997 ; ce qui est donc insuffisant, car l'appel de fonds se situera entre 55 et 65 millions de francs.

Le "ticket d'entrée" de France Télévision dans TPS pourrait ainsi s'élever à 340 millions de francs d'ici l'an 2000, le pôle public ne pouvant envisager un retour sur investissements avant de longues années.

Votre rapporteur estime que cette somme pourrait être mieux utilisée par France Télévision pour financer de nouveaux programmes et pour créer des chaînes thématiques plutôt que :

- s'engager dans un rôle de multiplexeur,

- co-gérer des bouquets de services,

- assurer leur commercialisation,

- gérer le système de contrôle d'accès,

Tout ceci n'entre manifestement pas dans les missions de France Télévision.

Précisons enfin que le secteur public agit en ordre dispersé puisque Radio-France est diffusée par CanalSatellite, RFI. actuellement diffusée sur Astra IC en sous-porteuse d'une chaîne de dessins animés, envisage d'être diffusée à la fois sur TPS et sur CanalSatellite, et ARTE négocie sa reprise sur des bouquets numériques scandinave et italien !

3 - Des choix contestables d'économies dans le budget de l'audiovisuel public pour 1997

Au moment où les chaînes publiques doivent opérer des choix de développement pour leur avenir, compte tenu de l'émergence des technologies numériques, la réduction des financements publics constitue un lourd handicap. Certes, le secteur audiovisuel public doit participer à l'effort de réduction des dépenses publiques. Certes, votre rapporteur a réclamé, l'an dernier, que le secteur public puisse dégager des économies pour assurer les redéploiements nécessaires. Cet appel a été entendu puisque 500 millions de francs d'économies ont été réalisés, en 1996, par le secteur public de l'audiovisuel.

Les économies imposées dans le budget de 1997 ne semblent pas toutes judicieuses. Pour la seule et simple raison que ces économies sont tirées d'un rapport d'audit (au demeurant excellent), mais qu'elles ne font pas partie d'un plan de gestion d'entreprise. Et l'on retrouve là une conséquence de la véritable catastrophe nationale qu'est le système français de gestion de l'audiovisuel public : ce ne sont pas de véritables sociétés anonymes, qui n'en ont que le nom ; ce ne sont pas de véritables conseils d'administration qui n'en ont que le nom ; et, enfin, les relations avec l'État appelé l'actionnaire unique sont équivoques.


S'agissant du rapprochement entre la SEPT - ARTE et La Cinquième,
votre rapporteur s'est prononcé, dès décembre 1995, en faveur d'une « structure commune ». Dès l'origine, il a préconisé la création d'une holding créée avec des apports à 50/50 et non la fusion d'une chaîne avec l'autre, voire l'absorption de l'une par l'autre. Plus fondamentalement, il importe d'aligner la politique de diffusion de la SEPT sur ARTE-Deutschland et de mettre fin à l'isolement actuel de la chaîne vis-à-vis du secteur public comme en témoigne son récent refus -incompréhensible- d'adopter la signalétique des diffuseurs concernant le degré de violence dans les émissions de télévision. En tout état de cause, votre rapporteur a toujours souligné que ce rapprochement était subordonné à la concertation avec notre partenaire allemand, en prenant exemple sur les méthodes germaniques : la SudWestFunke la Süddeutsche Rundfunk n'ont-elles pas décidé de démarrer un processus de fusion qui durera... deux ans ? Mais en Allemagne, les pouvoirs publics tiennent peut-être compte des analyses et des suggestions faites par les élus ?

Les économies demandées ne sont donc pas toutes pertinentes, parce que la spécificité du mode de fonctionnement des deux chaînes n'a pas été suffisamment prise en compte.

Pour la SEPT - ARTE, c'est le GEIE qui a compétence pour la conception générale et la définition de la grille alimentée sur la base du principe de parité entre les deux pôles d'édition ; c'est lui qui en fin de compte choisit le programme mis à l'antenne. Pour La Cinquième, la production est intégralement sous-traitée. Pour votre rapporteur, le rapprochement entre les deux chaînes passe par l'alignement de la politique de programmation de la SEPT sur celle de La Cinquième : la SEPT devrait donc sous-traiter sa production aux autres chaînes publiques françaises, comme ARTE-Deutschland le fait en Allemagne.


S'agissant de Radio-France, votre rapporteur souhaiterait que les économies, dégagées par mesures internes de redéploiement budgétaire, viennent au secours du développement de nouveaux supports technologiques comme le DAB. digital audio broadcasting, davantage que vers la création d'une « radio jeunes » dont le secteur public pourrait faire l'économie, tant sa viabilité est incertaine sur une bande FM où la concurrence est agressive... En outre, on ne crée pas une nouvelle radio avec 15 millions de francs. De plus, les crédits nécessaires à son démarrage devront être gagés par de nouvelles économies qui alourdiront d'autant le plan d'économie interne de la radio publique.


Les décisions d'économies liées à la diffusion posent une question de principe et une question de cohérence.

Sur le plan des principes, est-il admissible, au regard de l'autonomie des entreprises publiques, que l'État s'immisce dans les relations commerciales entre les sociétés du secteur public ? C'est ainsi que l'État a décidé des économies de diffusion de façon autoritaire, sans concertation, au mépris des relations commerciales et des contrats privés (lesquels font la loi entre les parties) conclus entre IDF et les diffuseurs, ce qui a conduit et conduira TDF à réclamer des dédits importants.

Les décisions relatives aux économies de diffusion ont, bien évidemment, des répercussions sur le chiffre d'affaires de TDF, ce qui semble avoir été oublié lorsque ces décisions ont été prises.

Sur le plan de la cohérence, rappelons que l'une des mesures nouvelles importantes du budget 1996 était l'extension de la diffusion du cinquième canal sur le satellite et sur le réseau hertzien pour un montant total, concernant les deux chaînes, de 63,4 millions de francs.

- Afin d'étendre la diffusion hertzienne du cinquième réseau, approuvée par le Parlement, des contrats ont été conclus, en juillet 1996, avec TDF portant sur une commande de 400 émetteurs, pour un montant de 10 millions de francs. Trois mois après, ces contrats, auxquels participaient de nombreuses collectivités locales, furent remis en cause.

- La diffusion en analogique à partir du premier semestre 1996 de la SEPT - ARTF sur EU'TELSAT, puis, de même que la Cinquième, en numérique, à compter du deuxième semestre 1996, est également remise en cause, alors qu'il s'agissait d'une mesure nouvelle présentée par le Gouvernement dans le précédent budget et approuvée par le Parlement.

- De même. Radio-France avait demandé à TDF, au mois de juillet 1996, d'investir dans le réseau OM et de le rénover...


Les économies imposées à France Télévision ne pourront être réalisées sans dommages

Les économies proposées paraissent difficile à atteindre. Côté dépenses, les conséquences de l'accord avec l'USPA (qui porte la contribution de la chaîne à l'effort d'investissement dans la production audiovisuelle à 17 % de son chiffre d'affaires), ce qui représente un montant d'environ 50 à 60 millions de francs pour chaque chaîne, n'ont pas été prises en compte. De même l'inflation des achats de droits sportifs et de films, conséquence de la bataille que se livrent les diffuseurs sur le marché numérique, se répercute sur les droits de diffusion des chaînes en clair, ce qui n'a pas non plus été pris en compte.

Pour France 2, les 205 millions de francs d'économies imposées au budget de programmes vont dépasser nettement les seuls postes de la renégociation des contrats avec les animateurs-producteurs (dont l'économie nette attendue est estimée à 140 millions en 1997) et la meilleure gestion des stocks de programmes et de droits par l'entreprise (60 millions d'économies attendues).

Si la renégociation des contrats des animateurs-producteurs a bien permis de faire 347 millions de francs d'économies, le coût des émissions de remplacement (251 millions de francs) n'a pas été pris en compte. L'économie nette réelle ne sera donc que de 69,6 millions de francs en 1997. Les évolutions à conduire dans la politique de dépréciation de France Télévision nécessiteront plus d'un exercice budgétaire pour être mises en oeuvre. Les économies ont donc été surestimées, En outre, elles sous-entendent une stabilité des coûts et du chiffre d'affaires de France 2, sans tenir aucun compte du budget rectificatif de 1996.

Pour France 3, ni le retournement du marché publicitaire depuis l'été 1996, ni l'effet du rallongement des écrans publicitaires de TF1 n'ont été pris en compte. Les recettes publicitaires pour 1997 ont donc été surestimées. Il peut paraître également curieux d'exiger des économies de la part de France 3 sur ce qui fait la spécificité de sa ligne éditoriale, à savoir l'activité de production régionale.

Les vraies économies ne sont-elles pas ailleurs ? Mais il y a des tabous difficiles à dénoncer publiquement. Votre rapporteur en citera néanmoins deux :

- la diffusion sur RFI en Ondes courtes . Elle est justifiée par des motifs de défense nationale et de "missions de souveraineté" : la métropole doit pouvoir joindre à tout moment ses ressortissants et ses réseaux diplomatiques. A l'heure des transmissions téléphoniques par satellite et d'Internet, ces motifs peuvent paraître technologiquement dépassés. Un audit technique pourrait donc être utilement réalisé à condition qu'il soit rapide et qu'il soit rapidement suivi de décisions !

De plus, le budget consacré à la diffusion en Ondes courtes devrait être réduit, pour deux raisons :

- d'une part, les habitudes d'écoute se modifient dans les pays développés et l'écoute de la FM ou du satellite se substitue à celle de l'Onde courte, qui a tendance à disparaître dans ces pays ;

- d'autre part, les dépenses de diffusion ont trop vite progressé depuis 1995 sans que le volume des heures diffusées ait progressé de manière équivalente.

- les budgets de certaines stations de RFO paraissent exorbitants Est-il raisonnable que la France - au nom de la continuité du service - consacre presque 70 millions de francs pour financer une soixantaine d'emplois à la station RFO de Saint-Pierre-et-Miquelon (6 400 habitants), alors que cet archipel est situé à quelques kilomètres du plus grand marché audiovisuel du monde et du Canada francophone ?... Les mêmes interrogations valent pour Wallis-et-Futuna (36,4 millions de francs. pour desservir 13 700 habitants), ou Mayotte (32,3 millions de francs, pour 100 000 habitants). A l'heure du numérique, cette situation paraît anachronique.

Au delà, c'est bien le devenir de RFO qui doit être réexaminé à l'aube de la révolution numérique. Ces budgets pourraient être utilisés plus rationnellement, en louant des capacités satellitaires qui permettraient de transporter directement les programmes des diffuseurs nationaux, pour un coût certainement inférieur et en rapprochant les programmes de RFO ceux de la métropole, ce qui devrait être un objectif prioritaire.

II - Trois propositions de clarification

I - Pour une amélioration de la présentation des budgets prévisionnels

La présentation des budgets prévisionnels d'exploitation des sociétés du secteur public de l'audiovisuel dans le jaune budgétaire est traditionnellement biaisée par deux corrections qui n'en facilitent ni l'analyse, ni la comparaison d'une année sur l'autre.

Tout d'abord, le montant indiqué de la redevance inclut les versements au Compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels (COSIP). Or, les ressources réelles des sociétés devraient être évaluées, déduction faite de ce versement.

Ensuite, le montant indiqué des recettes commerciales ne comprend ni les frais d e régie, ni les sommes correspondant au prélèvement pour le COSIP qu'il convient d'ajouter, pour apprécier correctement la ressource publicitaire réellement collectée par les sociétés.

En conclusion, la présentation traditionnelle faite par la tutelle minore les recettes publicitaires et majore la redevance.

Il conviendra donc à l'avenir de mettre fin à cette anomalie de présentation afin d'en améliorer la transparence.

Si l'on analyse le budget d'exploitation prévisionnel de France 2 et de France 3 pour les années 1996 et 1997 en « supprimant » ces corrections, et si l'on tient compte du fait que la totalité de la part prévue de remboursement des exonérations de redevance destinée à ces deux chaînes ne sera vraisemblablement pas versée en 1996, on aboutit aux résultats suivants :

Les ressources publicitaires et le parrainage vont représenter

52 % des ressources de France 2 en 1997 contre 47 % en 1996, et 33 % des ressources de France 3 en 1997 contre 23,8 % en 1996.

Pour la première fois depuis 1990, la part des ressources propres de France 2 repasse la barre symbolique des 50 % : les ressources publiques (redevance et subvention) qui s'élevaient, en 1996, à 51 %, ne seront plus, en 1997, que de 46,5 %.

2 - Pour un « jaune budgétaire » consacré

à l'action audiovisuelle extérieure

La dispersion actuelle des crédits sur plusieurs chapitres budgétaires ne permet pas au Parlement d'avoir une bonne connaissance de la politique audiovisuelle extérieure, comme l'a constaté votre rapporteur et comme l'a relevé M. Francis Balle dans son rapport consacré à « La politique audiovisuelle extérieure de la France ».

Il paraît donc opportun de publier, lors de l'examen de chaque projet de loi de finances, un "jaune budgétaire" explicitant l'utilisation des crédits budgétaires affectés à l'action audiovisuelle extérieure, quel que soit le ministère d'imputation, et présentant les financements complémentaires (redevance, ressources propres de chaque opérateur public), ainsi que le comptes des opérateurs concernés.

Ce document permettrait une meilleure information financière du Parlement pour les crédits de l'action audiovisuelle extérieure, dont les dotations budgétaires atteignent environ 1 milliard de francs.

Il s'ajouterait aux documents de ce type qui regroupent les dépenses relatives à l'action culturelle extérieure d'une part, les financements du secteur public de la communication audiovisuelle d'autre part.

Votre rapporteur déposera donc un amendement dans ce sens, co-signé par le rapporteur spécial des crédits du ministère des Affaires étrangères, notre collègue M. Jacques Chaumont.

3 - Pour redonner un sens aux relations entre les téléspectateurs et les

chaînes publiques, et entre celles-ci et l'État

Les relations entre les téléspectateurs et les chaînes doivent être clarifiées. La redevance n'est pas une taxe inutile, désuète et trop élevée. C'est une contribution citoyenne à l'expression de notre identité culturelle qui s'inscrit concrètement dans l'expression de la francophonie et son rayonnement international. C'est donc une taxe moderne, bien gérée et dont le coût de perception est l'un des plus faibles qui soit. Le niveau de la redevance représente, enfin, 60 % de celle qui est perçue en Allemagne (700 francs en France contre 1150 francs en Allemagne).

Cette redevance citoyenne aurait pour vertu de rendre égaux les téléspectateurs devant la taxe, ce qui n'est pas le cas actuellement avec le décret télécide (pris en 1982 et jamais remis en cause par les Gouvernements successifs). Se trouvent ainsi automatiquement exonérés quatre millions de foyers du paiement de la redevance, qui, seule, peut assurer une sécurité de financement pour le secteur public.

Les relations entre l'État et les chaînes doivent être clarifié. Il n'est pas normal que, pour reprendre l'expression du rapport de M. Jacques Rigaud sur la refondation de la politique culturelle de l'État, « la véritable tutelle sur l'audiovisuel public soit celle du ministère des Finances ». La tutelle exercée par l'État sur les chaînes doit être rénovée selon trois modalités d'action :

1/ fixer le cap : les cahiers des charges devraient être centrés sur l'énoncé des missions essentielles du secteur public ; l'exploitation des indicateurs de gestion des chaînes, qui ne sont pas suffisamment pris en compte par la tutelle, permettrait à l'État de fixer de véritables objectifs aux chaînes et de dépasser la seule logique budgétaire qui anime son contrôle.

Votre rapporteur réitère son regret de ne pas voir définis des contrats pluriannuels avec l'État en faisant référence aux contrats d'objectifs, prévus par la loi du 17 janvier 1989, négociés avec les sociétés du secteur public, qui pourraient alléger les cahiers des charges en fixant aussi bien les objectifs à moyen terme, que les concours financiers pour parvenir aux objectifs assignés. Un seul contrat de ce type fut conclu, avec RFI.

2/ maintenir le capitaine à la barre plus de dix-huit mois : alors que la durée théorique du mandat des dirigeants du secteur audiovisuel public est de trois ans, sa durée réelle est plus proche de dix-huit mois, surtout pour les directeurs généraux de France 2. Une proposition de loi a été présentée par votre rapporteur. Elle porterait la durée de ce mandat à cinq ans. Elle a été votée par le Sénat au scrutin public à l'unanimité moins une voix, le 15 novembre 1995. Elle attend le bon vouloir de l'Assemblée nationale pour son inscription à l'ordre du jour complémentaire - en application de la révision constitutionnelle du 4 août 1995...

3/ renforcer le rôle de l'encadrement de l'équipage, c'est-à-dire renforcer les pouvoirs du conseil d'administration. S'il faut tirer une leçon de la crise du printemps en 1996 (qui a frappé France 2), c'est bien celle de l'inefficacité du contrôle exercé par les conseils d'administration, qui sont, plus exactement, des chambres d'enregistrement. Une proposition de loi, déposée par les présidents des groupes parlementaires de la majorité sénatoriale le 27 juin 1996, propose de rebâtir l'organisation de France Télévision en dotant la présidence commune de la personnalité juridique, tout en établissant à ses côtés un véritable conseil d'administration.

La création de cette holding aurait pour avantage de donner une base de départ pour assurer le regroupement de l'ensemble du secteur public, a fin d'accélérer la circulation des programmes entre les chaînes mais aussi de gérer les nouvelles initiatives, telle la création de chaînes thématiques ou la diffusion numérique des programmes.

III - Trois bombes à désamorcer

1 - Le siège commun

Votre rapporteur a toujours approuvé l'initiative de regrouper, dans un souci d'économie et d'efficacité, les sites de France Télévision, disséminés à travers Paris. La gestion financière de ce dossier est, selon l'audit du secteur public, saine. En revanche, on doit regretter que le projet ait été conçue sur la base d'une reconduction des surfaces existantes, sans réexamen de l'ensemble des besoins, notamment pour ce qui concerne les studios : France 2 dispose actuellement de trois studios et France 3, de deux studios, Additionner ces chiffres au sein du nouvel immeuble ne relève pas d'un grand souci de bonne gestion, ni d'un bon esprit d'économies... Et c'est pourtant ce qui s'est fait. Qui en porte la responsabilité ?

Certains estiment même que le siège commun va manquer de place (pour 3 000 m 2 , soit 10 % de la surface) alors que l'immeuble est en cours de construction. C'est ce qui fait apparaître une insuffisance de préparation : ne pouvait-on prévoir que « le bâtiment n'a pas la rentabilité de surface attendue, certains compartiments de l'immeuble, de forme triangulaire, posant des difficultés d'aménagement » ? ... Ne faudrait-il pas éviter une nouvelle affaire de LA VILLETTE !

2 - La convention nationale collective et unique

des personnels de l'audiovisuel

Datant de 1984, à l'époque où les trois chaînes du secteur public se trouvaient en position de monopole, elle devrait être renégociée. En effet, elle handicape l'ensemble du secteur public. D'ailleurs les structures les plus dynamiques. La Cinquième, les opérateurs de l'audiovisuel extérieur, sont en dehors de son champ d'application.

Si la convention nationale unique doit être révisée et adaptée, c'est parce qu'elle ankylose le secteur public et lui fait perdre la souplesse nécessaire dans une branche qui connaît une profonde révolution technologique liée à la numérisation et qui fait entrer l'audiovisuel français dans une ère nouvelle. Sa rigidité impose le recours à des accommodations qui ont atteint un niveau peu compatible avec les règles de gestion d'une entreprise publique dans un secteur soumis à des bouleversements constants.

Mais peut-elle être renégociée ? La question mérite d'être posée !

3 - Maintenir la garde pour défendre l'indispensable exception culturelle

Pour mériter l'exception culturelle, la France doit construire une industrie forte de programmes audiovisuels. C'est la raison pour laquelle il ne faut pas baisser la garde. Au Parlement européen au cours de la renégociation de la directive Télévision Sans Frontières, la perspective du renforcement des quotas européens semble bien s'éloigner à tout jamais... Raison de plus pour renforcer l'industrie française de programmes audiovisuels avant que cette ligne Maginot, ainsi affaiblie, ne soit contournée par les satellites...


• Le financement de la production audiovisuelle et cinématographique ne doit pas être perturbé, à la merci de mesures fiscales inspirées par une recherche d'économies apparentes.
Si votre rapporteur Partage le souci de ceux qui souhaitent plafonner certains avantages fiscaux manifestement excessifs, il estime que le maintien de l'outil de production audiovisuelle est prioritaire au nom de la défense des intérêts culturels de notre pays. Ainsi, la modification du régime fiscal des SOFICA ne doit-elle pas conduire à l'assèchement du marché. C'est pourquoi, votre rapporteur a proposé, avec M. le rapporteur général de votre commission, un amendement aménageant le dispositif de l'article 2 bis adopté par l'Assemblée nationale, amendement qui a été adopté par le Sénat.


De même, des projets de négociations de directives communautaires font apparaître que la commission européenne est trop perméable à certaines idées favorables aux intérêts américains.

Votre rapporteur fait part de ses préoccupations face à plusieurs projets de textes en discussion au sein des instances européennes dans le domaine des nouveaux services de la communication audiovisuelle qui se développent dans le cadre des autoroutes de l'information.

Au travers des différents textes de droit positif ou en cours d'élaboration dans le secteur audiovisuel, dans le secteur des télécommunications ou encore celui de la propriété intellectuelle, il est frappant de constater que les deux principes fondamentaux du droit français ne se retrouvent pas en droit communautaire : la distinction entre communication audiovisuelle et télécommunication n'a nulle part été précisée et le traitement juridique des services audiovisuels est lié à l'approche technique de leur prestation. Le traitement des nouveaux services qui en découle logiquement est donc inquiétant.

Ainsi dans les textes en cours d'élaboration, la commission européenne tente-t-elle d'élaborer une différence de traitement entre "nouveaux services" et « services traditionnels ».

Pour la commission, en effet, mais aussi pour la plupart des États membres, l'ensemble des services fournis sur appel individuel échapperaient ainsi à l'application de la réglementation audiovisuelle traditionnelle. Les conséquences de ce raisonnement peuvent être extrêmement préjudiciables. En effet, la frontière entre communication audiovisuelle et télécommunication n'étant pas précisée, de nombreux services communication audiovisuelle pourraient de fait être assimilés à des services de télécommunications. Or, la réglementation audiovisuelle traditionnelle a, par nature, vocation à s'appliquer à l'ensemble des services de communication audiovisuelle. Tel est d'ailleurs le choix logiquement opéré dans le cadre de la loi du 10 avril 1996.

Par ailleurs, assimiler juridiquement la vidéo à la demande ou l'ensemble des services en ligne à Internet est tout à fait contestable. Les problèmes juridiques posés par Internet, qui se réduisent essentiellement à des questions d'une part de droit de la propriété intellectuelle et de droit pénal international d'autre part, sont sans commune mesure avec ceux d'un service de vidéo à la demande d'oeuvres audiovisuelles ou cinématographiques.

Ces dérives pourraient avoir de graves conséquences et vider de sa substance l'exception culturelle qui protège, au sein de l'Organisation mondiale du commerce, le secteur audiovisuel, et fonde la légitimité des obligations imposées aux opérateurs en protégeant les cultures européenne et nationales.

En effet, si les nouveaux services entraient dans le champ de compétence des télécommunications, ils échapperaient ainsi à toute préoccupation culturelle.

IV - Trois pièges à éviter

1 - Un risque de déficit artificiel pour France Télévision

Votre rapporteur s'inquiète des résultats financiers prévisibles pour France Télévision : les chaînes publiques pourraient connaître, en 1997, un déficit artificiel dû aux erreurs de prévision qui pourraient venir de ce projet de budget et fondées sur une double surestimation : des recettes publicitaires et du montant des économies projetées.

Il faut éviter que le secteur public fasse le remake d'un mauvais film, celui de l'année 1990 : « A la fin de l'année 1990 [le président de France Télévision et le directeur d'Antenne 2] s'aperçoivent d'un dérapage budgétaire d'environ 250 millions de francs qui, ajouté aux 400 millions de francs de manque à gagner publicitaire prévu, mène la chaîne droit à un déficit record ». (« La télévision, dix ans d'histoires secrètes ». M.-E. Chamard et P. Kieffer, Flammarion, 1992). Une telle erreur sur la fixation administrative du montant de recettes publicitaires avait, à l'époque, été dénoncée par votre rapporteur ( ( * )3) , mais sans résultat...

Au terme de cette étude, la construction du budget pour 1997 de France Télévision suscite donc les plus vives réserves de votre rapporteur Le risque d'étranglement budgétaire existe bel et bien.

Le déficit de France Télévision pourrait atteindre 350 à 390 millions de francs en 1997 (150 pour France 2 et 200 à 240 pour France 3).

2 - Une trop grande dépendance à l'égard

de la variable d'ajustement publicitaire

On a tiré des conséquences inverses à la suite de la crise que France Télévision a connue au printemps 1996. La vérité était que le montant élevé des contrats des animateurs-producteurs résulterait d'une trop grande dépendance de France 2 à l'égard du marché publicitaire. Il aurait donc fallu augmenter le montant des ressources publiques et diminuer la part des ressources publicitaires. Le Gouvernement a, au contraire, augmenté cette part, au motif que l'argent des contribuables ne devait pas financer de tels contrats. Il s'agit d'un grave contresens puisqu'on a fait le contraire de ce qu'il aurait fallu faire.

Une fois de plus - et pour un niveau jamais atteint jusqu'à ce jour - la tutelle utilise les ressources publicitaires comme variable d'ajustement du budget du secteur public de l'audiovisuel, selon le principe des vases communicants. Mais la tutelle n'a aucune prise sur le montant de cette variable, sinon la responsabilité de mettre un chiffre sur le papier : précisément le chiffre qui permet de présenter un budget en équilibre...

Pour savoir si les budgets des chaînes publiques pouvaient être en équilibre, il faut désormais consulter les résultats du marché publicitaire.

Pour le budget 1997, la tutelle aurait dû se montrer plus prudente, en consultant le rapport de la mission d'audit qui estimait que rien n'assurait « que le gisement de recettes publicitaires disponibles pour l'audiovisuel traditionnel (...) continue de croître au rythme de 10 % par an, ni même qu'il demeure stable ». Mais - dans la masse des rapports demandés en 95-96 par le Gouvernement - ce rapport d'audit a-t-il été lu ?

L'erreur de prévision est particulièrement inquiétante pour France 3 . En effet, alors que les prévisions de recettes publicitaires pour 1996 ont été estimées à 1 500 millions de francs, elles n'atteindront vraisemblablement que 1 385 millions de francs compte tenu du retournement du marché publicitaire intervenu cet été. Or, la tutelle a calculé une progression de 5,5 % sur une base erronée, et le chiffre de 1 585 millions de francs semble inaccessible : il supposerait une progression de 14 % des ressources publicitaires en 1997. Si France 3 réalise 1450 millions de francs de recettes publicitaires, le déficit de ressources pourrait être l'an prochain de 135 millions de francs. Si le chiffre d'affaires publicitaire atteint 1 400 millions de francs, le déficit sera mécaniquement porté à 185 millions de francs etc...etc...

3 - Restructurer l'action audiovisuelle extérieure

sans la rationaliser

Le rapport Balle eut pour mérite de poser les jalons d'une stratégie audiovisuelle extérieure. La restructuration de cette politique autour de priorités nettement définies clarifierait une action jusque là brouillonne. Les réformes de structure proposées, comme le holding TéléFi, s'inspirant des propositions de votre rapporteur, relatives à l'agence mondiale de l'audiovisuel français, celui-ci ne peut que les approuver.

Mais rationaliser cette action n'a pas encore été fait.

A quoi a servi le Conseil de l'Audiovisuel Extérieur de la Franc de décembre 1995 qui avait finalement réaffirmé l'ambitieux plan de développement quinquennal 1994-1998, puisque sa mise en oeuvre a été reportée de 1997 à plus tard ?...

Pourquoi avoir travaillé du mois de décembre 1995 au mois de septembre 1996 sur un schéma de rapprochement par métier ? Pourquoi, après avoir prévu que les opérateurs de télévision extérieure, TV5 CFI, devraient être adossés à France Télévision, comme l'annonçait à Hourtin le ministre de la Culture chargé de la communication, au mois d'août 1996, et procéder ensuite à une volte-face aussi subite que mystérieuse ?

On parle, en effet, maintenant d'un rapprochement par action. TV5 et CFI devant être pris en charge par RFI. par l'interposition d'un holding. Le rapprochement avec France Télévision aurait toutefois permis d'insuffler le vent du large dans les programmes trop franco-français de nos opérateurs nationaux et d'envisager la création de modules de programmes d'informations télévisées destinées spécifiquement à l'international.

Enfin, qui veut rationaliser doit d'abord raisonner. Le rapprochement entre LCI et CFI paraît de prime abord séduisant pour créer une chaîne internationale d'information en continu. Mais il ne faut pas oublier que les images dont dispose LCI ne sont mises à sa disposition qu'à la condition expresse qu'elles soient diffusées uniquement en France. Ensuite, on ne comprend pas pourquoi le secteur public devrait rechercher dans le secteur privé ce dont il dispose déjà ! En effet. Euronews et l'Agence internationale d'images de télévision, respectivement diffuseur d'informations européen et prestataire de service, sont alimentées par des fonds publics qu'il serait sans doute plus judicieux de rentabiliser plutôt que de créer une nouvelle structure.

Au demeurant, la création d'une chaîne spécifique, le troisième opérateur avec LCI et TV5, ne s'impose pas. Il vaudrait mieux créer des modules d'information destinés à la diffusion internationale au sein des structures existantes, pour atteindre le même objectif, et à un moindre coût.

« La véritable tutelle sur l'audiovisuel public est celle du ministère des Finances » .

Rapport de la commission d'étude de la politique culturelle de l'État. « Pour une refondation de la politique culturelle », octobre 1996

CHAPITRE PREMIER : LES RESSOURCES DU SECTEUR PUBLIC DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

I. LE BUDGET DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC EN 1996-1997

A. LE CONTEXTE DU BUDGET DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC EN 1997

1. Les modifications apportées par la loi de finances rectificative pour 1995

L'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1995 n° 95-1347 a donc modifié la répartition du produit de la redevance, à hauteur de 129,3 millions de francs. Il a affecté, en outre, 21,1 millions de francs de produits supplémentaires au titre de 1994 à RFO. La redevance télévision a été, pour 1995, ainsi définitivement répartie :

Répartition de la redevance 1995-1996

(En millions de francs hors TVA)

Organismes

LFI

1995

LFR

1995

LFI/LFR

1995

PLF

1996

INA

231,4

245,2

+ 14,1

269,6

France 2

2 497,1

2 497,1

0

2 588,8

France 3

3 448,1

3 318,8

- 129,3

3 551,8

SEPT-ARTE

374,5

438

+ 63,5

611,7

RFO

930,3

951,4

+ 21,1

1 001,2

Radio France

2331,2

2 344,2

+ 13

2 117,4

RFI

102,4

125,1

+ 22,7

168,9

La Cinquième

324,5

340,8

+ 16,3

434,2

Total

10 239,5

10 260,6

+ 21,1

10 743,6

Source : projets de loi de finances

Comme les années précédentes, les ressources de la redevance ont été, en 1995, concentrées sur trois sociétés : les deux chaînes de France Télévision et Radio-France, qui, à elles trois, bénéficient de 8 160.3 millions de francs, soit 79,53 % du total.

a) L'excédent de redevance a été affecté à RFO

En 1995, le faible excédent a été affecté en totalité à RFO, afin de faciliter la « sortie de monopole » de cette société publique. L'exécution de son budget fait apparaître un chiffre d'affaires publicitaire en baisse par rapport à l'objectif prévu (74 millions de francs au lieu de 90 millions de francs). Puisque, depuis 1994, RFO n'est plus en situation de monopole cette société doit affronter une baisse de son audience et de ses ressources publicitaires.

L'affectation de la totalité de l'excédent pour 1994 de la redevance aurait pu permettre à RFO d'éviter le déséquilibre budgétaire en 1995, malgré une diminution du remboursement des exonérations de redevance (chapitre 46-01 des Services généraux du Premier ministre) à hauteur de 11 millions de francs. En fait, l'exercice de l'année 1995 s'est clos avec un déficit de 9,7 millions de francs.

b) Une chute brutale des excédents de redevance

Depuis le début des années quatre-vingt dix, les écarts entre prévisions et réalisations constatées de redevance ont tendance à diminuer.

Après avoir atteint un niveau record en 1993, avec 291 millions de francs d'excédents, cet écart a été ramené à 21,1 millions de francs en 1994.

Cette chute - à mettre à l'actif des services compétents - s'explique par deux raisons :

1/ L'assiette de la redevance a évolué favorablement. Les comptes payants ont progressé de près de 200 000 unités, pour un total supérieur à 16 millions.

2/ L'action du Service de la redevance, en termes de recouvrement, a été très efficace. Le taux de recouvrement au 31 décembre de l'année n + 1 a été porté à 95,5 % ; les droits constatés ont progressé, en 1994, de 5,18 % (526 millions de francs), soit davantage que la progression du taux nominal de la redevance pour un poste couleur (+4,12 %).

Les excédents de redevance pour l'exercice 1995 sont peu probables, compte tenu du niveau très élevé de l'objectif fixé (10 914 millions de francs) et des grèves postales.

c) Les excédents de publicité de France 3 autorisent une réaffectation partielle du produit de la redevance

France 3 progresse depuis 1993 en audience et, par voie de conséquence, sur le marché publicitaire.

Entre 1993 et 1994 la chaîne a augmenté de 11 % sa part de marché pour passer de 14,6 % à 15,7 %. Entre septembre et décembre la part moyenne de marché a été de 16,4 %. Entre janvier et juin elle a continué sa progression avec une augmentation de 5 % pour parvenir à une part de marché moyenne de 1 7,2 % .

En raison de cette montée continue de l'audience, les recettes propres de France 3 ont fortement progressé au cours de l'exercice 1994 : la publicité a rapporté 10,6 % de plus que prévu (985,2 millions de francs contre 880 millions de francs), le parrainage 40 % de plus (85,1 millions de francs contre 51 millions de francs).

De même, en 1995, le chiffre d'affaires de France 3 est en excédent de 266 millions de francs par rapport aux prévisions budgétaires, et France 2, de 1 11 millions de francs.

« Rançon » de ce succès auprès du public, France Télévision s'est vue, paradoxalement, contrainte de dépendre davantage des ressources publicitaires et France 3 s'est vue retirer 129,3 millions de francs de redevance.

Au moment où la dépendance croissante de France Télévision à l'égard des ressources publicitaires est de plus en plus contestée, cette orientation ne peut qu'être désapprouvée, même si elle est devenue inévitable en raison des décisions du Gouvernement.

Hormis France 2, toutes les autres sociétés de l'audiovisuel public bénéficient d'une affectation supplémentaire de redevance au titre de l'exercice 1995, au premier rang desquelles se retrouvent celles qui -paradoxalement- ne font pas appel à la publicité :

- la SEPT-ARTE, pour 63,5 millions de francs,

- RFI, pour 22,7 millions de francs,

- La Cinquième, pour 16.3 millions de francs,

- l'INA, pour 14,1 millions de francs,

- Radio-France, pour 13 millions de francs.

Cette répartition définitive de redevance donne le sentiment de pénaliser les chaînes qui ont des ressources publicitaires et de l'audience, au bénéfice de celles qui sont dépourvues des unes et de l'autre...

d) Un effort de rigueur complété par deux mesures d'économies budgétaires

Dans la loi de finances rectificative pour 1995, deux mesures d'économie budgétaire ont affecté l'équilibre du financement de l'audiovisuel public.

(1) La diminution du remboursement des exonérations de redevance

Par rapport à la loi de finances pour 1994, le remboursement des exonérations de redevance avait progressé, en 1995, de 20,5 %, pour atteindre 1 466 millions de francs, contre 1 216,7 millions de francs en 1994.

L'arrêté d'annulation du 15 novembre 1995 a amputé le chapitre budgétaire correspondant à ce remboursement de 196,6 millions de francs ramenant le concours de l'État à 1 269,4 millions de francs pour 1995, soit une progression limitée à 52,7 millions de francs (+ 4.33 %).

Pour 1996, la compensation, par l'État, des exonérations de redevance était prévue à hauteur de 1 413.3 millions de francs, soit une progression, par rapport à la loi de finances rectificative pour 1995, de 11,33 % (143,9 millions de francs).

L'annulation de 200 millions de francs, au titre du remboursement des exonérations de redevance, a marqué cependant un tournant pour les entreprises du secteur public de l'audiovisuel. Alors que, depuis 1989, elles pouvaient compter sur une compensation sinon intégrale, du moins importante, des exonérations de redevance, les décisions des pouvoirs publics (1995, 1996, 1997) vont rendre le montant de cette ressource de plus en plus aléatoire.

(2) Une forte contribution de France Télévision

La contribution la plus importante à cette politique a été apportée par France Télévision, qui supporte, à elle seule, 158,2 millions de francs (dont 110,7 millions pour France 3 et 47,5 millions de francs pour France 2), soit 80,46 % des annulations de remboursement.

Sont venus ensuite, dans l'ordre décroissant :

- La Cinquième, pour 26,2 millions de francs (13,32 % du total),

- RFI, pour 22,7 millions de francs (11,54 %),

- l'INA, pour 17,7 millions de francs (9 %),

- Radio-France, pour 13 millions de francs (6,61 %),

- et enfin RFO, pour 11,1 millions de francs (5,64 %),

La SEPT-ARTE a échappé à ces annulations de remboursements de redevance.

(3) L'abandon du versement de produits des privatisations

La SEPT-ARTE et La Cinquième pouvaient espérer recevoir des dotations inscrites au compte d'affectation spéciale n° 902-24 des produits de cessions de titres du secteur public, à hauteur, respectivement, de 96 millions de francs et de 75,1 millions de francs. Cette dotation, d'un montant total de 171,1 millions de francs, n'a pas été versée (mais votre rapporteur n'a jamais été partisan de cette affectation très contestable).

Au total, la modification de la répartition du produit de la redevance pour 1995 et les annulations de remboursement de redevance ont amputé les ressources publiques de France 3 d'une somme de 240 millions de francs, celles de France 2, de 47,5 millions de francs, celles de la Cinquième et la SEPT-ARTE, de, chacune, 32,5 millions de francs et celles de l'INA, de 3,9 millions de francs. Radio France et RFI n'ont pas été affectées par ces mesures.

Seule RFO a vu ses ressources progresser de 10 millions de francs.

2. L'arrêté d'annulation du 26 septembre 1996

Le remboursement forfaitaire des exonérations de redevance, qui s'élevait dans la loi de finances pour 1996, à 1 440,7 millions de francs, a diminué de 11,5 % , soit 165,6 millions de francs, répartis entre :

- les crédits des services généraux du Premier ministre, à hauteur de 148 millions de francs.

- les crédits du ministère de la Culture, chapitre 43-70, Interventions culturelles dans le secteur de l'audiovisuel public, pour un montant de 17,6 millions de francs.

La répartition définitive entre les sociétés du secteur audiovisuel public sera décidée à l'occasion du collectif budgétaire voté à la fin de l'année 1996.

D'ores et déjà, les informations fournies à votre rapporteur indiquent que France Télévision ne bénéficiera d'aucun remboursement des exonérations de redevance pour l'année 1996, un gel ayant été décidé dès janvier 1996.

Avec des crédits à hauteur de 1 275 millions de francs, le remboursement, par l'État, des exonérations de redevance recule à 50,3 % , contre 56,9 % dans la loi de finances pour 1996.

3. L'arrêté d'annulation du 13 novembre 1996

Cet arrêté réduit encore le chapitre 43-70, Interventions culturelles dans le secteur de l'audiovisuel public, du ministère de la Culture, de 21,2 millions de francs.

Avec les deux annulations précitées, qui totalisent 38,8 millions de francs, le remboursement des exonérations de redevance sur le chapitre 43-70, Interventions culturelles dans le secteur de l'audiovisuel public du ministère de la Culture, s'élèvera, en 1996, à 587,6 millions de francs, contre 626,4 millions de francs de crédits votés, soit une baisse de 6,2 %.

Le total du remboursement des exonérations de redevance, supporté soit par le ministère de la Culture, soit par les services généraux du Premier ministre, en 1996, s'élèvera donc à 1 253,9 millions de francs, contre 1440,7 millions de francs de crédits votés, soit une diminution de 13 %.

4. Les perspectives de la redevance audiovisuelle

Évoquées, pour partie, dans le rapport de la mission d'audit du secteur public de la communication audiovisuelle, elles retiennent particulièrement l'attention de votre rapporteur.

a) Les perspectives fiscales

Deux risques d'assèchement menacent à moyen terme la redevance audiovisuelle : le risque fiscal et le risque technique.

(1) « L'assèchement fiscal »

Le Gouvernement a entrepris une ambitieuse réforme fiscale. A son terme, tous les contribuables bénéficieront d'une baisse de l'impôt sur le revenu. L'allégement sera d'autant plus fort que les revenus sont modestes et que le nombre de parts est élevé.

Le tome II du rapport général de l'Assemblée nationale du 10 octobre 1996 estime que « la reconfiguration du barème a pour effet de rendre non imposables chaque année environ 400 000 foyers pour un total à terme de 2 400 000 nouveaux non imposables » .

Ce risque pourrait être toutefois circonscrit par la déconnexion entre les exonérations d'impôt sur le revenu et l'assujettissement à la redevance, à l'image du mécanisme mis en oeuvre par l'article 8 du projet de loi de finances pour 1997 pour ce qui concerne les impôts locaux. La situation du redevable de la redevance pourrait être appréciée non plus en fonction de son degré d'assujettissement à l'impôt sur le revenu des personnes physiques, mais directement en fonction du montant effectif de son revenu.

Cette réforme est d'ordre réglementaire.

(2) « L'assèchement technique »

Davantage que les aspects fiscaux, les mutations technologiques pourraient, à moyen terme, menacer la redevance.

Votre rapporteur tient à rappeler que sa proposition d'extension de l'assiette du paiement de la redevance aux logiciels permettant de visionner des programmes de télévision sur un ordinateur, formulée dans son précédent rapport, n'a eu aucune suite.

Un téléviseur est un appareil qui reçoit un courant haute fréquence en provenance d'une antenne de réception et qui produit une image et un son. Il comporte donc deux fonctions :

1. la fonction « tuner » qui consiste à filtrer les courants venant de l'antenne pour ne retenir que ceux qui concernent les fréquences du canal sélectionné et à transformer ensuite ces courants en deux signaux :

* un signal vidéo porteur des informations d'image,

* un signal audio porteur des données sonores.

2. la fonction « moniteur » qui consiste à transformer le signal vidéo en une image et le signal audio en un son.

Aucune de ces deux fonctions n'est, par elle-même, génératrice du paiement de la redevance, en sorte que celui qui achète séparément un tuner et un moniteur n'est pas assujetti au paiement de la redevance. Il est d'usage constant de réserver le paiement de la redevance aux détenteurs de téléviseurs, c'est-à-dire d'appareils regroupant en un même bloc le tuner et le moniteur.

Tous les magnétoscopes contiennent un tuner, et cependant la détention d'un magnétoscope n'entraîne pas assujettissement au paiement de la redevance. Tous les micro-ordinateurs contiennent un moniteur, et cependant la détention d'un micro-ordinateur n'entraîne pas assujettissement au paiement de la redevance.

Aujourd'hui encore, les ménages n'achètent pratiquement rien d'autre que des téléviseurs pour recevoir la télévision. Mais avec le développement du câble et du satellite, cette situation évoluera.

Par ailleurs, les terminaux de câble (sauf pour les petits réseaux qui sont conçus comme des antennes collectives) et les récepteurs de satellite délivrent directement des signaux audio et vidéo, ce qui permet de recevoir les programmes de télévision sans utiliser de téléviseur puisque la fonction tuner n'est plus requise.

Lorsque le parc de « non-téléviseurs » en service sera trop important, il deviendra politiquement difficile de les taxer, d'autant plus qu'avec une certaine mauvaise foi, les utilisateurs de ces non-téléviseurs ne manqueront pas de faire remarquer que ce n'est justement pas pour regarder les chaînes du secteur public qu'ils se sont équipés...

b) Comment assurer la pérennité de la redevance compte tenu de l'évolution technologique ?

Deux erreurs doivent être évitées :


asseoir le paiement de la redevance sur la détention d'un tuner conduirait à taxer les magnétoscopes, puisque, mis à part les téléviseurs, ce sont les seuls appareils courants contenant un tuner. On se rappelle encore les émois qu'avait soulevés en son temps la taxe sur les magnétoscopes, et il faudrait un grand courage politique pour tenter à nouveau cette aventure.


asseoir le paiement de la redevance sur la détention d'un moniteur est d'ores et déjà impossible, tant le nombre de moniteurs en service est important : chaque micro-ordinateur en comporte un. D'ailleurs les moniteurs de micro-ordinateurs, s'ils sont fonctionnellement aptes à présenter une image vidéo d'excellente qualité, n'ont pas l'esthétique que le public attend d'un équipement de salle de séjour. La démarche qui consisterait à les taxer, outre son caractère matériellement irréaliste, serait de plus politiquement peu envisageable.

Il ne s'agit pas d'éviter l'évasion fiscale - encore modeste - que représente l'usage de succédanés de téléviseurs. Plus efficacement, les mesures à prendre devraient avoir pour objet de dissuader les industriels de mettre sur le marché des moniteurs dont l'esthétique et les fonctionnalités en fe raient de vrais substituts aux téléviseurs courants. Le rapport d'audit de la mission « Bloch-Lainé » envisage :

1- de taxer les réseaux câblés qui paieraient ainsi à la place des abonnés, qui pourraient se prévaloir de leur abonnement à un réseau câblé pour prétendre à l'exonération individuelle de redevance individuelle :

2- de taxer les paraboles de réception satellitaire, bien qu'elles ne servent pas à recevoir les chaînes publiques hertziennes que cette taxe a précisément pour objet de financer.

Plus fondamentalement, se pose le problème de la nature physique de l'assiette de la redevance. Dans certains pays, la redevance est perçue sous forme d'une surtaxe sur l'électricité, ce qui la rend peu coûteuse à percevoir.

Ne rien faire exposerait à voir apparaître sur le marché de vrais moniteurs de salon (qui ne différeront des moniteurs de micro-ordinateurs que par la couleur et la forme de la carrosserie). Branchés sur un magnétoscope, ils permettront de recevoir la télévision comme un téléviseur et ne donneront pas lieu à paiement de redevance par leurs détenteurs.

Dans un tel scénario, l'assiette de la redevance pourrait baisser d'au moins 15 % par an, soit la vitesse d'extinction du parc de téléviseurs en service.

5. Le service de la redevance audiovisuelle : une institution essentielle pour une taxe nécessaire

a) Le mode de financement de l'audiovisuel public

La redevance de l'audiovisuel est une taxe parafiscale affectée au financement des sociétés publiques de l'audiovisuel. Elle représente près des 2/3 de leurs moyens de financement et assure dans le même temps leur trésorerie par des versements deux fois par semaine des recettes encaissées.

Son assiette et son recouvrement relèvent de la mission du Service de la redevance qui dépend du Trésor public.

Le service gérait 20,2 millions de comptes en 1994, dont 20% de comptes exonérés, pour un produit attendu en 1995 de 10,9 milliards de francs.

Répartition du nombre de comptes

gérés par le Service de la redevance en 1994

Comptes payants

Comptes exonérés

Total

Comptes

« noir et blanc »

338 958

385 870

724 828

Comptes

« Couleur »

15 892 495

3 611 343

19 503 838

TOTAL

16 231 453

3 997 213

20 228 666

Le taux de recouvrement de la taxe, apprécié au 31 décembre de l'année suivant celle de l'émission de la créance, est de 95,5 % en 1994, soit un taux supérieur à celui de la taxe d'habitation.

Différentes dispositions législatives ont cependant conduit, sur une longue période, à une progression relativement rapide des comptes exonérés par rapport aux comptes payants : Entre 1984 et 1994, les comptes payants ont augmenté de 817 000, soit une hausse de 5,3 %, alors que les comptes exonérés ont augmenté de 1 500 000, soit une hausse de 62,5 % . Depuis 1989, le nombre de comptes payants est cependant en croissance, après un léger fléchissement entre 1984 et 1988.

b) Le service de la redevance audiovisuelle est-il efficace ?

En 1995, le budget de fonctionnement du Service de la redevance s'est élevé à 460 millions de francs prélevés sur les recettes encaissées (10 918,4 millions de francs).

La part du prélèvement par rapport aux encaissements a donc été de 4,21 % en 1995. Pour 1996, le rapport entre le budget de fonctionnement du Service (480 millions de francs) et les encaissements de redevance prévus par la loi de finances (11 449,22 millions de francs) s'établit à 4,19 %.

Ce taux témoigne, en moyenne période, d'une réelle maîtrise des dépenses de fonctionnement. Le pourcentage est en constante diminution d'année en année puisqu'il était de 5,49% ( ( * )4) en 1988. Il existe sans doute peu d'exemples d'administrations dont les dépenses de fonctionnement (dépenses de personnel incluses) n'ont au total progressé en francs courants que de 17 % en dix ans (à missions constantes).

Cet effort de maîtrise de la dépense a été possible grâce aux très importantes réductions d'emplois mises en oeuvre au cours de la période. L'informatisation des procédures a permis de réduire les effectifs de 300 emplois entre 1988 et 1994, soit - 16,4%, à missions constantes. Au terme de ce processus, l'économie annuelle liée à ces suppressions d'emplois peut être évaluée, sur la base de 1996, à environ 50 millions de francs.

Rapporté au nombre de comptes redevance gérés, le coût unitaire annuel de gestion d'un compte représente moins de 23 francs (22,67 francs sur la base des chiffres de 1995).

L'affranchissement de l'avis de payer la redevance représente un coût de 2,70 francs depuis mars 1996, soit plus de 10 % du coût de gestion annuel moyen d'un compte. Il s'élevait à 21,13 francs en 1988 et n'a donc que peu augmenté en francs courants.

Pour 1997, le prélèvement nécessaire au fonctionnement du service de la redevance s'élèvera à 487 millions de francs, soit 1,46 % de plus qu'en 1996 (480 millions de francs), et représentera 4,18 % du produit prévu (11 638,37 millions de francs T.T.C.).

Ce prélèvement prend en compte une nouvelle réduction de l'effectif du service, à hauteur de 30 emplois, soit 2 % de l'effectif budgétaire de 1996 (1 531 emplois).

c) Une redevance fraudée

Le système actuel de perception de la redevance audiovisuelle suscite de nombreuses critiques, dont les deux plus connues tiennent à son coût (430 millions de francs en 1993) et au manque à gagner consécutif à la fraude.

Le rapport de nos collègues députés, MM. de Courson et Léonard, sur les fraudes et les pratiques abusives, remis au Premier Ministre le 9 mai 1996, a largement évoqué les fraudes auxquelles donne lieu la perception de la redevance audiovisuelle. En voici, analysées et commentées, les principales observations :

(1) Le montant de la fraude peut s'estimer par rapport au taux d'équipement des ménages

Le Service de la redevance prend en compte, pour son estimation du nombre de détenteurs de récepteurs non déclarés, l'estimation du taux de premier équipement en appareils de télévision, soit 94 % à 95 %.

La différence entre le nombre de ménages équipés et le nombre de comptes en résidence principale donne une estimation des ménages équipés qui ne figurent pas dans le fichier « Redevance ». Elle permet d'approcher un taux d'évasion à la taxe, apprécié en fonction du nombre de comptes manquants, soit 7,2 %, représentant 1,55 million de comptes pour un montant de l'ordre de 700 millions de francs.

La fraude incompressible, estimée par le Service, est de 4 % du nombre de détenteurs d'appareils, compte tenu du renouvellement permanent du fichier.

L'action du service, sous forme de contrôles ou d'enquêtes, a permis d'augmenter son produit de 350 millions de francs en 1995. Le taux de redressement se situe ainsi à 3,5 % du produit de cette taxe parafiscale.

De 1989 à 1994, les actions de contrôle du service ont permis de faire progresser les recettes collectées de 39,3 %, alors que le taux de la taxe a été revalorisé d'environ 25 % sur la même période.

(2) L'analyse de la fraude à partir du taux d'équipement des ménages est cependant partielle

Le chiffre fourni par le Service de la redevance est, selon le rapport précité, en deçà de la réalité, compte tenu de la méthode retenue.

En effet, le calcul du nombre de comptes « manquants » à partir du taux de primo-équipement de l'INSEE ne prend pas en compte plusieurs éléments :

- les ménages disposant de plusieurs téléviseurs, notamment ceux qui sont exonérés de redevance compte tenu de leur âge ou de leurs conditions de ressources ;

- les cessions de postes entre particuliers, sans déclaration au Service de la redevance ;

- les changements d'adresse non déclarés et les pratiques de domiciliation des postes en résidence secondaire, qui ne sont pas contrôlées par le Service de la redevance ;

- les achats de postes en numéraire, qui évitent à l'acheteur d'indiquer sa domiciliation bancaire ou son lieu de résidence.

(3) L'analyse des différents types d'évasion montre l'importance de la non déclaration

La taxe est basée sur la détention d'un appareil ou d'un système de réception de programmes télévisés.

La fraude peut se révéler à plusieurs moments :

- lors de l'équipement en téléviseur : l'absence de déclaration lors de la prise de possession d'un appareil, grâce notamment à des cessions entre particuliers (postes des parents ou des grands-parents), ou à des ventes d'appareils d'occasion :

- postérieurement à l'entrée en possession d'un appareil : le détenteur de l'appareil a un compte « redevance » mais se soustrait à l'obligation d'information du service à l'occasion d'un changement d'adresse, d'un changement de type d'appareil (Noir et Blanc à Couleur), ou de la perte des droits à exonération.

Quant aux résidences secondaires, la réglementation impose de ne taxer que les appareils installés en permanence, ce qui rend particulièrement difficile l'action des services de contrôle.

d) Un système de prévention et de contrôle à améliorer

Le dispositif de contrôle est peu adapté à la réalité de la fraude et son impact financier est difficile à évaluer.

Pour mieux apprécier l'organisation, l'activité et l'efficacité du Service de la redevance, votre rapporteur s'est rendu, le 11 juin 1996, au Service de la Région Nord, situé à Lille, pour effectuer une mission de contrôle sur pièces et sur place, en application de l'article 164-IV de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958.

(1) Les statistiques de contrôle doivent être nuancées

Depuis 1989, l'objectif prioritaire du service est la recherche de postes non déclarés, en pratiquant des contrôles sur place et des enquêtes par questionnaire.

Les résultats montrent qu'en moyenne, sur les trois derniers exercices, le nombre de comptes ouverts est de 250 000 par an, soit seulement 1,3 % du nombre de comptes gérés par le service. Les résultats des recherches de postes non déclarés n'excédaient cependant pas 30 000 à 50 000 régularisations par an jusqu'en 1985.

Les contrôles effectués sur les comptes exonérés au titre des conditions de ressources portent sur 2,5 millions de comptes exonérés en moyenne par an, soit 62,5 % du total des comptes exonérés gérés par le service. Pour 1,9 million de comptes, le rapprochement avec le fichier de la taxe d'habitation a permis un renouvellement immédiat des exonérations. Les envois de questionnaires permettant de vérifier le maintien des exonérations ont porté sur 558 000 comptes, conduisant à 50 % d'exonérations attestée et 123 000 comptes remis en comptes payants. Au total, seulement 5 % des comptes examinés font l'objet d'une remise en catégorie payante.

Il est à noter que deux évolutions sont particulièrement préoccupantes :

- le contrôle de ces exonérations est récent : aucun contrôle n'était effectué sur ces comptes avant 1987, et sur la période 1987-1991, la part des comptes exonérés contrôlés par rapport au total des comptes exonérés n'était que de 25 % :

- l'augmentation du nombre de contrôles des comptes exonérés en 1994 ne s'est pas traduite par un élargissement important de l'assiette.

Comme votre rapporteur l'a souligné dans son précédent rapport, la nouvelle réglementation en matière d'exonération, qui a porté à 61 ans au 1er janvier 1994 l'âge minimum des bénéficiaires, n'a pas conduit à une diminution sensible du nombre de comptes exonérés. Cette première tranche (60-61 ans) n'a concerné qu'un nombre limité de personnes qui auraient été, à réglementation inchangée, potentiellement bénéficiaires de l'exonération.

D'une manière générale, ces écarts proviennent pour l'essentiel du manque de sélectivité des contrôles, notamment dans le cadre de la recherche de postes non déclarés, et de l'insuffisance des moyens d'investigation.

Efficacité des contrôles sur postes non déclarés et sur comptes exonérés

1991

1992

1993

1994

Contrôle sur comptes exonérés

Comptes examinés

1 384 000

2 781 000

2 342 000

2 469 000

Comptes remis en catégorie payante

80 000

198 000

233 000

123 000

Ratio (2)/(l)

5,7 %

7,1 %

9,9 %

4,9 %

Recherche de postes non déclarés

Nombre de comptes ouverts

165 000

243 000

258 000

266 000

Nombre total de comptes gérés

19 687 000

19 835 000

19 903 000

20 092 000

Ratio (2)/(l)

0,8 %

1,2 %

1,3 %

1,3 %

Les travaux réalisés par le Centre régional de Rennes, qui couvre l'ensemble de la région parisienne, montrent que pour l'année 1994 le taux de régularisation de postes non déclarés obtenu par rapport à une population contrôlée est faible : 2,7 % au Centre de Rennes, 3.1 % à la division de Paris-sud, 1,9 % dans la circonscription d'Evry.

(2) Les moyens de contrôle sont insuffisants

Les moyens réglementaires, dont dispose le service, reposent sur l'obligation de déclarer dans un délai de 30 jours la détention d'un appareil de réception.

Le service dispose d'un pouvoir de sanction par l'imposition d'amendes, dont le montant est fonction du nombre d'infractions, plafonné toutefois à 50 000 F. Il peut aussi utiliser son droit de contrôle sur place des commerçants-vendeurs et de leurs obligations, et appliquer des pénalités renforcées aux détenteurs non déclarés dans le cadre d'un contrôle a posteriori.

Le service dispose d'équipes d'agents assermentés au nombre de 450, présentes sur l'ensemble du territoire, et organisées en divisions régionales et circonscriptions de contrôles et d'enquêtes (16 divisions et 83 circonscriptions).

Les contrôles auprès des particuliers concernent essentiellement :

- la recherche d'appareils non déclarés ;

- la transformation des comptes redevance « Noir et Blanc » en « Couleur », suite à la modification d'équipement non déclarée :

- le contrôle des conditions d'exonération, à partir du rapprochement avec le fichier des personnes exonérées du paiement de la taxe d'habitation ;

- des enquêtes sélectives sur le multiéquipement en appareils récepteurs et les demandes de résiliation.

S'agissant du contrôle des commerçants-vendeurs, le service a développé l'établissement et la transmission des déclarations d'achat sur support informatique. En 1994, 43 % des ventes déclarées par les vendeurs ont fait l'objet d'un contrôle. Cependant, seulement 15% des déclarations des vendeurs ont induit l'ouverture d'un compte payant.

Les moyens dont disposent actuellement les services de contrôle sont largement disproportionnés par rapport au montant de la fraude :

- l'accès au fichier de la taxe d'habitation a été strictement encadré par la CNIL, qui s'opposait à toute extension du dispositif jusqu'à la loi du 12 avril 1996;

- les pénalités, insuffisantes au regard des sommes en cause, ont un effet peu dissuasif sur les commerçants ;

- les croisements entre le fichier des comptes exonérés et le fichier des multiéquipés sont encore embryonnaires ;

- la pratique d'enquête par questionnaire pour le rapprochement avec le fichier des exonérés de la taxe d'habitation limite les possibilités de contrôle sur place, compte tenu du faible taux de réponse.

(3) L'impact financier des actions de contrôle reste limité

L'efficacité de l'action de contrôle du service de la redevance doit s'apprécier au regard de la difficulté du recouvrement des droits constates.

Selon le service, les actions de contrôle en année n (année 1994) induisent un volume d'encaissement en n + 1 (1995) et années ultérieures, supérieur de 60 % à celui constaté en année n.

Recettes induites par les actions de contrôle en 1994

(En millions de francs)

Année de rattachement

Recettes induites

Effet en année n

168,7

Recettes supplémentaires :

93,7

Recherche de postes non déclarés

70

Coloration

3,5

Contrôle sur exonérations

14

Contrôle commerçants

5

Pénalités impayées aux commerçants

1,2

Recettes maintenues *

75

Effets année n + 1 et suivantes

280

Contrôles :

180

Recherche de postes non déclarés

Contrôle sur exonérations

Contrôle commerçants

Enquêtes

100

* Comptes maintenus payants suite à nouvelle adresse retrouvée par enquête

Aussi, l'incidence des actions du service sur le produit annuel de la redevance doit être nuancée, comme le montrent les prévisions du service sur la période 1994-1996 : la part des actions du service dans l'augmentation du produit de la taxe ne s'élève qu'à 22 % en année n, à 26 % en année n + 1 et à 28 % en n + 2.

(En millions de francs)

1994

1995

1996

Objectifs d'encaissements n (LDF)

10 070

10914

11 459

Évolution par rapport aux recettes année n - 1

450

820

535

Produit de l'augmentation du taux de la taxe (estimation)

350

530

300

Produit attendu du rehaussement de l'âge minimal d'exonération (estimation)

70

70

Produit des actions du service (actions de contrôle et amélioration du taux de recouvrement)

100

220

155

e) Renforcer la lutte contre la fraude

Il était donc souhaitable d'aménager le cadre légal et réglementaire applicable à l'assiette de la redevance et de renforcer la lutte contre la fraude, comme votre rapporteur l'a proposé et comme le Sénat l'a accepté.

(1) Développer l'accès aux fichiers fiscaux

Dans un contexte marqué par le très fort taux d'équipement des ménages, les opérations de recherche de postes non déclarés menées par les services de contrôle constituent le moyen le plus efficace de compenser l'incidence de l'augmentation régulière du nombre de comptes exonérés.

Il semble néanmoins que cette forme d'action ait atteint son plafond, car les facteurs de ralentissement de ses résultats se renforcent : effet d'accoutumance de la population aux contrôles, zones encore porteuses de résultats élevés coïncidant avec des secteurs urbains « difficiles ».

C'est pourquoi votre rapporteur a déposé un amendement au projet portant diverses mesures d'ordre économique et financier du printemps 1996, permettant de renforcer les contrôles.

L'article 46 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier

1. POURQUOI AUTORISER LA COMMUNICATION DU FICHIER DE LA TAXE D'HABITATION AU SERVICE DE LA REDEVANCE DE L'AUDIOVISUEL ?

L'objectif de cette disposition est d'améliorer les conditions d'établissement de l'assiette et du recouvrement de la redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs, en permettant à ce service d'accéder aux informations relatives aux contribuables assujettis ou exonérés de la taxe d'habitation.

Cependant le rapprochement des fichiers de la redevance et de la taxe d'habitation a nécessité une autorisation législative.

Une expérience avait été autorisée par la CNIL parce qu'elle était limitée dans le temps (un an) et dans l'espace (trois départements).

La CNIL a fort opportunément rappelé dans sa délibération n° 93-058 du 6 juillet 1993 que « l'utilisation par un service, qui n'est pas chargé du recouvrement d'un impôt ou d'un droit, d'informations couvertes par le secret fiscal doit être autorisée par une disposition législative levant expressément le secret professionnel » Cette expérience a permis, depuis 1994, d'augmenter sensiblement (+ 6 %) - mais pour trois départements - les résultats en nombre d'ouvertures de comptes et d'élargir, dans de meilleures conditions de rendement, l'assiette déterminant le produit financier.

L'extension de l'expérience de rapprochement des fichiers « Redevance » et « Taxe d'habitation » était donc nécessaire pour garantir une progression des ressources du secteur public de l'audiovisuel en modérant l'augmentation du taux de la redevance afin de ne pas aggraver le poids des prélèvements obligatoires.

Or, la CNIL a, dans un avis n° 95-153 du 21 novembre 1995, rappelé la nécessité d'une autorisation législative, que cet amendement a pour objet de donner. Cette disposition législative n'a évidemment pas eu pour effet de donner un caractère inquisitorial aux recherches effectuées par le service de la redevance de l'audiovisuel.

2 . L'EXERCICE DES CONTRÔLES PAR LE SERVICE DE LA REDEVANCE EST FACILITÉ

Le Service de la Redevance procède au contrôle des déclarations recueillies par les commerçants vendeurs de téléviseurs et à des contrôles auprès des particuliers visant notamment à rechercher les postes non encore déclarés.

Le déroulement de ce type de contrôle s'effectue de la façon suivante :


• Pour la zone géographique concernée par une opération de lutte contre la fraude, généralement de l'ordre de grandeur du canton, une information préalable est réalisée de deux manières :

- Prise de contact avec les autorités locales,

- Communiqué dans la presse locale.


• Ensuite, chaque foyer du canton concerné par le contrôle reçoit un imprimé « sans intitulé » et « sans adresse » distribué par la Poste.

Cet imprimé d'information a pour objet de porter à la connaissance des particuliers qu'une permanence sera tenue en un lieu et à une date précise, à l'effet, éventuellement, de permettre aux particuliers de régulariser leur situation au regard de la redevance, cette régularisation pouvant également intervenir par renvoi d'un coupon détachable.

Ces questionnaires sont destinés à inviter les personnes détenant un poste non encore déclaré, et uniquement celles-ci, à régulariser leur situation si elles l'acceptent de façon amiable.

C'est à ce stade que l'autorisation de communication d'informations relatives à l'assujettissement à la taxe d'habitation sera utilisée.

Les réponses à ces questionnaires personnalisés donnent lieu à la mise à jour du fichier redevance.

3. EST DORÉNAVANT AUTORISÉE LA COMMUNICATION DE QUELQUES INFORMATIONS ISSUES DE L'ASSIETTE DE LA TAXE D'HABITATION

Les informations concernées par le droit de communication portent limitativement sur le prénom, le nom et l'adresse. L'utilisation de ces informations, demain automatisée, ne fera que se substituer sans modification sur le fond aux rapprochements déjà réalisés. Ces informations permettront d'adresser les questionnaires personnalisés, après exploitation des réponses et régularisation suite à la campagne d'imprimés « sans adresse ».

Le rapprochement avec la taxe d'habitation permet de procéder directement aux opérations de recherche de postes non déclarés par l'établissement de questionnaires personnalisés et donc de limiter le nombre de questionnaires envoyés aux personnes en règle à l'égard de leurs obligations envers le service.

Évidemment, toute personne destinataire d'un imprimé « sans adresse » ou d'un questionnaire personnalisé, qui n'est pas détentrice d'un téléviseur, ne fait pas l'objet, en l'absence de réponse, d'une ouverture de compte redevance.

En définitive, l'utilisation des données de la taxe d'habitation permet de couvrir avec régularité le territoire national par des contrôles plus rapprochés.

(2) Alourdir les sanctions

Plusieurs dispositions seraient de nature à améliorer le système de déclaration par des tiers-vendeurs.

Les déclarations d'achats d'appareils transmises par les commerçants, même si elles recouvrent pour la plupart un renouvellement ou une extension d'équipement en téléviseurs, sont essentielles pour le bon fonctionnement du système. La procédure est à la fois peu onéreuse et non contestée par les vendeurs.

Il conviendrait cependant de rehausser le plafond des pénalités, actuellement fixé à 50 000 F, qui ne paraît plus suffisamment dissuasif : 88 % des paiements sont effectués suite à transactions proposées par le service en 1994, et 91 % du montant total des paiements sont reçus sur transactions avant le prononcé du jugement (paiements suite à proposition de transaction et paiements reçus après information des commerçants du dépôt d'une plainte mais avant jugement).

Les moyens de contrôle doivent s'adapter à la mutation des comportements d'achat des ménages.

En effet, 72% des déclarations d'achat de récepteurs sont concentrées chez des commerçants qui vendent plus de 600 récepteurs/an, soit essentiellement des grandes surfaces, mais qui ne représentent que 7 % du nombre de commerçants. Parmi ces grandes surfaces, le taux de contrôle est de 41 % en nombre, et de 48 % en montant des ventes. Aussi, le niveau des pénalités doit-il s'adapter à ce nouveau contexte.

En complément, il paraîtrait souhaitable d'exiger une pièce d'identité lors de l'achat d'un récepteur et d'interdire les pratiques de paiement en numéraire.

De plus, les pénalités pour défaut de déclaration ou fausse déclaration devraient être renforcées, dans le cas d'une non réponse aux questionnaires adressés aux particuliers par le service, ou réponse erronée.

(3) Augmenter la sélectivité des contrôles, à l'égard notamment des détenteurs multiples

Les résultats montrent que les comptes ouverts à la suite d'un contrôle représentent 2 % environ du total des achats enregistrés sur ces comptes. La fraude serait ainsi plus limitée que communément estimée.

Cependant, ce type de contrôle est insuffisant et mériterait une plus grande sélectivité, selon quatre modalités :

1. concentration des contrôles sur les résidences de tourisme :

2. mise à niveau des déclarations d'appareils installés pour plusieurs grands comptes (hôtels, entreprises) ;

3. sensibilisation des commerçants-vendeurs à ce type de fraude ;

4. croisement systématique avec le fichier des comptes exonérés.

S'agissant du dernier type de sélection, les contrôles du Service de la redevance sont insuffisants. En 1995, une expérience a été menée pour l'ensemble des comptes tenus par le Centre de la redevance de Rennes, à partir du nombre de comptes redevance sur lesquels ont été enregistrés plus d'un achat d'appareil récepteur en 1994.

Les résultats montrent que près de 8 % des comptes ayant enregistré plus d'un achat en 1994 sont des comptes exonérés, alors que la part des comptes exonérés dans le stock de comptes gérés par ce centre est de 18 %.

Les données sur les stocks ne sont pas disponibles, mais doivent faire l'objet d'une étude en 1996.

La lutte contre l'utilisation abusive des conditions d'exonération suppose aussi une plus grande sélection des contrôles.

Elle nécessite une meilleure fiabilité des fichiers ; une étude sur le contrôle des exonérations menée par le Centre de Rennes montre du reste que près de 30 % des questionnaires envoyés par le service sont renvoyés chaque année par les services postaux avec les mentions « partis sans adresse » ou « décédés ».

Il serait aussi souhaitable de contrôler régulièrement les conditions de ressources des redevables exonérés, d'un service de la redevance à l'autre (c'est-à-dire d'une circonscription à une autre). La moyenne d'un contrôle tous les deux ans devrait devenir la règle pour tous les Centres de la redevance.

Enfin, le renforcement des contrôles devrait s'accompagner d'une campagne de sensibilisation afin d'encourager les redevables à s'acquitter de leur taxe.

B. LES RESSOURCES PUBLIQUES DU SECTEUR AUDIOVISUEL EN 1997

Le budget du secteur public de la communication audiovisuelle se présente comme suit :

Budget du secteur public de l'audiovisuel 1995-1997

(En millions de francs)

LFI 1995*

LFI 1995

LFI 1994

(en %)

%

LFI 1996

LFI 1996

LFI 1995

(en %)

%

PLF 97

PLF 97 LFI 96

(en %)

%

Redevance

10 239,5

+ 8,5

62,7

10 743,6

-4,9

64,0

10 922

+ 1,66

64,25

Dotations budgétaires

2 268,8

+ 23,3

12,8

1 798,6

- 14,3

10,7

1 116

- 38

6,56

Ressources publiques

12 508,3

+ 31,8

75,5

12 542,2

-9,4

74,7

12 038

- 4

70,81

Publicité et parrainage

3 145,0

+ 6,3

19,3

3 445.9

+ 9,5

20,5

4 248

+ 23,3

25

Autres ressources

855,8

+ 7,0

5,2

820.9 #

- 11,1

4,9

714

- 13

4,2

Ressources propres

4 000,8

+ 13,3

24,5

4 266,8

+6,2

25,4

4 962

+ 16,3

29,3

Total

16 509,1

+ 45,1

100,0

16 809,0

+ 1,8

100,0

17 000

+ 1,1

104

* Dont 170 millions de francs du compte d'affectation spéciale de cession de titres en dotations budgétaires

# Dont 60 millions de francs de prélèvement sur le fonds de roulement de RFI

Les ressources publiques diminuent de 12,5 à 12 milliards de francs de 1995 à 1997, régressant de 75 % à 71 %. Cette baisse s'explique par une diminution des dotations budgétaires, divisées par deux en deux ans, et qui n'est pas compensé par la hausse régulière de la redevance, de moins en moins forte cependant.

Les ressources propres ont donc augmenté, passant de 4 milliards de francs en 1995 à près de 5 milliards en 1997, essentiellement grâce aux recettes de publicité et de parrainage, les autres ressources diminuant. Les ressources propres constituent 29,2 % du budget de l'audiovisuel public en 1997, contre 24,5 % en 1995.

Les quatre tableaux ci-après donnent une vue rétrospective sur le long terme (de 1978 à 1995) de l'évolution des ressources publiques et des ressources publicitaires des deux chaînes publiques généralistes.

Pour France 2, il apparaît ainsi que, par rapport à une base 100 en 1985, les ressources publiques représentent 215 en 1995, et stagnent depuis 1992, tandis que les ressources publicitaires représentent 125.

Pour France 3, par rapport à la même base 100 en 1985, les ressources publiques s'élèvent à 139 en 1995 et les ressources de publicité à 267.

La part de la publicité dans les ressources de France 2, constamment supérieure à 50 % jusqu'en 1990, avec une pointe à 71 % en 1987, étaient descendues à 41 % en 1992 mais se redresse régulièrement depuis cette date.

Pour France 3, négligeable jusqu'en 1982, la publicité a fait un bond en 1983 et est passée de 2 % à 14 %. La part de cette ressource, longtemps stable, autour de 16-20 %, augmente régulièrement depuis 1989 et plus vivement ces deux dernières années (1995-1996).

1. La stabilité de la redevance audiovisuelle en 1997

a) La redevance ne progressera pas en 1997

Le tarif de la redevance est maintenu, pour 1997, à son niveau de 1996, soit 700 francs pour un récepteur couleur et 449 francs pour un récepteur « noir et blanc ».

La somme demandée aux téléspectateurs français. 1.92 franc par jour, est nettement inférieure à la somme demandée au téléspectateur allemand.

En Allemagne, la redevance sera de 96 francs par mois environ, soit 1 150 francs par an. La redevance en France représente donc 60 % de celle qui est versée en Allemagne.

Autre caractéristique : le montant de la redevance est, outre-Rhin, déterminé pour cinq ans, de 1997 à 2001. Ceci garantit aux chaînes publiques une ressource stable, permettant d'engager des projets sur le long terme, et, aux assujettis à la redevance, l'absence de mesure de rattrapages qui suivent souvent les années de blocage...

Évolution des taux de la redevance de 1981 à 1997

T. V noir et blanc

T. V. Couleur

Années

Montants

en francs

Évolution

en %

Montant

en francs

Évolution

en %

1981

238

7,69

358

8,16

1982

280

17,65

424

18,43

1983

311

11,07

471

11,08

1984

331

6,43

502

6,58

1985

346

4,53

526

4,70

1986

356

2,90

541

2,90

1987

333

-6,5

506

-6,5

1988

333

0,0

506

0,0

1989

343

3

53 3

5,3

1990

355

3,49

552

3,56

1991

364

2,5

566

2,5

1992

373

2,5

580

2,5

1993

390

4,5

606

4,5

1994

405

4

631

4

1995

430

6,2

670

6,2

1996

449

4,4

700

4,4

1997

449

0

700

0

Pour 1996. les prévisions ont été faites sur la base de 16 630 000 comptes payants, soit environ 300 000 de plus que le niveau atteint fin 1995 (16 336 000) ; elles intègrent aussi une augmentation du nombre de comptes « couleur » payants de 325 000 unités.

Le pourcentage d'accroissement du produit fixé par la loi de finances (11 449,2 millions de francs) par rapport à celui de 1995 (+ 4,9 %) est donc à nouveau supérieur à celui de l'augmentation de la taxe (+ 4,48 % ) par l'effet attendu des actions du service.

Est-ce bien raisonnable ? C'est la question que votre rapporteur se doit de poser.

Il en est une seconde. Puisque les décisions prises pour les exercices 1987 et 1988 furent néfastes au secteur public de l'audiovisuel, n'en sera-t-il pas de même en 1997 en vertu du principe : mêmes causes, mêmes effets ?

Les prévisions d'encaissements pour 1997 ont d'abord été établies (à taux constant 1996) à 11 618.3 millions de francs sur la base d'un accroissement de 225 000 comptes payants par rapport au nombre de comptes, tel qu'il résulte de l'objectif d'encaissements de 1996 mentionné précédemment. Elles ont été réévaluées de 30 000 unités en raison de l'impact attendu de la première mise en oeuvre du rapprochement des fichiers « redevance-taxe d'habitation » (au second semestre 1997) pour porter le produit à 11 638.37 millions de francs (+ 20 millions de francs).

Après déduction de 487 millions destinés à couvrir les frais de fonctionnement du service de la redevance et le prélèvement de la TVA. Le montant à répartir entre les sociétés du secteur audiovisuel public s'élèvera, en 1997, à 10 922 millions de francs, soit 178.4 millions de plus qu'en 1996.

Cette progression résulte exclusivement d'un effet spontané lié à l'extension du parc et d'un meilleur recouvrement attendu de la redevance.

b) Des comptes exonères toujours trop nombreux

Près de 4 millions de foyers français sont exonérés du paiement de redevance audiovisuelle. Cette mesure parfaitement démagogique - unique en Europe - qui date de novembre 1982, coûte plus de 2,5 milliards de francs au secteur audiovisuel public.

(En millions de francs)

Nombre de

comptes

Produit de la

redevance (H.T.)

Nombre de

comptes exonérés

Montant des

exonérations

1993

19 903 444

8 718,5

3 990 347

2 303,7

1994

20 092 537

9431,9

3 981 864

2 414,6

1995

20 290 184

10 260,6

3 953 204

2 563,0

Exonérations de la redevance

(En millions de francs)

Catégories de bénéficiaires

Nombre au 31.12.95

Montant

Nombre au

31.12.96

(estimation)

Montant

Nombre au

31.12.97

(prévision)

Montant

Personnes non soumises à l'IRPP

3 409 125

2 205,7

3 353 049

2 283,2

3 330 198

2 255,7

Invalides

521 499

342,2

517 242

356,2

510 514

350,4

Établissements hospitaliers

22 580

15,1

22 793

15.9

22 288

15,6

Total

3 953 204

2 563,0

3 893 084

2 655,3

3 863 000

2 621,7

Les exonérations seront étendues, en 1997, pour les petits hôtels.

L'exploitant d'un hôtel est tenu d'acquitter une redevance pour chacun des récepteurs installés dans son établissement. Jusqu'à présent, une tarification dégressive corrigeait partiellement cette mesure : abattement de 25 % du 11ème au 30ème poste, de 50 % à partir du 31ème.

A compter du 1er janvier 1947, la grille tarifaire de la redevance audiovisuelle a été modifiée afin de permettre aux hôteliers de n'acquitter que le montant d'une seule redevance audiovisuelle pour les dix premiers postes, les autres abattements seront supprimés, hormis celui concernant l'hôtellerie saisonnière.

Cette mesure devrait favoriser l'hôtellerie indépendante. Les calculs font apparaître un allégement significatif pour l'ensemble des hôtels de moins de quarante chambres.

A titre d'exemple, un hôtel de vingt chambres n'acquittera désormais qu'une redevance de 7,700 francs au lieu de 12.500 francs par an.

Cette mesure ne va pas dans le bon sens.

c) L'échec de la révision des conditions d'exonération

Le décret n° 93-1314 du 20 décembre 1993 a prévu de faire passer progressivement l'âge requis pour pouvoir bénéficier de l'exonération de la redevance de 60 à 65 ans.

Au cours des deux premières années de mise en oeuvre, l'effet de cette mesure sur l'évolution du nombre de comptes exonérés n'a pas été celui escompté.

En effet, les comptes exonérés n'ont - à ce titre - diminué que de 8 483 unités en 1994 et de 28 660 unités en 1995. A la moitié de l'année 1996, le nombre de comptes exonérés demeure légèrement supérieur à 4 millions d'unités (4 027 715 fin juin) et reste proche de celui enregistré au 30 juin 1995 (4 039 290), ce qui confirme une tendance pluriannuelle marquée plutôt par la stabilisation que par la baisse, malgré l'importance des campagnes de contrôle réalisées par le Service de la redevance chaque année et son efficacité reconnue.

Une étude réalisée par le Service de la redevance au premier semestre

1996 vient corroborer les résultats relativement décevants de cette mesure (en terme d'apports financiers) et relativiser ses effets attendus.

Il s'avère en effet que les « entrées » en exonération se font très majoritairement au-delà de 65 ans : près de 90 % des nouveaux exonérés recensés par l'enquête portant sur 2 400 dossiers reçus en avril-mai 1996, sont en effet nés avant 1931, ce qui explique la faible répercussion actuelle sur le par des comptes payants des dispositions du décret de décembre 1993 ramenant progressivement l'âge requis, pour bénéficier de l'exonération de la redevance, à 65 ans.

Dans plus de la moitié des cas, ces demandes tardives d'exonération trouvent leur origine dans des dispositions fiscales :

- bénéficiant directement aux personnes âgées (abattement accordé aux personnes de plus de 65 ans. abattement pour les veufs ou veuves de plus de 75 ans ayant une carte d'ancien combattant ou une pension militaire d'invalidité...).

- ou bénéficiant plus particulièrement aux personnes âgées du fait que certaines situations sont plus fréquentes dans cette catégorie de la population (baisse des revenus, décès du conjoint...).

Sans cette mesure de relèvement de l'âge minimal, bien que le service continue à développer des contrôles systématiques et massifs sur les comptes exonérés, une augmentation certainement importante des comptes exonérés aurait été constatée : ceci en raison du contexte économique et social, qui influe non seulement sur les revenus de la population active mais aussi sur ceux des retraités, en conjugaison avec des aménagements fiscaux intervenus dans la même période, concernant l'imposition des ménages à faibles ressources.

Pratiquement, les nouvelles mesures relatives à la condition d'âge ont évité une réduction du produit de la redevance liée à l'exonération, mais n'ont pas encore apporté véritablement de ressources nouvelles.

d) L'affectation des ressources de la redevance en 1997

Les sommes versées par le Service de la redevance (donc hors remboursements des exonérations) depuis 1994 se répartissent de la façon suivante :

(En millions de francs)

1994

1995

1996

1997

Loi de

Finances

Initiale

(2)

Excédent 1993

Loi de

Finances

Initiale

Loi de

Finances

Rectificative

(1)

Loi de

Finances

initiale

(2)

Loi de Finances

Initiale

INA

234,1

11,2

236,2

250,4

275,3

271,3

La Cinquième

0,0

0,0

331,3

348,0

443,3

647,9

France 2

2 432,6

62,3

2 549,5

2 549,5

2 643,2

2 381,5

France 3

3 320,4

55,7

3 520,5

3 388,5

3 626,4

3 319,7

ARTE

496,4

0,0

382,4

447,2

624,5

784,6

RFO

867,9

0,8

949,8

949,8

1 022,2

1 104,6

Radio France

2 247,9

2,0

2 380,2

2 393,4

2 161,9

2 144,9

RFI

30,6

0,0

104,6

127,7

172,4

267,2

Total

9 629,9

136,3 (3)

10 454,5

10 454,5

10 969,2

10 922

(1) La loi de Finances rectificative a modifié la ventilation entre les organismes bénéficiaires sans variation des encaissements prévus pour 1995 : les excédents de l'année 1994 (21,5 millions de francs) ont été entièrement reversés à RFO.

(2) Prévision annuelle

(3) Dont 4,3 millions de francs en faveur de TDF

e) Les propositions de votre rapporteur : égaliser les conditions de paiement de la redevance en métropole et dans les départements d'outre-mer.

Dans les départements d'outre-mer, la redevance est perçue au tarif noir et blanc, même pour les possesseurs d'un appareil de télévision couleur.

Cette réduction résulte d'une simple lettre ministérielle, datant de 1982.

Elle pourrait être justifiée, en apparence, par le fait que les téléspectateurs d'outre-mer ne reçoivent pas l'intégralité des chaînes du secteur audiovisuel public.

Or, ainsi qu'il résulte de nombreuses réponses ministérielles. « la redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision n'est pas une rémunération pour services rendus mais une taxe parafiscale qui est liée à la détention d'un appareil ou d'un ensemble récepteur. Cela signifie que la taxe est due, qu'il y ait ou non utilisation du service public. Le fait qu'un détenteur de poste de télévision ne l'utilise pas pour regarder les programmes est donc sans incidence sur la taxation » (réponse du ministre délégué au budget à l'Assemblée nationale du 14 décembre 1995).

Votre rapporteur proposera donc un amendement alignant les conditions de perception et d'exonération de la redevance en métropole et dans les DOM.

Les comptes payants sont, en effet, au nombre de 250 700, dont 29 700 pour les postes « noir et blanc » et 221 000 pour les postes « couleur » dans les départements d'outre-mer.

2. La diminution des concours budgétaires à l'audiovisuel public

En 1995, les concours budgétaires à l'audiovisuel public atteignaient 2,1 milliards de francs ; en 1997, ils n'atteindront que 1,1 milliard de francs, soit une diminution de 1 milliard de francs en deux exercices budgétaires.

Répartition et évolution des dotations budgétaires du secteur

public de l'audiovisuel 1994-1996

(En millions Je francs TTC)

Imputation budgétaire

LFI

1995

Exécution 1995

%

LFI 1996

PLF

1997

1. Exonérations de redevance 1.1.Chapitre 46-01-SGPM

INA

103,5

85,5

82,6

0

0

FRANCE 2

193,8

145,3

75

65,6

21,9

FRANCE 3

212,9

99,9

47

67,8

22,3

SEPT ARTE

468

468

100

169,2

0

RFO

71,5

60,2

84,2

45,5

6,4

RADIO FRANCE

53,3

40

75

0

0

RFI

90,7

68

75

107,9

16,1

LA CINQUIEME

306,7

333,5

108,7

348,7

51,1

Total

1500,4

1 300,4

86,6

804,7(1)

117,9

1.2.Chapitre 43-70-Culture

INA(CP)

69.3

69,3

SEPT-ARTE

-

-

-

201,6

142,5

RADIO FRANCE

-

-

-

355,4

353,3

Total

-

-

-

626,4

565,1

Total remboursements exonération de redevance

1 500,4

1 300,4

1431,1 (2)

683

2. Chapitre 42-10-Aff. étr. RFI

449,3

449.3

385,3

451.7 +4,3 (3)

SEPT ARTE

7

9

1

FRANCE 2

17,3

17.3

16

Total (1 et 2)

2 147,1

1776

1 798,6

1 139

(1) Non compris une annulation de 148 millions de francs (arrêté du 27 septembre 1996).

(2) Non compris les annulations de 17,6 millions de francs (arrêté du 27 septembre 1996) et de 21,2 millions de francs (arrêté du 13 novembre 1996).

(3) Contribution du ministère de la Coopération

Source : annexes à la loi de finance

Cette évolution est préoccupante, comme l'a d'ailleurs constaté le Conseil supérieur de l'audiovisuel, chargé, par l'article premier de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication, de « veiller à la qualité et à la diversité des programmes » du secteur public.

Communiqué n° 335 du 31 octobre 1996 du Conseil supérieur de l'audiovisuel

Après avoir pris connaissance du projet de loi de finances pour 1997, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, garant de l'équilibre entre le secteur public et le secteur privé de la télévision, estime de son devoir d'exprimer sa préoccupation face à la réduction des moyens financiers attribués aux chaînes publiques de télévision. En effet, le montant de la redevance destinée à France 2 et à France 3 est diminué de 439,4 millions de francs et les budgets de la Cinquième et de La SEPT sont réduits de 123,2 millions de francs.

Cette diminution risque de mettre le budget de ces chaînes en déficit.

La réduction des financements publics intervient en outre au moment où les chaînes de télévision doivent opérer des choix de développement importants pour leur avenir compte tenu de l'émergence des technologies numériques.

Réduire les financements publics augmente la concurrence avec le secteur privé puisque les chaînes publiques doivent alors assurer leur équilibre en cherchant des ressources sur le marché publicitaire. Les équilibres économiques entre les chaînes nationales hertziennes risquent ainsi d'être perturbés. En outre, une telle situation est en contradiction avec la préoccupation constamment affirmée des pouvoirs publics, et partagée par le Conseil, de voir la recherche de la qualité des programmes l'emporter sur la quête de l'audience à tout prix.

Le Conseil estime donc nécessaire que les chaînes de télévision publiques bénéficient des ressources publiques suffisantes afin d'accompagner leur développement et d'assurer une programmation de qualité.

a) La diminution du remboursement des exonérations de redevance

Alors que le remboursement des exonérations de redevance avait atteint, en 1996, près de 1 400 millions de francs, contre 1 500 millions en 1995, on constate une forte diminution de ce poste, avec 669 millions de francs de remboursement, soit une division par plus de deux.

Évolution des remboursements des exonérations de redevance

(En millions de francs)

1996

1997

Variation

En %

SGPM

787,8

115,5

-672,3

-85,33 %

Culture

611,5

553,5

-58

-9,48 %

Si le montant des exonérations de redevance se maintient - comme on peut le prévoir- en 1997 à hauteur de l'année 1996, soit 2 533 millions de francs, le taux de couverture du remboursement sur les exonérations, qui était de 55 % en 1996, chuterait à 26,4 %.

b) Le maintien des subventions en faveur de l'action audiovisuelle extérieure

En revanche, le ministère des Affaires étrangères fournit un effort en faveur de l'audiovisuel public, avec une progression des crédits qui passent de 385,3 millions de francs, en 1996, à 442,8 millions, pour 1997. Quant au ministère de la Coopération, il contribuera pour 4.2 millions de francs en 1997, contre 1,3 millions en 1996.

c) l'effort de I État en faveur du secteur audiovisuel public en 1997

Après avoir atteint 12 038 millions de francs en 1996, l'effort public, qui inclut, outre les dépenses budgétaires, les dépenses fiscales, sera, en 1997, de 13 713,4 millions de francs.

La redevance audiovisuelle bénéficie en effet d'un taux réduit de TVA à 2.1 %, soit un manque à gagner pour le budget de l'État de 1 675 millions de francs en 1997.

La redevance représente 80 % de l'effort public en faveur de ce secteur.

L'effort public en 1997 en faveur de l'audiovisuel

C. LA REDEVANCE A UDIOVISUELLE DANS TROIS PA YS EUROPÉENS

Cette analyse est riche d'enseignements.


• E
n Allemagne, la redevance est perçue directement par les chaînes publiques, en vertu du principe constitutionnel d'indépendance de l'audiovisuel à l'égard de l'État. Le principe de l'annualité budgétaire s'opposerait, en France, à l'adoption d'un tel système.


• Au Portugal, la suppression de la redevance, en 1991, a profondément bouleversé l'économie du secteur public. Dépendant des crédits budgétaires, il est aujourd'hui obligé de recourir à des économies drastiques de fonctionnement et à des licenciements massifs afin de taire face à la brutale diminution de ses crédits.


• Enfin, en Espagne, la prolifération de l'offre audiovisuelle ayant entraîné une forte diminution des recettes publicitaires, la télévision publique connaît un déficit considérable que l'État ne peut plus assumer. L'introduction d'une taxe sur les téléviseurs, comparable à la redevance, est donc envisagée.

1. En Allemagne, une redevance perçue directement par les chaînes

L'indépendance du financement est une conséquence de l'autonomie du secteur public de l'audiovisuel vis-à-vis de l'État.

Le jugement du Tribunal constitutionnel fédéral, en date du 22 février 1994, considéré la redevance, mode de financement spécifique du secteur public, comme une garantie constitutionnelle d'indépendance à l'égard de l'État. Ce principe a pour conséquence d'interdire à l'État, que ce soit l'État fédéral ou même un Land, de collecter la redevance.

Ce sont les douze établissements publics (les 11 membres de l'ARD) et la ZDF) eux-mêmes qui collectent la redevance par l'intermédiaire d'un département administratif commun qui n'a pas la personnalité juridique : la centrale de perception de la redevance (Gebuhreneinzugszentrale des offentlich-rechtlichen Rumdfunkanslten in des Bundesrepublik Deutschland, ou. plus simplement, GEZ, créée en 1975. Les établissements de l'audiovisuel public en répartissent le produit entre eux, après prélèvements pour les montants affectés.

Le montant de la redevance est garanti pour cinq ans.

Cependant, le montant de la redevance était fixé jusqu'à présent par les ministres-présidents des Lander.

Le montant de la redevance, qui doit être uniforme pour toute l'Allemagne, était fixé dans un contrat d'État ayant force de loi-cadre pour l'ensemble des parties contractantes. Mais c'est en fin de compte l'exécutif qui décidait en dernier ressort du montant de la redevance. Les ministres-présidents s'appuyaient, pour le fixer, sur les travaux d'une commission d'experts, la KEF (Kommission zur Ermittlung des Finanzbedarfs der Rundfunkaustalten - commission pour l'évaluation des besoins budgétaires des établissements de radiodiffusion), constituée en 1975. Celle-ci comprend 5 représentants des Chancelleries des Länder, 5 représentants des cours des comptes des Länder et 6 experts. Chacun des 16 Länder envoie donc un représentant à la KEF, La présidence, sans droit de vote, est assurée par le chef de la Chancellerie d'État du Land de Rhénanie-Palatinat, ce Land assurant la présidence de la radiodiffusion des Länder. La KLF remet tous les deux ans aux ministres-présidents un rapport d'évaluation des besoins des établissements de secteur public.

Le Tribunal constitutionnel allemand a considéré que l'indépendance de cette commission à l'égard de l'exécutif des Länder n'était pas garantie de manière suffisante puisque le plupart de ses membres appartenaient à l'administration ou étaient nommés par elle.

En vertu de ce jugement, à l'expiration du contrat d'État sur le financement de la radiodiffusion, soit avant le 31 décembre 1996, les Länder ont obligation de constituer une commission d'évaluation des besoins financiers du secteur public qui soit réellement indépendante. Pour autant, les chaînes publiques ne décideront pas seules du montant de la redevance, pas plus que les ministres-présidents. La composition de la future commission devra être pluraliste et comprendre des représentants de toutes les parties intéressées : Länder, ARD ZDF, experts, usagers...

Le nouveau contrat, élaboré pendant l'été 1996, est en cours de ratification par les Länder.

Après de nombreux mois de tractations, les ministres-présidents des Länder, signataires de l'accord-cadre, se sont mis d'accord le 5 juillet 1996 sur les points restes jusque la litigieux des révisions a opérer, notamment sur la limitation de la concentration dans les grands groupes audiovisuels privés, la sauvegarde de la diversité dans la programmation des grandes chaînes commerciales, l'augmentation de la redevance pour la radiotélévision et la création de nouvelles chaînes thématiques publiques.

La redevance pour la radio et la télévision a été fixée, du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1996 à 23,80 DM par mois et par foyer. Selon les Länder, entre 4 et 10 % des foyers sont exonérés, en particulier les handicapés, les bénéficiaires de l'aide sociale et les indigents. La redevance va être augmentée, de 4,50 DM, passant à 28,25 DM (environ 96 francs) mensuels au 1er janvier 1997, soit environ 1 150 francs par an. Certains ministres-présidents CDU-CSU étaient opposés à cette augmentation, considérant que les chaînes publiques devaient d'abord faire des économies de fonctionnement, de personnels et même opérer des regroupements pour certaines d'entre elles. A l'inverse, les chaînes elles-mêmes souhaitaient pour la plupart une augmentation supérieure.

La redevance sera répartie de la manière suivante :

- 20,26 DM pour l'ARD (dont 1 1.68 DM pour la télévision et 8.58 DM pour la radio).

- 6,73 DM pour la ZDF.

- 0,69 DM pour Deutschelandradio.

- 0,69 DM pour les Landesmedienanstulte, les organismes de contrôle régionaux des médias,

- enfin, 0,70 DM pour ARTE.

La création de deux nouvelles chaînes publiques thématiques a donc été décidée ainsi que leur financement par la redevance (0,30 DM pour les deux chaînes).


• Une chaîne documentaire (Ereignis und Dokumentationskanal), nommée « Phoenix » et installée à Cologne, doit proposer, dès avril 1997, outre les retransmissions des débats parlementaires allemands et européens, des commentaires, des analyses et des reportages politiques, des documentaires économiques et sociaux, mais en aucun cas se transformer en chaîne d'information.


• Une chaîne pour enfants doit démarrer à Erfürt en janvier 1997.

2. Au Portugal, la suppression de la redevance

La situation financière préoccupante de la télévision publique portugaise (RTP) depuis la suppression de la redevance en janvier 1991 a conduit les pouvoirs publics à proposer un plan de sauvetage prévoyant une importante réduction du personnel (suppression de 38 % des effectifs) et la redéfinition du mode de financement public, avec le souci de juguler la croissance des dépenses de fonctionnement.

a) Le statut de la télévision publique portugaise : une société anonyme ci capitaux publics

Créée par décret-loi le 2 décembre 1975 sous la forme d'une entreprise publique, la Radiotelevisao Portuguesa (RTP) a été transformée en société anonyme à capitaux publics, la RTP SA, par la loi du 14 août 1992

La RTP fonctionne sous le régime de la concession de service public. La concession fait l'objet d'un contrat renouvelable tous les 15 ans entre l'État et la RTP. Un nouveau contrat est actuellement en cours de négociation entre l'État (Secrétariat d'État à la Communication sociale) et la RTP.

Le contrat en vigueur date du 17 mars 1993. Il porte sur la concession des deux chaînes nationales RTP1 (chaîne généraliste) et RTP2 (à vocation éducative et culturelle), RTP Açores et RTP Madeira (chaînes locales destinées aux archipels de Madère et des Açores), ainsi que sur les émissions internationales de la télévision publique portugaise R TP1 (RTP internacional). Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé en juillet 1996 le lancement à l'automne 1996 de RTP-Africa, chaîne portugaise à des pays lusophones d'Afrique : Angola. Cap Vert, Guinée Bissao, Mozambique et Sac Tome.

La RTP employait 2 065 personnes en 1994. Selon certaines estimations, la RTP emploierait actuellement près de 2 500 personnes.

Les grandes orientations de la RTP (rapports d'activité, budget, programmation, négociations des contrats de concession avec l'État) sont définies par un conseil d'opinion composé de 37 membres (5 représentants de l'Assemblée de la République, 3 membres désignés par le Gouvernement. 2 représentants des syndicats,

2 représentants des organisations patronales, ainsi que des représentants des associations de jeunes, de téléspectateurs consommateurs, des maires, etc.).

b) Un mode de financement reposant sur des crédits budgétaires et les ressources publicitaires.

Le capital de la RTP avait été initialement fixé à 7,3 milliards d'escudos ( ( * )5) par la loi du 14 août 1992. Depuis 1993, l'État a procédé à trois reprises à des augmentations du capital de la RTP.

Augmentation du capital de la RTP

Année

1993

1994

1995

Total 93/96

Montant en milliards d'escudos

5,4

12,8

10

28,2

Depuis l'abolition de la redevance en 1991 (Décret-loi 53 91 du 26 janvier 1991), qui représente un manque à gagner de plus de 5 milliards financement : (selon les chiffres de 1990), la RTP dispose de deux sources de financement : les subventions de l'État et les recettes provenant de la publicité.

Les subventions de l'État prennent la forme d'indemnités compensatoires versées annuellement à titre de contrepartie pour des prestations de service public, selon des modalités définies dans le contrat de concession.

Or, la diminution de ces deux ressources a causé des difficultés financières considérables au secteur audiovisuel public portugais.

c) Une évoluti o n préoccupante des résultats financiers

Le budget pour 1995 devait être équilibré.

Le rapport d'activités de la RTP pour 1995 fournissait les chiffres suivants :

Résultats de l'exercice 1995

(En milliards d escudos)

Recettes

Dépenses

Indemnités compensatoires (prévues)

26,4

Coûts de fonctionnement

20,6

Recettes publicitaires

14,7

Sous-traitance (achats de produits et de services hors RTP)

21.2

Total

41,1

Total

41,8

Il faut rappeler que la RTP a connu une forte augmentation des coûts de fonctionnement qui ont atteint 20,6 milliards d'escudos en 1995, ce qui représente une augmentation de 3,55 milliards, soit 19 % en un an.

Mais l'État portugais, qui s'était engagé, en 1995, à verser, 26,4 milliards d'escudos n'a pu, en définitive, acquitter qu'une somme de 7,2 milliards, soit 3,6 fois moins !

En 1996, ce scénario pourrait se reproduire.

Alors que l'État portugais s'est engagé à verser 14,5 milliards d'escudos, la RTP n'avait perçu, au 15 octobre 1996, que 1,8 milliard d'escudos au titre de 1996. Le versement du solde étant conditionné par la signature, imminente, d'un nouveau contrat de concession, dont le contenu a déjà été approuvé par le Conseil d'orientation de la RTP et qui devrait être rapidement adopté en Conseil des ministres.

Depuis la suppression de la redevance, les crédits budgétaires versés s'établissent comme suit :

Indemnités compensatoires versées à la RTP

Année

1992

1993

1994

1995

1996*

Montant en milliards d'escudos

0,6

7,1

7,145

7,2

14,5

* Prévisions

On notera le caractère particulièrement brutal de l'année 1992 qui a vu la redevance disparaître sans être immédiatement compensée par des crédits budgétaires.

En outre, la diminution des crédits publics n'a pas été compensée par une augmentation, à due concurrence, des recettes publicitaires.

Le rapport d'activité de la RTP pour 1995 (rendu public le 20 octobre 1996) indique que celle-ci a facturé 14,7 milliards d'escudos en 1995 contre 25 milliards en 1993 et 28,2 milliards en 1992, soit une division par deux ou trois des recettes publicitaires en trois ans. Elles sont néanmoins supérieures -de deux fois- aux crédits budgétaires qui ont été versés en 1995.

La part de RTP sur le marché publicitaire, d'un montant total de 35 milliards d'escudos, représenterait 42 %, ce qui correspond aux audiences additionnées des deux chaînes publiques RTP1 et RTP.

Dans le rapport qu'elle vient de remettre au Gouvernement, le 15 octobre 1996, la commission de réflexion sur l'avenir de la télévision souligne l'étroitesse du marché publicitaire au Portugal, qui à terme ne sera pas suffisant pour financer les quatre chaînes de télévision existant actuellement au Portugal.

d) De sombres perspectives pour la télévision publique portugaise

Une réflexion s'est engagée au Portugal sur l'avenir de la télévision publique. Devant l'évolution préoccupante de la situation financière de la RTP, les pouvoirs publics ont été conduits à s'interroger sur les causes et la gravité des dysfonctionnements des chaînes publiques.

Confrontés à la montée exponentielle des déficits de la RTP, à l'importance croissante des recettes publicitaires dans le budget du secteur public (deux fois les crédits publics en 1995) et à l'impossibilité -pour des raisons politiques évidentes - de rétablir la redevance, les pouvoirs publics en ont conclu à la nécessité de redéfinir les missions de la télévision publique et de procéder à une profonde réforme structurelle de la RTP.

Le Secrétaire d'État à la communication sociale. M. Aron de Carvalho, s'est inquiété de l'évolution de la RTP, qui mène en réalité une politique de chaîne commerciale, livrant une concurrence impitoyable (et coûteuse) à la chaîne privée SIC, créée en 1992, (qui bénéficie de 50 % d'audience), dont elle copie, à grands frais, la ligne éditoriale (sitcoms, feuilletons, jeux, variétés), au détriment de ses missions de service public.

Le projet de contrat approuvé par le Conseil d'opinion de la RTP prévoit un retour aux sources, et accorde la priorité aux missions informatives et culturelles incombant à la télévision publique.

Ce retour aux sources suppose une redéfinition des moyens de la RTP. Le Gouvernement a donc approuvé en août 1996 un plan de restructuration de la RTP, connu sous le nom de Plan Coelho, du nom du ministre adjoint à la Présidence du Conseil des ministres, qui est notamment en charge de l'administration publique et de la communication. Ce plan vise à assainir la situation financière de la RTP en assurant une meilleure maîtrise de la croissance des coûts de fonctionnement.

Selon certaines indications, ce plan (dont les modalités n'ont pas été officiellement publiées jusqu'ici), prévoirait les mesures suivantes :

- la suppression, étalée sur quatre ans, de 800 postes de travail (soit 38% des effectifs),

- l'accroissement des aides de l'État, qui représenteront 96 milliards d'escudos de 1996 à l'an 2000 (soit une moyenne de 25 milliards d'escudos par an), divisées en indemnités compensatoires et en augmentations de capital,

- la réduction de la publicité sur les chaînes publiques,

- l'introduction de la télévision codée payante (cela pourrait concerner la seconde chaîne RTP2),

Le Secrétaire d'État à la Communication sociale. M. Aron de Carvalho, a marqué le souci du Gouvernement de réduire la dépendance de la RTP à l'égard des recettes publicitaires. Cela suppose un accroissement significatif du montant des aides publiques qui pourrait être porté à 25 milliards d'escudos par an, ce qui correspondrait à la moyenne européenne, de 0,18 % du PIB. Deux variantes seraient envisagées à ce stade : suppression des publicités le samedi et le dimanche ou bien plafonnement du temps de publicité quotidien (en particulier aux heures de grande écoute).

La mise en oeuvre du plan Coelho dépendra de l'inscription de moyens ad hoc dans le budget 1997. En tout état de cause, la situation critique de la RTP exige une réforme de son financement et une réduction des coûts.

3. Vers une redevance en Espagne ?

Le maintien de la Radio Television Espanola (RTVE) nécessite des strictions budgétaires drastiques, l'État ne pouvant plus assumer les 7 m illiards de francs de pertes annuelles.

Le nouveau directeur général de la télévision publique ( ( * )6) . Mme Monica Ridruejo prévoit que la prolifération de l'offre télévisuelle, par le câble ou le satellite, entraînera, dans les trois ou quatre ans à venir, une baisse d'audience de la télévision publique espagnole, donc une forte diminution des recettes publicitaires. De nouveaux moyens de financement de la RTVE seraient donc à envisager, parmi lesquels l'introduction d'une taxe sur les téléviseurs (comparable à la redevance en France). En dépit des hypothèses envisagées au cours des mois précédents, la société de télévision devrait rester dans le domaine public, ce qui ne sera pas le cas de certaines chaînes régionales.

Les retransmissions de la Coupe du Monde de football et des Jeux Olympiques n'ayant pas été prévues dans le budget, la nouvelle direction a demandé à l'État une aide de 320 millions de francs pour le second semestre 1996. Son projet de budget n'a toutefois pas obtenu la majorité des voix du conseil d'administration.

A ce climat d'incertitude s'ajoute le mécontentement du personnel de la RTVE, touché par de nombreux licenciements, notamment parmi les journalistes.

Les demandes formulées par le directeur général de la société, pour combler une partie de la dette n'ont été que très partiellement acceptées par le Gouvernement puisque des 5,3 milliards de francs demandés, 450 millions de francs seulement lui ont été accordés. En 1996, les pertes de la RTVE s'élèveront à 4 milliards de francs, et sa dette accumulée atteindra 10,4 milliards de francs. Pour 1997, un déficit de plus de 6 milliards de francs et une dette de 18 milliards de francs sont d'ores et déjà prévus. La Chambre des députés a toutefois demandé que l'augmentation de la dette se limite à 7 milliards de francs en 1997. A ces difficultés financières s'ajoute une crise au sein de la société, provoquée par l'annonce de deux mille licenciements et par la récente démission du secrétaire général de la RTVE.

Enfin, le rapport de la Cour des comptes sur la gestion du prédécesseur de l'actuelle directrice vient d'être publié. L'ancien directeur général aurait omis d'inscrire, au budget de 1992 et 1993, 3 milliards de francs dont 64 millions versés à Warner Bros. De façon plus générale, il est reproché à l'ancienne équipe d'avoir consacré de très fortes sommes à la production et à l'achat de programmes, afin de maintenir l'audience de la télévision publique face aux chaînes privées. Ces investissements seraient à l'origine des difficultés financières rencontrées par la RTVE, qui devra, avant la fin de l'année, régler 1,8 milliard de francs, non budgétisés.

La situation actuelle entraînera, sans aucun doute, une restructuration de la RTVE. La privatisation ayant été écartée, le Gouvernement envisage plusieurs autres solutions. L'instauration d'une redevance qui pourrait rapporter annuellement 5,4 milliards de francs est fortement critiquée et peu opportune dans la situation politique et économique actuelle. Aussi le porte-parole - socialiste - de la commission de contrôle de la RTVE. appelle-t-il le PP et le PSOE à trouver un consensus quant aux mesures à adopter. Les autres possibilités évoquées par le Gouvernement pour redresser la RTVE à l'horizon de l'an 2000 sont les alliances avec les chaînes privées et le lancement avec les chaînes privées et le lancement de la télévision numérique. C'est dans cette perspective qu'un plan de restructuration au Gouvernement a été présenté. L'avenir de la télévision publique reste encore incertain.

D. L'ÉVOLUTION DE LA PUBLICITÉ ET DU PARRAINAGE EN 1995-1996

1. L'audience du secteur public en 1995-1996

De 1994 à 1996, la progression de l'audience du secteur public s'est établie principalement aux dépens de TF1 (- 3.5 points entre janvier-juin 94 et janvier-juin 96) qui régresse à 36,2 %.

France 2, après un tassement de son audience sur la fin de l'année 94, entame une reconquête de son public pour réaliser 23,8 % sur le premier semestre 96. Canal +, d'une saison à l'autre, oscille entre 3.8 % et 4.5 %. Après une longue période de stabilité de son audience. M6 se montre plus agressive et progresse de 0,6 point pour atteindre 12,2 % sur les six premiers mois de 1996.

En 1994, après une progression régulière de son audience, France 3 obtenait une part de marché de 15,7 % en moyenne du lundi au dimanche. En 1995, la chaîne réalise élargissement de son auditoire pour atteindre 17,6 % de part d'audience. Sur les six premiers mois de l'année 96, les résultats de France 3 se sont stabilisés à 17,7%.

2. Le marché publicitaire en 1995-1996

a) En 1995

Le mouvement de reprise du marché publicitaire français observé en 1994 s'est ralenti en 1995 (-4,1 %).

En effet, la plupart des marchés publicitaires ont connu un tassement de leur progression comme celui de la presse (+ 2,8 %) ou de l'affichage (- 2 % ). voire une stagnation comme celui de la radio ou du cinéma. Une fois encore, le marché publicitaire de la télévision a connu la plus forte progression (+ 7,5 %). Avec 16,6 milliards de francs en 1995, il demeure le second marché publicitaire français avec une part de 35,6 %, derrière la presse (43,3 %).

Les recettes nettes de publicité et de parrainage des chaînes nationales hertziennes de télévision en 1995 ont augmenté de 9 % pour atteindre 13 032 millions de francs.

b) Au premier semestre 1996

Les investissements publicitaires bruts trimédia (presse, télévision, radio) ont progressé de 5,4 % au premier semestre 1996 par rapport aux six premiers mois de l'année précédente, pour atteindre 27,744 milliards de francs. La croissance du marché est, une fois de plus, largement alimentée par la télévision, dont les investissements ont augmenté de 10,6 % à 11.475 milliards. Cette hausse lui permet de franchir la barre des 40 % de part de marché, principalement au détriment de la presse écrite.

Avec 12,524 milliards de recettes, cette dernière progresse moins que le marché trimédia (+ 2,56 %) par rapport au premier semestre 1995 et perd donc des parts de marché (-1,3 point, à 45 %). même si elle reste le premier média publicitaire. Quant à la radio, elle affiche une quasi stabilité de ses ressources (+ 0,7 %. à 3,775 milliards) et connaît un effritement de sa part de marché (- 0,6 point, à 13,6 %).

La progression du marché trimédia constatée par la Secodip masque en réalité une situation assez difficile pour l'ensemble des médias. Dans la presse, les insertions publicitaires ont baissé de 5 % par rapport au premier semestre 1995. A la télévision, le nombre de spots diffusés a diminué de 0,3 %, alors qu'il y a peu, il affichait une progression à deux chiffres. Il en est de même à la radio, où le nombre de messages publicitaires a régressé de 6 %.

Ce décalage entre ordres bruts et insertions, ainsi qu'entre valeur et volume, est dû à la méthodologie de Secodip, qui ne tient pas compte des dégressifs, de la valorisation des opérations spéciales (encarts, suppléments, etc.), ni de l'inflation des taux de commercialisation. En se contentant des tarifs bruts, l'institut occulte les négociations commerciales qui, de l'avis général, s'intensifient en cette fin d'année.

A la télévision, le premier semestre de 1995 a été marqué par un léger essoufflement (- 0,3 %) du nombre de spots diffusés. Après plusieurs années d'importante progression (+14,9% en 1995/1994), les chaînes nationales ont programmé 213 867 spots publicitaires au premier semestre 1996, contre 214 560 au premier semestre 1995. Si la tendance à la baisse est très nette pour M6 et France 3 (- 7 % . à respectivement 47 000 et 38 000 spots) et, dans une moindre mesure, pour TF1 (- 1 %. à 62 000 spots), ce n'est pas le cas pour France 2 (+ 6 % à 52 000 spots). De même Canal - et La Cinquième ont diffusé davantage de spots : + 2 % à 9 000 spots pour la chaîne cryptée et + 100 % à 6 000 spots pour la chaîne de la connaissance, du savoir et le l'emploi.

Pour autant, le nombre d'écrans publicitaires a progressé de 7 % à 31 684 unités. En fait, seule TF1 a réduit le nombre de ses écrans (- 3 %). En revanche, ceux-ci sont restés stables sur M6 et en hausse sur les autres écrans : + 3 % sur France 2, + 4 % sur Canal +, + 8 % sur France 3 et - 100 % sur La Cinquième. Autrement dit, les chaînes semblent avoir tenu compte des critiques formulées à rencontre des tunnels publicitaires.

L'analyse des résultats du premier semestre 1996 confirme la prédominance du secteur alimentaire, qui reste le premier annonceur de la télévision, avec plus de 3 milliards de francs investis (+ 5 % par rapport au premier semestre 1995), même s'il perd 1,3 point de part de marché. Le secteur toilette-beauté est à la deuxième place, devant le transport, mais il est le seul à reculer (- 4 % ) et passe sous la barre de 1,5 milliard de francs. En fait, ces trois familles de produits ont représenté plus de la moitié des investissements publicitaires au premier semestre (52 % ).

c) La part du secteur public sur le marché publicitaire

La part de marché de la télévision dans l'ensemble des médias s'est élevée, en 1995, 33 % selon l'IREP contre 31,9 % en 1994, et 31,2 % en 1993.

La presse écrite représente encore le premier média en chiffre d'affaires (y compris les petites annonces), avec 47.4 % en 1995, mais sa part de marché régresse régulièrement, de même que celle des autres médias, affichage, cinéma et radio.

La télévision est, en revanche, le seul des cinq grands médias dont la par de marché progresse : 31,2 % en 1993 ; 31,9 % et 33 % en 1995.

Evolution du marché publicitaire 1994-1995

(En millions de francs)

Part d`audience

Chiffre d'affaires publicité et parrainage

1994

1995

Évolution 94/95

(en %)

1994

1995

Évolution 94/95 (en %)

France 2

25,0

23,8

- 1,2

2 256

2 397

+ 6,3

France 3

15,7

17,7

+ 2,0

1 097

1 538

+ 40,2

Secteur public

40,7

41,5

+ 0,8

3 353

3 935

+ 17,4

TF1

39,5

37,3

-2,2

6 560

6 838

+ 4,2

M6

11,4

11,5

+ 0,1

1 664

1 850

+ 11,2

Canal +

4,6

4,4

-0,2

394

409

+ 3,8

Secteur privé

55,5

53,2

-2,3

8 618

9 097

+ 5,6

Source : Médiamétrie - Comptes annuels des chaînes

Malgré ces évolutions, les équilibres du marché publicitaire restent stables puisque le secteur privé (TF1, M6, Canal +) réalise une part de marché de 72 % contre 28 % pour le secteur public. Cette proportion s'élevait à 27,2 % en 1994 et 26,3 % en 1993.

La part de marché, en valeur, du secteur public de télévision dans l'ensemble des investissements publicitaires dans les médias croît régulièrement pour atteindre près de 10 % en 1995, tandis que celle du secteur privé semble se stabiliser autour de 23 %.

En 1995, France 3 a bénéficié d'une hausse spectaculaire (+ 40,2 %) récoltant les fruits de la progression constante de sa part d'audience (17,7 %) M6, malgré la stabilisation de sa part d'audience (11,5 %), voit ses recettes publicitaires s'élever de + 11,2%. Enfin, alors que les parts d'audience de TF1 (37,3%) et de France 2 (23,8%) s'érodent, leurs recettes publicitaires progressent respectivement de 4,3 % et de 4,2 % et de 6,3 %.

Part du secteur public dans les investissements publicitaires en télévision

1993

1994

1995

Télévision publique

26,3

27,2

28,9

Télévision privée

73,7

72,8

71,1

Ensemble télévision hertzienne

100,0

100,0

100,0

Source SECODIP

Estimation de la part du secteur public de télévision dans l'ensemble des médias

1993

1994

1995

Télévision publique

8,2

8,7

9,5

Télévision privée

23,0

23,2

23,5

Ensemble télévision hertzienne

31,2

31,9

33,0

(Estimation SJTIC à partir de données IREP & SECOD1P)

Estimation de l'évolution des recettes publicitaires

du secteur public et du secteur privé de télévision

1994/1993

1995/1994

Télévision publique

9,5

12,3

Télévision privée

6,5

6,0

Ensemble télévision hertzienne

7,3

7,7

(Estimation SJTIC à partir de données IREP & SECODIP)

Les investissements publicitaires dans le secteur public de la télévision auraient donc augmenté en valeur de près de 10% en 1994 et d'environ 12 % en 1995, tandis que le secteur privé de télévision hertzienne n'aurait connu une progression que de 6 % environ en 1994 et en 1995, les autres médias (radio, presse écrite, cinéma et affichage) enregistrant des progressions bien inférieures, à l'exception ponctuelle du cinéma en 1995.

Deux autres mesures peuvent être prises en compte pour comparer les poids respectifs du secteur public et du secteur privé : la durée totale annuelle des écrans publicitaires et le nombre total annuel d'insertions (ou « spots »).

Évolution de la durée totale annuelle des écrans publicitaires

1994/1993

1995/1994

Télévision publique

22,6

30,3

Télévision privée

16,8

13,5

Ensemble télévision hertzienne

18,9

19,8

Source SECODIP

Part du secteur public en durée totale annuelle des écrans publicitaires

1993

1994

1995

Télévision publique

36,4

37,5

40,8

Télévision privée

63,6

62,5

59,2

Ensemble télévision hertzienne

100,0

100.0

100,0

Source SECODIP

Évolution du nombre total annuel d'insertions publicitaires

1994/1993

1995/1994

Télévision publique

20,8

27,4

Télévision privée

15,8

10,3

Ensemble télévision hertzienne

17,6

16,8

Source SECODIP

Part du secteur public en nombre total annuel d'insertions publicitaires

1993

1994

1995

Télévision publique

37,2

38.2

41,6

Télévision privée

62.8

61.8

58,4

Ensemble télévision hertzienne

100,0

100,0

100,0

Source SFCOD1P

Si l'on considère la durée totale des écrans publicitaires ou le nombre total d'insertions, la progression du secteur public, tant en valeur absolue qu'en part de marché, est encore plus nette que sa progression en valeur.

Cela signifie que la croissance du secteur public repose principalement sur une plus forte augmentation des spots à coût unitaire faible (tranches horaires hors « prime-time »).

De plus, alors que l'augmentation de la pression publicitaire en quantité s'est ralentie en 1995 sur l'ensemble du secteur privé (augmentation de la durée de + 13,5 % en 1995 contre + 16,8 % en 1994), le secteur public, quant à lui, a enregistré l'an dernier une forte accélération du volume (durée totale en hausse de 30,3 % en 1995 contre 22,6 % en 1994).

d) Trop de pub tue la pub ?

La progression des écrans publicitaires depuis 10 ans est impressionnante et l'augmentation de la durée globale de diffusion, due à l'arrivée de nouvelles chaînes et à l'extension de la diffusion diurne (le matin) ou nocturne n'explique pas entièrement cette augmentation.

La hausse du nombre de spots diffusés s'est accompagnée d'une augmentation de la durée des écrans publicitaires, particulièrement au sein des chaînes publiques, qui ne peuvent couper les oeuvres cinématographiques qu'ils diffusent, ce qui les conduit à insérer avant et après les films de véritables « tunnels publicitaires » dont l'efficacité est de plus en plus aléatoire.

Le budget pour 1997 ne fera qu'aggraver cette situation pour France Télévision. Il est à craindre que les annonceurs désertent des écrans de moins en mois regardés. Trop de pub sur le secteur public pourrait tuer la pub.

Trois fois plus de messages publicitaires à la télévision en 10 ans

1986

1987*

1988

1989

1990

1991

1992**

1993

1994

1995

Nombre de spots

140 317

174 819

167 964

228 381

252 164

294 221

307 216

329 432

574 105

429 928

Durée annuelle (1)

52 970

62 806

57 962

78 743

89 306

102 127

106 261

110 271

126 646

148 540

Nombre de marques

1 746

2 049

2 023

2 221

2 436

2 567 7

2 731

3 059

3 423

3 577

(1) En minutes. * Début de M6. ** Arrêt de La 5.

3. Le déplafonnement des écrans publicitaires de TF1 : quelles conséquences ?

Depuis 1987, TF1 s'est volontairement engagé à limiter à 4 minutes la durée moyenne de coupure publicitaires au milieu des films, la directive Télévision sans Frontières imposant seulement un plafond de 9 minutes par en moyenne M6 étant, pour sa part, autorisé à porter cette coupure à 6 minutes.

La délibération du Conseil supérieur de l'audiovisuel du 31 juillet 1996 validant la décision de TF1 d'abandonner son engagement volontaire, pris en 1987, de limiter à 4 minutes la durée des coupures au milieu des films, et permettant ainsi à la chaîne de s'aligner sur M6, a été vivement critiquée par la presse.

En effet, même si cet aménagement du régime publicitaire n'affecte ni le volume global, ni la durée quotidienne, ni la durée totale, ni la durée maximum, ni le nombre de coupures qui sont fixés par la loi et des décrets en Conseil d'État, le volume publicitaire supplémentaire de TF1 a été évalué dans un premier temps, à une somme comprise entre 100 et 700 millions de francs.

Votre rapporteur est en mesure aujourd'hui de fournir des indications plus précises.

a) L'estimation du CSA

Après l'avoir estimé dans un premier temps à une fourchette maximale comprise entre 117 et 205 millions de francs, les services du CSA ont considéré que le gain net, pour TF1, d'une coupure publicitaire pouvant atteindre 6 minutes (au lieu de 4), ne dépassera pas entre 65 millions de francs et 100 millions de francs de recettes supplémentaires par an.

Cette évaluation procède d'une série de postulats. Certains d'entre eux peuvent paraître discutables.

(1) Ne seraient concernés que les films de cinéma et les fictions TV de 90 minutes

La limitation à 4 minutes de la coupure des écrans publicitaires ne portait juridiquement que sur les coupures publicitaires des films de cinéma et des fictions dites de longue durée : TF1 a, depuis 1987, la faculté de couper pendant 6 minutes maximum toutes les autres fictions TV de moins d une heure.

Le fait que la chaîne n'utilisait pas jusqu'à présent cette latitude, forte d'une stratégie commerciale basée sur la totalité de ses écrans volontairement limités en durée à 4' 20", signifie-t-il pour autant qu'elle continuera à le faire ?

On peut en douter car il y aurait quelque incohérence à juxtaposer écrans longs et écrans autolimités à 4' 20". Avec des coupures pouvant aller jusqu'à 6 minutes, TF1 pourrait être amenée à changer sa politique commerciale, qui la distinguait jusqu'à présent sur le marché. En effet, le différentiel tarifaire entre "écran de coupure" et "écran charnière" va devenir trop fort pour que l'on n'assiste pas tôt ou tard à un allongement de tous les écrans de coupure, non seulement dans les fictions de moins de 60, mais même dans les autres émissions.

(2) Une autolimitation à cinq minutes ?

Compte tenu du butoir à 12 minutes par heure glissante, le CSA estime que les coupures des films et des fictions TV (longues) n'excéderont pas en moyenne 5 minutes. Cette limite affectera, en effet, les tranches horaires les plus encombrées, l'effet volume. Toutefois, deux correctifs doivent être apportés à l'analyse du CSA :

- La chaîne cherchera à optimiser la valeur marchande de son espace publicitaire en déplaçant les minutes autorisées là où la tarification est la plus élevée. Rien ne permet d'affirmer que ce sont précisément les écrans de coupure, toujours plus attractifs, qui seront systématiquement limités en durée. Il est possible de respecter la limite des 12 minutes en réduisant "l'écran charnière" qui suit l'émission mais dont le prix est moindre.

- Le CSA aurait réalisé une simulation sur une seule soirée de programmation ce qui est manifestement trop court.

(3) La longueur moyenne des spots

Le CSA retient dans son calcul des spots à 30 secondes. Or, la durée moyenne des spots diffusés en 1995 par TF1 est de 20,5 secondes : pour l'ensemble des régies, plus un spot est court, plus le tarif moyen à la seconde diffusée est élevé. En raisonnant sur des spots de 30" en moyenne, on minore le gain de chiffre d'affaires d'environ 20 %.

(4) Le taux de régie

Le calcul du CSA est établi en « net chaîne », déduction faite des frais de régie. Le taux retenu par le CSA est de 15 %. Or, ce taux ne semble pas correspondre aux documents comptables publiés par le groupe TF1, les frais de régie devant être plus proches de 7 % du chiffre d'affaires net facturé.

Ensuite, pour mesurer l'impact sur le marché, il est nécessaire de raisonner en tarif net facturé aux annonceurs : l'abattement à appliquer au chiffre d'affaires brut tarif ne devrait pas excéder 33 % pour TF1 (et non pas 45 %).

Pour sa part, l'agence Médiapolis a évalué, le 6 août 1996, le gain pour TF1 à 413 millions de francs de « chiffre d'affaires brut tarif », à partir d'une analyse portant sur les seuls films de cinéma et fictions TV et France Espace à 450 millions de francs « brut tarif » pour les seuls écrans associés aux films de cinéma et aux fictions TV.

b) Une estimation plus pertinente porte à 450 millions de francs le surplus de recettes publicitaires attendues

En 1995, TF1 a diffusé 2 648 écrans de "coupure" au sein de fictions TV ou de films de cinéma : la durée moyenne de ces écrans est très proche des 4 minutes autorisées.

Le chiffre d'affaires brut tarif correspondant a représenté

2 862 millions de francs, soit 26 % du chiffre d'affaires total de la chaîne (source Secodip).

Autoriser des coupures de 6 minutes peut avoir pour TF1 plusieurs types de conséquences sur la publicité collectée par cette chaîne :

(1) Sur les écrans associés à la diffusion des films et des fictions TV

- TF1 pourrait bénéficier d'un effet prix résultant du différentiel de tarif entre "l'écran charnière" et "l'écran de coupure". A volume constant mais réparti autrement, le gain pourrait approcher 8 % sur le seul chiffre d'affaires de ces écrans, soit 240 millions de francs par an en 1996.

- A cet effet, il convient d'ajouter un effet volume , en considérant l'attractivité publicitaire accrue de la grille par un accroissement net de la durée totale commercialisée (dans la limite de 12' par heure glissante). En effet, dans certaines cases. TF1 ne diffuse que deux écrans de 4' par heure glissante. Compte tenu de la demande très forte sur ces tranches, ces écrans devraient s'approcher des 6', TF1 compensant le transfert de volume sur les écrans de coupure. L'effet volume peut être estimé à un gain supplémentaire de 210 millions de francs.

Au total, sur le seul chiffre d'affaires directement associe à la diffusion des films de cinéma et des fictions TV de toute nature, le gain pour TF1 pourrait approcher 450 millions de francs (en brut tarif).

(2) Sur l'ensemble de la grille et la politique commerciale de TF1

Si TF1 a demandé l'extension à 6 minutes des écrans de coupure des films et Fictions TV, alors la chaîne pourrait réviser radicalement sa stratégie commerciale actuelle basée sur une « autolimitation » générale de la durée de tous ses écrans à 4'20".

L'incidence de cette mesure ne se limitera pas aux seules tranches de fictions et de cinéma mais devrait porter sur l'ensemble de la grille.

L'optimisation tarifaire notamment devrait concerner tous les écrans de coupure sur quelles qu'émissions qu'ils portent (variétés, tranches jeunesse...).

Dans ce cas, le gain de chiffre d'affaires peut atteindre + 785 millions de francs, à volume constant.

Si on considère que l'accroissement net de volume diffusé ne porte réellement que sur les seules tranches de fictions et de cinéma, le gain total pourrait atteindre le milliard de francs par an. Il pourrait être encore plus élevé si l'accroissement net des durées vendues portait aussi sur d'autres parties de la grille.

A l'objection selon laquelle un écran plus long perd en audience, on peut estimer que les écrans de coupure sont d'une telle puissance que la prime au leader, dont profite TF1 (coût/contact plus élevé), compensera le fléchissement de l'audience : d'autre part, TF1 peut moduler sa tarification des écrans de coupure en tenant compte de l'emplacement des spots au sein de cet écran.

En conclusion :

- le gain en année pleine est compris entre 450 millions de francs au minimum et 1 000 millions de francs, selon que la chaîne révise ou non sa stratégie commerciale, sans parler d'une modification de la structure même de sa grille : le milieu de la fourchette, soit 750 millions de francs en chiffre d'affaires brut tarif, peut être retenu.

- la position dominante de TF1 (actuellement 51.5% du marché publicitaire) est renforcée sur un marché concurrentiel déjà très étroit : la chaîne pourrait regagner entre 2 et 3 points de part de marché.

c) L'incidence de la mesure sur les outres supports

L'attractivité de la grille de TF1 va se trouver fortement accrue pour les acheteurs d'espace publicitaire. Cette mesure pourrait se traduire par deux types de transfert de budget :

Transfert entre les médias

Le poids de TF1 sur le marché publicitaire télévisé est tel (51,5 %) que le renforcement très sensible de son offre d'espace pourrait ne pas être sans incidence sur les autres grands médias.

Pour certains gros investisseurs, en effet, on constate une tendance à la diversification des médias utilisés du fait de l'accroissement de la demande en espaces télévisés : l'allongement de la durée des écrans de coupure de TF1 élargit les capacités de la télévision pour le marché.

Ce transfert est toutefois difficile à mesurer. A plus ou moins brève échéance, on peut l'estimer au moins à 20 % du gain par TF1, le reste étant pris au sein du marché TV lui-même.

Pour le mesurer en valeur, il faut raisonner en budget réellement payé par les annonceurs, en tenant compte des conditions tarifaires et commerciales qui leur sont consenties et qui ne sont pas les mêmes selon les médias.

Si TF1 obtient 750 millions de budget supplémentaire par an, en brut tarif, cela représente environ 525 millions de francs de ressources nettes supplémentaires facturées aux annonceurs.

Si 20 % proviennent des autres médias (radio, presse...), cela représente 100 millions de francs en net facturé et au moins 200 millions de francs en brut tarif qui leur sont prélevés.

Au sein même du secteur télévisuel

Environ, 420 millions de francs (en « net payé » par les annonceurs) devraient être transférés entre les chaînes, au détriment de France Télévision en quasi-totalité. En effet, Canal + est peu concernée du fait des caractéristiques de son offre publicitaire (cibles visées, petit nombre d'écrans...). Pour sa part, M6 a déjà la faculté de couper des émissions jusqu'à 6 minutes et devrait peu en ressentir les effets, les annonceurs qui investissent sur cette chaîne achetant plus l'économie que la puissance. En revanche, France 2 et France 3, dont l'offre publicitaire se concentre nécessairement sur les "écrans charnières" entre émissions, n'ont pas d'autre alternative à opposer à une concurrence très renforcée que l'accroissement de leur audience.

A audience constante, la perte pour France Télévision pourrait atteindre 300 millions de francs en net antenne (au sens de la loi de finances) en année pleine. Pour 1997, si la mesure ne s'applique qu'à partir du printemps (avril), le manque à gagner serait de l'ordre de 200 millions de francs en net antenne.

E. LES RESSOURCES PROPRES DU SECTEUR PUBLIC EN 1995-1996

1. Une approbation parlementaire « formelle » en 1995

L'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que, chaque année, le Parlement « approuve le produit attendu des recettes provenant de la publicité de marques ».

On peut donc s'interroger sur le caractère normatif d'une telle disposition lorsque l'on étudie la réalisation effective des dotations de ressources publicitaires des sociétés du secteur public de l'audiovisuel.

L'article 58 de la loi de finances pour 1995 disposait in fine :

« Est approuvé, pour l'exercice 1995, le produit attendu des recettes des sociétés du secteur public de la communication audiovisuelle provenant de la publicité, pour un montant de 2 932,6 millions de francs hors taxes ».

Une première approche permet cependant de découvrir que les réalisations ont nettement dépassé les prévisions, avec 3760 millions de francs environ ainsi répartis :

(En millions de francs)

Prévisions de la LF1

1995

Réalisations

1995

Écart en %

France 2

1 865,4

2 133,7

+ 14,4

France 3

880

1 446,6

+ 64,4

RFO

87

74,3

- 14,6

Radio France

70,7

97,2

+ 37,7

RFI

4,5

0,8

- 82,2

La Cinquième

25

6,4

- 74,4

Toutefois les chiffres des réalisations pour 1995 sont surévalués, dans la mesure où le chiffre d'affaires de la régie est diminué d'un premier prélèvement au titre des frais de « commission de régie », puis d'un second au profit du Compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels.

Par chaîne, la comparaison entre les objectifs assignés par le législateur (Loi de finances) et les réalisations (en net reçu par l'antenne -hors accords chaînes), validées par le conseil d'administration du 6 mai l996, a été la suivante :

(En millions de francs)

France 2

1993

1994

1995

Objectif publicité

1 760

1 810

1865

Résultats publicité

1 653

1 883

2 015

Objectif parrainage

80

92

112

Résultats parrainage

102

134

123

Taux de réalisation globale

95,4 %

106,0 %

108,1 %

En conclusion, France 2 a dépassé de 8 % l'objectif de publicité retenu par la loi de finances pour 1995.

(En millions de francs)

France 3

1993

1994

1995

Objectif publicité

760

880

880

Résultats publicité

802

923

1 357

Objectif parrainage

65

51

60

Résultats parrainage

63

76

90

Taux de réalisation globale

104,8 %

107,3 %

153,9 %

En conclusion, France 3 a dépassé de 477 millions de francs, soit près de 54 %, l'objectif publicitaire qui lui était assigné par la loi de finances.

Cette situation pose deux questions au Parlement :

1/ l'évolution des ressources publicitaires de France 3 en 1995 était-elle prévisible lorsque la loi de finances a été présentée au Parlement ?

2/ l'approbation parlementaire du produit attendu des recettes de Publicité a-t-elle un sens ?

REPRENONS :

1/ Il est très difficile de répondre à la première question.

Toutefois, les pouvoirs publics auraient dû être d'autant plus prudents qu'en 1994 déjà, les recettes collectées par France Télévision sur le marché publicitaire avaient fortement progressé par rapport à l'exercice précédent (de plus de 400 millions de francs).

De surcroît, pour France 3, on doit constater que l'objectif de recettes publicitaires réalisé en 1994, qui s'élevait à 923 millions de francs, était d'ores et déjà supérieur à l'objectif fixé par la tutelle pour 1995, soit 880 millions de francs (chiffre présenté comme légèrement surévalué par rapport à la réalité du marché en raison des « campagnes publiques en en faveur des privatisations » ( ( * )7) ).

Une évaluation plus précise de l'évolution du marché publicitaire aurait pu conduire la tutelle à fixer des objectifs plus réalistes. En effet, le montant total des ressources collectées au profit des chaînes (en chiffre d'affaires net antenne) a. de 1993 à 1995, évolué comme suit :

Ensemble des recettes collectées

net antenne y compris accords chaînes

(En millions de francs hors taxe)

France Télévision

1993

1994

1995

Montant des ressources collectées

2 661

3 062

3 628

Progression

+ 183

+ 401

+ 566

Progression en %

+ 7

+ 15

+ 18

La progression de 47 % des ressources publicitaires effectivement collectées par France 3 en 1995, par rapport à 1994 - soit près d'un demi milliard de francs - est toutefois surprenante. Votre rapporteur ne comprend pas comment les services compétents aient pu aussi mal apprécier la situation.

2/ L'importance d'un tel écart conduit à s'interroger sur la portée réelle de l'approbation parlementaire demandée chaque année, en application de l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986.

En étant aussi éloigné de la réalité, que peut bien signifier le vote du Parlement ? Et quel est alors le rôle du pouvoir législatif ?

2. Les objectifs pour 1996 sont-ils également sous-estimés ?

Telle est la question que votre rapporteur doit maintenant poser.

Les objectifs fixés par la loi de finances pour 1996 étaient globalement en progression de 9,1 % par rapport à ceux fixés par la loi de finances pour 1995 mais restent inférieurs aux réalisations 1995 (ces objectifs s'entendent en ressources nettes, déduction faite de la commission de régie et du versement au Compte de soutien des industries de programmes). Il semble à l'évidence que les leçons de l'année 1995 n'aient pas été tirées.

Publicité

(En millions Je francs hors taxes)

1995

1996

Évolution en %

Loi de

Finances

Réalisation

Loi de

Finances

LDF 95

Réalisation

95

France 2

1 865

2 015

1 995

+ 6,5

- 1,0

France 3

880

1 357

1 025

+ 14,1

- 32,4

Total France Télévision

2 745

3 372

3 020

- 9,1

- 11,6

Il est surprenant, une fois encore, de constater un écart important, de près d'un tiers, entre les recettes publicitaires attendues en 1996 pour France 3 et les recettes réalisées en 1995. Les recettes publicitaires attendues pour France 2 en 1996 diminueraient également très légèrement par rapport aux réalisations de 1995.

Tout cela est-il réaliste ?

La progression des recettes publicitaires de la télévision semble, en effet, inscrite dans la durée. En 1995, les investissements publicitaires sur les grands médias ont progressé globalement de + 8,7 % par rapport à l'année précédente. Les investissements « télévision » (en chiffre d'affaires brut Secodip) ont augmenté de 11,8 % par rapport à 1994.

Le montant total des achats d'espace publicitaire télévisé a atteint 21 milliards en 1995 (en données brutes relevées par Secodip) contre 18,8 milliards en 1994, correspondant à une progression de 11,8 %.

TF1 a recueilli 51,7 % des investissements publicitaires télévisés en 1995 : sa progression étant inférieure à celle de l'ensemble des chaînes, TF1 perd 1,8 point de part de marché par rapport à 1994 (53,5 %).

M6 continue à bénéficier d'une croissance élevée avec une hausse des investissements publicitaires de + 14,4%, ce qui lui permet d'atteindre 15,9 % de part de marché (contre 15,5 % en 94).

France Télévision a bénéficié en 1995 d'une progression de 18,6 % du total des investissements publicitaires bruts qui lui sont affectés. Sa part de marché publicitaire totale passe de 26,3 % en 1993 à 27,2% en 1994 et à 28,8 % en 1995. Hors espaces commercialisés sur « accords chaînes », le chiffre d'affaires publicitaire réalisé en 1995 a été le suivant :

(En millions de francs hors taxes)

France 2

France 3

8)

3 550

2 375

9)

2 015

1 357

Le début de l'année 1996 permet d'espérer de nouveau une « bonne année » publicitaire de la télévision, malgré l'arrêt des investissements au second semestre.

Le premier semestre 1996 a connu une évolution des investissements « télévision » de + 10,6 % : les achats d'espaces sur France 2 et sur France 3 augmentent de 18 % avec un gain de part de marché de 1,9 point par rapport au premier semestre de l'année précédente, la progression ayant été particulièrement forte en janvier-février.

Pour réaliser les objectifs adoptés par les conseils d'administration des chaînes (en chiffre d'affaires net antenne), l'espace publicitaire commercialisé en 1996 devra représenter en chiffre d'affaires brut les montants ci-après :

(En millions de francs hors taxes)

France 2

France 3

Chiffre d'affaires brut corrigé

3 645

1 910

Chiffre d'affaires net antenne

2 015

1 050

Les recettes publicitaires pourraient être légèrement supérieures en 1996 à celles approuvées par le Parlement en raison des bonnes performances d'audience du secteur public.

Alors que la part d'audience des programmes a crû de + 1,9 point entre 1993 et 1996 (1er semestre) pour les téléspectateurs de 4 ans et plus et qu'elle est restée presque stable sur la cible des ménagères de moins de 50 ans, la part de marché publicitaire de France Télévision a augmenté de 3,7 points, atteignant 30 % à la fin du premier semestre 1996.

Au 31 juillet 1996, on pouvait considérer, sous réserve du dernier trimestre 1996, que les objectifs publicitaires fixés par la loi de finances 1996 devraient de nouveau être dépassés pour les deux chaînes, mais de façon plus marquée pour France 3 que pour France 2, malgré le retournement du marché publicitaire au second semestre 1996.

En effet, au 30 juin 1996 :

- les recettes publicitaires de France 2 atteignaient 1 114 millions de, francs, pour un montant prévu de 2 015,4 millions, soit 55,2 % des recettes de l'année,

- celles de France 3 atteignaient déjà 759 millions de francs, contre 1050 millions de francs attendus, soit 72,3 % !

Si les recettes publicitaires progressent au même rythme jusqu'en décembre 1996, les résultats pourraient atteindre 2 220 millions de francs pour France 2 et 1 520 millions de francs pour France 3, soit un dépassement de, respectivement, 10 % et 45 % !

Une nouvelle fois, l'approbation parlementaire pourrait donc être dépassée.

3. L'augmentation des ressources publicitaires prévue pour 1997

La baisse des ressources publiques de près de 500 millions de francs sera - selon le projet de loi de finances pour 1997 - compensée par une progression des ressources propres de près de 700 millions de francs. Une fois de plus - et pour un niveau jamais atteint jusqu'à ce jour - la tutelle utilise les ressources publicitaires comme variable d'ajustement du budget du secteur public de l'audiovisuel, selon le principe des vases communicants. Mais la tutelle n'a aucune prise sur le montant de cette variable, sinon la responsabilité de mettre un chiffre sur le papier ; précisément le chiffre qui permet de présenter un budget en équilibre...

a) Une augmentation prévisionnelle qui a pour objectif de compenser la baisse des concours publics à l'audiovisuel

Dans le projet de loi de finances pour 1997, les ressources publiques du secteur de la communication audiovisuelle diminuent fortement (- 496,6 millions de francs) et les chaînes devront faire appel, de façon plus importante (+ 19 %), à la publicité.

Équilibre du budget 1997 de l'audiovisuel public en volume

(En millions de francs)

1996

1997

Variation

Ressources publiques

12 529,5

12 038

- 3,92 %

Ressources propres

4 226,4

4 934,8

+ 14,35 %

Dont publicité

3 235.6

4 000

+ 19,11 %

Équilibre du budget 1997 de l'audiovisuel public en valeur

1995

1996

1997

Ressources publiques

75,5

74,6

70,8

Publicité et parrainage

19,3

20,5

25

Autres ressources propres

5,2

4,9

4,2


• Les recettes de publicité et de parrainage s'élèveraient à 4 248 millions de francs en 1997, soit un accroissement de 802,1 millions de francs par rapport au projet de loi de finances pour 1996.

Cette progression est entièrement due aux prévisions de rentrées publicitaires. Elles s'établissent à 4 milliards de francs pour 1997. Le parrainage enregistrerait, pour sa part, un léger tassement de 26,1 millions de francs par rapport à 1996.

On peut cependant noter pour le présent projet de loi de finances un effort d'ajustement entre les prévisions de recettes publicitaires, manifestement sous-évaluées en 1995 et en 1996, et celles de 1997.

Mais nul ne sait vraiment ce qu'il en sera en 1997...


• Les autres ressources propres, y compris les services rendus aux administrations, s'élèvent à 714 millions de francs, en diminution de 46 millions par rapport au projet de loi de finances pour 1996 et de 24,5 millions par rapport aux budgets votés en conseil d'administration.

b) L'augmentation est encore plus nette si l'on raisonne sur les recettes publicitaires brutes de France Télévision

La présentation des budgets d'exploitation prévisionnels des sociétés du secteur public de l'audiovisuel dans le jaune budgétaire est traditionnellement biaisée par deux corrections qui n'en facilitent pas la lecture, ni la comparaison d'une année sur l'autre.

Tout d'abord, le montant indiqué de la redevance inclut les versements au COSIP. Or, les ressources réelles des sociétés devraient être évaluées, déduction faite de ce versement.

Ensuite, le montant indiqué des recettes commerciales ne comprend ni les frais de régie, ni les sommes correspondant au prélèvement pour le COSIP qu'il convient d'ajouter, pour apprécier correctement la ressource publicitaire réellement collectée par les sociétés.

En conclusion, la présentation traditionnelle faite par la tutelle minore les recettes publicitaires et majore la redevance.

Il conviendrait à l'avenir de mettre fin à cette anomalie de présentation afin d'en améliorer la transparence.

Si l'on établit le budget d'exploitation prévisionnel de France 2 et de France 3 pour les années 1996 et 1997 en « supprimant » ces corrections, et si l'on tient compte du fait que la totalité de la part de remboursement des exonérations de redevance destinée à ces deux chaînes ne sera vraisemblablement pas versée en 1996, on aboutit aux résultats suivants :

France 2

1996

%

1997

%

Redevance (1)

2 446,4

} 51

2 250

} 46,5

Subventions

0(4)

21,5

Publicité (2)

2 111,5

} 47

2 417.2

} 52

Parrainage

142.1

125

Autres recettes (3)

90

2

70

1,5

Total

4 790

100

4 883,7

(1) Hors versement fait au COSIP par les chaînes. Il s'agit donc des dotations que les chaînes ont reçues ou recevront réellement.

(2)Y compris le versement fait au COSIP par les chaînes.

(3) Recettes commerciales, recettes diverses et produits financiers.

(4) Aucun remboursement d'exonérations de redevance ne sera versé à France 2 en 1996.

France 3

1996

%

1997

%

Redevance (1) Subventions

3 356,5

0(4)

} 67,3

3 137,1

21,8

} 59,3

Publicité (2) Parrainage

1 084,7

101,5

} 23,8

1 676,9

87

} 33,1

Autres recettes (3)

435,9

8,7

400,4

7,5

Total

4 987,6

100

5 323,2

100

Autrement dit, les ressources publicitaires et le parrainage vont représenter 52 % des ressources de France 2 en 1997 contre 47 % en 1996, et 33 % des ressources de France 3 en 1997 contre 23,8 % en 1996.

Pour la première fois depuis 1990, la part des ressources propres de France 2 repasse la barre symbolique des 50 % : les ressources publiques (redevance et subvention) qui s'élevaient, en 1996, à 51 %, ne seront plus, en 1997, que de 46,5 %.

La part de la publicité dans les ressources propres de France 2 progresse donc de 5 points.

La part de la publicité dans les ressources propres de France 3 progresse, pour sa part, de près de dix points.

Dans ces conditions, on peut s'interroger sur les risques de changement de la ligne éditoriale en 1997. Les leçons de la crise du printemps 1996 ont-elles vraiment été tirées ?

c) Les prévisions de ressources publicitaires pour 1997 paraissent trop optimistes

Les perspectives de ressources publicitaires pour 1997 semblent (délibérément ?) trop optimistes.

Rappelons qu'elles pourraient progresser de près de 290 millions de francs pour France 2 (+ 14,5 %) et de près de 560 millions de francs pour France 3 (+ 54,6 %).

Les calculs de la tutelle ont pris en compte une stabilisation par rapport aux prévisions de recettes réelles des chaînes, mais non l'évolution de la conjoncture économique générale.

Or, dans un contexte économique morose, les budgets publicitaires seront en baisse pour 1997 : les budgets de communication, les plus flexibles, sont les premiers touchés lors d'un ralentissement économique.

Si le premier semestre a vu une progression de 11 %, les trois premiers mois du second semestre (août, septembre, octobre) ont connu une nette diminution de cette progression. Ainsi. France Espace a-t-il communiqué un tarif moyen en baisse de 15 % pour mars 1997 par rapport à octobre 1996.

Dans ce contexte, on pourrait craindre que les annonceurs ne sacrifient, au sein de leurs « plans médias », les supports qui ont le plus faible GRP ( ( * )10) , comme France 3, laquelle bénéficie d'une audience plus faible que France 2 ou TF1. En outre, France 3 subit une érosion sensible de son audience depuis l'été 1996 (- 1,5 point) et a paru rétrospectivement trop chère. Elle pourrait perdre en conséquence des parts importantes de marché publicitaire en 1997.

II- LES EFFORTS D'ÉCONOMIES ONT EMPÊCHÉ L'INDISPENSABLE RECONSTRUCTION DU BUDGET 1997 DE L'AUDIOVTSUEL PUBLIC

A- LES PROPOSITIONS D'ÉCONOMIES DU RAPPORT DE LA MISSION D'AUDIT DU SECTEUR PUBLIC DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

Les gisements d'économies sont chiffrés par le rapport entre 275 et 690 millions de francs. Cet écart important résulte de la prise en compte, ou non, du transfert de l'entretien des réémetteurs des chaînes hertziennes vers les collectivités locales, d'un montant de 400 millions de francs, et dont le principe est très contestable.

L'ampleur de ce transfert, au moment où les ressources des collectivités locales ont tendance à diminuer, a conduit le Gouvernement à ne pas retenir cette mesure, ce que votre rapporteur ne peut qu'approuver.


• La renégociation des contrats avec les animateurs producteurs : 140 millions de francs.


• La modification de la politique d'abandon de droits à France 2 : environ 60 millions de francs.


• La rationalisation des unités régionales de production de France 3 : entre 5 et 15 millions de francs.


• La limitation des frais de structure pour les présidences et les services de communication : 20 millions de francs.


• Les économies de diffusion sur TDF : entre 50 et 400 millions de francs.

Si l'on excepte le transfert des frais d'exploitation et de maintenance de TDF vers les collectivités locales, les économies réalisables préconisées par le rapport de la mission d'audit s'élèvent entre 275 et 290 millions de francs.

L'effort d'économies demandé au secteur public audiovisuel, chiffré par le Gouvernement à 616,6 millions de francs, est donc sans précédent.

B. LES ÉCONOMIES PROPOSÉES PAR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1997

Elles retiennent, sur une année, les propositions de la mission d'audit, destinées à s'appliquer sur plusieurs années.

1. Des économies ambitieuses...

Le niveau des budgets des sociétés du secteur audiovisuel public est fixé à

17 milliard de francs, soit un montant supérieur de 200,1 million de

francs à celui prévu en loi de finances pour 1996

(16 799,9 millions de francs).

Les budgets ont été établis selon la procédure suivante : après identification des besoins d'ajustements nécessaires à la stricte reconduction de l'activité, un volant important d'économies est demandé, ainsi qu'une enveloppe de mesures nouvelles limitées pour 1997 à quelques actions particulièrement sélectionnées.

a) Les ajustements nécessaires à la couverture des besoins à activité inchangée

Estimés dans un premier temps à 318,4 millions de francs, ils s'élèveront, en 1997, à 420,2 millions de francs, répartis comme suit :


Les dépenses de personnel représentent la part la plus importante des ajustements nécessaires en sus des budgets votés par les conseils d'administration (139,3 millions de francs).

Il s'agit d'une part, du glissement de 2,5 % sur les salaires et, d'autre part, de diverses mesures de mise à niveau liées à l'évolution réelle des charges et cotisations sociales, aux conséquences des accords sociaux passés au profit des journalistes à l'automne 1994 et à la montée en charge de la banque de programmes de Radio France.


• L'actualisation des programmes et des versements à prévoir pour les sociétés d'auteurs et le compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels (COSIP) est prise en compte pour 60,5 millions de francs.


Les charges de diffusion entraînent un ajustement de 52,6 millions de francs.


• Les impôts et taxes une charge supplémentaire de 39,3 millions de francs.


• Les autres charges faisant l'objet d'un ajustement s'élèvent à 26,7 millions de francs et sont constituées de diverses opérations dont les plus importantes concernent la réévaluation de la contribution de la SEPT/ARTE au profit du GEIE, l'augmentation des dotations aux amortissements et le projet immobilier de RFO à Tahiti.


• Un ajustement de 109 millions de francs a été ajouté. Il correspond à des charges inéluctables pour France 2 et France 3 qui ne pourront être financées en 1996 : ces opérations seront par conséquent différées en 1997.

b) Les économies du secteur public en 1997

Les économies sont fixées à 616,6 millions de francs.

Sur ce montant, une fraction (72,2 millions de francs) a été proposée dès le début de la procédure budgétaire par certains organismes.

Il s'agit pour RFO de l'effet, en 1997, du plan social intervenu en 1996, pour France 3 d'une diminution des dotations aux amortissements et des frais financiers et pour France 2 et France 3 de la renégociation des contrats avec les sociétés d'auteurs et d'un ajustement négatif sur des événements sportifs intervenus en 1996 sans suite en 1997.

Toutefois, l'essentiel des économies (544,4 millions de francs) relève de décisions gouvernementales prises à la suite du rapport de la mission d'audit du secteur public de la communication audiovisuelle remis en juillet 1996.

Compte tenu de leur ampleur, elles ne peuvent se réaliser qu'au prix de réformes de structure importantes, au nombre de neuf :

La fusion de la SEPT/ARTE et de La Cinquième devrait permettre une économie de 142,2 millions de francs.

Les économies à dégager sur le budget de programmes de France 2 constituent une somme importante avec 205 millions de francs, compte tenu de la renégociation des contrats avec les animateurs-producteurs et de la nécessité d'une meilleure gestion des stocks de programmes et de droits par l'entreprise.

La réduction des effectifs des présidences et des services de communication devrait s'élever à 20 millions de francs.

L'abandon par Radio France de la diffusion en ondes moyennes de France Inter dégagera 40 millions de francs.

La réduction de l'activité de production régionale de France 3 est estimée à 15 millions de francs d'économies.

La non poursuite de la diffusion, à titre expérimental, d'ARTE et de La Cinquième en analogique sur Eutelsat économisera 14,2 millions de francs.

Le gel de l'extension du cinquième réseau est évalué à 10 millions de francs.

De façon forfaitaire, 50,6 millions de francs sont imputés à France 3, l'INA, RFO, Radio France et RFI.

L'économie globale des coûts de diffusion apporte une marge de manoeuvre supplémentaire de 47,4 millions de francs.

c) Les mesures nouvelles

Elles sont limitées à 65,1 millions de francs.

Les projets retenus concernent :

1- le lancement d'une radio pour la jeunesse par Radio France (15 millions de francs)

2- le financement de la dernière tranche du plan de développement des émetteurs à ondes courtes d'Allouis Issoudun pour RFI (10,1 millions de francs).

3- Enfin, et sous réserve de la réalisation des économies inscrites par ailleurs, France 2 et France 3 pourraient disposer de 20 millions de francs chacune dans le cadre de leurs politiques de développement.

Deux de ces mesures appellent certaines observations.


• la budgétisation d'une somme de 15 millions de francs pour le lancement d'une radio semble d'ores et déjà insuffisante :
le projet nécessite en réalité de 30 à 35 millions de francs. Le solde devrait être finance par Radio France par des redéploiements internes. Or, ces derniers financent déjà les ajustements automatiques, pour lesquels la radio publique n'a reçu aucun financement supplémentaire en 1997.

Quinze millions de francs, c'est à la fois trop pour pouvoir abandonner le projet et pas assez pour le lancer sans avoir besoin des ressources propres de Radio-France. Ce financement risque donc de susciter des tensions internes dans les autres radios du groupe public.


la budgétisation d'une somme de 40 millions de francs pour France 2 et France 3 « afin de financer leurs politiques de développement » risque d'être entièrement absorbée par le financement du bouquet TPS.
Il est dommage de résumer au seul secteur du numérique le développement des chaînes de la télévision publique.

En outre, comme on le verra ultérieurement, le financement du bouquet TPS n'est pas exempt d'interrogations.

2. ...Qu'il sera nécessaire de préciser...

a) Les économies de structure

Le rapprochement entre la SEPT/ARTE et de La Cinquième () devrait permettre une économie de 142,2 millions de francs.


Les économies demandées à La Cinquième : 76,4 millions de francs.

Les économies seront en réalité supérieures. En effet, la structure de financement du budget de la chaîne a changé : alors qu'en 1996, la redevance (384,2 millions) et les exonérations de redevance (341,5 millions) étaient relativement équilibrées, les ressources publiques de la chaîne proviendront, en 1997, massivement de la redevance (588 millions) et relativement peu des remboursements d'exonération (50 millions).

Or, le versement de la redevance est taxé par un prélèvement au bénéfice du COSIP, d'un montant évalué à 12 millions de francs, ce qui diminuera d'autant les ressources publiques.

Les économies de fonctionnement représenteront 35 millions de francs, et les économies sur les programmes, 40 millions de francs. Si l'on enlève les coûts de diffusion (qui représentent 125 millions de francs en 1996), les économies demandées s'élèveront à 25 % des dépenses de programmes, ce qui conduira la chaîne à recourir davantage à la multidiffusion, à augmenter ses achats et à réduire l'acquisition de programmes inédits.

Il serait regrettable que ces économies portent sur la troisième fenêtre qui est enfin en train de s'ouvrir timidement, avec la banque de programmes et de services.


Les économies demandées à la SEPT ARTE : 65,8 millions de francs.

Si les économies demandées apparaissent proportionnellement moins importantes, c'est que la grille de programme de la SEPT a un coût structurellement plus élevé que La Cinquième, pour deux raisons : d'une part, elle diffuse en Allemagne et en Europe centrale et orientale, ce qui renchérit les droits de diffusion : d'autre part, elle diffuse des fictions, et non des documentaires, qui ont un coût plus élevé.

b) Les économies de fonctionnement

La réduction des effectifs des présidences et des services de communication () devrait s'élever à 20 millions de francs.

Bien que ce poste d'économies soit commun à l'ensemble des sociétés du secteur public, on imagine que les deux chaînes les plus concernées sont celles dont la fusion est annoncée.

Les économies à dégager sur le budget de programmes de France 2 ( ) constituent une somme importante avec 205 millions de francs décomposant en :

- renégociation des contrats avec les animateurs-producteurs estimée à 140 millions de francs ;

- une meilleure gestion des stocks de programmes et de droits par l'entreprise : évaluée à 65 millions de francs.

Les économies proposées sur le budget de France Télévision paraissent toutefois difficiles à atteindre. Côté dépenses, les conséquences de l'accord avec l'USPA (qui porte la contribution de la chaîne à l'effort d'investissement dans la production audiovisuelle à 17% de son chiffre d'affaires), pour un montant d'environ 50 à 60 millions de francs pour chaque chaîne, n'ont pas été prises en compte. De même l'inflation des achats de droits sportifs et de films, conséquence de la bataille que se livrent les diffuseurs sur le marché numérique, se répercute sur les droits de diffusion des chaînes en clair, ce qui n'a pas non plus été pris en compte.

Pour France 2, les 205 millions de francs d'économies imposées « au budget de programme de France 2 » vont dépasser nettement les seuls postes de la renégociation des contrats avec les animateurs-producteurs (dont l'économie nette est estimée à 140 millions en 1997) et la meilleure gestion des stocks de programmes et de droits par l'entreprise (60 millions d'économies attendues).

Si la renégociation des contrats des animateurs-producteurs a bien permis de réaliser 347 millions de francs d'économies, le coût des émissions de remplacement (251 millions de francs) n'a pas été pris en compte.

L'économie nette ne sera donc que de 69,6 millions de francs en 1997. Les évolutions à conduire dans la politique de dépréciation de France Télévision nécessiteront plus d'un exercice budgétaire pour être mises en oeuvre. Les économies ont donc été surestimées. En outre, elles sous-entendent une stabilité des coûts et du chiffre d'affaires de France 2, et mettent entre parenthèses le budget rectificatif de 1996.

Pour France 3, ni le retournement du marché publicitaire depuis l'été 1996 -sans doute peu prévisible-, ni l'effet du rallongement des écrans publicitaires de TF1 n'ont été pris en compte. Les recettes publicitaires pour 1997 ont été surestimées. Il peut paraître également curieux d'exiger des économies de la part de France 3 sur ce qui fait la spécificité de sa ligne éditoriale, à savoir l'activité de production régionale ( réduction de 15 millions de francs).

Les économies sur la diffusion sont également déroutantes.

Les décisions (abandon par Radio France de la diffusion en ondes moyennes de France Inter - 40 millions de francs), (non poursuite de la diffusion, à titre expérimental. d'ARTE et de La Cinquième en analogique sur Eutelsat - 14,2 millions de francs). (gel de l'extension du cinquième réseau - 10 millions de francs), et (économie globale des coûts de diffusion - 47,4 de francs) posent une question de principe et une question de cohérence.

Sur le plan des principes, est-il admissible, au regard de l'autonomie des entreprises publiques, que l'État s'immisce dans les relations commerciales entre les sociétés du secteur public ? L'État a décidé des économies de diffusion de façon autoritaire, sans concertation, au mépris des relations commerciales et des contrats privés (lesquels font la loi des parties) conclus entre TDF et les diffuseurs, ce qui conduit TDF à réclamer des dédits importants.

Les décisions relatives aux économies de diffusion ont, bien évidemment, des répercussions sur le chiffre d'affaires de TDF, ce qui semble avoir été oublié par la tutelle lorsqu'elle a pris cette décision.

Sur le plan de la cohérence , rappelons que l'une des mesures nouvelles importantes du précédent budget était l'extension de la diffusion du cinquième canal sur le satellite et sur le réseau hertzien pour un montant total, pour les deux chaînes, de 63,4 millions de francs.

Afin d'étendre la diffusion hertzienne du cinquième réseau, approuvée par le Parlement, des contrats ont été conclus, en juillet 1996, avec TDF portant sur une commande de 400 émetteurs, pour un montant de 10 millions de francs. Trois mois après, ces contrats, auxquels participaient de nombreuses collectivités locales, se sont vu remis en cause.

La diffusion en analogique à partir du premier semestre 1996 de la SEPT - ARTE sur EUTELSAT, puis, de même que la Cinquième, en numérique, à compter du deuxième semestre 1996 se voit également remise en cause, alors qu'il s'agissait d'une mesure nouvelle présentée par le Gouvernement dans le précédent budget et approuvée par le Parlement.

De même, Radio-France a demandé à TDF, au mois de juillet 1996, d'investir dans le réseau OM et de le rénover, alors que la tutelle demande son abandon en 1997... Ajoutons que ce réseau représente 7 % de l'audience de Radio-France sur les ondes OM-OL, qui représentent 50 % de l'audience totale de la radio publique, les 50 % restants de l'audience étant effectués sur la FM, ce qui représente une audience non négligeable.

Enfin, les économies forfaitaires ( : 50,6 millions de francs imputés à France 3, l'INA, RFO, Radio France et RFI) imposeront un effort de rigueur accru aux opérateurs.

Ces économies directes pourraient être aggravées par des économies indirectes. Par exemple, France 2 et France 3 pourraient être conduits à diminuer unilatéralement le chiffre d'affaires qu'ils assurent à l'INA pour les prestations d'archivage.

C. LES MODIFICA TIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NA TIONALE

L'Assemblée nationale a majoré de 2,5 millions de francs les crédits du chapitre 43-70, article 10, Contribution de l'État au remboursement des exonérations forfaitaires de redevance.

La dotation de cet article, qui était de 565,1 millions de francs, s'élève désormais à 567,6 millions de francs, soit une modification de 0,4 %.

ANNEXE AU CHAPITRE PREMIER

L'ÉCONOMIE DES TÉLÉVISIONS LOCALES

Toutes les grandes démocraties occidentales ont favorisé le développement de télévisions locales.

Hormis quelques chaînes locales, la France fait exception.

Le développement de la télévision locale a été freiné pour protéger les ressources de la presse quotidienne régionale, et pour lui réserver la quasi exclusivité du marché publicitaire local. La quasi inexistence des télévisions locales n'a pourtant pas empêché la baisse d'audience de la presse écrite.

Face au recul de la presse quotidienne régionale, aucun média local n'a pris le relais.

Pourtant, la crise urbaine n'est pas sans lien avec la distanciation des liens sociaux, due en partie à l'épuisement des modes d'intégration social, dont l'information de proximité. Les média remplissent une incontestable fonction sociale. Les télévisions locales pourraient jouer le rôle de « machines à recoudre les villes qui craquent » , pour reprendre l'expression de l'association nationale des télévisions de ville ( ( * )11) .

Le Sénat ne pouvait rester insensible à cette dimension locale de la Politique audiovisuelle.

À l'initiative de votre Rapporteur, la commission des Finances a donc saisi, le 29 janvier 1996, en application de l'article 18, alinéa 4 de la loi n° 1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le Conseil supérieur de l'audiovisuel d'une étude relative aux « télévisions de proximité ».

Votre Rapporteur a ensuite consulté les principales parties intéressées, comme l'association nationale des télévisions de ville, l'association des villes câblées ou le syndicat de la presse quotidienne régionale.

I. L'ÉTUDE DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AUDIOVISUEL SUR LES TÉLÉVISIONS DE PROXIMITÉ

A. LA MULTIPLICITÉ DES EXPÉRIENCES DE TÉLÉVISIONS LOCALES
N'A PAS EMPÊCHÉ LEUR ÉCHEC

1. La diversité des expériences

Selon l'étude du Conseil supérieur de l'audiovisuel réalisée à la demande de la commission des Finances du Sénat, plus de 130 expériences de télévisions locales ont été mises en oeuvre en France : 13 chaînes hertziennes « autonomes », 44 décrochages locaux de chaînes nationales, 40 télévisions temporaires et 40 canaux locaux du câble.

Ces expériences se regroupent en deux pôles : d'une part, les programmations locales de complément, diffusées en décrochage d'une chaîne nationale, d'autre part les programmations locales autonomes . La réglementation distingue en outre la diffusion hertzienne de la diffusion câblée et institue des régimes d'autorisation distincts.

Les télévisions locales d'outre-mer et les télévisions temporaires ont des spécificités qui les distinguent des trois principales catégories de télévision locale que constituent les décrochages des chaînes nationales, les télévisions locales hertziennes indépendantes, les canaux locaux du câble lesquels représentent les expériences les plus significatives.

a) Les décrochages locaux de chaînes nationales

(1) France 3

Chaîne généraliste du secteur public. France 3 a eu dès l'origine une vocation particulière de chaîne locale et surtout régionale. En 1994, elle a diffusé 16 690 heures de programmes, 10 288 heures cumulées pour les antennes régionales (soit 62 % de sa durée totale de diffusion) pour seulement 6 402 heures au titre de son antenne nationale (soit 38 % du total).

Depuis 1990, elle a développé une programmation complémentaire d'information locale, sous la forme de 19 éditions d'un journal de six minutes, en décrochage des programmes régionaux, dans des capitales régionales, des villes moyennes ou des pays, avec l'utilisation, le cas échéant, de langues régionale. Des éditions d'information -transfrontalière ou départementale- ont également été réalisées. Des accords de reprise -en multidiffusion- sur des réseaux câblés ont été conclus.

Ces éditions ont contribué au succès de la tranche horaire 19/20 heures, qui a largement contribué à la progression globale de audience de la chaîne. Ce succès prouverait, si besoin était, la forte demande d'information locale de la part du public.

(2) M6

Proposé dans le projet de candidature au sixième réseau, le développement de la télévision de proximité constitue désormais une obligation de la chaîne, comme le précise la décision d'autorisation du 26 février 1987.

Le cadre juridique de ces programmes locaux a évolué ( ( * )12) et la chaîne est en conflit avec le CSA pour étendre ses décrochages à Lille et Lyon.

M6 effectue dix décrochages locaux d'une durée de 6-7 minutes ( ( * )13) ; ils sont diffusés sur une zone représentant 20 % de la couverture nationale ( ( * )14) de la chaîne pour un coût global de 50 millions de francs. Ces décrochages sont réalisés en collaboration avec des quotidiens de la presse régionale. Leur audience, comme pour France 3, est excellente puisqu'elle est sensiblement supérieure à celle du programme national.

La chaîne s'est vu refuser, par le CSA, le 25 septembre 1995, un décrochage quotidien sur Lyon, en raison de la situation financière fragile de la télévision locale TLM. Elle a par ailleurs proposé un autre décrochage sur Lille, mais les conditions mises par le CSA ont conduit M6 à y renoncer.

b) Les télévisions hertziennes indépendantes

Elles émanent d'opérateurs indépendants des diffuseurs nationaux. Prévues par la loi de 1982, elles ne virent leurs règles d'exploitation précisées que par la loi du 13 décembre 1985 et un décret du 30 septembre 1986. Depuis 1987, seules 5 télévisions locales hertziennes terrestres ont été autorisées ( ( * )15) .

On distingue les télévisions « de ville », TLM et TLT, contrôlées par des filiales de la Compagnie générale des eaux, des télévisions « de pays », appartenant à des industriels locaux.

Leur format local permet l'aménagement de la réglementation nationale en matière de programmation, qui leur est toutefois pleinement applicable en théorie. Offrant quasi exclusivement des programmes de flux, leurs obligations en matière de quotas de diffusion et de production sont assouplies ; par ailleurs, la durée des écrans publicitaires ne peut excéder 9 minutes par heure quotidienne. En contrepartie, le CSA a inclus dans leurs conventions une clause selon laquelle au moins 10 % de la durée de leur programme doivent être consacrés aux « arts et spectacles vivant dans la région ». Elles doivent par ailleurs favoriser « la diffusion des différentes formes d'expression de l'identité culturelle locale et régionale ».

Leur programmation est assurée en majorité par une production propre et elle est organisée sous la forme de modules multi-diffusés dans la journée.

Elles bénéficient d'une forte notoriété et d'une bonne audience cumulée ( ( * )16) .

c) Les canaux locaux du câble

Alors que la loi du 1er août 1984 avait rendu obligatoire la création de canaux locaux du câble par l'opérateur local, la loi du 30 septembre 1986 a rendu cette disposition facultative.

Une chaîne locale représente, pour les câblo-opérateurs, un produit d'appel favorable au développement des réseaux câblés. Ces services peuvent être des services de télévision, conventionnés auprès du CSA, ou des services vidéographiques, déclarés auprès du CSA.

L'intérêt porté aux chaînes locales câblées a varié depuis 1984. Après une phase d'intenses innovations, le développement de chaînes thématiques a été, à partir de 1988, privilégié par les câblo-opérateurs au détriment des canaux locaux. Depuis 1992, un nouvel élan en leur faveur est perceptible. On compte, en 1996, 40 télévisions locales et une douzaine de services vidéographiques distribués sur les réseaux câblés.

On distingue les télévisions locales du câble des petites communes, qui éditent des magazines d'information locale d'une durée hebdomadaire de 15 minutes à

2 heures, de celles des agglomérations urbaines, qui incluent jusqu'à 30 % du temps de diffusion réalisé localement ou non par des tiers. Seules trois télévisions locales ( ( * )17) ont un format de chaîne généraliste incluant, de manière significative, des programmes locaux.

Paris Première, créée en 1986, jouit d'un statut privilégié. Chaîne thématique à vocation nationale depuis son conventionnement en 1993, elle est diffusée sur le bouquet satellite de CanalSatellite. Elle consacre un journal de 8 minutes exclusivement à la capitale.

d) Les autres expériences de télévisions locales

(1) L'outremer

A côté du premier canal de RFO, qui diffuse 20 % de programmes de proximité, et du second canal, qui comporte une heure quotidienne de tels programmes depuis mars 1996, les huit télévisions locales hertziennes en clair qui se sont développées depuis 1990 proposent en partie des programmes décliner local ; en revanche, les quatre télévisions privées à péage ne font que décliner les programmes nationaux de Canal +, sans présenter de tels programmes.

(2) Les télévisions temporaires

Depuis 1989, le CSA a autorisé 46 expériences de télévision locale temporaire. Il s'agit de télévisions occasionnelles ou saisonnières, liées à une manifestation locale. Malgré une bonne notoriété, leur audience reste marginale. L'implication des collectivités locales dans leur financement est forte.

2. Les difficultés des télévisions locales

Si l'éventail des budgets mis en oeuvre est large, ceux-ci restent modestes : ils varient de 150 000 à 25 millions de francs. Toutes les catégories de télévision locale rencontrent, à des degrés divers, de graves difficultés financières qui vont jusqu'à compromettre leur pérennité.


Les décrochages locaux des télévisions hertziennes nationales bénéficient pourtant d'un financement assuré. Les frais de diffusion et les charges de structure sont intégrés dans le fonctionnement général de la chaîne, qui finance directement le coût de production du programme local. Les recettes publicitaires induites par l'accroissement d'audience couvrent le coût de réalisation des décrochages locaux. Mais la structure locale de programmation ne bénéficie pas de l'autonomie financière, et pas davantage de l'autonomie éditoriale.


• La situation des télévisions hertziennes locales autonomes est, en revanche, préoccupante. Depuis 1989, leurs pertes cumulées sont supérieures à leurs chiffres d'affaires (200 millions contre 193). Trois des cinq télévisions locales ont été placées en redressement judiciaire. Les frais de diffusion des télévisions de pays pèsent lourdement sur leurs comptes.


• La situation dans les DOM-TOM est également inquiétante : le chiffre d'affaires cumulé depuis la création des chaînes locales (86,5 millions de francs) est supérieur aux pertes (65 millions). Leurs budgets sont grevés par des frais élevés de location de répéteurs satellites. Elles ne bénéficient pas de subventions des collectivités locales. Si la publicité pour la distribution leur est autorisée depuis 1992, l'étroitesse des bassins économiques et publicitaires limite cette ressource. En outre, RFO continue de détenir 60 % du marché publicitaire de la télévision. Cependant, le Gouvernement a supprimé la publicité locale en avril 1994 et toute publicité en avril 1996 sur le deuxième canal de RFO afin de donner un « ballon d'oxygène » au secteur privé.


• Après le désengagement des câblo-opérateurs des chaînes locales du câble, les municipalités ont pris le relais, mais de façon limitée. Les services locaux ont alors diversifié leurs ressources en devenant correspondants locaux d'une chaîne de télévision nationale, Canal+, TF1 ou LCI.

Conséquences de ces difficultés économiques, les chaînes locales n'ont que très partiellement réglé leurs redevances à la SACEM, au titre de la rémunération de l'auteur ou des ayants droit et n'ont jamais versé leurs contributions au compte de soutien, alors qu'elles bénéficient des différentes aides financées par le COSIP.

B. LES OBSTACLES AU DÉVELOPPEMENT DES TÉLÉVISIONS LOCALES SONT NOMBREUX

1. Les obstacles économiques

Depuis 1968, le secteur de la distribution ne peut recourir à la publicité télévisée. Cette interdiction rend difficile l'existence d'une télévision locale puisqu'elle ferme le seul marché sur lequel elle peut trouver ses ressources, le marché local.

Le marché publicitaire local représentait, en 1995, 49 milliards de francs, soit le tiers du marché publicitaire français. Il constitue 77 % des ressources de la presse quotidienne régionale mais seulement 3 % de celles de la télévision, en raison essentiellement de l'interdiction de la publicité télévisée en faveur du secteur de la distribution, qui représente à lui seul près de 90 % de ce marché.

2. Les obstacles juridiques

Le rapport du CSA en relève quatre.

a) Des procédures d'autorisation différentes selon les supports

Alors que les différents types de télévision locale proposent la même programmation et recourent aux mêmes modalités de financement, les procédures d'autorisation varient selon les supports : appel aux candidatures et conventionnement pour les télévisions hertziennes, conventionnement pour les télévisions câblées, autorisation sans appel aux candidatures pour les télévisions temporaires, autorisation et conventionnement pour les décrochages locaux, autorisation à titre expérimentale pour les télévisions locales utilisant la technologie numérique ou le MMDS en application de la loi du 10 avril 1996.

Le rapport du CSA s'interroge sur « la légitimité de telles différences » et relève que « les évolutions de la technologie numérique [vont créer] une abondance de fréquences hertziennes » et sans doute remettre en cause la légitimité des différences de traitement entre support câble et satellite.

Par ailleurs, la contrainte étant plus forte pour l'appel aux candidatures que celle consistant à souscrire uniquement une convention, le CSA souligne le contraste existant entre les services locaux de télévision permanents, soumis à la première procédure, alors que, pour les décrochages locaux de télévision nationale, une convention suffit.

b) Un régime d'exploitation aligné sur celui des télévisions nationales

L'alignement du régime juridique des télévisions locales sur celui des télévisions nationales a une double conséquence, d'une part, l'appel aux candidatures est réservé aux sociétés et exclut les associations, et, d'autre part, les mêmes obligations pèsent sur les chaînes locales ou nationales.

c) Un dispositif anti-concentration trop contraignant

Le cumul d'une autorisation d'un service de télévision nationale diffusé par voie hertzienne terrestre et d'une autorisation d'un service de télévision locale de même nature est interdit.

Il en va de même pour le cumul d'autorisations pour l'exploitation d'un service de télévision par voie hertzienne terrestre dans une zone déterminée et d'une nouvelle autorisation relative à un service de même nature diffusé en tout ou partie dans la même zone, ce qui rend impossible la diffusion, par une même société, de deux programmes différents. Par ailleurs, est également prohibé le cumul multimédia régional ou local : un groupe de presse local, titulaire d'une radio dont l'audience dépasse 10 %, ne peut se voir attribuer une autorisation d'exploitation pour un service de télévision hertzienne. Enfin, une personne titulaire d'une autorisation ne peut bénéficier d'une nouvelle autorisation si celle-ci porte à plus de six millions d'habitants la population desservie par l'ensemble des services de même nature.

L'adossement de services locaux à des services nationaux n'est pas formellement proscrit mais il est très difficile. Le CSA relève que « s'il est certainement envisageable qu'un service local reprenne de façon ponctuelle, en différé, des émissions d'un service national, la reprise substantielle du programme d'un service national par un service local n'est, à l'heure actuelle, pas possible, sans que l'on puisse déterminer avec précision quelle est la limite acceptable ».

Pour le CSA « le dispositif anti-concentration actuel rend assez difficile la mise en place et la viabilité de services locaux de télévision ».

d) Une base juridique insuffisante pour l'intervention des collectivités locales

La loi du 30 septembre 1986 prévoit que l'autorisation d'exploitation d'un réseau câblé, délivrée par le CSA, peut comporter l'obligation de diffuser des informations sur la vie communale ou intercommunale.

Hormis cette disposition spécifique, aucun texte ne permet l'intervention des collectivités locales dans le domaine audiovisuel. C'est le droit commun qui s'applique.

Les collectivités locales peuvent se charger directement, en régie, de la gestion d'une télévision locale. Mais dans ce cas, il serait difficile au CSA de sanctionner une collectivité locale, personne morale éditrice, pour non respect de ses obligations. Elles peuvent également en confier la gestion à une association ou une société d'économie mixte. Comme on l'a vu, seule une société peut être titulaire d'une autorisation de diffusion d'un service de télévision par voie hertzienne.

Par ailleurs, les collectivités locales peuvent octroyer des subventions, mais, s'agissant d'une exploitation commerciale, la base juridique de telles subventions est fragile. Il n'existe pas, en effet, de disposition législative semblable à celle qui autorise l'attribution de subventions à des « entreprises ayant pour objet l'exploitation de salles de spectacle cinématographique réalisant moins de 2 200 entrées en moyenne hebdomadaire » , comme l'a expressément prévu une loi du 13 juillet 1992 ( ( * )18) .

De telles aides sont en outre susceptibles d'affecter la concurrence au stade de l'appel aux candidatures ou au stade de l'exploitation.

Enfin, les collectivités locales peuvent parrainer des émissions télévisées afin de promouvoir leur image, sous réserve de ne pas influencer le contenu de ces émissions dans des conditions susceptibles de porter atteinte à la responsabilité et à l'indépendance éditoriale du service de télévision.

Par ailleurs, ce parrainage ne doit pas constituer une publicité politique, interdite par la loi du 15 janvier 1990. Le soutien des collectivités locales est fortement encadré en période électorale par les dispositions de l'article 52-1, alinéa 2 , du code électoral qui prévoit qu'environ six mois avant des élections, « aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité locale ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin ». En

1995, le CSA n'a accordé aucune autorisation de télévision temporaire pour ces motifs et TLT a vu le soutien financier des collectivités locales se réduire de moitié pour les mêmes raisons.

3. Les obstacles éditoriaux

Les chaînes locales sont confrontées à une équation difficile à résoudre : produire des missions locales leur assurant leur légitimité ou occuper l'antenne pendant une durée quotidienne significative.

Pour assumer ce dernier objectif, les télévisions peuvent compléter leur production propre par l'achat de droits de diffusion sur le marché des programmes. Mais cette solution est onéreuse.

Elles peuvent alors utiliser une chaîne existante comme programme de complément. Mais cette seconde solution est contraire à leur vocation de chaîne locale et aux conventions passées avec le CSA qui sanctionnent cette vocation.

Elles peuvent également recourir à la syndication ( ( * )19) , mais l'étroitesse de la desserte des populations ou le faible taux de pénétration du câble ont limité l'intérêt des annonceurs pour cette formule qui s'est soldée par des échecs financiers.

Elles peuvent, enfin, recourir aux banques de programmes, fournis, dans le secteur éducatif, par les organismes spécialisés du ministère de l'éducation nationale ou, dans les autres secteurs, proposés par des centrales d'achat spécialisées dans les chaînes locales, comme 10 Patch ou Label TV , spécialisées dans l'échange de programmes.

II. LES ÉLÉMENTS DU DÉBAT SUR LES TÉLÉVISIONS LOCALES

A. LES TÉLÉVISIONS LOCALES SONT-ELLES NÉCESSAIRES ?

1. La fonction locale des média s'estompe au profit du spectacle distant et universel de l'information mondiale

Le transfert de l'écrit vers l'audiovisuel a provoqué un éloignement des contenus, qui, de locaux, sont devenus nationaux puis internationaux. Il a également profondément changé la nature du message : le spectacle et le divertissement télévisés se sont progressivement substitués à l'information et au service, qui étaient des fonctions assurées par la presse locale. Faute de télévision locale, ce double phénomène d'éloignement et de spectacularisation a été amplifié.

La fonction d'apprentissage social ou d'intégration locale que remplissait le journal régional s'estompe pour être remplacée par le spectacle distant et universel aujourd'hui de TF1 ou de France 2, et demain de CNN.

Machines à enraciner, les média locaux traditionnels ont laissé la place aux machines à déraciner et à transplanter que sont les télévisions venues d'ailleurs.

Contrairement aux espoirs mis en elle en 1982, la radio n'a pas su remplir cette fonction, pour trois raisons. Tout d'abord, un support sonore n'est pas adapté à la proximité, car, pour être proche, il faut se voir. Ensuite, la radio n'est pas suffisamment fédératrice : son faible coût et la disponibilité des fréquences ont entraîné une hypersegmentation de l'offre. Enfin, la fragilité des dispositifs réglementaires destinés à garantir leur dimension locale n'a pas résisté à la démarche d'absorption par des réseaux nationaux.

2. Les collectivités locales ont besoin de média locaux

Notre civilisation devient une civilisation de citadins. La fracture sociale est un thème rebattu mais il possède une acuité particulière appliqué aux grandes villes.

Pendant un siècle, la presse locale et l'école ont su développer une culture commune et le sentiment d'appartenance à une même communauté.

Seules les télévisions nationales assurent encore cette fonction, en privilégiant toutefois des programmes « fédérateurs » de divertissement, en empruntant une démarche massifiante et globale imposée par des entreprises de spectacle, nationales aujourd'hui et apatrides demain.

Mais c'est localement que s'effectuent l'apprentissage de la société et la construction de la personnalité sociale, que se définissent les enjeux concernant la vie quotidienne, que se forment les réseaux impliqués dans la vie quotidienne. Confrontées à une crise d'identité sans précédent, nos grandes métropoles ne pourront pas faire durablement l'économie de média locaux.

L'Amérique du nord l'a compris depuis longtemps. Il est vrai que la télévision nationale s'est, aux Etats-Unis, d'abord constituée à partir d'une fédération de télévisions locales nées d'initiatives de particuliers, alors qu'en France la création de la télévision résulte d'une démarche régalienne et centralisatrice.

Les télévisions locales ont pour objectif d'enraciner, de fédérer et d'informer. Les collectivités locales ont besoin de média locaux capables de poursuivre et d'enrichir le travail d'intégration sociale et culturelle que la presse quotidienne régionale a su mener pendant près d'un siècle en « transformant vingt millions d'immigrés de l'intérieur ruraux et catholiques en citadins républicains » , selon l'expression utilisée par l'association nationale des télévisions de ville. Elles apparaissent comme des « machines à recoudre des villes qui craquent ».

En outre, les télévisions locales pourraient créer des emplois, Télé Toulouse , par exemple, salarie 55 personnes.

3. Les télévisions locales sont des télévisions professionnelles

On a longtemps reproché aux télévisions locales leur amateurisme. Ce reproche n'est plus fondé.

Si des erreurs éditoriales et une certaine improvisation ont caractérisé les balbutiements de ce média (mais pouvait-il en être autrement ?), il n'en est rien aujourd'hui. Le premier fournisseur en France de LCI pour des sujets d'informations régionales est Télé Toulouse. De nombreux journalistes et réalisateurs ont été formés dans des télévisions locales avant d'exercer sur des chaînes nationales.

La ligne éditoriale des télévisions locales a évolué. Elles ont essuyé un échec patent, en terme d'audience, lorsqu'elles ont voulu imiter les chaînes nationales et devenir de « mini TF1 ». Mais elles connaissent un succès grandissant depuis qu'elles ont axé leur ligne éditoriale sur la dimension locale.

B. LES TÉLÉVISIONS LOCALES NE PORTERAIENT-ELLES PAS ATTEINTE À L'ÉCONOMIE DE LA PRESSE LOCALE OU DU CÂBLE ?

1. Le débat de la concurrence avec la presse locale

L'interdiction de la publicité du secteur de la distribution sur les télévisions locales se justifierait par la nécessité de protéger les ressources de la presse quotidienne régionale.

Mais l'absence de télévisions de proximité n'a pas empêché le déclin régulier de l'audience de la presse écrite, même si la presse quotidienne régionale résiste mieux que la presse quotidienne nationale : en 20 ans, le temps moyen qu'un Français consacre à la télévision (3 heures 40) a été multiplié par quatre ; il ne consacre plus que 14 minutes par jour en moyenne à la lecture de la presse, dont plus de la moitié à la lecture de magazines de programmes télévisés.

Confronté, d'une part, à la perte d'audience et d'impact de la presse, et, d'autre part, à l'interdiction de l'accès à la télévision, le secteur de la distribution a recouru massivement à la publicité hors média ( ( * )20) . En 1993, pour la première fois, le chiffre d'affaires de la presse gratuite a été supérieur à celui de l'ensemble de la presse quotidienne.

Le volume de ce prélèvement par la presse gratuite sur le marché publicitaire (4,7 milliards) correspondrait au budget de fonctionnement de 188 télévisions locales sur le format de TLT.

La France est, de tous les pays d'Europe, celui où la part des investissements publicitaires hors média est la plus élevée (74 %, contre 67 % en Allemagne ou 53 % en Grande-Bretagne). C'est le seul pays d'Europe où la télévision n'a pas accès au marché publicitaire de la distribution. Ceci explique que la France, deuxième investisseur en publicité par habitant en Europe, occupe l'avant-dernière place en ce qui concerne les investissements publicitaires dans la télévision.

Cette interdiction a eu pour conséquence de faire déborder les boîtes à lettres de tracts et dépliants publicitaires, de laisser envahir les abords des villes de panneaux publicitaires inesthétiques et de favoriser le développement d'une presse gratuite vide de tout contenu.

L'économie de la presse quotidienne régionale est davantage menacée par le développement de la publicité hors média que par la création de chaînes locales, auxquelles elle pourrait, de surcroît, s'associer.

On peut prendre en exemple le cas de la région Lorraine. Dans cette région, RTL TV , chaîne locale hertzienne basée à Metz, vit de la publicité locale et notamment de celle du secteur de la distribution. Or, la Lorraine est de toutes les régions de France celle qui a perdu le moins de lecteurs, tout en connaissant le pluralisme de la presse quotidienne régionale le plus large. Le Républicain Lorrain est l'un des rares quotidiens régionaux à avoir vu sa diffusion augmenter, alors que sa zone de diffusion recoupe celle de RTL TV.

2. La concurrence entre télévisions locales et chaînes câblées

L'engagement des collectivités locales dans le câblage des villes reposait sur une triple logique : augmenter la quantité de programmes, favoriser l'émergence de services interactifs, mais également développer une télévision locale de proximité.

Face à la concurrence des réseaux hertziens et du satellite et au développement technologique favorisé par l'introduction du numérique, le câble ne sera plus, bientôt, le vecteur privilégié des deux premières logiques. Entre câble et diffusion hertzienne, les données économiques s'équilibrent : les économies de diffusion sur le câble -qui ne nécessitent pas de location, onéreuse, d'émetteurs hertziens-, sont compensées par des recettes publicitaires moins importantes compte tenu d'une audience plus faible.

Plus que concurrentes, télévisions locales et chaînes câblées sont complémentaires.

Les télévisions locales peuvent tout d'abord offrir une vitrine en clair aux chaînes du câble, en consacrant une partie significative de leur programmation à la promotion des chaînes câblées. Elles peuvent ensuite relayer l'action commerciale du câblo-opérateur.

C. QUELLES SONT LES CONDITIONS DE DÉVELOPPEMENT DES TÉLÉVISIONS LOCALES ?

Un assouplissement du cadre juridique, économique et financier permettrait de financer entre 25 et 30 télévisions locales.

Cette évolution nécessite une large concertation des parties intéressées. Elle est urgente, compte tenu des bouleversements qui attendent l'audiovisuel, en raison des progrès de la diffusion numérique et du développement des chaînes satellitaires.

1. L'assouplissement du cadre juridique

a) Simplifier les procédures d'autorisation

Les chaînes locales offrent globalement le même type de programmation. Une procédure unique d'autorisation simplifierait fortement les dispositions actuelles. Deux solutions apparaissent.

La procédure de l'appel à candidature, trop lourde, pourrait être abandonnée au profit de celle consistant à souscrire une convention auprès du CSA.

L'appel à candidature, sous la maîtrise du CSA, constitue cependant une garantie de transparence. Le rapport du CSA penche bien entendu pour cette procédure.

Par ailleurs, les associations pourraient se porter également candidates à de tels services.

b) Différencier le régime d'exploitation

Il pourrait être mis fin à l'alignement du régime des télévisions locales sur celui des télévisions nationales. Exiger les mêmes obligations que celles attendues d'une chaîne nationale conduit souvent à hypothéquer leur existence.

c) Assouplir le dispositif anti-concentration

Un dispositif anti-concentration au niveau local est constitutionnellement nécessaire ( ( * )21) .

Cependant, la constitution de groupes multimédia au niveau local et régional peut être autorisée, tout en prenant mieux en compte l'ensemble des services locaux présents dans une zone, comme les services locaux du câble qui ne sont pas visés actuellement par l'article 41-2 de la loi de 1986.

Le CSA pourrait bénéficier d'une plus grande marge de manoeuvre dans l'appréciation des besoins locaux.

d) Reconnaître aux collectivités locales la compétence pour intervenir dans une télévision locale

La réglementation, comme on l'a vu, ne permet que de manière très restrictive la participation des collectivités locales à la création et à l'exploitation d'une chaîne locale de télévision.

Plusieurs moyens peuvent être envisagés pour remédier à cette situation :

- créer un « s ervice local de télévision » , qui serait le pendant du « secteur public de la communication audiovisuelle » , prévu au titre III de la loi du 30 septembre 1986. Cette solution présente toutefois le risque de « municipaliser » les télévisions locales en consacrant le rôle prépondérant des collectivités locales. Or, cette voie a échoué en matière de radio, et on ne voit pas ce qui pourrait assurer son succès en matière de télévision. En outre, il serait nécessaire de prévoir des garanties lourdes et contraignantes pour assurer un réel pluralisme démocratique.

- reconnaître la capacité pour les collectivités locales de créer des sociétés locales de programmes éditrices de chaînes de service public local. La loi pourrait rendre obligatoire la conclusion d'un cahier des missions et des charges entre la société locale de programmes et la collectivité concernée. Ce document fixerait les missions et charges de service public ainsi que les contreparties financières apportées par la collectivité intéressée.

- consacrer la capacité pour les collectivités territoriales de participer financièrement au budget de ces chaînes, en modifiant les dispositions pertinentes du code des collectivités territoriales, comme la loi du 13 juillet 1992 l'avait fait pour autoriser les subventions aux entreprises gérant des salles de spectacle cinématographique.

2. L'ouverture contrôlée de l'accès aux ressources publicitaires locales

a) Une ouverture inéluctable en raison des évolutions technologiques et juridiques

Cette ouverture semble inéluctable pour deux raisons.

L'accès de la distribution à la publicité télévisée est tout d'abord inévitable pour des raisons juridiques. Dans aucun autre pays de la Communauté européenne la distribution n'est interdite de télévision. On est arrivé au paradoxe selon lequel un distributeur du département du Nord peut faire de la publicité sur une chaîne en Belgique, mais non sur une chaîne française. Les distorsions de concurrence produites par cette interdiction pourraient amener la commission à considérer que les entreprises intervenant sur plusieurs pays européens ne sont pas en situation de compétition comparable sur le marché français. Une condamnation de la réglementation française n'est donc pas à exclure dans un proche avenir.

La multiplication des chaînes reçues par satellite va également profondément affecter l'économie de l'audiovisuel. Même si l'interdiction de la publicité télévisée sur la distribution était maintenue, le risque est grand de voir les investissements publicitaires français de ce secteur se délocaliser et être diffusés sur des chaînes étrangères multilingues. On pourrait alors assister à une déréglementation de fait, puis de droit, qui pourrait ouvrir l'ensemble du média télévisé à la publicité pour la distribution. Une ouverture brutale pourrait avoir des conséquences sans commune mesure avec une ouverture contrôlée et réservée aux télévisions locales.

Dans ces conditions, ne vaudrait-il pas mieux organiser la réappropriation du marché hors média par la télévision locale associée à la presse régionale ?

b) Permettre à la publicité hors média de retrouver le chemin des média

L'autorisation contrôlée de la diffusion de publicités du secteur de la distribution sur les télévisions locales est une condition indispensable à leur développement économique. L'association de la presse quotidienne régionale et de ces télévisions locales, ainsi que l'interdiction de la diffusion de petites annonces seraient également des conditions préalables à cette ouverture.

L'association nationale des télévisions de ville estime que cette ouverture n'aurait pas d'impact significatif sur les recettes de la presse quotidienne régionale, pour trois raisons :

- le prélèvement d'une télévision locale sur le marché publicitaire local est relativement faible.

- comme tout nouvel intervenant sur un marché, l'arrivée d'une télévision locale a tendance à faire croître le potentiel publicitaire du marché local.

- le prélèvement de la télévision locale s'effectuera en majorité sur le hors média, pour des raisons de stratégie publicitaire. Les caractéristiques techniques de la télévision en terme d'audience sont plus proches de celles du hors média (couverture totale d'une zone et gratuité du support pour le consommateur).

Néanmoins, il n'est pas assuré que l'accès du secteur de la distribution à la publicité télévisée garantisse la viabilité des chaînes locales, comme le montre l'exemple des DOM-TOM. Dans ces régions, les télévisions locales peuvent diffuser, selon un régime dérogatoire, de la publicité pour le secteur de la distribution. Mais elles subissent la concurrence du premier canal de RFO, qui a également accès à la publicité pour ce secteur.

Cette ouverture pourrait donc être assortie d'un assouplissement de cadre financier.

3. Un accompagnement fiscal

Les télévisions locales ont le statut juridique d'une entreprise de presse pour leur activité éditoriale. Elles doivent respecter les règles de l'indépendance éditoriale. Leurs journalistes sont titulaires de la carte de presse.

Néanmoins, elles ne disposent pas du statut fiscal des entreprises de presse.

Sans aller jusqu'à réclamer une aide de l'État dans les mêmes proportions que pour la presse écrite, lesquelles ont été chiffrées par votre Rapporteur dans le rapport budgétaire pour 1996 à plus de 7,5 milliards de francs, l'association des villes câblées réclame un alignement fiscal des télévisions locales, assujetties au taux de droit commun de 20,6 %, sur la presse écrite, taxée pour sa part à 5,5 %.

Cette aide pourrait être complétée par des mesures d'exonération temporaire de taxe professionnelle.

D. QUELS FORMATS ET QUELS SUPPORTS ?

Deux questions restent en suspens pour aider au développement des télévisions locales : quel format privilégier et, surtout, quel support soutenir ?

1. Des décrochages locaux ou des télévisions de plein exercice ?

Compte tenu de la diversité des procédures permettant à un service de télévision d'émettre localement, le CSA n'a pas les instruments juridiques pour procéder à une régulation d'ensemble des télévisions de proximité.

En cas de concurrence entre le décrochage local d'un service national et un service local, la loi est muette sur les critères au regard desquels le Conseil doit autoriser de tels décrochages.

Se fondant sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel ( ( * )22) , le CSA peut limiter la durée d'un décrochage dans une zone où existe un service local de télévision hertzienne, lorsque son existence pourrait être compromise par la concurrence, dans des conditions ne permettant pas l'égalité de traitement du décrochage d'un service national. Mais dans les zones où n'existe pas encore de service local, l'autorisation d'un décrochage important pourrait compromettre durablement les chances d'émergence d'un service local viable. Le CSA n'a pas, dans ce cas, les moyens de mettre en compétition les initiatives qui pourraient se développer.

Le cas de Lille est à cet égard exemplaire.

Face aux demandes concurrentes d'extension du décrochage local de M6, et à un projet de programme local de France 3, d'une part, et un projet de télévision locale hertzienne permanente, d'autre part, le CSA n'a pu, faute de dispositions législatives adaptées, jouer son rôle de régulateur. Chacun des projets pris isolément était viable, mais leur juxtaposition ne l'était sans doute pas. De plus, les régimes juridiques des différentes demandes étaient formellement indépendants, ce qui ne permet pas de faire jouer la concurrence. L'appréciation du CSA devrait être globale. Mais, en l'état actuel du droit, une telle appréciation pourrait être censurée par le juge de l'excès de pouvoir. Par ailleurs, l'arbitrage du CSA ne peut se réduire à un dialogue avec les seuls demandeurs, mais doit faire intervenir l'ensemble des acteurs locaux, collectivités locales et représentants des média locaux.

Le CSA devrait donc pouvoir disposer d'une marge de manoeuvre suffisante pour opérer un choix entre décrochages locaux et télévisions locales de plein exercice, après consultation de toutes les parties intéressées et en appréciant l'équilibre global des projets concurrents et leur environnement économique.

2. Des télévisions câblées ou hertziennes ?

Les fréquences hertziennes dont les télévisions locales ont besoin pour se développer sont, dans la plupart des agglomérations, les dernières disponibles.

Regroupées au sein du réseau multivilles, elles suscitent de nouveaux appétits avec les projets d'expérimentations numériques hertziennes, voire de création d'une nouvelle chaîne nationale, privilégiant fiction et musique, ayant des décrochas locaux, et destinée aux banlieues...

La création de télévisions locales hertziennes permettrait toutefois de geler les dernières fréquences disponibles dans la plupart des grandes villes et donc d'empêcher la constitution d'une nouvelle chaîne nationale (au moins dans les dix prochaines années, avant le développement de la diffusion numérique hertzienne), qui pourrait déstabiliser le paysage audiovisuel national et entraver définitivement le développement des chaînes câblées.

Faut-il, au contraire, affecter les services locaux aux réseaux câblés afin d'éviter une concurrence de ces derniers par de nouvelles télévisions locales ? Le débat est ouvert.

Il est encore temps de favoriser le développement de la télévision locale. Dans quelques années, on peut craindre que l'évolution du paysage audiovisuel, avec les chaînes diffusées par satellite, rendra leur existence aléatoire. On peut à l'inverse estimer que la demande de programmes locaux ira croissante, et que la télévision locale finira par exister en France comme dans d'autres pays d'Europe ou comme aux États-Unis.

Comme le CSA l'a rappelé, une telle évolution ne peut résulter d'une simple évaluation technique mais elle passe par un large débat associant l'ensemble des intervenants, notamment la presse régionale et les collectivités locales et s'achevant au Parlement.

La réflexion sur ce dossier s'est poursuivie au Sénat, avec l'organisation par Médiaville, le 23 octobre 1996, d'un débat sur le thème du développement des télévisions locales.

Dans le prolongement de ce débat, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a décidé, le 24 octobre 1996, de mener une concertation approfondie avec le syndicat de la presse quotidienne régionale, en créant un groupe de travail chargé « d'évaluer les perspectives offertes par les nouvelles technologies de l'information et leur impact sur la communication locale, en particulier à l'égard du pluralisme et des équilibres économiques » en vue, le cas échéant, de formuler des propositions afin d'actualiser le régime légal et réglementaire des média locaux.

CHAPITRE II : L'ÉVOLUTION DE L'ENVIRONNEMENT TECHNOLOGIQUE DE L'AUDIOVISUEL

I. LA DIFFUSION PAR VOIE HERTZIENNE

A. LE BILAN DE LA GESTION DES FRÉQUENCES

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a, en application de l'article 17 de la loi n° 94-88 du 1er février 1994, remis, en janvier 1996, un rapport au Parlement dressant le bilan de l'usage des fréquences affectées à la radiodiffusion sonore et à la télévision par voie hertzienne terrestre.

Malgré le développement du câble et du satellite, la diffusion hertzienne terrestre reste, de loin, le principal moyen de mise à disposition du public des signaux audiovisuels, et le restera sans doute pendant de nombreuses années encore. La France compte aujourd'hui environ 22 millions de foyers télévisuels. Le nombre de foyers abonnés au câble est de 1,3 million et celui des foyers recevant la télévision par satellite d'environ 1 million. Au total près de 90 % des Français reçoivent la télévision par voie hertzienne terrestre.

La diffusion hertzienne des programmes de radio et de télévision utilise une ressource naturelle rare, et donc convoitée : le spectre de fréquences.

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel s'efforce de gérer et d'attribuer les fréquences qui lui sont confiées dans l'intérêt du public, et dans le respect des missions qui lui sont confiées par la loi : garantir la liberté de communication audiovisuelle et veiller au respect du pluralisme et à la diversification des opérateurs dans les médias audiovisuels.

Cela implique de garantir l'expression de tous les courants de pensée, mais aussi le respect de différentes formes d'équilibre : entre médias, entre styles de programmes, entre formats, entre catégories d'auditeurs (classes d'âge, communautés) et entre opérateurs (secteur public, secteur privé ; réseaux nationaux, stations locales ; groupes de communication, diffuseurs indépendants). Le Conseil l'a fait en s'appuyant sur les ressources techniques dont la loi du 30 septembre 1986 a doté l'instance de régulation, Une harmonie entre services ne peut se réaliser sans harmonie dans l'utilisation des supports. C'est pourquoi les réflexions du Conseil sont intimement liées à des considérations sur d'autres formes d'équilibres, beaucoup plus techniques, concernant l'utilisation de la ressource hertzienne : nombre de fréquences, étendue de couverture, qualité de réception...

1. Une compétence du Conseil supérieur de l'audiovisuel

L'article 100 de la loi du 30 septembre 1986 a transféré à l'autorité de régulation les moyens nécessaires aux tâches de gestion du spectre. Depuis cette date, les évolutions ont été faibles : elles ont porté principalement sur une recherche de déconcentration liée à la mise en place progressive des comités techniques radiophoniques (CTR) que le Conseil a dotés en métropole d'un technicien chacun.

Le Conseil fait largement appel, en application de l'article 100 précité, aux personnels et matériels de Télédiffusion de France.

Une convention, signée en 1991, fixe pour cinq ans le cadre des relations entre les deux organismes.

2. Une compétence plus importante au regard des conséquences de la numérisation sur les besoins en spectre pour télévision

Même si les contours ne sont pas précisés, il est certain que la numérisation va, dans les années à venir, faire évoluer les besoins en spectre pour la diffusion terrestre de la télévision. Plusieurs éléments doivent être pris en considération.

* Toutes choses égales par ailleurs, l'efficacité spectrale du numérique est nettement supérieure à celle de l'analogique. Les progrès importants réalisés dans les techniques de compression d'images et de sons numériques ainsi que le développement de systèmes de codage de canaux performants rendent possible la transmission de beaucoup plus d'informations dans un canal de transmission donné.

L'utilisation d'une technique permettant la construction de « réseaux monofréquence » pourrait cependant améliorer encore cette efficacité.

Une partie au moins des capacités supplémentaires ainsi dégagées sera utilisée pour accroître le nombre de programmes diffusés et la qualité technique du service (amélioration de la qualité de l'image, données associées, portabilité, flexibilité, interactivité). La numérisation de la diffusion terrestre ne se mettra pas en place si les investissements, qu'elle nécessite aussi bien pour les opérateurs que pour le public, ne se traduisent pas par une amélioration du service aussi bien en terme de nombre de services (20 à 25 en plus de l'analogique semblent disponibles en utilisant les « canaux interdits ») qu'en terme de qualité du signal.

Il est exclu d'arrêter brutalement les services analogiques existants. Ceux-ci devront être maintenus pendant une quinzaine d'années au moins. Durant cette période de transition, les services numériques (qu'ils correspondent à la duplication des services analogiques - « simulcast » - ou qu'il s'agisse de services nouveaux) devraient coexister avec les services analogiques, et, très probablement, dans les mêmes bandes de fréquences.

Il résulte de ces perversions qu'à court ou moyen terme, la numérisation entraînera une augmentation du spectre utilisable pour la télévision, ou, si une telle augmentation n'est pas possible, une utilisation encore plus intensive des bandes actuelles. À plus long terme, lorsque la diffusion analogique diminuera, les besoins en spectre nécessaires à la radiodiffusion terrestre pourraient être réévalués, mais cela dépendra de l'évolution de la demande et de la répartition de la diffusion entre satellite, câble et système hertzien terrestre qu'il est difficile de prévoir.

L'introduction de la télévision numérique terrestre poserait, comme pour toute introduction de nouveau service non compatible avec l'ancien, le problème de la bande de fréquence à utiliser. Faut-il rechercher une nouvelle bande de fréquence ou utiliser les « trous » des bandes existantes ? Jusqu'à présent, la préférence est allée vers cette deuxième solution pour trois raisons :

- elle permet au téléspectateur d'utiliser son antenne actuelle de réception TV ainsi que le câble de descente du toit sans aucune modification ;

- un tel partage TV analogique/TV numérique conduit à une utilisation extrêmement efficace du spectre ;

- les « trous » existent réellement dans le cas des bandes TV (ce qui n'est pas le cas de la bande MF qui ne permet pas un partage avec le DAB) ; ils correspondent à des canaux que les récepteurs TV analogiques sont incapables de recevoir, dans l'état actuel de la technologie.

Ainsi, l'utilisation de la bande 470-830 Mhz pour la télévision numérique sert de base à toutes les études de simulation effectuées à l'heure actuelle. Le CSA a autorisé TDF à effectuer plusieurs expérimentations en vraie grandeur soit à des fins de démonstration, soit pour valider certaines options techniques.

La France est certainement le pays d'Europe (sauf l'Italie) où cette bande est utilisée de la manière la plus intensive (grand nombre de chaînes et couverture importante pour chacune d'elles), ce qui risque de conduire à des disponibilités inférieures à celles de nos voisins pour l'introduction de la télévision numérique. Les préétudes semblent cependant montre qu'une disponibilité de quatre canaux (chacun permettant la diffusion de 4 à 5 programmes) serait possible.

L'autre solution consistant à rechercher de nouvelles bandes de fréquences se heurte à des difficultés pour trouver de nouvelles ressources dans les gammes d'ondes ayant des propriétés voisines. On est alors conduit à un système relativement différent que l'on considère généralement comme techniquement dérivé du MMDS ( Multipoint Multichannel Distribution System ).

L'intérêt du MMDS pour la gestion des fréquences

Le MMDS a été conçu, au départ, pour regrouper les avantages des trois secteurs que constituent le câble, le satellite et le système hertzien terrestre sans en présenter les inconvénients :

- du câble, il a conservé le principe même de la distribution d'un plan de service qui est constitué d'un ensemble de programmes formant un tout transmis globalement.

- du satellite, il a gardé le type de diffusion qui s'accommode de fréquences assez élevées (donc de bandes moins saturées) et de faibles puissances rendues possibles par des antennes de réception très directives, donc ayant un gain élevé.

- du système hertzien terrestre, il a retenu la technique d'utilisation de sites terrestres élevés pour assurer une couverture vaste à faible coût.

Cette situation hybride du MMDS aurait dû en assurer le succès. En fait, elle a constitué un frein à son développement car il est difficile de situer clairement ce nouveau mode de communication. S'agit-il d'un nouveau service ou faut-il le rattacher à un service existant ? En France, la loi du 30 septembre 1986, dans le troisième alinéa de l'article 34, a opté pour un rattachement à la distribution par câble et limite les possibilités aux seules liaisons internes aux réseaux câblés en excluant, en particulier, la réception individuelle.

Les conséquences d'un tel choix sont importantes :

- le MMDS ne peut pas, dans les zones rurales, se substituer au câble car celui-ci doit toujours être utilisé pour la distribution finale au téléspectateur :

- le MMDS ne constitue pas un moyen de diffusion terrestre ; il se limite à remplacer certains tronçons de câble utilisés pour transporter le programme, c'est-à-dire qu'il constitue un ensemble de liaisons hertziennes de transmission du plan de service.

Le MMDS se trouve ainsi adapté au transport de programmes de village en village (eux-mêmes câblés), mais son cadre juridique actuel se révèle totalement inadapté à la distribution dans des zones à habitat très dispersé (cas des fermes isolées), alors que techniquement il aurait la capacité de réaliser une telle distribution.

Les fréquences traditionnellement utilisées par le MMDS dans les pays qui ont développé ce service appartiennent à la bande des 2,5 Ghz. Bien que celle-ci soit attribuée internationalement aux liaisons fixes, le MMDS constitue dans ces pays un service de distribution jusque chez l'usager et peut donc être considéré comme un service de radiodiffusion.

En France métropolitaine, la bande des 2,5 Ghz étant affectée aux forces armées, c'est dans la bande 3,6-3,8 Ghz que le CSA a exprimé son souhait de voir se développer le MMDS. Cette bande est, elle aussi, attribuée pour des liaisons fixes, mais, comme on le sait, c'est bien ce seul type de service qu'autorise l'article 34 de la loi. Dans les DOM-TOM, au contraire, des disponibilités existent au voisinage de 2,5 Ghz, alors que la bande des 3,6-3,8 Ghz n'est pas adaptée compte tenu de l'importante utilisation de cette bande pour les liaisons satellites, en particulier pour transporter vers les DOM-TOM les programmes audiovisuels de métropole.

L'élargissement du service MMDS à la diffusion, tel que l'envisage le projet de loi relatif aux expérimentations dans le domaine des technologiques et services de formation, se heurte à l'opposition de la DGPT, de même qu'au souhait du CSA de conserver l'utilisation de la même bande de fréquence 3,6-3,8 Ghz, parfaitement bien adaptée à ce type de service. En effet, la DGPT voudrait que le MMDS utilise une bande affectée internationalement à la radiodiffusion : la seule qui soit disponible est celle des 40 Ghz qui présente l'avantage de faire l'objet d'une recommandation CEPT mais ne permet pas des couvertures dépassant quelques kilomètres.

La numérisation des signaux, en augmentant la capacité des voies MMDS, augmentera l'intérêt de ce type de service, en particulier pour l'aménagement du territoire. Il est cependant probable qu'à terme, si le MMDS se développe dans les zones rurales avec la possibilité d'atteindre directement le téléspectateur, la coexistence au même endroit de deux émetteurs MMDS et TV numérique terrestre ne se justifie pas ; en terme de gestion du spectre, une telle situation serait d'ailleurs extrêmement regrettable. On peut alors envisager que le MMDS devienne aussi un complément de télévision de terre dans certaines zones et qu'il permette ainsi d'économiser la partie plus basse du spectre allouée à la télévision.

Source : rapport précité du CSA

3. Les conséquences de la numérisation plaident en faveur d'un renforcement des pouvoirs du CSA pour la gestion du spectre

a) Le renforcement des moyens matériels

Ainsi que cela a été relevé dans plusieurs précédents rapports (rapport du Général Fèvre, rapport Huet), la gestion des fréquences, en France, souffre d'un important manque de moyens.

Or, dans la perspective de la révolution numérique, et donc d'une utilisation plus rationnelle, plus dynamique et plus active du spectre hertzien, il serait indispensable de renforcer les moyens du CSA, en particulier si de nouveaux réseaux devaient être rapidement planifiés.

Une autorité de régulation sans laboratoires de mesures ni budget pour passer des marchés d'études ne peut éviter les difficultés liées à l'absence de tels moyens. Pourtant, dans plusieurs domaines, il serait fort utile d'avoir une meilleure connaissance des paramètres de planification et de leur évolution en fonction des progrès technologiques : par exemple, les limites exactes d'utilisation du monofréquence avec ou sans synchronisation, les rapports de protection en télévision numérique...

Les autorités de régulation de certains pays anglo-saxons (États-Unis et Grande-Bretagne) disposent de tels moyens (laboratoires de recherche-développement, équipes chargées d'établir les normes et spécifications techniques, etc.).

Faute de crédits suffisants, le CSA a rencontré certaines difficultés pour remplir les missions que le législateur lui a assignées.

Le CSA est confronté à la stagnation des crédits en francs courants. Il a également connu la remise en cause de l'équilibre financier de la convention à la suite de l'augmentation des plaintes pour brouillages d'émissions télévisées, elles-mêmes liées au développement de la CB, depuis l'année 1992, ou encore à la mise en place de systèmes de radiomessagerie numérique autorisée par le ministère chargé des Télécommunications.

Dès 1994, le CSA a procédé, avec les représentants de TDF, à un examen approfondi du contenu de cette convention. Cet examen a entraîné la suppression de certaines prestations non strictement indispensables au Conseil et au filtrage des demandes de prestations concernant la protection de la réception. Le remboursement, par le CSA, des prestations effectuées par TDF, qui était de 101,2 millions de francs en 1993, a ainsi pu être limité à 100,8 millions de francs en 1994 et à 95,4 millions de francs en 1995.

La limitation de la somme versée en 1995, résultant d'une annulation de 4,5 millions de francs de crédits par le ministère du Budget, n'a été réalisée qu'au prix d'une suppression quasi totale des activités de la protection de la réception pendant le mois de décembre 1995.

De telles contraintes rendent souvent les tâches du CSA très complexes et les limites qu'elles imposent sont mal ressenties. Une telle situation est regrettable. Elle pose, par ailleurs, un problème de principe : le manque d'autonomie technique du CSA, qui dépend toujours de TDF pour assurer ses missions de régulation, y compris à l'égard de cet opérateur lui-même, ce qui n'est pas admissible ! Même si les agents de TDF, mis à la disposition du CSA, ne peuvent être soupçonnés de faillir à la déontologie professionnelle, le CSA devrait avoir les moyens financiers lui permettant de disposer d'équipes techniques sous contrat avec lui.

Au minimum faudrait-il intégrer au CSA certaines équipes de TDF travaillant quasi exclusivement pour le CSA dans le cadre de la protection de la réception.

b) L'amélioration des procédures d'autorisation

Le rapport du CSA sur la gestion du spectre met en lumière deux évolutions souhaitables de la législation.

La reconduction automatique des autorisations d'usage de fréquences des services de radio et de télévision, résultant de la loi du 1er février 1994, soulève un certain nombre de difficultés.

Cette reconduction présente naturellement des avantages pour les opérateurs sur le plan économique, les investissements engagés étant de plus en plus lourds ; elle est plus problématique sur le plan du pluralisme (la pénurie de fréquences n'impliquerait-elle pas une rotation des utilisateurs ?) et de la gestion dynamique optimale du spectre. En particulier, en radiodiffusion sonore, elle rend plus difficiles, voire impossibles les réaménagements de fréquences, nécessaires à une optimisation de l'usage du spectre.

Une gestion optimale du spectre supposerait que le CSA ait les moyens juridiques de refuser de lancer un appel aux candidatures ou de ne pas attribuer toutes les fréquences disponibles lorsqu'il estime que le pluralisme ne l'exige pas et que la viabilité économique de nouveaux opérateurs n'est pas assurée.

Aux termes des dispositions de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, le Conseil autorise les extensions des zones de diffusion des services nationaux de télévision après une procédure d'appel aux candidatures alors que ces services sont déjà titulaires d'autorisations de diffusion de services de télévision à vocation nationale.

Des aménagements législatifs pourraient permettre un allégement de cette procédure dans le cas où une telle simplification ne porterait atteinte ni au pluralisme ni au dispositif anti-concentration.

c) Adapter le cadre juridique aux évolutions technologiques.

Dans le rapport précité consacré à l'usage des fréquences, le CSA plaide, une nouvelle fois, pour l'adaptation du cadre juridique actuel aux évolutions technologiques.

Afin de « tenir compte de l'universalité des signaux transmis », le CESA se prononce en faveur d'une définition large de la communication audiovisuelle.

Des services d'une nature nouvelle font leur apparition, en raison de l'apparition de deux grandes tendances non exclusives l'une de l'autre :

- la première concerne l'évolution des chaînes traditionnelles qui opteront pour une diffusion décalée de leurs programmes (« multiplexage »), une programmation de plus en plus ciblée et un recours accru au téléachat sous toutes ses formes, comme source de financement nouvelle ou d'appoint ;

- la seconde est liée à l'apparition de nouveaux services proprement dits :

* paiement à la séance et vidéo à la demande : une évolution pourrait intervenir du paiement à la consommation vers la télévidéothèque à domicile. Dans le premier cas, il existe une programmation préétablie par le diffuseur, dans le second cas, le téléspectateur sélectionne l'émission qu'il souhaite recevoir au moment de son choix ;

* services interactifs sur sites ou sur réseaux : chaînes de jeux permettant de jouer seul ou avec d'autres, services de type télématique, télétravail, banques de données, téléchargement en tous genres (jeux, imagerie médicale, encyclopédies, information, presse, etc.).

Certains de ces services ont une nature nouvelle mêlant communication audiovisuelle et télécommunications. Or les enjeux politiques et culturels inhérents au secteur audiovisuel plaident pour une définition large de la communication audiovisuelle. Il importe, en effet, d'affirmer simultanément le primat des services sur les infrastructures mais également leur caractère indissolublement lié. Mais parallèlement, cette affirmation doit donner lieu à une rationalisation des obligations de contenu existant à l'heure actuelle.

Cette évolution se fonde également sur l'utilisation indifférenciée des supports.

Il sera ainsi de plus en plus difficile de distinguer les supports - et, partant, le régime qui leur est applicable - à partir de la nature des messages véhiculés. Services de télécommunications et services de communication audiovisuelle tendent à emprunter les mêmes supports de communication, voire à se confondre au sein d'un service universel multiplexé.

La gestion de la ressource en sera nécessairement affectée, tant au travers des procédures d'autorisation, aujourd'hui distinctes entre services et entre supports, que par l'affectation de cette ressource entre les différents services.

La rapidité de l'évolution technologique devrait enfin favoriser l'extension du pouvoir de régulation du CSA.

Ces rapides mutations technologiques rendent plus difficile l'application de la loi. La rédaction de lois ou décrets toujours plus techniques ne parvient en effet plus à accompagner l'évolution du secteur. L'efficacité et la pérennité de la volonté du législateur doivent faire appel à des instruments juridiques souples et évolutifs. À ce titre, le développement des fonctions de régulation du CSA, accompagné d'un pouvoir conventionnel élargi, lui apparaît comme une voie naturelle et privilégiée.

La mise en place rapide de systèmes nouveaux pose fréquemment des problèmes de norme minimale à respecter par le matériel d'émission. E effet, en l'absence de telles règles il est difficile d'effectuer une planification efficace des fréquences et des sites d'émission. Des brouillages risquent d'apparaître dans le cas d'une qualité technique insuffisante des équipements. Pour éviter des difficultés de ce type lors du développement des nouveaux services, il serait utile que le CSA soit investi du pouvoir de normalisation en ce qui concerne les caractéristiques techniques fondamentales des signaux émis.

B. L'AGENCE NATIONALE DES FRÉQUENCES

1. Une création par voie réglementaire écartée

En 1993, le Premier ministre avait confié à M. Pierre Huet, conseiller d'Etat, une mission d'étude ayant pour objet l'amélioration de la gestion du spectre des fréquences radioélectriques et le renforcement des moyens qui lui sont consacrés.

Les conclusions de M. Huet, consignées dans un rapport remis en février 1994, plaident en faveur de la création d'un établissement public dont la mission principale serait la gestion prévisionnelle du spectre des fréquences, M. Huet précise cependant qu'une telle création n'atteindra le résultat recherché que si les moyens affectés à ces tâches sont augmentés. Pour y faire face, il propose une généralisation de la redevance d'occupation du spectre.

La mise en place de cette agence et son financement par une redevance assise sur l'utilisation des fréquences ont suscité de longues discussions au cours de réunions interministérielles organisées dès le mois de mars 1994. Le ministère du Budget qui devait assurer la tutelle de cette agence, en partage avec le Premier ministre, a préparé un projet de décret.

Il a été transmis au Conseil d'État qui l'a examiné en février 1995 pour conclure que la création d'une telle agence n'était pas du ressort d'un texte réglementaire mais législatif.

2. Les dispositions de la loi du 26 juillet 1996

L'article 14 de la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996 a donc créé une agence nationale des fréquences.

Conformément à l'arbitrage rendu par le Premier ministre, cette agence respecte les prérogatives du CSA en matière de communication audiovisuelle.

L'agence nationale des fréquences proposera au Premier ministre la répartition des bandes de fréquences et tiendra à jour le tableau d'allocation de ces bandes. Le Premier ministre continuera, en application de l'article 21 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, à déterminer les bandes attribuées aux administrations et celles dont la gestion est confiée au Conseil supérieur de l'audiovisuel. Le CSA et les autorités administratives affectataires conserveront leurs prérogatives sur les bandes de fréquences qui leur sont ainsi affectées.

Dans son rapport annuel pour 1995, le CSA a en effet estimé « indispensable de conserver l'intégralité de ses compétences en matière de planification, d'attribution et de contrôle des fréquences ». Dans le cas où il confierait certaines tâches à l'agence, il « tient à ce que cela découle d'un choix qui lui soit propre ». Il ne saurait en effet accepter que « des pressions extérieures ou des contraintes budgétaires influent sur ses décisions ».

La loi confie à l'agence un triple rôle :

1°) La « planification du domaine public des fréquences radio-électriques » , c'est-à-dire de prospection. Cette mission devrait permettre une meilleure planification des besoins de fréquences et, partant, une meilleure gestion du spectre.

2°) La préparation de la position française dans les négociations internationales.

L'agence nationale des fréquences aura la responsabilité d'élaborer la position de l'État dans les négociations conduites dans le cadre de l'Union internationale des télécommunications (UIT) et, au sein de cette organisation, dans le cadre du comité interministériel d'enregistrement des fréquences (IRFB), organe permanent chargé de gérer le spectre des fréquences.

En outre, l'agence devra « coordonner l'action de la représentation française ». De fait, la multiplicité des ministères concernés par la radiocommunication implique une concertation permanente et nécessite parfois la participation directe de certaines administrations aux réunions de l'UIT.

En matière de négociations internationales, la mission de l'agence est générale. Elle ne se limite pas à la seule enceinte de l'UIT et peut donc également s'exercer au sein de la conférence européenne des postes et télécommunications (comité et bureau européens des radiocommunications).

3°) La coordination de l'implantation des stations radioélectriques sur le territoire national.

Le comité de coordination veillant déjà à « l'aménagement de la localisation des stations radioélectriques sur le territoire national », il s'agit ici aussi d'une reprise d'une mission du comité consultatif. L'agence devra donc s'efforcer d'optimiser l'utilisation des sites.

En conséquence, l'avis de l'agence sera requis pour toute décision d'implantation relevant du CSA ; son accord sera nécessaire dans tous les autres cas.

On peut rappeler qu'il existait en 1991, au moment de la publication du rapport « Fèvre », 1 034 000 émetteurs en France dont 18 500 environ relevaient de la compétence du CSA.

L'avis ou l'accord de l'agence sera réputé acquis à l'issue d'un délai qu'un décret en Conseil d'État devra fixer. Ce même décret déterminera, le cas échéant, les installations ne faisant l'objet d'aucune formalité administrative.

Cette dernière disposition ménage les prérogatives du CSA et respecte l'article 25 de la loi du 30 septembre 1986, qui assure au Conseil un pouvoir de définition des prescriptions techniques en matière d'usage des fréquences.

Le paragraphe IV dresse la liste des ressources de l'agence. Celles-ci comprennent d'abord la rémunération des services rendus. Les services visés sont principalement liés aux activités de contrôle de l'agence. Ainsi qu'il a été précisé au rapporteur de la commission des Affaires économiques du Sénat, le décret devrait autoriser l'agence à contrôler l'utilisation des fréquences. On peut donc imaginer qu'une autorité attributive primaire - type CSA - délègue à l'agence, moyennant finances, ses activités de contrôle.

Cette disposition nécessitera à due concurrence une augmentation des ressources financières du CSA.

Les ressources de l'agence incluent également les subventions publiques et les revenus des dons et legs; et, de façon plus atypique, les revenus des participations autorisées.

L'agence pourra également percevoir des redevances d'usage. Celles-ci, définies par les lois de finances, permettront une occupation plus rigoureuse du spectre des fréquences.

Au total, ces ressources devraient permettre à l'agence de gérer un fonds d'aménagement du spectre des fréquences radioélectriques dont la création ultérieure est prévue.

3. La question non résolue de la redevance d'usage des fréquences affectées aux services audiovisuels

Disposition passée inaperçue, le paragraphe IV de l'article 14 de la loi de réglementation des télécommunications met fin à une exception française. Les télévisions et radios bénéficiaient jusqu'à cette loi de la gratuité pour l'occupation du spectre hertzien, qui appartient au domaine public depuis l'article 10 de la loi n° 89-25 du 17 janvier 1989, contrairement aux autres pays ou aux autres occupations de ce domaine.

Le versement d'une redevance pour l'utilisation du spectre pose néanmoins un problème de principe et elle est de surcroît extrêmement complexe à mettre en oeuvre.

Sur le plan des principes, l'existence d'une redevance d'utilisation risque de mener à une valorisation des fréquences, ce qui est en contradiction totale avec l'esprit et la nature de la loi du 30 septembre 1986, laquelle stipule que les fréquences ne sont ni valorisables, ni cessibles.

Par ailleurs, le CSA ne délègue pas la gestion d'une bande globale à un opérateur, mais délivre des autorisations de diffusion qui, au cas par cas, définissent les caractéristiques précises d'utilisation de la fréquence. La prise en compte des éléments techniques (puissance d'émission, zone de couverture), démographiques (population de la zone desservie), de la catégorie de service (national ou local, commercial ou associatif...) risque de conduire à des règles de calcul de la redevance extrêmement compliquées si l'on veut qu'elles soient équitables et qu'elles ne constituent pas un frein à la liberté de communication.

C'est sans doute pour ces raisons que le CSA, dans son rapport annuel pour 1995, a précisé que, bien que le principe d'une telle redevance n'était pas à exclure a priori, celle-ci « était extrêmement délicate à mettre en oeuvre dans le secteur audiovisuel ».

De fait, l'article 23, paragraphe IV, du projet de loi de finances pour 1997, qui institue une taxe pour la délivrance, la gestion et le contrôle des autorisations nécessaires à l'exercice d'une activité dans le secteur des télécommunications, est restreint à ce dernier secteur.

En revanche, l'article 28 du projet de loi de finances rectificative semble ouvrir cette possibilité.

C. LE NUMÉRIQUE HERTZIEN

1. La normalisation progresse

Le développement actuel et les immenses perspectives de la numérisation de la télévision proviennent des excellents résultats obtenus dans le traitement électronique des images et des sons.

Décrits dans la norme mondiale ISO-MPEG2, ces traitements ont pour but de ne transmettre que le minimum d'informations utiles à la reconstruction de l'image par le récepteur terminal (téléviseur ou micro-ordinateur).

La ressource de transmission nécessaire a été abaissée dans un facteur 20 au moins, 150 au plus, ce qui autorise la diffusion d'un programme audiovisuel (image et son) sur les supports habituels (câbles, satellites, faisceaux hertziens, émetteurs terrestres).

La réduction de débit (compression numérique) est devenue si efficace qu'il est possible de regrouper plusieurs programmes sur un seul canal de transmission. C'est le multiplexage défini par la norme mondiale ISO-MPEG2.

À ce stade, le multiplexage de programmes audiovisuels numérisés est toujours réalisé dans un environnement local d'électronique numérique.

La transmission vers un ou plusieurs points reste en revanche à harmoniser dans le cadre du groupement européen DVB (Digital Video Broadcasting).

Pour chaque support, câble, satellite et diffusion terrestre. DVB a proposé pour normalisation à l'ETSI (European Telecommunications Standard Institute) un procédé de transmission optimisé.

Déjà publiées pour le câble et le satellite, et prochainement pour la diffusion terrestre, mais à l'étude pour le MMDS, ces normes sont en deux parties distinctes :


• un codage des images et des sons et un multiplexage des programmes selon la norme ISO-MPEG2, c'est-à-dire communs et strictement identiques pour tous les systèmes,


• une modulation optimisée pour les principaux vecteurs de distribution des programmes audiovisuels.


• La presse et les médias en général ont largement fait écho au problème du contrôle d'accès pour les programmes payés directement par l'abonné. On peut résumer l'action de DVB en deux arguments majeurs :


• le procédé d'embrouillage est normalisé. Il sera commun à tous systèmes qui seront mis en service en Europe.


• le procédé de transmissions des informations, pour que le désembrouilleur de l'abonné puisse fonctionner, est libre. C'est de cette partie du mécanisme du contrôle d'accès dont il a été très souvent question, avec les désignations de système propriétaire ou de système ouvert.

2. TDF est prêt à diffuser une télévision numérique de terre

Lors du forum consacré aux autoroutes de l'information à l'heure des expérimentations du 1er février 1996, organisé par le ministère délégué à la Poste, aux Télécommunications et à l'Espace, TDF s'est déclaré partisan résolu du développement de la télévision numérique terrestre.

Un exercice de simulation mené par TDF a montré qu'il est possible de diffuser quatre canaux (chacun contenant plusieurs programmes) au moins à partir des principaux sites d'émission de la télévision analogique et de desservir ainsi près de 60 % de la population.

Des moyens supplémentaires pourraient être également utilisables pour compléter la couverture du territoire (émetteurs complémentaires de plus faible puissance, déjà utilisés en télévision analogique sur plus de 3 800 stations par TDF).

L'opérateur public se montre ainsi partisan résolu du numérique terrestre, qui pourrait être mis en oeuvre rapidement et relativement facilement sur le plan technique :

« L'utilisation rendue possible des canaux tabous (canaux adjacents des canaux de la télévision analogique sur un même site d'émission) garantit une réception immédiate et sans adaptation par les antennes individuelles et collectives existantes. Il s'agit là d'une valorisation d'un patrimoine de la collectivité nationale.

« Le coût d'accès au service de « télévision numérique » serait réduit pour chaque foyer. Le coût individuel serait d'environ 2 000 francs H. T. de récepteur décodeur numérique (2 400 francs dans le cas de la diffusion terrestre), auxquels il faut ajouter l'antenne de réception dans le cas du satellite (1 600 francs à 2 000 francs H T.) et l'abonnement dans le cas du réseau câblé (1 500 francs à 2 000 H. T. la première année).

« Pour 20 % environ des premiers foyers desservis, la réception des canaux de télévision numérique pourra se faire, sans défaut aucun, sur une simple antenne intérieure disposée à côté du récepteur-décodeur numérique.

« Cette proportion pourra être notablement améliorée par des compléments techniques propres à la diffusion numérique (réémetteurs locaux pour un quartier, micro-émetteur pour un appartement ou une résidence particulière).

« En outre, cette technique ouvre la perspective des écrans plats (wall screen), légers, peu encombrants, et aisément transportables ».

3. Toutefois, l'association des villes câblées s'y oppose

Le développement de la télévision par voie numérique hertzienne suscite des interrogations majeures.

Quels besoins nouveaux cherche-t-on à satisfaire ? Il a fallu plus de 10 ans pour bâtir une offre de programmes à peu près complète sur les réseaux câbles et, dès aujourd'hui, chacun peut y accéder par câble ou par réception directe, quelle que soit sa localisation sur le territoire. Va-t-on améliorer la diffusion de ces programmes avec un nouveau support ? Envisage-t-on de bâtir intégralement une nouvelle offre, y compris en termes de contenu et de circuit commercial ? Sommes-nous encore largement sur un marché d'offre plus que de demande ?

Développer la diffusion numérique hertzienne n'engendrerait-il pas un grand nombre de difficultés qui ralentiraient encore le développement audiovisuel français ?

Tout d'abord, cela pourrait alourdir les charges des éditeurs de programmes qui seraient ainsi contraints d'être présents sur les trois supports.

Ensuite, qui pourrait être l'opérateur d'un tel support ? À l'évidence, il ne peut s'agir des câblo-opérateurs qui ne vont pas organiser leur propre concurrence, ou Canal + très absorbé par la commercialisation du bouquet Canal Satellite et qui a choisi, pour sa diversification, une logique de complémentarité câble/satellite. Les opérateurs de chaînes généralistes peuvent-ils se lancer dans le développement de la télévision numérique hertzienne ? Il est très peu probable qu'ils en aient les moyens et ils ne semblent pas, c'est un euphémisme, très motivés par un tel projet. Leurs préoccupations actuelles, comme les y invite le Gouvernement, vont plutôt au regroupement de moyens pour aborder le marché européen et non à la dispersion sur un énième support national.

Imagine-t-on alors trouver de nouveaux opérateurs ? De nouveaux investisseurs ? De nouveaux programmes ? Ces hypothèses sont plus qu'improbables car depuis dix ans elles se seraient vérifiées grâce au câble et au satellite.

Au chapitre des inconvénients majeurs au développement de l'hertzien numérique terrestre, on rappelle aussi que plus de 30 milliards des plus ont déjà été investis dans les réseaux câblés. À ce jour, 30 % de la population y est raccordable (40 % dans les trois ans). Ces réseaux couvrent aujourd'hui la très grande majorité des sites urbains qui correspondaient aux territoires les plus intéressants pour l'hertzien terrestre numérique, notamment dans le cas du réseau multivilles. Cette nouvelle concurrence frontale pourrait ralentir encore le câble pour un résultat plus qu'aléatoire.

Ce retour à l'hertzien serait d'autant plus anachronique que, depuis 18 mois, on ne parle plus que d'autoroutes de l'information. Ce concept d'inforoutes repose sur des réseaux filaires à intégration de services - voix, données, images - avec des capacités large bande, haut-débit et bidirectionnelles. Ces caractéristiques sont celles des réseaux câblés français.

« Saucissonner » de nouveau le marché en séparant les services et les supports, à ce moment du développement, constituerait donc une nouvelle ineptie.

Rappelons également que le groupe de travail européen DVB a arrêté une norme de l'hertzien terrestre numérique distincte des normes câble et satellite.

Cela ne permettra donc pas les économies d'échelle en terme de décodeurs et contraindrait les câblo-opérateurs à pratiquer des prix d'abonnements élevés sur trois supports parallèles. De plus, rien ne permet d'affirmer aujourd'hui que les antennes classiques et surtout les réseaux d'immeubles seront compatibles avec l'hertzien terrestre numérique. Pour ce qui est des téléviseurs, la réponse s'impose d'elle-même... Plutôt que de disperser les investissements dans des supports concurrents, il serait plus pertinent d'en consacrer aux contenus et aux usages.

En conclusion, les câblo-opérateurs sont plus que réserve et l'Association des Villes Câblées estime « qu'il faut adopter un moratoire de 5 ans sur l'utilisation des fréquences hertziennes terrestres en matière de communication audiovisuelle et cela tant en technique analogique que numérique, à l'exception de la technique MMDS en prolongement des réseaux câblés quand cela s'avère judicieux ».

4. Le rapport Levrier préconise d'approfondir la réflexion sur l'introduction du numérique hertzien.

Demandé à l'ancien directeur général de TDF, M. Philippe Levrier, le rapport sur « La télévision numérique terrestre, une technologie en quête d'avenir » , remis au ministre de la Culture et au ministre délégué à la Poste, aux Télécommunications et à l'Espace, en mai 1996, conclut notamment qu'il « paraît sage aujourd'hui de ne pas envisager l'exploitation de bouquets numériques hertziens en UHF » .

La technologie numérique développée en Europe depuis 1992 connaît ses premières applications commerciales, sur le satellite et sur le câble, dans la première moitié de 1996. Son extension au support terrestre est en cours de développement technique.

a) Les conditions de l'introduction du numérique hertzien ne sont pas réunies

Selon le rapport, il reste encore un certain nombre d'étapes à franchir afin de vérifier la réalité de ces promesses et avant de conclure sur les possibilités d'exploitation du système dans le contexte français.

(1) Achever la normalisation

Le projet DVB est parvenu à la fin de l'année dernière à un accord sur une spécification adaptée à ce mode de distribution. L'adoption officielle de la norme devrait intervenir à l'automne 1996. Beaucoup d'éléments de cette norme seront communs à celles choisies, en 1994, pour le satellite et le câble.

Si les développements industriels succèdent à l'adoption de la norme, l'introduction de la télévision numérique terrestre sur le marché grand public pourrait intervenir vers 1998-1999.

Toutefois, il est nécessaire au préalable de qualifier la norme par des essais en vraie grandeur complets, d'achever les études de fréquences permettant de définir les caractéristiques des réseaux et de poursuivre l'examen de la faisabilité technique et commerciale des récepteurs numériques terrestres.

Pour devenir une réalité avant la fin du siècle, la télévision numérique terrestre devra d'abord faire la preuve de ses performances. Les organismes impliqués dans sa mise au point devront donc poursuivre et achever, dans un délai estimé de dix-huit à vingt-quatre mois, les différentes études entreprises.

Le marché n'est pas spontanément demandeur de la numérisation de l'hertzien terrestre dont les vrais enjeux se situent dans le long terme.

(2) Les diffuseurs hertziens français sont attentistes

Ils présentent actuellement des résultats commerciaux favorables et des bilans financiers positifs. Ils maintiennent globalement leur audience. Ils ne sont pas réellement menacés par le satellite et le câble dont les développements restent encore limités. Leurs projets nouveaux sont dans l'ensemble construits autour de la diffusion numérique par satellite dont ils entendent contrôler l'exploitation sur le marché français.

A la différence de leurs homologues britanniques, qui doivent faire face à un concurrent dynamique ayant réussi à implanter la diffusion satellitaire sur une large échelle au Royaume-Uni ( ( * )23) , les chaînes de télévision françaises n'ont donc pas d'intérêt commercial spontané à étudier des projets de télévision numérique terrestre.

Ni la perspective d'une augmentation de leurs revenus, ni la recherche d'une réduction de leurs charges, ni l'objectif de protection de leur marché ne paraissent justifier à leurs yeux le recours à cette technologie.

L'absence d'initiative positive de chaînes hertziennes bénéficiant d'une certaine stabilité de leur marché n'est pas une caractéristique spécifique à la France. Les diffuseurs américains eux aussi s'interrogent sur la viabilité économique du processus dans laquelle la FCC désire les entraîner ( ( * )24) . Les chaînes allemandes ont à plusieurs reprises exprimé leurs réserves, compte tenu de la pénétration élevée du câble et du satellite dans ce pays ( ( * )25) .

Forte des parts de marché encore très élevées, la télévision hertzienne n'a pas besoin en France du numérique terrestre.

(3) L'attitude des industriels est marquée par la prudence

Les industriels, désorientés par les avatars de la télévision haute définition adoptent désormais des comportements pragmatiques et cherchent à minimiser, voire à supprimer, les risques industriels inhérents aux nouvelles technologies.

Ils craignent que le numérique hertzien ne leur procure aucun débouché réel. L'attentisme des diffuseurs les renforce dans cette conviction et ils préfèrent consacrer leurs efforts à la satisfaction immédiate des besoins réels de leurs clients solvables.

Leur vrai combat est ailleurs. La bataille est quotidienne, sur un marché de plus en plus ouvert et mondialisé, dans un contexte de baisse continue des prix.

Aux États-Unis, une « Grande Alliance » vise à la conception et à la production d'un téléviseur numérique grand public, mais ils estiment que sur le marché européen, trop fragmenté et dépourvu d'instance unique de régulation, une telle démarche a peu de chance de voir le jour.

Reconnaissant désormais le rôle primordial des diffuseurs dans l'évolution des services de télévision, les industriels attendent d'eux des engagements fermes sur des projets crédibles. Aujourd'hui, les seuls engagements réels qu'ils constatent concernent le satellite.

Les expériences de télévision numérique hertzienne en Europe

En Europe du Nord, seule la Suède affiche ses ambitions en matière de numérique hertzien. Lars Jeding a été mandaté par le Gouvernement suédois pour rédiger un rapport concernant le développement de la télévision numérique en Suède. Ce dernier, intitulé « Des Mass Media au Multimédia - numérisation de la télévision suédoise » a été remis par la commission, au ministre de la Culture, Margot Wallström, le 13 février 1996. Il a donné lieu à un relatif consensus. Ce rapport doit permettre au Gouvernement d'adopter un point de vue stratégique sur le rôle futur de la télévision dans la société. À partir de ce point de départ, il est possible de tracer un plan d'actions pour la numérisation de la télévision en Suède. Le Parlement devrait prendre sa décision sur le projet de loi soumis par le Gouvernement en novembre ou décembre 1996. La Suède affiche des ambitions très élevées en terme de développement de la télévision numérique dans le pays, et s'appuie sur des pronostics optimistes. Ainsi, 50 % des foyers recevraient la télévision numérique terrestre en 2004 et la fermeture des réseaux analogiques est prévue pour 2008 . La construction du réseau numérique doit commencer début 1997 et, dès 1998, huit chaînes de télévision numérique terrestre seraient proposées au public.

Dans son rapport, Lars Jeding propose que les diffuseurs publics propriétaires du réseau terrestre, à savoir, SVT1, SVT2 et TV4 étendent aussi vite que possible leur réseau pour offrir des opportunités de diffusion numérique, à hauteur de huit chaînes. Après deux années, il estime que le réseau pourrait être étendu à 24 chaînes. Il préconise une période de transition d'au maximum dix ans , pendant laquelle les chaînes STV et TV4 émettraient à la fois en analogique et en numérique.

Lars Jeding pense d'ailleurs que la conversion des téléspectateurs au numérique se fera plutôt en cinq ans qu'en dix, car les ventes de terminaux se montent à 600 000 unités par an pour un marché de 3,5 millions de foyers. Il propose que soient engagées au plus vite des négociations avec des fournisseurs potentiels de décodeurs numériques. Il prévoit qu'aux environs de 2010, il sera possible d'envoyer environ 50 programmes sur le réseau terrestre. Les chaînes existantes continueront donc à fournir des programmes, mais de nouveaux entrants, comme par exemple des groupes de médias, feront leur apparition. Sept à dix chaînes commerciales pourront coexister, ainsi que 400 à 500 stations locales et régionales . Il qualifie de mineure la question du coût du simulcast. D'un montant d'environ 150 millions de francs pour la télévision analogique, le simulcast passerait de 23 à 30 millions de francs pour le numérique.

Le Royaume-Uni devrait être le premier pays européen à construire un réseau hertzien numérique.

En août 1995, la publication du Livre Blanc, à partir du Broadcasting Act de 1990 qui définissait le mode d'attribution et de réglementation des licences pour les chaînes commerciales (terrestre, satellite, câble), constitue la première étape de l'élaboration d'un projet de loi sur la télévision numérique hertzienne. Un groupe de travail, « Digital TV Group » , qui réunit les protagonistes de la télévision numérique terrestre en Grande-Bretagne (la BBC, BT, Channel 4, DigiMedia Vision, Eldon Technology, Eutelsat, Hitachi, Irdeto, ITV, Maxat, Motorola, NTL, Pace, Panasonic, Pearson, Philips, Pionneer, Roke Manor Research, Samsung, SGS Thomson, Snell & Wilcox, Sony, Teletext et Toshiba), est alors créé. Ce forum a pour but de coordonner les efforts de développement des équipements qui permettront de lancer des services de télévision numérique terrestre au Royaume-Uni. En décembre 1995, le Broadcasting Bill a été publié. Après débat au sein du Parlement, la loi elle-même, le Broadcasting Act, a été adoptée fin juillet 1996. De janvier à juin 1997, les fréquences seront attribuées. Entre janvier et juin 1998, le lancement de la TV numérique terrestre devrait être effectif.

Le Broadcasting Act fait de la BBC le champion de ce saut technologique : avec un multiplexe pour lui seul, le service public, qui a déjà pris de l'avance en lançant ses cinq radios numériques sur Londres à l'automne 1995, va pouvoir rivaliser avec les chaînes satellites payantes.

Ce Broadcasting Act propose la mise à disposition de six multiplexes (fréquences « tabous ») avec une couverture de 60 à 90 % de la population et une offre globale d'au moins 18 programmes. Les principaux acteurs seront les opérateurs de multiplexes, véritables gestionnaires de la ressource et interface entre les sociétés de programmes et les télédiffuseurs. La loi fixe une limite de deux multiplexes par opérateur. Chaque société de programmes existante devrait se voir attribuer un demi-multiplexe. La licence de multiplexe serait gratuite pour la période initiale de douze ans. Le Broadcasting Act prévoit la diffusion de la totalité des programmes analogiques en simulcast, et la possibilité de services annexes et de services à péage. La date de fermeture de l'analogique reste à définir : cinq ans après l'attribution de la première licence de multiplexe ou lorsque 50 % de foyers seront connectés. L'Independant Television commission est responsable de l'attribution des fréquences et de la réglementation des services au niveau des multiplexes et des sociétés de programmes. L'Office des Télécommunications est responsable de l'attribution des licences et de la réglementation des systèmes de contrôle d'accès.

A l'heure actuelle, le Digital TV Group, ITV, BBC, Sky ont dévoilé presqu'en même temps leurs projets. Les chaînes franchisées du groupe ITV se sont mises d'accord pour lancer des services communs sur le réseau numérique terrestre.

« ITV2 » sera diffusée sur le multiplexe attribué à la troisième chaîne par le Broadcasting Act. Les projets du service public ont été publiés dans un document « Extending choice in the digital âge » : dédoublement des chaînes actuelles, chaînes par abonnement, services en ligne, radio DAB, le tout pour 200 millions de livres. Le financement serait assuré par la privatisation du réseau de transmission, l'emprunt et les coupes budgétaires. L'association avec des partenaires privés est évidemment fortement envisagée, notamment par l'intermédiaire de BBC Worldwide.

b) Les enjeux majeurs de la télévision numérique terrestre se situent dans le long terme.

S'agissant du support terrestre, trois grands enjeux peuvent être affectés par son introduction : le développement de l'économie du spectre hertzien, la pénétration des systèmes de distribution multicanaux dans les foyers, la généralisation de la société de l'information.

Un programme de numérisation de la télévision hertzienne pourrait permettre, à l'issue d'une période de transition d'une durée de quinze ans environ, une restructuration complète du spectre des fréquences et rendrait ainsi disponibles 100 à 150 Mégahertz de bande de fréquences, soit l'équivalent de deux à trois fois les attributions actuelles du radiotéléphone GSM.

Une telle ressource pourrait représenter une valeur très importante, vraisemblablement de l'ordre de 5 à 15 milliards de francs.

Un deuxième objectif serait de rechercher l'exploitation maximale des capacités nouvelles offertes par la compression numérique. Elle pourrait conduire à un accroissement significatif du nombre de programmes transmis par voie hertzienne. L'hertzien deviendrait alors, à côté du câble et du satellite, un moyen supplémentaire de desserte « multicanaux » des foyers.

Ainsi, en Grande-Bretagne, le projet mis au point par les pouvoirs publics prévoit que vingt-quatre programmes nationaux seront diffusés par la télévision numérique hertzienne. En France, le faible développement de la desserte multicanaux, qui concerne seulement 12 % des foyers, pourrait rendre attractive une telle orientation.

Enfin, toujours sur le long terme, la télévision numérique, en faisant pénétrer dans les foyers des terminaux aptes à traiter et à stocker ce type d'information, participe au mouvement général vers la société de l'information. Le décodeur numérique de la télévision payante constitue un terminal évolutif donnant une porte d'accès à la société de l'information.

Trois applications de cette technologie, correspondant à trois segments de marché, la télévision payante, la télévision gratuite et les communications nomades sont possibles.

1/ Le bouquet hertzien

Une offre de bouquet numérique hertzien peut techniquement se concevoir. En terme de capacité, elle hisserait l'hertzien au niveau du câble analogique. Dans les zones couvertes, là où existent suffisamment de fréquences, et en faisant l'hypothèse que ces ressources soient concentrées sur ces zones, de vingt à quarante programmes pourraient ainsi être distribués.

Les questions posées par un tel modèle portent sur le volume et la rentabilité du marché correspondant, la disponibilité des terminaux et, plus fondamentalement, sur l'opportunité de l'introduction d'une nouvelle concurrence sur le marché du câble.

2/ Le téléviseur du futur

Le modèle pertinent sur le segment de la télévision gratuite apparaît comme un modèle de conversion des normes ( ( * )26) , s'appuyant sur le développement d'un « téléviseur du futur », dans le cadre d'un programme concerté avec les diffuseurs.

Les programmes actuels sont dupliqués en numérique, et si une adéquation satisfaisante peut être obtenue entre le prix du téléviseur et les avantages supplémentaires qu'il procure à son utilisateur, le renouvellement du parc pourrait être effectif une quinzaine d'années après le démarrage des ventes.

Un tel modèle pose la question de la faisabilité technique et commerciale de ce téléviseur du futur et celle de la prise en charge des coûts associés à la double diffusion des programmes.

3/ L'autoroute des ondes

Le réseau numérique terrestre peut aussi être considéré comme un système de diffusion de données massif, susceptible d'offrir des services de téléchargement de logiciels et de transfert de fichiers à destination d'ordinateurs domestiques, de bureau ou de portables munis d'une interface adaptée.

Ce modèle de « l'autoroute des ondes » relève d'une démarche d'exploitation du maximum de la flexibilité du numérique, dans une logique de télécommunications et sur un support bien adapté aux trafics très dissymétriques.

Les questions posées par ce modèle portent sur deux points principaux : la rentabilité d'un tel investissement et le développement d'interfaces appropriées.

La combinaison de ces modèles débouche, dans différents pays, sur la construction de scénarios opérationnels.

L'enjeu de remembrement du spectre hertzien n'est bien servi que par le modèle « téléviseur du futur ». Les deux autres modèles aggravent plutôt la situation en densifiant encore l'usage de ces bandes de fréquences.

L'enjeu du développement multicanaux est partiellement et directement atteint par le modèle « bouquet hertzien », mais il resterait à en évaluer l'ampleur réelle.

En France, la sélection d'un scénario suppose au préalable le règlement de la question de la concurrence avec le câble. En effet, le modèle « bouquet hertzien » ne peut se concevoir pleinement que dans le cadre d'une commercialisation large, c'est-à-dire également dans les villes, y compris dans celles qui sont déjà câblées, car il existe là aussi des antennes de réception hertzienne utilisable.

Or il serait illogique, au moment où les pouvoirs publics s'apprêtent à autoriser les opérateurs du câble à trouver des ressources supplémentaires sur le marché des télécommunications de les priver d'une partie des ressources de leur marché de base, au demeurant fort peu mature. En outre, le câble devra déjà contenir l'extension de la diffusion numérique par satellite qui peut créer une dynamique forte au cours des prochaines années. Il paraît donc sage aujourd'hui de ne pas envisager l'exploitation, en France, de bouquets numériques hertziens en UHF.

Le cadre législatif actuel étant inadapté au numérique hertzien, il devrait être remanié, en fonction du scénario retenu.

Basé sur une correspondance univoque entre fréquence, réseau et programme, le cadre législatif mis en place en 1986, est remis en cause sur bien des points par la technologie numérique.

Les enjeux concernent à la fois les règles relatives aux produits et aux contenus, la disparition de la spécialisation des supports, les frontières entre domaines d'activité, les mécanismes d'attribution des fréquences, les dispositifs anticoncentration, l'application du droit de la concurrence.

Certaines de ces questions ne sont pas propres au terrestre et devront de toute façon trouver des solutions pour le numérique par satellite. Il n'en demeure pas moins que le numérique terrestre pose des problèmes particuliers, notamment parce que l'attribution des fréquences y revêt une grande importance.

La variété des usages possibles de la télévision numérique a pour conséquence qu'il n'existe pas une solution unique pour définir le cadre de son éventuelle introduction. Pour poursuivre les réflexions dans ce domaine, il est au préalable indispensable de sélectionner un scénario adapté au cas français.

Après avoir écarté le modèle du bouquet, le seul itinéraire qui s'ouvre pour la télévision numérique terrestre en France consiste en une combinaison, à titre principal du modèle « téléviseur du futur » et à titre secondaire du modèle « l'autoroute des ondes ». C'est un scénario de conversion des normes, de « refondation » hertzienne, s'appuyant sur un nouveau téléviseur muni par exemple du format 16/9, et offrant de nouveaux services complémentaires.

Sa faisabilité reste à démontrer et sa mise en oeuvre nécessiterait le concours de tous les acteurs concernés.

En cas de conclusion négative sur sa faisabilité, ou d'impossibilité d'obtenir des acteurs économiques un engagement à l'étudier, il serait toujours possible d'adopter une politique d'adaptation des réseaux analogiques, qui, sans atteindre tous les objectifs assignés à la numérisation, serait susceptible de parvenir à une amélioration partielle sur un certain nombre de points.

Ce scénario de « redéploiement » s'appuierait sur une politique d'utilisation plus intensive de la diffusion par satellite pour assurer la couverture du territoire. Il réduirait les coûts de diffusion, décongestionnerait le spectre des fréquences et doterait malgré tout la télévision hertzienne de certaines des possibilités du numérique, tels que l'interactivité ou le guide des programmes. Il n'équivaudrait pas obligatoirement à un renoncement définitif en matière de numérisation de l'hertzien. En effet, il n'est pas improbable que, dans l'avenir, de nouveaux développements techniques améliorent encore les performances de ces systèmes et la question pourrait se poser de nouveau d'ici cinq à dix ans.

Un programme d'études concernant les réseaux, le téléviseur et le cadre, devrait être mené à bien d'ici 1998.


• S'agissant des réseaux (qualification de la norme, expérimentations et planification des fréquences), il serait utile que les pouvoirs publics désignent un organe de pilotage et de coordination de ces études, afin de garantir leur bonne fin dans un délai de dix-huit à vingt-quatre mois.

Cette mission, à caractère technique, prospectif et interministériel, entre tout à fait dans les compétences de la future agence des fréquences qui doit être créée dans le cadre de la loi de réglementation des télécommunications. Un groupe interministériel léger, destiné à être intégré dans l'agence, pourrait prendre en charge ces tâches dans l'immédiat. Les modalités de participation du CSA à ces travaux devraient être définies avec lui.


• Les travaux concernant la conception du futur téléviseur numérique sont bien évidemment du ressort du secteur industriel. Il serait souhaitable que le ministère de l'industrie prenne l'initiative de demander aux industriels de participer à la création d'un groupe de travail chargé d'examiner la faisabilité d'un tel produit.


• Enfin, il conviendrait que soit entreprise une étude approfondie des répercussions juridiques de chacun des deux scénarios. En effet, les enseignements tirés des diverses expérimentations menées dans le cadre des autoroutes de l'information devraient être disponibles dans le même laps de temps et il serait judicieux que la réflexion nécessaire à la mise en place d'un cadre définitif intervienne en parallèle.

Il s'agit naturellement d'une mission qui entre dans les compétences habituelles du SJTIC, mais pour laquelle une formule de travail ad hoc pourrait aussi convenir.

Le bon achèvement de cette phase nécessite l'adhésion de tous les acteurs concernés par les trois volets du programme, et en particulier une participation active des industriels de l'électronique grand public. Une concertation préalable à toute décision de lancement devrait permettre de vérifier l'acceptabilité de cette démarche.

Une fois ces études de faisabilité achevées, vers le début de 1998, il appartiendra aux pouvoirs publics, en fonction de leurs résultats de choisir entre les trois options suivantes :


• lancer un programme de conversion au numérique de la télévision hertzienne, ce qui impliquera certainement le vote d'une loi spécifique pour en définir les modalités juridiques et économiques ;


• mettre en place un plan de modernisation des réseaux analogiques actuels et autoriser, le cas échéant, l'exploitation des fréquences numériques disponibles, en fonction de la demande du marché soit pour des besoins audiovisuels, soit pour des besoins de télécommunications ;


• mettre en place un plan de modernisation des réseaux analogiques actuels et geler les ressources numériques hertziennes pour conserver la possibilité de numériser l'hertzien, dans l'avenir, en fonction des évolutions technologiques attendues sur le long terme.

Bien évidemment ces choix devront être précédés d'une information et d'un débat le plus large possible avec les différents acteurs publics et privés concernés par le dossier. Une instance informelle, sur le modèle du projet DVB, mais au niveau national, permettant le dialogue et l'échange d'informations entre les représentants des opérateurs publics et privés du secteur, de l'administration et des autorités de régulation indépendantes, pourrait utilement concourir à cette action.

II. LA SITUATION DU CÂBLE

A. L'ÉCONOMIE DU CÂBLE

1. Le satellite fait désormais jeu égal avec le câble

Le nombre de foyers raccordés ( ( * )27) au câble en France s'est élevé au 30 septembre 1996 à 2 048 619, en progression de 15,6% sur un an et le nombre d'abonnés ( ( * )28) à 1 423 720, en hausse de 13,8 %.

Répartition des abonnés du câble à la date du 1er octobre 1996

Prises

Abonnés

Raccordés

Pénétration

Raccordement

Total général

6 489 890

1 423 720

2 046 619

21,94 %

31,67 °o

Source : AVICA

Répartition des quatre principaux opérateurs en avril 1996

Prises

Abonnés

Raccordés

Pénétration

Nouveaux

abonnés

CGV

2 538 624

534 113

1 895 406

28,2

34 860

Lyonnaise

2 621 582

533 690

2 100 386

25,4

21 920

France Tél. Câble

1 540 725

428 191

1 407 514

30,4

15 228

TDF Câble

288 513

138 326

264 503

53

3 790

Source : CSA Opérateur

En juin 1996, le nombre de foyers reliés à une antenne parabolique a égalisé le nombre de foyers abonnés au service de base du câble (1 400 743 foyers). Entre octobre 1995 et juin 1996, le nombre de paraboles a progressé de 41 % . Avec le lancement de CanalSatellite et de TPS, ce chiffre pourrait atteindre 2 millions d'ici la fin de l'année.

Malgré les efforts des câblo-opérateurs, le câble reste cher. Le prix du service de base est, en France, plus élevé que, dans les autres pays européens, comme l'indique ce tableau non exhaustif :

Le prix du câble en France et en Europ e

Sites

Frais de

raccordement

Abonnement mensuel au

service de base

France (I)

800

149

Allemagne

220

80

Royaume-Uni

170

10

Pays-Bas

300 - 600

30 - 45

Belgique

270

65

Suisse

4 770

55 - 100

Autriche

1 900

85

Irlande

200

65

Suède

420

20

Norvège

6 100

40

Danemark

1 700 - 3 050

40

Finlande

3 100 - 4 100

50

(I) Paris Source : SJTIC

2. La politique commerciale des câblo-opérateurs

a) Une concurrence accrue

Face à la concurrence de la réception satellitaire et aux interrogations relatives au développement du numérique hertzien, la rentabilité du câble passe par une progression du nombre d'abonnés, une utilisation croissante des capacités des réseaux, et une reprise de leur construction actuellement interrompue.

(1) La concurrence du satellite

L'offre commerciale de CanalSatellite, diffusée en mode numérique, est plus attractive que l'abonnement à la même offre en diffusion analogique (98 francs par mois auquel il convient d'ajouter 45 francs pour la location du terminal, contre 136 francs en mode analogique sans compter l'option LCI-Monte Carlo d'un coût de 25 francs).

Cette offre présente une concurrence redoutable pour l'ensemble des câblo-opérateurs. Si un câblo-opérateur, comme la CGV, proposait sur tous ses réseaux une offre équivalente à la place de son offre basique actuelle (d'un coût de 175 francs) et si 100 % des clients adhéraient à cette offre, la perte du câblo-opérateur atteindrait 384 francs par an et par abonné, soit une perte de 18 % de son chiffre d'affaires.

L'introduction de la diffusion numérique pourrait se traduire par une baisse du prix d'abonnement du câble ou par une plus grande segmentation de cette offre. Cette évolution sera progressive. Le prix des décodeurs numériques des réseaux câblés ne devrait pas dépasser celui de l'actuel Visopass. L'offre numérique devrait par ailleurs enrichir le service de base. Telles semblent être les deux conditions qui permettraient aux câblo-opérateurs de résister à l'offensive du satellite et d'exploiter des réseaux enfin rentables.

Les gains de productivité réalisés par les câblo-opérateurs ont permis en trois ans une baisse globale du coût de revient d'un abonné de 14 % pour les réseaux hors Plan câble et de 24 % pour les réseaux du Plan câble. Cette baisse du coût de revient résulte d'une réduction générale des charges et principalement des charges de réseaux. Pour les réseaux du Plan câble, les charges de structure et de commercialisation ont également été réduites.

Malgré la réduction globale des charges, le coût de revient d'un abonné demeure supérieur aux recettes qu'il procure. Par conséquent, l'équilibre financier de l'exploitation des réseaux câblés n'est pas encore atteint pour la majorité d'entre eux, même si l'amélioration de leur marge nette est significative.

Au début 1996, la masse critique d'abonnés pour que le câble français parvienne à l'équilibre pouvait être estimée à 1 855 000 abonnés au service de base. Or, au 30 juin 1996, le nombre d'abonnés au service de base n'était que de 1 423 000, soit un retard de 432 000 abonnés. Pour que l'ensemble du secteur du câble soit aujourd'hui à l'équilibre financier, il devrait compter environ 45 % d'abonnés de plus au service de base. Si les réseaux du Plan câble comptaient 366 000 abonnés supplémentaires au service de base et les réseaux hors Plan câble 210 000 abonnés supplémentaires, le câble aurait atteint son équilibre.

(2) Des adaptations ponctuelles

Face à la concurrence du satellite, les câblo-opérateurs devraient revoir leur stratégie commerciale car le câble coûte encore trop cher en France.

Depuis le printemps 1995, France Télécom Câble a expérimenté sur plusieurs sites une nouvelle stratégie de commercialisation en proposant un service de base à 75 francs mensuels à côté d'une ou plusieurs offres optionnelles.

Certaines chaînes thématiques ont alors fait part au CSA de leur inquiétude sur leur situation financière déjà fragile. En effet, le financement de ces chaînes repose essentiellement sur la redevance perçue auprès des câblo-opérateurs, calculée sur le nombre d'abonnés au service de base.

Devant la faible progression des abonnés au câble, deux axes de développement, distincts sans pour autant être contradictoires, semblent poursuivis. Le premier concerne la montée en puissance des chaînes thématiques françaises de qualité, essentielle à la progression du câble. Le second concerne l'offre de programmes diffusés par satellite, en augmentation régulière. L'usager devenant nécessairement de plus en plus sélectif dans le choix des chaînes qu'il souhaite recevoir, la commercialisation du câble devra s'adapter à la fois à cette offre croissante et à la demande précise des téléspectateurs. La segmentation des plans de services constituerait à moyen terme la meilleure solution.

D'une manière générale, l'intérêt commun des chaînes du câble françaises et des câblo-opérateurs est d'offrir conjointement aux abonnés un produit à la fois riche dans son contenu et souple dans son utilisation pour constituer une solution commercialement forte face au développement des bouquets satellitaires étrangers. Selon France Télécom, les résultats de sa politique de segmentation n'auraient pas de conséquences négatives sur le taux d'abonnement aux chaînes thématiques et donc sur la rémunération de celles-ci. Il conviendra cependant d'effectuer un bilan de cette expérimentation au terme de sa première année et d'en tirer les conséquences.

Cette souplesse dans la gestion commerciale des plans de services est d'autant plus nécessaire que les opérateurs de bouquets de chaînes diffusées par satellite s'orientent eux-mêmes dans cette direction. La politique mise en place par CanalSatellite vis-à-vis des gestionnaires d'antennes collectives (par exemple l'offre Eurosport et/ou TMC) en constitue une préfiguration.

La lourdeur des procédures d'abonnement au câble constitue également un handicap important dans la concurrence câble-satellite, qui semble spécifique à l'Europe, sinon à la France. Comme votre rapporteur a pu le constater en Asie, la souplesse et le dynamisme des câblo-opérateurs locaux permettent de répondre rapidement à une demande d'abonnement, parfois dans les 24 heures...

b) La situation financière des câblo-opérateurs

En 1995, la situation financière des exploitants commerciaux s'est améliorée. Si la grande majorité des exploitants de réseaux dégage un excédent brut d'exploitation et parvient même, sur certains sites, à atteindre un résultat net bénéficiaire, aucun câblo-opérateur ne dégage toutefois de bénéfice sur l'ensemble de son activité.

Cependant, cette amélioration des résultats, bien que provenant pour partie d'une augmentation du nombre d'abonnés et d'économies réalisées (sur certaines dépenses), dépend en grande partie de mesures conjoncturelles.

Pour les réseaux du plan câble, la réduction de la redevance versée à France Télécom mise en oeuvre en 1992 et l'exonération à partir de 1995, et ce pour quatre ans, de la taxe au profit du Compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels (COSIP) ont permis de réduire de 10 à 20 % le total des charges. Si la renégociation des modalités de calcul de la redevance versée à France Télécom, notamment la création d'une part fixe non liée au nombre d'abonnés, évolue dans un sens favorable à l'économie des exploitants commerciaux, le fait que la réduction obtenue par les câblo-opérateurs soit dégressive laisse cependant planer une menace sur l'avenir.

Pour les réseaux hors plan câble, qui bénéficient rarement des avantages liés à l'exonération de la taxe COSIP, l'amélioration de leur situation ne peut résulter que d'une progression de leur taux de pénétration. Le développement de services de proximité et une plus grande souplesse dans leur plan de services pourraient permettre cette croissance.

Comme l'a relevé une étude du CSA réalisée en juin 1996, les recettes des câblo-opérateurs se diversifient.

Elles sont aujourd'hui quasi exclusivement issues des services de télévision dont ils assurent la distribution. Les tarifs d'abonnement dépendent en premier lieu de la nature de l'habitat, une distinction entre abonnements individuels et abonnements collectifs devant être faite. En effet, des accords négociés entre câblo-opérateurs et offices HLM ou syndics aménagent des conditions tarifaires sensiblement différentes d'un site à l'autre.

L'offre traditionnelle est généralement composée de trois niveaux d'abonnement : service antenne, service de base et options. Il existe des différences significatives entre câblo-opérateurs puisque le prix du service de base peut varier de 40 % et le prix des services à option de 35 % . Ces écarts reflètent l'hétérogénéité des plans de services résultant d'orientations stratégiques propres à l'exploitant de réseaux ou à la volonté des communes. L'offre traditionnelle va d'un service de base de 120 francs à un service incluant des options pour 269 francs. Certains câblo-opérateurs pratiquent des tarifs volontairement bas (inférieurs à 100 francs) sur leur service de base. Il en est de même pour les réseaux exploités par des régies communales ou intercommunales. Cette stratégie repose sur une hypothèse de forte élasticité prix/abonnement. Elle conduit les câblo-opérateurs à proposer des plans de services un peu moins riches. Généralement, leur service de base comprend le service antenne auquel s'ajoutent deux ou trois chaînes thématiques et quatre ou cinq chaînes étrangères.

L'offre modulable est organisée autour de la segmentation des plans de services qui permet aux abonnés de choisir parmi un ensemble de « mini-bouquets » de programmes.

Les exploitants de réseaux bénéficient enfin de recettes de raccordement.

Lorsqu'un nouveau client s'abonne au câble, il verse à l'exploitant une somme forfaitaire, généralement comprise entre 300 francs et 1 000 francs, destinée à couvrir partiellement ou totalement le coût de son raccordement.

Enfin, les nouveaux services proposés sur le câble, de télécommunication notamment, offrent des perspectives intéressantes, si l'on se réfère à l'expérience britannique. Les recettes des réseaux gérés par la Compagnie générale des eaux en Grande-Bretagne issues des services de télécommunication sont supérieures à celles issues des abonnements à la télévision. Le téléphone se confirme être une planche de salut pour le câble, comme votre rapporteur l'avait souligné l'an dernier.

c) La situation financière des éditeurs de programmes

La situation de l'ensemble des chaînes reste globalement fragile, même si leur chiffre d'affaires progresse fortement et leurs pertes se réduisent sensiblement, sauf pour Euronews. En 1994, seule Planète dégageait un bénéfice, mais elle devrait être rejointe par Canal J en 1995.

D'une manière plus générale, les chaînes présentes sur le marché depuis 1991 (Canal J, Canal Jimmy, Ciné-Cinéma, Eurosport, MCM, Paris Première et Planète), diffusées sur les réseaux câblés et par satellite, ont vu en moyenne leur chiffre d'affaires augmenter de 35 % et leur déficit (- 76,3 millions de francs) se réduire d'environ 31 % en raison de l'augmentation du nombre d'abonnés au câble, du développement de CanalSatellite et de la progression de leurs recettes publicitaires. Cette amélioration s'est poursuivie en 1995 et devrait se prolonger en 1996.

Ces chaînes, tout en restant relativement onéreuses pour les câblo-opérateurs (environ 5 francs chacune par mois et par abonné hors option cinéma), ont légèrement baissé leurs prix avec l'amélioration relative de leurs résultats. Depuis 1991, cette réduction en francs constants a atteint 40 % pour certaines chaînes, sans répercussion toutefois sur les tarifs facturés à l'abonné par le câblo-opérateur.

d) Les négociations entre chaînes thématiques et câblo-opérateurs

Des opérateurs réclamaient depuis quelques années la possibilité de reprendre certaines chaînes d'un bouquet composé par un éditeur, de placer ces chaînes dans le niveau de service de leur choix et de bénéficier de « pactes de croissance » qui indexent la rémunération de la chaîne sur la progression du taux de pénétration des réseaux. Ils souhaitaient également bénéficier de contrats moins longs (deux à trois ans au lieu de cinq) et d'une baisse du prix des chaînes.

Ces revendications n'ont pu aboutir tant que les chaînes étaient en situation financière précaire et en nombre limité.

Désormais, la multiplication de nouvelles chaînes, la concurrence entre éditeurs de programmes et l'arrivée de la technologie numérique sont autant de facteurs qui rééquilibrent les négociations entre chaînes thématiques et câblo-opérateurs.

En mars 1995, France Télécom Câble était le premier opérateur à lancer une offre à 75 francs par mois. Cette politique semble aujourd'hui porter ses fruits en terme de gain d'abonnés. Désormais, les autres câblo-opérateurs peuvent se prévaloir de ce précédent alors que leur contrat avec les chaînes arrive à échéance.

Par ailleurs, Canal J a déjà accepté le principe d'un pacte de croissance avec les opérateurs de l'ANOC.

Ainsi, le rapport de force entre chaînes thématiques et câblo-opérateurs semble évoluer au bénéfice de ces derniers. De nouveaux éditeurs comme AB, France télévision, la chaîne Météo, proposent des chaînes à un prix sensiblement plus bas que celui qui était jusqu'à présent pratiqué.

Toutefois, les nouvelles chaînes imputent les difficultés qu'elles éprouvent à être reprises dans les plans de service, aux liens capitalistiques qui existent entre quelques câblo-opérateurs et certains éditeurs de chaînes thématiques.

e) Les relations entre France Télécom et les câblo-opérateurs

La politique poursuivie en matière de réseaux câblés a été marquée par la signature, en avril 1992, de nouveaux accords entre France Télécom et les trois principaux câblo-opérateurs d'alors (Lyonnaise communications, Compagnie générale de vidéocomunication, Communication développement ( ( * )29) ). Ces accords avaient pour finalité principale un renforcement du partenariat entre France Télécom qui construit et exploite techniquement les réseaux et l'opérateur qui les commercialise.

Les principales modalités de ces accords de principe, qui ont été suivis de protocoles plus détaillés, sont les suivantes :

(1) Unicité d'intervention et amélioration de la qualité de service

L'unicité d'intervention vis-à-vis de l'abonné est réalisée actuellement sur la grande majorité des sites ; elle se traduit par un changement de responsabilité entre les partenaires :

- France Télécom arrête sa prestation aux points de branchement (sur les paliers) ;

- l'opérateur finance et exécute les raccordements d'abonnés permettant ainsi une intervention unique chez l'abonné (commercialisation et raccordement).

Les efforts de qualité de service sur le réseau ont été poursuivis et une charte de qualité a été signée par l'ensemble des partenaires.

(2) Redevances France Télécom et tarif à l'abonné

Le mécanisme retenu est celui d'une baisse dégressive de la rémunération de France Télécom en francs courants non actualisés et répercutée en pied de facture, en contrepartie d'un engagement des opérateurs à baisser dans un premier temps leurs tarifs à l'abonné et à accentuer leur effort commercial.

Le montant de cette « réfaction » était de 35 francs HT par mois et par abonné (en 1992) à 10 francs HT par mois et par abonné (en 1998 et au-delà) pour Lyonnaise communications et Communication développement puis France Télécom câble, et de 27 francs HT par mois et par abonné (en 1992) à 7 francs HT par mois et par abonné (en 1997 et au-delà) pour la Compagnie générale de vidéocommunication.

(3) Estimation des conséquences financières pour France Télécom

Le montant cumulé de ces réfactions sur la période 1992-1995 est d'environ 600 millions de francs pour l'ensemble des opérateurs.

En contrepartie, France Télécom a la possibilité, avant le 31 décembre 1997, d'augmenter gratuitement ses prises de participations dans les sociétés, de 15 % pour Lyonnaise communications et de 12,5 % pour la Compagnie générale de vidéocommunication.

3. Les investissements étrangers dans le câble

Les investisseurs étrangers sont de plus en plus présents dans le paysage câblé français, aussi bien en France métropolitaine que dans les DOM-TOM.

a) En France métropolitaine

Sites Plan câble

Us West détient moins de 10% du capital de Lyonnaise Communications.

Sites hors Plan câble

Southwestern Bell est entrée à hauteur de 10 % du capital des filiales de la Compagnie générale de vidéocommunication exploitant les réseaux « concessifs ».

Les sociétés américaines TCI et Lenfest détiennent 29 % du capital de Vidéopole France.

Pour sa part, le géant mondial de la communication. Time Warner, a créé sa propre société, Citéréseau France, qu'il contrôle à 100%. Cette dernière a été retenue pour établir et exploiter les réseaux de Montreuil, Limoges et Brive. Elle est présente dans bon nombre d'appels d'offres en cours. Time Warner est également présent à hauteur de 24,9 % dans le projet du Conseil général du Rhône de mise en place d'un réseau de services multimédia et de télécommunications à haut débit pour l'ensemble des communes de ce département.

Médiaréseaux-Marne, nouveau câblo-opérateur, s'implante dans la banlieue parisienne (Marne-la-Vallée). Il a pour actionnaire principal United & Philips Communications (UPC), groupe qui résulte de la fusion des actifs câble en Europe de Philips Média (filiale de Philips électronique) et de la multinationale américaine UIH (United International Holdings Inc.).

Sud Câble Vision, jeune société de câblo-distribution implantée dans les départements des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse, a pour actionnaire la société américaine Intercomm France sous le management du câblo-opérateur américain Rifkin & Associates.

KPN Kabel, filiale de l'opérateur néerlandais de télécommunication, est entrée, en janvier 1996, à hauteur de 46,06 %, dans la société Réseaux câblés de France au côté de l'opérateur belge Gillam Satel (12,07 %).

Citécâble, que Vidéopole contrôle à hauteur de 70 %, comprend dans son capital UIH Radio Public (groupe Philips). Enfin, Dicsa France, câblo-opérateur opérant sur trois sites dans l'Est de la France, est une filiale de la société Rediffusion, premier câblo-opérateur suisse.

b) Dans les DOM- TOM

Les investisseurs américains et canadiens sont également entrés sur le marché des DOM-TOM. Ainsi, UIH a pris 39,5 % du capital de Téléfenua, la société d'exploitation d'un réseau micro-ondes en Polynésie française.

Les sociétés américaines essaient également de pénétrer le marché de la Caraïbe française (Guadeloupe, Martinique, Saint-Martin) et de conforter ainsi leur présence dans cette région du monde.

En conclusion, la grande majorité des câblo-opérateurs présents sur le territoire national comprennent dans leur capital des investisseurs étrangers, confirmant une tendance remontant à plus d'un an.

B. LES PROJETS DE CHAÎNES CÂBLÉES EN FRANCE

1. Du secteur public

Les projets initiés par les sociétés nationales de programmes en matière de chaînes thématiques ont abouti à la création d'une chaîne consacrée à la diffusion de fictions de cinéma et de télévision appelée Festival. Cette chaîne émet depuis le lundi 24 juin 1996 et se trouve reprise par les sociétés opératrices du câble.

Le projet de chaîne Histoire mené avec des partenaires privés se poursuit. Les discussions sont en cours pour assurer les garanties de diffusion tant sur le câble que sur le satellite pour cette chaîne essentiellement composée d'images d'archives et d'émissions issues du catalogue des chaînes publiques. Votre rapporteur souligne et regrette la lenteur nécessaire à la création de cette chaîne thématique, qui contraste régulièrement avec la rapidité d'adaptation dont le secteur privé sait faire preuve.

2. Du secteur privé

Les projets des opérateurs privés en matière de développement des chaînes câblées sont assez nombreux et liés au développement des offres numériques par satellite.

Après la mise en service de la chaîne Muzzik proposée en option à la fois sur le câble et CanalSatellite et le lancement de la chaîne d'informations économiques Bloomberg TV, une chaîne dite « féminine » TEVA, initiée par Hachette, le groupe Marie-Claire et Métropole Télévision (M6) a été lancée à l'automne. La programmation fait une large place aux feuilletons et aux émissions pratiques centrées sur des questions de la vie quotidienne.

Préparées pour la confection d'un bouquet numérique, les chaînes d'AB Production seront probablement également proposées sur le câble en commençant par les réseaux de France Télécom. Les huit premiers projets de chaînes sont les suivants : AB Channel 1, chaîne généraliste ; Animaux, chaîne consacrée aux documentaires animaliers ; AB Cartoons, chaîne consacrée aux dessins animés ; Musique Classique, pour des concerts ; Encyclopédia, chaîne de la culture ; Polar, chaîne vouée aux séries policières : XXL, chaîne spécialisée dans les émissions de « charme » ; Rire, chaîne diffusant des films d'humour et des sketches.

III. LE SECTEUR PUBLIC ET LA TÉLÉVISION NUMÉRIQUE

A. LES BATAILLES DU NUMÉRIQUE EN EUROPE

Avant d'étudier les projets du secteur audiovisuel public français pour l'introduction de la télévision numérique diffusée par satellite, il est nécessaire de dresser un tableau des alliances, des renversements d'alliance, des stratégies, et des batailles, menées de janvier à septembre 1996, qui ont eu pour enjeu de dessiner le futur paysage de la télévision européenne de demain. Tout en sachant que tout cela est fluctuant et que les évolutions sont...difficilement prévisibles.

1. L'ambition de Canal + : être l'opérateur dominant de la télévision numérique en Europe

Fin 1996, Canal + domine les marchés français et espagnol de la télévision à péage. Sa participation dans la chaîne à péage allemande Premiere lui assure, en outre, une position sur le marché germanophone, le premier marché audiovisuel d'Europe.

Le groupe est aujourd'hui présent directement ou par le biais de sa filiale CanalSatellite sur l'ensemble de la chaîne de l'image : production, achat de programmes, de droits de diffusion, organisation de bouquets de programmes, diffusion et création d'un parc de terminaux.

Canal + est ainsi devenu un interlocuteur obligé de la télévision numérique en France et en Europe. S'il a acquis une position forte et assurée, des revers furent aussi subis, au printemps 1996, jusqu'à son alliance avec Nethold.

a) Les atouts de Canal + : l'expérience et l'anticipation

Présent depuis dix ans dans la télévision hertzienne à péage, assuré d'une position forte - plus de quatre millions d'abonnés - et disposant de moyens financiers importants - 7 milliards de fonds propres -, Canal + est le premier opérateur audiovisuel à avoir pris position en France sur le marché de la réception directe par satellite avec CanalSatellite, dont le bouquet compte aujourd'hui 290 000 abonnés.

La stratégie de Canal + est tout d'abord marquée par le choix de la diffusion de son projet de bouquet numérique sur les satellites de la Société européenne de satellite plutôt que ceux de France Télécom.

Mécontent du peu d'empressement que lui manifestait l'opérateur public, France Télécom, et regrettant le manque de souplesse de l'organisation Eutelsat, Canal + annonçait, le 1er novembre 1994, la location de six répéteurs sur le satellite Astra.

30)

:

L'histoire d'un mariage raté du fait de l'interventionnisme abusif des pouvoirs publics

Les pouvoirs publics ont toujours usé de leur pouvoir de tutelle pour peser sur révolution du secteur audiovisuel. Cette politique pouvait avoir une efficacité réelle dans un cadre national quasi monopolistique ; elle ne l'est plus dans le secteur concurrentiel dominé par de grands groupes de communication de l'audiovisuel numérique.

Canal + et France Télécom ont fait les frais de cet interventionnisme à mauvais escient, comme le rapport Vanderchmitt l'a souligné :

« Le marché français de la réception directe par satellite aurait dû être façonné par l'accord entre France Télécom et Canal +, l'un apportant une capacité de diffusion essentiellement adaptée au territoire national, l'autre un bouquet attractif et des capacités technico-commerciales de gestion d'un parc d'abonnés. Sur le marché émergent de la télévision numérique, ces qualités sont en effet déterminantes. Or, l'avènement de la télévision numérique a aussi été l'occasion de la rupture entre les deux principaux acteurs du marché français.

« France Télécom n'a sans doute pas mesuré la fragilité de sa situation face à Canal +, sur un marché de la capacité satellitaire devenu européen et dont l'offre s'est considérablement élargie : le marché était « demandeur », il est devenu « offreur », Canal +, au démarrage des programmes CanalSatellite sur Télécom 2 en 1992, était demandeur d'une coopération avec France Télécom qui détenait alors le seul vecteur capable de couvrir correctement la France. Le lancement des programmes Hot Bird, le succès d'Astra, l'incertitude sur la continuité des programmes de France Télécom ont renversé le rapport de forces.

« S'il est vrai que France Télécom n'a pas pu anticiper ce renversement, l'entreprise n'a pas non plus bénéficié d'une liberté de manoeuvre comparable à la SES 1 dans une négociation difficile avec un acteur dominant. En particulier, alors que se dessinait la perspective de la diffusion numérique, la tutelle n'a pas su choisir entre le risque de monopole créé par les relations privilégiées entre France Télécom et Canal +, et le risque de faire perdre à l'opérateur public le seul client qui avait développé un projet sérieux sur le marché français.

Cette ambiguïté s'est traduite par l'impossibilité pour France Télécom de mener une négociation équilibrée sur des bases commerciales. En l'absence d'une réglementation adaptée au satellite dont on a vu les difficultés d'élaboration, les pouvoirs publics ont pu craindre l'établissement d'un quasi monopole sur la télévision à péage en France dont le titulaire aurait été Canal +. Pour limiter ce risque, les pouvoirs publics ont cherché en 1992 à imposer à CanalSatellite l'utilisation du système d'accès conditionnel normalisé Eurocrypt. Cette tentative a échoué devant la détermination de Canal + d'utiliser son propre système d'accès conditionnel Syster.

Ce faisant, les négociations n'ont pas été conduites par France Télécom directement, mais par les ministères de tutelle qui ont finalement signé un protocole d'accord en septembre 1992 autorisant la montée du bouquet analogique de CanalSatellite sur Télécom 2A avec un système d'accès prioritaire en contrepartie d'engagements de Canal + sur le D2-Mac et le 16/9.

« Pour le futur bouquet numérique, les négociations entamées en 1993 entre France Télécom et Canal + se sont heurtées au même interventionnisme contreproductif : l'annonce en juin 1993 par le ministre de l'Industrie du lancement de Télécom 2C et 2D a tué dans l'oeuf la première phase des négociations, pour lesquelles ces lancements étaient un argument majeur de la partie publique.

« En octobre 1993, le lancement d'un appel d'offres pour l'octroi des canaux de Télécom 2D et de certains canaux libérés sur Télécom 2A répondait au même objectif des pouvoirs publics d'éviter un monopole de Canal + sur ces futurs canaux numériques. Cette annonce a conduit Canal + à rompre ses négociations avec France Télécom et à décider de monter sur Astra, la chaîne cryptée estimant ne pas disposer du nombre suffisant de canaux pour lancer son programme numérique ».

Source : rapport Vanderchmitt, décembre 1995

En outre, l'acquisition de droits audiovisuels, qui constituent le « contenu » indispensable pour alimenter les « tuyaux » utilisés par les chaînes numériques, doit être considérée comme un autre atout puissant de Canal +. La chaîne a lancé, le 7 juin 1996, une offre publique d'échange amicale sur la société de droits audiovisuels UGC-DA .

Créé en 1985, Canal + est progressivement devenu le premier groupe français de droits audiovisuels et le deuxième groupe européen, notamment après le rachat du catalogue Lumière. Il dispose des droits mondiaux pour plus de 5 000 heures de programmes, tournés surtout vers le marché domestique français.

Cette acquisition complète opportunément celle du catalogue de droits audiovisuels de Carolco , en mars 1996, pour 300 millions de francs, ce dernier catalogue étant essentiellement composé de films internationaux à succès.

Ces achats sont stratégiques, car la société qui aura les meilleurs programmes dominera le marché de la télévision numérique.

Fort de son expérience sur le marché de la télévision payante, des droits audiovisuels qu'il a acquis et des alliances qu'il a nouées, le groupe Canal + est le deuxième, après le bouquet du groupe AB Production, à se lancer sur le marché de la télévision numérique par satellite, payante, en démarrant, le 27 avril 1996, la commercialisation du bouquet de programmes CanalSatellite, diffusé sur le satellite Astra 1E.

b) Le développement d'une technologie numérique propre et l'alliance avec Bertelsmann

Canal + a développé avec Bertelsmann, depuis son alliance conclue le 23 juillet 1994, un système propre d'accès conditionnel et a lancé la pré-production de terminaux numériques.

Cette technologie fut partagée avec le groupe Bertelsmann ( ( * )31) au sein d'une filiale commune, la SECA, Société européenne de contrôle d'accès. Le procédé a été adopté par plusieurs partenaires européens dans le cadre d'une société de droit allemand créée à cet effet, la Multimédia Betriebsgesellschaft, ou MMBG.

La technologie développée par le groupe privé français fut transformée en standard de la télévision numérique en Allemagne lorsque Deutsche Telekom s'est prononcée, le 17 août 1995, en faveur du système de contrôle d'accès de la SECA .

Deutsche Telekom, en tant que propriétaire du plus important réseau câblé d'Europe (16 millions de foyers) et Vebacom, filiale du groupe allemand d'électricité Veba et du britannique Cable & Wireless, premier propriétaire privé de réseaux câblés en Allemagne détiennent à eux deux la majorité de la MMBG -51%-, tandis que les diffuseurs se répartissent les 49 % restants : Canal +, Bertelsmann, CLT, RTL, ainsi que les chaînes publiques ARD et ZDF, à hauteur de 11 % .

En décembre 1995, le groupe allemand Kirch, spécialisé dans le négoce de droits audiovisuels et qui ambitionnait de jouer un rôle majeur sur le marché de la télévision numérique, rejoignait le consortium.

Une société commune détenue à parts égales par la SECA et Betatechnik, filiale du groupe Kirch, permettra aux partenaires de percevoir des dividendes sur les ventes des logiciels d'accès de la SECA. Cet accord a été analysé comme une compensation financière en faveur du groupe Kirch, qui avait engagé près de 350 millions de francs en frais de développement et 3,5 milliards de francs pour la commande d'un million de décodeurs au groupe finlandais Nokia.

Mais Kirch ne restera pas longtemps dans cette alliance, qu'il quittera au début du mois de mars 1996.

c) Le temps des alliances (janvier-mars 1996)

Au début de l'année 1996, le groupe de Rupert Murdoch, News Corp, a mené, via sa filiale anglaise BSkyB - qu'il contrôle à hauteur de 40 % -, des négociations avec la CLT pour la constitution d'un éventuel bouquet numérique.

Comme News Corp possède un studio de production à Hollywood et d'importants catalogues de films américains, ces tractations ont été sévèrement critiquées par ceux qui voient dans le groupe Murdoch le « cheval de Troie » des programmes américains en Europe. Un projet d'alliance était même évoqué au conseil d'administration de la CLT tenu le 5 février 1996.

Cet accord aurait pu constituer un risque important pour l'alliance Canal + - Bertelsmann. La chaîne BSkyB occupe, en effet, sur le marché britannique une position équivalente à celle de Canal + sur le marché français.

Après la rupture des négociations entre les partenaires de la MMBG et Kirch, Bertelsmann et Canal +, Havas et le groupe Murdoch ont annoncé, le 6 mars 1996, la constitution d'une vaste alliance afin de lancer un bouquet de télévision numérique sur le marché allemand.

Elle se concrétiserait par la création d'une société détenue à 30 % par Canal +, BSkyB, Bertelsmann et, à hauteur de 10 %, par Havas.

Cette alliance a eu pour effet de placer la CLT et Havas dans une position difficile : parce qu'elle se retrouvait ainsi exclue d'un projet numérique fondamental, et en raison de ses participations à la fois dans Canal + et dans la CLT.

L'accord, ressenti par M. Albert Frère, président du Groupe Bruxelles-Lambert, principal actionnaire de la CLT, comme une trahison, eut ainsi pour effet de creuser le fossé entre Havas et le groupe luxembourgeois. Le groupe Bruxelles-Lambert a, en outre, annoncé la vente de sa participation (4,3 %) qu'il détenait, par le biais d'Audiofina, dans le groupe français, lequel détient lui-même l'exclusivité des contrats de régie publicitaire de la CLT, via la société IP. Pour Havas, la perte de la régie publicitaire de la CLT signifierait une perte considérable de marché, sans doute de plusieurs milliards de francs.

Au delà de la télévision numérique, cet accord pourrait remettre en cause le pacte économique et politique de 1974 qui a partagé la CLT présente en France, en Belgique et au Luxembourg. Havas, alors entreprise publique, représentait, avec 20 % du capital, les intérêts français, le Groupe Bruxelles-Lambert, avec 30 %, les intérêts belges, alors que le Luxembourg obtenait que la moitié des administrateurs de la CLT soient de nationalité luxembourgeoise.

L'alliance ne concerne toutefois que le marché allemand, puisque l'accord n'est pas transposable en France, où Canal + souhaite garder sa position dominante, pas plus qu'en Grande-Bretagne, pour les mêmes raisons et pour BSkyB.

Elle pourrait avoir comme conséquences, à moyen terme, la cession par Kirch de ses parts dans la chaîne Premiere par BSkyB et la relance des efforts de la part de la CLT et de Bertelsmann pour contrôler seuls la première chaîne privée allemande, RTL.

A long terme, l'entrée du groupe Murdoch, dont les liens avec l'industrie cinématographique et audiovisuelle américaine sont étroits, au sein d'une alliance numérique européenne pourrait dédouaner les autres opérateurs audiovisuels européens des réactions suscitées par la recherche d'alliances avec les groupes américains, comme Viacom ou Disney. Le silence de ceux qui dénonçaient les discussions entre la CLT et Murdoch, considéré comme le « cheval de Troie de l'impérialisme culturel américain » en dit long sur leurs réelles motivations...

Pour Canal +, l'alliance a eu un avantage économique immédiat et considérable. Elle lui a, en effet, permis de voir sa capitalisation boursière gagner 3 milliards de francs en quelques jours, le titre passant de 850 à 1 200 francs environ...

2. Les revers de la stratégie de Canal + au printemps 1996

Canal +, dont la majorité des abonnés continuent de recevoir les programmes en mode analogique, s'est vu, au printemps 1996, fermer l'accès au marché allemand au terme d'une succession de volte-face dont le groupe Kirch a tiré profit.

a) La transition de l'analogique au numérique

Le nombre d'abonnés qui reçoivent les programmes de Canal + en mode analogique à partir des satellites Télécom 2A et 2B a progressé de façon spectaculaire, étant multiplié par dix en trois ans et passant de 20 000 à 215 000. Ce chiffre reste encore élevé, puisque l'on comptait 320 000 abonnés en mars 1996.

En outre. 40 000 abonnés reçoivent les programmes de la chaîne cryptée à partir des satellites TDF1-TDF2.

Dès lors, la transition de ce parc vers les satellites Astra, qui occupent une autre position orbitale - ce qui suppose de changer ou de modifier l'orientation des paraboles - va poser un grave problème de gestion à Canal +, qui dispose aujourd'hui de trois positions orbitales différentes pour diffuser ses programmes.

Canal + ne commettra certainement pas l'erreur commerciale du groupe hollandais Holland média groep , filiale de la CLT, qui a brusquement cessé de diffuser en mode analogique, en juillet 1996, trois chaînes généralistes en clair, RTL4, RTL5 et Veronica, contraignant les téléspectateurs à changer leur décodeur analogique pour acquérir un décodeur numérique...

b) Le départ de Kirch

Après plusieurs semaines d'atermoiements, le groupe Kirch a annoncé, le 5 mars 1996, la constitution d'un bouquet concurrent de celui de Bertelsmann et Canal +.

Il a entraîné dans son départ de la MMBG le groupe Vebacom. La chaîne suisse de grands magasins Metro a apporté, dans cette alliance, son réseau commercial afin de constituer un réseau de commercialisation et de recouvrement des abonnements. Sur le plan organique cependant, le groupe Kirch est resté à l'écart de la société constituée par Metro et Vebacom et se contentera de fournir les programmes, à partir de son catalogue de 50 000 heures de programmes, et les décodeurs, grâce au brevet qu'il possède pour le « D-Box », construits par le groupe sud-africain Nethold.

Il a, le 11 juin 1996, annoncé les futurs programmes de la société Digitales Fernsehen 1 et de douze chaînes à péage qui ont émis à partir du 28 juillet 1996, et qui sont accessibles pour environ 75 francs par mois. D'ici fin 1996, le groupe compte lancer une trentaine de chaînes et recueillir 200 000 abonnés.

Ce revirement du groupe Kirch pèse sur l'avenir de la structure de Premiere, seule chaîne cryptée allemande, qui sera le noyau dur d'un bouquet de programmes numériques. Son capital est, en effet, partagé entre Bertelsmann et Canal +, qui disposent de 37,5 % du capital chacun, et le groupe Kirch, qui possède les 25 % restants. Or les bouquets de ces opérateurs vont utiliser deux décodeurs différents : le Mediabox pour Bertelsmann - Canal +, ou le D-Box.

c) L'alliance des exclus

L'alliance Murdoch-Canal +-Bertelsmann-Havas, laissant la CLT à l'écart, a suscité de la part de cette dernière une contre-offensive vigoureuse.

Sur le marché français, un accord était conclu, le 6 mars 1996, pour lancer un bouquet numérique en Allemagne et dans d'autres pays européens.

Mais au bout de trois mois, les partenaires français et britannique « déchantaient » devant le manque de progrès de l'alliance qu'ils attribuèrent à l'inertie de Bertelsmann. Le géant allemand convoitait en effet la CLT, grande exclue de cette alliance, afin de créer le premier groupe audiovisuel européen.

d) L'accord Bertelsmann - CLT

Le 2 avril 1996, Bertelsmann et Audiofina s'associaient à parité au sein de la CLT.

Les deux parties contrôleront, aux termes de cet accord, 97 % de la CLT. La nouvelle entité, CLT-UFA, regroupera alors l'ensemble des participations et activités audiovisuelles de la CLT et toutes les activités audiovisuelles de Bertelsmann.

e) La volte-face de Murdoch et le retrait de Bertelsmann

Le 6 juin 1996, le groupe britannique BSkyB se retirait de l'alliance Bertelsmann-Canal +-Havas pour s'allier, le 8 juillet 1996, avec le groupe Kirch sur le marché de la télévision numérique en Allemagne et prenait une participation au bouquet numérique DF1 (à hauteur de 49 %).

Le groupe de Murdoch, qui prend pied en Europe continentale de façon plus confortable qu'avec l'accord conclu avec Bertelsmann (dans lequel il était minoritaire) a apporté 1,6 milliard de francs dans la plate-forme numérique DF1 et a aidé le groupe Kirch à financer sa chaîne sportive DSF. Les deux alliés bénéficient d'atouts importants pour les programmes de la télévision numérique : les droits de retransmission du sport et une offre abondante en matière de films. Kirch a acquis les droits de retransmission des coupes du monde de football de 2002 et de 2006 - pour le prix de 11 milliards de francs - et l'exclusivité des droits de retransmission pendant cinq ans des films de la Paramount, et Murdoch est propriétaire des studios de la 20th Century Fox.

Ce nouveau retournement d'alliance est consécutif au rapprochement entre Bertelsmann et la CLT. Il allait entraîner le retrait définitif du groupe allemand du marché numérique, le 18 septembre 1996.

Le groupe allemand ayant versé à Audiofina une soulte de 5 milliards de francs, correspondant au montant des investissements projetés pour le développement dans le numérique, le projet de bouquet numérique Club RTL fut abandonné dès juin 1996 . La culture d'entreprise du groupe allemand n'était pas axée sur la télévision. En outre, la lenteur des premiers retours sur investissement - huit ans - ont effrayé les dirigeants de Bertelsmann. L'opérateur reste présent dans Premiere, mais il doit compter avec le groupe Kirch, qui a profité du refus de Bertelsmann de conclure des accords avec les studios américains Warner et MCA-Universal pour signer des accords de longue durée avec les principaux majors américains.

3. L'alliance avec Nethold (septembre 1996)

Canal + (7 millions d'abonnés en Europe) et le groupe sud-africain Nethold (1,5 million d'abonnés en Scandinavie, Italie, Bénélux, Europe centrale) ont annoncé, le 6 septembre 1996, leur décision de fusionner.

Grâce à une émission de 6,1 millions d'actions à laquelle s'ajoute une soulte de 45 millions de dollars (225 millions de francs), Canal + prendra le contrôle à 100 % des filiales audiovisuelles européennes de Nethold. Les chaînes extra-européennes resteront la propriété des actionnaires de Nethold, MIH et Richemont entrent dans le capital de la chaîne française à hauteur de 5 et 15 % respectivement.

Cet accord consolide la chaîne comme le premier distributeur de programmes payants en Europe devant Rupert Murdoch , qui domine la diffusion satellitaire en Grande-Bretagne avec plus de 5 millions d'abonnés, et Leo Kirch, qui s'est imposé comme le principal acteur du jeu numérique en Allemagne, Canal + est présent à lui seul dans le reste de l'Europe. Avec cette alliance, il s'est enrichi d'un actionnaire de poids et expérimenté.

Il est désormais difficile à un opérateur américain de s'installer comme distributeur d'images en Europe et de venir déstabiliser les marchés, alors que Disney-ABC, TCI, premier câblo-opérateur mondial, Hughes, propriétaire de DirecTV, et qui s'intéressait à Nethold commençaient à prospecter le marché européen et projetaient de lancer leurs propres bouquets numériques.

L'accord avec Nethold règle également la guerre des décodeurs numériques. Après s'être entendus pour imposer une norme officielle de codage en Europe, les deux groupes se disputaient les territoires pour imposer chacun leur système de contrôle. L'absorption de l'un par l'autre met fin à la guerre technologique.

Cette acquisition permet aussi à Canal + de prendre pied dans des pays où il était auparavant totalement absent, comme l'Italie où domine Telepiu, unique chaîne payante contrôlée par Léo Kirch (45 %) et Silvio Berlusconi (10 %).

LE NUMÉRIQUE EN EUROPE

(Janvier - Septembre 1996)

4 janvier : Philippe Douste-Blazy, ministre de la Culture, et François Fillon, ministre délégué à La Poste, aux Télécommunications et à l'Espace, confient à M. Philippe Levrier une mission sur le devenir de la diffusion numérique terrestre, afin d'éclairer les pouvoirs publics sur l'opportunité et les conditions possibles de développement technologique du numérique comme support audiovisuel.

7 janvier : lors de la présentation de ses voeux, Jean-Pierre Elkabbach, alors président de France Télévision, annonce qu'un bouquet numérique comprenant TF1, France 2, France 3, France Supervision, ARTE et La Cinquième sera lancé en mars, à titre expérimental et en clair, sur Eutelsat.

22 janvier : la société MMBG, qui commercialisera les décodeurs pour la télévision numérique en Allemagne, finalise son tour de table : 26,8 % pour Deutsche Telekom, 23,9 % pour Vebacom, 9 % pour Leo Kirch comme pour Bertelsmann. Le reste du capital est détenu par la CLT et les chaînes RTL, ZDF, ARD et Canal +.

1er février : TF1 présente son système de vidéo à la demande. La Télé à la carte. Une offre de programmes interactifs qui permet au téléspectateur de sélectionner le programme qu'il souhaite regarder, quand il veut et à son rythme. L'opération est testée dans un hôtel parisien.

5 février : la CLT et Rupert Murdoch concluent un accord de principe pour développer un bouquet de chaînes numériques en Allemagne, face au tandem Canal +/ Bertelsmann.

12 février : le ton monte entre les groupes Kirch et Bertelsmann au sujet du décodeur numérique que doit choisir MMBG. Le premier défend son D-box (développé avec Nokia), le second milite pour Mediabox (celui de Canal +). Rapprochement, quelques jours plus tard, de Leo Kirch avec Metro. Debis (Daimler-Benz Interservices). Veba et Nethold pour commercialiser D-Box. Riposte de Bertelsmann qui affirme que Deutsche Telekom a commandé cent mille Mediabox.

16 février : Canal + dévoile sa politique en matière de pay per view pour le football, disponible dès le mois de septembre 1996 sur CanalSatellite numérique.

25 février : deux mois après avoir annoncé son arrivée dans le numérique, AB Sat réserve un deuxième canal sur le satellite Eutelsat II F1 et prévoit d'élargir son bouquet de chaînes thématiques à trente programmes d'ici à 1997.

5 mars : Vebacom et Metro créent une société commune pour commercialiser le décodeur D-Box. Dans la foulée, Kirch se retire de MMBG.

6 mars : les groupes Canal +, Bertelsmann, BSkyB (Rupert Murdoch) et Havas montent une société (détenue à hauteur de 30 % par les trois premiers et de 10 % par le groupe Havas) pour le lancement d'un bouquet de télévision numérique en Allemagne. Dans le même temps, BskyB déclare vouloir acquérir 25 % du capital de Premiere pour 270 millions de dollars (environ 1,4 milliard de francs).

7. mars : Canal + prévoit le lancement de son bouquet numérique pour le 27 avril. De son côté, MMBG annonce que France Télécom, RWE, Thyssen, British Telecom et Debis entrent dans son capital.

8. mars : l'alliance Murdoch-Bertelsmann-Havas-Canal + entraîne une brouille féroce entre Albert Frère, président du groupe Bruxelles-Lambert et principal actionnaire de la CLT, et Pierre Dauzier, président-directeur général d'Havas, l'autre actionnaire de référence de la CLT.

27 mars : AB-Sat signe un accord avec France Télécom concernant l'utilisation de son système de contrôle d'accès Viaccess.

1 er avril : Leo Kirch teste de façon expérimentale, avec certaines personnes de son groupe, une opération de diffusion de dix chaînes numériques en Allemagne, dans le cadre de la société DF1.

2 avril : Audiofina et Bertelsmann s'associent à parité au sein de la CLT. Les deux parties contrôleront, aux termes de cet accord, 97 % de la CLT. La nouvelle entité, CLT-UFA, regroupera alors l'ensemble des participations et activités audiovisuelles de la CLT et toutes les activités audiovisuelles de Bertelsmann. Le groupe allemand verse également à Audiofina une soulte de 5 milliards de francs.

2 avril : AB Sat lance les six premières chaînes de son bouquet numérique (AB 1, Animaux, AB Cartons, Musique classique, Encyclopedia et Polar) sur une partie du réseau câblé suisse.

4 avril : les conseils d'administration de France 2 et France 3 donnent leur aval pour une participation au futur bouquet numérique que préparent France Télévision, TF 1 et la CLT.

8 avril : Leo Kirch et Viacom concluent une alliance qui accorde au premier les droits de télédiffusion des productions audiovisuelles de Paramount Pictures dans les pays de langue allemande pendant une durée de cinq ans.

9 avril : Canal + et Walt Disney Channel France sur CanalSatellite numérique.

11 avril : France Télévision, TF1, la CLT, M6 et la Lyonnaise des Eaux donnent le coup d'envoi de leur bouquet numérique. Baptisée Télévision par satellite (TPS), cette société a pour actionnaires TF1 (25 %), France 2 et France 3 (25 %), M6 (20 %), la CLT (20 %) et la Lyonnaise des Eaux (10 %). Ceux-ci s'engagent à investir 1,5 milliard de francs sur deux ans.

8 mai : la chaîne allemande de télévision à péage Premiere teste le décodeur Mediabox mis au point par Bertelsmann et Canal +.

20 mai : invité du Grand Jury RTL/Le Monde , Hervé Bourges, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, met en doute la viabilité de plusieurs bouquets numériques en France.

6 juin : News Corp rompt l'alliance formée au début du mois de mars avec Bertelsmann, Havas et Canal +.

19 juin : la CLT annonce le départ, effectif au 1er juillet, de son administrateur délégué, Michel Delloye, qui conteste la mise en place de la nouvelle organisation de la CLT-UFA. Il est remplacé par Rémy Sautter.

1er juillet : la fusion de la CLT et d'UFA est effective. Le nouveau groupe conserve son siège opérationnel à Luxembourg. Il est désormais coprésidé par Didier Bellens (groupe Bruxelles-Lambert) et Michael Dornemann (Bertelsmann) et il est codirigé par Rémy Sautter et Rolf Schmidt-Holz. Le même jour, une chaîne du bouquet d'AB intègre le bouquet de base des réseaux de Lyonnaise Communications.

3 juillet : le premier conseil d'administration de TPS (Télévision par satellite) réunit les représentants de TF1, France Télévision, France Télécom, la CLT, M6 et la Lyonnaise des Eaux pour entériner les choix techniques de son bouquet numérique (notamment le décodeur Viaccess). Dotée d'un capital de 12 millions de francs, TPS est présidée par Patrick Le Lay et dirigée par Cyril du Peloux.

8 juillet : Rupert Murdoch s'allie avec Leo Kirch sur le marché de la télévision numérique payante en Allemagne. BSkyB devrait même prendre 49 % de DF1, la plate-forme créée par le groupe Kirch pour la télévision numérique.

19 juillet : Canal +, la Générale d'images et l'Association des constructeurs de formule 1 (Foca) signent un accord exclusif pour la commercialisation d'un nouveau programme de pay per view sur la formule 1.

26 juillet : les groupes Bertelsmann et Kirch concluent un accord de collaboration technique. Notamment pour la fabrication de décodeurs différents mais compatibles. Toutefois, chacun poursuit de son côté le développement de son propre bouquet.

27 juillet : Leo Kirch rachète les droits de diffusion du catalogue de Warner Bros pour la télévision payante en Allemagne. Quatre jours après, il réalise la même opération avec MCA Universal.

28. juillet : Leo Kirch lance officiellement son bouquet numérique en Allemagne. Sans téléspectateurs, car la société Primus Digital, chargée de commercialiser les décodeurs D-Box,. n'a pas écoulé le moindre boîtier auprès des détaillants spécialisés.

6 août : l'Office fédéral des cartels allemands s'inquiète de l'accord conclu entre Kirch et Bertelsmann sur le marché de la télévision numérique payante.

22 août : le groupe espagnol Téléfonica engage avec Leo Kirch des négociations en vue de créer en Espagne une société conjointe offrant des services dans le secteur de la télévision numérique.

6 septembre : fusion entre Canal + et Nethold, troisième opérateur du satellite en Europe

16 septembre : Deutsche Telekom quitte la MMBG suivi de Bertelsmann.

18 septembre : Alors que le bouquet numérique Club RTL devait démarrer le

17 novembre, Bertelsmann et la CLT abandonnent le marché de la télévision numérique, suivis par Pro 7. Le groupe Kirch est désormais le seul opérateur sur le marché allemand.

B. LA SITUATION ACTUELLE DE LA TÉLÉVISION PAR SA TELLITE EN EUROPE

Longtemps instable, le paysage européen de la télévision payante est désormais presque cartellisé.

Sur le marché britannique, BSkyB, possédée par Newscorp, propriété de Rupert Murdoch, règne sans partage. Plus de 5 millions et demi d'abonnés lui donnent une force de frappe financière sans équivalent en Europe. Au premier semestre 1996, BSkyB a annoncé un bénéfice de plus de 2 milliards de francs, en hausse de 66 % par rapport à la même période en 1995. Le chiffre d'affaires du bouquet satellitaire britannique s'est accru de 30 % (près de 8 milliards de francs).

En Allemagne, Canal +, propriétaire 37,5 % de la chaîne à péage Premiere, était en droit de revendiquer un rôle de chef de file sur le premier marché européen en termes de population (80 millions d'habitants) et de pouvoir d'achat. L'alliance stratégique bouclée avec Bertelsmann faisait de la chaîne cryptée française un acteur de premier plan du paysage audiovisuel européen.

Mais, en quelques mois, Canal + est devenu marginal en Allemagne : aux promesses numériques de la chaîne cryptée, Bertelsmann a préféré les réalités financières de la CLT. Parallèlement, Léo Kirch a accaparé les droits de diffusion de programmes en langue allemande et a réussi à se positionner comme seul diffuseur potentiel sur le marché du numérique.

Par habileté tactique, et en dépit d'un retard technique et industriel sur Canal +, Leo Kirch occupe aujourd'hui une position telle sur le marché de la télévision payante du futur qu'elle le met à l'abri d'un réel compétiteur. L'attitude de son rival Bertelsmann, plus préoccupé par le contrôle de RTL, première télévision commerciale allemande, que par un investissement dans la télévision numérique, l'y a fortement aidé.

En dehors de la France, où Canal + doit compter avec des projets de plate-forme numérique concurrents, seuls les marchés secondaires restaient à prospecter : le Bénélux, la Scandinavie, l'Europe centrale. La fusion avec Nethold s'inscrit dans cette logique. Elle représente un achat de parts de marché. Canal + devient leader sur les marchés de l'Europe du Sud, laissant les pays du Nord à ses principaux concurrents.

Pour la France, les regroupements opérés semblent toutefois constituer des positions d'attente. Leur fragilité capitalistique et commerciale en fait des points de passage naturels pour des entreprises américaines souhaitant intervenir dans le jeu européen, sauf si une évolution à la britannique se dessine...

LES OPÉRATEURS DU MARCHÉ NUMÉRIQUE EN EUROPE

BERTELSMANN

Le troisième groupe de communication mondial est présent dans quarante pays (60 000 salariés), à la fois dans l'édition, la presse, l'imprimerie et l'audiovisuel. Pour l'exercice 1995-1996 il a réalisé un bénéfice d'exploitation de 1,4 milliard de DM, pour un chiffre d'affaires de 21,5 milliards de DM (73,5 milliards de francs). Sa filiale télévisuelle (UFA) a réalisé un volume d'activité de 1,9 milliard de DM, soit moins d'un dixième du chiffre d'affaires du groupe, loin derrière la presse, le livre et le disque. La nouvelle société (CLT-UFA), dont la fusion a été entérinée début juillet, regroupe désormais les quatorze chaînes de télévision et les dix-huit stations de radio de la CLT (présente dans neuf pays européens) et les participations de Bertelsmann dans Vox (25 %), Premiere (37,5 %), RTL, RTL2 et Super RTL. Le groupe (Club RTL) aurait investi dans ses projets numériques moins d'un milliard de DM. Sur la France, la CLT est présente, à hauteur de 20 %, dans le capital du bouquet TPS. Le chiffre d'affaires de CLT-UFA pour 1996 est estimé à plus de 16 milliards de francs.

GROUPE KIRCH

Crédité d'un chiffre d'affaires de 15 à 20 milliards de francs selon les estimations, ce groupe (créé en 1956), possédé à 100 % par Leo Kirch, est présent dans une quarantaine de sociétés en Europe occidentale. Ses principales activités sont la vente et l'achat de droits audiovisuels (il est d'ailleurs le premier détenteur de droits en Europe, ayant déjà réalisé Paramount, MCA Universal et Warner Bros) et la production et la coproduction de programmes. Il est également présent dans la télévision commerciale, à travers les chaînes allemandes Sat 1 (dont il détient 43 %), la chaîne de sport DSF ou la chaîne par abonnement Premiere. Il détient en outre 35 % de l'éditeur allemand Axel Springer. En Europe, il est proche de Silvio Berlusconi (45 % de Telepiù, groupe italien de télévision payante, lui appartenant). Il est également présent dans le capital de Tele Cinco en Espagne et de Teleclub en Suisse. Le 26 juillet 1996, il a lancé DF1, un bouquet de chaînes numériques, avec le soutien de Rupert Murdoch.

NEWS CORP

Rupert Murdoch est présent sur la quasi totalité des secteurs de la communication dans la plupart des pays du monde, avec un chiffre d'affaires de l'ordre de 45 milliards de francs (pour un résultat net avant éléments exceptionnels de 5,5 milliards de francs). Aux États-Unis, il détient notamment la 20th Century Fox, le New York Post, ou le réseau câblé Fox. Il est aussi fortement implanté en Australie, en Asie (avec le réseau Star TV) et en Amérique latine. En Europe, outre 49 % de la chaîne allemande Vox, il détient le Sun, News of the World, le Times anglais et surtout 40 % du groupe BSkyB, que Murdoch présente volontiers comme le « premier opérateur de télévision payante en Europe » : il compte environ 5,2 millions d'abonnés. Le 8 juillet, il a scellé une alliance avec le groupe Kirch, qui lui permet de détenir 49 % du bouquet Digitale Fernsehen I. Il a d'ores et déjà indiqué qu'il comptait investir 1,6 milliard de francs dans le développement de ce bouquet. Par ailleurs, BSkyB devrait prendre au moins 25 % de la chaîne sportive DSF, détenue par Kirch, Berlusconi, Springer et Ringier.

CANAL +

Créée en 1984, la première chaîne cryptée française est aussi la première européenne. Elle compte 4,11 millions d'abonnés en France et 2,6 millions pour ses filiales étrangères (Belgique, Espagne, Allemagne, Pologne et Afrique). CanalSatellite est diffusé sur Astra depuis le 27 avril 1996 en numérique. Canal + a été rejoint en 1995 par TCI, le premier câblo-opérateur américain, qui a acquis 33 % de la société Multithématiques (regroupant les participations de Canal + et de la Générale des Eaux dans Planète, Canal Jimmy, Ciné-Cinémas et Ciné Cinéfil) pour développer de nouveaux projets de chaînes. En 1995, Canal + a réalisé un chiffre d'affaires supérieur à 10 milliards de francs et un résultat net de 666 millions de francs. Ses actionnaires principaux sont Havas (23,64 %) et la Compagnie Générale des Eaux (20,38 %).

TPS (Télévision par satellite)

Face à Canal +, les chaînes hertziennes françaises sont en train de mettre au point leur bouquet de programmes numériques. La société TPS, constituée cet été, comprend TF1 (25 %), la CLT et M6 (20 % chacun), la Lyonnaise des Eaux (10 %) et France Télévision Entreprises (25 %) détenue à 66 % par France Télécom et à 33 % par France Télévision. Les actionnaires consacreront 2,5 milliards de francs à son développement sur cinq ans. Ils espèrent atteindre le point mort à l'horizon 2000. Après de nombreux atermoiements, la société a choisi d'adopter le décodeur développé par France Télécom, Viaccess. Le bouquet devrait être lancé en décembre 1996 sur le système satellitaire d'Eutelsat, Hot Bird.

- Les bouquets numériques francophones fin 1996

AB Sat

CanalSatellite

TPS

Partenaires

AB Production

Canal +

France Télévision TF1, CLT, M6, Lyonnaise des eaux

Date de

lancement

Avril à décembre 1996

Avril 1996

Noël 1996

Abonnement

De 39 F pour le

basique à 200 F avec

les options

De 98 F pour le

basique à 253 F avec

les options. Canal + numérique : + 155 F

Non communiqué

Satellite

Eutelsat Hot Bird.

13° Est

Astra 19,2° Est

Eutelsat Hot Bird,

13° Est

Décodeur

Viaccess (fourni par

France Télécom) loué ou vendu

Médiasat (location 45 F

par mois)

Viaccess (loué ou

vendu ?)

Offre

Juin 1996

Basic

Généralistes

AB1 (généraliste)

Eurosport

françaises

Polar (séries et films)

Planète

France Télévision

Encyclopedia

Canal J

Multiplexage des

Animaux

Canal Jimmy

chaînes du groupe

XXL (adultes)

Voyage

(France 2, France 3,

AB Cartoon

LCI

France Supervision),

Romance

La Chaîne Météo

Festival (fiction)

Hollywood Stars

Monte-Carlo TMC

Culture et société

Souvenirs

Paris Première

Chaîne histoire

Chasse, pêche

MCM

Chaîne régions

Evasion (fictions)

CNN

Chaîne parlement.

Automobile

ARD et ZDF

TF1

Musique classique

Kiosque (PPV)

LCI

Musique 1

6 stations Radio France

Eurosport

Melody

Europe 1 et 2

Chaîne météo

Rire

RFM et Skyrock

Chaîne santé

Action, aventure

Option cinéma

Chaîne jeunesse

Sept. à déc. 1996

Ciné-Cinémas

M6

News

(3 versions)

Vivre (famille)

Science-Fiction

Ciné-Cinémas 16/9

Série Club

América (séries)

Ciné-Cinéfil

Lyonnaise

Boul-Mich (art et essai)

Option musique

Paris Première

Cinémas sans frontières

Muzzik (TV classique)

CLT

Beauté-Forme

et Multimusic

RTL 9

Sport

(bouquet radios)

projets thématiques

Forum (débats)

Option téléchargt.

bouquet radios

TVHA

C : Direct (jeux et

Météo

logiciels)

Cheval

Canal + (3 versions) Option Disney

début 1997

C. LES INCERTITUDES DU NUMÉRIQUE

L'avenir de l'audiovisuel européen semble désormais se résumer au développement du satellite.

Si les perspectives sont intéressantes, voire alléchantes, une analyse plus lucide de la réalité économique, réalisée par l'INA et Eurodience (avril-juin 1996), conduit cependant à tempérer l'enthousiasme des opérateurs audiovisuels pour ce qui apparaît comme une « nouvelle frontière.

Cette analyse a sans doute conduit le groupe Bertelsmann, troisième opérateur mondial du marché audiovisuel, et la CLT à se retirer de ce marché pour se concentrer sur la prise de contrôle des télévisions hertziennes terrestres.

Par ailleurs, si les premiers résultats de CanalSatellite sont prometteurs, le bouquet numérique allemand du groupe Kirch, DF 1, ne comptait, fin novembre 1996, que 20 000 abonnés, alors que 200 000 clients étaient attendus.

1. L'enjeu du décodeur

Le développement de la réception directe est facteur du développement du câble. En effet, le taux de pénétration des chaînes présentes sur Astra et Eutelsat est dû en majorité à la reprise de ces chaînes (en clair et cryptées) par les câblo-opérateurs européens. Si, aujourd'hui, la diffusion de bouquets de chaînes en numérique est l'objet d'enjeux économiques énormes, c'est aussi parce que le marché des foyers non touchés par les télévisions diffusées sur le câble ou le satellite est encore très important dans la plupart des pays.

L'intérêt manifesté pour la réception directe est renforcé par la diffusion de chaînes en clair, qui sont considérées comme un supplément gratuit à des chaînes cryptées présentes sur le satellite en question. La motivation d'abonnement au bouquet BSkyB pour un Britannique est accentuée par le fait qu'il disposera gratuitement de chaînes dans sa langue comme Eurosport, CNN et TNT/Cartoon Network.

Tous les tuners satellite sont aujourd'hui normalisés pour recevoir toutes les chaînes analogiques diffusées en clair. En revanche, le problème du cryptage a jusqu'ici suivi la politique des diffuseurs pays par pays. On constate, de fait, dans la télévision de type analogique, une sorte de Yalta des opérateurs BSkyB, Canal + et Filmnet. En clair, la télévision ne connaît pas de frontières. En revanche, pour la diffusion cryptée, chaque opérateur protège son pré carré.

Un téléspectateur britannique ne peut s'abonner à Canal + et un téléspectateur français au bouquet BSkyB, sauf à passer par des prête-noms ou par des cartes pirates.

Toutefois, cette demande est négligeable en nombre dans les pays concernés, toutes les études démontrant que les téléspectateurs demandent massivement de nouvelles chaînes dans leur langue.

Mais le phénomène se complique pour le cas particulier qu'est la France.

Actuellement, il faut en effet trois décodeurs pour recevoir toutes les chaînes analogiques cryptées françaises : un décodeur Syster ou D2-MAC/Eurocrypt (pour la réception en 16/9 des chaînes du groupe Canal + et de France Supervision en D2-MAC clair), un décodeur D2-MAC/Eurocrypt pour la chaîne érotique Rendez-Vous et enfin un décodeur de type Smartcrypt pour RTL9. Sans parler des quatre décodeurs différents pour les chaînes étrangères commercialisées en France : deux de type Videocrypt : MTV Europe (Videocrypt 2), JSTV et la chaîne érotique Adult Channel (Videocrypt 1), une en D2-MAC/Eurocrypt (BBC Prime) et enfin le décodeur spécifique Nokia NLS pour la chaîne érotique italienne Satisfaction Club.

L'empilement des décodeurs existe d'ores et déjà et pourrait s'aggraver si les opérateurs ne se mettaient pas d'accord sur les contrôles d'accès alors que, techniquement, un décodeur universel acceptant tous les cryptages et les contrôles d'accès est possible grâce aux travaux du groupement européen DVB.

Compte tenu de l'ampleur des investissements nécessaires, cette attitude protectionniste est compréhensive. Les grands opérateurs doivent en effet maîtriser toute la chaîne de la télévision à péage : réseau de distribution, protection et contrôle du système de cryptage (qui passe par un commerce des boîtiers pour les systèmes propriétaires comme le Syster de Canal +), gestion de leur parc d'abonnés, gestion des droits des films et événements sportifs.

Depuis huit ans, les différents systèmes de cryptage se sont développés dans les pays d'Europe : Syster (système propriétaire) en France et dans les pays où est présent le groupe Canal +, Videocrypt particulièrement en Grande-Bretagne et pour d'autres chaînes thématiques diffusées sur toute l'Europe, D2-MAC/Eurocrypt dans les pays scandinaves. Mais le temps de l'harmonisation est venu, dans l'intérêt des opérateurs eux-mêmes, afin de ne pas étouffer le marché.

L'avènement du numérique avec un boîtier universel acceptant tous les systèmes de contrôle d'accès simplifiera la vie du téléspectateur. Mais cette amélioration est subordonnée aux accords entre opérateurs sous peine de se priver d'un potentiel de nouveaux abonnés, quitte à ouvrir la porte à la concurrence dans des marchés verrouillés comme le sont encore ceux de la France et de la Grande-Bretagne.

Les enjeux du cryptage prennent une dimension commerciale dans les rapports entre câble et satellite. Les discussions entre les groupes BSkyB/Canal + et les câblo-opérateurs de ces pays sont à cet égard instructifs.

En France, le développement du bouquet analogique CanalSatellite n'a pu, par nature, se développer pleinement : les câblo-opérateurs qui sont tous actionnaires et souvent créateurs de ces chaînes ont exigé et obtenu une politique commerciale protégeant leurs intérêts.

A l'inverse, les câblo-opérateurs anglais n'ont pas participé au lancement des chaînes du groupe Murdoch présentes sur le câble. De ce fait, BSkyB n'a aucune raison de leur vendre à bon prix les chaînes les plus attractives de son bouquet. Dans un récent rapport, l'OFTEL ( Office of Telecommunications ) dénonce « les pratiques discriminatoires de BSkyB, à la fois fournisseur et distributeur de programmes à l'encontre des câblo-opérateurs. Même si le téléphone demeure le principal argument marketing des câblo-opérateurs, l'impossibilité d'atteindre la masse critique grâce au petit plus qu'est la télévision remet en cause leur capacité à développer dans le futur des services numériques qui leur permettront de concurrencer notamment British Telecom ».

2. Des stratégies commerciales délicates à mener

a) L'articulation entre le programme optionnel et le programme basique

On note des politiques commerciales sensiblement différentes de part et d'autre de la Manche.

En France, CanalSatellite , à l'instar du câble, propose un « bouquet de base » agrémenté de chaînes optionnelles. Il est impossible de s'abonner à une chaîne seulement. La basic n'a pas varié depuis son lancement et reflète la même offre que sur le câble. Les deux chaînes nouvelles depuis trois ans sont des chaînes payantes (l'offre groupée LCI/TMC). Une seule possibilité pour déroger à la règle du « basic obligatoire » : s'abonner pour 75 francs par mois au duo LCI/TMC, soit plus de la moitié du tarif du basic pour seulement deux chaînes.

Pour BSkyB , le scénario est strictement identique, mais la présentation est différente et paraît moins contraignante. Le prix, quant à lui, est largement inférieur pour des services supplémentaires (stéréo systématique, service télétexte). On peut choisir uniquement le basic et de une à trois chaînes à option dites « Premium ». À chaque choix de chaîne « premium », on obtient les chaînes « bonus » qui étaient « premium » quelques années auparavant. Le reste des chaînes, que l'on nomme ici « basic », est présenté comme un supplément gratuit régulièrement augmenté de nouvelles chaînes... Le client, même s'il ne regarde jamais les nouvelles chaînes du basic, a donc l'impression d'en avoir plus pour le même prix, ce qui le conduit à rester fidèle.

b) L'incertitude de l'existence de la demande

La diffusion de bouquets numériques présente un avantage essentiel pour l'opérateur de bouquet : cette technologie divise les coûts de diffusion et permet donc la multiplication de nouveaux programmes. Pour le téléspectateur, l'avantage paraît alléchant : davantage de chaînes, avec une meilleure qualité d'image et de son, et un choix plus grand avec plus d'exclusivité : au prix d'un investissement dans un matériel satellite ainsi qu'un abonnement à la carte.

Le marché de la télévision payante ou non - hertzienne - est actuellement de moins de six millions de foyers en France (câble, satellite, abonnés Canal +). Après plus de quatorze ans de plan câble (depuis 1982), douze ans de Canal - (depuis 1984) et moins de dix ans de télévision par satellite, la masse des téléspectateurs français n'est pas encore accoutumée à l'idée de payer pour des chaînes de télévision, en supplément du montant de la redevance . Pourtant, la segmentation de plus en plus fine des audiences et des cibles publicitaires permet d'envisager très prochainement l'existence d'un type de télévision à la carte, aux dépens des télévisions généralistes qui seront elles-mêmes impliquées dans des bouquets. Toutefois les investissements nécessaires sont colossaux (achats de catalogues, gestion des répéteurs satellite, compression des chaînes, gestion et sécurisation des contrôles d'accès). Il est donc clair que la stratégie des opérateurs de bouquets numériques les incite à raisonner sur l'accès à plusieurs marchés européens.

Si, pour le décodeur numérique, une stratégie pan-européenne semble se dessiner, la pertinence de cette même stratégie est plus problématique dans le domaine des programmes quand il s'agit de toucher des bassins linguistiques différents (achats de droits, préférence nationale du public). Et de toutes façons, les ressources des réseaux câblés seront déterminantes dans le succès des bouquets numériques.

Pour toutes ces raisons, la télévision numérique est aujourd'hui un marché où l'on doit créer la demande, y compris dans des pays fortement développés en câble et satellite comme le Royaume-Uni. En France, le potentiel de développement est fort, à la hauteur des investissements à consentir. Canal + a lancé son bouquet numérique fin avril 1996 en pariant sur la prime au premier installé sur le marché. Cette stratégie à haut risque financier a été entreprise par Murdoch, en Grande-Bretagne, en s'appuyant sur la Société Européenne de Satellites avec de bons résultats pour la réception directe, mais après plus de dix ans d'investissements.

Où ira-t-on chercher les abonnés du numérique ? Tout le défi semble prendre comme parti que le numérique va toucher des foyers qui ont jusqu'ici échappé à l'abonnement au câble ou à l'équipement satellite.

Sans rien toucher à leur installation en analogique, sans garantie, cependant, à ce jour, qu'un tel décodeur pourra lire plusieurs systèmes, les foyers déjà équipés pour la réception satellite et intéressés par le numérique devront acquérir un décodeur numérique (4 500 francs à l'achat ou location de 45 francs par mois aux tarifs fin 1996).

Les premiers abonnés d'un système de télévision payante paient toujours le prix fort en matériel. La réception avec un seul et même tuner de chaînes analogiques et numériques n'est pas proche. C'est, cependant, au niveau européen, la seule solution que semblent avoir retenue les opérateurs de bouquets : parier sur le numérique à tout prix et sur toutes les cibles déjà équipées pour la réception satellite ou non. Les habitudes audiovisuelles étant longues à se modifier, les progrès techniques liés à la diffusion de chaînes en numérique seront plus rapides.

Le numérique donne l'avantage aux grands groupes. Maîtres d'oeuvres dans la chaîne technologique, les contacts et les négociations sont a priori plus faciles pour les achats de catalogues de programmes dont la télévision numérique sera grande consommatrice. Pour l'instant, et tant que le bouquet de Canal +, n'aura que des concurrents virtuels, ces achats de programmes font le bonheur des détenteurs de droits.

Les campagnes de promotion du numérique ont le mérite de faire la publicité des groupes entrés en lice et de leur donner une image dynamique même si, parfois, certains d'entre eux n'en sont qu'aux prémices d'une commercialisation de grande envergure.

Toute la chaîne du monde audiovisuel, opérateurs satellite, groupes de télévision, vendeurs et marques de matériel satellite, revendeurs d'abonnements, producteurs voit dans le numérique un nouvel eldorado. Techniquement, tous les problèmes devraient bientôt être résolus. La réaction du téléspectateur devant des images supplémentaires certes, mais payantes, demeure toutefois inconnue.

3. Des points techniques non résolus

a) La qualité de l'image

L'un des avantages du satellite est l'absence de dégradation du signal. Une fois la parabole bien installée et la fréquence bien réglée, l'image est de très bonne qualité, comme si l'utilisateur habitait près d'un réémetteur hertzien. De plus, la plupart des chaînes d'Europe émettent en PAL, un standard moins sensible dans la pratique au cryptage que le SECAM. La diffusion hertzienne peut être troublée pour de nombreuses raisons géographiques locales ; la diffusion par câble n'est pas non plus parfaite. La diffusion par satellite, en revanche, est en « réception directe » et, sauf intempéries persistantes, un tuner de bonne qualité ne présente aucune dégradation. Avec l'arrivée de productions en 16/9, les ventes au niveau européen de téléviseurs à ce format progressent. En attentant le « tout numérique » au niveau européen, un standard intermédiaire se développe fortement en Allemagne, le PAL+ . Promu par les chaînes publiques allemandes et d'autres en Europe, le PAL+ est compatible avec le PAL, utilisé par la majorité des télévisions européennes (à l'exception de la plupart des chaînes en français).

Pour recevoir des images en PAL+, il faut s'équiper d'un téléviseur ( 16/9) qui « lit » le PAL+ ou bien acheter un décodeur externe si l'on possède déjà un téléviseur 16/9. Ce standard intermédiaire (mais l'histoire de l'audiovisuel a montré que certaines normes intermédiaires avaient la vie dure) avant le renouvellement complet du parc des téléviseurs européens au format 16/9, a un avantage : il permet la diffusion d'images en 16/9 pour les écrans 16/9, bien entendu, mais aussi pour les téléviseurs 4/3 disposant de la compatibilité 16/9.

La qualité de l'image est le grand argument, en plus de la nouvelle offre de programmes des bouquets de chaînes en numérique. Sans préjuger de la qualité d'image réelle des futurs bouquets numériques, le rapport d'Eurodience affirme que les chaînes numériques compressées à des débits inférieurs à 6 Mbits/s ne donneront pas une meilleure image que du PAL, inférieure donc à la qualité d'image du D2-MAC . Des tests établis par France Télécom et les chaînes du secteur public français donnent même un taux de 8,5 Mbits/s pour une qualité d'image égale au D2-MAC. Or, il apparaît peu probable que les premiers promoteurs de bouquets numériques appliqueront immédiatement de tels taux. Sur un répéteur Astra de 33 Mhz de large, on peut en effet diffuser simultanément cinq à six chaînes dont le taux ne dépasse pas 6 Mbits/s. Ce nombre peut passer à huit ou neuf si le répéteur est exclusivement consacré à la retransmission de films ou de dessins animés (un film se contentant d'un débit inférieur de moitié à celui nécessaire pour une retransmission vidéo).

Cependant, on commence à constater une réelle demande du public. Les Américains abonnés à DirecTV, pourtant habitués depuis des lustres à la piètre qualité du NTSC, ont, au bout de quelques mois, réclamé une meilleure qualité d'image, ce qui a obligé l'opérateur à augmenter les taux de compression qui atteignaient à peine 6 Mbits/s.

La coexistence de la diffusion numérique/diffusion de type analogique durera environ dix ans au moins.

C'est pourquoi le plan d'action de l'Union Européenne encourage, par le biais de subventions, la diffusion et la création d'oeuvres au format 16/9. Des chaînes comme France Supervision, MCM ou les chaînes publiques allemandes en ont largement bénéficié en 1995-1996. Ces efforts sont partagés par les consommateurs qui investissent dans l'achat d'un téléviseur 16/9, dont les ventes sont en forte progression, notamment en France. Le laps de temps nécessaire pour assurer la transition téléviseurs de format 4/3 à téléviseurs 16/9 reste inconnue : durera-t-il autant que le passage du noir et blanc à la couleur ?

b) La qualité du son

Les chaînes françaises sur satellite émettent pratiquement toutes en son mono, sauf France Supervision. Canal +, MCM et RTL9.

Le NICAM n'est pas pour l'instant destiné à la réception directe mais s'installe progressivement sur le réseau hertzien terrestre en France, même si tous les émetteurs et réémetteurs de France ne sont pas encore équipés de décodeurs NICAM. TF1 et France 2 diffusent quelques émissions en NICAM. Si le son a toujours été le parent pauvre de la télévision, on constate qu'un téléspectateur habitué à suivre retransmissions sportives, concerts ou films d'action en stéréo, ne peut accepter d'en revenir au son mono.

Sur satellite, la stéréophonie a été particulièrement développée et soignée ces trois dernières années par les chaînes cinéma et sport du groupe BSkyB et par les chaînes publiques allemandes. Pour cela, il est nécessaire de diffuser le son sur deux bandes sous-porteuses différentes louées préalablement par le diffuseur à l'opérateur satellite. Pour certaines chaînes publiques ou d'information, la stéréophonie engendre des coûts et une maintenance non justifiés par la plupart des programmes diffusés. En revanche, la diffusion pour un même programme d'un son différent prend tout son sens pour les chaînes en plusieurs langues comme Eurosport, Euronews, TNT OU NBC SuperChannel. Pour les autres chaînes, l'utilisation simultanée de deux bandes sous-porteuses son est un appoint rare ou réservé à la diffusion de radios.

D. LA POLITIQUE SATELLITAIRE DE LA FRANCE APRÈS LE RAPPORT VANDERCHMITT

Face à ces enjeux, à ces batailles du numérique qui ont été livrées en Allemagne, comment a évolué la politique satellitaire de la France ? Son évolution a été éclairée par le rapport commandé par M. François Fillon, ministre délégué chargé de La Poste, des Télécommunications et de l'Espace, à M. Vanderchmitt en novembre 1995.

1. Une analyse lucide

a) Un marché stratégique pour l'audiovisuel public

Le rapport note, tout d'abord, la place limitée occupée par le câble et le satellite en France : l'offre est morcelée entre les différents systèmes satellitaires et encore dominée par les satellites Télécom. La demande correspond aux attentes spécifiques de téléspectateurs d'origine étrangère, principalement arabophones, intéressés par les chaînes non francophones, mais provient également des zones rurales, non encore couvertes par Canal +, ARTE, M6 ou La Cinquième.

Il estime que l'offre de la diffusion par satellite est complémentaire de celle du câble, la répartition s'effectuant essentiellement en fonction d'un critère géographique, le satellite visant, de façon privilégiée, les zones rurales. Ce mode de diffusion sera, en outre, le premier à bénéficier de la compression numérique, permettant ainsi une augmentation importante de la capacité disponible.

Grâce à la réception directe et au numérique, la télévision par satellite constitue, depuis 1996 et le lancement des premiers bouquets numériques, un marché. Trois conditions doivent être réunies pour réussir sur ce marché : il faut tout d'abord un bouquet de programmes attractif , comprenant des chaînes généralistes, des chaînes thématiques et des services interactifs, une position orbitale unique permettant de regrouper plusieurs satellites - condition de sécurité en cas de défaillance - et offrant une grande simplicité de réception pour le téléspectateur, le parc d'antennes étant très statique, enfin, la maîtrise des équipements de réception , antennes et terminaux numériques. Ces derniers ont une importance stratégique. Ils ouvrent l'accès aux programmes de télévision payante et aux nouveaux services, comme la quasi vidéo à la demande, le téléchargement de logiciels. Rappelons toutefois que, contrairement au câble, le satellite n'offre pas de voie de retour, ce qui diminue fortement son utilisation interactive.

Service marchand, l'économie de la télévision par satellite suppose un savoir-faire commercial : l'important est de connaître le client et d'identifier ses besoins. Entre l'opérateur de satellites et le diffuseur, ou éditeur de programmes, apparaît un nouvel acteur, intermédiaire entre les deux, l'opérateur de bouquet, chargé de réserver des capacités satellitaires pour y placer les programmes dont il négocie la commercialisation auprès de l'éditeur.

Cette économie se caractérise également par l'intégration verticale de tous les éléments de la chaîne de l'image : location de satellite, acquisition de programmes, gestion de bouquets de programmes, commercialisation des abonnements. Cette intégration s'explique par l'ampleur des investissements rendus nécessaires, notamment pour l'achat de droits et la constitution d'un parc de terminaux préalable à la commercialisation des services. Du fait des investissements requis et de la diversité des compétences, aucun acteur ne peut contrôler seul l'ensemble de la filière : des alliances sont donc non seulement nécessaires mais elles sont également inévitables. L'autre conséquence de l'ampleur des investissements en jeu est l'internationalisation des stratégies de diffusion satellitaire, qui se heurte en Europe à la diversité des goûts et des pratiques culturelles. Hormis quelques produits spécifiques, le sport ou la musique, la commercialisation de programmes diffusés par satellite s'effectue par bassin linguistique.

Le marché de la télévision par satellite demeure encore incertain. La demande n'est pas bien connue. Quelle somme le téléspectateur français sera-t-il prêt à investir pour la télévision par satellite, et notamment pour ses programmes payants ? Le marché français des images audiovisuelles reste, comparativement à d'autres pays européens, sous-développé. Certains prévoient une explosion de la demande, d'autres, plus prudents, mettent en avant le coût élevé de l'équipement de réception pour prédire une inertie de la demande. L'offre, quant à elle, demeure fragile : il s'agit encore d'un marché émergent, soumis à évolution technologique rapide, notamment en ce qui concerne la bande de fréquence actuellement exploitée : l'avenir pourrait permettre l'exploitation de la bande Ka en sus de la bande Ku. Enfin, les différents acteurs ont des stratégies très mobiles. Les retournements d'alliance du premier semestre 1996 ont largement confirmé cette analyse.

b) Les erreurs de la stratégie française

Force est de reconnaître que Télécom 2 ne représente pas le vecteur satellitaire adapté au développement de l'offre publique de programmes. Le r apport Vanderchmitt rappelle opportunément que la télévision n'est pas l'objectif principal des satellites de France Télécom , qui ont pour missions principales la desserte des Antilles en voies de télécommunication, ainsi qu'un usage militaire, ce qui a justifié leur positionnement et explique le centrage de leur empreinte sur le territoire métropolitain. Au regard de ces missions, le bilan de ces satellites est plus qu'honorable. Toutefois, malgré le lancement de nouveaux satellites, la tentative de constitution d'une position orbitale unique pour diffuser de nouveaux programmes audiovisuels a échoué. Télécom 2C et 2D n'ont pas trouvé de clients, malgré l'existence d'un parc d'antennes non négligeable. Les opérateurs ont invoqué l'absence de véritable spécialisation de France Télécom dans le secteur audiovisuel, la dispersion et la localisation trop nationale des satellites, mais aussi l'incertitude sur la pérennité de l'engagement de l'opérateur national de télécommunications dans cette filière.

2. Des propositions adaptées au marché de la télévision par satellite

L'intervention des pouvoirs publics dans le secteur de la télévision par satellite n'a pas toujours été judicieuse. Il est vrai que la définition et la mise en oeuvre de la politique publique en la matière relève de plusieurs départements ministériels, ce qui n'a pas facilité la cohérence de la décision.

En outre, lorsque la tutelle est intervenue, ses choix ont été plutôt malheureux, comme l'a montré le rendez-vous manqué entre Canal + et France Télécom.

Son abstention a même été plutôt bénéfique en matière réglementaire : l'adoption d'un décret, qui prévoirait l'application aux chaînes diffusées par satellite des règles auxquelles sont soumises les chaînes du câble, pénaliserait les opérateurs français et les inciterait à délocaliser leurs activités.

Pourtant, la télévision par satellite constitue un double enjeu.

En termes industriels, le développement et le lancement de satellites destinés à l'audiovisuel constituent une activité qui prend une importance croissante sur un marché mondial de plus en plus concurrentiel et pour un secteur spatial dont le chiffre d'affaires consolidé stagne en France. Par ailleurs, l'industrie nationale de l'audiovisuel a besoin de nouveaux marchés internationaux que la diffusion par satellite devrait permettre de conquérir.

En termes culturels, la télévision par satellite illustre et menace l'exception culturelle : elle l'illustre dans la mesure où la télévision déborde le cadre national pour couvrir un bassin culturel et linguistique ; elle la menace aussi car l'action réglementaire étatique se trouve remise en cause par l'absence de maîtrise physique des moyens de communication. Par définition, la télévision par satellite est transnationale.

Dans ces conditions, les propositions du rapport Vanderchmitt n'en acquièrent que plus d'importance.

a) L'abandon de la filière satellitaire de France Télécom au profit d'Eutelsat

Cet abandon résulte d'une vision lucide du marché européen : dans tous les pays, les filières nationales ont échoué, et les opérateurs ont été obligés de nouer des alliances dépassant le cadre national.

La situation de France Télécom n'est plus adaptée au marché de la télévision par satellite. Sur un marché caractérisé par une offre relativement abondante et spécialisée, la présence d'un opérateur de télécommunications, qui n'accorde aux activités audiovisuelles qu'une petite place dans son organisation.

En outre, le calendrier est défavorable à France Télécom : la participation de l'Armée au lancement d'une troisième génération de satellites est plus qu'incertaine compte tenu des réformes en cours, et certains éléments clés manquent à l'opérateur public : absence de position orbitale unique, de sécurisation du système (faute de satellites de secours), enfin, manque de confiance des clients quant à l'engagement à long terme de France Télécom sur ce marché. Or, étant donné l'importance des investissements, le long terme est un élément déterminant sur ce marché.

Entre un engagement massif dans la concurrence et un désengagement total du secteur, le rapport plaide en faveur d'un nouveau positionnement de France Télécom qui deviendrait davantage un prestataire de services satellitaires qu'un opérateur direct de satellites.

Cette solution de moyen terme conduit à privilégier, comme vecteur de diffusion, la filière Eutelsat, qui construit la seconde position orbitale puissante sur le marché européen.

Cette organisation internationale présente néanmoins quelques faiblesses, comme la rigidité de son fonctionnement, lié à son statut, et notamment de sa politique tarifaire. La réforme qui est entreprise, et qui vise à alléger son mécanisme de décision, n'est pas assurée de la réussite. Ce choix est également subordonné, pour qu'il soit couronné de succès, au développement des antennes bidirectionnelles sur le marché français, afin de pouvoir recevoir les programmes diffusés tant par Astra que par Eutelsat.

Dans cette réorganisation de la filière satellitaire, France Télécom verrait son rôle évoluer d'opérateur direct à celui de prestataire de services satellitaires, ce qui entraînerait plusieurs conséquences :

- l'abandon d'une troisième génération de satellite, sauf si les missions dévolues aux satellites Télécom ne pouvaient être envisagées différemment, France Télécom continuant à gérer la capacité satellitaire existante. Télécom 2D verrait, faute de clients, sa mission évoluer vers des missions plus professionnelles, ou verrait sa position orbitale modifiée.

- France Télécom développerait ses activités « d'affréteur de capacités » et, dans ce but, ses relations avec Eutelsat ou même la SES, y compris au moyen d'une prise de participation à son capital.

- France Télécom devrait nouer des alliances stratégiques ou opérationnelles, à l'instar de Deutsche Telekom, avec les principaux acteurs du marché dans les nouveaux services.

Ses activités images-télévision devraient par ailleurs être regroupées, et l'attention apportée à la relation commerciale, renforcée.

b) Les risques de fermeture du marché de la télévision à péage

Astra est en passe d'acquérir une position centrale sur le marché européen de la diffusion analogique par satellite et le rapport Vanderchmitt note, à cet égard, que le passage à la diffusion numérique fait courir le risque du passage de la position dominante au quasi-monopole. Cette position dominante constituerait une incitation très forte pour des concurrents, comme les systèmes intercontinentaux américains Panamsat, GE Americom ou Hughes, promoteur de DirecTV.

Le maintien d'une concurrence est donc indispensable au marché européen.

Par ailleurs, les pouvoirs publics ne peuvent plus continuer à ignorer la SES et le rapport plaide pour une relation plus équilibrée, moins passionnée, avec cette société, afin de tenter d'influer sur son développement et sa stratégie et de parvenir à ce qu'elle raisonne davantage européen.

Sur ce point, le choix, par la SES, d'un constructeur européen pour lancer la nouvelle génération de satellites Astra pourrait constituer un tournant majeur des relations entre la SES et la France.

Afin d'empêcher tout risque de fermeture du marché, ce qui signerait son arrêt de mort, la constitution d'un parc de décodeurs propriétaires ( ( * )32) pour la télévision à péage doit être à tout prix empêchée, soit par la normalisation menée au sein du DVB, soit par la régulation, qui suppose préalablement une adaptation de la réglementation.

c) L'adaptation de la réglementation

Le vide juridique dont bénéficie la télévision par satellite entraîne une disparité entre le satellite et le câble, au détriment de ce dernier. Une harmonisation des régimes juridiques, dans le sens de l'allégement, serait donc nécessaire. L'adaptation de la réglementation devrait permettre d'introduire la notion de « bouquet de programmes et de services », qui ferait exception au principe « une fréquence, un programme » et de préciser les droits et obligations de l'opérateur de bouquet à l'égard des diffuseurs et des téléspectateurs. Enfin, une adaptation du dispositif anti-concentration devrait conduire à prendre en compte l'audience constatée sur l'ensemble des moyens de diffusion. L'Allemagne s'est engagée dans cette voie.

Cet aggiornamento juridique devrait s'accompagner d'une régulation économique du marché de la télévision par satellite. Mais cet exercice est difficile, car si les pratiques anticoncurrentielles doivent être limitées, il est nécessaire de laisser le marché se développer, afin notamment de renforcer les opérateurs nationaux et européens dans la compétition mondiale sur ce marché.

La loi de 1986 permettait au CSA de saisir le Conseil de la Concurrence en cas d'abus de position dominante ou de pratique entravant le libre exercice de la concurrence. Le rapport Vanderchmitt estime que les pouvoirs publics devraient aussi le saisir pour déterminer les dispositions assurant la fluidité du marché de la télévision à péage, en particulier quant aux limites à apporter à l'intégration verticale et aux conditions minimales qui devraient être garanties aux nouveaux entrants, en particulier aux diffuseurs indépendants.

Le Conseil de la Concurrence n'ayant pas été saisi, votre rapporteur a suggéré à M. le Président de la commission des Finances de solliciter de la part du CSA une étude sur ce thème, à charge pour le CSA de saisir le Conseil de la Concurrence.

d) Les incertitudes du marché français conduisent à prôner une grande alliance du numérique

En décembre 1995, le rapport Vanderchmitt considérait que les différents diffuseurs intéressés par la position orbitale d'Eutelsat, France Télévision et TF1, ne pouvaient pas donner naissance à un véritable bouquet numérique, faute de réunir les conditions techniques, financières et commerciales qu'exige le métier d'opérateur de bouquet.

Il faisait par ailleurs état des menaces d'étouffement de la demande, de pénétration du marché français par un opérateur de dimension mondiale s'intéressant à ce dernier mais n'ayant jamais réussi à s'y implanter.

Convaincu que le numérique est la télévision de demain, il jugeait que tous les acteurs ont intérêt à ce que le marché de la télévision par satellite décolle, ce qui ne sera possible que si ces derniers s'accordent pour constituer une offre commune de programmes attractive, et prônait une grande alliance du numérique, s'inspirant de la structure allemande MMBG.

Le marché du paiement à la séance en Europe

A la différence des États-Unis, où le paiement à la séance est né avec le câble, il est nouveau en Europe et concomitant au développement du numérique. Cette simultanéité place le paiement à la séance au coeur de toutes les batailles du numérique qui font rage aujourd'hui sur le vieux continent.

Le développement du paiement à la séance se heurtera, en Europe, à certains obstacles :

- la faiblesse du réseau de distribution, moins de 500 000 foyers sont équipés de décodeurs capables de recevoir des services de paiement à la séance améliorés (plus de 5 canaux) :

- la résistance des opérateurs de chaînes payantes qui disposent des exclusivités de première diffusion des films de cinéma et souhaitent protéger leur marché et leur marge. En Grande-Bretagne, BSkyB, seul sur son marché depuis qu'il a remporté les droits de la première ligue de football (contre le diffuseur hertzien Carlton), a décidé de ne pas lancer son service paiement à la séance (30 canaux) avant la mi-1997,

- la faiblesse des câblo-opérateurs : le service de paiement à la séance, distribué dans 200 000 foyers câblés français, n'est pas parvenu à obtenir le droit de diffuser des films exclusifs et se contente de rediffusions cinéma, de films pour adultes et de quelques événements sportifs.

D'autres éléments pourraient, en revanche, accélérer le développement du paiement à la séance en Europe.

À l'exception de quelques expériences françaises, les abonnés au câble ou au satellite d'Europe n'ont jamais eu accès au paiement à la séance analogique. C'est paradoxalement une chance pour les exploitants de services et qui bénéficieront dès le départ des bonnes conditions du numérique :

- le faible développement de la télévision à péage (moins de 10 % des foyers TV européens contre 25 % aux États-Unis),

- le faible risque de déstabilisation par le paiement à la séance du marché de la vidéo moins développé qu'aux États-Unis. Les recettes vidéo des distributeurs cinéma atteignent 3 milliards de dollars en Europe contre 10 milliards de dollars en Amérique du Nord.

- la possibilité de contournement par les services de paiement à la séance des règles des quotas.

En Europe, le paiement à la séance devrait surtout bénéficier de la concurrence entre opérateurs de chaînes payantes et de bouquets satellites payants. En effet, les batailles qui sont livrées en France, en Espagne, en Angleterre ou en Allemagne devraient avoir plusieurs impacts positifs sur le paiement à la séance : pour verrouiller leur marché, les opérateurs de TV payante accélèrent (comme Canal +) le déploiement de- bouquets numériques offrant du paiement à la séance.

- pour entrer sur ce marché de la télévision à péage, de nouveaux acteurs (diffuseurs hertziens, groupes de presse, détenteurs de catalogues) sont prêts à acheter au prix fort les droits du cinéma et du sport et à les exploiter sur des chaînes payantes et des services paiement à la séance ou quasi vidéo à la demande.

La crainte du lancement de services de paiement à la séance paneuropéens par des opérateurs paiement à la séance américains (Graff, Request...) ou des opérateurs satellite (comme DirecTV) associés aux studios d'Hollywood a conduit les opérateurs européens de chaînes ou bouquets payants à tenter des regroupements.

Ces réactions défensives d'abord infructueuses ont récemment abouti à la fusion spectaculaire entre Canal + et Nethold, alors que ce dernier était particulièrement courtisé, depuis 18 mois, par DirecTV. Malgré ces rapprochements, le paiement à la séance restera en Europe une activité nationale pour deux raisons :

- le lancement de services transnationaux est rendu difficile par l'hétérogénéité des marchés : problèmes linguistiques, développement inégal du câble et du satellite, décalage des dates de sortie des films...

- le paiement à la séance constituera en Europe une chasse gardée et un prolongement logique de l'activité nationale des opérateurs de chaînes payantes ou bouquets satellite, contrairement aux États-Unis où le paiement à la séance a été initié par les studios (Warner et Disney) et les câblo-opérateurs.

Le sport , programme fort des grilles de télévision gratuite et motif principal d'abonnement aux chaînes payantes, fait l'objet de toute l'attention des candidats à l'exploitation de services paiement à la séance.

En France , le contrat conclu entre Canal + et la Ligue de football (qui prévoit la commercialisation paiement à la séance exclusive par CanalSatellite des matches contre un versement annuel de 50 millions de francs et une part des recettes) est attaqué par TF1 et TPS. Au Royaume-Uni, BSkyB a dû doubler la mise de 3 à 6 milliards de francs pour quatre ans afin d'obtenir la reconduction de son exclusivité de diffusion de la première division de football. En Italie , le montant du nouveau contrat de Telepiù avec la Ligue de football, qui inclut maintenant le paiement à la séance, est passé de 150 à 550 milliards de lires. En Espagne , les droits des principales équipes de la première division de football (dont Madrid, Barcelone et Séville) ont été arrachés à Canal + (qui obtient 50 % de ses abonnements grâce à ce sport) par la chaîne terrestre Antena 3. Cette dernière, qui a acheté les droits pour la somme de 600 millions de francs par saison (dont 200 millions de francs pour le paiement à la séance), est prête à en céder une partie à Canal +, mais à ses conditions.

Les premières expériences européennes de paiement à la séance donnent des résultats très satisfaisants. Le match de boxe Tyson/Bruno diffusé et commercialisé en paiement à la séance par BSkyB, au printemps dernier, a été commandé par 600 000 foyers, soit 14 % des abonnés du bouquet. Le service paiement à la séance néerlandais Teleselect, copropriété de Nethold, Philips et Royal PTT, obtient un taux d'achat moyen de 1,5 film par mois par foyer.

Ces résultats et les bonnes performances américaines de DirecTV incitent à l'optimisme.

Selon Kirch, le paiement à la séance devrait représenter 20 % des revenus de sa plate-forme payante DF1, soit 700 millions de francs à l'horizon 2000. Cette somme est proche des prévisions établies pour CanalSatellite par la banque d'affaires SBC Warburg. Ces espérances expliquent en partie les velléités de certains studios américains, dont Paramount, qui conditionnent la vente de leurs catalogues de films à une présence dans le capital des chaînes payantes et des services de paiement à la séance qui pourraient être lancés en Europe.

La lettre des médias n°242, 17/10/1996

E. LA STRATÉGIE DU SECTEUR PUBLIC DANS LA TÉLÉVISION NUMÉRIQUE DIFFUSÉE SUR SATELLITE

Votre rapporteur est persuadé que le président de France Télévision et son équipe sont particulièrement qualifiés pour effectuer le meilleur choix afin d'assurer la place du secteur public dans la télévision numérique.

Rappelons que M. Gouyou Beauchamps est l'auteur du rapport sur Les nouvelles techniques de télévision , rendu public en août 1993, et qu'il avait conclu, avec lucidité, à l'abandon de la filière Mac en faveur du numérique.

Néanmoins, il a fallu attendre l'audit de l'audiovisuel public, au premier semestre 1996, pour qu'une réflexion soit menée sur la stratégie que les chaînes publiques devait conduire dans ce secteur, alors que les groupes privés nouaient des alliances, voire, comme CanalSatellite, commençaient la phase opérationnelle de leur développement dans la télévision numérique diffusée par satellite.

Lorsque les réflexions de l'audit furent communiquées à votre rapporteur, l'été 1996, CanalSatellite comptait déjà 100 000 abonnés...

1. Le secteur public doit-il être présent sur le marché de la télévision numérique ?

Le développement de la technologie numérique aura au moins trois implications pour le secteur audiovisuel public :

- en termes de support : la technique numérique est, pour le moment, encore essentiellement associée au satellite. Or, les chaînes publiques françaises n'ont guère été encouragées, pour des raisons de coût notamment, à se développer sur d'autres vecteurs de diffusion que le support hertzien traditionnel.

- en termes de concurrence : la possibilité de diffuser en numérique des programmes par voie satellitaire devient quasi illimitée. Or, nos chaînes publiques ont, jusqu'ici, opéré dans un environnement concurrentiel restreint par la rareté des fréquences hertziennes et le peu de succès du câble.

- en termes de champ de diffusion : le numérique satellitaire ouvre la possibilité d'irriguer un territoire autrement plus large que le territoire national. Or les chaînes publiques se sont, jusqu'à présent, peu intéressées à la diffusion de leurs programmes en dehors de l'hexagone, « sous-traitant » cette activité à des entités spécialisées (RFO, TV 5, CFI), et négligeant la possibilité de commercialisation de leurs programmes à l'étranger.

De ce qui précède, il ressort que le secteur audiovisuel public ne peut méconnaître la réalité et les implications du numérique.

Toutefois, la réflexion sur la stratégie du secteur public face à cette évolution n'a pas eu lieu, du moins jusqu'à ce que l'audit de l'audiovisuel public y consacre des développements argumentés.

Un tel retard est d'autant plus regrettable que la réflexion qui doit être conduite est double : celle relative, d'une part, à l'utilisation par le secteur public des différents vecteurs de diffusion, celle relative, d'autre part, à la stratégie industrielle et commerciale des chaînes publiques face à la multiplication prochaine des programmes prévisibles et à la modification, lente mais irréversible, des attentes du public.

Si le principe de l'utilisation par le secteur public du numérique satellitaire peut recueillir un consensus certain, en revanche, les modalités de cette présence, encore imprécise, peuvent susciter certaines interrogations.

a) Une question de principe

Malgré les doutes et les questions que les décisions du secteur audiovisuel public en matière de numérique satellitaire ne manquent pas de provoquer, votre rapporteur est convaincu que la présence de l'audiovisuel public sur les satellites diffusant en mode numérique est une question de survie non seulement des chaînes publiques, mais également de l'identité nationale. Cette présence est le prolongement de l'exception culturelle ; elle en est l'application pratique . Le secteur audiovisuel public doit être présent sur ce vecteur, car devant une offre de programmes multipliable par dix, voire par cent (en dix ans), la consommation de programmes présentés par les chaînes hertziennes analogiques ira nécessairement en s'affaiblissant : si elles ne sont pas présentes sur les bons supports aux meilleures conditions technologiques du moment, les chaînes audiovisuelles du secteur public risqueraient bien de perdre progressivement leur légitimité, ce qui compromettra également leur financement, tant par la redevance que par les recettes publicitaires.

Toutefois, cette mutation aura un coût. En effet, la diffusion satellitaire ne se fera pas par simple substitution au système hertzien : les deux modes de diffusion coexisteront encore longtemps (a fortiori, si le numérique hertzien se développe entre temps).

Les téléspectateurs réfractaires aux équipements paraboliques bénéficieront toujours de la diffusion en hertzien analogique des programmes de leurs chaînes publiques.

Dès lors, le choix d'une diffusion satellitaire , en sus de la diffusion hertzienne, sera dans un premier temps un facteur de coûts supplémentaires et non de réduction des coûts : les chaînes publiques devront donc être d'autant plus vigilantes dans leurs négociations tant avec TDF qu'avec les opérateurs satellitaires.

b) Une stratégie à affiner

Deux options, aux implications différentes, peuvent, selon la mission d'audit, se présenter.

L'utilisation du numérique satellitaire pour améliorer l'offre des chaînes publiques.

Cette option repose sur l'idée que les citoyens, qui contribuent par la redevance au financement du secteur public audiovisuel, ont le droit d'accéder à ces programmes aux meilleures conditions technologiques du moment. Cette technologie peut favoriser l'élargissement de l'audience du secteur public : grâce aux diffusions différées, au multiplexage, les publics pourront avoir accès plus facilement aux programmes jusque là diffusés à des heures où ils ne pouvaient être devant leur téléviseur.

Ce positionnement du secteur public sur un nouveau support et dans des conditions technologiques sensiblement améliorées peut se faire à un coût limité. Il pourrait être financé essentiellement par un redéploiement des ressources publiques affectées aux chaînes. On peut, d'ailleurs, s'organiser de plusieurs façons selon que l'on considère que les chaînes publiques doivent acquérir la maîtrise de la diffusion numérique ou peuvent, au contraire, se limiter, sur le satellite, à un rôle d'éditeurs, de fournisseurs de programmes.

Deux propositions alternatives découlent de cette première option.

a - La création, par les chaînes publiques françaises, au besoin en association avec des chaînes publiques européennes, d'un bouquet de programmes de secteur public , accessibles en clair, via des décodeurs standards (normes MPEG).

Le coût d'un tel bouquet serait essentiellement limité à l'acquisition des capacités satellitaires, puisqu'à la différence des bouquets de télévision payante, aucun investissement en nouveaux programmes ou en constitution de réseaux de commercialisation et de gestion des abonnés ne serait nécessaire.

Toutefois, l'attrait immédiat d'un bouquet, qui se limiterait à la reprise - fût-ce à des conditions très améliorées - de programmes parallèlement diffusés en hertzien, est douteux . Mais il aurait le mérite d'assurer durablement la présence sur le satellite des programmes des chaînes publiques, et gagnerait vraisemblablement de l'audience, à mesure que les publics se laisseraient séduire par la richesse de l'offre satellitaire.

b - La fourniture des programmes des chaînes publiques aux différents opérateurs de bouquets, sous réserve de certaines conditions.

Dans cette formule, la présence des programmes de secteur public sur le satellite serait assurée dans des conditions immédiates et plus attractives (au sein d'un ou de plusieurs bouquets proposant une offre de programmes) et à un coût réduit.

Mais les chaînes publiques abandonneraient alors leur métier de diffuseur, ce qui les exposerait au risque d'être tributaires des politiques éditoriales des « distributeurs », et ce qui, de surcroît, pourrait mettre en cause la pérennité de la diffusion satellitaire de leurs programmes. Il n'est pas certain, en effet, que les distributeurs considèrent durablement les programmes des chaînes du secteur public comme un élément de valorisation de leurs bouquets.

Deux conditions au moins devraient être respectées, par le ou les opérateurs intégrant les programmes de secteur public dans leur bouquet :

- la gratuité de ces programmes : on peut, en effet, considérer que le citoyen, en payant la redevance, a acquis le droit d'y accéder sur n'importe quel support ;

- l'utilisation d'un système de décodage « ouvert », qui permette l'accès, grâce aux moyens électroniques appropriés, aux programmes d'autres bouquets.

Quelle que soit la solution retenue, en effet, il importe de veiller à ce que les programmes du secteur public ne soient pas utilisés pour valoriser, de manière déloyale, l'offre d'un groupe d'opérateurs aux dépens d'un autre.

La diversification de l'offre des chaînes publiques

Le numérique satellitaire permettra la diffusion de nouveaux programmes thématiques. Le secteur public pourrait participer à cette diversification.

Toutefois, cette participation peut connaître deux versions aux implications différentes : soit rester dans une logique de secteur public, soit entré dans une logique industrielle et commerciale.

a - un enrichissement de l'offre de secteur public à la faveur de la diffusion numérique

Dans une logique pure de secteur public , l'investissement de l'État, directement ou via les chaînes publiques, dans des projets thématiques satellitaires n'a de sens que s'il espère pouvoir mieux présenter, à la faveur de ces nouvelles technologies, ses missions de service public.

Assurément, la multiplication de chaînes thématiques, le développement de l'interactivité peuvent être mis à profit pour assurer, de façon plus dynamique, certaines missions (débat civique : enseignement : culture ; expression des diversités régionales, linguistiques : meilleure prise en compte des besoins spécifiques de certaines catégories de population, fragilisées par leur situation socio-économique).

Cet enrichissement du secteur public s'effectuerait selon les modalités suivantes :

- l'État susciterait, en vue d'une diffusion satellitaire, une offre complémentaire, thématique, de programmes de service public, qui satisferaient à des cahiers des charges et seraient assortis d'une tarification spécifique adaptée :

- à cet effet, et notamment dans une logique de réduction des coûts et de rationalisation de l'appareil public audiovisuel dans son ensemble, l'État mobiliserait, en priorité, les compétences déjà acquises dans le secteur public :

- dans ce schéma, les fonctions d'édition et de diffusion de programmes pourraient être, le cas échéant, disjointes, la diffusion faisant l'objet d'un appel d'offres entre les différents responsables de bouquets.

b - la mise en oeuvre, par les chaînes publiques, d'une logique de développement d'entreprise

Dans cette logique, les chaînes publiques ne seraient plus les instruments d'une transposition ou d'une prolongation du service public sur le satellite. Elles seraient des entreprises audiovisuelles comme les autres, qui s'efforcent de valoriser leur savoir-faire et leurs programmes dans des présentations thématiques nouvelles.

Elles devraient alors disposer d'une plus grande liberté d'action dans le choix de leurs projets thématiques, - qui, sauf exception, n'ont pas à être assujettis à des cahiers des charges - et dans la conclusion d'alliances avec des partenaires (sous réserve du respect des règles de déontologie et des stratégies définies pour l'ensemble des entreprises publiques), jouir d'une plus grande autonomie dans leurs choix de diversification les unes par rapport aux autres pour autant que l'État y trouve son compte en tant qu'actionnaire, et enfin opérer selon un mode de fonctionnement purement commercial, sans bénéficier d'aucun financement public.

2. Les risques de la participation du secteur public à TPS

Le bouquet TPS dispose d'avantages, mais il a également des handicaps.

Au titre des avantages , mentionnons une incontestable richesse potentielle de l'offre , puisque TPS pourra reprendre les chaînes thématiques des câblo-opérateurs et qu'il bénéficiera de l'association avec des opérateurs détenant d'importants stocks de programmes et d'un savoir-faire indéniable dans la télévision commerciale, avec TF1 et la CLT, enfin, l'expérience de la gestion d'abonnements à des services audiovisuels payants , avec la Lyonnaise des Eaux, la dimension européenne et une approche du numérique, avec la CLT.

Au titre des inconvénients , rappelons que ce bouquet accuse - pour sa mise en service - plusieurs mois de retard par rapport à ses concurrents, mais aussi qu'il associe des partenaires ayant une moindre expérience de la gestion du contrôle d'accès et une moindre maîtrise de la technologie du numérique.

En outre, TPS étant diffusé, à partir du 16 décembre 1996, sur Eutelsat 2F1, les abonnés seront obligés d'adopter une antenne de 85 cm, alors que CanalSatellite ne nécessite qu'une antenne de 50 cm. Il faudra attendre le lancement de Hot Bird 4, fin 1997, pour que les programmes de TPS soient captés sur une antenne de cette dimension.

Enfin, il semblerait que l'approvisionnement en décodeurs rencontre des difficultés.

Ces handicaps devraient donc être comblés par une offre plus attractive en terme de programmes.

a) Une approche en ordre dispersé

Faute d'une orientation claire fixée par les pouvoirs publics, les chaînes publiques ont abordé la diffusion numérique en ordre dispersé : si France Télévision a pris une participation à un bouquet, la Cinquième et ARTE examinent d'autres propositions et Radio France est diffusée par CanalSatellite !

Par ailleurs, alors que la décision semblait prise d'abandonner la diffusion en mode analogique et à titre expérimental d'ARTE et de la Cinquième - pourtant décidée en 1996 - afin de réaliser des économies, cette diffusion pourrait être prolongée en 1997.

Le bouquet TPS ne peut se résumer à la seule reprise, sur le satellite, des programmes diffusés sur le réseau hertzien, ou même le réseau câblé. Il conviendrait, au minimum, que l'ensemble des programmes généralistes du secteur public soient diffusés au sein de ce bouquet qui devrait donc accueillir également La Cinquième et ARTE.

b) La viabilité de plusieurs bouquets numériques en France n'est pas démontrée

En France, deux bouquets ont été lancés : celui de CanalSatellite, qui offre 24 programmes et accroîtra rapidement son offre, et celui d'AB Sat. Y aura-t-il de la place pour un troisième bouquet ?

Plusieurs personnalités, et non des moindres, ont fait connaître leurs interrogations sur la viabilité économique de plusieurs bouquets numériques en France. La France n'est pas l'Allemagne. Le marché allemand représente à terme 50 % du potentiel audiovisuel européen. Il n'est pas susceptible d'être monopolisé et il y aura de la place, sur ce marché, pour plusieurs bouquets de chaînes numériques.

Face au nombre réduit de programmes diffusés selon le système hertzien et au faible nombre d'abonnés au câble, on peut penser, au contraire, que la France pourrait devenir un marché intéressant pour les services proposés par le satellite, à la condition que la diversité et la richesse de l'offre de programmes conduisent le téléspectateur à consacrer une somme suffisante à ce nouveau mode de réception.

Pour reprendre une analyse de Rupert Murdoch sur la France : « on peut considérer qu'un pays où 4 millions de téléspectateurs sont prêts à payer plus de 2 200 francs par an pour avoir accès à une seule chaîne payante est, sur le plan audiovisuel, totalement vierge » ...

Cette analyse semble partagée par la CLT, qui poursuit ses investissements dans le numérique en France alors qu'elle s'est retirée de ce marché en Allemagne. Pour son directeur général, M. Rémy Sauter : « Le marché français est plus prometteur que le marché allemand. En France, l'appétit pour les nouvelles chaînes est très fort » (Le Figaro, 6 novembre 1996).

c) La question de l'accès gratuit aux chaînes publiques

Au printemps 1996, le Gouvernement a défini les principes du financement de la participation de France Télévision à TPS : pour le ministre de la Culture, « il n'est pas question de financer la venue du secteur public audiovisuel dans le numérique par la redevance, on demandera des économies, des redéploiements internes, des ressources propres. Mais ce ne sera pas la redevance » (Questions d'actualité, Assemblée nationale, 30 avril 1996).

Les principes du service public devront également être respectés pour ces programmes généralistes ; ce qui implique leur gratuité pour les téléspectateurs, et donc l'utilisation d'un système de décodage ouvert.

Cependant, même sans abonnement, l'accès aux chaînes publiques généralistes sur TPS ne sera pas totalement gratuit. Il sera en effet nécessaire d'acquérir une parabole et un décodeur.

Le ministre de la Culture l'a confirmé, dès le 2 mai 1996 : « Les chaînes publiques généralistes existantes comme France 2 et France 3 qui seront diffusées par ce bouquet numérique ne seront pas payantes. Concernant les chaînes thématiques que diffusera le service public, il n'est pas anormal que celles-ci soient payantes à partir du moment où il s'agit d'un choix de l'usager qui veut disposer d'un tel service. C'est d'ailleurs une règle générale en matière de service public, la notion de service public n'impliquant pas forcément la gratuité. En revanche, j'ai clairement indiqué que ces chaînes ne seront pas financées par la redevance, mais devraient à terme trouver un équilibre économique sur leurs ressources propres » (Le Nouvel Observateur).

Pourtant TPS pourrait proposer France 2 et France 3 dans l'option, vendue moins de 100 francs par mois, de chaînes thématiques : les chaînes publiques resteraient gratuites, mais il sera nécessaire de s'abonner à TPS pour y avoir accès...

Mais ces mêmes principes empêchent l'accaparement, par le bouquet TPS, de ces programmes qui devraient pouvoir être repris par d'autres opérateurs, dès lors qu'ils répondent aux exigences de gratuité et de libre accès.

La question du financement des nouveaux programmes thématiques du secteur public n'a pas été, jusqu'à présent, abordée de façon claire et la confusion entre programmes de chaînes publiques et programmes de service public n'a pas été éclaircie.

Il est pourtant indispensable, notamment au regard du financement par la redevance, d'établir un partage clair entre les projets dictés par des missions de service public et ceux qui correspondent à une logique de diversification industrielle et commerciale des entreprises audiovisuelles du secteur public.

Autant, pour les premiers, il ne doit pas être exclu que la redevance vienne financer des programmes de service public diffusés par satellite, autant, pour les secondes, la redevance ne devra pas financer les programmes de diversification des chaînes du secteur public lorsqu'elles se comporteront en entreprises . Dans cette configuration, en effet, elles devront bénéficier d'une grande liberté d'alliances avec des groupes privés ou des partenaires étrangers, dans le cadre de véritables stratégies d'entreprises, que la redevance ne saurait en aucun cas financer sous peine de perdre sa légitimité.

La France ne va-t-elle pas connaître la même évolution que la Grande-Bretagne ou que l'Allemagne ? À l'origine, il y avait, sur le marché britannique, deux bouquets analogiques, Sky Television et BSkyB, qui ont fini par fusionner pour donner naissance à un bouquet commercialement rentable. De même, en Allemagne, un seul opérateur est désormais présent sur le marché du numérique.

3. Les conditions de la présence du secteur public sur le marché de la télévision par satellite

Pour votre rapporteur, plusieurs conditions doivent être réunies pour que la viabilité de la présence du secteur public sur le satellite soit assurée :

- rechercher l'alliance avec le secteur privé,

- utiliser un décodeur ouvert,

- utiliser le meilleur vecteur satellitaire,

- organiser le pôle public de programmes thématiques,

- et développer rapidement ces chaînes.

a) L'alliance public-privé au sein de TPS

Dès la mi-novembre 1995, France Télévision s'est rapprochée de TF1 pour développer une offre commune de programmes de télévision numérique par satellite à l'échelle européenne sur le système Eutelsat. Le 1er décembre 1995, France Télécom acceptait de participer aux travaux de la société d'étude mise en place.

Le 12 janvier 1996, le président de France Télévision annonçait le lancement d'un bouquet numérique, l'alliance avec TF1 devant constituer le noyau dur d'une alliance voulant « regrouper les télévisions francophones et les télévisions publiques d'Europe ».

La composition du capital de Télévision par satellite , TPS, créée le 11 avril 1996, associe TF1 (25 %), la CLT (20 %), M6 (20 %), la Lyonnaise des Eaux (10 %) et le secteur public. Alors qu'à l'origine, France Télévision disposait de 25 % du capital, le groupe a rétrocédé 16,5 % à France Télécom et ne conserve que 8,5 %.

Notons que la CLT, actionnaire de TPS, est également partenaire de Canal + dans les autres pays européens. De même, le groupe Chargeur, présent dans Lyonnaise Communications, à hauteur de 9,5 %, est le deuxième actionnaire de CanalSatellite.

Mais France Télévision est-elle préparée à cette alliance ? Le « métier » de diffuseur, sur le mode hertzien, de chaîne publique généraliste, en clair, peut-il se prolonger dans celui de la télévision numérique hertzienne payante ?

Une filière satellitaire numérique comprend quatre fonctions :

? la fonction d'édition de programmes (conception de chaînes de télévision).

? la fonction d'assembleur de programmes (réservation de capacités satellitaires et assemblage d'un bouquet de chaînes)

? la fonction de commercialisation (constitution d'un réseau de revendeur et promotion)

? la fonction de gestion des abonnés (gestion du système de contrôle d'accès et facturation).

Le secteur public sera-t-il capable de se diversifier dans ces nouveaux métiers ? Pourra-t-il devenir un « multiplex provider » , « ensemblier » ou « multiplexeur », capable d'exercer ces quatre métiers à la fois ?

En outre, et surtout, France Télévision, compte tenu de la place modeste qu'elle occupe dans l'actionnariat de TPS (8,5 %) ne peut-elle faire autre chose que de la figuration ?

b) La recherche de décodeur

L'un des grands débats de la télévision numérique est celui du choix du décodeur. Le système d'accès, point de passage obligé pour la vente et la facturation des services, permet d'établir un lien direct avec un public captif et d'orienter le marché en amont en pesant sur les fournisseurs de programmes. On peut regretter que les opérateurs n'accordent pas davantage de temps aux programmes plutôt qu'au contrôle d'accès, ce qui montre bien que les préoccupations commerciales l'emportent sur le contenu de l'offre de programmes. L'absence de standardisation détourne une partie des ressources mobilisables, des programmes vers des investissements industriels concurrents.

Comme les normes DVB imposent un embrouillage commun aux diffuseurs, seul le système de contrôle d'accès pouvant différer, un boîtier universel est aujourd'hui possible.

Or, compte tenu des retournements d'alliance, les constructeurs préfèrent attendre la publication, par les diffuseurs, de leur contrôle d'accès avant de lancer la fabrication d'un boîtier permettant de lire tous les systèmes. Faute d'accord entre opérateurs sur les décodeurs, la révolution numérique reste potentielle pour les téléspectateurs. Les premiers boîtiers commercialisés sont des « systèmes propriétaires » qui n'autorisent que leurs abonnements et ceux des chaînes des groupes avec lesquels ils ont passé des accords. À terme, les systèmes seront nécessairement ouverts et techniquement compatibles. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.

Quel décodeur pour le bouquet numérique TPS ?

M. Michel Bon, président de France Télécom, entendu par votre commission des finances, le 23 avril 1996, précisait ainsi, à une question de votre rapporteur, que « le décodeur Viaccess était le seul du marché européen à respecter parfaitement la norme européenne ».

Plus précisément, à la suite d'un questionnaire envoyé par votre rapporteur, France Télécom indiquait que :

« Le système Télécom 2 est prévu pour être opérationnel jusqu'en 2005/2006. Les décisions concernant une éventuelle troisième génération de satellites domestiques ne sont donc pas à prendre avant plusieurs années. Elles dépendront d'ailleurs largement de considérations autres qu'audiovisuelles et en particulier des relations avec les ministères de la Défense puisque les satellites Télécom 2 sont multimissions.

« Télécom 2D, lancé en août 1996, sera utilisé pour la transmission de programmes audiovisuels : des négociations ont lieu actuellement avec plusieurs utilisateurs éventuels pour louer une partie de la capacité correspondante : dans la période actuelle de coexistence TV analogique/TV numérique, il y a, en effet, de forts besoins de capacité spatiale.

« France Télécom est déjà le deuxième utilisateur d'Eutelsat avec plus de 15 % des parts. Son poids est appelé à se renforcer avec le démarrage des bouquets francophones sur la position « hot bird » d'Eutelsat. Dès lors, elle n'a pas l'intention de prendre de participation dans la SES (Astra), système concurrent d'Eutelsat, mais elle fournira à ses clients qui le souhaitent des prestations vers ce satellite (antenne d'émission notamment).

« France Télécom a été consultée par la société commune TF1/France Télévision (devenue TPS en raison de son élargissement à d'autres opérateurs audiovisuels, CLT, M6, Lyonnaise...) et a fait des réponses très complètes sur Viaccess faisant état notamment :

- du succès de Viaccess (anciennement appelé Eurocrypt) utilisé par la majorité des réseaux câblés français ainsi que par des opérateurs audiovisuels étrangers. Ainsi, plus de 1,5 million d'équipements fonctionnent avec cette norme,

- de son ouverture et de son indépendance par rapport aux fournisseurs de programmes, garantissant ainsi à chaque opérateur de bouquet une indépendance commerciale complète,

- de ses capacités d'évolution notamment du côté des services interactifs par couplage avec les réseaux de télécommunications.

« France Télécom agit aussi par incitation des industriels de l'électronique grand public qui ont annoncé une disponibilité de terminaux numériques Viaccess dans le réseau de distribution pour l'automne 1996. Enfin, elle est le promoteur de la norme « dite DVB (digital video broadcast, du nom du groupe de normalisation européen) interface commune » qui permettra au téléspectateur de ne disposer que d'un seul décodeur, même si les systèmes de conditions d'accès des différents bouquets sont différents ; de tels équipements seront disponibles dans un deuxième temps (1997) ».

Pour sa part, votre rapporteur se déclarait, le 26 avril 1996, en faveur du décodeur paraissant avoir les meilleures qualités :

« Pour éviter le risque d'abus de position dominante et préserver l'unité du marché, un système d'accès ouvert et universel doit être choisi et mis rapidement en place. Le décodeur de France Télécom, Viaccess, déjà retenu par le troisième bouquet numérique d'ABSat, semble être la solution la mieux à même de répondre à l'intérêt du consommateur. C'est un système de contrôle d'accès pleinement conforme aux standards du DVB, groupe technique chargé de la standardisation européenne des normes techniques de la télévision numérique. Il est donc le plus ouvert, le moins discriminatoire et le plus universel. Ce décodeur est en outre le moins cher puisque France Télécom demande une licence de 20 francs par terminal. Il permettrait l'équipement du plus grand nombre puisqu'il est d'ores et déjà le premier système d'accès indépendant en Europe, avec 1,5 million de foyers équipés. Ce système est le seul à avoir démontré qu'il répondait pleinement aux attentes du marché. C'est une solution nationale qui pourrait valoriser le savoir-faire français acquis dans ce domaine grâce à France Télécom et maintenir la présence de la France dans la lutte internationale qui s annonce sans merci.

« Mais cela suppose qu'il soit pleinement opérationnel le plus rapidement possible. Une guerre des décodeurs doit être évitée, sous peine de voir les groupes de communication français et européen s'épuiser en de vains combats et de permettre ainsi aux groupes de communication américains de rafler la mise . »

c) La recherche des catalogues

Les bouquets numériques concurrents poursuivent un objectif commun, détenir les droits d'un maximum de films américains récents en exclusivité, car ils constituent l'un des principaux produits d'appel, avec le sport, pour la télévision payante.

Les sept majors américaines, Columbia, Disney, Fox, MCA/Universal, MGM/UA, Paramount et Warner, sont donc très convoitées.

Les accords conclus par Canal + concernent MCA et Disney et ceux conclus par TPS, MGM et Paramount. Les trois derniers majors, Fox, Warner et Sony Columbia, sont disputés âprement.

S'agissant de l'acquisition du catalogue Paramount, TPS ayant seulement acquis les droits en crypté, TF1, M6 et la CLT ont créé une société ad hoc. TCM, pour exploiter les droits en clair. Cette négociation a été menée par le président de TF1, sans la présence de représentants de France Télévision.

Votre rapporteur émet de vives réserves sur cet accord. En effet, le secteur public a participé à l'acquisition d'un catalogue de droits qui vont alimenter, pour partie, des chaînes de paiement à la séance, ce qui n'entre pas précisément dans la vocation du secteur public.

Il faut espérer que les intérêts de France Télévision dans cette double négociation, sur le marché de la télévision par satellite sur lequel TF1 et France Télévision sont alliées et sur le marché de la télévision hertzienne sur lequel elles sont concurrentes, aient été préservés.

En outre, il est regrettable de constater que les batailles du numérique en Europe conduisent à une surenchère sur les catalogues de droits au profit des producteurs américains ce qui rend désuète l'exception culturelle si chèrement acquise en 1993 !

d) Les perspectives d'ASTRA

Les premiers satellites de la famille Astra commandés par la Société européenne de satellite étaient fabriqués aux États-Unis par le constructeur Hugues, spécialiste des satellites civils de diffusion directe.

Dorénavant, la prochaine génération de satellites, opérationnelle fin 98, sera fournie par le groupe européen Matra-Marconi-Space.

Cette nouvelle perspective met fin au reproche régulièrement lancé à la SES depuis plus de quinze ans de favoriser les « satellites Coca-Cola » : l'européanisation des satellites Astra rend moins hérétique leur utilisation par des chaînes publiques.

e) L'organisation du pôle public de programmes thématiques

Les pouvoirs publics ont soutenu la constitution d'une deuxième filière de distribution en réception directe à laquelle participe le secteur public afin de rendre le marché plus dynamique, plus transparent et plus égalitaire.

L'édition de programmes thématiques représente un axe essentiel de cette politique. Le rapport de M. Philippe Chazal effectué, en mai 1996, à la demande de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la Culture, sur ce « pôle public de programmes thématiques » apporte une contribution très opportune.

Ce rapport veut proposer « des mesures simples, efficaces et peu coûteuses pour l'État ».

Il préconise d'élargir la richesse de programmes français disponibles pour tous les acteurs privés et publics et d'octroyer une subvention exceptionnelle pour, accélérer la mise à disposition des stocks accumulés à l'INA.

Le rapport propose la mobilisation de secteur public pour :

- l'édition de programmes.

- la définition d'un objectif global à moyen terme d'un cadre pour l'action et d'une organisation pour mettre en oeuvre l'objectif présenté dans le cadre proposé.

Le rapport Chazal conclut que, pour équilibrer à terme leurs comptes, les chaînes thématiques, qu'elles soient d'ailleurs d'origine privée ou publique, doivent être distribuées partout en France et donc qu'elles ne peuvent pas être engagées dans des batailles de distributeurs pour obtenir des clauses d'exclusivité qui les réserveraient à une partie seulement du marché.

Dans le secteur de la radio et de la télévision, le secteur public est de loin le premier investisseur en programmes de patrimoine, tous genres confondus. Ce sont les entreprises du secteur public qui détiennent aujourd'hui dans notre pays, pour les développements thématiques de demain, la richesse principale, celle des programmes ; elle est convoitée par tous les acteurs majeurs du numérique.

Une fois ce constat établi, le rapport considère que c'est au secteur public lui-même de mettre en valeur ses propres richesses en se lançant dans l'édition de programmes et de services thématiques (radio et télévision) destinés au câble et au satellite.

C'est pour ce secteur une nécessité stratégique. Il doit être présent non seulement dans le numérique, mais aussi et surtout dans l'offre de la télévision par abonnement. Exploiter soi-même ses propres richesses est, par ailleurs, un principe de saine gestion. Les entreprises du secteur public valoriseront ainsi par ces développements, non seulement leurs investissements en programmes, mais aussi leur savoir-faire.

Le secteur public dispose du potentiel pour devenir le principal éditeur de programmes thématiques.

Il est en mesure de proposer à terme une offre groupée comprenant dix chaînes thématiques de télévision mises en place progressivement au cours des années qui viennent en s'associant au bouquet de Radio France déjà en partie composé.

Les dix télévisions comprendraient pour moitié des programmes nouveaux comme, par exemple, dès aujourd'hui, les chaînes Histoire et Fiction, plus tard des chaînes Sciences ou Spectacles et pour moitié des chaînes existantes mais redéfinies comme Euronews ou France Supervision ou une chaîne Magazine à partir des productions régionales voire un canal Cinéma en paiement à la séance.

La complémentarité avec le secteur privé devrait être systématiquement recherchée. Compte tenu de l'importance des enjeux, la concurrence frontale et systématique entre les deux ensembles serait contre-productive ; elle serait contraire aux intérêts français.

Le secteur public a vocation à investir dans des chaînes et des services thématiques qui puissent lui permettre d'affirmer à la fois sa spécificité et sa différence, dans l'intérêt de tous, téléspectateurs abonnés et distributeurs. Le choix des chaînes thématiques peut être encadré par la mise en oeuvre de quelques critères simples :

- le secteur public doit avoir un avantage incontestable de programmes dans le domaine concerné.

- il faut qu'un marché solvable existe. Il n'est pas question, selon le rapport, que le secteur public soit, dans la télévision payante, subventionné ou qu'il investisse dans des domaines sans être assuré que le marché existe.

- les entreprises du secteur public ont également vocation à s'intéresser à certains segments du marché où il serait particulièrement nécessaire de garantir le pluralisme de l'offre.

Pour le câble, le rapport relève que le service de base est d'ores et déjà saturé et que l'option individualisée est trop limitée. La solution passe par la constitution d'une « offre globale en option » réunissant progressivement toutes les chaînes radio et télévision du secteur public. Elle serait proposée au choix de l'abonné dans le cadre plus large des différents bouquets du câble et du satellite.

Cette solution comporte plusieurs avantages décisifs :

- l'offre du secteur public est clairement identifiée. Par sa globalité, elle prolonge sur ces nouveaux marchés le caractère nécessairement généraliste et pluraliste de l'audiovisuel public :

- elle maximalise les performances commerciales en présentant une proposition clairement identifiable et diversifiée pour les téléspectateurs ;

- elle minimise les risques financiers pour chaque chaîne en permettant l'organisation d'une péréquation économique entre les programmes thématiques à large audience et ceux dont le public est plus restreint ;

- avec une économie globalisée, l'offre de programmes peut être présentée à un prix particulièrement compétitif :

- enfin, elle bénéficie pour sa promotion d'une forte synergie avec le réseau hertzien du secteur public.

S'agissant du financement de cette diversification, le rapport Chazal se prononce pour un recours exclusif aux ressources propres. Le secteur public ne doit pas compter sur de l'argent public supplémentaire : il ne pourra lancer que des chaînes thématiques payantes qui devront trouver leurs ressources et leur équilibre économique sur le marché des abonnements.

Ce rapport fixe des objectifs ambitieux au secteur public, en termes financiers et d'édition.

Des prévisions raisonnables font apparaître que dans le cadre d'une offre globale optionnelle, le secteur public peut compter en fin de quatrième année sur un revenu net annuel de 250 millions de francs en provenance pour l'essentiel des abonnements avec une recette publicitaire de 25 millions de francs au minimum.

Dans ce cadre économique, le secteur public est en mesure de financer à terme, par le marché des abonnements, l'offre globale proposée d'une dizaine de chaînes thématiques comprenant pour moitié des chaînes nouvelles et pour moitié des chaînes existantes mais reformatées et associant le bouquet de Radio France.

Pour réussir le développement d'un pôle public d'édition de programmes thématiques, le rapport Chazal préconise la mise en oeuvre d'une forte synergie entre toutes les entreprises concernées.

Aujourd'hui, dans le secteur public, les projets ne manquent pas. Mais on assiste également à une dispersion des initiatives : chacun étudie ses dossiers en mobilisant des moyens internes qui restent insuffisants et des redondances commencent déjà à apparaître. Certes, des coopérations s'organisent sur des projets ponctuels, mais il n'y a pas d'exemple de chaîne thématique qui réunisse aujourd'hui l'ensemble du secteur public en raison des ambitions particulières des différentes entreprises.

À l'exemple des groupes privés, le rapport suggère d'organiser à la fois l'unicité de commandement et la mise en place des moyens nécessaires.

Le secteur public doit regrouper à la fois ses richesses en programmes, ses savoir-faire et ses moyens techniques et humains. Cette synergie permettra également la mise en oeuvre d'économies d'échelle rapportées à l'économie globale de l'objectif. Enfin, cette synergie sera une garantie essentielle pour les pouvoirs publics. Elle assurera le respect du cadre défini, en particulier, sur le plan économique.

Plusieurs organisations sont envisageables.

On pourrait confier à l'une des entreprises publiques existantes la charge de mettre en oeuvre pour le compte de l'ensemble, le pôle d'édition de programmes thématiques. Toutefois, dans cette hypothèse, le choix de l'entreprise paraît très difficile.

La création d'une société commune apparaît très nettement comme étant la meilleure solution pour organiser la synergie du secteur public. Placée en quelque sorte à égale distance de toutes les composantes, elle garantirait ainsi à chacune et en particulier aux plus petites, la prise en compte de ses intérêts et de ses projets.

Cette structure serait à la fois une société d'ingénierie et un holding financier.

Plus précisément, elle assumerait pour le compte du secteur public les fonctions suivantes :

- mettre au point les projets proposés par l'un des actionnaires ou à son initiative allant de la définition du concept et de l'étude de marché au montage financier :

- sélectionner et former les salariés du secteur public candidats aux différents emplois de ces chaînes thématiques ;

- gérer les participations financières du secteur public dans les différentes thématiques. Celles-ci, en effet, devront associer des partenaires privés. Dans ce cadre, la société commune devra veiller en particulier au respect du cadre financier et économique proposé ;

- définir et organiser les moyens communs nécessaires à la mise en oeuvre des différentes chaînes thématiques, notamment pour la diffusion, la production et les achats.

Cette société commune aurait pour actionnaires toutes les entreprises publiques selon une répartition qui pourrait être la suivante : France 2 : 18 %, France 3 : 18%, la Sept/ARTE : 18 %. La Cinquième : 18 % l'INA : 18 %, Radio France : 5 %, IDF : 5 %. Ces participations pourraient certainement être financées sur la trésorerie des entreprises concernées.

Le capital devra être de 100 millions de francs, libérable progressivement. D'après le rapport Chazal, ce montage permettrait au secteur public d'assumer sa part majoritaire (60 %) dans le besoin de financement de l'offre groupée.

Il s'agit d'une structure légère ne comportant qu'une dizaine de personnes. Elle réunirait, en effet, par mise à disposition, les différents collaborateurs qui à l'heure actuelle travaillent en ordre dispersé et le plus souvent sans moyens suffisants dans les différentes entreprises publiques.

Il doit être entendu enfin que cette société commune n'aurait pas vocation à gérer directement les chaînes thématiques : elle en serait l'actionnaire public et interviendrait en amont et en aval de celles-ci pour en faciliter la mise en oeuvre et le développement.

Pour votre rapporteur plutôt que la création d'une holding spécifique, comme le recommande le rapport Chazal, la société holding, dont la création est préconisée dans la proposition de loi relative à l'organisation de France Télévision ( ( * )33) , a vocation à constituer cette société holding et d'ingénierie des chaînes thématiques du secteur public.

F. L'ADAPTATION DE LA LÉGISLATION AUDIOVISUELLE À LA DIFFUSION PAR SA TELLITE

1. Accroître les compétences du Conseil supérieur de l'audiovisuel

Partant du constat selon lequel la loi du 30 septembre 1986 n'a pas anticipé le développement de la télévision à partir de satellites de télécommunications, votre rapporteur a, le 27 juin 1996, déposé une proposition de loi renforçant les compétences du Conseil supérieur de l'audiovisuel en matière de télévision diffusée par satellite.

L'application de la directive « Télévision sans Frontières » du 3 octobre 1989 a, en effet, donné lieu à des délocalisations de chaînes, d'une part, en permettant aux États d'adopter des règles plus strictes que celles qu'elle prévoit - la directive n'est qu'un texte de coordination minimale des dispositions nationales et non pas d'harmonisation de celles-ci -, d'autre part, en ne définissant pas les critères de rattachement d'un diffuseur à la loi de son État.

La constitution de bouquets de chaînes numériques va accroître les risques qui résultent de ce vide juridique.

La loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication s'applique aux services de communication audiovisuelle dès lors qu'ils sont diffusés par des supports qui relèvent des autorités françaises, qu'il s'agisse de fréquences hertziennes terrestres ou satellitaires ou de réseaux câblés ou téléphoniques.

En revanche, un vide juridique existe lorsque les services sont émis depuis l'étranger.

Cette lacune soulève deux séries de difficultés :

- La France n'est pas en mesure de veiller au respect des dispositions de la directive « Télévision sans Frontières » du 3 octobre 1989 par les organismes de radiodiffusion télévisuelle qui relèvent de sa compétence au regard du droit communautaire, du fait notamment de leur installation et de l'exercice de leur activité en France, mais qui émettent depuis l'étranger.

Ainsi, une chaîne pornographique française, dont le programme est assemblé à Issy-les-Moulineaux, transmet-elle son signal à partir de la Suède vers le satellite Eutelsat, lequel rediffuse les programmes sur le territoire national, notamment, sans qu'aucun contrôle des autorités nationales de régulation ne soit juridiquement possible.

La France n'a pas les moyens de faire respecter des obligations minimales, notamment en matière de protection de l'enfance et de l'adolescence et de respect de la personne humaine, lorsque des services, bien que pouvant être reçus en France, sont émis depuis l'étranger.

Ce vide juridique doit être comblé le plus rapidement possible.

L'objet de l'article premier de la proposition de loi est donc de soumettre à conventionnement avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel les chaînes qui, bien que n'utilisant pas de support de diffusion français, ont leur siège et exercent leurs activités en France.

Cette disposition permettrait à la France d'assumer ses obligations communautaires en transposant correctement la directive « Télévision sans Frontières » .

Par ailleurs, et dans la perspective de la diffusion de bouquets numériques ( ( * )34) , le Conseil supérieur de l'audiovisuel pourra définir globalement certaines obligations en tenant compte de la nature particulière de chaque service.

Au demeurant, une telle mutualisation des obligations des services audiovisuels bénéficiant d'une convention a été prévue, à titre dérogatoire, par le dernier alinéa de l'article 3 de la loi n° 96-299 du 10 avril 1996 relative aux expérimentations dans le domaine des technologies et services de l'information.

Cette mutualisation pourrait notamment bénéficier aux quotas de production et de diffusion ainsi qu'aux contributions au développement de la production et aux dépenses minimales consacrées à l'acquisition de droits de diffusion.

L'article 2 supprime, par cohérence, l'article 24 et l'article 31 de la loi du 30 septembre 1986 et procède à certains ajustements de coordination.

Il met fin, par ailleurs, à la distinction obsolète entre satellites de communication et satellites de diffusion directe.

La mise à disposition directe du public de services audiovisuels par les satellites de télécommunications, reçus aussi bien par des exploitants de réseaux câblés que par des particuliers, et l'évolution des matériels de réception ont, en effet, très fortement estompé les différences existant entre les deux types de satellites et ont rendu obsolète la différenciation juridique sur laquelle repose la loi du 30 septembre 1986, qui, en l'espèce, distinguait :

- l'usage des fréquences afférentes à la télévision par satellite de télévision directe, qui est soumise à autorisation du Conseil supérieur de l'audiovisuel en vertu de l'article 31,

- l'utilisation de fréquences relevant du ministre des Télécommunications, c'est-à-dire diffusées par des satellites de télécommunications, qui impose la délivrance d'un agrément par le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la signature d'une convention avec ce dernier, en vertu de l'article 24.

Ce dernier article prévoyait, de surcroît, un décret en Conseil d'État qui n'a jamais été publié, ainsi que l'a relevé le rapport annuel du Conseil supérieur de l'audiovisuel pour 1994, ce qui a empêché celui-ci de délivrer des agréments et de conclure des conventions avec des services de télévision diffusés par satellite de télécommunications.

En outre, et dans le souci de rétablir un équilibre plus concurrentiel entre le câble et le satellite, les dispositions de l'article 33 de la loi du 30 septembre 1986 seraient alignées sur celles qui sont proposées pour la diffusion par satellite, ce qui permettrait aux services diffusés sur le câble de bénéficier de la mutualisation ci-dessus évoquée.

L'article 3 prévoit des dispositions à caractère pénal permettant de sanctionner le non-conventionnement d'une chaîne qui, bien que n'utilisant pas de support de diffusion français, à son siège et exerce ses activités en France.

L'article 4 permet au Conseil supérieur de l'audiovisuel d'intervenir lors de la commercialisation de services de communication audiovisuelle, qui, bien que pouvant être reçus en France, sont exploités par des personnes établies hors de France et émis depuis l'étranger.

Pour ce faire, la proposition de loi s'inspire d'une disposition du Broadcasting Act britannique, qui permet à l' Independant Telecommunication commission , autorité de régulation de l'audiovisuel, de s'opposer à la réception d'un service étranger dont les programmes « comportent régulièrement des scènes qui sont contraires au bon goût et à la décence, sont susceptibles d'inciter à la violence, de provoquer des troubles ou de constituer un outrage aux bonnes moeurs » .

Au demeurant, une telle proposition a été soutenue par M. le Ministre de la Culture dans un article publié par Le Monde, le 9 février 1996 :

« Pour la diffusion par satellite, nous pourrions utilement nous inspirer de dispositions analogues à celles prévues par le Broadcasting Act anglais. Ce qui nous permettrait de poursuivre toute personne morale ou physique ayant contribué à la commercialisation de services payants qui tenteraient de détourner les réglementations françaises ou européennes » .

L'article 4 propose, à cet effet, d'adopter les dispositions permettant de sanctionner pénalement la commercialisation de services offrant de façon habituelle des programmes, images ou messages de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, notamment par leur caractère violent ou pornographique (pédophilie, zoophilie...).

2. Modifier la réglementation du satellite

a) Permettre la reprise de France Télévision par tous les bouquets satellitaires ?

Aux termes de l'article 34 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, le CSA peut imposer aux réseaux câblés la retransmission des services de radio et de télévision diffusés par voie hertzienne normalement reçus dans la zone. Cette pratique est appelée, en Amérique du nord, où elle est relativement fréquente, le « must-carry ».

Pour certains, l'intérêt d'une transposition de cette obligation à la diffusion par satellite n'apparaît pas évident en l'état actuel du marché et des conditions de diffusion des chaînes.

L'ensemble des télévisions nationales hertziennes sont d'ores et déjà diffusées par satellite et accessibles par le grand public. En effet, la diffusion satellitaire permet à TF1, France 2, Canal +, M6. La Cinquième et Arte d'alimenter leurs émetteurs hertziens.

L'obligation de reprise des chaînes hertziennes se conçoit aisément pour le câble dans la mesure où ce support de réception peut se substituer à la réception hertzienne traditionnelle, notamment dans les zones d'ombre et les zones urbaines. Il était donc important que le CSA puisse imposer la reprise des chaînes hertziennes terrestres dans l'intérêt des usagers. On remarquera qu'en pratique cependant, le CSA n'a jamais eu besoin de recourir à cette possibilité.

La réception satellitaire ne s'inscrit pas dans cette optique. Toujours utilisé en complément des autres supports de diffusion s'agissant des chaînes hertziennes terrestres, le marché de la télévision par satellite s'est essentiellement développé autour de la télévision à péage et de la télévision thématique.

Dès lors, tant que la couverture des chaînes hertziennes terrestres est aussi importante et qu'elles figurent au surplus dans les plans de services des réseaux câblés, l'obligation de reprise de ces chaînes par satellite n'apparaît pas utile.

Il en irait autrement si le multiplexeur utilisait de façon abusive sa position dominante dans l'accès au marché ou si les éditeurs s'entendaient pour exclure l'accès du multiplexe à des éditeurs tiers.

Ln revanche, peut se poser la question de l'action du CSA sur la composition des bouquets. Trois solutions peuvent être envisagées :

- prévoir un conventionnement de chaque service indépendamment de son mode de commercialisation et du satellite utilisé.

- prévoir une action du CSA sur la constitution des bouquets, limitée à ceux relevant d'une compétence française.

- donner au CSA la possibilité d'intervenir sur le plan de service global du satellite, qui peut comporter plusieurs bouquets ou des chaînes commercialisées de manière indépendante. Là également, une telle régulation ne peut intervenir que sur des satellites relevant de la compétence française.

b) La jurisprudence du Conseil de la Concurrence TV Monde pourrait être transposable aux bouquets numériques

La décision n° 91-D-51 du Conseil de la concurrence du 19 novembre 1991 relative au marché des programmes de télévision réservés à la diffusion sur les réseaux câblés, si elle se réfère aux réseaux câblés analogiques, pourrait se transposer aux bouquets numériques.

Cette décision assure la transparence de la relation éditeur - opérateur commercial.

Invité par la chaîne thématique TV Mondes à statuer sur les clauses d'exclusivité contenues dans les contrats de distribution de certains programmes thématiques réservés au câble et sur le refus opposé par certains câblo-opérateurs de diffuser la chaîne, le Conseil de la concurrence a considéré, à l'époque, et sur le marché du câble, que de telles clauses devaient disparaître.

Rappelant que : « que Le contrat type de diffusion de la chaîne Canal J, auquel sont conformés les contrats de diffusion de cette chaîne sur les réseaux, comporte une clause aux termes de laquelle l'exploitant du réseau réserve à Canal J l'exclusivité de la distribution d'une chaîne principalement destinée au public enfants-jeunesse sur la partie du plan de service accessible à tous les abonnés » , a estimé que « de telles clauses ont au moins potentiellement pour effet d'interdire ou de limiter l'accès au marché d'éditeurs concurrents proposant aux réseaux des programmes ayant un thème proche de ceux bénéficiant de l'exclusivité » et qu'elles étaient contraires aux dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ainsi qu'aux dispositions du traité de Rome relatives au droit de la concurrence.

c) Saisir le Conseil de la concurrence

A l'initiative de votre rapporteur, le président de la commission des finances a, le 26 janvier 1996, saisi le Conseil supérieur de l'audiovisuel d'une étude devant évaluer les risques de position dominante dans le domaine de la télévision payante diffusée par satellite. La saisine suggérait au CSA de se rapprocher du Conseil de la concurrence, chargé, selon les termes de l'article 41-4 de la loi du 30 septembre 1986, de « veiller au respect de la liberté de la concurrence dans le secteur de la communication audiovisuelle ».

Malheureusement, cette étude n'était pas finalisée à la date de rédaction de ce rapport.

Une saisine du Conseil de la concurrence semble très opportune, à la lumière des expériences étrangères.

(1) Des saisines comparables à l'étranger

En effet, en Grande-Bretagne, l'Office of fair trading , équivalent du Conseil de la concurrence, a examiné la situation de BSkyB. La société de télévision par satellite possédant les droits de diffusion de programmes très demandés, comme les fictions américaines ou les grands événements sportifs, l'Office a estimé que cela pouvait constituer « un obstacle à l'entrée sur le marché, qui est déjà restreinte par la capacité limitée des satellites Astra » . Même si BSkyB n'a pas de comportement anticoncurrentiel, le processus de concurrence est bridé par l'existence de ces barrières à l'entrée sur le marché.

La position monopolistique de BSkyB dans le domaine de la télévision analogique inquiète le gouvernement britannique compte tenu de l'offre numérique que l'opérateur compte bientôt proposer. Arrivant le premier sur le marché, il pourrait imposer son propre décodeur, le Set top box , aux câblo-opérateurs, principalement Nynex cablecoms et Telewest communications , des conditions drastiques pour la reprise des chaînes qu'il diffuse sur le satellite sur leurs réseaux. De même, il se trouverait en position de force pour imposer son système aux opérateurs qui remporteront l'appel d'offre lancé le 1er novembre 1996 par l' Indépendant television commission pour l'attribution de quatre groupes de fréquences dédiés à la diffusion de chaînes numériques hertziennes.

C'est pourquoi le Gouvernement britannique envisage de déposer un projet de loi obligeant BSkyB à permettre l'accès à sa technologie de manière équitable et non-discriminatoire.

De même, en Allemagne, l'Office des cartels examine l'accord Kirch-Bertelsmann conclu sur le marché de la télévision numérique payante. En 1994, les deux opérateurs s'étaient interdire, par l'Office européen des cartels, la création d'une société commune, Media-Service GmbH , vouée à la télévision numérique.

(2) Une menace pour le marché des droits

Les bouquets numériques constituent en effet une menace pour le marché des droits satellites.

Les opérateurs de bouquets numériques pourraient être tentés de mener une stratégie d'exclusivité , consistant à obtenir pour leur seul compte la diffusion de certains services rendus attractifs par le caractère inédit de leurs programmes, plutôt que la carte de l'exhaustivité , consistant à reprendre tous les programmes de qualité disponibles sur le marché.

Pour atteindre cet objectif, les chaînes hertziennes qui interviennent en qualité de coproducteurs présenteraient des contrats conditionnant le montant de leur participation dans la production au gel sur les droits satellite de l'oeuvre concernée, voire à une exclusivité de cinq à dix ans.

Or, dans la mesure où tous les diffuseurs hertziens se retrouvent dans deux sociétés de commercialisation seulement, le paysage audiovisuel pourrait en être déséquilibré.

En effet, si les bouquets numériques créent des chaînes thématiques, par exemple, dans le domaine documentaire ou dans celui de la jeunesse, comment les chaînes thématiques diffusées sur le câble, comme Canal J ou Planète, pourront-elles acquérir des programmes de qualité en première diffusion ?

Ce risque d'assèchement pourrait rendre difficile le respect des quotas de diffusion par ces chaînes.

(3) Les risques du numérique

Le développement de la diffusion audiovisuelle numérique comporte trois risques majeurs :

- rendre toute régulation impossible , au niveau international (alors qu'il existe dans chaque pays européen des règles concernant l'offre de programmes, rien n'a été prévu pour réglementer l'accès aux systèmes satellitaires européens de programmes ne respectant pas ces règles), comme au niveau national, la concurrence des chaînes transfrontières pouvant amener les diffuseurs nationaux à revendiquer l'allégement, voire la suppression de réglementations nationales.

- asphyxier les industries nationales de programmes . L'apparition de nouvelles capacités de diffusion entraîne un accroissement des besoins en programmes. Or, les diffuseurs préfèrent acquérir des catalogues de droits de diffusion plutôt que contribuer au financement de productions nouvelles.

- créer une télévision à deux vitesses. Les opérateurs pourraient être incités à réduire la qualité des programmes offerts sur les chaînes en clair au profit des chaînes cryptées et des bouquets satellite, plus rémunérateurs.

CHAPITRE III : LA POLITIQUE COMMUNAUTAIRE AUDIOVISUELLE ET L'ACTION AUDIOVISUELLE EXTÉRIEURE EN 1996

I. LA POLITIQUE COMMUNAUTAIRE DE L'AUDIOVISUEL

Pour mériter l'exception culturelle, l'Europe doit, avant la renégociation de l'accord portant sur les secteurs exclus, construire une industrie forte de programmes audiovisuels. Mais il ne faut pas baisser la garde.

Au Parlement européen, au cours de la renégociation de la directive Télévision Sans Frontières, la perspective du renforcement des quotas européens semble bien s'éloigner à tout jamais...

Raison de plus pour renforcer notre industrie de programmes audiovisuels avant que cette ligne Maginot, ainsi affaiblie, ne soit contournée par les satellites...

A. LA TENTATION D'ASSIMILER LES NOUVEAUX SERVICES AUDIOVISUELS AUX ACTIVITÉS DE TÉLÉCOMMUNICA TION

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a, dans un communiqué n° 333 du 25 octobre 1996, fait part de ses préoccupations face à plusieurs projets de textes en discussion au sein des instances européennes dans le domaine des nouveaux services de la communication audiovisuelle qui se développent dans le cadre des autoroutes de l'information.

1. Le droit communautaire de l'audiovisuel est de moins en moins influencé par le droit français

Au travers des différents textes de droit positif ou en cours d'élaboration dans le secteur audiovisuel, dans le secteur des télécommunications ou en matière de propriété intellectuelle, il est frappant de constater que les deux principes fondamentaux du droit français ne se retrouvent pas en droit communautaire : la distinction entre communication audiovisuelle et télécommunications n'a nulle part été précisée et le traitement juridique des services audiovisuels est lié à l'approche technique de leur prestation. Le traitement des nouveaux services qui en découle logiquement est donc inquiétant.

La distinction entre communication audiovisuelle et télécommunications n'a été précisée ni dans la directive 89/552 du 3 octobre 1989 sur la télévision sans frontières , ni dans la directive 90/388 du 28 juin 1990 modifiée relative à la concurrence dans les marchés des services de télécommunications , même si son article 1-1 excepte la radiodiffusion et la télévision.

Dans le même temps, est visé comme service de télécommunications, le téléachat.

Enfin, son premier considérant explique que le programme d'action de 1992 pour l'ouverture progressive des télécommunications à la concurrence « ne concerne pas les services de communications de masse dans le sens de la radiodiffusion ou de la télévision » .

Ainsi, la directive 90/388 peut prêter à une lecture tendant à qualifier de services de télécommunications de nombreux services qualifiés aujourd'hui de communication audiovisuelle en droit français : les services basés sur l'information, ayant pour objet l'accès à des bases de données, visés par cette directive relèvent du régime de la déclaration préalable applicable aux services audiovisuels (régime de la télématique, ou la plupart des serveurs Internet par exemple).

La proposition de directive relative à un cadre commun pour les autorisations générales et les licences individuelles dans le secteur des télécommunications fait appel à des concepts encore plus surprenants. En son article 1,2, elle dispose qu'elle « n'affecte pas les réglementations spécifiques adoptées par les États membres conformément au droit communautaire qui régissent la distribution des programmes audiovisuels destinés au grand public et le contenu de ces programmes » , sans définir les services audiovisuels, le terme distribution, les programmes audiovisuels et le grand public.

Il serait donc utile, dans l'ensemble des textes où cette distinction est pertinente que la distinction de droit français entre correspondance privée et communication au public soit reprise.

Non seulement la définition des services audiovisuels, lorsqu'elle existe, se fonde sur des critères techniques que n'admet pas le droit français, mais encore ces critères sont contradictoires d'un texte à l'autre.

Dans la directive 89/552 du 3 octobre 1989 sur la télévision sans frontières, la télévision est assimilée à l'activité de radiodiffusion. La notion de radiodiffusion englobe la redistribution filaire, contrairement au règlement des radiocommunications de l'UIT aux termes duquel cette notion renvoie nécessairement à l'espace hertzien.

Pour leur part, la directive 95/47 du 24 octobre 1995 relative à l'utilisation de normes pour la transmission de signaux de télévision (abrogeant la directive 92/38 du 11 mai 1992) emploie les termes « télévision », « services de télévision » ou « récepteurs de télévision » sans les définir nullement.

De même, la directive 93/83 du 27 septembre 1993 relative à la coordination de certaines règles du droit d'auteur et des droits voisins du droit d'auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble, utilise les expressions « émissions de télévision ou de radio » pour définir la retransmission par câble.

De cette absence de précisions, la commission croit pourtant pouvoir affirmer, dans le livre vert sur les droits d'auteur et droits voisins dans la société de l'information :

« le droit communautaire vise les activités de radiodiffusion à plusieurs endroits. Il ressort des différentes directives que la radiodiffusion est constituée de toute « émission primaire, avec ou sans fil, terrestre ou par satellite, codée ou non, de programmes (télévisés) destinés au public ». Ne sont pas visés les services de communications fournis de point-à-point et sur appel individuel » .

Cette estimation est hâtive et surtout inquiétante . En effet, la commission pourrait utiliser cette analyse pour distinguer les services traditionnels, dits de radiodiffusion, et les « nouveaux services ». Les premiers seraient des services de radiodiffusion point-multipoints, les seconds des services de transmission point-à-point. Aux premiers s'appliquerait la réglementation audiovisuelle traditionnelle, aux seconds une réglementation à venir.

2. La tentation d'exclure les nouveaux services de la réglementation audiovisuelle

Cette tentation se retrouve dans plusieurs documents :

a) Le Livre vert sur les nouveaux services

La commission y définit les nouveaux services comme des services interactifs dont le mode de transmission est à la fois numérique et point-à-point, destinés à communiquer des textes, des images fixes, des images animées ou une combinaison de ces informations, qui sont destinés au public en général et reçus sur un terminal muni d'un écran.

La commission vise ici Internet, le Vidéotexte, les services en ligne et la vidéo à la demande.

Certains services peuvent ainsi ne rentrer ni dans le champ d'application de la directive TSF, ni dans celui du livre vert. Ainsi tout service fourni sur appel individuel mais qui ne répondrait pas à l'ensemble des critères techniques énumérés dans ce livre vert ne serait soumis à aucune réglementation audiovisuelle communautaire.

b) Le questionnaire sur les droits d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information

La commission considère que les services point-à-point ne sont pas des services de radiodiffusion et qu'il pourrait être utile d'inclure la transmission numérique dans la notion de radiodiffusion par un régime spécifique.

Comme on l'a vu, cette approche n'est pas celle du droit français.

c) Le Livre vert sur les services cryptés

Afin de déterminer le champ d'application d'une éventuelle harmonisation, la commission européenne présuppose que, parmi les services cryptés « rentrent ainsi les services de radiodiffusion cryptés traditionnels (par câble, par voie hertzienne ou par satellite), les nouveaux services de radiodiffusion (télévision numérique, pay-per-view, presque vidéo à la demande) et les services de la société de l'information, à savoir les services fournis à distance électroniquement à la demande individuelle d'un destinataire des services (notamment vidéo à la demande, livraison de jeux à la demande, commerce électronique, services d'information multimédia). »

La commission distingue ainsi les services de radiodiffusion traditionnels, les nouveaux services de radiodiffusion et les services de la société de l'information.

Cette distinction est triplement contestable :

- opérer une distinction entre services nouveaux et services de communication audiovisuelle traditionnels ne se fonde pas sur des critères techniques précis ou simplement cohérents : les supports de diffusion empruntés sont les mêmes dans les deux cas ; certains des nouveaux services énumérés par la commission existent depuis plus d'une dizaine d'années ;

- opposer ces services à ceux « de la société de l'information » est également critiquable : les services qualifiés de « traditionnels » font naturellement partie intégrante des services fournis dans le cadre des autoroutes de l'information. Le fait que certains utiliseront la compression numérique n'en change pas la nature, et l'opportunité d'une telle distinction n'apparaît pas ;

- induire un traitement juridique différent pour des services de même nature n'est pas conforme à l'approche française, ci-dessus évoquée, des « nouveaux services ».

Ainsi dans les textes en cours d'élaboration, la commission européenne tente d'élaborer une différence de traitement entre « nouveaux services » et « services traditionnels ».

Pour la commission en effet, mais aussi pour la plupart des États membres, l'ensemble des services fournis sur appel individuel échapperait ainsi à l'application de la réglementation audiovisuelle traditionnelle. Les conséquences de ce raisonnement peuvent être extrêmement préjudiciables au moins pour deux raisons :

- la frontière entre communication audiovisuelle et télécommunications n'étant pas précisée, de nombreux services de communication audiovisuelle pourraient de fait être assimilés à des services de télécommunications ;

- la réglementation audiovisuelle traditionnelle a, par nature, vocation à s'appliquer à l'ensemble des services de communication audiovisuelle. Ainsi, plutôt que d'élaborer une nouvelle réglementation dans le livre vert sur les nouveaux services, il serait nettement préférable de réfléchir aux aménagements nécessaires de cette réglementation pour tenir compte des particularités techniques de certains services.

Tel est d'ailleurs le choix logiquement opéré par le Gouvernement et le Parlement français dans le cadre de la loi du 10 avril 1996.

Par ailleurs, assimiler juridiquement la vidéo à la demande ou l'ensemble des services en ligne à Internet est tout à fait contestable. Les problèmes juridiques posés par Internet, qui se réduisent essentiellement à des questions d'une part, de droit de la propriété intellectuelle et de droit pénal internationale d'autre part, sont sans commune mesure avec ceux d'un service de vidéo à la demande d'oeuvres audiovisuelles ou cinématographiques.

Ces dérives pourraient avoir de graves conséquences et vider de sa substance l'exception culturelle qui protège, au sein de l'Organisation mondiale du commerce, le secteur audiovisuel, et fonde la légitimité des obligations imposées aux opérateurs en protégeant les cultures européennes et nationales.

Si, en effet, les nouveaux services entraient dans le champ de compétence des télécommunications, ils échapperaient ainsi à toute préoccupation culturelle.

Votre rapporteur s'associe donc pleinement aux préoccupations du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

B. LES INVESTIGATIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE EN MATIÈRE AUDIOVISVELLE

1. Sur le financement des chaînes publiques

À la suite d'une plainte de TF1, la commission a demandé aux autorités françaises des informations sur le financement des chaînes publiques, notamment sur les justifications du financement mixte mêlant crédits publics et recettes commerciales (publicité) pour les organismes de radiodiffusion.

À l'issue d'une première réponse, la commission a estimé opportun, avant de se prononcer, de procéder à une étude sur les pratiques des États membres.

Au début de 1996, un cabinet britannique a établi à la demande de la commission un rapport portant dans tous les États membres et donc la France, sur le financement du secteur public de l'audiovisuel au regard de l'encadrement des aides d'État, conformément aux dispositions du traité de l'Union européenne (articles 92 et 94).

Comme l'ont fait valoir les autorités françaises, un désengagement total du marché publicitaire n'est pas souhaitable. Il risquerait d'avoir pour conséquences, une spécialisation étroite du secteur public dans le domaine culturel face à un secteur privé exerçant un monopole de l'offre distractive.

En outre, ce rapport met en lumière l'existence dans la Communauté, de systèmes de redevances publiques destinés à financer des missions d'intérêt général confiées aux chaînes de télévision publique. Les conclusions de la commission, au vu de ce rapport, ne devraient pas conduire à une remise en cause de ces pratiques, sur le fondement des articles 92 et 93 du Traité de l'Union.

Par ailleurs, la société TF1 a déposé à rencontre de la commission un recours en carence devant la Cour de justice des Communautés européennes, estimant que la commission avait tardé, sans raison, à se prononcer sur ce dossier.

2. Sur la publicité réalisée par les chaînes publiques en vue de promouvoir leurs produits dérivés

À l'issue d'une plainte, la commission a demandé le 24 juin 1996 des informations aux autorités françaises sur les conditions de diffusion à prix réduit sur les chaînes publiques France 2 et France 3 de messages publicitaires pour les cassettes vidéo que la société France Télévision commercialise.

La commission s'interroge sur la compatibilité de ces pratiques avec l'article 92 du Traité.

En outre, la commission demande si l'obligation de notification de l'article 93 § 3 du Traité a été respectée dans le cas d'espèce, à défaut de quoi il s'agirait d'une aide illégale.

Or, il convient de remarquer que :

- ces autopromotions sont effectuées dans des écrans invendus placés en heures creuses de la journée ;

- cette activité, qui s'inscrit dans la mission de service public des chaînes, n'est pas en concurrence avec les autres opérateurs du marché dont la vocation est de commercialiser des produits ayant un potentiel commercial plus important.

II. LES OBJECTIFS ET LES MOYENS DE L'ACTION AUDIOVISUELLE EXTÉRIEURE EN 1996

A. LE RAPPORT BALLE : UN DÉBUT DE DOCTRINE

Remis à M. le ministre des Affaires étrangères en décembre 1995, le rapport rédigé par M. Francis Balle sur « L'Action audiovisuelle extérieure de la France » évalue, avec lucidité, cette politique publique audiovisuelle et propose d'intéressantes pistes de réflexion pour procéder à une remise en ordre de cet outil indispensable pour assurer la présence de la France dans le monde audiovisuel.

1. Une analyse lucide des nouveaux défis de l'action audiovisuelle extérieure et de ses moyens

L'Action audiovisuelle extérieure de la France se situe dans un contexte marqué par la mondialisation de la circulation de l'information. Celle-ci s'accélère grâce au progrès technologique et à la concentration du marché de la communication, qui pousse au rapprochement des chaînes de télévision et des grands studios, quand ces derniers ne créent pas leurs propres réseaux de diffusion. La banalisation des systèmes d'accès conditionnels ouvre, en outre, de nouvelles perspectives quant au financement des chaînes et à la consommation télévisuelle, conduisant également à fractionner et segmenter les audiences.

Dans ce contexte, la rareté a changé de camp et concerne désormais les programmes, et non les vecteurs : la diffusion devient, grâce au numérique, bon marché, alors que la demande d'images croît fortement. Le contrôle des programmes, de la production d'images, des droits afférents, devient donc un enjeu capital.

De nombreuses questions subsistent cependant quant au comportement du téléspectateur devant cette abondance d'images. Il semble que la relation entre durée d'écoute et nombre de chaînes disponibles soit peu élastique, que les productions nationales demeureront pendant plusieurs années encore les plus populaires, et qu'il n'existe pas de lien évident entre le taux d'équipement des ménages en câble et satellite et les parts d'audience des chaînes généralistes.

Sous l'angle géopolitique, le nouvel ordre mondial se traduit par l'ouverture de nouveaux marchés aux programmes audiovisuels de l'Occident. Dans les pays émergeants - Asie du sud-est, Chine, Amérique Latine, Afrique du Sud -, l'audiovisuel français était, jusqu'à récemment, très discret.

Notre action audiovisuelle extérieure se heurte, de surcroît, à une concurrence accrue, tant de la part des nouveaux opérateurs nationaux, qui montent en puissance, que des entreprises publiques des États les plus développés, BBC World Service, DeutscheWelle, NHK, Voice of America. Ceux-ci disposent, en général, d'un budget supérieur à celui des opérateurs français, ou encore de la part des groupes multinationaux de communication. Cette concurrence est riche d'enseignements : les chaînes nationales ne sont pas conçues pour une diffusion internationale, alors que les opérateurs adoptent des stratégies sur mesure en fonction des caractéristiques propres de chaque public.

2. Un bilan en demi-teinte

La France s'est dotée, depuis le début des années 80, d'un dispositif d'action audiovisuelle extérieure caractérisé par un volontarisme certain, notamment sur le plan financier, et une complexité non moins évidente, que pour son manque d'efficacité et son coût trop élevé votre rapporteur a maintes fois dénoncée.

Sur le plan administratif, si le ministère des Affaires étrangères apparaît comme le chef de file de cette politique publique, eu égard a l'importance prise par la diplomatie culturelle au sein de l'action diplomatique de la France, de nombreux autres ministères se sentent également concernes : le ministère de la Coopération, dès qu'un pays « du champ » est impliqué, le ministère de la Culture, qui a une vocation générale pour favoriser le rayonnement international de la culture française et la francophonie, le ministère en charge des télécommunications, via la politique satellitaire, voire le ministère du commerce extérieur, compte tenu de la création de l'OMC faisant suite au GATT, ou le ministère de l'Économie et des Finances. Tous ces intervenants sont censés se concerter au sein du Conseil audiovisuel extérieur de la France, qui se réunit depuis 1989 au moins une fois par an.

Les objectifs de cette politique (diffusion de l'image de la France, politique de coopération, exportation de programmes audiovisuels) ont évolué , notamment sous l'influence de deux rapports majeurs : le rapport Péricard, de 1987, qui préconisait un renforcement de RFI, la valorisation de la diffusion de programmes télévisés par satellite, l'amélioration de la diffusion internationale d'images d'actualité, le renforcement des crédits, la rationalisation des modalités de rémunérations des artistes-interprètes, mais aussi le rapport Decaux, de 1989, qui proposait de différencier l'action audiovisuelle extérieure selon la solvabilité des pays, de mieux distinguer stratégie française et stratégie francophone multilatérale, de favoriser la complémentarité public-privé, de développer une banque d'images mondiale par satellite et de mieux commercialiser les produits audiovisuels français.

Jusqu'en 1993, l'action audiovisuelle extérieure s'est caractérisée par une politique de l'offre - sur laquelle votre rapporteur est toujours demeuré sceptique - et par une mondialisation du dispositif . En 1994, les deux Conseils audiovisuels extérieurs de la France qui se sont tenus ont décidé de rationaliser les structures, en renforçant les spécificités de TV5, chaîne francophone, et de CFI, chaîne de l'image de la France, de régionaliser les programmes des opérateurs RFI, TV5 et CFI, de constituer des bouquets satellitaires, en dotant l'action audiovisuelle extérieure de moyens budgétaires renforcés.

Au regard des objectifs, l'évaluation portée par le rapport Balle est, malgré les précautions méthodologiques rendues nécessaires par la généralité et le caractère évolutif des objectifs poursuivis, ou par l'insuffisance de données qualitatives, contrastée.

Si la présence télévisuelle mondiale de la France est assurée, hormis des lacunes importantes (Inde, Australie - Nouvelle-Zélande, États-Unis, et, pour RFI, l'Amérique du Sud, l'est de l'Afrique et l'Asie), les programmes sont de valeur moyenne, non du fait de leur qualité intrinsèque mais en raison de leur inadaptation à la demande locale. De ce fait, les instruments d'évaluation des programmes et de l'audience demeurent moins développés que dans d'autres pays. Les opérateurs français sont surtout concentrés sur l'Afrique et développent leur implantation en Europe de l'Est et au Moyen-Orient. Mais leurs résultats sont insuffisants dans le reste du monde : Europe occidentale, États-Unis, Amérique Latine, Asie.

La politique audiovisuelle extérieure souffre également de nombreux handicaps : une politique de diffusion par satellite marquée par la priorité donnée à la desserte du territoire national ou des DOM, des redondances ponctuelles fâcheuses (RFI Africa n° 1 et TV5/CFI en Afrique, TV/diffuseurs nationaux en Europe et au Maghreb, RFI/RMC-MO au Proche-Orient). L'exportation n'est pas considérée comme une composante de la politique audiovisuelle extérieure. La langue française est parlée par un nombre relativement réduit de groupes, éparpillés sur les cinq continents : ce qui peut représenter un atout par ailleurs est, en la matière, une faiblesse, dans la mesure où le français n'est pas parlé dans les marchés les plus dynamiques et où cette situation impose de prévoir des moyens de diffusion mondiaux couvrant tous les continents quand bien même la taille des communautés francophones est très réduite. En outre, l'industrie française des programmes est encore faible et soumise aux marchés locaux. La législation sur le droit d'auteur et les droits voisins constitue, comme l'a amplement démontré le rapport Anelli de mars 1995, un frein puissant aux exportations de programmes. Les objectifs assignés à l'action audiovisuelle extérieure sont multiples et parfois contradictoires (Défense du français ou promotion de l'image de la France, y compris dans les langues nationales ? Message de souveraineté ou stratégie d'image ? Stratégie de coopération ou d'influence ? diffusion gratuite ou commerciale ?). Les moyens de cette politique ne sont pas toujours très clairs : les acteurs publics développent des stratégies d'alliances multiples par l'intermédiaire d'opérateurs différents dont le contrôle échappe partiellement aux pouvoirs publics. Le développement de la présence française s'effectue largement au gré des circonstances, la synergie avec le secteur privé - rôle dévolu à la SOFIRAD - reste insuffisante. Les moyens financiers demeurent faibles (cf. infra ) . La concurrence entre opérateurs publics perdure, malgré la création des Conseils audiovisuels extérieurs de la France, faute d'unité opérationnelle dans l'exercice du pilotage et de la tutelle des opérateurs.

Fixer un cap, se doter des moyens nécessaires pour le garder sont donc les deux grands axes des propositions du rapport Balle.

3. Des propositions audacieuses

a) Une nouvelle définition de l'objectif de la stratégie audiovisuelle extérieure de la France

La politique audiovisuelle extérieure doit se diversifier et ne plus privilégier autant la cible des Français de l'étranger mais également viser l'ensemble des francophones et francophiles et des étrangers « curieux et intéressés par le point de vue de la France ». Tout en maintenant la priorité aux zones d'influences historiques de la France, l'ambition de cette politique doit être mondiale : les ondes et les images de la France doivent pouvoir être captées partout. Mais cette mission de souveraineté ne doit plus être exclusive et doit être rééquilibrée au profit des missions d'exportation de l'image de la France, de la culture et de sa langue, des programmes français. À cet effet, il faut diversifier le contenu des programmes à exporter, réduire le déséquilibre entre radio et télévision, en faveur de celle-ci, rééquilibrer l'information et les programmes ainsi que les aides à l'exportation en faveur des programmes audiovisuels -par rapport à celles destinées au cinéma, élargir l'offre de programmes, accroître, enfin, la part des programmes spécifiques.

Pour atteindre ces objectifs, les moyens doivent être adaptés et diversifiés. En particulier, les programmes doivent être adaptés à la demande , à l'exportation (ce qui suppose le double, le sous-titrage, voire, hélas, le reformatage), et surtout régionalisés. De surcroît, les vecteurs doivent être diversifiés et toutes les formes de transmission et de réception encouragées.

b) Une nouvelle organisation de l'action audiovisuelle extérieure

En matière d'action audiovisuelle extérieure, comme ailleurs, le rôle de l'État doit être redéfini et s'inspirer du principe de subsidiarité. L'État, coordonnateur des actions publiques, devra favoriser la recherche de partenariats avec les diffuseurs privés nationaux ou locaux. La réciprocité devra être encouragée. Les stratégies française et francophone, mulitalérale, devront être distinguées.

À cet égard, le rapport Balle propose la création d'une chaîne française internationale , TV5 International, et la modification profonde du dispositif institutionnel.

Afin d'affirmer solennellement l'intérêt porté par l'État à l'action audiovisuelle extérieure, une loi de programmation sur cinq ans serait votée par le Parlement et l'exposé des motifs de cette loi constituerait la Charte de l'audiovisuel extérieur . Pour l'exécution de cette politique, une instance spécifique serait créée, l'Agence audiovisuelle extérieure.

Structure légère, elle serait doté des différentes lignes budgétaires affectées à cette action et négocierait avec les holdings opérationnels des contrats d'objectifs pluriannuels. Elle nommerait les représentants de l'État au sein des conseils d'administration de ces sociétés holding et leur verserait une subvention annuelle.

L'audiovisuel extérieur serait organisé en deux pôles : France International Radio, d'une part, de France International Télévision, d'autre part.


Les opérateurs radio , RFI et RMC/MO seraient rapprochés, une banque de programmes radiophoniques et une société holding de gestion des participations minoritaires dans des radios étrangères seraient créées.


Le nouvel opérateur télévisé, France International Télévision, assurerait la synergie avec les opérateurs publics nationaux, reprendrait les participations de l'État au sein de TV5, et de la SOFIRAD au sein de MCM et de Canal Horizons. Elle posséderait deux filiales : CFI et TV5 International, la nouvelle chaîne internationale française. Une délégation à l'exportation serait créée au sein de cet holding.

Enfin, la SOFIRAD serait supprimée.

Un dispositif d'évaluation de l'action audiovisuelle extérieure serait institué.

B. LA POLITIQUE AUDIOVISUELLE DE LA FRANCE EN 1996-1997

1. Les orientations du rapport Balle

Le rapport a eu le mérite de porter un diagnostic clair, lucide et courageux sur les faiblesses du dispositif institutionnel public en matière d'action audiovisuelle extérieure, mais également sur les insuffisantes performances de nos programmes audiovisuels à l'exportation . Votre rapporteur retiendra surtout l'absence quasi-complète des diffuseurs privés, comme opérateurs sur des marchés locaux, hormis Canal + en Afrique et en Pologne, jusqu'à sa spectaculaire alliance, annoncée en septembre 1996, avec Nethold.

Son analyse financière a porté puisque, dans un contexte financier de rigueur exceptionnelle, le budget de l'action audiovisuelle extérieure a été relativement préservé, en 1996. Il est vrai qu'il eût été peu cohérent d'annoncer, lors du CAEF de novembre 1995, un renforcement de l'effort de l'État dans ce domaine, pour l'abandonner avant même sa mise en oeuvre effective, même si le budget pour 1997 semble mettre entre parenthèses son exécution...

Les premières décisions de mise en oeuvre du rapport améliorant la cohérence du dispositif institutionnel montrent qu'il était grand temps d'apporter un peu de cohérence et de simplification, et de susciter des économies. À cet égard, votre rapporteur note avec satisfaction que certaines propositions de votre commission des finances ont été, sur ce point, suivies d'effet. On s'interroge cependant sur les raisons qui expliquent, sans la justifier, la paralysie de la réforme du pôle télévisuel extérieur.

En revanche, les propositions de remodelage du dispositif institutionnel, pour pertinentes qu'elles fussent, auraient nécessité de profonds bouleversements sans proportion avec les avantages attendus. Au demeurant, la création de nouvelles structures, dont on comprend l'objectif, louable, d'amélioration de l'efficacité du dispositif, n'était pas tout à fait cohérente avec l'effort de simplification préconisée par ailleurs dans le rapport.

S'il est un élément à retenir de ce dernier, c'est bien l'adaptation de l'offre audiovisuelle extérieure à la demande, qui doit bien constituer un préalable à l'augmentation de cette offre. Sur ce point, de profonds efforts devront être faits.

2. La mise en oeuvre du rapport Balle

Le Conseil de l'audiovisuel extérieur de la France du 23 novembre 1995 a affirmé comme priorités :

- la rationalisation et la spécialisation de l'action des opérateurs de l'action audiovisuelle extérieure et en particulier la constitution de deux pôles opérationnels, l'un regroupant les actions radiophoniques extérieures autour de RFI, l'autre chargé de l'action télévisuelle internationale constitué par un holding à créer et dont le capital sera majoritairement détenu par les sociétés publiques audiovisuelles.

- l'adaptation des programmes à la demande internationale par les régionalisations et l'amélioration de leur contenu ;

- la multiplication de l'offre de programmes par la constitution de bouquets satellitaires régionaux associant des opérateurs privés autant que de besoin.

De nombreuses réunions ont eu lieu au premier semestre associant les opérateurs et les administrations concernées pour mettre en oeuvre les décisions du CAEF, notamment la constitution du pôle radiophonique (rattachement de la SOMERA et de Radio Paris Lisbonne à RFI ; conséquences juridiques de l'entrée de Radio France au Capital de RFI), celle du pôle télévisuel (établissement du cadre juridique de la future société ; définition précise de son organisation et de ses missions) et la mise en place des bouquets satellitaires numériques en Asie, en Afrique et en Amérique Latine.

En particulier, trois axes stratégiques ont été définis :

1. - Le rapprochement entre RFI et la SOMERA s'inscrit dans la constitution du pôle radiophonique. La mise en oeuvre de ce rattachement qui, compte tenu de la dégradation de la situation financière de la SOMERA, passe par l'adoption d'un plan de restructuration, est en cours.

2. - Le bouquet satellitaire en Afrique

Après l'Europe en 1995, c'est en Afrique et en Asie que les pouvoirs publics ont décidé de renforcer d'une façon significative l'offre de programmes satellitaires en 1996 conformément au plan quinquennal de l'action audiovisuelle extérieure

Le rôle de l'État consiste, pour une période déterminée, à prendre en charge de façon dégressive, en fonction des recettes commerciales dégagées, les coûts de diffusion des opérateurs publics et privés afin de les inciter à être présents dans certaines zones ; les opérateurs prennent quant à eux en charge les problèmes de droits.


• La constitution d'un bouquet de chaînes francophones destiné à l'Afrique a été entreprise dès le début de l'année en s'appuyant sur MCMI, dont la diffusion sur l'Afrique a commencé en mai, en analogique, en préfiguration du futur bouquet numérique.

MCMI a été chargée de trouver des partenaires intéressés à venir la rejoindre, sur le canal qui sera numérisé, et de constituer un groupe de travail chargé d'étudier les modalités juridiques, techniques et financières de l'opération.

En l'état actuel des négociations, le bouquet devrait comprendre autour de MCMI, LA CINQUIEME, PLANETE, EURONEWS, une chaîne du groupe AB destinée à la jeunesse, CANAL HORIZONS, CFI et TV5.

Ce bouquet sera diffusé sur le satellite INTELSAT 601.


• S'agissant de l'Asie, depuis mai 1996, TV5 et MCM International sont en phase de diffusion expérimentale en numérique sur ASIASAT 2. Dès la rentrée, les deux sociétés pourront disposer de décodeurs numériques destinés à permettre une réception professionnelle (réseaux câblés et MMDS), dans les grands hôtels et dans les principales entreprises françaises. Parallèlement un travail d'adaptation de leurs grilles de programmes à la zone est en cours.

En fin d'année, la numérisation du signal de CFI sur INTELSAT 704 permettra l'arrivée de nouvelles chaînes françaises et une meilleure efficacité de l'activité de la banque de programmes qui spécialisera sa programmation afin notamment de permettre aux télévisions de la péninsule indochinoise de disposer de programmes en français de qualité.

Au terme d'une mission conduite par votre rapporteur dans quatre pays de la zone, au Japon, en Chine, à Hong-Kong et à Taïwan, du 8 au 24 septembre 1996, dont il sera rendu compte dans un prochain rapport, cette zone lui a paru effectivement prioritaire , compte tenu des insuffisances graves de la présence audiovisuelle française dans cette partie du monde .


• Enfin, une première réunion exploratoire a eu lieu sur l'Amérique Latine . Le lancement de plusieurs projets de bouquets satellitaires numériques en réception directe ouvre à l'évidence de nouvelles possibilités pour les chaînes françaises. L'objectif est de renforcer l'offre en direction de ces bouquets dès le début de l'année 1997.

3 - La mise en place du pôle télévisuel extérieur

Contrairement aux intentions initiales, qui devaient conduire à la création, ex-nihilo, de la société constituant le pôle, celle-ci n'est toujours pas créée . Deux éléments expliquent ce retard dommageable .

Tout d'abord, il semble exister un conflit de personnes pour la désignation de son président. Celui-ci sera désigné par son conseil d'administration parmi les représentants de l'État conformément aux décisions du CAEF.

Ensuite, son capital serait détenu majoritairement soit par l'État, soit par les sociétés publiques du secteur selon une répartition qui reste à arrêter. Plusieurs options sont actuellement étudiées. Cependant, aucun CAEF ne devrait être tenu en 1996 avant que ce dossier ne soit débloqué.

3. Le blocage de la réforme de l'action audiovisuelle extérieure

Le rapport Balle eut pour mérite de poser les jalons d'une stratégie audiovisuelle extérieure. La restructuration de cette politique autour de priorités nettement définies clarifierait une action jusque-là brouillonne. Les réformes de structure proposées, comme le holding TéléFi, s'inspirant des propositions de votre rapporteur, relatives à l'agence mondiale de l'audiovisuel français, celui-ci ne peut que les approuver.

Mais rationaliser cette action n'a pas encore été fait.

À quoi a servi le Conseil de l'Audiovisuel Extérieur de la France de décembre 1995 qui a réaffirmé l'ambitieux plan de développement quinquennal 1994-1998, puisque sa mise en oeuvre a été reportée de 1997 à plus tard ?...

Pourquoi avoir travaillé du mois de décembre 1995 au mois de septembre 1996 sur un schéma de rapprochement par métier ?

Pourquoi, après avoir prévu que les opérateurs de télévision extérieure, TV5 et CFI, devraient être adossés à France Télévision, comme l'annonçait à Hourtin le ministre de la Culture chargé de la communication, au mois d'août 1996, et procéder ensuite à une volte-face aussi subite que mystérieuse ?

On parle, en effet, maintenant d'un rapprochement par action , TV5 et CFI devant être pris en charge par RFI, par l'interposition d'un holding. Le rapprochement avec France Télévision aurait toutefois permis d'insuffler le vent du large dans les programmes trop franco-français de nos opérateurs nationaux et d'envisager la création de modules de programmes d'informations télévisées destinées spécifiquement à l'international.

C. LES MOYENS FINANCIERS DE L'ACTION AUDIOVISUELLE EXTÉRIEURE

1. La France consacre un effort financier inférieur à celui consenti par d'autres nations

Comme l'a mis en lumière le rapport Balle, la France consacre moins à son action audiovisuelle extérieure que ses partenaires, lesquels tiennent parfois un discours plus libéral et hostile - en apparence - à l'intervention de l'État dans le secteur audiovisuel.


• Dans le seul domaine de la radio , la comparaison paraît en effet sans appel : le budget de RFI s'élevait en 1995 à 654 millions de francs, soit une fraction modeste des budgets respectifs de Voice of America (2 150 millions de francs), du service mondial de la BBC (1 758 millions de francs, dont 1 029 millions de francs de subventions publiques), ou du service mondial de la Deutsche Welle (1 410 millions de francs).

Cette différence de ressources se traduit logiquement par une inégalité tout aussi flagrante dans le nombre des émetteurs et des points d'émission utilisés pour la diffusion en ondes courtes, dans la variété des langues pratiquées à l'antenne. Le rapport Balle cite en exemple la BBC qui a pu se doter d'un service de marketing spécialisé dans la connaissance de ses différents auditoires régionaux, faisant travailler quinze cadres supérieurs, pour un coût de 6,5 millions de francs, alors que la radio française n'emploie à cette tâche que deux personnes, pour une enveloppe de 1,3 million de francs.


• S'agissant de la télévision , les comparaisons sont plus délicates, compte tenu des spécificités de chaque opérateur, français ou étranger. Les budgets de CFI et de TV5 s'élevaient respectivement en 1995 à 176 millions de francs (dont 164 millions de francs de subventions publiques) et à 322 millions de francs (pour une contribution française de 201 millions de francs). L'Allemagne consacrait cette même année 615 millions de francs au service télévision de la Deutsche Welle, sans préjudice des coûts liés à la participation de ses chaînes publiques (ARD et ZDF) à la chaîne germanophone multilatérale « Drei Sat » . Il est vrai que la DeutscheWelle, créée en 1992, diffuse pour l'essentiel des programmes originaux (information et magazines), et non pas cédés par des radiodiffuseurs partenaires : elle émet par ailleurs en trois langues : l'allemand (9 heures quotidiennes), mais aussi l'anglais (3 heures) et l'espagnol (2 heures).

Quant au service mondial de télévision de la BBC, il a pour particularité d'être financé sur une base exclusivement commerciale (publicité, parrainage et abonnements en Europe). Ce succès remarquable doit sans doute beaucoup aux facilités offertes par l'anglais comme langue internationale, à la notoriété et à la qualité des émissions d'information de la BBC, ainsi qu'à une stratégie précoce de régionalisation de l'offre : le « BBC World Service TV » est en effet composé de quatre services régionaux respectivement destinés à l'Europe, à l'Asie, à l'Afrique et à l'Amérique. Il faut enfin remarquer que la grille de cette chaîne fait appel aux programmes de BBCI et ITV (principalement pour sa diffusion en Europe), en complément des bulletins d'information internationale qu'elle produit directement.

La division créée pour attaquer le marché mondial, BBC Worldwide , financée à la fois par la redevance et la publicité, a sérieusement progressé en 1995-1996. Présente dans plus de 140 pays, elle a vu son chiffre d'affaires progresser de 19 %, à 305 millions de livres. En partenariat avec Pearson et Cox, BBC Worldwide a lancé en 1994 deux chaînes sur l'Europe, BBC World, un programme d'information en continu, et BBC Prime (divertissements), qui sont diffusées par câble ou satellite. De plus, la BBC espère tripler en quinze ans des profits réalisés grâce à sa politique de diversification (ventes de programmes, vidéocassettes et édition), qui ont représenté pour 1994-1995 quelque 67 millions de livres de bénéfices !

Pour se conformer à son plan de restructuration et réduire à zéro son endettement au cours de l'exercice 1996-1997 (contre 78 millions de livres actuellement), la BBC a poursuivi sa politique de rigueur en 1995. Ainsi, le service mondial de la BBC s'est résolu, pour des raisons budgétaires, à fermer deux de ses services radiophoniques, dont BBC Infos, un programme destiné à 80 radios commerciales FM françaises qui a fermé ses portes le 31 décembre 1995. Le même sort sera réservé au service magazine de Radio International, destiné aux radios anglophones du monde entier.

2. L'évaluation de cet effort reste néanmoins incertaine

Comme votre rapporteur l'avait déjà relevé, il est difficile d'évaluer avec précision le budget de la politique audiovisuelle extérieure de la France.

Le rapport Balle indique, comme élément d'explication « que son périmètre est flou, que les méthodes sont incertaines (doit-on se limiter au budget de l'État ou inclure les apports propres des opérateurs mais selon quelle méthode de comptabilité analytique ?) et enfin que les crédits sont dispersés entre divers titres de divers ministères et quelques comptes spéciaux, dont la redevance (ce qui est critiquable car les usagers du service public national participent à des actions de souveraineté dont la couverture devrait normalement relever du budget général de l'État). »

On peut néanmoins estimer que les crédits affectés à l'action audiovisuelle extérieure se sont accrus de manière importante.

En 1987, M. Michel Péricard évaluait à 750 millions de francs le budget consacré à la politique audiovisuelle extérieure. Il déplorait à cette occasion l'impossibilité d'obtenir des services des chiffres concordants et appelait à un effort de recensement sérieux des crédits affectés à cette politique.

En 1993, votre rapporteur évaluait à 806,1 millions de francs les ressources publiques affectées à l'action audiovisuelle extérieure.

Un effort plus substantiel est réalisé à partir de 1994 et 1995, puisque le volume des ressources progresse de plus en plus rapidement atteignant 959 millions de francs en 1994 et 1 076,7 millions de francs pour 1995, traduisant par là-même la nouvelle impulsion donnée en 1994.

Les Conseils audiovisuels extérieurs de la France de 1994 ont prévu une augmentation importante des crédits publics affectés à l'audiovisuel extérieur . Ceux-ci doivent passer en cinq ans, entre 1994 et 1999, de moins de 1 000 millions de francs à environ 1 500 millions de francs (+ 50 %) pour amener les moyens consacrés à un niveau, certes encore inférieur à celui de nos principaux voisins (2 500 millions de francs pour la DeutscheWelle et BBC Worldwide), mais néanmoins prometteur d'effets satisfaisants.

Globalement pour la période 1990-1995, les crédits budgétaires affectés à l'audiovisuel extérieur, mesurés à travers le budget de la direction de l'audiovisuel extérieur du ministère des affaires étrangères, ont progressé plus rapidement que les crédits affectés à la Direction Générale des Relations Culturelles, Scientifiques et Techniques, au sein de ce ministère et que le budget de l'État.

Cet objectif est ambitieux. Sera-t-il réellement atteint ? À dresser le bilan des précédents rapports consacrés à l'action audiovisuelle extérieure et qui, bien entendu, réclamaient une augmentation des crédits affectés à cette politique publique, on peut en douter .


• Le rapport Péricard demandait, en effet, un accroissement du budget de l'audiovisuel extérieur de 250 millions de francs en trois ans pour porter ce budget à un milliard de francs. Or, ce montant n'a été atteint qu'en 1995, soit avec un retard de quatre ans.


• Le rapport Decaux demandait de même un accroissement substantiel du budget consacré à l'action télévisuelle extérieure lui permettant d'atteindre 500 millions de francs en cinq ans. Cet objectif n'était toujours pas atteint en 1995. On peut estimer en effet les ressources budgétaires consacrées à cette action à 400 millions de francs.

Il faut, par ailleurs, relativiser l'importance de cet effort dans le budget de l'État. Le budget de la direction de l'action audiovisuelle extérieure ne représentait en effet, en 1996, que 16,8% du budget de la direction générale des relations culturelles scientifiques et technologiques, 5,93 % de celui du ministère des Affaires étrangères et 0,06 % du budget de l'État. Les ressources affectées à l'action audiovisuelle extérieure ne représentaient que 9,3 % du financement public de l'audiovisuel.

Pour sa part, le rapport Balle va plus loin et propose que la France consacre autant de moyens financiers à l'action audiovisuelle extérieure que la Grande-Bretagne ou l'Allemagne.

Après avoir rappelé que, malgré les ambitions affichées et les priorités rappelées, l'effort consenti par la collectivité nationale en faveur de l'audiovisuel extérieur restait insuffisant et très en deçà des ressources allouées aux opérateurs publics concurrents comme BBC ou DeutscheWelle et que le plan d'action audiovisuelle extérieure, arrêté en 1994, avait prévu des financements budgétaires complémentaires à hauteur de 442 millions de francs en 1998, le rapport Balle souligne que, même si on y ajoutait la part croissante de la redevance dans le financement de RFI (170 millions de francs prévus pour 1996), cet effort restait néanmoins insuffisant pour combler le retard par rapport à nos principaux concurrents et pour préparer l'adaptation de notre outil audiovisuel aux mutations technologiques et du marché audiovisuel.

M. Balle se prononce pour un effort supplémentaire de l'ordre de 500 millions de francs pour atteindre un budget global de l'audiovisuel extérieur de 2 milliards de francs pour le budget de l'an 2000. À l'horizon 2000, le budget global devrait se répartir entre un milliard de francs pour la télévision (contre 400 millions de francs en 1995), 900 millions de francs pour la radio (contre 700 millions de francs en 1995) et 100 millions de francs pour la promotion des exportations et l'aide aux industries connexes (doublage, sous-titrage, reformatage).

Concédant que la situation budgétaire et financière ne permettait qu'un effort budgétaire limité au profit de l'action audiovisuelle extérieure, il considère que le financement de l'effort complémentaire (500 millions de francs à l'horizon 2000) devrait être réalisé pour une large part par redéploiement, dans deux directions :


• au sein du budget des Affaires étrangères par des économies sur le financement d'actions culturelles. Mais il est vrai qu'une large partie de l'effort prévu dans le plan d'action arrêté par le Conseil audiovisuel extérieur de la France a déjà été financée par le redéploiement de ces crédits.


• au sein des financements publics affectés à l'audiovisuel public, un effort de redéploiement peut être consenti à hauteur de 3 à 400 millions de francs par une participation plus grande des grands opérateurs nationaux à la politique audiovisuelle extérieure (leur participation significative au capital des holding de tête a ce sens).

Pour sa part, votre rapporteur estime que l'effort de l'État représente déjà, dans un contexte de ralentissement de la dépense publique, un effort très important. Avant de réclamer de nouveaux crédits budgétaires, il conviendrait d'obtenir la réalisation rigoureuse des promesses affichées. Par ailleurs, le recours à des financements non publics de l'action audiovisuelle extérieure devrait être encouragé et développé.

Le rapport ajoute que cet effort pourrait être renforcé par le versement de dotations en capital aux principaux opérateurs actuellement sous capitalisés et donc extrêmement sensibles à tout incident dans le versement régulier des subventions. La privatisation de RMC aurait pu permettre de réaliser cette opération importante pour les entreprises qui interviennent dans ce secteur. Hélas, elle n'a toujours pas eu lieu.

3. Les moyens financiers de l'action audiovisuelle extérieure doivent faire l'objet d'une présentation nette et d'une application rigoureuse

a) Améliorer les conditions d'intervention de l'autorisation parlementaire.

La rénovation de la discussion budgétaire relative à l'action audiovisuelle extérieure est nécessaire.

Elle passe tout d'abord par une approche moins administrative et plus « entreprenariale » de la phase de préparation budgétaire.

La difficulté que rencontre le ministère des Affaires étrangères à respecter la logique d'entreprise des opérateurs et à garantir la mise en place des mesures nouvelles arrêtées par le Conseil audiovisuel extérieur de la France rend indispensable cette nouvelle approche.

Actuellement, la conférence budgétaire du ministère ne permet pas d'examiner globalement l'ensemble des crédits affectés aux opérateurs qui peuvent avoir d'autres sources. En outre, les charges des sociétés ne sont pas examinées en tant que telles, comme c'est le cas pour les entreprises du secteur public national.

On ne raisonne que sur les dépenses du ministère, qui sont des ressources pour les opérateurs de l'action audiovisuelle extérieure, ce qui revient à opérer des abattements sur les subventions, sans tenir compte de la nature des charges qu'elles couvrent et qui sont pour une large part, soit des charges de fonctionnement difficilement compressible d'un exercice sur l'autre (charges de personnel, charges de fonctionnement des équipements), soit des priorités arbitrées en Conseil audiovisuel extérieur de la France.

Il serait en conséquence plus judicieux d'adopter une méthode de travail comparable à celle des conférences budgétaires du SJTIC qui ne traite que des budgets des sociétés nationales de programme et consiste à examiner d'abord les dépenses des sociétés en distinguant : la base de reconduction (en général le budget voté par le dernier conseil d'administration), les mesures d'ajustement (glissements techniques, décisions prises en cours d'exercice, contrats de diffusion, augmentation de la fiscalité...) et les mesures nouvelles correspondant aux dépenses supplémentaires que les sociétés doivent engager pour répondre aux objectifs assignés par les pouvoirs publics.

b) Appliquer rigoureusement les financements autorisés par le Parlement

Comme en toute autre matière, l'autorisation budgétaire parlementaire doit être respectée.

Or, l'action audiovisuelle extérieure a souffert ces dernières années de la logique des négociations budgétaires et du caractère parfois optimiste ou artificiel des projections budgétaires. Le rapport Balle a ainsi pu relever que les projets de loi de finances sont devenus « plus des actes de foi que des actes de prévision » .

Cette « logique » conduit, d'une part, à des mesures de gel qui interdisent l'affectation de tout ou partie des crédits en début d'exercice, ce qui est contraignant pour les opérateurs, dont certains, alimentés par les seuls financements budgétaires et insuffisamment dotés en capital, ont une trésorerie insuffisante ; d'autre part, à des mesures importantes de régulation.

Les mesures de régulation de l'Action audiovisuelle extérieure entre 1991 et 1995

(En millions de francs courants)

1991

1992

1993

1994

1995

Loi de Finances initiale

750,5

845,0

972,0

837,0

900,0

Après régulation

513,5

817,0

862,2

824,8

884,0

Régulée/initiale

68,5 %

96,7 %

88,7 %

98,5%

98,2 %

Ces mesures de régulation sont extrêmement pénalisantes pour les opérateurs qui sont obligés de différer des programmes d'investissement ou de laisser croître leurs charges financières. Elles montrent bien la difficulté qu'il y a de garantir aux opérateurs des ressources pérennes (incertitude de la reconduction en loi de finances, incertitude de la régulation en cours d'exercice), alors qu'ils exercent leur activité dans le secteur concurrentiel et selon des modalités de sociétés commerciales, soumises, elles, à d'autres contraintes.

Il faudrait donc envisager la création d'une ligne budgétaire unique rassemblant les crédits de l'action audiovisuelle extérieure.

La dispersion actuelle des crédits sur plusieurs chapitres budgétaires ne permet ni une bonne lisibilité de la politique audiovisuelle extérieure, ni une bonne gestion. Il serait donc nécessaire d'opérer une centralisation des dotations budgétaires par la création d'une ligne budgétaire unique « audiovisuel extérieur » au budget du ministère des Affaires étrangères, regroupant l'ensemble des crédits affectés à cette action et actuellement dispersés sur plusieurs budgets et comptes spéciaux du Trésor (notamment CNC) et un renforcement de l'utilisation des mécanismes financiers du commerce extérieur.

Cette ligne budgétaire constituerait le budget annuel d'une Agence audiovisuelle internationale, qui aurait pour mission d'affecter les subventions vers les pôles radio et télévision/exportation, puis vers les opérateurs, en fonction des priorités définies et en respectant l'autonomie des différents acteurs.

Dès lors que l'Action audiovisuelle extérieure fait l'objet d'une priorité, elle devrait être protégée des mécanismes de régulation en cours d'exercice budgétaire.

Le rapport Balle propose en conséquence, au moins pendant la phase de montée en puissance, que le Gouvernement renonce à opérer des régulations sur ces crédits. Cet engagement pourrait être inscrit dans une loi de programmation .

Même s'il ne garantit pas formellement l'affectation des crédits toujours prévisionnels à l'Action audiovisuelle extérieure, le vote d'une loi de programmation est toujours un acte politique qui légitime la constance d'un effort financier de l'État. Il a pour effet d'inverser la conversation, il ne s'agit plus de justifier la dépense, mais de justifier la « coupe » devant le Parlement.

Lors de l'examen de chaque projet de loi de finances, il serait également judicieux, comme le suggère le rapport Balle, de publier un « jaune » explicitant l'utilisation de la ligne budgétaire « audiovisuel extérieur » et les Financements complémentaires (redevance, ressources propres de chaque opérateur public). Ceci accroîtrait la visibilité politique des financements audiovisuels extérieurs. Il existe déjà des documents de ce type qui regroupent les dépenses relatives à l'Action culturelle extérieure d'une part, les financements du secteur public de la communication audiovisuelle d'autre part.

Votre rapporteur déposera un amendement dans ce sens.

D. LE BUDGET DE L'ACTION AUDIOVISUELLE EXTÉRIEURE EN 1996-1997

L'Action audiovisuelle extérieure représente une part croissante des crédits de la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques du ministère des Affaires étrangères (26 % en 1994, 27,6 % en 1996 et 30% en 1997).

Les Conseils audiovisuels extérieurs de la France des 22 avril et 13 septembre 1994 avaient arrêté un plan d'action quinquennal visant à accroître de 430 millions de francs d'ici 1998 les moyens financiers de la politique audiovisuelle extérieure.

Le Conseil audiovisuel extérieur de la France du 23 novembre 1995 avait confirmé une enveloppe financière de 442 millions de francs allouée à ce plan d'action, en dépit des restrictions budgétaires.

Las, la rigueur a conduit à reporter le début d'exécution de ce plan d'une année.

1. Les moyens budgétaires affectés en 1996

En 1996, les crédits de l'action audiovisuelle extérieure, en diminution de 16 millions de francs, devaient représenter 875,3 millions de francs.

Une mesure nouvelle de 44,8 millions de francs, couvrant en partie le financement de la troisième tranche du plan audiovisuel à 5 ans, a été compensée par une économie de 60 millions de francs sur les crédits affectés à Radio France Internationale, correspondant à une « ponction » sur la trésorerie de l'opérateur.

RFI a bénéficié d'une dotation de 382 millions de francs, contre 449 millions de francs en 1995, TV5 de 173 millions de francs et CFI, de 123,1 millions de francs.

Par rapport au prévision du CAEF, d'un montant de 836,6 millions de francs et par rapport aux crédits inscrits en loi de finances, à hauteur de 723,7 millions de francs, seulement 717,5 millions de francs auront été versés aux opérateurs en 1996, soit un écart de près de 120 millions de francs.

Prévisions et exécution du CAEF en 1996

RFI

CFI

TV5

Bouquets

Prévisions

500,2

132,7

173,7

30

Budget 1996

385,3

132,7

173,7

32

Exécution

382,8

129,9

173.

31,8

Écart

-117,4

-2,8

-0,2

-0,2

2. Les perspectives budgétaires pour 1997

Les crédits devraient être portés, en 1997, à 939 millions de francs , soit une progression de 63,7 millions de francs, dont l'essentiel (55.6 millions de francs) est destiné à équilibrer la trésorerie de RFI, ponctionnée, comme on l'a vu, en 1996.

En outre, 5,5 millions de francs sont transférés des crédits de fonctionnement de la direction de la presse, de l'information et de la communication du ministère des Affaires étrangères pour financer les résumés d'actualité réalisés par CFI.

Alors que l'exécution du plan quinquennal supposait des mesures nouvelles d'un montant de 145 millions de francs en 1997, ni les bouquets numériques, hormis celui vers l'Afrique, grâce au concours du ministère de la Coopération, ni le dédoublement du signal de TV5, ni la création d'une chaîne arabophone , alors que la France souhaite relancer sa politique arabe, ne pourront être Financés.

Le projet de loi de finances pour 1997 ne prévoit, en effet, que 62,6 millions de francs de mesures nouvelles.

Au total, sur 1996-1997, les prévisions d'exécution du plan de développement arrêté par les Conseils pour l'audiovisuel extérieur de la France, accusent un retard de 200 millions de francs.

Une fois encore, l'action audiovisuelle extérieure se caractérise par un hiatus important entre les ambitions et les réalisations.

3. Les efforts d'économies

La constitution d'une « agence » audiovisuelle extérieure, préconisée par le rapport Balle, ayant été jugée redondante par rapport à la mise en place des deux pôles fonctionnels, l'accent a été mis sur les rapprochements susceptibles de conduire à des économies de fonctionnement, et qui reprennent de nombreuses propositions de votre commission des finances.

La création d'un pôle radiophonique constitué par le rattachement à RFI de certaines des filiales de la SOFIRAD, est très avancée, la SOMERA ayant été rattachée à RFI. Le transfert de Radio Paris Lisbonne, dont votre rapporteur avait souligné dans le précédent budget les mauvaises performances, à RFI est achevé depuis le conseil d'administration du 1er juillet 1996, et la restructuration de la radio lisboate est en cours ; la nouvelle équipe et la nouvelle grille seront en place à l'automne prochain.

L'étude du dédoublement de TV5 par découplage du signal de TV5 Europe entre un TV5 francophone réservé à la France, la Belgique et la Suisse et un TV5 International destiné au reste du monde, a été lancée à l'occasion de la réunion des hauts fonctionnaires tenue à Ottawa le 30 mai 1996.

L'opération de découplage aurait dû être actée par la réunion des Ministres à l'automne ; elle aurait pu commencer en 1997 si les enveloppes financières du CAEF avaient été respectées.

L'avenir de la SOFIRAD , fait actuellement l'objet d'une réflexion interministérielle. La faisabilité de son maintien est étudiée avec une réorientation de ses missions vers l'évaluation de l'impact de l'Action audiovisuelle extérieure et la prise de participation dans des sociétés étrangères.

En tout état de cause, le maintien, s'il est décidé, suppose une restructuration de la société et la recherche de nouvelles sources de financement de son activité, sa trésorerie étant largement mobilisée par le plan de relance du groupe RMC.

Les économies ont également été recherchées dans la suppression des redondances, au demeurant nombreuses, et dénoncées depuis de longues années par votre rapporteur.

Elles restent difficiles à réaliser, pour les quatre exemples ci-après.

1 - RFI-Africa n° 1

Si l'on a pu parler de « redondance » entre RFI et RMC-MO, la situation est bien différente s'agissant de RFI et Africa n°l. En effet, s'il y a des intérêts français dans les deux sociétés qui ont en commun de diffuser en français sur l'Afrique, les différences entre les deux radios restent très importantes.

D'un point de vue juridique, RFI est une société nationale française alors qu'Africa n° 1 est une société de droit gabonais dont les capitaux ne sont détenus qu'à 40 % par la France (Sofirad).

S'agissant du positionnement des radios, alors que RFI reste la « voix de la France » à l'étranger et en Afrique en particulier, Africa n°l, présente sur tout le continent africain par le biais des ondes courtes et dans la plupart des capitales francophones en FM, s'est peu à peu imposée comme un véritable média panafricain et est écoutée comme tel par ses auditeurs. Autre différence avec RFI, ses animateurs sont Africains, ce qui renforce ce dernier caractère, essentiel pour ses auditeurs.

Dans ces conditions, il est bien difficile d'imaginer de mettre fin à une « redondance ». Le désengagement d'Africa n° l aurait pu provoquer des difficultés diplomatiques. L'arrêt des émissions de RFI vers l'Afrique n'était pas réaliste, l'Afrique totalisant les deux tiers de son auditoire. Une absorption d'Africa n° 1 par RFI n'est pas non plus envisageable, du fait du statut juridique d'Africa n° 1. En revanche la mise en place d'un dialogue plus approfondi entre les sociétés pour éviter les concurrences stériles et renforcer les complémentarités sera recherchée.

2 - TV5 - CFI en Afrique

Les deux opérateurs interviennent en Afrique selon la spécialisation fonctionnelle qui leur a été assignée par le CAEF :

- TV5 est la chaîne destinée au grand public

- CFI est prioritairement un outil de coopération, une banque de programmes s'adressant à des télévisions partenaires.

La mise en oeuvre depuis le 1er mai 1996 par CFI d'un « programme Afrique » comportant 5 heures 30 d'émissions cryptées destinées aux télévisions qui ont ainsi une garantie d'exclusivité, renforce cette spécificité.

Grâce au cryptage, les télévisions disposent de programmes exclusifs pour résister à la concurrence des réseaux MMDS et des chaînes internationales. En outre, il permet de leur « adresser » des événements sportifs de premier plan, comme les Jeux Olympiques d'Atlanta, largement retransmis pour la première fois vers les chaînes africaines, qui contribuent à l'attractivité de leur grille dont les droits ne peuvent pas être acquis pour une diffusion plus large comme celle de TV5.

CFI est devenu le partenaire international privilégié des télévisions africaines retrouvant ainsi le rôle majeur de banque de programmes dont elle s'était progressivement écartée.

La partie en clair des programmes de CFI, essentiellement composée de programmes de flux, est programmée de façon complémentaire à celle de TV5.

3 - TV5 - diffuseurs nationaux en Europe et au Maghreb

La diffusion des chaînes nationales en Europe et surtout au Maghreb répondrait mieux à l'attente des téléspectateurs étrangers que TV5 , compte tenu de la proximité culturelle, politique et économique des ces pays par rapport à la France.

Il est cependant apparu que cette extension n'était pas à ce stade réalisable car les droits de diffusion des programmes de France Télévision ne sont pas acquis pour d'autres zones que la France.

En outre, si les moyens nécessaires à ces acquisitions étaient réunis, il faudrait alors résoudre le problème posé par l'indisponibilité de certaines catégories de programmes comme les films ou les fictions qui devraient être impérativement remplacés ou occultés.

4 - RFI - RMC/Moyen Orient

Le rattachement de la SOMERA à RFI devrait supprimer tout risque de redondance entre les deux chaînes, en mettant en place un système de coordination et de rationalisation de la production en langue arabe, tout en permettant à la SOMERA de conserver la spécificité qui contribue à en faire la radio étrangère la plus écoutée au Moyen Orient.

E. UNE CHAÎNE FRANÇAISE INTERNATIONALE D'INFORMATION EN CONTINU ?

1. Le rapport Meyer

Commandé par M. Jean-Paul CLUZEL, président de RFI et M. Georges VANDERCHMITT, président de la SOFIRAD, à l'ancien directeur des antennes de RFI et fondateur, aux côtés de M. Jérôme BELLAY et de Roland FAURE de France-Info, le rapport « Quelle information pour l'audiovisuel extérieur ? Concept, stratégie de contenus, capacités et moyens mobilisables, organisation de la production et de la diffusion » , remis en juillet 1996, s'inscrit dans le prolongement du rapport BALLE et propose la mise en oeuvre d'une chaîne d'information en continu .

L'objectif du rapport, qui se situe dans la perspective de l'exacerbation de la concurrence dans le contexte de la multiplication des chaînes que la révolution numérique va permettre, est d'appliquer à l'audiovisuel ce qui a réussi pour Radio France , à savoir le lancement sur la bande FM d'une station entièrement consacrée à l'information, France Info, dont le succès a enrayé l'érosion de France Inter.

a) Un constat partagé par votre rapporteur

Entre TV5, chaîne multilatérale francophone et CFI, banque de programmes -en théorie- il existe une place pour une chaîne française internationale d'information en continu.

Pour le rapport, « le dessein francophone parfaitement louable qui inspire TV5 a pour conséquence une provincialisation paradoxale de cette antenne » et la mise en place de nouveaux journaux d'information spécifiques à une diffusion internationale reste « en deçà de l'effort éditorial qu'il conviendrait de consentir afin d'atteindre un niveau de professionnalisme à la mesure des enjeux et de la nature de la concurrence internationale que TV5 devra désormais affronter ».

Pour CFI, malgré le dynamisme commercial de sa direction, il existe « un décalage évident entre cette politique de développement performante et la faible identité de l'antenne qui (...) souffre de l'absence de clarté stratégique globale des tutelles (...) en matière de contenus » . Même si sa grille laisse une bonne place à l'information, celle-ci n'est pas considérée comme une priorité absolue : la création de tranches d'informations spécifiques a fait l'objet d'un appel d'offre finalement déclaré infructueux.

Au total, et selon le rapport, CFI et TV5 « se contentent de juxtaposer ou d'enfiler des émissions reprises sur les reprises sur les principales chaînes française ou francophones. Une telle politique de bout à bout, en termes de contenus, a jusqu'à présent pu correspondre au faible niveau d'exigence d'un auditoire satellitaire mondial exposé à une offre limitée. Mais sur la durée et partant d'une exacerbation de la concurrence, on ne peut que s'interroger sur l'attrait de tels programmes » .

Le constat est sévère...

Sans le partager pleinement, votre rapporteur approuve les objectifs recherchés par ce rapport :

- résoudre la redondance due à la juxtaposition de CFI et de TV5,

- proposer en matière d'information, dans le paysage audiovisuel international, un regard sur le monde français, sur le segment du « tout info ».

- valoriser l'expérience et les savoir-faire internationaux de France Télévision et de RFI,

- proposer sur les réseaux câblés ou en diffusion directe en France une chaîne d'information internationale, le traitement de cette dimension de l'actualité restant encore assez négligée par les médias audiovisuels, trop hexagonaux.

b) La solution : une association public - privé axée sur LCI

La chaîne d'information internationale en continu peut prendre deux formes : une formule qui la réserve au secteur public, une autre qui associe ce secteur au secteur privé.


• La formule du secteur public associerait, selon le rapport, les meilleurs éléments du noyau rédactionnel de TV5 à l'exploitation du potentiel rédactionnel et des sources d'images de France Télévision et de RFO aux capacités d'analyse et d'expertise des professionnels de RFI.

Les inconvénients de cette formule seraient nombreux. Une structure lourde et coûteuse serait créée ex nihilo, et le recrutement d'une équipe « suffisamment performante » dans les meilleurs délais serait aléatoire. Il faudrait donc recourir aux agences de France 3 ou de RFO, l'AITV, pour façonner en sous-traitance ces tranches d'information.

Incontestablement, une telle structure serait extrêmement complexe à créer et à gérer.


• La formule associant le secteur public et le secteur privé s'inspire du pragmatisme anglo-saxon : BBC World , chaîne rivale de référence sur le même créneau, associe, de façon paritaire, BBC Worldwide et le groupe privé multimédia Pearson. Elle est financée par de la publicité.

Pour le rapport, il suffirait « d'internationaliser » les segments magazines, les débats et les éditions d'actualité de LCI afin « d'enrichir les journaux, chroniques et reportages d'images et d'émissions en provenance des chaînes et sources du secteur public pour mettre au monde une chaîne tout info capable de s'affirmer sur le même terrain » que la chaîne satellitaire britannique. On pourrait faire également appel au Syndicat des agences de presse télévisée , qui regroupe 25 agences dont celles de la presse quotidienne régionale, et 400 journalistes.

Du côté du secteur public, France Télévision apporterait ses éditions d'information, ses réseaux de correspondant à l'étranger et leur savoir-faire, RFI apporterait ses capacités d'expertise, d'analyse et de mise en perspective. On pourrait également faire appel aux partenaires francophones de TV5 ainsi qu'à Euronews , pour les séquences relatives à l'Union européenne.

La forme juridique de cette association pourrait se traduire soit par une convention de coopération, soit par la création d'une filiale commune, LCI serait un prestataire de services.

Le coût annuel de l'unité rédactionnelle est estimé, sur la base de l'internationalisation de LCI, à 100 millions de francs par an, chaque déclinaison régionale ou linguistique entraînant un surcoût de 25 à 30 millions de francs par an.

L'originalité de ce projet de chaîne, France Télévision Internationale, réside, en outre, dans ses méthodes de travail .

La rédaction de la chaîne aura pour mission d'éditer, donc de sélectionner et hiérarchiser, avant leur mise sur antenne, les sujets et séquences, produits par les fournisseurs, LCI et France Télévision principalement, qui ensuite s'intégreront aux journaux télévisés. Les équipements techniques pourraient s'harmoniser avec ceux de la rédaction tout-info de RFI qui fonctionne sous le système informatique Basys.

2. La création de journaux télévisés spécifiques à la diffusion internationale apparaît cependant prioritaire

Pour développer la présence audiovisuelle française, il manque à l'évidence une pièce dans le dispositif de notre action audiovisuelle extérieure.

Néanmoins, votre rapporteur n'estime pas opportun de rajouter une pièce dans un dispositif déjà complexe et que l'on souhaite rationaliser, en rapprochant les principaux acteurs.

La création d'une chaîne d'information en continu, le troisième opérateur avec CFI et TV5, ne s'impose pas.

En effet, qui veut rationaliser doit d'abord raisonner .


• Le rapprochement entre LCI et CFI paraît de prime abord séduisant pour créer une chaîne internationale d'information en continu .

Mais il ne faut pas oublier que les images dont dispose LCI ne sont mises à sa disposition qu'à la condition expresse qu'elles soient diffusées uniquement en France.


• On ne comprend pas ensuite pourquoi le secteur public devrait rechercher dans le secteur privé ce dont il dispose déjà ! En effet, Euronews et l'Agence internationale d'images de télévision, respectivement diffuseur d'informations européen et prestataire de service, sont alimentées par des fonds publics qu'il serait sans doute plus judicieux de rentabiliser plutôt que de créer une nouvelle structure.

Il vaudrait mieux créer des modules d'information destinés à la diffusion internationale au sein des structures existantes, pour atteindre le même objectif, et à un moindre coût .

Au sein de la chaîne francophone TV5 et de la banque de programmes CFI, il existe en revanche une place pour un module de journaux télévisés internationaux en multidiffusion qui ponctueraient la diffusion de ces chaînes.

L'Asie orientale pourrait constituer le banc d'essai de cette nouvelle formule.

Compte tenu de la situation de nos finances publiques, celle-ci ne devrait pas être financée par le budget de l'État, ni par la redevance.

Ce journal télévisé international pourrait être réalisé pour moitié à partir des images provenant de toutes les chaînes publiques et privées françaises, et le cas échéant d'Euronews. Cette partie aurait pour mission de faire le point de l'actualité en France et en Europe. Ce journal pourrait également être réalisé pour moitié par les correspondants locaux des chaînes publiques et privées françaises afin de faire part du point de vue français sur l'actualité nationale et régionale. Cette nouvelle formule offrirait aux téléspectateurs une vision moins franco-française de l'actualité internationale et permettrait de faire disparaître des journaux télévisés les plaisanteries vaseuses d'un tel, la suffisance de tel autre, le narcissisme et le nombrilisme de la plupart, ce que ne comprennent absolument pas et ne supportent pas les téléspectateurs de ces pays. Mais, pour qu'il en soit ainsi, il faudrait que nos journalistes visent un public habitant au-delà de quelques arrondissements intrapériphériques parisiens....

Le journal pourrait être multidiffusé dans la journée, par TV5 et CFi, chaînes généralistes, avec un renouvellement du journal d'information le matin et le soir, afin de viser une clientèle active et mieux répondre aux attentes d'un public de plus en plus exigeant. Les frais de diffusion pourraient être couverts par la technique du bartering , qui associe dès l'origine la production d'une émission et la vente d'une partie de l'espace publicitaire qu'elle supporte, l'offrant ensuite aux diffuseurs gratuitement ou en contrepartie d'une compensation modique, justifiée par la valeur des espaces laissés à leur disposition ( ( * )35) . Cette technique permettrait la promotion des grandes marques françaises, mais également des collectivités locales, qui pourraient y recourir pour favoriser les investissements étrangers en France.

Le rapprochement entre les opérateurs de l'Action audiovisuelle extérieure et France Télévision, grâce à la création du holding « TéléFI » (Télévision France Internationale) pourrait fortement contribuer à accroître les synergies entre audiovisuel public national et audiovisuel public international.

L'utilisation des ressources d'Euronews valoriserait l'investissement du secteur public dans cette chaîne, qui rencontre des difficultés financières sérieuses, mais dont l'audience n'est plus négligeable. Ce rapprochement favoriserait également « l'arrimage » de cette chaîne au pôle public, au moment où la pérennité de la participation de son principal actionnaire privé n'est plus assurée...

Outre cette diffusion « directe », la reprise de nos programmes par des opérateurs étrangers devrait être activement recherchée sur tous les supports . Il faudrait jouer la carte européenne pour la diffusion par satellite, qui permet aux chaînes françaises ou francophones d'assurer une bonne complémentarité. Cette stratégie européenne pourrait également être adaptée pour la radio, comme à Taïwan.

Il faudrait associer dans cet effort secteur public et secteur privé, même si l'on doit, jusqu'à présent, regretter une trop grande discrétion de la part des opérateurs audiovisuels privés.

Cette association public - privé semble indispensable pour affronter la concurrence mondiale, compte tenu du coût d'un tel projet et de l'état des finances publiques. De même, TF1, préoccupé de diminuer le coût global de son information (1 milliard de francs par an), n'est pas prêt à consentir à un effort en matière d'information internationale.

III. LES INSTRUMENTS DE L'ACTION AUDIOVISUELLE EXTÉRIEURE

A. RADIO-FRANCE INTERNATIONALE : DE NOUVELLES ORIENTATIONS

Radio France Internationale a lancé une nouvelle ligne éditoriale, Radio France devrait, en outre, prendre une participation significative dans le capital de RFI.

1. Une nouvelle ligne éditoriale

Elle a été lancée le 16 septembre 1996 et traduit une modification profonde de RFI.


RFI 1

Première radio d'actualité internationale dont la technologie sera bientôt à 100% numérique, RFI 1 répond à la demande croissante des auditeurs et radios partenaires de RFI de pouvoir disposer à tout moment de la journée d'informations sur l'actualité immédiate, notamment internationale et européenne, mais aussi d'informations plus générales (faits de société, gens d'aujourd'hui, mouvements et modes...) et d'informations pratiques (météo, emploi, développement, santé, éducation...).

Conçue pour répondre à cette attente, RFI 1 décline l'actualité sous toutes ses facettes en alternant, au cours de la journée, des tranches d'info en continu consacrées aux événements et faits du jours, et des tranches magazines détachées de l'urgence.


RFI 2

Chaîne d'actualité en langues de RFI, RFI 2 compte près de 200 permanents, plus de 180 correspondants à travers le monde, dix-huit rédactions parlant dix-sept langues, 34 programmes quotidiens pour plus de 230 heures de programmes hebdomadaires.

Rénovée pour s'inscrire dans la nouvelle ligne éditoriale de RFI 1 tout en conservant ses spécificités, la grille de rentrée de RFI 2 s'inscrit autour d'un format de 30 qui, selon les créneaux horaires, joue l'alternance entre des tranches d'information en continu, axées sur l'actualité, et des tranches plus magazines incluant le rappel des titres du jour.


• RFI 3

RFI a développé un réseau de plus de 700 radios partenaires auxquelles elle offre un vaste éventail de prestations gratuites.

Certaines ont conclu avec elle un accord pour reprendre telle ou telle partie de ses programmes en direct, en français ou en langues ; d'autres sont abonnées à l'une ou l'autre des productions de son service Magazines ou de son service Musical : toutes trouvent auprès de RFI un accès à la culture française et le complément de programmation dont elles ont besoin.

En outre, deux services de RFI sont développés.


• L'Agence sonore internationale

Créée en 1961 pour offrir des programmes radiophoniques d'information aux États africains francophones nouvellement indépendants, l'Agence sonore de RFI, qui répond à des besoins toujours croissants, a vu sa production doubler en quelques mois.

La production de l'Agence sonore a pratiquement doublé en volume en quelques mois et, aujourd'hui, en moyenne annuelle, près de 10 000 modules d'information sont envoyés dans 18 pays africains et à Madagascar, 1 200 reprises de l'antenne de RFI sont diffusées par les radios nationales australiennes.

À terme, elle pourrait s'adresser non seulement aux radios nationales mais aux radios privées.


MFI

Créée en 1982 au sein de RFI, MFI fournit aux médias qui en ont besoin des informations internationales générales et spécialisées. Plus de 1 000 cartes clés en main, fiches thématiques et dossiers sont ainsi envoyés chaque année à plus de 300 médias francophones, soit l'équivalent, chaque semaine, d'un hebdomadaire d'information générale. En 1995, plus de 12 000 reprises intégrales de documents RFI ont été publiées dans la seule presse écrite francophone africaine.

L'Afrique, le Maghreb et l'Océan indien, dont les médias ont été les premiers à bénéficier des services de MFI, ont depuis longtemps été rejoints par l'Asie francophone et de nombreux pays du Proche-Orient et d'Europe de l'Est, 45 pays au total font aujourd'hui appel aux services de MFI.

2. Le budget de RFI

RFI a disposé de 651,6 millions de francs en 1995, de 735,3 millions de francs en 1996 et disposera de 740,3 millions de francs en 1997, soit une croissance de 13,6 % en deux ans.

Le budget 1996 de RFI a été financé à hauteur de 60 millions de francs (soit pour 8 % du total) par un prélèvement sur le fonds de roulement de la société.

Ce prélèvement s'explique par l'abandon de la construction du centre émetteur ondes courtes de Thaïlande qui devait être totalement pris en charge par le fonds de roulement de l'opérateur.

Cette situation, outre qu'elle relève d'une pratique budgétaire peu orthodoxe, a singulièrement compliqué la construction du budget 1997, dans la mesure où la simple reconduction du niveau des activités 1996 supposait en premier lieu la mise en oeuvre d'une " mesure nouvelle " de 60 millions de francs.

Si les arbitrages budgétaires 1997 ont abouti à une attribution de seulement 5 millions de francs de ressources budgétaires supplémentaires à RFI (soit une progression apparente de 0,6 %), la réalité s'apparente plutôt à une diminution en francs constants des moyens financiers de RFI.

La structure des ressources continue d'évoluer.

Les ressources de RFI ont progressé de 12,4 % en 1996, progression essentiellement due à un prélèvement sur le fonds de roulement de 60 millions de francs, laquelle a permis à la subvention du ministère des Affaires étrangères de diminuer de 14,2 %.

Il convient de relever que la modification de la structure de financement de RFI qui fait de moins en moins appel à une subvention du ministère des Affaires étrangères, en baisse régulière depuis 1993, a été stoppée.

Alors qu'elle représentait 85 % des ressources, elle n'a joué que pour 52 % en 1996 mais devrait représenter presque 60 % en 1997.

Parallèlement, le prélèvement de redevance au profit de RFI a été multiplié, en francs, par 5,6 en trois exercices budgétaires, passant de 4,9 %, en 1994, à 23 % de ses ressources en 1996 et 36 % en 1997, soit une progression de près de 100 millions de francs par rapport à l'an dernier.

La quasi stagnation du budget de RFI (+ 0,6 %) va contraindre l'opérateur à de nouveaux efforts.

Or, la poursuite de la rénovation du parc des émetteurs TDF se traduira par une augmentation de 12 millions de francs des coûts de diffusion. C'est dire l'ampleur du redéploiement budgétaire que RFI devra opérer pour couvrir par ailleurs les glissements de coûts (personnel, tarifs des prestataires) et assurer la poursuite de son développement en FM et sur satellite. L'essentiel de ce redéploiement concernera le dispositif de diffusion en Europe de l'Ouest et en Amérique du Nord où l'abandon de la diffusion en ondes courtes (coûteuse) est rendu possible par l'évolution des habitudes d'écoute et l'accès aux programmes de RFI par satellite et en FM.

N'existe-t-il pas là un gisement d'économies ?

La diffusion sur RFI en Ondes courtes est justifiée par des motifs de défense nationale et de « missions de souveraineté » : la métropole doit pouvoir joindre à tout moment ses ressortissants et ses réseaux diplomatiques. À l'heure des transmissions téléphoniques par satellite et d'Internet, ces motifs peuvent paraître désuets, voire technologiquement dépassés. Un audit technique pourrait donc être utilement réalisé à condition qu'il soit rapide et qu'il soit rapidement suivi de décisions !

Votre rapporteur estime que le budget consacré à la diffusion en Ondes courtes devra être réduit, pour deux raisons : d'une part, les habitudes d'écoute se modifient dans les pays développés et l'écoute de la FM ou du satellite se substitue à celle de l'Onde courte, qui a tendance à disparaître dans ces pays ; d'autre part, les dépenses de diffusion ont trop vite progressé depuis 1995 sans que le volume des heures diffusées ait progressé de manière équivalente. Il faudrait donc que RFI privilégie à nouveau le contenu sur les tuyaux. La prochaine étape devra développer la diffusion sur les satellites de réception directe.

B. LA SOFIRAD SANS RMC ?

1. Un bilan en demi-teinte.

La SOFIRAD, société anonyme dont le capital (176,4 millions de francs) est détenu par l'État est directement concernée par la réforme de l'Action audiovisuelle extérieure.

Le bilan des activités en 1996 semble être meilleur pour les participations dans la télévision que pour celles dans la radio, malgré l'absence de vision claire et consolidée du « groupe » SOFIRAD. Son chiffre d'affaires consolidé atteindrait environ 1 milliard de francs.

Les chaînes et sociétés de télévision dans lesquelles la SOFIRAD détient une participation ont représenté, en 1995, un chiffre d'affaires global de 640 millions de francs, qui pourrait atteindre 670 millions de francs en 1997. Le résultat cumulé d'exploitation de ces sociétés de télévisions a dégagé, en 1995, un excédent de 10,3 millions de francs.

Pour les activités radio, aucun chiffre consolidé n'a cependant été fourni. On rappellera cependant que ce bilan devrait être lourdement « plombé » par les pertes de RMC, malgré un déficit réduit de 35 %. Le résultat d'exploitation de RMC, en 1995-1996, ressort à - 101,7 millions de francs : 217,3 millions de francs de produits d'exploitation, en recul de 15 % par rapport aux prévisions de l'exercice et de plus de 30 % par rapport au précédent exercice 1994/1995, et des charges à hauteur de 313,7 millions de francs (- 7 % par rapport aux prévisions et - 20 % par rapport à 1995/1996).

Le chiffre d'affaires s'élève à 185 millions de francs pour le programmé généraliste Ondes longues (contre 201,7 millions de francs en 1994-1995).

Compte tenu de l'échec d'une nouvelle tentative de privatisation, un plan de relance, s'appuyant sur un refinancement de 200 millions de francs, pris en charge par la SOFIRAD, pour 83 %, et par la Principauté de Monaco, pour 17 %, a été décidé en février 1996. La part de financement de la SOFIRAD prend la forme d'avances d'actionnaires et la société a emprunté 100 millions de francs, garantis en partie par un nantissement de valeurs mobilières et par une hypothèque sur l'immeuble qu'elle occupe.

2. La SOFIRAD et la réforme de l'Action audiovisuelle extérieure

Elle se traduit, comme on l'a vu, par le rapprochement entre TV5 et CFI qui anticipe leur regroupement au sein d'une nouvelle holding, dont les contours demeurent néanmoins encore flous.

En effet, CFI et TV5, dans lesquels elle dispose de, respectivement, 100 % et 22 %, devraient être rattachés au pôle télévisuel extérieur.

Par ailleurs, la SOMERA (RMC Moyen-Orient), dont 95,5 % du capital appartient à la SOFIRAD, a été rattachée à RFI dans le cadre de la constitution du pôle radiophonique.

Le rôle, original et utile, que joue la SOFIRAD plaide toutefois pour le maintien de cette structure après la refonte de l'Action audiovisuelle extérieure. Elle remplit, en effet, un rôle de repérage de nouveaux marchés, dispose d'un rôle d'expertise et d'éclairage de plus en plus nécessaires pour anticiper un paysage audiovisuel mondial en rapide évolution. Néanmoins, il est légitime que les opérateurs radiophoniques et audiovisuels qui dépendent d'elle soient rattachés aux nouveaux pôles qui doivent être créés.

La SOFIRAD permet aux pouvoirs publics d'apporter un appui à l'action internationale des opérateurs privés par le biais de leur association à des bouquets satellitaires dans des régions dont ils sont absents.

C'est ainsi que le bouquet satellitaire en préparation sur l'Afrique doit regrouper autour de TV5, CFI et LA CINQUIÈME, des chaînes partiellement ou totalement privées telles que MCMI, EURONEWS, PLANÈTE, CANAL HORIZONS, et une chaîne du Groupe AB.

Par ailleurs, certains opérateurs dépendant de la SOFIRAD connaissent des succès internationaux incontestables. Ainsi, la chaîne musicale MCM bénéficie-t-elle d'un meilleur taux d'audience que MTV, chaîne musicale anglo-saxonne.

C. TV5 - EUROPE ET CANAL FRANCE INTERNATIONAL : LES PREMIERS RÉSULTATS DU RAPPROCHEMENT

1. TV5, chaîne généraliste, multilatérale et francophone

Le rapport d'activité de Sattellimages TV5 Europe pour 1995 doit être soumis à l'approbation de l'Assemblée Générale des actionnaires à la fin de juin 1996. On en trouvera ci-après les principaux éléments fournis par TV5 Québec-Canada et TV5 Amérique Latine-Caraïbes à l'occasion de la Conférence des Hauts Fonctionnaires des pays partenaires de TV5 qui s'est tenue le 30 mai 1996 à Ottawa.

En ce qui concerne TV5 Europe, l'activité de la société a été marquée en 1995 par plusieurs événements importants notamment les positions satellitaires et l'évolution de l'audience potentielle, ainsi que la modernisation de la grille des programmes.

a) L'évolution budgétaire 1995-1997

(1) Le budget 1995

Suite aux décisions de la Conférence des Ministres de Namur en novembre 1994 et du CAEF de septembre 1994, la S.A. SATELLIMAGES TV5 a été dotée d'un budget de 257 millions de francs, en augmentation de 17 % par rapport à celui de l'exercice précédent.

La structure des dépenses de la société est dans l'ensemble stable d'un exercice à l'autre :


• les frais techniques : 25 %,


• les frais de structure : 17 %,


• les frais de promotion et développement : 8 %,


• les frais de programmes : 45 %,


• la contribution française au budget de TV5 Québec-Canada et TV5 Amérique Latine : 5 %.

L'exécution du budget 1995 a présenté un résultat très légèrement positif.

(a) Le budget « Frais communs » TV5 Europe

Les ressources et les dépenses s'équilibrent à hauteur de 94 millions de francs pour un budget prévisionnel de 97 millions de francs.


Les ressources

La réalisation des ressources propres équilibrant le budget des frais communs de TV5 EUROPE demeure un sujet de préoccupation pour la chaîne. C'est pourquoi a été conclu en avril 1995 un contrat de régie exclusive visant à développer les recettes de parrainage avec un groupe composé de France Espace Satellite, filiale de France Espace, la Régie Média Belge et la régie de la SSR. Cette nouvelle régie n'a toutefois été en mesure de commencer son activité qu'à l'automne 1995, de sorte que ses résultats ne pourront être appréciés qu'au cours de l'exercice 1996. Au total les recettes propres se sont montées en 1995 à 9 millions de francs (parrainage, location d'antenne et résultats de trésorerie).

Les contributions des partenaires et des États membres ont été conforme au budget voté, soit 85 millions de francs au titre des frais communs dont 30 millions de francs provenant de la participation des chaînes françaises, 27 millions de francs du ministère des Affaires Étrangères, 9 millions de francs de la Communauté française de Belgique, 9,3 millions de francs de la Suisse, 9,5 millions de francs du Québec-Canada.


Les dépenses

Les frais techniques de diffusion et les frais de structure se sont réalisés au niveau des prévisions budgétaires.

La refonte du matériel promotionnel rendue indispensable par les changements de satellite et la nouvelle ligne graphique liée à l'habillage de l'antenne, les modifications de la grille, la couverture du Sommet de Cotonou et les opérations de maintien de la chaîne sur le câble en Allemagne ont engendré des dépenses qui ont pu être financées sur les économies réalisées notamment grâce aux négociations menées avec certaines sociétés d'auteurs à l'étranger, notamment la GEMA en Allemagne.

Le fonds créé à la Conférence de Namur pour la jeunesse et l'enseignement du français (3,3 millions de francs) a permis de financer certaines émissions, les compléments nécessaires étant financés par redéploiement.

(b) Le budget « Frais communs » TV5 Asie

Compte tenu du retard de lancement d'Asiasat 2, qui n'est intervenu qu'à la fin du mois de novembre, la présence de TV5 en ASIE, grâce à l'empreinte satellitaire de Statsionar 12, n'a pu être effective que jusqu'en juillet 1995, notamment au Cambodge. Après cette date, le relais a été pris provisoirement par CFI.

Parallèlement, tout au long de l'année, études et négociations ont été menées pour préparer la montée sur le nouveau satellite avec les autres chaînes européennes qui participeront à un bouquet de programmes européens, ainsi qu'avec les principaux industriels engagés dans la production de boîtiers de réception.

Le total des dépenses pour cette opération se situe à hauteur de 3 millions de francs, dont 1,9 million de francs de coûts satellitaires.

(c) Le budget « Frais européens » pour TV5 Québec-Canada

Les dépenses de l'exercice sont conformes au budget (9 millions de francs).

(d) Le budget de TV5 Afrique

L'année budgétaire s'est déroulée conformément aux prévisions.

Les éléments significatifs à mentionner sont :


participation financière volontaire de plusieurs États africains :

Cameroun (200 000 F), Sénégal (200 000 F), Congo (200 000 F) et Burkina

(150 000 F) ;


économie sur les frais satellitaires : Intelsat 702 étant moins onéreux que Statsionar 12, et le cours des devises ayant été plutôt favorable en 1995.

Ces moyens supplémentaires ont été investis dans les programmes.

(e) Les frais spécifiques de la France

Le budget des frais spécifiques de la France s'est monté en 1995 à 122 millions de francs, sur des crédits du Ministère des Affaires Étrangères.

Ce budget a notamment permis de financer :


• les dépenses effectuées à Paris, au titre du siège, des installations techniques et de la liaison satellitaire en Europe,


• des dépenses de développement et de marketing, notamment sur le marché allemand,


• la maintenance et les frais de diffusion sur les pays, où dans l'attente du développement des réseaux câblés, TV5 se trouve provisoirement en diffusion hertzienne,


• les dépenses imputables à la France sur le dossier d'étude d'implantation de TV5 aux États-Unis,


• d'organiser des opérations spéciales, qui ont connu un écho très positif dans la presse locale et internationale.

(2) Le budget 1996

Le budget initial s'élevait à 278,5 millions de francs mais il a été diminué en cours d'exercice à 267,7 millions de francs.

Les dépenses communes pour TV5 Europe ont été ramenées à 94,3 millions de francs, contre 101,1 millions de francs, grâce à une reprise de, provisions permise par l'aboutissement de négociations menées avec une société d'auteurs allemande et favorable aux intérêts de TV5.

L'exécution du budget TV5 Québec - Canada se réalise conformément aux prévisions, mais celui de TV5 Asie, en raison du retard de la diffusion du signal sur la région, opérationnelle à compter du mois d'août 1996 seulement, une économie de 4 millions de francs sera réalisée en 1996, sur un budget de 13,1 millions de francs. La préfiguration du projet TV5 États-Unis, International Channel, est dotée d'un budget de 1,4 million de francs. Enfin, le budget de TV5 Afrique, arrêté à hauteur de 21,1 millions de francs s'équilibrerait.

(3) Les perspectives budgétaires 1997

Le budget prévu s'élève à 287,7 millions de francs.

Le budget des frais communs « Europe » s'élèverait à 110 millions de francs, financé, dans une proportion de six neuvièmes, par la France : 25,9 millions de francs par France Télévision, près de 30 millions de francs par le ministère des Affaires étrangères et le solde de cette quote-part, par TF1. Or, la convention entre TF1 et TV5 expire à la fin de l'année 1996 et rien n'assure que la chaîne renouvellera cette convention dans des termes équivalents. Pour mémoire, la contribution de TF1 devrait atteindre 9 millions de francs en 1996.

Le budget de TV5 serait financé par le ministère des Affaires étrangères, à hauteur de 132,6 millions de francs et TV5 Afrique, par le ministère de la Coopération, à hauteur de 3,2 millions de francs, selon la répartition suivante :

(en millions de francs)

Budget total

Part française

Frais communs TV5 Europe

110

60,8

Frais européens de TV5 Québec Canada

9,1

6,9

TV5 Asie

13,1

4,36

TV5 Afrique

25,9

12,2

Internationnal Channel

2,7

1,3

b) Le bilan de l'année 1996 pour TV5

(1) Les choix satellitaires de TV5

Face aux mutations profondes liées aux nouvelles technologies et à leurs effets sur la distribution des signaux, TV5 s'est inscrite dans plusieurs dynamiques de bouquets, attrayants et complémentaires, tant en Europe et en Afrique que sur des continents - Asie, Amérique - où elle souhaite attirer de nouveaux publics.


• Le 15 mai 1995, le signal de TV5 Europe est passé du satellite Eutelsat II FI à Eutelsat II F6, dit « Hot Bird 1 », techniquement plus puissant que le précédent. Ce satellite couvre l'ensemble de l'Europe, le Moyen Orient et l'Afrique du Nord. Selon les pays, il peut être capté avec des antennes de 0,90 m à 1,80 m.

Le co-positionnement sur 13° Est, avec Eutelsat II FI présente l'extrême avantage de doubler l'offre de programmes, notamment en langue française, accessibles tant pour les câblo-opérateurs, que pour les téléspectateurs munis d'une installation de réception individuelle ou collective.

L'apparition de cette offre supplémentaire de programmes est le résultat de quatre années de mobilisation de TV5 et du « Groupe de Bruges », organisation créée à l'initiative de TV5 et aujourd'hui forte de 13 chaînes publiques européennes.


• TV5 Afrique
a opéré sans heurt son transfert sur Intelsat 702, pour une couverture plus puissante de l'Afrique ; le même signal est relayé depuis septembre 1995, par le satellite PanAmSat 4, au travers du bouquet numérique africain Multichoice, lancé par le groupe Nethold, a destination, principalement, des pays d'Afrique anglophones.


• Enfin, le signal transmis pour l'Europe par le satellite « Hot Bird » est relayé depuis avril 1996 en direction du satellite Asiasat II qui couvre en compression numérique l'ensemble de l'Asie.

(2) La réception de TV5

Au 31 décembre 1995, TV5 comptabilisait 34,2 millions de foyers raccordés à des réseaux câblés ou des antennes collectives en Europe.

D'après la revue Câble et Satellite de septembre 1995, la chaîne se situe, en Europe, en troisième position en terme de pénétration du marché du câble, après Eurosport (39 millions), MTV (33,9 millions) et devant NBC Superchannel (30,9 millions).

Ces 34,2 millions de foyers s'ajoutent aux 5,7 millions du Québec-Canada, aux 2,7 millions en Amérique Latine, aux 6,1 millions d'abonnés au réseau International Channel aux États-Unis (2 heures/jour) et aux 60 000 foyers raccordés aux réseaux MMDS en Afrique.

La réception directe individuelle et collective est évaluée à 13 millions de foyers en Europe et sur le pourtour méditerranéen, et à 300 000 foyers en Afrique Sub-Saharienne.

Ainsi, à la fin de 1995, l'audience potentielle des réseaux de TV5 pouvait-elle être globalement estimée à 62 millions de foyers dans le monde.

En Europe, 90 % des abonnés de la chaîne sont concentrés dans 10 pays : l'Allemagne et l'Europe du Nord constituent l'essentiel de ce marché (70 % des foyers).

Les pays d'Europe Centrale s'ouvrant au câble voient leur poids dans les statistiques de réception s'accroître sensiblement, ainsi par exemple, en Pologne ou en République Tchèque.

Par ailleurs, le signal de TV5 est repris par plusieurs centaines d'Universités et établissements d'enseignement en Europe, auxquels sont fournies des aides pédagogiques.

(3) Un nouvel habillage de l'antenne

La présentation, depuis le 10 avril 1995, d'un nouveau logo et d'un habillage commun à l'ensemble du dispositif TV5 répond aux besoins de renforcer l'image de la chaîne dans un environnement de télévisions satellitaires de plus en plus concurrentiel et d'améliorer la promotion des programmes à l'antenne.

TV5 dispose ainsi désormais d'une signature mondiale qui est constamment perfectionnée, notamment par l'adjonction d'éléments d'information et d'horaires sur les programmes afin de mieux retenir l'attention des téléspectateurs.

(4) La nouvelle grille de TV5 EUROPE

Depuis le 4 mars 1995. la grille de TV5 EUROPE se caractérise par la constitution de modules de programmes de 2 heures faisant, en principe, l'objet de deux rediffusions dans les 24 heures.

Ces dispositions ont permis de simplifier la grille générale et de tenir compte des décalages horaires afin d'offrir des programmes de grande audience, adaptés aux fuseaux horaires sur l'ensemble Europe-Afrique-Asie (qui impliquent avec l'Asie 8 heures de décalage horaire).

Les journaux de chacun des pays partenaires font désormais l'objet d'au moins une diffusion quotidienne. De surcroît, il a été procédé à une modernisation des éditions des journaux propres à TV5 qui comportent des rendez-vous consacrés aux différentes zones géopolitiques et une table ronde hebdomadaire faisant appel à des correspondants de la presse étrangère à Paris.

c) Les projets de développement de TV5

Ces dernières années, l'essentiel du plan de développement a porté sur :


• l'amélioration et l'enrichissement des grilles de programmes ;


• la réalisation d'un nouvel habillage de l'antenne unifié pour l'ensemble des zones de diffusion ;


• le développement de la politique commerciale ;

L'Allemagne, avec ses 15 millions de foyers câblés, fait l'objet d'une attention toute particulière,


• l'accélération du développement en Amérique Latine ;


• la consolidation du décrochage africain ;

Lors du Sommet des Chefs d'Etat de Cotonou en décembre 1995 a été demandé que soit prévue effectivement une extension du décrochage dès 1997,


• la poursuite des négociations pour l'éventuel démarrage d'un programme sur les États Unis d'Amérique ;


• le lancement de TV5 en Asie ;

Après dix ans de développement extensif de son audience potentielle (40 millions de foyers « initialisés ») durant lesquels les priorités pour la chaîne ont consisté à atteindre une diffusion 24 heures sur 24 et à étendre sa couverture mondiale en conquérant des places sur de nouveaux satellites et de nouveaux réseaux câblés, TV5 doit maintenant intensifier ses efforts pour promouvoir et améliorer son audience réelle. À cet égard, l'Allemagne a servi de champ d'expérimentation.

Votre rapporteur s'inquiète cependant de la multiplicité des objectifs poursuivis par TV5, sur tous les continents et sur tous les vecteurs. Cet effort dans toutes les directions résulte sans doute de la nature même de la chaîne multilatérale. Ne serait-il cependant pas plus sage de définir des priorités, de les hiérarchiser et de s'y tenir ?

Deux priorités doivent, selon votre rapporteur, se dégager nettement : l'Asie et les États-Unis. Immédiatement après devrait venir le projet de développement en Amérique Latine.

À cet égard, un plan quinquennal de développement de TV5 pourrait utilement renforcer la « visibilité » de la stratégie de la chaîne...

À moyen terme, le développement de TV5 se trouve confronté à de nouveaux défis, qui sont parfois contradictoires, à savoir :

- la progression de plus en plus rapide du nombre de téléspectateurs qui à travers le monde sont reliés à la télévision satellitaire, impliquant désormais pour TV5 un engagement de plus en plus marqué dans l'ensemble des pays européens et méditerranéens.

- la multiplication de l'offre de programmes aux téléspectateurs du monde entier et nécessité d'une mise en valeur et d'un effort de promotion.

- les fortes pressions sur les câblo-opérateurs du monde entier pour qu'ils libèrent des canaux et accueillent de nouveaux services conduisent TV5 à renforcer les liens directs de la chaîne avec les publics susceptibles de se mobiliser pour défendre ses intérêts (expatriés, enseignants, francophiles...)

- la tendance dans certains pays au renvoi de l'offre TV5 du service de base vers des services à option (payants), rend nécessaire la création de services de marketing afin d'atteindre directement, au delà des câblo-opérateurs, les téléspectateurs/clients.

- le passage à terme (variable suivant les continents) au numérique et les modifications progressives des conditions techniques de la distribution devront être accompagnés par des campagnes d'explication et d'information.

TV5 est déjà entrée dans une série de changements et d'adaptations (d'habillage, de logo, de structure de grille de programmes, de satellites, de conditions techniques de distribution de notre signal facilitant notamment la réception directe grâce au Hot Bird et de zones de couverture, etc. ...) qu'il s'agit d'expliquer, d'exploiter et de promouvoir auprès des téléspectateurs.

Dans ce cadre il est urgent de pouvoir renforcer les moyens permettant de s'adresser directement aux téléspectateurs.

Le projet de TV5 aux États-Unis

L'absence d'une chaîne francophone aux États-Unis est profondément anormale. Elle montre, si besoin, l'ampleur du déséquilibre existant entre l'agressivité des diffuseurs américains en Europe et la timidité de notre présence dans ce pays, qui résulte autant d'une insuffisance de notre action audiovisuelle extérieure que d'un protectionnisme larvé mais réel de la part des États-Unis dans le domaine si sensible de l'audiovisuel....

Le lancement d'un programme TV5 aux États-Unis est subordonné à la disponibilité de canaux numériques d'une part, à la conclusion d'accords avec des opérateurs locaux d'autre part.

La disponibilité de canaux sur le câble est liée à la numérisation et celle-ci se fait à un rythme plus lent qu'annoncé précédemment par les câblo-opérateurs. Au cours du congrès national américain du câble (NCTA) qui s'est tenu à Los Angeles au début mai, tous les intervenants et orateurs ont estimé que rien de significatif ne pouvait avoir lieu avant le second semestre 1997. TCI a toutefois confirmé son intention de mettre sur le marché les premiers boîtiers digitaux en octobre de cette année. Sur le rythme d'implantation de ces boîtiers, deux écoles se sont manifestées. Les optimistes estiment que la vente des décodeurs digitaux sera rapide étant donnée la qualité des services qui pourront être apportés et donc considèrent que les nouveaux canaux commenceront d'être distribués dans le premier semestre 1997.

Les pessimistes estiment, quant à eux, que ce n'est que fin 1997 que le parc des décodeurs sera suffisant. À côté de la diffusion par câble et des satellites de diffusion directe, un contact important a été établi avec les responsables des sociétés de téléphone, qui ont montré un vif intérêt pour les programmes de TV5. Mais la diffusion d'images sur le réseau de téléphone relève encore de l'expérimentation... Face à ces incertitudes, les responsables du projet TV5 USA se sont efforcés d'un commun accord de part et d'autre de l'Atlantique d'identifier quatre étapes susceptibles d'assurer une montée en puissance progressive du projet.

Étape 1 : renforcement qualitatif sur International Channel.

En dépit des pressions qui s'exercent pour faire place à un plus grand nombre de minorités linguistiques un accord a pu être conclu sur les principes d'une coopération renouvelée. Sur la proposition de TV5, il a été décidé de lancer une soirée de promotion du cinéma francophone à partir du 31 août 1996. Cette soirée sera diffusée de 20 h 00 à 23 h 00 (temps du Pacifique) ; elle comprendra notamment un film de cinéma, de l'information, un magazine et une séquence interactive destinée à recueillir l'avis des spectateurs sur les programmes diffusés. La soirée et le film lui-même seront introduits afin de les rendre intéressants non seulement au public francophone mais aussi aux spectateurs francophiles.

Étape 2 : Diffusion de programmes francophones (par exemple les heures d'International Channel) sur un satellite de diffusion directe.

Des contacts approfondis ont eu lieu avec deux importantes sociétés de télévision directe. Du côté de DirecTV, l'intérêt se limiterait à la diffusion en pay per view de quelques films francophones. Cette position ne rencontre pas les objectifs de TV5 mais pourrait intéresser des exportateurs. De son côté. ÉchoStar pourrait être intéressé par la location d'un canal, à un coût d'ailleurs élevé.

En toute hypothèse, il semble qu'un démarrage immédiat ne s'impose pas étant donné que le système ÉchoStar est à ses débuts : il est donc légitime d'attendre son développement avant de conclure. Cela renvoie donc le démarrage d'une opération concrète au minimum en janvier 97.

Étape 3 : le pré-lancement.

TéléTV a comme ambition, à l'aide de deux technologies (le MMDS numérique - système de câble « sans fil » - et le ASDL - système de livraison de programmes audiovisuels par le fil du téléphone-) de fournir à ses clients un choix de programmes très diversifié : 120 canaux semblables à ceux du câble et un choix de vidéos comme celui offert par les loueurs de cassettes. Ces partenaires financièrement très puissants souhaitaient diversifier leur offre pour fournir mieux que les câbleurs et que les satellites de diffusion directe.

Dans la concurrence actuellement en cours entre les divers modes de diffusion, les compagnies du téléphone ont le considérable avantage par rapport aux câbleurs de disposer d'importantes réserves financières. Ils pourraient donc très rapidement constituer un marché efficacement concurrent du câble.

Dans cette période transitoire de pré-lancement, où toutes les données techniques et commerciales sont en bouleversement permanent, toutes les plates-formes techniques possibles devront être utilisées afin de donner à l'offre de programmes francophones le maximum de force. C'est pourquoi les contacts se poursuivent avec TéléTV afin de pouvoir présenter éventuellement en octobre à la décision ministérielle un projet en forme.

Étape 4 : une chaîne 24 heures sur 24 en français.

Quelle que soit finalement la configuration du paysage audiovisuel américain la création d'une chaîne 24 heures sur 24 en français demeure un objectif fondamental.

Cela implique la poursuite des négociations juridiques avec IC, la mise au point d'un plan marketing efficace, la passation d'accords avec les fournisseurs de catalogues ainsi qu'avec les partenaires financiers susceptibles de se joindre au projet.

Ce projet aurait un coût raisonnable.

Pour l'année 1996, TV5 Québec-Canada et TV5 Europe continuent à supporter les études et négociations nécessaires. Un crédit complémentaire a été dégagé pour financer l'étape 1 (International Channel) pour un montant de 290 000 $US. Quant aux étapes de diffusion par satellite, MMDS, et de diffusion téléphonique, les coûts peuvent varier selon qu'il faudrait ou non participer au financement d'un canal satellitaire dans une proportion de 1 à 10 . On peut toutefois estimer que pour assurer la promotion dans les métropoles de l'Est dans l'hypothèse d'un accord avec les compagnies de téléphone, une dépense minimale de 100 000 $ est à prévoir.

Un accord de principe sur ce projet a été donné à la Conférence Ministérielle qui s'est tenue à Montebello, le 17 octobre 1996, qui a décidé de prévoir les moyens nécessaires au lancement en 1997 de la chaîne, mais le financement assuré par la partie française n'a pas été garanti.

d) Une meilleure adéquation entre l'offre et la demande

TV5 commence à mieux cerner les attentes de son public. Elle a identifié 4 catégories principales d'utilisateurs potentiels, leurs modes de consommation et leurs attentes, les relais et les moyens par lesquels il est possible de les atteindre et de les mobiliser :

1 - Parmi les 47 États ou régions ayant officiellement en commun l'usage du français, existent de grandes différences dans le statut juridique et dans la pratique effective de la langue, mais on estime à plus de 450 millions d'habitants la population totale de ces pays pour qui le français est officiellement langue d'usage, de communication internationale et de culture.

Parmi eux, notamment, une dizaine de millions de téléspectateurs (quatre millions de foyers) de langue maternelle française, sont abonnés à TV5 sur les réseaux câblés des pays francophones d'Europe (belges, suisses, français, luxembourgeois).

2 - Les expatriés francophones constituent une seconde cible qui peut être évaluée à plusieurs millions de téléspectateurs.

Aux 900 000 ressortissants français répertoriés par les services diplomatiques français dans les différents pays d'Europe, d'Europe de l'Est, du Maghreb et du Moyen Orient, et aux 150 000 Français supplémentaires enregistrés en Afrique, s'ajoutent - pour constituer ce groupe - quelques centaines de milliers d'expatriés belges, canadiens, suisses, et plusieurs millions de locuteurs francophones originaires des pays du Sud. S'y ajoutent également, en proportion variable suivant les moments de l'année, entre quelques centaines de milliers et plusieurs millions de « voyageurs francophones » (affaires, tourisme....).

Depuis les postes diplomatiques, jusqu'aux organismes spécialisés des pays partenaires de la chaîne, en passant par les milieux internationaux des affaires et de l'entreprise, un réseau dense d'institutions informe et encadre cette population qui forme un « petit » groupe de très gros consommateurs de TV5.

3 - Au delà des 150 millions de francophones de langue maternelle dans le monde, plus d'un demi milliard d'hommes y pratiqueraient par ailleurs plus ou moins couramment le français.

En Europe et sur le pourtour du bassin méditerranéen, on estime qu'entre 1 personne sur 4, et 1 personne sur 5 ont, d'une façon ou de l'autre (scolarisation, immigration, raisons familiales ou professionnelles, etc....) appris le français comme langue étrangère. Par exemple, 27 % des Italiens, 16 % des Anglais ou des Néerlandais, ou encore 12 % des Allemands, 10 % des Norvégiens, etc.... parlent le français.

Ce public, par plaisir ou par jeu, pour se tester ou entretenir ses connaissances, fréquente, régulièrement ou occasionnellement, TV5. Près d'1/4 du courrier que reçoit annuellement TV5-Europe émane ainsi de téléspectateurs qui considèrent ne maîtriser qu'imparfaitement notre langue.

Les réseaux culturels des pays partenaires à l'étranger (centres culturels, instituts, lycées et établissements scolaires, etc....) constituent aussi un formidable relais pour atteindre ces populations.

4 - Les enseignants et les enseignés de français langue étrangère forment enfin une catégorie spécifique de public.

En Europe, de façon plus particulière, 250 universités et établissements d'enseignement ont conclu une convention avec TV5. Le réseau d'enseignants de français langue étrangère représente pour sa part plusieurs centaines de milliers de professeurs et plusieurs millions d'étudiants souvent en contact avec notre chaîne. On compte par exemple aujourd'hui pour la seule Allemagne (14 millions de foyers abonnés à TV5) plus de 35 000 professeurs allemands enseignant le français et plus d'un million d'élèves étudiant le français en première ou en deuxième langue.

Là encore différents relais permettent d'atteindre cette population. L'AUPELF-UREF, par exemple, association francophone internationale dont le siège est à Montréal et qui regroupe par réseaux 270 établissements supérieurs d'enseignement et de recherche, représentant 300 000 chercheurs dans une cinquantaine de pays. Ou encore la Fédération Internationale des Professeurs de Français (125 associations nationales regroupant plus de 60 000 enseignants).

Ce sont vers ces quatre cibles prioritaires que TV5 doit désormais développer de façon systématique sa stratégie de communication afin d'y accroître son implantation réelle.

2. CFI : une banque de programme ou une chaîne à part entière ?

a) Quelle mission ?

Créé en 1989, CFI filiale à 100 % de la Sofirad, a été lancé pour servir de banque de programmes aux télévisions africaines. Progressivement, sa mission s'est élargie aux pays d'Europe de l'Est puis à ceux des pays du Proche et Moyen-Orient et enfin l'Asie et plus marginalement l'Amérique Latine.

Le développement important de cette chaîne s'accompagne d'interrogations croissantes sur son identité. La mission principale de CFI est-elle d'être une banque d'images ou une chaîne généraliste à destination des français de l'étranger ?

À fin 1995, cette mission consistant à alimenter en émissions françaises les opérateurs de télévision étrangers a permis la diffusion de plus de 12.500 heures de programmes français qui ont fait l'objet de près de 38.000 heures effectivement rediffusées dans plus de 80 pays par plus de 100 opérateurs partenaires.

Parallèlement, à partir de 1991, la réception directe des programmes de CFI s'est développée auprès d'un public de particuliers composé de français, de francophones et de populations locales équipées des paraboles nécessaires. Au début de l'année 1996, on peut estimer l'auditoire de CFI à près de 5 millions de foyers potentiels (susceptibles de capter le signal) sur trois zones : Afrique, Asie et Proche et Moyen-Orient.

Il convient d'ajouter à ces derniers chiffres les reprises intégrales de CFI par certains opérateurs de réseaux MMDS (Afrique, Proche et Moyen-Orient), câblés (Asie) ou encore la diffusion hertzienne de CFI dans la péninsule indochinoise.

Ainsi le dernier CAEF avait à se prononcer sur les orientations de CFI afin de mettre de l'ordre dans des situations où, de fait, l'opérateur remplit deux fonctions, celle de banque d'images et celle d'une chaîne.

Le CAEF du 23 novembre 1995 a confirmé la mission principale de CFI « banque de programmes et outil de coopération assurant la promotion des images de la France et leur reprise par les télévisions partenaires sur une base régionale » .

Aussi, profitant de la régionalisation progressive de ses programmes, CFI s'attache-t-il à renforcer et à mieux organiser dans sa programmation le service qu'elle réserve aux opérateurs partenaires.

(1) La stratégie géographique de CFI

En Afrique, le cryptage depuis le 1er mai 1996 de 5h50 par jour sur 5 jours permet aux télévisions nationales partenaires d'être destinataires exclusives des programmes concernés. La partie en clair de la programmation de CFI vient toutefois étoffer en complément de TV5, MCM Africa et Canal Horizons l'offre française à destination des réseaux MMDS africains.

En Europe centrale et orientale où CFI diffuse exclusivement à destination des télévisions de la zone (pas de réception directe), le service qui devrait être lancé en septembre 1996 grâce à l'utilisation du simulcast numérique permettra de proposer aux télévisions partenaires, dans des conditions commerciales variant selon leurs possibilités, des programmes de qualité répondant à leurs besoins spécifiques.

En Asie, le projet de numérisation (prévu pour novembre 1996) du satellite Intelsat 704 permettra d'identifier clairement la fonction de banques de programmes de CFI.

L'utilisation de différents canaux de ce satellite lui permettra de fournir en programmes français les télévisions de la zone gratuitement à titre de coopération pour certains pays tels que le Vietnam et le Cambodge et de manière commerciale pour les pays solvables de la zone.

Toutefois, l'utilisation en clair du satellite Palapa qui permet une réception aisée des programmes de CFI en Asie du Sud Est notamment, est un acquis qu'il convient de préserver dans la région, la diffusion de programmes français en langue anglaise (pour le moment essentiellement de l'information) pouvant être le complément naturel de la diffusion de TV5, chaîne francophone dont la montée en puissance se fera dans la zone dans les deux ans à venir.

En Amérique latine, le projet de CFI est de mettre en place une diffusion qui sera exclusivement une banque de programmes commerciale cryptée (à l'exclusion des produits d'information).

En revanche au Proche et Moyen-Orient, le CAEF a demandé à CFI d'étudier la faisabilité d'un projet de chaîne financée par la publicité à destination du monde arabe, à partir du satellite Arabsat.

Dans cette région toutefois, l'utilisation du simulcast devrait permettre à CFI de poursuivre sa fonction de banque de programmes, très utilisée actuellement par certaines télévisions nationales (Jordanie, Égypte, Syrie notamment).

La création d'un pôle télévisuel extérieur regroupant l'ensemble des activités télévisuelles et ayant pour filiales TV5 et CFI sera l'occasion d'une remise à plat des fonctions et de l'organisation des deux sociétés qui sont installées dans les mêmes locaux et dotées d'équipements-communs.

(2) La stratégie fonctionnelle de CFI

Le CAEF du 23 novembre 1995 a confirmé le rôle confié à CFI au titre de l'exportation de programmes.

La stratégie de cryptage que la banque d'images met en place lui permet en pratiquant une politique d'adressage aux télévisions étrangères intéressées d'amorcer la commercialisation de certains de ses programmes.

Avec le cryptage, qui garantit au destinataire l'exclusivité et au producteur le respect de ses droits, CFI devient un interlocuteur fiable pour les partenaires nationaux privés.

Cette démarche permet à CFI d'une part d'obtenir plus facilement des programmes plus attractifs dans sa grille avec la capacité de les commercialiser en fonction des conditions locales de solvabilité, de l'autre de crédibiliser son offre en tant que « transporteur » d'émissions vers les clients de ses partenaires.

La mise au point d'un accord de collaboration entre l'association

TV France Internationale et CFI pourrait concrétiser les perspectives de complémentarité existant entre l'action de promotion et de présence que l'association réalise sur les marchés internationaux, et la capacité de la chaîne à jouer un rôle efficace de « relais » satellitaire pour la diffusion des productions privées et publiques nationales. Une association plus structurelle de ces deux partenaires pourrait être envisagée dans le cadre de la constitution du pôle télévisuel extérieur.

b) La stratégie de CFI en 1996

Conformément aux décisions prises par le CAEF du 13 septembre 1994 et confirmées par le CAEF du 23 novembre 1995, CFI a orienté son activité selon les axes suivants :

(1) La régionalisation des programmes

En septembre 1995, CFI est passé d'un signal unique à deux programmations différentes : l'une sur l'Afrique et l'Europe Centrale et Orientale, l'autre sur l'Asie et le Proche-Orient avec introduction de 3 heures par jour en langue arabe.

Depuis février 1996, le Proche et Moyen-Orient ainsi que l'Asie reçoivent chacun une programmation spécifique comprenant pour l'Asie une augmentation des programmes en langue anglaise (informations essentiellement). En Asie, par ailleurs, le transfert de PALAPA B2P vers PALAPA Cl a permis de gagner l'Australie et la Nouvelle Zélande.

En septembre 1996, devrait être lancé un service de banque commerciale de programmes, à destination de l'Europe centrale et orientale afin de proposer des programmes adaptés aux besoins des télévisions de la zone.

À la fin de l'année, le signal de CFI sur Intelsat 704 à destination de l'Asie sera numérisé afin de permettre de distinguer les activités de banque de programme de la chaîne et sa programmation destinée à la réception directe sur Palapa. En conséquence, l'adaptation à la zone des programmes diffusés sur Palapa sera renforcée.

Un nouveau dispositif technique, nécessité par la multiplication des départs de programmes équipe les nouveaux locaux qu'occupe CFI depuis le 7 juillet 1996 rue Cognacq Jay.

(2) Le renforcement de la fonction « Banque de programmes »

CFI est en relation contractuelle avec plus d'une centaine d'opérateurs (dont 44 en Afrique sub-saharienne) sur 80 pays environ.

Sur des programmations de 24 h/24, la fonction banque de programmes représente une durée quotidienne de 5 h 50 en Afrique, 7 h au Proche et Moyen-Orient, 4 h sur l'Asie. Elle devrait être également de 4 h par jour en Europe centrale et orientale.

En 1995, les télévisions partenaires ont rediffusé sur leur propre réseau, parfois après doublage ou sous-titrage en langue locale, 53 h en moyenne par mois en Afrique (dans cette zone CFI fournit entre 25 et 75 % de la grille des télévisions partenaires), 32 h au Proche et Moyen-Orient, 19 h en Europe centrale et orientale, 35 h en Asie.

Le renforcement de cette fonction de banque de programmes passe par le cryptage et la numérisation du signal de CFI.

(3) Le cryptage et la numérisation

Pour assurer une maîtrise correcte vis à vis des détenteurs de droits d'une part, d'autre part pour faciliter la commercialisation des programmes diffusés, il est apparu indispensable de crypter progressivement les émissions de CFI.

Le cryptage permet par ailleurs de préserver les droits des télévisions partenaires ayant passé des conventions avec CFI en leur réservant l'exclusivité des programmes, comme en Afrique où a été lancé le 1er mai 1996 le cryptage partiel de la programmation de CFI (5 h 50/jour sur 5 jours).

Une deuxième étape a été parallèlement engagée concernant la numérisation de certains programmes, pour l'Europe centrale et orientale (Eutelsat Hot Bird 1 ) et pour l'Asie (Intelsat 704).

(4) Le doublage et le sous-titrage

En 1996, a été intensifiée la politique de doublage et sous-titrage ébauchée en 1995, en arabe pour le Proche et Moyen-Orient (environ 6 h/jour actuellement) et en anglais pour l'Asie (7 h/jour actuellement) et l'Afrique. À terme est prévu le sous-titrage en espagnol des programmes destinés à l'Afrique et à l'Amérique Latine.

(5) La commercialisation

Conformément aux souhaits du CAEF, CFI a engagé une politique de commercialisation portant principalement sur le sponsoring événements spéciaux et sportifs (Jeux panafricains d'Harare en 1995, Coupe d'Afrique des Nations, Jeux Olympiques en 1996....) la publicité (vente d'écrans publicitaires), la vente de programmes aux télévisions partenaires et le transport de programmes pour le compte de producteurs ou de diffuseurs français.

Le chiffre d'affaires 1996 devrait atteindre environ 14 millions de francs, soit un triplement par rapport à 1995. CFI escompte une sensible augmentation en 1997 et encore plus en 1998.

c) Le budget de CFI

(1) Le budget pour 1995

Le budget 1995 de CFI a été fixé à 172,3 millions de francs (soit une augmentation de 9,1 % par rapport à 1994) afin de lui permettre d'amorcer sa politique de régionalisation (adaptation de sa programmation, achats de droits spécifiques, doublage et sous-titrage...). Ce budget a été financé à hauteur de 111,60 millions de francs par le Ministère des Affaires Étrangères, 50 millions de francs par le Ministère de la Coopération et par ressources propres pour 10,70 millions de francs.

Exécuté à hauteur de 172,10 millions de francs, il a dégagé un bénéfice de 0,20 millions de francs.

Son exécution se caractérise, notamment, par une forte augmentation du poste programmes liée à la croissance du volume d'heures acquises et programmées (9.560 heures en 1994 et 12.540 en 1995 soit une augmentation de 31 %). En revanche, des économies sur les frais de diffusion ont pu être réalisées grâce à des renégociations portant sur les réseaux satellites et les prestations TDF.

Le budget 1995 est équilibré avec une reprise minimum de provisions pour les ayants droit contrairement aux années passées.

(2) L'exécution du budget de 1996

Le budget pour 1996 s'élève à 194,8 millions de francs, dont 12,15 millions de francs de ressources propres et le solde de subventions en provenance du ministère des Affaires étrangères (129,85 millions de francs, soit les deux tiers) et du ministère de la Coopération (52,4 millions de francs, soit 26,9 %).

Les frais de programmes s'élèvent à 85,8 millions de francs, les frais techniques à 76,3 millions de francs, les frais de développement et d'études à 10,6 millions de francs, les frais de structure sont limités à 21,8 millions de francs.

(3) Les perspectives du budget de 1997

L'opérateur devrait être doté d'un budget en légère baisse en 1997 avec des ressources s'élevant à 191,5 millions de francs, soit un recul de -1,7 % , dû à une légère diminution de la subvention du ministère des Affaires étrangères (128,6 millions de francs, soit un recul de 1,25 millions de francs) et des ressources propres (10 millions de francs contre 12,15 millions de francs en 1996).

D. EURONEWS : LA FIN DES DIFFICULTÉS ?

Votre rapporteur fait confiance au nouveau directeur général d'Euronews, M. James Baer, ancien directeur de TV5, pour redresser la chaîne et mieux la valoriser.

1. Un redressement financier

En 1995, le troisième exercice de la chaîne d'information continue européenne, diffusée en cinq langues, s'est traduit par une perte de 20,1 millions de francs. L'entrée de la Générale Occidentale, filiale du groupe ALCATEL-ALSTHOM, dans son capital, en mai 1995, a permis d'apurer le passif de la société et la perte cumulée restant à absorber pour la période de juillet 1992 au 31 décembre 1995 s'élève à 20,3 millions de francs.

Pour 1996, le déficit attendu est de 40 millions de francs, pour un chiffre d'affaires de 130 millions de francs et un budget de fonctionnement de 180 millions de francs. Les ressources commerciales (publicité et ventes de programmes) devraient atteindre 30 millions de francs en 1996 contre 8 en 1995. Euronews prévoit cependant 70 millions de francs de chiffre d'affaires en 1997, grâce à une politique commerciale plus offensive. Le coût de la grille atteint environ 100 millions de francs. Euronews compte 200 salariés, dont 70 journalistes.

Depuis 1992, le montant total des contributions de l'État et des collectivités locales françaises s'est élevé à 90 millions de francs. France Télévision détient 29,8 % du capital de la société, la Générale Occidentale, 49 % et les autres télévisions publiques européennes, le solde.

Le groupe ALCATEL souhaitant se recentrer sur ses métiers de base, cherche à se désengager d'Euronews. Pour mémoire, il avait investi 115 millions de francs en 1995.

Votre rapporteur estime que, compte tenu des sommes investies par le secteur public dans Euronews, la chaîne devrait se rapprocher des opérateurs publics de l'action audiovisuelle extérieure, CFI et TV5, notamment pour réaliser les journaux d'information destinés à la diffusion internationale.

2. Une notoriété consacrée

Selon l'enquête EMS 1995-1996, la chaîne bénéficie d'un taux de notoriété de 52,5 %, soit le troisième après deux télévisions américaines, CNN et NBC Super.

L'intégration d'Euronews dans le bouquet numérique TPS consacrerait cette notoriété, consoliderait les relations entre France Télévision et la chaîne et constituerait une alternative économique à la création d'une CNN à la française.

CHAPITRE IV : LES SOCIÉTÉS DU SECTEUR PUBLIC DE L'AUDIOVISUEL

I. FRANCE TÉLÉVISION

Quelles furent les leçons de la crise du printemps 1996 qui a secoué France Télévision et France 2 ? Quelles sont les orientations prises par l'actuelle présidence commune ? Quelle est la situation budgétaire de France 2 et de France 3 ?

A. LA CRISE DU PRINTEMPS 1996 : UNE CRISE ÉVITABLE ?

Les contrats signés entre France Télévision et certains animateurs-producteurs ont suscité une crise sans précédent qui s'est terminée par le départ du président de France Télévision, M. Jean-Pierre Elkabbach.

Rappelons à titre préliminaire que cette crise est intervenue dans un contexte marqué par les prémices de la campagne pour le renouvellement du mandat du président de France Télévision (prévu début décembre 1996), par l'accord conclu entre le secteur public et plusieurs entreprises privées pour constituer un bouquet numérique concurrent de celui de Canal Satellite et par une certaine érosion de l'audience de TF1 au profit de celle du secteur public, et notamment de France 3. En outre, un audit de l'audiovisuel public , annoncé par le Premier ministre le 28 août 1995, et piloté par l'Inspection générale des finances, a débuté ses travaux en février 1996 pour s'achever en juillet 1996. À cette dernière procédure s'ajoutent des investigations de la Cour des comptes , qui ne s'était pas occupée de télévision depuis 1991, et qui acheva son enquête à l'automne 1996.

Cette crise est tout d'abord due aux montants en cause : 600 millions de francs pour six contrats conclus avec les producteurs-animateurs, avant 1994 (Mireille Dumas, Jacques Martin, Nagui), en mai 1994 avec Jean-Luc Delarue et Michel Drucker, puis, en avril 1995, avec Arthur. Seuls trois de ces contrats avaient été signés par M. Jean-Pierre Elkabbach. L'amalgame a souvent été fait entre le coût total des émissions et le revenu net des animateurs considérés.

Enfin, la crise trouve son origine dans les conditions peu transparentes de la passation de ces contrats et les dysfonctionnements des procédures de contrôle.

1. Une conséquence de la logique du financement du secteur public et dont l'État bénéficie.

a) La logique du financement du secteur public de l'audiovisuel

Les conditions offertes à certains animateurs-producteurs, et la dérive commerciale qui en procède, résultent de la structure du financement de France Télévision. En effet, celle-ci fait une trop large part aux ressources publicitaires : 46 % pour France 2 en 1996 et 52 % en 1997 ( ( * )36) .

Toute diminution des ressources commerciales devrait donc se traduire, sous peine de creuser le déficit de France Télévision, par un recours accru aux ressources budgétaires ou à une augmentation à due concurrence de la redevance (majoration de son taux, ou élargissement de son assiette).

Dès lors que le secteur public de l'audiovisuel se trouve en situation concurrentielle, on ne saurait lui interdire l'accès à des ressources qui traduisent cette concurrence. En effet, les recettes publicitaires ne sont que le reflet de l'audience dont le secteur public ne saurait - sauf exception - s'affranchir : une chaîne publique sans audience ou avec peu d'audience ne remplit évidemment pas sa mission. On ne voit pas pour quelles raisons l'ensemble des contribuables paierait pour la satisfaction d'un petit nombre.

Avoir une large audience est d'ailleurs une vocation reconnue à France Télévision , et particulièrement à France 2, par le préambule de son cahier des

charges : elle a vocation à « atteindre un large public auquel elle offre une gamme diversifiée et équilibrée de programmes. Sa position dans la concurrence lui assigne l'ambition de jouer dans les domaines (...) du divertissement (...) un rôle d'entraînement et d'innovation pour l'ensemble du secteur public audiovisuel ». En outre, l'étude du CSA de juillet 1993 sur le coût de la programmation à la télévision avait relevé que, comme les chaînes privées, les chaînes publiques « doivent fonder en partie leur politique de programmation sur la relation coût/audience, en particulier aux heures de grande écoute. Les chaînes publiques répondent ainsi à une triple contrainte. Celle, tout d'abord, de la concurrence. En s'approvisionnant sur le marché de la production indépendante, elles n'ont en effet d'autre recours que de s'adapter aux règles commerciales existantes. Celle ensuite de leur vocation de chaîne grand public. Aussi orientent-elles une partie de leur programmation vers les produits porteurs d'audience et par suite onéreux. Celle enfin de la rationalité économique. Celle-ci leur a permis de retrouver une situation économique équilibrée et un niveau d'audience satisfaisant ».

b) L'État bénéficie de ce financement dual

Le recours à la publicité permet donc de soulager les finances publiques. Sans financement par la publicité, sur le modèle de la BBC, l'État serait obligé d'apporter aux chaînes publiques 3 milliards de francs supplémentaires . La redevance audiovisuelle, fixée à 700 francs en 1996, atteindrait 900 francs (mais resterait néanmoins inférieure à l'Allemagne).

En outre, la progression des recettes publicitaires de France Télévision a permis à l'État de prélever, en novembre 1995, 280 millions de francs sur le budget des deux chaînes, au titre des économies budgétaires.

La bonne tenue du marché publicitaire a même permis d'assainir la situation financière des chaînes du secteur public. Rappelons, en effet, qu'en décembre 1993, un rapport de l'Inspection générale des finances jugeait préoccupante la situation des comptes de France Télévision. C'est pourquoi, à cette date, l'État avait dû demander au Parlement d'approuver 450 millions de francs d'ajustement et de mesures nouvelles puis, en avril 1994, 640 millions de francs supplémentaires, soit plus d'un milliard de francs en quatre mois !

2. L'audience de France Télévision est en partie assurée grâce aux émissions produites par certains animateurs-producteurs

a) La stratégie de France 2

(1) Faire de l'audience avec les émissions de flux...

Pour France Télévision, l'horaire stratégique est « l'access prime time » , entre 19 et 20 heures. Les chaînes du secteur public ne peuvent, selon la réglementation, interrompre par un écran publicitaire les fictions diffusées entre 20 heures 30 et 22 heures. Pour faire de l'audience, les programmes doivent plaire au public. Cette nécessité explique la stratégie de France 2 qui a fait appel à des animateurs-vedettes, souvent débauchés des chaînes concurrentes, afin de rajeunir sa grille et faire de l'audience. Les montants de ces contrats sont très importants.

Le montant des six contrats (plus de 600 millions de francs pour 500 heures de programmes annuels) résulte d'une inflation générale des coûts des programmes audiovisuels, en raison de la concurrence exacerbée que se font les chaînes depuis la privatisation de TF1 en 1987.

Cette surenchère concerne également les sports. Le coût de la retransmission du Tour de France a ainsi été multiplié par 70 en quelques années (de 1 a 70 millions de francs), celui de la retransmission du tournoi de tennis de Roland-Garros est passé de 2 à 5 millions de francs pour le secteur public.

L'affaire des animateurs-producteurs : les chiffres

Bénéfices réalisés par les sociétés des animateurs-producteurs

(En millions de francs)

1995

Arthur*

J.L. Delarue**

M. Dumas

M. Drucker

J. Martin

Nagui

Chiffre d'affaires

65,5

162

31,3

109

140,2

88,8

Résultat avant impôt

NS

59,3

9,7

22,8

64

20

Rémunération de l'animateur par sa société

1

2,8

1

9,2

2,5

1,2

Rentabilité avant impôt

NS

37 %

31 %

21 %

46 %

23 %

Rentabilité avec rémunération

NS

38 %

34 %

29 %

47 %

24 %

Trésorerie de l'entreprise

21,8

51,5

0,8

50,1

62,3

2,9

En jours de chiffre d'aff.

121 j.

116 j.

9 j.

168 j.

162 j.

12 j.

Nombre de salariés

14

47

10

15

33

40

* Le premier exercice de la société Case Production s'est déroulé du 1/7/94 au 31/8/95, soit pendant la montée en charge des contrats ; son résultat n'est donc pas significatif.

** Pour un premier exercice du 2/5/94 au 31/12/95, soit 19 mois.

Source : mission d'audit du secteur public

de la communication audiovisuelle

Rémunération des animateurs

(En millions de francs)

1995

Arthur

J.L. Delarue

M. Dumas

M. Drucker

J. Martin

Nagui

Résultat distribuable(l)

10,6

33,4

4,

7

31

14,9**

Rémunération par la chaîne

/

12

2,7

/

/

1,8

Rémunération par la société

0,9

2,8

1

9,2

2,5

1,2

Total

11,5

48,2

8,4

16,2

33,5

17,9

(1) À l'animateur ou à sa famille

* Dont 10 millions de francs de plus value dégagée par la revente des parts d'Arthur dans sa société en juillet 1995

** D'autres ressources sont dégagées par Nagui grâce à la commercialisation de produits dérivés dans diverses sociétés

Source : mission d'audit du secteur public

de la communication audiovisuelle

(2)... Pour financer les programmes de stock

La stratégie de France Télévision consiste à favoriser les programmes de stock par rapport aux programmes de flux . France Télévision a donc réalisé un effort important en faveur du financement de la fiction.

L'accord passé, en novembre 1994, avec les producteurs audiovisuels (l'USPA) porte le pourcentage du chiffre d'affaires de France Télévision consacré à ce secteur de 15 à 17 %. Le montant du budget affecté aux émissions de fiction est passé de 480 à 640 millions de francs en deux ans. Les budgets consacrés aux documentaires ont également progressé (de 30 à 53 millions de francs de 1993 à 1996) comme ceux de l'animation-jeunesse (de 33 à 50 millions de francs pour la même période).

Le volume horaire consacré à la fiction a corrélativement augmenté, passant de 180 heures en 1993 à 230 heures en 1995 et sera de 380 heures en 1997.

Les recettes publicitaires engrangées grâce aux émissions de variétés des animateurs-producteurs auraient donc servi à alimenter un « cycle vertueux » dont aurait profité la création audiovisuelle française.

Une telle stratégie implique cependant à terme une réduction corrélative de la place occupée par les émissions de flux sur la grille, ce qui aura pour effet de rendre plus compétitif le marché des animateurs de télévision, et permettra de normaliser ce marché.

Le programme de stock égaliserait, en montant, le programme de flux en 1997, pour le dépasser les années suivantes. Ce dernier diminuerait de 27 millions de francs en 1996 et de 150 millions en 1997.

Cette stratégie semblait réussir. Les recettes supplémentaires de 1994 et 1995 (381 millions de francs en publicité et parrainage) ont plus que compensé les dépenses supplémentaires investies en programmes de flux (120 millions de francs) et en programmes de stock (141 millions de francs).

b) Les moyens de cette stratégie

Le recours à des sociétés de production extérieures est une obligation.

L'article 32 du cahier des charges de France 2 dispose en effet que la chaîne ne peut produire elle-même que 50 % du volume annuel des émissions de divertissement et lui interdit de « se doter de moyens propres, notamment de moyens lourds vidéo-mobiles, autres que ceux nécessaires à la réalisation des émissions de divertissement ».

La production « en extérieur » allège les coûts fixes pour France 2. Le cumul de fonction de production et d'animation crée une unité de gestion qui permet à l'animateur de choisir son équipe artistique et technique. Cette méthode décharge la chaîne des responsabilités de toute nature liées à la production de programme.

Un questionnaire détaillé sur les contrats conclus avec les animateurs-producteurs a été transmis par votre rapporteur à France Télévision le 7 mai 1996 et les réponses ont été données le 11 mai 1996. Elles font apparaître le caractère exorbitant du droit commun de ces contrats , analyse du reste confirmée par le rapport de la mission d'audit du secteur public de la communication audiovisuelle.

3. France Télévision ne pouvait pour autant se dispenser d'une gestion rigoureuse et transparente de ses contrats.

a) Des arguments ont plaidé pour la passation de contrats conclus de manière dérogatoire

L'audiovisuel est un marché oligopolistique. Quelques animateurs sont susceptibles de contracter avec trois opérateurs seulement : France 2, TF1 et Canal +. Sur un tel marché, hyperconcurrentiel et oligopolistique, les négociations, surtout quand elles ont pour objet le transfert d'animateurs d'une chaîne à une autre, ne peuvent être que secrètes et rapides.

Lorsque la nouvelle équipe dirigeante est arrivée à France Télévision, autour de M. Jean-Pierre Elkabbach, la grille de programme pour 1994 était déjà normalement engagée et pré-financée. Il lui a donc fallu négocier très vite avec des animateurs exerçant chez des concurrents pour rajeunir une grille de programme afin de « faire de l'audience ». La rapidité de ces négociations est du reste l'une des conséquences les plus néfastes du caractère trop bref du mandat du président de France Télévision qui n'est que de trois ans ; or, une grille de programme nécessite deux années pour être modifiée.

Si ces contrats ont été conclus rapidement et secrètement, ils l'ont néanmoins été en conformité avec les pouvoirs reconnus par la loi au président-directeur général de France Télévision.

Les statuts de France 2 prévoient que son président la représente dans ses rapports avec les tiers et qu'il est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance en son nom (article 20). Les conditions générales de passation des contrats sont approuvées par le conseil d'administration, sous réserve des délégations qu'il peut consentir (article 17). M. Jean-Pierre Elkabbach s'est donc vu confirmer, le 17 janvier 1994, comme ses prédécesseurs, « de façon énonciative et non limitative » le pouvoir de « conclure, modifier et résilier tout contrat, convention relatifs à l'élaboration et la fabrication des programmes, notamment ceux qui ont trait à la production, la coproduction, la commande démissions ». Dans la réponse au gestionnaire adressé par votre rapporteur, il est indique que « les conseils d'administration ont été informés de l'existence des contrats et les ont approuvés » , en avril 1995 et en avril 1996.

b) Mais l'opacité de ces contrats a révélé des dysfonctionnements graves des procédures internes de France Télévision

(1) Des objections de principe

L'emprise des animateurs-producteurs sur les programmes de divertissement s'apparente à une privatisation « par appartement » de

France 2 , puisque la production des variétés, activité centrale d'une chaîne généraliste, est de facto privatisée.

Toutefois, son ampleur doit être relativisée. En effet, selon une déclaration du contrôleur d'État lors de la réunion du conseil d'administration du 4 avril 1995, si « le volume financier des contrats, au moins le coût de diffusion de ces émissions en production déléguée, a doublé de 1990 à 1994, comme le nombre d'heures en production déléguée à lui-même presque doublé, finalement, le coût horaire moyen n'a augmenté que de 9 % de 1990 à 1994 ».

Dans un entretien accordé au Monde , le 10 mai 1996, M. Jean-Pierre Elkabbach s'est justifié de cette politique. Certaines justifications sont cependant contestables.

Ainsi, ne pas imposer une clause d'audimat serait « un principe de service public (...) sinon nous devrions abandonner toutes nos émissions culturelles ». Cette affirmation se comprend pour les émissions culturelles qui participent de la véritable vocation du service public ; en revanche, les émissions de divertissement qui concurrencent celles des chaînes commerciales sont bien soumises à une clause d'audience par les agences publicitaires pour la rémunération de leurs écrans publicitaires.

« Tous les animateurs que nous avons recrutés ont accepté des rémunérations inférieures à celles que nos concurrents leur proposaient » . Cette assertion paraît démentie dans les faits : M. Jean-Luc Delarue était payé 100 000 à 120 000 francs par mois par Canal + ; à France 2, sa rémunération paraît plus proche de 1,2 à 2 millions de francs et semble donc avoir décuplé.

Enfin, consentir des avances serait « une nécessité de l'économie de l'audiovisuel (...) c'est la même pratique pour un film, pour une fiction, pour un divertissement ». Or, on ne peut comparer des avances consenties pour créer une société de production privée, dont les résultats appartiennent ensuite intégralement à une personne ou à une société privée, et les avances des contrats de coproduction qui permettent un partage des bénéfices . En outre, on mélange les productions de flux et de stock.

(2) Des méthodes contestables

La mission d'audit du secteur public a évoqué en première partie de son rapport cette affaire qu'elle a qualifiée de « dérive exacerbée » et dont elle a cherché à analyser les causes. Pour la mission, il s'est agi d'une conjonction de facteurs.


• Il importe d'abord de rappeler que, même s'il n'a jamais été formulé comme cela, le principal objectif assigné à la société France 2 a été de « rattraper TF1 » . Cette donnée est essentielle à la compréhension du déroulement de cette affaire. Il ne s'agit pas de dire que l'État n'a pas fixé d'autres prescriptions : « des cahiers des charges » existent ; ils sont exigeants, détaillés, contrôlés ; mais ils n'ont pas été traduits, comme l'avait recommandé la commission Campet, en « contrats d'objectifs ».

Au demeurant, l'émulation obsessionnelle de la présidence commune et de France 2 vis-à-vis de TF1 n'engage pas seulement les tutelles : c'est l'ensemble du système qui, peu ou prou, a poussé en ce sens. Le projecteur a été constamment fixé sur la compétition d'audimat et il y a là, en raison de l'outrance, un élément constitutif d'un système pervers.

Même si l'ampleur de l'effet obtenu n'était pas inéluctable, tant s'en faut, le système était propice au dérapage ; d'autant que la tendance à offrir des rémunérations salariales ou commerciales très avantageuses avait commencé bien avant, à l'instigation notamment de TF1 et de la Cinq.


• La présidence commune de France Télévision a, selon le rapport Bloch-Lainé, adopté en 1994 « un mode de gouvernement cultivant volontiers, avec excès, le goût du secret vis-à-vis des deux chaînes concernées ». Au surplus, le président a « peut-être placé une confiance trop marquée en q uelques hommes assez peu portés au respect des procédures , ayant, dit-on, un goût marqué pour les décisions expéditives, les manières rudes et préférant « l'esprit de clan » à « l'esprit d'équipe »».

Plus radicalement, la mission d'audit souligne qu'il y a eu « volonté m éthodologique délibérée de quelques personnes de la présidence commune , pour négocier et signer certains contrats, de ne pas consulter les services juridiques des chaînes, d'en confier l'établissement à un consultant extérieur, de contourner, dans la discrétion, les circuits et procédés normaux. Les contrats n'ont été portés à la connaissance de l'ensemble de l'état-major de la présidence commune qu'après avoir été décidés en fait. Ils n'ont été portés à la connaissance des mandataires sociaux des deux chaînes qu'après décision (très longtemps après pour France 3) ».

C'est après signature que certains de ces contrats - les plus critiquables - ont été transmis, via la direction des finances et du contrôle de gestion, à la direction de la production de France 2.


• Il y a eu défaut, voire absence, de moyens de freinage et de modération avant décision et, ce, sans qu'il ait été, stricto sensu, contrevenu aux règles juridiques en vigueur :

- le conseil d'administration de France 2 avait, en application de l'article 17 des statuts de la société, donné, le 7 janvier 1994, tous pouvoirs au président sans limitation de montants pour conclure, modifier, résilier tout contrat de programme et de commande d'émission ;

- le contrôle d'État « a priori », dans les sociétés audiovisuelles publiques, ne s'exerce que sur les rémunérations salariales.


• La dérive pouvait-elle être stoppée en cours de route par le conseil d'administration de France 2 ? Telle est la question qui doit être posée.

Le cahier des missions et des charges de France 2 prévoit (article 3 b) que les dirigeants doivent rendre compte régulièrement au conseil d'administration des contrats pluriannuels passés avec les producteurs indépendants.

Une information a bien été présentée, sur ce point, au conseil d'administration de France 2 en avril 1995. Elle était lacunaire. Elle n'a pas fait l'objet de commentaires.

Une seconde information, beaucoup plus détaillée, a été fournie lors de la réunion du conseil d'administration d'avril 1996. C'était tard.

Le risque de dérive, dans un tel contexte, est constant ; il a, en l'occurrence, joué à plein sur quelques contrats démesurés :

- il existait bien une psychose de surenchère. Mais il semble que les animateurs « fidélisés » au prix que l'on sait n'étaient pas tous susceptibles d'être courtisés à ce point et dans pareilles conditions par d'autres diffuseurs ;

- on a offert à certains professionnels l'occasion de réaliser des « profits d'aubaine » ; l'occasion, en deux ou trois ans, de gagner beaucoup d'argent, de parfaire leur apprentissage professionnel de vedettes sans obligation de résultats, de se créer une notoriété et d'accroître fortement les valeurs d'actif de leurs sociétés. On note cependant que, dans l'ordre de l'empressement et de l'avidité, ils ne se sont pas tous comportés de la même façon,

- l'étude de plusieurs contrats donne l'impression que la démarche a consisté à déterminer, en premier lieu, des chiffres d'affaires garantis et à rédiger, mais seulement ensuite, des conventions permettant d'atteindre les chiffres globaux d'objectif promis ;

- les contrats examinés comportent - inégalement - les anomalies suivantes : coûts démesurés ; facilités (avances ; modalités de paiement) inhabituelles ; engagements trop longs ; indifférence à l'égard des prix de revient ; absence d'obligation de résultats ; clauses de résiliation et clauses pénales confondues et déséquilibrées ; recours injustifié au mécanisme de l'achat de droits.

(3) Des dysfonctionnements des contrôles

Il semble que toutes les précautions n'aient pas été prises par une équipe comptant peu de professionnels du monde de l'entreprise. La forte proximité entre la direction de France Télévision et certains animateurs explique certainement la part importante laissée à la bonne foi et le manque de précaution résultant d'un excès de confiance de la direction de France Télévision et, inversement, d'un manque de confiance envers les directions générales des deux chaînes qui n'ont pas été mises au courant - en tout cas autant qu'il l'aurait fallu - de l'intégralité des contrats.

Cette affaire fait apparaître en pleine lumière les dysfonctionnements des procédures de contrôle interne et externe.


• Selon la présidence commune, les conseils d'administration ( ( * )37) de France 2 et de France 3 ont été prévenus, en application des dispositions des articles 33 (pour France 2) et 36 (pour France 3) des cahiers des charges, qui précisent :

« La société veille à ce que les contrats qu'elle passe avec les producteurs indépendants soient signés avant la mise en production des oeuvres. Elle rend compte régulièrement au conseil d'administration des contrats pluriannuels passés avec les producteurs indépendants ».

Cette affirmation est doublement contestée par la direction générale de France 3, pour le contrat conclu avec Réservoir Prod, et surtout par le ministre de la Culture , qui a déclaré au journal Les Échos du 6 mai 1996 qu' « aucune des instances de tutelle et de contrôle de l'État, pas davantage que les conseils d'administration des sociétés n'ont été informés préalablement de la consistance de ces contrats, qui, pour les principaux, ont tous été conclus avant l'été 1994 ».

En réalité, l'information qui a été dispensée au conseil d'administration de France 2 -et lui seul-, le 6 avril 1995, est très succincte, comme l'indique le procès-verbal de cette réunion :

« Point 5 de l'ordre du jour : Information du conseil d'administration sur :

- les contrats pluriannuels passés avec les organismes sportifs,

- l'utilisation des moyens propres de production,

- les contrats pluriannuels passés avec les animateurs-producteurs.

- M. Raphaël Hadas-Lebel rappelle que ces informations sont données au conseil d'administration en application des articles 30, 33 et 34 du cahier des charges. Elles figurent dans les documents joints, remis au conseil d'administration.

Le conseil prend acte du dépôt de ces informations » .

Force est de constater qu'il n'est pas allé plus loin.

Il faut par ailleurs préciser que le président de France Télévision n'est pas responsable devant le conseil d'administration de France Télévision pour la simple raison que ce conseil n'existe pas.

La « présidence commune » est en partie une fiction puisque France Télévision n'a pas la personnalité juridique , la loi de 1989 n'ayant pas créé une holding. Le président de France Télévision est à la fois président-directeur général de France 2 et de France 3, et responsable devant les conseils d'administration respectifs de chacune des deux chaînes. Les directeurs généraux des deux chaînes, qui sont les mandataires sociaux de chaque société, ne sont pas prévus par les statuts. Leur création résulte à la fois des travaux parlementaires (le législateur ayant évoqué ces fonctions sans les prévoir explicitement), et d'une délibération des conseils d'administration. Ils exercent leurs fonctions sous l'autorité du président-directeur général. Par tradition historique, celui de France 3 est plus autonome que celui de France 2.

Ce qui relève à la fois de France 2 et France 3, comme le sport, par exemple, est géré par la présidence commune.

En outre, le président de France Télévision a reçu un mandat large de la part du conseil d'administration. C'était le 7 janvier 1994. Depuis, il n'a pas été modifié. Il aurait pu l'être, comme l'a reconnu le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel :

« Le Gouvernement veut que les contrats soient soumis aux conseils d'administration des chaînes. Parfait. Il suffit que le conseil d'administration modifie les délégations de compétence qu'il a votées en 1994 au président de France Télévision » (Hervé Bourges, EDJ, 23-29 mai 1996).


Selon les déclarations mêmes du contrôleur d'État, les contrats et leurs avenants n'ont pas été visés par lui.

Il déclarait, en effet, lors du conseil d'administration du 4 avril 1996 que « pour les contrats de production déléguée, ou les émissions de divertissement, le contrôle d'État qui voit ou voyait les contrats des animateurs quand ils étaient salariés n'a pas connaissance, en l'état actuel des pratiques, des contrats passés avec des producteurs délégués indépendants. Ceci dit, j'ai regardé globalement l'évolution globale [des contrats] pour France 2, sur les années 1990-1994 (...) ». Le directeur général de France 2, M. Hadas-Lebel, lui a toutefois fait remarquer que « son prédécesseur avait demandé au directeur financier communication d'un certain nombre de ces contrats" et que ces contrats lui avaient été communiqués ».

Indiquant qu'il ne voulait pas rajouter ses propres investigations à celles de la Cour des comptes et de l'audit, le contrôleur d'État a cependant précisé qu'il « n'était pas impossible qu'après que cet audit soit terminé, je regarde l'ensemble de ces contrats. Mais il est très difficile de porter une appréciation sur le prix d'un contrat. Cela dit, on peut regarder l'économie générale de ces contrats ».

Plus généralement, aucune procédure de contrôle des engagements financiers de France 2, de sa stratégie et des moyens utilisés n'a fonctionné.


• Le Conseil supérieur de l'audiovisuel
n'a pu exercer de contrôle car la loi ne lui donne aucun pouvoir en ce sens.

Le ministre de la Culture a, devant le Sénat, le 9 mai 1996 lors d'une séance des questions d'actualité, réaffirmé qu'il n'appartenait pas au CSA d'assumer le contrôle financier des chaînes publiques, mais que ce rôle revenait à l'État.

Le bilan de l'exécution du cahier des charges de la société nationale de programme France 2, ne relève aucun manquement à l'application de la deuxième phrase de l'article 34 du cahier des charges d'après laquelle « la société rend compte régulièrement au conseil d'administration des contrats pluriannuels passés avec les producteurs indépendants » .

Toutefois, aucune disposition de la loi de 1986 ne donne compétence au CSA pour élaborer le cahier des charges des chaînes publiques . Le 17 janvier 1996, le président du CSA, M. Hervé Bourges, a plaidé pour que le conseil puisse apprécier l'exécution de certaines des missions confiées aux chaînes publiques « d'une façon moins rhétorique qu'actuellement » , ce qui est une façon de reconnaître les limites du contrôle du CSA. Il a par ailleurs avancé l'idée que l'État lie davantage l'attribution de parts de redevance aux chaînes publiques à l'accomplissement de missions qui devraient être « détaillées et valorisées » , et mette en oeuvre une politique de budgétisation par objectif.

À l'encontre de la gestion du président de France Télévision, le CSA ne dispose que d'une arme d'un maniement à la fois lourd et rapide : la révocation . Il peut en effet révoquer, à la majorité absolue de ses membres, les présidents des sociétés nationales de programme (article 47 de la loi du 30 septembre 1986).


• Enfin, le ministre en charge de la communication avait, dès son audition devant la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale le 10 octobre 1995, soulevé certaines interrogations :

« on peut légitimement s'interroger sur la présence d'animateurs-producteurs sur les chaînes de télévision publique, ainsi que sur leur trop grande « proximité » avec les personnes chargées des programmes sur ces mêmes chaînes. Dans une période où la transparence est recherchée dans tous les secteurs de la vie publique, c'est en tout cas une question grave qui sera examinée avec toute la rigueur nécessaire, lors de l'audit des sociétés publiques de l'audiovisuel » .

L'autorité de tutelle a donc été mal informée, si elle l'a été.

Quoi qu'il en soit de la réponse à cette question, il est évident que le Gouvernement n'a pas pris à temps l'exacte mesure de l'affaire.

Débat sur les contrats des animateurs-producteurs,

Assemblée nationale, le 6 novembre 1995 :

« M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la Culture : À propos des critiques qu'il a émises sur les contrats des animateurs-producteurs de France 2 - je lis aussi la presse ! -, je ferai les observations suivantes. La part élevée des ressources publicitaires dans le financement de France 2, mais aussi son profil de chaîne grand public obligent cette chaîne à avoir un niveau élevé d'audience, ce qui est difficilement envisageable sans le recours d'animateurs-vedettes. Il ne faut pas raisonner sur des chiffres bruts, qui ne donnent pas la rémunération réelle des animateurs, ce que votre rapporteur spécial précise d'ailleurs dans son rapport, mais il faut se poser quelques questions. Première question : est-ce que ces programmes apportent quelque chose au service public ? Deuxième question : est-ce que le coût de ces programmes est proportionné par rapport aux recettes publicitaires qu'ils apportent ? Je lisais ce matin que, par exemple, Michel Drucker coûte 80 millions de francs, mais rapporte 200 millions de francs de recettes publicitaires.

« M. Alain Griotteray, rapporteur spécial. Ce n'est pas vrai ! Même les gens de France 2 reconnaissent qu'il est impossible de quantifier la correspondance entre une émission et les recettes publicitaires. Nous ne pouvons donc pas le faire !

« M. le ministre de la Culture. Monsieur le rapporteur spécial, il faut éviter la polémique. La troisième question, la vraie question, est celle de la transparence. Lorsqu'une émission coûte 5 millions de francs, il faut savoir exactement combien elle coûte.

M. Michel Péricard. C'est vrai !

M. le ministre de la culture. Le reste est, à mon avis, un peu trop polémique . Je crois que tous les dirigeants des chaînes publiques sont prêts à affronter la transparence : elle ne leur fait pas peur. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite mener avec force l'audit qui permettra d'apporter, en toute transparence, les réponses aux trois questions que j'ai posées. »


• En définitive, seul le contrôle parlementaire a convenablement fonctionné.

Rappelons tout d'abord que le Sénat s'était déjà penché sur le prix de certaines émissions produites par le secteur public de la communication audiovisuelle, la SFP plus précisément. En 1979 déjà, une commission d'enquête « sur les conditions financières dans lesquelles sont produits les programmes des sociétés nationales de télévision » ( ( * )38) faisait état de quelques dérapages, d'une ampleur cependant moindre que celle que nous avons récemment connue.

À l'époque, la commission d'enquête avait mis en lumière les « intérêts croisés » résultant du cumul des fonctions de direction d'une société privée de production et de celles de présentateur dans une société de programmes, ainsi que les « rentes de situation » résultant d'une succession de contrats annuels avec un théâtre privé pour l'enregistrement public d'une émission célèbre consacrée au théâtre de boulevard... Si les faits ne sont pas comparables, la permanence de ces situations dérogatoires au droit commun ne peut que frapper.

Encore une fois, c'est bien le Parlement qui est à l'origine de la mise en lumière de certains dysfonctionnements de la présidence commune de France Télévision.

Outre le rapport de M. Alain Griotteray, député, rapporteur spécial des crédits de la communication audiovisuelle à l'Assemblée nationale, du 10 octobre 1995, on peut mentionner les analyses de fond du rapport de la commission des finances du Sénat sur les conséquences de la dépendance de France 2 à l'égard des ressources publicitaires sur la programmation : c'était en décembre 1995.

De surcroît, deux questionnaires des 18 avril et 7 mai 1996 ont préparé une mission de contrôle sur pièces et sur place, effectuée le 13 mai 1996, au siège de France Télévision ( ( * )39) . Cette mission a précédé l'audition conjointe par les commissions des finances et des affaires culturelles du Sénat du président-directeur général de France Télévision le mardi 14 mai 1996, avant l'audition le même jour de M. Jean-Pierre Elkabbach par le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Citons enfin l'audition par votre commission des finances du directeur général de France 2. M. Raphaël Hadas-Lebel, et du directeur général de France 3, M. Xavier Gouyou Beauchamps, le mercredi 22 mai 1996.

En outre, ce dernier a été entendu en tant que président de France Télévision par la commission des affaires culturelles, le 26 juin 1996.

4. Épilogue

La crise des animateurs-producteurs s'est conclue par la démission de M. Jean-Pierre Elkabbach, le départ de ses principaux collaborateurs et celui du directeur général de France 2, M. Raphaël Hadas-Lebel.

a) La renégociation des contrats

Le nouveau président de France Télévision, nommé par le CSA le 2 juin 1996, a entamé une renégociation des contrats, sur la base des indications fournies par la mission d'audit, qui avait calculé un montant de contrats sur la base d'une rentabilité fixée à 15 %, selon le tableau ci-après :

Chiffre d'affaires pour une rentabilité de 15 %

(En millions de francs)

1995/1996

Arthur

J.L. Delarue

M. Dumas

M. Drucker

J. Martin

Nagui

Chiffre d'affaires

101

124,5

44,7

89

141,2

95,7

Résultat avec la rentabilité de 95

34*

47,3

15,2

25,8

66

23

Diminution du chiffre d'aff. pour parvenir à 15 % de rentab.

22,2

33,8

10

14,6

53,2

10,1

Nouveau chiffre d'affaires

78,8

90,7

34,7

74,4

88

85,6

Nouveau résultat

11,8

13,5

5,2

11,2

12,8

12,9

* Pour une rentabilité estimée égale à la moyenne des cinq autres sociétés de production, soit 34 %

Source : mission d'audit

Les renégociations menées ont réduit les engagements pluri-annuels de France 2 de 347 millions de francs, sur un montant total de 850 millions de francs . Les économies nettes s'élèvent à 26 millions de francs pour le second semestre 1996 et à 69,6 millions de francs en 1997 , compte tenu du coût des émissions de remplacement (251 millions de francs). On est donc loin des 140 millions de francs d'économies estimées par les autorités de tutelle pour 1997, puisqu'il faut bien tenir compte du coût des émissions de remplacement .

b) Le renforcement du contrôle d'État

Un arrêté du 26 septembre 1996 a renforcé le contrôle d'État sur l'ensemble des chaînes du secteur public.

Sont désormais adressés au contrôleur d'État les évaluations des coûts des projets de grilles de programmes, la situation des effectifs, la situation de trésorerie, les états d'exécution du budget et les états périodiques de suivi du coût des grilles de programmes, les projets de contrats, conventions et marchés ainsi que leurs avenants, supérieurs à un seuil fixé par le contrôle d'État après consultation du président de conseil d'administration de la société concernée, ainsi que toutes les décisions portant sur les rémunérations et indemnités de toute nature supérieures à un seuil fixé selon les mêmes modalités.

B. LES CONSÉQUENCES À TIRER DE CETTE CRISE

Quel enseignement tirer de cette crise ?

Une plus grande vigilance s'impose à l'avenir pour France Télévision en raison de l'importance des montants financiers en cause. L'application correcte des règles de la tutelle devrait éviter toute nouvelle affaire de ce type, dont les conséquences sont préjudiciables à l'audiovisuel public.

1. La stratégie des animateurs - producteurs est-elle toujours adaptée ?

Pouvait-on imputer la dérive de la politique de France 2 vis-à-vis des animateurs d'émissions publiques à la nécessité dans laquelle se serait trouvée la chaîne d'accroître ses recettes publicitaires pour assurer son financement ?

Certains en ont douté.

En effet, France 2 a bénéficié d'une augmentation de la redevance et des subventions d'exploitation de 10 % en 1994 et de 8 % en 1995 (le budget initial prévoyait + 10 % par rapport à la réalisation de 1994). En incluant les subventions d'investissement pour la production, les variations sont respectivement de 10,8 % et - 0.6 % (contre + 1,1 % prévu en 1995).

La publicité a progressé à un rythme plus rapide que prévu et à peu près égal à celui des ressources publiques, si bien que la part des recettes d'exploitation de l'antenne en provenance de la publicité a pratiquement été la même en 1995 (46,4 %) qu'en 1993 (45,7 %). En incluant dans les ressources publiques les subventions d'investissement pour la production, cette part est passée de 43,8 % en 1993 à 46,4 % en 1995.

Ce résultat est dû à la progression du marché publicitaire et non à celle de l'audience, qui n'a pas progressé pendant cette période.

La part de la chaîne dans le volume d'audience total a même diminué, passant de 24,7 % en 1993 à 23,8% en 1995. La diminution est encore plus nette si l'on prend comme référence la part d'audience atteinte en mai 1994.

L'évolution en sens contraire des recettes et de l'audience se traduit par un accroissement du « prix » du service rendu par la chaîne, exprimé en francs reçus par la chaîne pour une heure reçue par un téléspectateur.

Celui-ci est passé de 31,5 centimes (32,8 en incluant les subventions d'investissement) en 1993 à 37,5 centimes en 1995. La ressource disponible pour le programme, hors frais de diffusion et charges indirectes de l'antenne ( ( * )40) , est passée quant à elle de 21,7 centimes (23 avec les subventions) à 27,3 centimes, soit une augmentation de 26 % en deux ans (19 % en tenant compte des subventions).

En outre, les émissions confiées à des animateurs-producteurs réalisent une performance inférieure à la moyenne générale en termes de rapport coût de programme/audience : 32,1 centimes par heure/téléspectateur en moyenne, contre 27,3 pour l'ensemble des programmes, en 1995 ( ( * )41) .

L'émission quotidienne « Studio Gabriel », animée par Michel Drucker, et, dans une moindre mesure, deux des émissions du samedi soir ( ( * )42) , sont les seules à apporter une contribution positive à la performance globale de la chaîne. En ne considérant que les émissions hebdomadaires, le coût moyen s'élève à 39 centimes par heure/téléspectateur.

Ces émissions ont-elles contribué à dégager des ressources au profit d'émissions plus conformes aux missions de service public de la chaîne ?

Un jugement définitif sur cette stratégie ne pourra sans doute jamais être porté, compte tenu du changement de la grille de programmes de la rentrée 1996, qui a exclu de nombreuses émissions produites par des animateurs.

2. La structure de la présidence commune de France Télévision

Très vite, les responsabilités structurelles, propres à l'organisation de France Télévision, sont apparues.

a) Les déficiences structurelles de la présidence commune

L'article 46 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication précise que les sociétés nationales de programme, France 2 et France 3 notamment, sont :

« soumises à la législation sur les sociétés anonymes, sauf dispositions incompatibles avec la présente loi, notamment en ce qui concerne la structure de ces sociétés et la composition de leur capital » .

Les dispositions dérogatoires sont notamment relatives à la désignation des membres des conseils d'administration ainsi qu'au mode de nomination du président de France 2 et de France 3 par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, et non pas par le conseil d'administration.

Cependant, si la loi du 2 août 1989 a prévu un président commun aux deux conseils d'administration, elle a maintenu la séparation juridique, économique et comptable de France 2 et de France 3.

Actuellement, France Télévision constitue une fiction juridique .

Elle n'a ni personnalité morale, ni budget propre. Le groupe dit « France Télévision » résulte d'une « union personnelle » , le président du groupe étant également président de France 2 et de France 3.

Il était donc devenu évident de clarifier les relations entre la présidence commune et les chaînes, ce que le législateur de 1989 n'a pas réalisé, dans un souci d'économie de moyens sans doute compréhensible à l'époque mais qui a révélé ses limites. Cette clarification était rendue nécessaire pour tirer les leçons de l'expérience tout en maintenant l'indépendance des sociétés du secteur public aussi bien à l'égard des Gouvernements que des corporatismes professionnels.

b) Les conditions de nomination du président de France Télévision

La crise de France Télévision a révélé, en second lieu, un fonctionnement très particulier des modalités de remplacement du président du groupe.

Depuis l'institution de la présidence commune, quatre présidents se sont succédé :

I - Décembre 1989 : Philippe Guilhaume

II - Décembre 1990 : Hervé Bourges

III. - Décembre 1993 : Jean-Pierre Elkabbach

IV. - Juin 1996 : Xavier Gouyou Beauchamps.

Pour la première et la troisième de ces nominations, les procédures mises au point par le Conseil supérieur de l'audiovisuel lui-même, comblant ainsi les silences du législateur, furent respectées : mais les présidents furent, l'un et l'autre et pour des raisons différentes, conduits à la démission (dans les circonstances dont chacun se souvient).

Les deuxième et troisième de ces nominations ont été acquises hors des procédures fixées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel lui-même , à la suite d'un accord rapide - discret mais connu - entre le Gouvernement et le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Le mode de nomination et de révocation du président de France Télévision devait donc être revu.

Tel a été l'objet d'une proposition de loi n° 477 présentée au Sénat le 27 juin 1996.

3. L'analyse succincte de cette proposition de loi

Le propos de ce texte figure ci-après résumé.

Économie de la proposition de loi n° 477 du 27 juin 1996

relative à la présidence commune de France Télévision

1/ La présidence commune est dotée de la personnalité juridique.

La proposition de loi dote France Télévision de la personnalité juridique et de l'autonomie financière, en créant une société holding chargée des questions communes aux deux sociétés nationales de programme . La création d'une telle société permettrait de combler les lacunes existantes. Son budget serait alimenté à parité par France 2 et France 3.

L'absence d'un conseil d'administration auprès de la présidence commune est en effet largement responsable des dysfonctionnements qui viennent d'éclater au grand jour. Le président commun à France 2 et France 3 a des pouvoirs très importants :

« Le président de la société assume sous sa responsabilité la direction générale de la société et la représente dans ses rapports avec les tiers.

Sous réserve que la loi ou les présents statuts attribuent expressément à l'assemblée générale ou au conseil d'administration, et dans la limite de l'objet social, il est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société ».

(article 20 des statuts de France 2)

En effet, un nombre croissant de questions communes à France 2 ou France 3, comme la politique des sports ou la politique des programmes de divertissement sur France 2, ont été traitées directement par la présidence commune, sans que les conseils d'administration de chaque chaîne aient été informes dans le détail.

L'affaire des contrats des animateurs-producteurs a amplement démontré que, faute d'un conseil d'administration du groupe dit « France Télévision », les contrôles pouvaient être déficients.

La création d'une structure de contrôle auprès du groupe France Télévision limitera les pouvoirs trop étendus dont dispose actuellement le président. L'exposé des motifs de la loi du 2 août 1989 avait pourtant prévu que le président aurait été assisté d'un « comité stratégique de coordination composé notamment des deux directeurs généraux », mais cette instance n'a jamais été mise en place.

La proposition de loi dote la présidence commun d'un conseil d'administration dont la composition, inspirée par l'article 5 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, renforce la présence de l'État. Les conseils d'administration placés auprès des deux chaînes verraient leur composition modifiée selon les mêmes modalités.

Le rôle des conseils d'administration serait précisé dans la loi. Leur contrôle sur les conventions serait notamment accru et compléterait celui joué par le contrôleur d'État.

2/ Un conseil d'orientation chargé de débattre de la stratégie des cha înes publiques serait créé auprès de la société holding .

Si les objectifs et la mission de l'audiovisuel public sont fixés dans les cahiers des charges, rédigés par le Gouvernement, et discutés au Parlement lors du vote des ressources publiques qui lui sont affectées, les moyens et la stratégie des chaînes publiques ne sont ni clairement débattus, ni précisés.

Un conseil d'orientation, associant les parlementaires, des représentants du Conseil supérieur de l'audiovisuel, des représentants des associations de téléspectateurs et des représentants des personnels serait créé.

Il serait consulté sur la stratégie générale de France 2 et de France 3, définie dans le cadre de la société holding, et sur les moyens de sa mise en oeuvre par chacune des sociétés.

3/ La nomination du président de France Télévision serait réformée.

Les dispositions actuelles de la loi du 30 septembre 1986 ne fixent aucune condition pour révoquer un président d'une société nationale de programme. Elles n'opèrent, en particulier, aucun lien entre la constatation d'un manquement grave au cahier des charges et l'adoption d'une telle décision.

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel dispose d'une totale liberté d'appréciation quant à l'opportunité d'une révocation. Celle-ci s'opère néanmoins sous le contrôle que pourrait exercer le Conseil d'État.

L'éviction d'un président de chaîne doit constituer la sanction majeure du non-respect par celle-ci de ses obligations ou d'une faute lourde de gestion de la part du président. En réalité, la révocation est d'un maniement délicat et d'un usage improbable, dans la mesure où le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'est que consulté pour la rédaction du cahier des charges des chaînes publiques et où il ne dispose pas de compétence pour contrôler leur exécution, y compris sous l'angle de la gestion. Le contrôle des actes de gestion est, en effet, de la responsabilité des conseils d'administration où siègent quatre représentants de l'État-actionnaire.

L'État, unique actionnaire, se trouve dans la situation paradoxale de devoir contrôler la gestion d'un président d'une entreprise publique qu'il ne peut ni nommer ni révoquer, tandis que l'instance qui le nomme et peut le révoquer, ne peut contrôler sa gestion.

La proposition de loi met fin à ce système à la fois ubuesque et déresponsabilisant.

L'État fixe déjà les statuts, approuve les comptes, joue un rôle prépondérant au sein du conseil d'administration de France 2 et de France 3, contrôle, via le contrôle d'État et la direction du Budget, la gestion de ces deux entreprises. Il détermine le montant des ressources publiques, approuvées par le Parlement, et établit les charges et les missions de chaque chaîne.

Il est donc proposé, dans un double souci de transparence réelle et de responsabilité totale, de confier au conseil d'administration de la société holding la nomination du président de France Télévision, ainsi que son éventuelle révocation.

C. LE RAPPORT DE LA MISSION D'AUDIT DU SECTEUR PUBLIC DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

Après avoir rappelé succinctement son environnement, le rapport s'attarde sur le fonctionnement et les coûts des sociétés du secteur public de la communication audiovisuelle avant de proposer des « schémas de réarticulation » et des « réorientations des liens entre les chaînes et l'État ».

Votre rapporteur s'attachera plus particulièrement à présenter les aspects financiers de cet audit.

1. Le financement du secteur public de la communication audiovisuelle

Les perspectives de financement sont, selon le rapport, préoccupantes .

Pour l'audit, la mixité des sources de financement doit être considérée comme une donnée durable, même si elle fait l'objet de critiques périodiques car elle crée des équivoques et des dérives : « la mixité des apports, si on fait en sorte d'en conserver l'équilibre et d'en proscrire les égarements, présente l'avantage d'entretenir une émulation marchande tout en évitant de conférer aux régies publicitaires le pouvoir de prescrire les programmes et d'organiser les grilles ». Sur ce point, l'audit se situe dans le droit fil des préconisations de la commission Campet (1989).

Confirmant les craintes de votre rapporteur pour l'exercice 1997, le rapport estime que « rien n'assure que le gisement de recettes publicitaires disponibles pour l'audiovisuel (...) et pour le secteur public en particulier continue de croître de 10 % par an, ni même qu'il demeure stable ». Les Français pourraient bien manifester une certaine lassitude devant la longueur des coupures publicitaires, ce qui conduirait les annonceurs à procéder à de nouveaux arbitrages dont la télévision pourrait pâtir.

Même si la réception hertzienne des chaînes généralistes demeurera dominante pendant une longue période, la perspective d'un foisonnement de canaux de diffusion nécessite de définir une stratégie et de fixer clairement un cap, ce qui n'a pas été fait jusqu'à présent.

2. Un secteur globalement bien géré

Les outils de gestion sont, en général, performants, même s'ils pourraient être améliorés.


• À France Télévision, l'approche par la tutelle se fonde sur une logique de reconduction annuelle, même si une simulation de plan quinquennal a eu lieu en 1996. En outre, les chaînes se voient refuser une partie des remboursements d'exonération sur lesquels elles comptent.

Votre rapporteur a, depuis longtemps, regretté que la procédure des contrats d'objectifs , prévue par l'article 21 de la loi du 17 janvier 1989 n'ait Pas été réactivée. Il s'agirait pourtant d'un instrument efficace pour le secteur public lui permettant de développer une stratégie cohérente sur le moyen terme . Il permettrait, par ailleurs, de clarifier et d'assainir les relations financières entre la tutelle et les chaînes, en assurant celles-ci de ressources sûres .

Les outils de gestion sont performants, et les procédures de contrôle internes sont, lorsqu'on les respecte, rigoureuses. La possibilité de comparer les comptes entre France 2 et France 3 pourrait être améliorée.


• À la SEPT - ARTE , la procédure de choix du programme mis à antenne - qui dépend du GEIE ARTE, basé à Strasbourg - ne facilite pas la maîtrise des coûts de la grille, dans la mesure où chaque pôle d'édition propose un chiffrage de son propre apport, qui constitue un coût théorique, alors que la programmation est du ressort du GEIE.


• À la Cinquième, des outils de gestion précis sont complétés par des procédures strictes de passation des marchés. Celles-ci sont importantes dans la mesure où la chaîne sous-traite l'intégralité de sa production.

Par ailleurs, les coûts internes et externes sont maîtrisés.


• À France Télévision toutefois, on constate un contrôle insuffisant des achats comme des productions, qui conduit à des dépréciations importantes. Il n'est pas normal , pour votre rapporteur, que, selon certaines informations, des programmes, parfois coproduits, soient mal montés ou inaudibles, voire mis au rebut, parce que la direction des programmes aurait changé radicalement de ligne éditoriale. France Télévision doit renforcer le suivi de ses coproductions pour éviter certains gâchis .

La maîtrise des coûts externes est toutefois plus facile que celle des coûts internes : des renégociations avec les fournisseurs (TDF, sociétés d'auteurs, abonnements à l'AFP) ont conduit à des économies. En revanche, les effets des plans sociaux de 1991-1992 ont été rapidement annihilés, à France 2, par un rattrapage des rémunérations des journalistes, intervenu en 1994, à France 3, par une augmentation des effectifs de 23 % de 1991 à 1995 , et de 25 % de la masse salariale.

Il s'agit là de l'une des évolutions les plus inquiétantes car elle prive France Télévision de marge de manoeuvre.


• À la SEPT - ARTE , la diminution du budget de production, que votre rapporteur avait relevée et qui est évaluée à 16 % de 1993 à 1996, est, selon l'audit, d'autant plus préoccupante qu'elle se traduit par une diminution sensible des stocks de programmes inédits, par une diminution du coût théorique de la grille et une augmentation corrélative des rediffusions. Dans le même temps, la chaîne possède un volume important de droits de diffusion non utilisés, ce qui constitue une anomalie majeure.


• La politique de diversification de la Cinquième est, en revanche, contestable. Les chiffres d'affaires prévisionnels de la filiale chargée de la commercialisation des produits dérivés. La Cinquième Développement, apparaissent particulièrement optimistes. L'utilité de certains instruments de la politique de communication, journal et association, ne paraît pas démontrée.

3. Des propositions pertinentes

a) Les propositions d'économies « internes »

Outre la renégociation des contrats avec les animateurs-producteurs, déjà évoquée, le rapport propose quatre mesures d'économies internes aux chaînes publiques nonobstant les modifications de structure du paysage audiovisuel français.

(1) Revoir la politique d'abandon de droits de France 2

Les programmes des chaînes sont amortis au fur et à mesure de leur diffusion. En principe, la part antenne d'une coproduction est amortie, en majeure partie, lors de la première diffusion, le solde étant amorti lors de la deuxième diffusion. Seule la Cinquième amortit 100 % du programme dès la première diffusion. Les dépréciations comptables sont enregistrées lorsqu'un programme n'est jamais diffusé ou lorsqu'il n'est pas rediffusé.

L'analyse des dépréciations a révélé leur niveau élevé pour France 2, résultant notamment de changements de ligne éditoriale trop fréquents.

Provisions ou abandons de droits pour les chaînes publiques

(En millions de francs)

1995

France 2

France 3

La Cinquième

Amort, entre 1ère et 2e diffusion

66 %/34 %

66 %/34 %

100 %/0 %

Provision pour non rediffusion

21

0

0

Provision programmes inédits

119

0

2,3

Abandon de droits non dépréciés

30

94*

0

Total

170

94

2,3

En % du coût de la grille

6%

3%

1 %

Source : mission d'audit du secteur public

de la communication audiovisuelle, juillet 1996

* Ces sorties avaient fait l'objet d'un amortissement dérogatoire à hauteur de 86 millions de francs

La mission d'audit souhaite, en conséquence, un contrôle plus strict des coproductions de la part de France 2 par un meilleur suivi des « pilotes », essais qui permettent d'abandonner ou de continuer une production au vu de leur qualité ou de leur impact.

(2) Rationaliser les unités régionales de production de France 3

Constatant une sous-utilisation de ces unités, représentant 7 % de la durée totale du travail, l'audit suggère soit que France 3 Production propose ces services à des diffuseurs privés, soit de « redimensionner » l'outil de production en allégeant les équipes de tournage.

Or, les contraintes excessives de la convention collective, maintes fois dénoncées par votre rapporteur, handicapent ces équipes sur le marché très compétitif de la production audiovisuelle et rendent peu probable leur utilisation par le secteur privé.

(3) Limiter les frais généraux des chaînes

Les effectifs des présidences et des services de communication des chaînes publiques sont particulièrement étoffés, comme l'indique le tableau ci-après.

Frais de structure des présidences et des services de communication

(En millions de francs)

1995

France 2

France 3

La Cinquième

La Sept

GEIE ARTE

Présidence

14

12

19

13

Service de presse et de communication

51

29

14

25

18

Total

58

36

26

44

31

Effectif de la chaîne

1 307

3 529

132

155

245

Total de ces 2 services /

effectif total des chaînes

4 %

1 %

20 %

28 %

13 %

Budget communication hors charges de personnel

55,8

19

29

30

20

Soit en % du coût de grille

2

I

8

7

/

Source : mission d'audit du secteur public de la communication audiovisuelle, juillet 1996

La mission d'audit préconise de réduire d'un quart les effectifs de ces services , ce qui induirait une économie annuelle de 20 millions de francs .

(4) Renégocier les dépenses de diffusion ?

Les coûts de diffusion, qui représentent des sommes importantes en valeur absolue, sont en diminution constante : depuis dix ans, la part de cette dépense a diminué d'un tiers, en métropole.

Évolution des coûts de diffusion pour les chaînes hertziennes

(En millions de francs)

1986

1996

Diffusion

En % du budget

Diffusion

En % du budget

France 2

487

20,3

514

10,5

France 3

442

16,5

552

11,1

La Cinquième/ ARTE

/

/

275

15,3

Total hertzien public

929

18

1 341

11,5

RFO

98

17

180

15,5

RFI

145

41,5

308

41,9

Radio France

370

20,4

534

20,1

Total RFO, RF, RFI

613

22,4

1 022

22,4

TOTAL

1 542

19,6

2 363

14,6

Source : mission d'audit du secteur public de la communication audiovisuelle, juillet 1996

Par ailleurs, les tarifs pratiqués par TDF sont voisins des coûts de diffusion dans les autres États européens.

Coûts de diffusion des concurrents européens

(En centimes)

Diffuseur

Chaîne

Coût horaire/

habitant desservi

Coût horaire/

km 2 desservi

Coût de la diff./

chiffre d'aff. de la chaîne

NTL

Channel 4

0,05

11,6

7,3 %

Deutsche Telekom

ZDF

0,12

28,3

8,8 %

TDF

TF1

0,08

8,7

6,4 %

Source : mission d'audit du secteur public de la communication audiovisuelle, juillet 1996

Dès lors, et même si des efforts de productivité et de restitution de ces gains de productivité aux diffuseurs peuvent être poursuivis, la disparition du monopole de TDF aurait un impact réduit .

En effet, TF1 a confié la diffusion de son programme à TDF, en exclusivité, contrairement au contrat précédent, et avec une baisse du prix ; dont le montant, communiqué à votre rapporteur, relève du secret des affaires.

L'introduction de la concurrence sur le marché de la diffusion hertzienne dépend d'une problématique nettement distincte de celle en vigueur sur le marché des télécommunications. Alors que celui-ci est en pleine expansion, le marché de la diffusion hertzienne en mode analogique est, par définition, un marché fini. Il en irait autrement si la transition vers la diffusion numérique était décidée par les pouvoirs publics. Votre rapporteur tient également à attirer l'attention sur la péréquation tarifaire réalisée entre les émetteurs par TDF , qui participe ainsi à la mission de service public d'aménagement du territoire, qui pourrait être remise en cause en cas de libéralisation « sauvage » de la diffusion hertzienne.

Enfin, l'abrogation éventuelle de l'article 51 de la loi du 30 septembre 1986 devrait s'accompagner de la sortie de TDF de la convention collective de l'audiovisuel.

Par ailleurs, les économies ponctuelles proposées par la mission d'audit suscitent les réserves que votre rapporteur a exposées supra au chapitre premier.

b) Les réformes du paysage audiovisuel public

(1) Les réformes non retenues

La mission d'audit écarte tout d'abord deux mesures radicales.

1/ La privatisation de France 2 amputerait le secteur public. Il n'aurait plus de poids suffisant pour que ses valeurs constituent une marque de référence pour l'ensemble du paysage audiovisuel. La privatisation affecterait l'équilibre économique du paysage audiovisuel français. La suppression de l'accès à la redevance de France 2 privatisée conduirait celle-ci à compenser cette perte de ressources par des recettes publicitaires.

2/ L'abandon de la diffusion hertzienne de La Cinquième et d'ARTE apporterait de substantielles économies, estimées à 225 millions de francs, compte tenu de l'audience des deux chaînes. La diffusion sur le câble limiterait cependant l'accès de chaînes de la connaissance et de la culture à moins de 10 % des foyers. En outre, pour ARTE, le traité franco-allemand, qui prévoit une « diffusion équilibrée » constitue un obstacle. Enfin, le chiffre d'affaires de TDF se trouverait sérieusement amputé, à moins de susciter l'apparition d'une nouvelle chaîne pour occuper le cinquième canal...

(2) Les réformes retenues

Elles sont au nombre de quatre :

1/ La transformation de la présidence commune de France Télévision en véritable société assurerait la transparence du fonctionnement de la société et clarifierait les relations entre la présidence commune et les directions des chaînes.

2/ La constitution d'un pôle public autour de France Télévision

mettrait un terme à la dispersion des initiatives du secteur public et un rôle de coordination des différentes antennes détenues par l'État (La Cinquième, la SEPT, RFO et l'action audiovisuelle extérieure) lui serait confié.

Les nouvelles initiatives du secteur public, telles la création de chaînes thématiques ou la diffusion numérique des programmes, pourraient être gérées par des filiales de France Télévision.

Cette rationalisation pourrait induire environ 50 millions de francs d'économies.

3/ La Cinquième et la SEPT-ARTE pourraient être fusionnées afin de rationaliser l'occupation du cinquième réseau, accroître la cohérence des programmes diffusés et supprimer quelques doublons dans les directions fonctionnelles.

Trois obstacles ne doivent pas être sous-estimés : les problèmes juridiques, la création d'ARTE résultant d'un traité, la complexité d'une éventuelle fusion, la différence de coût des programmes en raison de deux lignes éditoriales nettement différenciées.

Les économies attendues sont estimées à 70 millions de francs et seraient plus importantes si le taux de multidiffusion était augmenté.

4/ Le pôle français d'ARTE pourrait être alimenté par des productions issues de l'ensemble des chaînes publiques et non plus seulement de la SEPT

La mission d'audit préconise une réorganisation que votre rapporteur a, depuis l'origine, défendue et qu'il soutient, par cohérence évidente.

Néanmoins, la mission d'audit a mis en lumière les préalables qui devront être levés : la restructuration du pôle public, le maintien d'un niveau suffisant d'émissions en première diffusion, une négociation diplomatique avec le partenaire allemand.

Les économies attendues sont estimées à 100 millions de francs environ.

c) Les réformes des relations entre l'État et les chaînes publiques


Les rôles respectifs de l'État et du Conseil supérieur de l'audiovisuel gagneraient à être clarifiés.

Le pouvoir de nomination du CSA des dirigeants des chaînes publiques, dont votre rapporteur a analysé les ambiguïtés qu'il induit, présente un inconvénient majeur. Le CSA, directement intéressé à la réussite de la stratégie des dirigeants qu'il a choisis, devient juge et partie, alors qu'il devrait être un régulateur de l'ensemble du secteur audiovisuel.

Comme votre rapporteur, la mission d'audit se prononce pour donner à l'actionnaire unique, l'État, le pouvoir de nomination des présidents des chaînes publiques.

Le rapport sous-entend également de mettre fin à la désignation de représentants du CSA au conseil d'administration, ce qui est une évidence. En contrepartie, les pouvoirs du CSA en matière économique seraient renforcés en liaison avec le Conseil de la concurrence.


Les
liens entre la tutelle et les sociétés devraient évoluer.

Outre la remise en ordre de l'actionnariat de la SEPT (France 3 dispose de 45 % du capital sans jouer aucun rôle de direction), le rapport préconise de privilégier la logique économique sur la logique budgétaire et, à cet effet, de fixer des objectifs fondés sur des indicateurs de gestion, de responsabiliser les dirigeants des chaînes publiques à partir d'un mandat précis de l'actionnaire, dont la durée serait portée à cinq ans , et enfin de renforcer les pouvoirs du conseil d'administration.

D. LES QUESTIONS COMMUNES

1. Le siège

Les travaux de construction du siège commun de France 2 et de France 3 se poursuivent. L'abandon du projet n'est plus possible.

Cette solution eût pu être tentée il y a un an. Il paraît aujourd'hui trop tard pour l'envisager, vu l'état d'avancement d'un bâtiment qui n'est pas un immeuble de bureaux ordinaire et dont les spécificités compliqueraient sans doute la cession, sans pertes financières, à des repreneurs du contrat et des marchés en cours.

Au surplus et à supposer que pareille demande puisse aboutir rapidement, abandon, à ce stade, du projet de siège commun serait interprété comme le signe symbolique d'un changement de cap concernant le rapprochement des deux premières chaînes publiques.

Pour votre rapporteur, cette opération immobilière doit se faire sans surcoût par rapport à la situation locative actuelle . L'amortissement financier annuel du nouveau siège devrait être inférieur ou égal au montant annuel des loyers - soit environ 158 millions de francs - acquittés en 1994 pour les quelque 16 implantations du groupe.

La gestion financière de ce dossier apparaît saine.

À la fin juillet 1996, le budget paraissait pouvoir être tenu : les aléas s'élevaient à 54 millions de francs, pour un budget technique, hors charges foncières et frais financiers, de 1 109 millions de francs, soit 4,7 % du total. Ce chiffre peut être considéré comme satisfaisant par comparaison à d'autres opérations de cette nature et de cette ampleur.

À la même date, la maîtrise d'ouvrage disposait d'une marge de réserve de 70 millions de francs - dont 40 millions de francs provenant du solde d'une provision initiale pour aléas et 30 millions de francs provenant d'économies réalisées grâce à des « swaps » sur préfinancement - très supérieure au coût de travaux supplémentaires effectués au 31 juillet.

Plusieurs augmentations des dépenses ont été décidées :

1. Une surévaluation de l'enveloppe de crédit-bail prévue initialement, qui s'explique par la difficulté d'appréhender l'incidence d'une réglementation très pointue sur la mise en oeuvre d'un projet relativement complexe, est estimée à 33,1 millions de francs. Celle-ci a pour conséquence à terme une diminution des futurs loyers, mais dans l'immédiat une impasse à financer pour laquelle deux solutions ont été utilisées : le recours à l'autofinancement (+ 15,4 millions de francs) et une proposition de recours au crédit-bail immobilier.

2. Une revalorisation des ressources propres a été décidée pour répondre au point précédent, ainsi qu'à un rééquilibrage des apports en fonds propres entre France 2 et France 3. Initialement, le montant des ressources propres était fixé globalement à 263,3 millions de francs. Il a été porté à 284,6 millions de francs, soit une majoration de 1,3 % par rapport à l'enveloppe globale du projet de 1 738,5 millions de francs. Cette évolution s'est accompagnée d'un rééquilibrage des apports entre France 2 et France 3 pour la partie qui concerne les apports en fonds propres exceptionnels.

3. Enfin, l'enveloppe du crédit-bail mobilier passerait de 40,3 millions de francs à 52,5 millions de francs.

La transformation du contrat de maîtrise d'ouvrage délégué en contrat général s'est traduite par une légère économie chiffrée, dans l'état actuel du dossier, à 4,732 millions de francs.

La diminution de l'enveloppe prévisionnelle de frais financiers résulte des contrats d'échange de taux d'intérêts passés avec le Crédit lyonnais pour la durée du préfinancement et avec la Société générale pour celle qui couvre le crédit-bail. Ces contrats se traduisent par une économie estimée à 26,3 millions de francs.

4. L'existence d'une paroi moulée destinée à protéger l'immeuble de France Télévision des vibrations produites par la ligne RER C n'était pas initialement prévue.

Mais la SNCF ayant fait connaître en cours de négociations son intention de ne plus procéder, avant le 31 décembre 1997, à la pose de voies « STEDEF », France Télévision obtenait en contrepartie :

- l'autorisation de construire une paroi moulée, capable de la protéger de toute nuisance,

- le financement de cette paroi moyennant un prix budgété à 23,5 millions de francs. Pour la SNCF, ce prix est global et forfaitaire. Il vient en déduction du prix du terrain.

Le câblage du réseau Voie-Donnée-Image initialement écarté de cette phase a, dans un souci de rationalité, été réintroduit. La planification très en amont du câblage permet d'éviter des surcoûts inévitables.

L'avenant n° 2, qui a été soumis à l'approbation des conseils du 19 et 20 juin 1996, s'élève à 18 millions de francs H.T. en francs 1998. En conséquence, le marché « Meunier Promotion » est passé de 577,7 millions de francs (H.T.) à 593,6 millions de francs (H.T.), ce montant incluant une prime de risque globale de 24,1 millions de francs (H.T.). L'autorisation d'engagement inscrite au budget d'avril 1995 est de 598,3 millions de francs.

Des risques techniques demeurent. Mais ils devraient être assez aisément contrôlés. Il faut relever que l'on y a mis le prix. Selon la maîtrise d'oeuvre, le volume construit pour les studios a « nécessité des raffinements techniques qui sont comparables à ceux des centrales nucléaires : séparation, interposition de blocs de ressorts des parois extérieures de l'immeuble, contiguës à la ligne de RER et des parois du bâtiment ; coffrage intérieur de l'espace de studios nécessaire pour conjurer des trépidations de fréquences soniques » .

En revanche, on peut regretter que le projet ait été conçu sur la base d'une reconduction des surfaces existantes, sans réexamen de l'ensemble des besoins, notamment pour ce qui concerne les studios : France 2 dispose actuellement de trois studios et France 3, de deux studios. Additionner ces chiffres au sein du nouvel immeuble ne relève pas d'un grand souci de bonne gestion, ni d'un bon esprit d'économies... Et c'est pourtant ce qui s'est fait. Qui en porte la responsabilité ?

Le mot d'ordre a été de recréer, quasiment à l'identique, les conditions d'établissement de France 2 et France 3. Par souci de paix professionnelle, on n'a guère recherché, en amont de la programmation, les rationalisations envisageables. Un bureau spécialisé a été chargé de recenser les surfaces occupées par les deux chaînes et de les transposer dans le futur bâtiment commun. Les services concernés n'ont été consultés que sur l'exactitude de la transposition. Ce n'est qu'à la fin 1995 qu'une réflexion et Une consultation sur les besoins d'aménagement, activité par activité, ont été menées.

Le second principe retenu a été que le nouveau siège abriterait l'ensemble du groupe France Télévision. On peut s'interroger sur l'opportunité d'installer France Espace (la régie) et France Télé Distribution dans le futur site commun. Or ces deux entités travaillent pour d'autres clients que France Télévision, et cherchent à cultiver une image distincte.

Certains estiment même que l'on va manquer de place (pour 3 000 m 2 , soit 10 % de la surface) alors que l'immeuble est en cours de construction. C'est ce qui fait apparaître une insuffisance de préparation : ne pouvait-on prévoir que « le bâtiment n'a pas la rentabilité de surface attendue, certains compartiments de l'immeuble, de forme triangulaire, posant des difficultés d'aménagement » ?... Ne faudrait-il pas éviter une nouvelle affaire de LA VILLETTE !

Pour régler ce problème d'espace, il conviendrait de ne pas installer dans le futur siège commun la régie France Espace et France Télé Distribution.

2. Le personnel

a) L'absence de marge de manoeuvre

Le sauvetage financier du secteur public en 1990 avait eu pour contrepartie un plan social à France 2 et à France 3, en 1991-1992, dont le rapport de la mission d'audit constate que les effets ont été limités. À France 2, ils ont été contrebalancés par un plan de rattrapage des rémunérations des journalistes intervenu en 1994 ; à France 3, les effectifs ont augmenté de 23 % en 1991-1995 et la masse salariale de 25 % pendant cette même période.

Cette évolution est, sinon légitime, du moins largement explicable. L'extension des missions des chaînes (filiales de commercialisation, développement local, développement dans le numérique), l'intégration des structures de production, les requalifications d'emplois précaires en emplois permanents constituent autant de justifications non contestables.

Le poids de la masse salariale de France 3 s'explique également par le profil de ses journalistes, plus spécialisés et plus nombreux compte tenu des implantations régionales.

Toutefois, le poids de la masse salariale des chaînes publiques par rapport à leur chiffre d'affaires ou à leurs charges d'exploitation est tel qu'il confère au secteur public une grande inertie.

Le pourcentage des frais de personnel par rapport au chiffre d'affaires dépasse 50 % pour l'INA (61,5 %), RFO et Radio France, il est de 39,5 % pour RFI, 31 % pour France 3 et 14,7 % pour France 2. Seules les chaînes du cinquième réseau se rapprochent du ratio de TF1 (7,8 %) avec 7,6 % pour ARTE et 8,6 % pour La Cinquième.

b) La convention collective nationale unique

S'ajoute aux coûts de personnel le système ankylosant de la convention, négociée, en 1982, alors que le secteur public était en position de monopole, qu'il n'existait que trois chaînes hertziennes et alors que ni la diffusion par câble ni celle par satellite n'existaient. D'une certaine façon, la convention date de la préhistoire de l'audiovisuel...

La convention pénalise d'abord les salariés du secteur audiovisuel public.

La convention collective des personnels techniques et administratifs est une dérive du statut de l'ex-ORTF dont elle a hérité des défauts et les a conservés. Les rigidités les plus nocives concernent la classification des métiers et la très faible marge (0,70 % de la masse salariale) disponible pour assurer les promotions individuelles dont l'insuffisance, qui freine la valorisation des compétences, est démoralisante .

À France Télévision comme à Radio France, les emplois temporaires , pour des raisons inhérentes à la nature même de l'activité du secteur, représentent une part importante des effectifs employés. Une pression croissante s'exerce pour obtenir des tribunaux la requalification de ces emplois en contrats à durée indéterminée. La convention oblige à un recours important aux heures supplémentaires . Cette conséquence revêt trois défauts majeurs : elle est financièrement coûteuse, expose les sociétés à un risque d'illégalité corrélé à l'insuffisance de repos compensatoire, et pourrait contribuer à accroître les risques d'accidents de travail. Enfin, elle expose le secteur public à un risque de dénonciation de la convention de l'UNEDIC. Ce risque concerne le régime des cachetiers . La disproportion entre les indemnités versées et les cotisations perçues - respectivement 2,6 milliards de francs et 0,6 milliard de francs en 1994 - suscite des tensions avec l'UNEDIC.

Son caractère obsolète et stérilisant est un constat qui fait l'unanimité.

Le maintien en l'état de la convention collective perpétue des classifications professionnelles dépassées par l'évolution technologique ; et freine le secteur public dans des investissements techniques permettant au secteur privé de prendre une avance croissante en matière de productivité et l'adaptation aux réalités du temps présent.

À l'heure du numérique, le secteur public doit prendre conscience qu'il est désormais en compétition avec les diffuseurs, publics mais surtout privés, du monde entier . Si le secteur public ne veut pas être balayé dans les prochaines années, si les chaînes publiques ne veulent pas s'éteindre comme ce fut le cas des dinosaures, elles doivent s'adapter et moderniser leurs relations de travail, et, au premier chef, revoir cette convention.

Les techniques numériques révolutionnent les métiers de l'audiovisuel. À l'ancienne distinction entre le journaliste et les techniciens se substitue désormais la profession de journaliste-reporter, qui filme, monte et conduit l'entretien.

La convention handicape l'ensemble du secteur public . Les structures les plus dynamiques. La Cinquième, les opérateurs de l'audiovisuel extérieur, sont en dehors de son champ d'application. Les rigidités de la convention semblent, en effet, particulièrement inadaptées à l'action audiovisuelle extérieure.

c) Comment réviser la convention

Les lourdeurs et les risques d'une opération de dénonciation de la convention collective expliquent que la tutelle et les directions des sociétés excluent de l'engager, bien qu'on s'accorde à reconnaître que le statut quo présente des inconvénients d'une gravité croissante.

Plutôt que de dénoncer la convention, il faut donc la réviser. Ce ne serait pas une tâche simple. L'objectif serait de transformer le dispositif actuel en une convention de branche applicable à l'ensemble du secteur audiovisuel, public comme privé . Pareille réforme aurait l'avantage d'établir un certain nombre de dispositions minimales générales, à partir et au-delà desquelles chaque entreprise aurait la latitude et le devoir de régler ses problèmes spécifiques par des négociations particulières.

Pour progresser dans cette voie, trois difficultés principales sont à surmonter.

La première est d'ordre institutionnel : le partenariat syndical se situe au niveau de la branche alors que du côté des employeurs, il se situe au niveau du secteur.

La seconde tient à la réticence du secteur privé à entrer dans la concertation souhaitable.

La troisième tient au sous-dimensionnement fonctionnel des sociétés dans l'ordre des services de direction des ressources humaines ; il y aurait lieu d'en renforcer beaucoup les motivations et l'organisation, afin d'aider les dirigeants dans l'exercice de leurs responsabilités de gestion sociale.

Le choc provoqué par la dérive des contrats-vedettes, les préoccupations que crée la nécessaire rigueur budgétaire, les interrogations liées au développement du numérique et aux perspectives d'accroissement du nombre des canaux de diffusion se conjuguent entre autres facteurs, pour offrir une occasion momentanée et propice de réflexion approfondie et concertée, susceptible de déboucher sur une bonne réforme. Il serait dommage de la laisser passer.

Les tergiversations des employeurs du secteur audiovisuel public depuis plus d'un an s'expliquent mais ne se justifient pas . Il conviendrait désormais d'entamer une réelle négociation et de la conclure avant la fin de l'année 1997. La méthode adoptée jusqu'à présent n'est toutefois pas la bonne. Le regroupement des employeurs du secteur public au sein d'une association et la négociation au niveau de l'ensemble du secteur semblent des facteurs paralysants. Une démarche au sein de chaque entreprise devrait être parallèlement menée.

Mais la convention peut-elle être renégociée ? Les économies imposées ont drastiquement réduit les marges de manoeuvre : d'éventuelles revendications salariales (ou l'évolution des coûts salariaux en raison de reclassifications) ne pourront pas être financées par des redéploiements internes, mais par un appel au budget de l'État...

La qualité et la motivation des personnels répondant à la volonté politique d'affirmer la nécessité et l'identité du secteur public de l'audiovisuel devraient permettre de lever les obstacles, tout à fait compréhensibles, et chacun a bien conscience qu'il ne faut pas recommencer les erreurs qui, ailleurs, ont coûté si cher à la France.

Des écarts notables de rémunération existent entre France 2 et France 3, s'agissant des journalistes, permanents ou temporaires. L'établissement d'un siège commun ajoutera un critère à ceux retenus par les juges pour décider de l'existence d'une « unité économique et sociale ».

La revendication égalitariste est forte au sein de France Télévision ; elle pourrait, dans certains scénarios, s'étendre à Radio France. Ces revendications d'alignement s'accroîtront bien évidemment lorsque les deux sociétés se retrouveront dans le siège commun. C'est pourquoi la convention doit être renégociée avant le déménagement !

E. FRANCE 2 EN 1996

1. Le budget de 1996

a) Les ressources

Le budget 1996, tel qu'il a été approuvé par le conseil d'administration du 15 décembre 1995 pour un montant de 4 880,6 millions de francs, ce qui représente une progression de 2 % par rapport au budget 1995, soit + 97,1 millions de francs en valeur absolue, présentait des risques par rapport aux besoins de la grille de programmes exprimés en année pleine.

Toutefois, le dynamisme des investissements publicitaires de télévision qui s'est confirmé tout au long du premier semestre permettait de financer l'évolution prévisible des dépenses en 1996.

Ces éléments ont conduit France 2 à adopter un budget équilibré à hauteur de 117,5 millions de francs, soit une progression de 2,4 % par rapport à la loi de finances 1996.

Le chiffre d'affaires net de recettes publicitaires réalisé au 30 juin 1996 s'élève à 1 066,8 millions de francs pour un montant attendu, pour la même période, de 966,6 millions de francs (+ 10,5 %), soit un supplément de ressources de 100,2 millions de francs.

Dans ces conditions, l'objectif prudent de ressources publicitaires supplémentaires fixé par le budget modificatif 1996 à 117,5 millions de francs semblait réalisable.

Cependant, l'évolution prévue du marché publicitaire à la télévision pour la fin de l'année 1996 pourrait conduire à des ressources nettes supplémentaires à hauteur de 157 millions de francs, sous réserve du maintien de la conjoncture du marché publicitaire et d'une stabilisation de l'audience au niveau constaté au premier semestre 1996.

b) Les dépenses

L'objectif du coût de la grille de programmes de 2 270,3 millions de francs était inférieur à la réalisation de 1995 (- 6,9 millions de francs). Or à ligne éditoriale constante, la grille des programmes nécessitait au minimum 163,2 millions de francs d'investissements supplémentaires, résultant notamment :

- des effets de l'accord France Télévision/Producteurs qui porte le quota de production obligatoire de 15 % à 16% et permet d'affecter aux programmes de fiction, documentaires et jeunesse 76 millions de francs de moyens supplémentaires ;

- du glissement du prix des programmes (+ 2,5 % en moyenne) ;

- de l'inflation chronique existant sur le marché des films long métrage français de qualité ;

Grâce à des économies très sensibles obtenues par :

- la renégociation des grands contrats de flux et la suppression d'émissions,

- la réduction du volume d'achats de programmes au profit des coproductions en stock,

- la réduction ou l'abandon de certains objectifs,

L'écart entre les besoins et les chiffres du budget a été réduit. En outre, des économies d'environ 9,5 millions de francs ont été faites sur les dépenses hors programme par rapport au budget.

Mais par ailleurs, d'autres suppléments inéluctables de dépenses sont venus s'ajouter aux besoins spécifiques de la grille :

- les contributions (versements aux auteurs) calculées par rapport aux recettes publicitaires seront en augmentation de 4,8 millions de francs.

- l'augmentation des avances sur exercices ultérieurs (+ 5,6 millions de francs) qui concerne la réévaluation des droits relatifs à la Coupe du monde de football 1998 et des Jeux olympiques d'hiver 1998.

D'autre part, il convient de financer la participation de France 2 à hauteur de 8,5 % du capital de TPS décidée au printemps 1996, ainsi que le développement des chaînes thématiques, ce qui représente pour l'année une charge supplémentaire de 27,5 millions de francs.

En terme de coût de grille diffusée, le besoin supplémentaire par rapport au budget notifié en début d'année ressort à 129 millions de francs et l'augmentation du stock est estimée à 12,6 millions de francs.

Le résultat d'exploitation 1996 - hors charges exceptionnelles - devrait être un bénéfice de 20,8 millions de francs contre un bénéfice budgété de 27,7 millions de francs.

2. Les risques d'exécution du budget 1996

Le budget 1996 sera-t-il suffisant pour assurer la continuité de la ligne éditoriale inaugurée à l'automne 1994 et poursuivie en 1995 ?

En effet, deux objectifs nouveaux nécessitant 127,3 millions de francs de financement supplémentaire viendront s'additionner aux besoins courants de France 2 :

L'accord France Télévision/Producteurs, destiné à favoriser la production française, signé en 1994, portera le quota de production obligatoire de 15 à 16 %. Supplément d'investissement 1996 : 76 millions de francs.

La couverture des Jeux Olympiques, d'été d'Atlanta et du Championnat d'Europe de football, dont le coût total imputable à l'année 1996 s'élève à 51,3 millions de francs.

Le contrôle très rigoureux des dépenses tant de programmes que de charges générales a permis à France 2 d'économiser plus de 200 millions de francs de charges au cours des deux exercices écoulés.

Une réduction supplémentaire de 127 millions de francs destinée au financement des deux objectifs ci-dessus imposera des aménagements de la grille des programmes actuelle qui devront tenir compte des conséquences sur l'audience donc sur le niveau des ressources publicitaires.

Cette situation résulte également d'une diminution des ressources.


• Les ressources publiques s'élèvent à 2 653,1 millions de francs en retrait de 33,8 millions de francs par rapport au budget 1995, soit 1,2 %. Elles représentent environ 54 % de l'ensemble des ressources contre 56 % au budget 1995.

Cette diminution en valeur absolue, une première dans l'histoire de France 2, conduira paradoxalement France 2 à renforcer sa dépendance par rapport à la publicité, ce qui est contradictoire avec le souhait exprimé de voir réduire cette dépendance et alors que l'on insiste, avec raison, sur la nécessité de renforcer le caractère public de la chaîne.


• Le dynamisme des investissements publicitaires de télévision ont permis la progression des recettes nettes attendues pour l'exercice 1995, malgré une moins value sur les autres ressources propres (20 millions de francs). Les recettes en publicité ont été portées à 2 015,4 millions de francs, soit une progression de 1,6 % par rapport au chiffre réalisé en 1995.

L'objectif de 90 millions de francs d'autres recettes commerciales, fixé par la loi de finances, ne sera pas atteint, et ce, en dépit des efforts qui seront faits par la filiale de France 2.

Après cette correction, les autres recettes (parrainage et autres recettes commerciales) sont évaluées à 212,1 millions de francs contre 182 millions en 1995, soit une progression de + 16,5 %.

Dans le même temps, le coût prévisionnel de la grille (2 270,3 millions de francs) est inférieur à la réalisation 1995 de 12,7 millions de francs.

Malgré des mesures d'économies par rapport à la grille actuelle concernant principalement :

- la suppression d'émissions de flux ;

- la réduction du volume d'achats de programmes au profit des coproductions en stock (films, séries, téléfilms) ;

- la réduction ou l'abandon de certains objectifs, le respect de l'enveloppe budgétaire nécessitera un aménagement de la grille des programmes actuelle.

En effet, à ligne éditoriale constante, l'évolution du budget 1996 par rapport à 1995 nécessitera au minimum 130 millions de francs environ d'investissements supplémentaires indispensables au financement :

- du glissement inéluctable du prix des programmes (+ 2,5 % en moyenne) ;

- de l'inflation chronique existant sur le marché des films long métrage français de qualité en raison de la bataille que se livrent, sur le marché des droits pour la diffusion numérique par satellite, les opérateurs de bouquets, et qui se répercute sur le marché des droits diffusés en analogique ;

- des effets de l'accord France Télévision/Producteurs qui portera le quota de production obligatoire de 15 à 16 % et permettra d'affecter aux programmes de fictions, documentaires et jeunesse 76 millions de francs de moyens supplémentaires.

En outre, France 2 doit participer aux actions de développement et de diversification du groupe France Télévision dans le cadre des grandes orientations :

- protocole d'accord avec TF1 pour constituer un pôle de diffusion numérique de programmes francophones, utilisant le satellite Eutelsat ;

- création de chaînes thématiques nouvelles : Histoire, Fiction française ;

- coopération au niveau européen : Euronews, alliances internationales : NHK, ZDF, accords de production à caractère international : Beta Taurus Allemagne, Regency États-Unis ;

- développement de l'activité en réseau (programmes interactifs) et hors réseau (production et édition de CD-Rom et vidéodisques interactifs) ;

- adaptation aux nouvelles évolutions technologiques : son stéréo numérique NICAM.

Toutes ses missions pourront-elles être financées dans le cadre du budget existant ?

3. Les perspectives pour 1997

Lors du conseil d'administration du 15 novembre 1996. les perspectives du budget de France 2 pour 1997 ont été analysées.

Le projet de budget pour 1997 est identique au budget initial pour 1996, et en recul de 2,4 % par rapport au budget rectificatif de 1996 adopté par le Conseil d'administration le 30 septembre 1996.

Les économies demandées sur les programmes sont extrêmement élevées : 205 millions de francs.

Elles s'appuient sur des hypothèses selon lesquelles :

- la renégociation des contrats avec les animateurs-producteurs rapporterait 140 millions de francs. La réalité est différente : les renégociations ont permis de réduire le montant des engagements de 347 millions de francs, mais compte tenu de la nécessité de financer des programmes de remplacement, l'économie nette est de 96 millions de francs dont seulement 70 millions de francs s'imputeront sur 1997 ;

- les économies à réaliser à travers la gestion des stocks via de moindres dépréciations sont arbitrairement fixées à 60 millions de francs : les évaluations montrent qu'atteindre un objectif aussi ambitieux en un an à partir de notre stock actuel n'est pas possible.

En fait, compte tenu des effets reports et de l'évolution du coût des programmes, (notamment inflation des droits télévisuels et sportifs dans un univers de plus en plus concurrentiel), en l'absence de mesures d'économies, l'insuffisance de financement du budget 1997 est d'environ 350 millions de francs.

Ce budget amène à procéder à un choix entre :

- la modification de la grille de France 2 dans une perspective de maximisation des ressources publicitaires (suppression des émissions culturelles et des magazines d'information) se traduirait par une augmentation de l'audience auprès de la cible « ménagère de moins de 50 ans » de 0,6 % soit un gain de recettes publicitaires qui peut être évalué à environ 200 millions de francs par rapport à la grille actuelle. Sur le plan budgétaire, cette grille serait moins coûteuse que la grille actuelle (de l'ordre de 100 millions d'économies) :

- le renforcement d'une ligne éditoriale de « service public » .

Si cette ligne éditoriale était recherchée (avec par exemple l'arrêt des émissions de divertissement à compter du second semestre 1997), l'effet sur l'audience serait de - 1,4 % sur la cible précitée, de - 0,9 % sur l'audience globale, soit une perte de recettes publicitaires évaluée à 400 millions de francs par rapport à la grille actuelle. Cette grille permettrait en revanche des économies (de l'ordre de 150 millions de francs par rapport à la grille actuelle) mais qui ne compenseraient pas le manque à gagner sur les recettes publicitaires.

France 2 risquerait donc d'être acculée au déficit si sa ligne éditoriale actuelle est maintenue ou renforcée.

La réduction de l'engagement de France 2 dans TPS (la moitié de 8,5 % du capital, soit 4,25 %) a, par ailleurs, procuré une économie totale pour France Télévision de 110 millions de francs, la diminution des budgets de fonctionnement de service généraux représente 5 millions de francs, la renégociation des contrats avec TDF et Médiamétrie constitue 16 millions de francs d'économies.

Ces économies ne semblent pas suffisantes.

France 2 envisage désormais de « réexaminer, sans tabou, la configuration de France Supervision » et rappelle que l'arrêt de la diffusion représenterait une économie nette annuelle de 60 millions de francs.

Par ailleurs, l'objectif des 17 % du chiffre d'affaires investis dans la production audiovisuelle, tel qu'il résulte de l'accord avec l'USPA, et qui aurait dû être atteint dès 1997, pourrait être étalé, afin de procurer une économie de 48 millions de francs.

Ces deux derniers postes, imposées par le budget tel qu'il a été fixé par la tutelle, sont donc particulièrement inquiétants et significatifs des effets à moyen terme d'un programme de court terme et de courte vue. Les économies sur le développement technique et sur le soutien à la Production audiovisuelle, qui devraient constituer les deux axes prioritaires de la stratégie du secteur public, auront des effets plus dévastateurs que la rigueur un temps imposée...

F. FRANCE 3 EN 1996

1. Le budget de 1995

L'exécution budgétaire en 1995 s'est caractérisée par une réalisation supérieure aux prévisions (5 441,6 millions de francs contre 5 266,4 millions de francs prévus dans le compte d'exploitation), due essentiellement à la forte hausse des ressources publicitaires qui ont représenté 1 435.2 millions de francs contre 1 049,7 millions de francs prévus (y compris la collecte des montants reversés au CNC au titre du COSIP).

Ce résultat est d'autant plus remarquable que 240 millions de francs de ressources publiques ont été annulés à la fin de l'exercice 1995.

Les dotations en redevance ont diminué de 130 millions de francs (3 318,8 millions de francs effectivement versés contre 3 448,1 millions de francs prévus) et la compensation des exonérations de redevance a été moins importante que prévue de 110 millions de francs (97,8 millions de francs réellement versés contre 208,5 millions de francs prévus).

Malgré la suppression de ces ressources publiques, la maîtrise budgétaire maintenue tout au long de l'année et la progression supplémentaire des recettes de publicité ont permis d'obtenir une exécution budgétaire en large équilibre, avec un excédent de gestion de 90 millions de francs.

2. Le budget de France 3 en 1996

a) Le budget initial pour 1996

Lors de sa séance du 15 décembre 1995, le conseil d'administration a adopté un budget de fonctionnement et d'approvisionnement de programmes s'élevant à un total de 4 987,2 millions de francs, représentant le montant inscrit en loi de finances initiale majoré de 20 millions de francs destinés au développement régional.

Le budget constituait une très faible augmentation par rapport au budget 1995. de +0,8 %, soit une baisse en francs courants. Il impliquait des efforts très importants de reconduction, dont le caractère difficilement réalisable avait été souligné.

b) Le budget rectificatif 1996

Compte tenu de l'existence de marges importantes sur les recettes propres de la chaîne et de l'impossibilité de mener à bien de tels efforts de redéploiement sans de profondes réformes structurelles et d'organisation, France 3 a adopté, en septembre 1996, un budget rectificatif.

Le budget rectificatif s'élève à 5 150,7 millions de francs, soit une augmentation de 163,5 millions de francs (+ 3,3 %) par rapport au budget initial, financée par la mobilisation d'une partie des ressources de publicité attendues en 1996.

Le budget rectificatif n'évolue que de 2,5 % par rapport à la réalisation 1995, alors même qu'il intègre les coûts de production liés à la couverture d'événements sportifs internationaux, tels que le Championnat d'Europe de football et les Jeux Olympiques d'été à Atlanta, les effets de report du développement régional lancé en 1995 et les mesures régionales en 1996.

L'augmentation retenue conduit donc à une quasi stabilité du budget de France 3 en francs constants.

Les recettes réalisées ont été nettement supérieures aux recettes attendues.

Les recettes de publicité prévues dans la loi de finances étaient de 1 025 millions de francs. Elles avaient été portées à 1 050,1 millions de francs dans le budget initial 1996 afin de financer les 20 millions de francs de mesures nouvelles autorisées pour le développement régional et de compenser une moins-value de 3,1 millions de francs sur les exonérations de redevance et de 2 millions de francs sur les produits financiers.

Les recettes publicitaires inscrites au budget de France 3 ont été portées à 1 213,6 millions de francs (+ 163,5 millions de francs).

Les réalisations 1996 sur les huit premiers mois de l'année montrent, selon France 3, le « caractère tout à fait réalisable de ce chiffre, inférieur à la performance de 1995 ». L'excédent publicitaire devrait, en fait, être de 380 millions de francs, selon les dernières estimations de France Espace, auquel il convient d'ôter 17 millions de francs de « moins-value » probable sur le parrainage. Au total, l'excédent attendu se situe donc autour de 363 millions de francs. L'augmentation du budget à 1 213,6 millions de francs (+ 163,5 %) laisse donc une marge non utilisée de 200 millions de francs.

Ces estimations n'ont toutefois pas pris en compte le retournement brutal du marché publicitaire depuis le début du mois d'octobre 1996...

3. Les perspectives pour 1997

Lors du conseil d'administration du 15 novembre 1996. les perspectives du budget de France 3 pour 1997 ont été présentées.

Le projet de budget pour 1997 affiche une légère progression par rapport à 1996, mais n'intègre pas l'ensemble des coûts et notamment l'évolution du coût des programmes et la part des dépenses de personnel.

L'insuffisance de financement des charges est moins élevée qu'à France 2, mais peut être aujourd'hui évaluée à 150 millions de francs.

Le risque majeur pour France 3 est l'insuffisance des recettes commerciales. Le budget pour 1997 fixe à 1 585 millions de francs l'objectif à atteindre, soit 200 millions de francs au-dessus du résultat pour 1996 . Les prévisions budgétaires n'ont pas pris en compte le retournement du marché publicitaire intervenu au cours de l'été. Ainsi, les recettes de publicité devraient-elles progresser de plus de 14 % par rapport au résultat probablement réalisé en 1996 pour atteindre l'objectif fixé par le projet de budget. Ceci ne semble pas réaliste au vu de l'évolution actuelle du marché à laquelle s'ajoute l'impact non pris en compte du rallongement des écrans de coupure de TF1. Le risque d'insuffisance de recettes pour 1997 peut être évalué aujourd'hui à 170 millions de francs.

Au total, le déficit pour France 3 pourrait atteindre 300 millions de francs.

L'effort doit s'appliquer également aux chaînes spécialisées compte tenu du poids et de la durée des engagements financiers qu'elles impliquent. Dans ce contexte, la création de la chaîne spécialisée « Régions » serait suspendue . Ce projet supposant un financement estimé entre 113 et 126 millions de francs sur 5 ans ; cette suspension représente une économie de 47 millions de francs en 1997.

Enfin, France 3 avait mené depuis 1994 une importante politique de développement régional, avec la création de 5 pages pluridépartementales et de 8 éditions locales. Cette politique sera poursuivie mais à un rythme moins soutenu. Le lancement de plusieurs des opérations qui étaient programmées d'ici la fin de l'année 1996 a été suspendu, ce qui représente une économie en année pleine de 23 millions de francs.

Comme France 2, France 3 a réduit sa politique de développement afin de dégager 125 millions de francs d'économies ainsi réparties :

- réduction de l'engagement TPS : 55 millions de francs ;

- suspension de France 3 régions : 47 millions de francs ;

- suspension des opérations de développement régional : 23 millions de francs.

Les autres postes d'économies sur le budget, qui représentent 80 millions de francs, sont identiques à ceux de France 2 (renégociations des contrats avec TDF et Médiamétrie, économies de fonctionnement des services généraux, étalement de l'accord USPA).

II. LE CINQUIÈME RÉSEAU

S'agissant du rapprochement entre la SEPT - ARTE et La Cinquième, votre rapporteur s'est prononcé, dès décembre 1995, en faveur d'une « structure commune ». Dès l'origine, il a préconisé la création d'une holding créée avec des apports à 50/50 et non la fusion d'une chaîne avec l'autre, v oire l'absorption de l'une par l'autre .

Plus fondamentalement, il importe d'aligner la politique de diffusion de la SEPT sur ARTE-Deutschland et de mettre fin à l'isolement actuel de la chaîne vis-à-vis du secteur public.

En tout état de cause, votre rapporteur a toujours souligné que ce rapprochement était subordonné à la concertation avec notre partenaire allemand, en prenant exemple sur les méthodes germaniques : la SudWestFunk et la Süddeutsche Rundfunk n'ont-elles pas décidé de démarrer un processus de fusion qui durera... deux ans ?

Pour la SEPT - ARTE, c'est le GEIE qui a compétence pour la conception générale et la définition de la grille alimentée sur la base du principe de parité entre les deux pôles d'édition ; c'est lui qui en fin de compte choisit le programme mis à l'antenne.

Pour La Cinquième, la production est intégralement sous-traitée. Depuis début novembre 1996, un audit est conduit sur les quatre sociétés de production qui réalisent plus de 8 millions de chiffre d'affaires avec la chaîne.

Pour votre rapporteur, le rapprochement entre les deux chaînes passe par l'alignement de la politique de programmation de la SEPT sur celle de La Cinquième : la SEPT devrait donc sous-traiter sa production aux autres chaînes publiques françaises, comme ARTE - Deutschland le fait en Allemagne .

A. ARTE

ARTE poursuit heureusement son développement européen avec des accords conclus avec de nouveaux partenaires, comme les télévisions publiques suédoise, polonaise ou hongroise. La chaîne négocierait la reprise de sa diffusion sur un bouquet satellite que la chaîne suédoise SVT est en train de constituer avec des chaînes du secteur public scandinave et sur un autre bouquet satellite italien. Son audience demeure toutefois réduite.

Afin de tenter de réduire le coût de la SEPT-ARTE, le Gouvernement propose, dans le présent projet de loi de finances, des économies importantes qui imposent financièrement le rapprochement avec La Cinquième et anticipent, par là même, le projet de loi de réforme de la loi du 30 septembre 1986 .

La SEPT-ARTE réintégrera ainsi l'orbite du secteur public dont elle a toujours eu tendance à s'éloigner, invoquant le traité franco-allemand de 1992. Sans méconnaître ses spécificités institutionnelles, on peut s'interroger sur les raisons qui la conduisent à faire constamment « bande à part », comme en témoigne le refus récent d'adopter la signalétique sur les émissions de violence ou la politique autonome qu'elle mène en matière de diffusion par satellite .

Il est vrai que, selon un document de la chaîne ( ( * )43) , il existe une « conférence des programmes franco-allemande-belge-suisse-espagnole, souveraine à Strasbourg pour la diffusion sur ARTE » .

Le législateur de 1992 avait-il eu conscience de créer une chaîne « souveraine » ?

1. L'isolement de la chaîne

Les modes français et allemand d'alimentation de la grille sont très différents. ARTE Deutschland est essentiellement une structure administrative, par laquelle transitent avec ARTE les moyens en production mis en oeuvre par les grands réseaux publics allemands. Le coût est le plus souvent celui d'une diffusion sur ARTE, qui ne reflète pas, tant s'en faut, le coût total de production ou d'achat du programme. Le dispositif français, en revanche, assigne à la SEPT un rôle moteur dans l'alimentation de la grille d'ARTE et lui fait subir alors frontalement l'ensemble des coûts liés à cette alimentation d'ARTE .

Cette structure tend à isoler la SEPT dans le système audiovisuel français, à limiter ses échanges avec les autres diffuseurs, même si le nombre de coproductions augmente de façon incontestable, et à accroître le risque financier qui pèse sur elle .

Une diminution régulière du budget de production et d'achats de programmes. Le budget de production et d'achats de programmes de la SEPT ne cesse de diminuer ces dernières années.

(En millions de francs)

1993

1994

1995

1996

487

451

418

409

Cette diminution de 16% sur la période 1993/96 s'inscrit dans un contexte d'augmentation générale des coûts unitaires des achats et des coproductions.

La réduction régulière des crédits alloués au plan de production et d'achats de programmes se traduit par une situation inédite : le budget d'achats et de production disponible pour la SEPT (409 millions de francs en 1996) est devenu inférieur au coût prévisionnel de la contribution à la grille d'ARTE qu'elle a communiqué au pôle allemand (420 millions de francs).

Une insuffisance de stocks

Cette évolution est préoccupante dans la mesure où elle se traduit par une diminution sensible des stocks de programmes inédits. La valeur du stock de programmes à l'actif du bilan s'établit à 378 millions de francs fin 1995, contre 471 millions de francs fin 1992.

Cette diminution du budget de programmes a conduit la SEPT à rechercher les moyens de réduire le coût global de sa contribution à la grille d'ARTE.

La SEPT n'a qu'assez peu infléchi sa politique d'alimentation en programmes. Considérant qu'elle a pour mission de stimuler la création française et européenne, elle maintient une part élevée de productions comparée aux achats (plus des 3/4 du budget d'achats et de production de programmes ; environ 60 % du volume d'heures de programmes).

Par conséquent, le volume de programmes rediffusés a progressé de façon significative (50 heures supplémentaires prévues dans la grille de 1996), le niveau moyen de rediffusion, toutes cases confondues, étant porté à 20 %.

Puisque la SEPT doit approvisionner, selon un principe de parité - aménagé selon les genres d'émission - la grille d'ARTE et puisqu'elle ne peut proposer un nombre excessif de rediffusions alors que son budget de programmes régresse, elle doit redéployer son budget au profit des dépenses de programme ou renforcer la synergie avec les autres diffuseurs publics .

Le redéploiement de son budget, au détriment des frais de diffusion et en faveur du budget de programmes, est, en effet, peu réaliste.

Ce rapprochement avec les autres diffuseurs du secteur public, réclamé par votre rapporteur depuis plusieurs années, s'effectue progressivement. En 1995, la moitié des fictions ont été des coproductions avec France 2 ou France 3, et 30 % des documentaires ont été coproduits (dont 19 heures sur un total de 81 heures avec La Cinquième).

2. Les conditions du rapprochement avec La Cinquième

Le rapprochement avec La Cinquième devrait conduire à la constitution d'un pôle public de l'offre, financé quasi-exclusivement par des ressources publiques, voire budgétaires, nettement différencié du pôle public de la demande, constitué par France Télévision, au sein duquel le principe de parité des ressources, publiques et propres, c'est-à-dire publicitaires, impose une ligne éditoriale sensible au taux d'audience .

La première condition, déjà énoncée, réside dans une étroite concertation avec le partenaire allemand , afin d'éviter qu'il soit mis au pied du mur, comme lors de l'annonce, en 1992, qu'ARTE serait désormais diffusée sur le cinquième réseau hertzien, ce que nos partenaires allemands avaient appris dans la presse...

La deuxième est la parité , afin de respecter les spécificités des lignes éditoriales de chaque chaîne et surtout leur mode de fonctionnement quasi-antinomique : La Cinquième est surtout un éditeur qui diffuse et La SEPT un diffuseur qui édite .

En conséquence, ce n'est pas la fusion d'une chaîne avec une autre qu'il convient de privilégier mais la création d'une holding détenue paritairement par les deux chaînes - ce qui est fiscalement avantageux.

La troisième est la progressivité , en prenant exemple sur la SudWestFunk et la Süddeutsche Rundfunk qui ont décidé de démarrer un processus de fusion qui durera deux ans .

La quatrième est la modification de la politique de droits de la part de France Télévision, dont les programmes ne sont pas diffusables comme tels en Allemagne et dans le reste de l'Europe. Les grandes coproductions européennes de France Télévision ne comportent jamais la disponibilité des droits sur l'Allemagne. Si de tels programmes venaient à être diffusés sur la SEPT-ARTE, il faudrait en tirer les conséquences. Au demeurant, les émissions sur lesquelles les diffuseurs ont des droits vraiment étendus ne sont pas des programmes de patrimoine, mais des émissions de flux, ou liées à l'actualité, difficilement utilisables pour ARTE, en raison de la langue.

B. LA CINQUIÈME

1. Des analyses confirmées et entendues

a) La ligne éditoriale

L'an dernier, votre rapporteur s'était inquiété des « dérives » de la chaîne par rapport aux intentions initiales de la mission d'information du Sénat sur la télévision éducative. Il avait particulièrement insisté sur le « dérapage », lors de la rédaction du cahier des charges du 20 janvier 1995.

Certains, à l'époque, s'étaient étonnés de ces critiques. Force est de constater qu'elles ont été rejointes, voire dépassées par l'analyse que la mission d'audit a effectuée de la ligne éditoriale de la chaîne .

Rapport du 21/11/1995

Rapport de la mission d'audit du 31/07/1996

Le cahier des charges assigne un grand nombre de missions à la chaîne. Cette diversité et cette polyvalence portent en elles de grands risques. Le « dérapage » a bien eu lieu lors de la rédaction de ce cahier des charges beaucoup trop souple et trop ambitieux .

(


•) Il s'agit de lourdes missions pour une si jeune chaîne. Elles sont bien nombreuses. À trop vouloir courir de lièvres à la fois, on risque de n'en attraper aucun
, enseigne un vieux proverbe...

Le cahier des charges est trop ambitieux. Le nombre des missions assignées à la chaîne est excessif, ce qui oblige la programmation à multiplier les thèmes traités sans qu'une ligne éditoriale lisible ne se dégage . La chaîne est tenue d'articuler ses programmes autour des objectifs suivants : (...)

Soit ; et puis quoi encore ? Pourquoi pas, au-delà de la paix civile en Europe, réaliser la paix dans le monde ?

La Cinquième poursuit plusieurs objectifs à la fois. Elle en poursuit, sans doute, beaucoup trop. À force de cumuler les thèmes, de chaîne thématique, elle est bel et bien devenue une chaîne multithématique .

(...) La question de conserver ni même de confirmer une identité neuve : celle - ci n'existe pas (...) Cette chaîne fut vouée, lors de sa création, au « savoir, à la formation et à l'emploi ». Or, à aucun moment elle ne s'est située de façon univoque sur cette ligne dont le slogan fondateur était sans doute impossible à décliner dans les conditions assignées. Dès le début et mois après mois, La Cinquième s'est engagée sur une autre voie, au demeurant ambiguë, comme l'est par conséquence, à tout le moins et à ce jour, son image .

b) L'ouverture de la troisième fenêtre

Sur ce point encore, votre rapporteur avait, l'an dernier, noté le retard pris pour l'ouverture de cette troisième fenêtre, alors que celle-ci devait constituer l'élément majeur de l'originalité de la chaîne, comme l'avaient souligné nos collègues Pierre Laffitte et René Trégouët.

Votre rapporteur souligne donc l'étape importante que constitue la création de la Banque de Programmes et de Services interactive, qui permet de télécharger sur un micro-ordinateur, grâce à une fiche magnétique et à un code d'accès personnel, les émissions de la chaîne, par l'intermédiaire d'Internet.

Avec la BPS, l'utilisateur ne dépend plus de la diffusion à des horaires stricts. Il peut choisir et créer sa propre banque d'émissions qu'il peut consulter, à son gré, sur son micro-ordinateur, avec une qualité d'image très satisfaisante, grâce au numérique, et avec une puissance de stockage très supérieure à celle d'un magnétoscope classique. S'y ajoutent diverses fonctions, comme la sélection, le montage d'images...

Le mariage entre la télévision et le micro-ordinateur permet de « casser » le flux télévisuel et va permettre aux enseignants d'utiliser La Cinquième comme un instrument d'enseignement, adapté aux horaires du monde éducatif. Le temps télévisuel impose, en effet, son rythme, qui n'est pas celui de l'enseignant.

La facturation de ces émissions pose cependant un double problème. Celui du coût pour les écoles , et celui de la rémunération du droit d'auteur . Ce dernier problème est d'autant plus épineux à résoudre qu'une fois le programme téléchargé, il peut être copié autant de fois qu'on le désire. Il semble donc indispensable, faute de l'intervention du législateur, que l'éducation nationale négocie des prix forfaitaires de consultation et d'exploitation avec les organisations de gestion collective des droits.

L'an dernier, votre rapporteur avait rappelé que les sociétés de gestion des droits d'auteur auraient dû, selon la loi du 1er février 1994, passer avec l'Éducation nationale des « conventions prévoyant les conditions dans lesquelles les établissements d'enseignement et de formation (...) sont autorisés à réaliser et à utiliser à des fins pédagogiques des copies des programmes diffusés » par La Cinquième, ce qui n'a toujours pas été fait, alors qu'il avait attiré l'attention - par courrier du 17 février 1995 - des services du ministre de l'Éducation nationale.

En l'état actuel de la législation, les enseignants qui rediffusent dans leurs classes des programmes de La Cinquième, qu'ils ont enregistrés sur vidéocassette, ou qu'ils ont copiés sur la BPS, peuvent commettre une double infraction .

L'article L. 215-1 du code de la propriété intellectuelle soumet tout d'abord la mise à la disposition du public, ou la communication au public, d'un vidéogramme à l'autorisation de son producteur. L'article L. 216-1 du même code soumet ensuite à autorisation des entreprises de communication audiovisuelle la reproduction de leurs programmes, ainsi que la mise à disposition du public et la communication au public dans un lieu accessible à celui-ci moyennant paiement d'un droit d'entrée.

Toute fixation, reproduction, communication ou mise à disposition du public à titre onéreux ou gratuit ou toute télédiffusion d'une prestation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme réalisées sans l'autorisation, lorsqu'elle est exigée, de l'artiste-interprète, du producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes ou de l'entreprise de communication audiovisuelle, sont punies d'une peine d'emprisonnement de deux ans et de 1 million de francs d'amende .

S'agissant enfin de la première fenêtre, qui devrait conduire les autres diffuseurs du secteur public à collaborer avec la nouvelle chaîne, y compris par la fourniture et la reprise de programmes, on doit constater qu'elle se limite à la diffusion de bandes annonces. En outre, la publicité effectuée, dans les autres supports, comme la presse, en faveur de La Cinquième doit promouvoir les programmes de la chaîne et non ses producteurs . Votre rapporteur s'étonne d'une politique d'auto-promotion très personnelle d'un animateur d'une des émissions de La Cinquième, dont le contenu est, au demeurant, assez éloigné du titre, et qui s'apparente à une pâle imitation de 7/7.

2. Le budget 1995

a) Les ressources

Les produits de l'exercice 1995 s'élèvent à 1 117,2 millions de francs, les charges à 1 076 millions de francs et le résultat, positif, à 41,3 millions de francs. Le résultat d'exploitation est positif, 34,4 millions de francs.

La Cinquième aura perçu, au titre de l'exercice 1995, 298,5 millions de francs de redevance d'exploitation et 326,6 millions de francs de crédits budgétaires.

À ces deux postes, il convient d'ajouter une reprise de la subvention d'investissement à concurrence de 45,6 millions de francs, correspondant au financement des immobilisations corporelles et incorporelles, dont les parts producteur.

b) Les dépenses

Les charges d'exploitation hors dotations aux amortissements des programmes. se sont élevées en 1995 à 677,5 millions de francs.

En 1995, le budget affecté au financement des programmes diffusés s'est élevé à 473,5 millions de francs, soit 60 % des recettes totales de la chaîne. Ce chiffre élevé s'explique par les choix de départ qui ont présidé à la création de la chaîne, dont l'approvisionnement en programmes s'appuie sur la sous-traitance et dont les moyens de production internes sont en conséquence quasi inexistants.

Ce budget a permis de financer 4 840 heures de diffusion hertzienne et 261 heures de diffusion sur le câble.

Il n'a été cependant que partiellement consommé, à hauteur de 372 millions de francs : la pression exercée par la chaîne pour maintenir à un niveau bas ses coûts d'approvisionnement, l'importance du taux de multidiffusion des programmes - 53 % - qui correspond à une volonté éditoriale, la montée en charge progressive de la grille avec la mise en place en cours d'année d'émissions nouvelles, ainsi que la prudence des responsables de la chaîne qui ont attendu, avant d'acquérir des programmes onéreux, de mieux analyser les attentes des téléspectateurs, ont concouru à faire de l'année 1995 une année de mise en place. Ces ajustements progressifs ont donc joué sur le coût de la grille dont le budget avait été calculé en année pleine.

c) Les modifications de ressources lors de l'exécution du budget

Contrairement aux autres chaînes du secteur public de l'audiovisuel, une grande partie des recettes publiques de la chaîne (50 %) provient directement du budget de l'État, et plus précisément du chapitre 46-01 du budget (remboursement des exonérations de redevance). La redevance ne représente donc, dans le budget initial de la chaîne, que 43 % des recettes totales.

Cette répartition a cependant été modifiée en cours d'année.

Le budget 1995 de La Cinquième avait été initialement arrêté en loi de finances à 755 millions de francs. Un gel de crédits de 32,6 millions de francs, intervenu au mois de décembre 1995, a finalement ramené de 700 millions de francs à 667,4 millions de francs les ressources publiques versées à la chaîne, soit une diminution de 4,6 %.

Cette annulation de crédits s'est opérée par une annulation de la subvention d'investissement et par le versement à la société d'une redevance d'investissement de 42,5 millions de francs.

La transformation de la subvention d'investissement en recette d'exploitation a, en 1995, profondément affecté la structure du budget de la chaîne en raison des charges liées aux programmes : la modification comptable a eu pour effet d'augmenter le résultat comptable (de 40 millions de francs) et de conduire la chaîne à payer l'impôt sur les sociétés .

Le montant d'impôts et taxes inscrit au budget ne prévoyait pas le paiement de 25,4 millions de francs d'impôt sur les sociétés, auxquels il faut de plus ajouter une provision pour pénalités de retard de 2,5 millions de francs. La structure des recettes initiales de la chaîne comprenait en effet une subvention d'investissement de 75,1 millions de francs qui a finalement été ramenée à 42,5 millions de francs par la loi de finances rectificative.

Cette modification a eu deux autres conséquences .


• Le budget réservé au versement de la taxe alimentant le Compte de soutien à l'industrie des programmes était de 17,8 millions de francs ; les versements effectifs se sont élevés à 19 millions de francs. En effet, la redevance d'exploitation versée à la société est passée de 324,5 millions de francs à 341 millions de francs, soit une augmentation de 16,5 millions de francs, ce qui se traduit par une augmentation de 0,9 million de francs de cette taxe. Le solde de 0,3 million de francs s'explique par la présentation budgétaire qui retient les produits publicitaires pour leur montant net de Cosip.


• Les versements aux sociétés d'auteurs se sont élevés à 23,2 millions de francs alors que le budget prévu était de 15,7 millions de francs.

En effet, le budget avait été estimé alors que les négociations avec les sociétés d'auteurs n'avaient pas commencé. La logique de détermination de l'assiette en vigueur dans les autres sociétés avait conduit à exclure de cette base les crédits budgétaires versés sur le chapitre des remboursements d'exonération de redevance. Ce raisonnement n'a cependant pas prévalu lors de la négociation, pour des raisons tenant à l'importance de ces crédits dans le budget de la chaîne et à l'incertitude présidant chaque année à la répartition des ressources publiques entre redevance et crédits budgétaires. Ces derniers ont donc été finalement en majeure partie intégrés dans assiette de calcul. De plus, en 1995, le montant dû a fait, en application des clauses contractuelles, l'objet d'un abattement pour « montée en charge des programmes ». Ce surcoût de 7,5 millions de francs a été financé sans ressources nouvelles.

3. Les résultats de La Cinquième Développement

Le 5 décembre 1995, le conseil d'administration de La Cinquième a adopté le principe de la création d'une filiale à 100 %.

La Cinquième Développement a pour mission de développer un univers de produits et de services en prolongement des programmes, conformément à la mission éducative de La Cinquième.

Ses activités sont l'édition, coédition, codiffusion et labellisation de produits d'édition papier, audio, vidéo, de programmes et de services en ligne (Minitel et Internet). Le chiffre d'affaires de la société est de 1,13 million de francs en trois mois.

La société est créée depuis le 1er juillet 1996. Le résultat net comptable sur les trois premiers mois révèle un résultat déficitaire de 230 000 francs au lieu de 800 000 francs prévus budgétairement.

Les perspectives de résultat sur la fin d'année sont un chiffre d'affaires de 4 millions et une perte ramenée à 500 000 francs au lieu des 950 000 francs prévus. Cette amélioration s'explique en grande partie grâce aux bons résultats de la télématique, ainsi qu'à l'édition électronique.

Le secteur de la vidéo s'équilibre mais continuera à être développé avec prudence dans un segment du marché très limité et très concurrencé, dont la rentabilité est à moyen terme. À ce jour, le recul n'est pas suffisant pour juger des performances d'une politique d'exploitation sélective des droits dérivés vidéo.

4. La politique de communication de La Cinquième


• L'association créée par la chaîne, La Cinquième - l'association , propose actuellement dans 27 départements un ensemble de produits et de services pour aider les téléspectateurs à compléter leurs connaissances acquises à l'antenne et prolonger le lien social dans les régions, les villes et les quartiers.

Elle comptait, le 20 septembre 1996, plus de 7 600 adhérents et ce nombre devrait être porté à environ 10 000 avant la fin de l'année.

Eu égard à l'échelonnement des adhésions et aux frais de lancement de l'association, les charges 1996 qui s'élèveront à 5,3 millions seront couvertes cette année à hauteur de 30 % seulement par les cotisations (1,6 million) et 70 % par La Cinquième, mais cette proportion devrait être inversée en 1997.


• Par ailleurs, le mensuel des programmes de La Cinquième compte aujourd'hui 8 300 abonnés (3 800 en direct et 4 500 via l'association).

Ce résultat a été obtenu en moins d'un an et le seuil d'équilibre est aujourd'hui estimé à environ 15 000 abonnés.

5. La politique publicitaire de La Cinquième


Des résultats plus faibles qu'attendus

En 1995, le chiffre d'affaires réalisé a été de 13,2 millions de francs. En 1996, par une politique commerciale volontariste, la chaîne a un objectif de chiffre d'affaires de 26 millions de francs qui devrait être tenu. Le taux de croissance du chiffre d'affaires d'une année sur l'autre est donc de 97 %.

Le nombre de marques présentes à l'antenne de janvier à septembre 1995 était de 114, sur cette même période en 1996, il est de 209, soit un taux de progression de 83 %.

Le démarrage de la commercialisation des espaces de La Cinquième s'est fait plus tardivement que prévu : en effet, le refus des annonceurs d'investir sur les écrans de la chaîne tant que ses scores d'audience ne seraient pas publiés par Médiamétrie s'est traduit par un début d'activité en juin, soit un décalage de 5 mois par rapport aux prévisions élaborées lors de la préparation du budget. Au total, 6,9 millions de francs seulement ont été collectés sur le marché publicitaire, contre 25 millions de francs initialement prévus. Les recettes issues du parrainage (2,7 millions de francs) sont relativement décevantes au regard des ambitions initiales, mais s'expliquent par le manque de notoriété de la chaîne.

Pour 1997, si la progression de l'audience reste celle qu'elle a connue en 1996, une augmentation de 20 à 25 % des recettes publicitaires est étendue.


Le choix de la régie

La Cinquième a choisi la régie IP.

La Cinquième, du fait de sa diffusion diurne, induit un chiffre d'affaires nettement moins important qu'une chaîne qui émettrait également en soirée. Les taux de régie (15 % en 1995, 22 % en 1996) n'ont procuré qu'un revenu de régie de 2 millions de francs pour 1995 et 5 millions de francs pour 1996 (le chiffre d'affaires publicitaire ayant progressé de 97 %).

Ce taux élevé de commission s'explique aisément. Le chiffre d'affaires de France 2 est de 2,6 milliards de francs, celui de France 3 est de 1,4 milliard de francs. France Espace peut donc proposer des taux de régie faibles (de 4 à 7 %) qui s'élèvent cependant, en valeur absolue, à environ 200 millions de francs.

Par ailleurs, La Cinquième est une chaîne d'affinité thématique qui requiert une commercialisation qualitative très différente de celle pratiquée sur les chaînes nationales qui jouent la puissance. À ce titre, la part relative des recettes du partenariat est deux fois plus élevée sur La Cinquième que sur les autres chaînes (12 % versus 6 %).

La commercialisation des espaces publicitaires s'apparente davantage à celle de la presse magazine qu'à celle des chaînes puissantes et généralistes. Ils sont plus diversifiés, les secteurs d'activités sont répartis différemment. En effet, les secteurs des services et des transports dominent par rapport aux secteurs alimentation et toilette-beauté, qui sont prédominants sur les télévisions généralistes.

La chaîne, en phase de lancement et dotée de missions spécifiques, a dû affirmer son identité par un travail de prospection sur le marché publicitaire interdisant toute forme de « commercialisation groupée » avec d'autres chaînes.

La régie IP, sans autre contrat avec un diffuseur en France, mais disposant d'un savoir faire avec RTL 9, a investi en temps et en personnel (4 commerciaux, 3 personnes au marketing et un service partenariat) sur une chaîne en démarrage, alors que France Espace n'était pas candidate pour prendre La Cinquième en régie, en 1994, en raison des surcoûts élevés que cela aurait fait peser sur ses structures .

III. RADIO-FRANCE OUTRE-MER

La situation de RFO a fait l'objet d'un rapport spécial de la mission d'audit du secteur public. RFO assure la présence du secteur public de la communication audiovisuelle sur 34 écrans et fréquences dans neuf communautés insulaires.

RFO est néanmoins indispensable. Sa réforme s'avère donc nécessaire pour diminuer les coûts et améliorer le service rendu à nos compatriotes d'outre-mer.

A. LE COÛT DE LA CONTINUITÉ TERRITORIALE

Avec un budget de 1179,6 millions de francs pour 1997, RFO absorbe 10,1 % du produit de la redevance pour 2 % de la population (à laquelle il faut ajouter les francophones qui reçoivent les programmes de RFO dans les pays limitrophes).

1. Les recettes

Le fait le plus marquant au cours de ces dernières années est la baisse des recettes publicitaires de RFO, afin de rendre viables les télévisions locales .

La publicité est - ou plutôt était - présente sur à peu près toutes les fréquences de RFO. La recette nette pour RFO représentait en 1994 une somme de l'ordre de 100 millions de francs (hors parrainage). Cette ressource a connu un recul important en 1995, suivi d'une nouvelle chute à partir du 1er juillet 1996. Ces évolutions programmées résultent des décisions gouvernementales en matière de programmes (abandon partiel, puis total des programmes de TF1) et d'interdictions de publicité sur le deuxième canal télévisée, et à la radio, dans les quatre départements d'outre-mer.

La prévision de recettes publicitaires nettes pour 1997 est actuellement de 34 millions de francs ; cette prévision, présentée comme « prudente », n'inclut pas les parrainages (recettes nettes en 1995 :

7,5 millions de francs.

2. Les dépenses

a) Les dépenses de diffusion

Elles représentent 20 % du budget de RFO et concernent TDF et France Télécom. Les économies, réalisées notamment depuis 1994, ont porté sur la renégociation de la convention avec TDF (le contrat conclu le 30 juin 1995 porte sur 170,7 millions de francs pour l'année 1995, contre 176,9 millions de francs en 1994) et la numérisation des canaux satellitaires (le coût a été réduit de 60,8 millions de francs en 1994 à 53,2 millions de francs en 1996). Ces économies ont toutefois été compensées par l'extension de la diffusion hertzienne pour résorber les dernières zones d'ombres importantes ou par l'augmentation du nombre de canaux satellites loués.

b) Les dépenses de personnel

Les surrémunérations accordées par RFO représentent un montant conséquent de son budget : 117 millions de francs pour les seuls agents permanents, soit 38 % des charges salariales et sociales totales. Rapportée au coût par habitant (560 francs outre-mer), cette charge représente, à elle seule, 85 francs par habitant.

À ce facteur salarial s'ajoutent les rigidités de la convention collective nationale unique dont les effets sont encore plus lourds outre-mer, compte tenu de la taille réduite des stations de RFO.

Par ailleurs, la mobilité entre RFO et les autres chaînes du secteur public paraît trop faible.

Extrait du rapport de la mission d'audit consacré à RFO

L'audiovisuel public coûte outre-mer deux fois plus cher qu'en métropole .

La volonté publique de développer l'offre audiovisuelle outre-mer a eu pour conséquence une croissance particulièrement forte du budget de RFO qui a été multiplié par quatre en francs courants depuis la création de la société en 1983 , tandis que ses effectifs permanents triplaient. Le niveau atteint en 1996, exercice qui enregistre les premiers effets de la restriction des recettes publicitaires, avoisine 1,2 milliard de francs.

Même après déduction des charges exceptionnelles et de celles afférentes à des missions extra-locales, cette charge est particulièrement élevée si on la rapporte à la population concernée, 2 millions d'habitants environ. Le coût moyen par tête atteint, en effet, environ 560 francs, soit plus du double des chaînes publiques de radio et de télévision à vocation métropolitaine (250 francs) .

Cet écart doit être apprécié en tenant également compte de ce que RFO ne bénéficie de recettes publicitaires et de parrainage que dans une proportion marginale (ces ressources qui ne représentaient que 10 % environ de son budget devraient être ramenées à quelque 3 % du fait des règles restrictives récemment adoptées ; le taux correspondant pour le reste de l'audiovisuel public atteint environ 24 %). Par ailleurs, le produit de la redevance audiovisuelle, qui n'est perçue que dans les DOM et à un taux réduit, ne dépasse guère 40 millions de francs. La plus grande égalité dans la desserte audiovisuelle des régions lointaines où la France exerce sa souveraineté a donc pour prix un transfert de ressources publiques qui est de l'ordre du milliard de francs.

L'objectif d'égalité devant le service public a un prix très différencié selon les régions concernées.

Le coût des diverses stations régionales de RFO (...) se situe pour les principales stations entre 63 millions de francs (en Guyane) et 80 millions de francs (à la Réunion). Cette dotation ne traduit que partiellement le coût de la présence audiovisuelle publique dans chacune de ces régions. Le montant ainsi réparti hors Paris ne représente pas plus de 43 % du budget global de la société puisque n'y sont pris en compte ni les factures de transmission et de diffusion techniques, ni les investissements, ni les dépenses du siège qui concourent indirectement à l'activité des stations. (...)

Le coût complet des principales stations s'établit sensiblement au-dessus de leur « budget notifié », puisqu'il oscille entre 135 et 185 millions de francs. Rapporté à la population concernée, ce même coût connaît cependant une dispersion extrême entre les diverses situations régionales :

En moyenne, ce coût est plus de deux fois supérieur dans les deux principaux TOM (960 francs environ) que dans les DOM (un peu plus de 400 francs). Cet écart traduit pour l'essentiel l'incidence cumulée d'un éloignement et de contraintes géographiques accrues, d'un nombre d'habitants plus restreint et de contraintes spécifiques tenant au bilinguisme (Tahiti) ou à l'équilibre de l'emploi entre communautés ethniques (Nouvelle-Calédonie) .

Cet écart pourrait être relativisé en prenant en compte le fait qu'à la différence de la situation de concurrence prévalant désormais dans les départements, les stations territoriales de RFO assument la seule présence télévisuelle en clair. Le transfert de ressources que cette mission implique est cependant d'autant plus élevé que les TOM ne sont pas assujettis à la redevance .

Les quatre stations des DOM qui, avec un coût complet proche de 150 millions de francs, ont un niveau de développement comparable, se différencient sensiblement en fonction de l'importance de la population desservie. Compte tenu de la forte densité démographique, le coût par tête à La Réunion (270 francs) est voisin de celui observé en métropole ; à l'autre extrême, en Guyane, ce coût rapporté à une population limitée atteint un niveau (1 200 francs) supérieur à ce qu'il est dans les principaux TOM.

Enfin, les TOM les moins importants méritent d'être considérés à part. En dépit d'un budget ne dépassant pas une trentaine de millions, le coût par tête de la présence audiovisuelle à Wallis-et-Futuna est élevé (plus de 2 600 francs) du fait d'une population limitée. À St-Pierre-et-Miquelon, ce même ratio atteint 10 600 francs. Ce dernier montant participe davantage du choix politique d'un niveau élevé de transferts publics à destination de ce territoire que d'une stricte réponse aux besoins d'information locale . L'investissement ainsi consenti serait mieux rentabilisé s'il pouvait concourir à la diffusion audiovisuelle francophone dans cette partie du monde .

B. DES RÉFORMES INDISPENSABLES

1. Une meilleure articulation entre RFO et les autres chaînes publiques

RFO doit sortir du ghetto et être mieux articulée avec le reste du secteur public .

Elle pourrait être intégrée, en tant que filiale, dans le holding de France Télévision que prévoit la proposition de loi n°477 du 27 juin 1996, déposée au Sénat. La mobilité des cadres dans tout l'audiovisuel public serait facilitée, la circulation des programmes et des émissions outre-mer serait accélérée.

Cette meilleure intégration à la politique audiovisuelle globale devrait également concerner l'action audiovisuelle extérieure. Des opérations conjointes entre RFO, TV5 et CFI pourraient être menées .

Enfin, une prise en compte plus grande de RFO au sein du secteur public pourrait se traduire par l'association de RFO au bouquet de programmes TPS dont il n'est pas normal que la chaîne ait été écartée .

Avec la transition vers la diffusion directe des programmes des chaînes métropolitaines, la mission de RFO devra profondément évoluer. La diffusion d'un programme local au sein des décrochages de France 3 rendra nécessaire une adaptation des tâches du personnel de la station .

La production audiovisuelle locale devrait être renforcée et les chaînes publiques métropolitaines faire davantage appel aux équipes locales de RFO afin de réaliser des reportages non seulement sur les DOM, mais également sur leur environnement régional.

2. Des économies possibles

Les budgets de certaines stations de RFO paraissent exorbitants .

Est-il raisonnable que l'on consacre - au nom de la continuité du service - presque 70 millions de francs pour financer une soixantaine d'emplois à la station RFO de Saint-Pierre-et-Miquelon (6 400 habitants), alors que cet archipel est situé à quelques kilomètres du plus grand marché audiovisuel du monde et du Canada francophone ?... Les mêmes interrogations valent pour Wallis-et-Futuna (36,4 millions de francs, pour desservir 13 700 habitants), ou Mayotte (32,3 millions de francs, pour 100 000 habitants).

À l'heure du numérique, cette situation paraît dérisoirement (ou délicieusement ?) anachronique .

Il existe certainement des gisements d'économies importants.

Ces économies pourraient permettre de dégager les ressources nécessaires pour mettre en oeuvre quatre projets de relocalisation (au siège parisien, à Tahiti, en Guadeloupe et en Guyane) qui représentent un coût total de 260 millions de francs.

a) En matière de diffusion

Actuellement, les populations desservies par RFO n'ont accès qu'à un petit nombre de chaînes télévisées, voire même à une seule.

La demande de diffusion directe des trois chaînes publiques métropolitaines est donc légitime , même si elle reste difficile, compte tenu des décalages horaires qui peuvent être importants, et onéreuse, les populations devant faire l'acquisition d'un décodeur et d'une antenne - d'autant que la diffusion s'effectue actuellement en bande C et non en bande Ku, ce qui permettrait l'usage d'antennes moins coûteuses.

Avec l'utilisation de la diffusion numérique, des économies peuvent être réalisées. Les chaînes publiques métropolitaines peuvent être diffusées à l'aide d'un répéteur sous la forme de trois bouquets numériques , le canal TV1 de la station locale de RFO étant préservé, l'un desservant la zone Caraïbe, l'autre l'océan Indien et le dernier, le Pacifique. Ce bouquet numérique pourrait associer la chaîne francophone TV5 et d'autres chaînes thématiques. Afin d'éviter un repli de RFO et de lui garantir une audience minimale, la chaîne pourrait reprendre les émissions, reformatées, de La Cinquième, et rediffuser des émissions des chaînes publiques, eu égard aux contraintes du décalage horaire, sur le canal qui lui serait dévolu.

La suppression du second canal télévisuel de RFO, lorsque le pluralisme existera, apportera une économie en année pleine de 85 millions de francs.

Par ailleurs, compte tenu du montant des frais de diffusion à Saint-Pierre-et-Miquelon (11 000 francs par habitant et par an), et de la présence d'un réseau câblé qui dessert la quasi totalité de la population en lui offrant une vingtaine de chaînes, on pourrait imaginer que ce réseau offre aux habitants de l'île l'ensemble des chaînes publiques françaises avec un décrochage local de France 3, et TF1.

b) En matière de ressources publicitaires

Il parait indispensable de remettre un peu d'ordre dans la collecte des ressources publicitaires de RFO et le recul des ressources brutes doit être en partie compensé par l'augmentation des ressources nettes.

Certains frais d'intermédiation semblent excessifs .

Ainsi, le ratio recettes nettes/recettes brutes a-t-il atteint, en 1995, seulement 47,8 %.

Plusieurs prélèvements sont, en effet, opérés sur les ressources publicitaires de RFO :


• Les « commissions délégués exécutifs » (30 % des recettes brutes) couvrent la rémunération d'Havas-DOM en tant que partenaire exclusif dans les quatre DOM et la Nouvelle-Calédonie, de Publi-Pacific à Tahiti.

Le délégué exécutif reverse la moitié de sa rémunération en cas d'intervention d'une agence extérieure, situation qui tend à se généraliser, car les conditions tarifaires (remises de groupage) y incitent.

Havas-DOM, filiale du groupe Havas, par ailleurs actionnaire d'un diffuseur concurrent. Canal +, sous-délégue la commercialisation de la publicité extra-locale à la société anonyme HM1, petite structure qui n'a aucun lien juridique avec Havas-DOM. En Nouvelle-Calédonie, Havas-DOM sous-délégue la commercialisation de la publicité locale à Havas-Pacifique, dont RFO est l'unique client, et qui gère aussi la mise à l'antenne des films publicitaires diffusés à la télévision.

La direction locale des deux structures est cependant parfois assurée par les mêmes personnes.

Les délégués exécutifs perçoivent aussi une rémunération importante sur les parrainages (2 millions de francs sur 9,5 millions de francs de recettes brutes), cette rémunération étant due même si la station RFO est en contact direct avec le « parrain », ce qui n'est pas normal .


Les « frais de mise à l'antenne » (FMA) rémunèrent l'intervention de la société ICV ( International Création Vidéo ), dont ils constituent la ressource majoritaire. La société prépare la mise à l'antenne TV de la publicité dans les quatre DOM en mettant bout à bout les spots des annonceurs. Le coût de l'intervention d'ITV, en hausse importante sur l'année précédente, représente 22 % des recettes brutes correspondantes, ce qui est manifestement excessif . Une nouvelle convention a cependant revus ce coût en légère baisse.


• Une commission destinée à R30 est assise sur les recettes publicitaires brutes de la radio (1 %) et celles de la TV, hors frais de mise à l'antenne (5 %).

Dans les faits, R30 est un démembrement de RFO, dont l'excédent des recettes sur les charges est affecté à des dépenses décidées par RFO (campagnes publicitaires par exemple) ; son rôle se limite à la comptabilisation et au contrôle des délégués exécutifs dont le rôle est celui d'un régisseur délégué et non d'une agence.


• Le dernier prélèvement est destiné à un fonds d'intervention, assis sur des recettes publicitaires brutes de la télévision, déduction faite, comme pour R30, des frais de mise à l'antenne.

Il permet de subventionner les PME locales qui veulent communiquer, par exemple, après le passage d'un cyclone. Les excédents éventuels sont reversés à RFO.

La mission d'audit qualifie ce dispositif « d'assez extraordinaire » et constate que « son degré d'efficacité ne paraît pas satisfaisant ». Seule l'intervention d'une agence de publicité apparaît réellement nécessaire.

La récession des recettes publicitaires doit s'accompagner d'une remise à plat nécessaire, au moins à terme, de ce dispositif .

IV. L'INSTITUT NATIONAL DE L'AUDIOVISUEL

A. LE BUDGET DE L'INA EN 1995-1996

1. Le budget en 1995

L'INA a terminé l'année 1995 avec un résultat budgétaire légèrement positif de 2,6 millions de francs, malgré une prévision budgétaire établie en début d'exercice, qui tenait compte d'un désengagement anticipé de TF1 et intégrait une perte prévisionnelle de 15 millions de francs.

Cette amélioration résulte de deux facteurs principaux :


• d'une part, les négociations menées avec TF1 ont permis d'atténuer, en 1995, l'incidence de ce désengagement et ont procuré un chiffre d'affaires supplémentaire de 16 millions de francs, constaté dans la décision budgétaire modificative,


• par ailleurs, la bonne tenue des produits de cession de droits sous forme d'extraits, mais aussi d'intégrales et le maintien des charges en deçà du niveau prévu ont accentué cette amélioration.

Ainsi, malgré la réduction de 3,8 millions de francs du financement de l'Inathèque, inscrit dans la loi de finances rectificative pour 1995, l'équilibre global d'exploitation de l'exercice a pu être maintenu.

2. Le budget en 1996

Le budget d'exploitation pour 1996 a été arrêté à hauteur de 636,5 millions de francs, en augmentation de 1,8 % par rapport à la loi de finances pour 1996 (+ 11,1 millions de francs).

a) Les produits

Le niveau des ressources prévu, fixé à 636,5 millions de francs, est en augmentation par rapport à la loi de finances. Il intègre le désengagement de TFl, et les objectifs de recettes contractuelles cohérents avec les résultats constatés en 1995.

La redevance et les subventions de l'État représentent 337,5 millions de francs, soit 54,6 % du total des recettes hors production immobilisée.

L'État a versé une subvention de 67,9 millions de francs correspondant au financement du Dépôt légal.


• Le montant des recettes contractuelles et des produits financiers est arrêté à hauteur de 280,0 millions de francs dans la loi de finances, en augmentation d'environ 4,5 %.


• Les hypothèses d'activités avec les chaînes publiques sont en légère augmentation par rapport à la loi de finances (+ 0,9 %). Elles prennent en compte l'ajustement des tarifs en matière de prestations d'archives, la stabilisation du chiffre d'affaires avec la SEPT-ARTE, arrêté à un niveau équivalent à celui réalisé au cours de 1995 (9,5 millions de francs), et l'inscription d'un objectif de recettes de 9 millions de francs avec La Cinquième.

L'obligation, pour ces deux chaînes, de reverser leurs archives à l'INA pourrait garantir de nouvelles recettes à l'institut mais nécessite au préalable la modification de la loi du 30 septembre 1986 .


• Les services rendus au titre de la formation aux ministères de la Coopération et des Affaires étrangères sont arrêtés à 3,6 millions de francs.


• Les prévisions de recettes commerciales (127,8 millions de francs) sont en nette progression (+ 9,1 millions de francs) par rapport à la loi de finances (118,7 millions de francs), malgré la perte du chiffre d'affaires avec TF1. Cet objectif tient compte d'une progression significative des activités de cessions de droits (environ + 4 % par rapport à la loi de finances).

Les produits financiers sont fixés à un niveau légèrement supérieur à celui de la loi de finances (7 millions de francs).

b) Les charges

Les charges de l'exercice 1996 s'établissent à hauteur de 636,5 millions de francs, soit une évolution par rapport à 1995 de + 1,8 % pour l'ensemble de l'INA.

Les charges de personnel représentent 57 % du budget, les achats et services extérieurs 26 % et les autres dépenses 19 %.

B. LES OBJECTIFS DE L'INA A U SEUIL DE L'ÈRE NUMÉRIQUE

Depuis 1995, il a engagé l'INA dans la mise sur pied d'un plan de développement à cinq ans, « INA 2000 » , dont l'ambition est de faire de l'Institut « l'entreprise publique de référence au service des professionnels », à l'ère du numérique.

En effet, l'émergence des nouvelles chaînes numérique et thématiques, satellitaires ou sur le câble, la progression du marché des programmes multimédia off-line et on-line, Internet notamment, créent un besoin de l'INA qui touche l'ensemble des métiers de l'Institut.

Le patrimoine audiovisuel sera fortement sollicité par les diffuseurs et les producteurs, (ventes d'extraits et d'intégrales) ; les formations , notamment aux nouvelles techniques, seront demandées par les professionnels en mal de familiarisation aux nouveaux outils, les procédés de recherche concernant la navigation sur les nouveaux réseaux, l'indexation et la recherche des images et des sons, les logiciels de traitement de l'image numérique 2D/3D et les procédés de restauration automatisée devraient répondre aux attentes des acteurs du marché.

L'Institut devrait se réorganiser en 1997 en trois unités de métiers qui auront pour deux d'entre elles des objectifs commerciaux de développement du chiffre d'affaires :

- Le Département des Droits Audiovisuels et de l'Archivage dont les missions sont d'exploiter au mieux le patrimoine audiovisuel de l'Institut et de conforter sa position auprès des grands diffuseurs français publics ou privés en matière d'archivage des fonds audiovisuels.

Un projet de mise en ligne des images de l'Institut sur réseau ATM, destiné au groupe France Télévision, a été retenu dans le cadre de l'appel d'offre « Autoroute de l'information ».

- Le Département de l'Innovation , qui regroupe la recherche, la production et la formation, dont l'objectif sera de développer de nouvelles formes d'écriture et de production, de former les professionnels aux nouveaux outils et aux nouvelles technologies de l'image, d'exploiter, en partenariat avec de grandes entreprises industrielles impliquées dans les nouvelles technologies numériques, les procédés de recherche demandés par les professionnels de l'audiovisuel.

- Le Dépôt Légal où le patrimoine audiovisuel français est mis à la disposition des chercheurs, étudiants et enseignants, et dont l'objectif principal sera de fiabiliser la collecte des 35 000 heures de programmes de la radio et de la télévision qui lui sont versées chaque année, de fidéliser les chercheurs, et de préparer le centre de consultation sera localisé à la Bibliothèque Nationale de France, en application de l'accord du 7 mars 1996, dès que les moyens budgétaires correspondants seront alloués par le budget de l'État.

Ce centre, qui sera sous la responsabilité exclusive de l'INA, offrira plus de soixante places de travail aux chercheurs qui pourront ainsi consulter les documents du dépôt légal de la radio et de la télévision et une sélection des archives audiovisuelles (constituées par l'INA antérieurement à la mise en oeuvre du dépôt légal). Prévue à l'origine pour une ouverture en 1997, cette installation sera reculée compte tenu du report de l'ouverture de la BNF.

L'ensemble de la mise en oeuvre des activités de conservation du patrimoine national représente, en 1996, 68 millions de francs, intégrant la phase provisoire de préfiguration de la consultation.

Le plan de développement de l'entreprise s'est fixé pour objectif d'accroître ses recettes commerciales de 30 millions de francs sur cinq ans.

C. LE PROJET DE LA CHAÎNE « HISTOIRE »

Ce projet illustre les difficultés pour le secteur public d'éditer une chaîne thématique en association avec le secteur privé dans le secteur de la communication audiovisuelle .

Le projet de chaîne Histoire, initié depuis près de deux ans, s'est heurté à deux obstacles : en premier lieu, réunir des actionnaires privés et publics ; en second lieu, présenter une exploitation équilibrée avec un financement assuré par les seuls distributeurs, l'État se refusant à financer seul cette nouvelle chaîne.

Les instructions des autorités de tutelle, lors du lancement de l'opération, prévoyaient pour l'actionnariat des dispositions sans doute trop précises .

La future chaîne devait, en effet, être mise en oeuvre par deux actionnaires publics, dits de référence, à parité dans le capital de la société d'édition : l'INA et la Sept/Arte. En outre, un actionnaire privé, qui s'impliquerait dans le capital de ladite société à un niveau significatif, qui pouvait atteindre celui des deux actionnaires de référence, devait obligatoirement être associé à la chaîne.

Ces dispositions ont été rigoureusement appliquées et le capital de la société qui devait éditer la chaîne de l'Histoire s'est trouvé réparti entre quatre actionnaires :

- INA : 26 %

- La Sept/Arte : 26 %

- Pathé : 26 %

- France Télévision : 13 %

Les 9 % restants étant réservés à un actionnaire étranger, qui aurait pu être History Channel par exemple.

Le protocole a été signé entre les actionnaires le 2 octobre 1995, en vertu duquel Pathé choisissait le président de la chaîne, tandis que la Sept/Arte désignait le directeur du programme et de l'antenne.

Or, durant le temps mis pour aboutir à ce compromis laborieux, le paysage des chaînes thématiques a évolué .

L'apparition de TPS, projet concurrent à CanalSatellite. a été à l'origine d'un conflit d'intérêt entre Pathé et France Télévision.

En outre, d'autres projets de chaîne histoire ont émergé (dont Planète Histoire) qui ont conduit les distributeurs (La Lyonnaise de Communication notamment) à remettre en cause les propositions de prix initialement faites à la chaîne Histoire.

L'État se refusant à participer au financement de ce projet, sa mise en oeuvre a été conditionnée par un engagement de distribution, par câble et par satellite, qui permette de rémunérer les dépenses de cette chaîne.

Pendant que se déroulaient ces événements, des négociations avaient lieu avec les distributeurs. La levée des exclusivités initialement imposées par les opérateurs (câbles et satellites) avait été obtenue. D'autre part, une rémunération compatible avec l'équilibre de la chaîne (2,30 francs par abonné et par mois) sur les services de base des différents vecteurs concernés avait été convenue.

Le principe d'un accord, intervenu en mai 1996, concernait pour le câble, La Lyonnaise de Communication et pour la distribution par satellite, TPS et CanalSatellite.

Si cet accord est confirmé par TPS CanalSatellite et La Lyonnaise, les conditions de viabilité économique de ce projet pourraient être respectées. Un compte prévisionnel de résultats a pu être établi, qui prévoit dans ces conditions pour la chaîne Histoire un retour à l'équilibre à partir de la sixième année de fonctionnement. Il reste cependant à déterminer le tour de table entre actionnaires publics et privés pour permettre la constitution de la société.

CHAPITRE V : LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE EN 1996

I. L'ÉVOLUTION DE LA LÉGISLATION SUR LE DROIT D'AUTEUR ET DES DROITS VOISINS

M. Francis Balle avait relevé, dans le cadre de son rapport, que certains aspects du droit de la propriété intellectuelle pouvaient constituer un obstacle pour l'activité internationale des opérateurs. Il comptait donc sur l'adaptation du dispositif existant, dans des domaines tels que la gestion des droits ou que les modalités de rémunération des ayants droit, au nombre des moyens juridiques dont il recommandait la mise en oeuvre.

Dès l'automne 1995, des discussions ont eu lieu à ce sujet entre les services du ministère des Affaires étrangères et les représentants des opérateurs. Il ressort de ces échanges que la solution aux difficultés existantes pourrait être recherchée dans un premier temps, plutôt que dans la modification de la législation en vigueur, dans l'amélioration des relations avec les chaînes nationales fournisseurs de programmes , d'une part, et avec les sociétés représentant les ayants droit, de l'autre. Il s'agit en effet de veiller simultanément à ce que les droits des auteurs et des artistes-interprètes bénéficient d'un haut niveau de protection, conformément à la tradition française, et à ce que les opérateurs transnationaux comme TV5 et CFI puissent s'acquitter de leurs missions dans des conditions satisfaisantes.

S'agissant des droits détenus par les « diffuseurs primaires », les nouvelles conventions de TF1 et de M6 devraient préciser les obligations de ces sociétés en matière de fourniture de programmes aux opérateurs de l'action audiovisuelle extérieure. Ce souci avait du reste déjà été pris en compte dans le cadre des nouveaux cahiers des charges des chaînes publiques nationales.

L'évolution des relations avec les représentants des autres ayants droit (auteurs, producteurs privés, artistes-interprètes) dépend des échéances fixées par les conventions et accords existants. CFI envisage ainsi d'ouvrir des discussions à ce sujet en 1997. Mais l'échéance principale concerne la renégociation de l'accord relatif aux programmes de fiction passé par TV5 en 1994 pour trois ans et qui présentait plusieurs particularités intéressantes et notamment, le principe d'une rémunération forfaitaire des producteurs privés et des artistes-interprètes, que votre rapporteur a toujours considéré comme le dispositif le mieux à même d'encourager l'action des opérateurs audiovisuels extérieurs tout en préservant les intérêts légitimes des auteurs et ayants droit .

L'élaboration de nouveaux instruments juridiques internationaux dans le domaine du droit d'auteur et des droits voisins est également susceptible de modifier la situation des opérateurs. Il en va ainsi du projet de « nouvel instrument » pour la protection des droits des artistes-interprètes ou exécutants, auquel des négociations vont prochainement être consacrées dans le cadre de l'OMPI. Ou encore, au plan communautaire, des réflexions engagées par la Commission avec la publication du « Livre vert sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information » , adopté le 20 novembre 1996 par la commission, qui pourraient déboucher sur de nouvelles propositions de directives dans ce domaine.

Il conviendra donc de veiller à ce que la définition de la position française dans le cadre de ces négociations prenne en compte les exigences propres à l'action audiovisuelle extérieure .

II. ÉVOLUTION DE LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE EN 1995 A. LE BILAN DU COSIP EN 1995 - 1996

1. Le bilan en 1995

a) Un financement de plus en plus franco-français

En 1995, le Compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels (COSIP) a financé 1 604 heures de programmes de stocks. Il a accordé 594 millions de francs d'aides, alors que le total des devis s'élève à 4,1 milliards. Les diffuseurs ont apporté 2 milliards de francs et financent davantage les oeuvres de fiction et les documentaires. Les apports de l'étranger sont de 559 millions de francs .

Pour une vision exhaustive du financement international de la production française, il convient cependant d'additionner aux exportations (453 millions de francs en 1995) les volumes financiers apportés en amont par les coproductions (464 millions de francs) et les préventes (73 millions de francs) réalisées auprès de nos partenaires étrangers. La baisse observée depuis 1991 se poursuit et les échanges internationaux (1,643 milliard de francs en 1991) sont passés l'an passé en dessous de la barre symbolique du milliard de francs (990 millions de francs en 1995).

Ce déclin s'explique par les décrets de 1991 et leurs fameux quotas imposant le tournage en langue française aux oeuvres dites « d'expression originale française ». La conséquence de ces décrets a été immédiate : les coproductions ont chuté de 62 % entre 1991 et 1995 . Depuis deux ans, un palier semble atteint et les échanges, qui étaient au plus bas en 1994, ont repris avec l'Europe alors que l'Amérique confirme son désintérêt. Toutefois les coproductions, qui finançaient 30 % de la production française il y a cinq ans, n'interviennent plus qu'à hauteur de 10 %.

On ne peut ignorer ce déficit de financement et l'on pourrait envisager une modification de la réglementation afin de tourner en langue étrangère des films du patrimoine français .

Les préventes se sont effondrées en 1995 pour tomber à 73 millions de francs, contre 282 millions de francs en 1993, les étrangers préférant bénéficier de leur part coproducteur. Quant aux ventes, certes en progression de 50% depuis 1991, mais relativement étales depuis trois ans, elles ne compensent pas ces baisses. L'année 1996 pourrait toutefois constituer une Meilleure année.

b) La production de fiction en hausse

Les résultats présentés ci-après concernent les seules oeuvres qui ont obtenu un soutien financier du CNC au titre de l'année 1995. Les commandes de La Cinquième ont été prises en compte pour la première fois.

Production audiovisuelle soutenue par le CNC en 1994-1995

Durée

(En heures)

Devis

(En millions de fr.)

Diffuseurs (En millions de fr.)

COSIP

(En millions de fr.)

1994

1995

1994

1995

1994

1995

1994

1995

Fiction

597

641

3 037,65

2 750,94

1 413,78

1 498,25

500,83

399,28

Animation

253

96

985,14

359,73

179,10

77,57

139,27

44,61

Documentaire

414

739

617,69

865,39

216,64

359,72

94,36

139,28

Magazine

41

98

31,29

51,16

15.92

27,76

3,35

5,3

Spectacle

14

30

40,73

47,40

30,89

16,92

2,20

5,92

Total

1 319

1 604

4 712,50

4 074,62

1 856,63

1 980,22

740,01

594,42

Source : CNC

En 1995, le volume horaire de fiction a progressé de 7 %. Ces oeuvres restent le genre prédominant dans les commandes des chaînes : elles représentent 40 % des durées et les deux tiers des devis présentés au COSIP. Trois quarts des apports des diffuseurs et deux tiers des apports du COSIP s'orientent vers les oeuvres de fiction. Depuis deux ans, les fictions devancent les longs métrages en terme d'audience : en 1995, téléfilms, séries et feuilletons occupent 41 des 100 premières places.

Principale cause de la hausse de la production de fiction, les séries jeunesse sont également responsables de la baisse du coût horaire moyen de la fiction. Le coût horaire moyen des fictions de 90 minutes reste stable à 6,2 millions, celui des « sitcoms » à 1,5 million. Seul le coût moyen des séries jeunesse baisse nettement : 4,2 millions en 1994, 1,9 million en 1995.

Les oeuvres chères constituent toujours l'essentiel de la production : plus de la moitié des heures produites ont un coût horaire qui dépasse 4,5 millions de francs par heure.

Les diffuseurs apportent désormais 55 % du montant total des devis contre 47 % en 1994 et 43 % en 1993. La hausse de cette participation est due à l'effort de certains diffuseurs et au taux de financement élevé des programmes par La Cinquième.

La part des apports producteurs dans les devis baisse fortement : 17 % contre 28 % en 1994. C'est une conséquence directe de la réforme du COSIP, puisque l'apport minimal du producteur imposé par la réglementation n'est plus fixé à 15 % mais à 5 % du montant du devis.

Les apports étrangers en coproductions et préachats sont en légère hausse : ils représentent 12 % des devis contre 10 % en 1994. Le quart des oeuvres de fiction sont des coproductions internationales (un cinquième en 1994). Neuf dixièmes de ces coproductions sont des oeuvres majoritairement françaises. Les oeuvres commandées par M6 et Canal + ont un niveau de financement étranger plus important que la moyenne.

c) TF1 est le principal investisseur

Parmi les diffuseurs, TF1 se distingue nettement. Cette chaîne a commandé, en premier diffuseur, 40 % des heures de fiction produites en 1995 . Elle a investi 678 millions de francs , soit près de 50 % des investissements des diffuseurs dans la fiction en 1995 (la part de TF1 était de 35 % en 1994). Ses investissements dans ce type de programme ont augmenté de 40 % en 1995.

TF1 se distingue également par le niveau élevé de financement de ses commandes : la chaîne apporte en moyenne 63 % des devis. En contrepartie, c'est le diffuseur qui investit le plus en coproduction (la part coproduction représente en moyenne 67 % de l'apport de la chaîne) : TF1 exploite en tout ou partie les droits de diffusion télévisuels des oeuvres qu'elle coproduit et se réserve presque l'intégralité des droits dérivés.

France 2 reste le deuxième principal investisseur dans la fiction (20 % des apports, 17 % des durées). La forte baisse des investissements de la chaîne en 1995 (- 40 %) s'explique en partie par la comptabilisation en 1994 des investissements dans la « Rivière Espérance ». Les investissements de France 3 sont, en revanche, en hausse de 16 % : ils représentent 204 millions, soit 14 % des investissements des diffuseurs dans la fiction et 9 % des durées commandées.

Avec 136 millions de francs investis. M6 est en très forte progression (+ 54 %), alors que les durées commandées sont équivalentes à celles de 1994. Le coût moyen des fictions commandées par cette chaîne augmente. C'est encore plus net pour les apports horaires qui passent de moins de 0,9 million de francs à environ 1,5 million de francs. La chaîne finance désormais plus du tiers de ses commandes contre le quart en 1994.

Avec 78 millions de francs investis, les apports de Canal + sont en légère hausse. Les apports de La Cinquième sont de 25 millions pour 57 heures commandées. La Cinquième apporte près de 70 % du financement des oeuvres commandées. Le coût horaire moyen des oeuvres commandées est beaucoup plus faible que pour les autres chaînes.

Sur un volume de production estimé à près de 5 milliards de francs en 1995, les ventes à l'étranger des programmes français ont représenté environ 450 millions de francs . Après la forte progression des chaînes thématiques en Europe, la marge de progression des exportations est désormais étroite. Depuis trois ans. le volume des ventes est relativement étale, en attendant le prochain saut quantitatif, celui du numérique. La France bénéficie de bons résultats, comparés à ceux des autres pays européens. Ainsi l'Allemagne, qui produit plus de mille deux cents heures par an. ne dépasse-t-elle pas 150 millions de francs de chiffre d'affaires à l'exportation, tous genres confondus.

Deux tiers des ventes sont dans les mains de dix sociétés, et 45 % sont le fait des cinq premières . La concentration du secteur est effective avec une prédominance des chaînes qui sont à la fois diffuseurs et distributeurs, ce qui n'est pas sans poser problème à l'heure où la détention de catalogues de droits devient un enjeu.

Les ventes à l'étranger des programmes français ont progressé d'environ 5 % entre 1994 et 1995 et représentent en volume 430 millions de francs pour l'INA et de 453 millions de francs pour TV France International.

Ces statistiques sont à prendre avec précaution, puisqu'elles ne sont que le fruit des déclarations de soixante-huit sociétés. La différence de 20 millions de francs qui oppose l'INA et TV France International concerne le secteur de l'animation. Selon l'INA, certains producteurs auraient gonflé leurs résultats. Un désaccord semblable avait eu lieu sur les chiffres de l'an passé (les ventes 1994 se seraient élevées à 405 millions de francs pour l'INA et à 430 millions de francs pour TVFI). En 1995, des filiales de diffuseurs auraient comptabilisé dans l'export leur catalogue de programmes français et étrangers, voire leurs longs métrages.

Les chiffres publiés reflètent toutefois assez bien les grandes tendances qui se dégagent dans le domaine des échanges internationaux. À périmètre constant, les exportations semblent avoir atteint un palier depuis trois ans. Les marges d'évolution sont du coup très étroites.

Si la fiction reste prédominante, l'animation est le secteur le plus en pointe sur le marché international, tandis que les documentaires émergent. L'Europe assure 70% de nos débouchés - 76% en ajoutant l'Est de l'Europe -, alors que les pays anglo-saxons sont difficiles à pénétrer : les échanges avec l'Amérique du Nord demeurent faibles (7 % des ventes). L'expansion la plus significative de nos exportations concerne le reste du monde, mais les ventes demeurent faibles en valeur absolue.

Malgré un recul du secteur en 1995, l'animation reste le genre le plus exporté. Environ le tiers des séries animées produites en France (devis total 1995 : 340 millions de francs) connaît une carrière internationale. L'animation française a bénéficié du savoir-faire de la culture BD et des aides publiques. Elle est aujourd'hui demandée dans toute l'Europe, et même au-delà, pour un chiffre d'affaires de 100 millions de francs en 1995. La Grande-Bretagne est notre premier client européen, devant l'Allemagne. Les pays asiatiques (la Corée surtout) sont, hors Europe, nos meilleurs clients.

Si la fiction reste le genre prédominant en termes de recettes à l'export (171 millions de francs en 1995). ces dernières ne représentent guère plus de 8% du volume total de la production de fiction en France (2.7 milliards de francs).

2. Les prévisions d'exécution en 1996

a) Les recettes du COSIP

(1) Cinéma

Le rendement de la taxe spéciale sur le prix des billets (502 millions de francs) a été estimé sur la base d'une fréquentation espérée de 130 millions de spectateurs.

Compte tenu de la tendance du premier semestre 1996 la prévision de 130 millions de spectateurs sera atteinte d'ici la fin de l'exercice.

La clé de répartition de la taxe et du prélèvement entre les deux sections Cinéma et Audiovisuel est identique à celle de l'année précédente (38 % pour le cinéma - 62 % pour l'audiovisuel).

Au 30 juin 1966, les recettes correspondant à la taxe et au prélèvement s'élèvent à 309,769 millions de francs. L'objectif de 586,80 millions de francs fixé en loi de finances 1996 devrait donc être atteint.

(2) L'assujettissement de la vidéo au compte de soutien

Le calcul a été fait sur la base des prévisions 1995 majorées de 14 %, soit 6,6 millions de recettes par mois. Ce chiffre correspond à une recette espérée de 80 millions de francs.

On doit souligner que le produit de la taxe sur les vidéogrammes est, en 1996, partiellement affecté à la section Audiovisuel (15 % de son rendement prévu). Cette modification - qui est en fait un retour au système mis en place en 1993 - se justifie par la contribution grandissante des produits audiovisuels au marché de la vidéo ; elle assure ainsi un retour vers le secteur audiovisuel.

(3) Le remboursement d'avances sur recettes

Dans ce cadre du projet de loi de finances pour 1996, la dotation prévue au titre des remboursements d'avances sur recettes est supprimée. Le montant des remboursements était depuis plusieurs années inférieur aux prévisions. Un nouveau mécanisme, prévoyant la réaffectation des recettes réellement constatées à la ligne lors de l'arrêté de report de fin d'exercice, a été mis en oeuvre en 1996.

(4) Les recettes audiovisuelles

Pour la deuxième section, au 30 juin 1996, la remontée de recettes s'élève à 505,419 millions de francs contre 468,39 millions de francs en 1995 à la même date. L'objectif visé en loi de finances initiale, soit 958,73 millions de francs, devrait donc être atteint.

b) Les dépenses du COSIP en 1995-1996

En 1995, les dépenses du COSIP ont atteint 2,030 milliards de francs, sur un total de crédits disponibles de 2,474 milliards de francs, soit un montant de crédits non utilisés de 443 millions de francs.

Au 30 juin 1996, les dépenses engagées au titre de l'exercice 1996 ont atteint 890 millions de francs.

B. L'ÉVOLUTION DES SOFICA EN 1995-1996

La loi du 11 juillet 1985 a mis en place un système « d'abri fiscal » destiné à favoriser les investissements dans la production cinématographique et audiovisuelle.

Les SOFICA (Société de financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle) sont des sociétés anonymes qui collectent des fonds, auprès principalement de personnes physiques, pour les investir exclusivement dans des oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles agréées par le Centre National de la Cinématographie (CNC). Ces investissements revêtent les formes, soit de souscriptions au capital de sociétés de production, soit de versements en numéraire pour la production d'oeuvres déterminées (contrats dits « d'association à la production »). Chaque SOFICA est agréée par le ministère de l'Économie et des Finances, visée par la COB et suivie par un Commissaire du Gouvernement. Leurs investissements sont contrôlés par le CNC.

Le mécanisme repose sur une incitation fiscale. Les personnes physiques peuvent déduire de leur revenu imposable le montant des sommes investies, dans la limite de 25 % dudit revenu, sous réserve que celles-ci soient bloquées pendant cinq ans au moins. Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ont, quant à elles, possibilité d'amortir, dès la première année. 50 % des sommes investies.

En 1994/1995, les SOFICA se sont vu imposer de nouvelles obligations qui visent à renforcer les producteurs indépendants :

- obligation de réaliser au moins 30 % des investissements dans des oeuvres initiées et produites par des producteurs indépendants,

- limitation à un support de diffusion des mandats de commercialisation confiés aux SOFICA (ou à leur groupe d'adossement),

- interdiction de se voir céder plus de 70 % des recettes émanant de l'exploitation télévisuelle du film,

- interdiction de bénéficier d'une garantie de remboursement des sommes investies,

- évolution annuelle, depuis 1994, du nombre de contrats d'association à la production.


• Les SOFICA ont investi 153 millions de francs en 1995 contre 132 millions de francs en 1994 dans les films cinématographiques.

Le montant moyen de l'investissement par film s'élève à 4,04 millions de francs en 1995, chaque investissement représentant en moyenne 10 % du budget des films concernés. Les investissements SOFICA sont décisifs car ce sont eux qui, souvent, permettent aux producteurs de boucler les plans de financement des films entrepris.

En 1995, 61 % des sommes investies dans les films cinéma l'ont été dans des films initiés et produits par des producteurs indépendants.


Les SOFICA ont investi 6,3 millions de francs en 1995, contre 36,8 millions de francs en 1994, dans les oeuvres audiovisuelles (principalement séries d'animation et téléfilms), 15 heures de programmes, représentant un coût total de fabrication de près de 60 millions de francs, ont ainsi été soutenues par trois SOFICA différentes.

En 1995, quatre nouvelles SOFICA ont été créées et deux SOFICA existantes ont augmenté leur capital, ce qui représente six « guichets » en 1996 contre cinq l'année précédente : cinq de ces SOFICA offrent une garantie de rachat à leurs actionnaires. Le montant des capitaux recueillis s'élève à 285,93 millions de francs contre 231,5 millions de francs en 1994. Au total, 69 créations de SOFICA ou augmentations de capital sont intervenues depuis 1985, pour un volume de capitaux collectés égal à 2 594,54 millions de francs.

Il se dégage de l'analyse comparative des interventions des SOFICA, dans le financement de la production entre 1994 et 1995, les tendances suivantes :

- une augmentation sensible du nombre de films cinématographiques soutenus par des SOFICA : en 1994, 29 films avaient bénéficié d'investissements SOFICA ; ils ont été 38 en 1995 sur un total de 141 films produits et éligibles à l'intervention des SOFICA,

- une augmentation sensible des sommes globales investies par les SOFICA dans le secteur cinématographique : 132,3 millions de francs en 1994 et 153,65 millions de francs en 1995, soit une hausse de 16 %,

- une légère baisse du montant moyen de l'investissement par film : 4,04 millions de francs en 1995 contre 4,56 millions de francs en 1994,

- en matière cinématographique, les SOFICA ont donc jugé les films produits en 1995 globalement plus attractifs que ceux produits l'année précédente. Il en résulte d'ailleurs un nombre plus important de succès commerciaux (« Beaumarchais »,

« Ridicule », « Le bonheur est dans le pré », « Pédale douce ») qui ont fortement contribué à augmenter la part du marché du film français,

- une baisse significative des investissements SOFICA dans des oeuvres audiovisuelles qui s'explique d'une part par des investissements massifs en 1994 dans des séries longues dont la fabrication s'est étalée jusqu'en 1995, et d'autre part par le fait que les SOFICA ont préféré investir dans le capital des sociétés de production (Millésimes...) plutôt que dans les oeuvres elles-mêmes.

Il paraît en définitive que les SOFICA s'avèrent indispensables au financement du cinéma français et qu'elles contribuent à soutenir une production pluraliste et diversifiée, tant sur le plan des projets soutenus que sur celui des sociétés bénéficiaires.

Cependant, et comme il est apparu à la mission de l'Inspection générale des finances de 1996, ce dispositif de déduction fiscale peut être aujourd'hui considéré comme exorbitant. Il n'était guère conforme, vu les tranches de revenus imposables qu'il favorise, à l'objectif d'équité qui doit être celui de notre système fiscal.

C'est pourquoi l'idée de revoir le dispositif fiscal ne peut qu'être approuvée .

Un plafonnement à 50 000 francs des souscriptions déductibles du revenu imposable pourrait néanmoins condamner le dispositif. Le montant des fonds collectés pourrait devenir insuffisant pour assurer leur fonctionnement. En outre, cette mesure pourrait conduire à de nouveaux arbitrages au sein des portefeuilles des particuliers disposant de hauts revenus et la clientèle des SOFICA pourrait s'orienter vers d'autres dispositions fiscalement autant, sinon plus avantageuses.

En effet, en limitant le maximum déductible, le montant de chaque souscription est plafonné à ce niveau, sans que la clientèle potentiellement intéressée ne soit élargie.

Un plafond de déduction fiscale de 25 % du revenu net global dans la limite de 200 000 francs permettrait, en revanche, d'assurer la pérennité de ce système tout en limitant l'avantage fiscal.

Cependant, cet amendement de première partie pourrait tarir les ressources collectées pour 1997 . Afin de bénéficier des mesures fiscales sur les déclarations de revenu 1996, les souscripteurs doivent, en effet, faire agréer leurs apports par la direction générale des impôts avant le 31 décembre 1996.

Or, la perspective du plafonnement à 50 000 francs a pour effet de « geler » les souscriptions des SOFICA .

C'est pourquoi votre rapporteur a proposé, avec le rapporteur général de votre commission des finances, de supprimer l'article 2 bis afin de le déplacer en deuxième partie du projet de loi de finances .

C. LA PROMOTION DE L'EXPORTATION DES PROGRAMMES AUDIOVISUELS

1. Une promotion encore artisanale

Le système français de distribution des programmes français à l'étranger souffre de la structure artisanale de son tissu d'entreprises et de son implication financière trop limitée en amont comme en aval de la production. Il existe cependant quelques distributeurs qui détiennent des catalogues importants.

Deux tiers des exportations sont concentrées dans les mains d'une dizaine de sociétés.

Dans ce peloton de tête, on trouve les filiales de distribution des chaînes (TF1 International, Canal + Distribution, M6 DA et France TV Distribution), cinq producteurs indépendants (AB pour les sitcoms et l'animation, Gaumont TV pour les fictions. Télé Images, C & D pour l'animation, Expand Images producteur de Fort Boyard), et enfin deux distributeurs (Europe Images et Marthon).

Les chaînes sont les plus mal placées pour vendre nos productions à l'étranger. Leur priorité est de remplir leur grille à un moindre coût. Les programmes français leur servent de monnaie d'échange contre des programmes étrangers. Quant aux petits producteurs, ils hésitent encore à confier la distribution internationale de leurs produits à des sociétés spécialisées, et rencontrent peu de succès dans leurs tentatives d'auto-distribution.

L'investissement dans la commercialisation des programmes (doublage ou sous-titrage, édition de matériel promotionnel, études de marché) est nettement insuffisant.

L'aide à l'exportation et la réforme des circuits commerciaux pour l'exportation des programmes audiovisuels devrait constituer une priorité absolue afin d'être présent sur les marchés de demain. La demande en produits audiovisuels va exploser avec la révolution numérique. Il faut, par ailleurs, construire une industrie puissante de programmes audiovisuels pour mériter l'exception culturelle .

L'État doit donc aider les initiatives privées qui se développent à cet effet .

2. TV France International

Créée il y a deux ans, TV France International (TVFI) a pour mission de promouvoir les exportations de programmes audiovisuels français. TVFI est à la télévision ce qu'Unifrance est au cinéma, à une différence près, son budget. Il existe cependant une forte inégalité de moyens : quand Unifrance dispose de plus de 50 millions de francs. TVFI ne dépasse pas les 15 millions de francs pour ses actions de promotion.

Le ministère des Affaires étrangères alloue à l'association 1,2 million de francs par an auquel il faut ajouter, au titre de la contribution de l'État, l'apport du CNC, évalué à 5,5 millions de francs. Le reste des ressources de TVFI provient de la Procirep (3,2 millions de francs), des cotisations des adhérents et des facturations aux sponsors (7 millions de francs).

TVFI utilise tous les moyens pour promouvoir les programmes audiovisuels français. Elle a ouvert un site Web, édité un CDrom répertoriant l'offre de programmes français et affirmé sa présence et celle des producteurs français dans les Salons professionnels : au Natpe à Las Vegas, au Mip Asia à Hong Kong, au Discop East à Budapest, au marché de TV chinois à Shanghai.

TVFI a obtenu du CNC qu'il ouvre, en 1995, un fonds d'aide à l'exportation de 6 millions de francs afin d'aider les producteurs qui, dans le cadre de leur stratégie internationale, investissent dans le reformage, le doublage, le sous-titrage et les bandes de démonstration. Le CNC s'est engagé à rembourser jusqu'à 50 % des dépenses engagées. La première année, seulement 2,5 millions de francs ont été consommés, en raison d'une procédure un peu compliquée. En 1996 le système devrait s'améliorer.

De façon originale, l'association a relancé en 1995 le principe du « s creening » français. Un mois avant le Mipcom de Cannes, les acheteurs étrangers embarquent sur un paquebot pour visionner les programmes et rencontrer les commerciaux français.

Au Mip TV 1996, la constitution d'EASE-TV (European Association Support Exportation) a été annoncée. Cette association vise à regrouper au niveau européen des exportateurs de programmes de télévision afin de prolonger l'action de TVFI au niveau communautaire et de constituer une force de lobbying auprès des instances bruxelloises.

Enfin, un centre de documentation sur toutes les télévisions du monde, l'amélioration de l'outil statistique et le renforcement de la prospection sont en projet.

Couronnement de ces efforts, l'article 42 du projet de loi de finances pour 1997 permettra dorénavant au CNC de financer une partie des activités de TVFI. Comme votre rapporteur l'avait souligné dans son précédent rapport, cette étape est importante puisqu'elle traduit la prise de conscience, par les pouvoirs publics, que la production audiovisuelle est un marché, international de surcroît , comme celui du cinéma, et qu'il convient d'aider à l'exportation les entreprises de production audiovisuelle, comme les autres entreprises .

La deuxième section du COSIP pourra financer des actions favorisant, outre la présence française sur les marchés internationaux, la promotion des activités audiovisuelles, telles que la formation et les industries techniques. Les crédits de l'article 80 du chapitre 43-40 du budget du ministère de la Culture, qui s'élèvent à 6 millions de francs, devraient être transférés sur le COSIP.

En contrepartie de cette aide budgétaire, TVFI devrait conclure une convention avec le CNC, comme celle - bien tardive - conclue avec UNIFRANCE Film International, le 23 février 1996, et garantissant au Centre la transparence des comptes de l'association.

3. Pour une réforme des aides à l'exportation des programmes audiovisuels

Les sociétés dont les programmes audiovisuels s'exportent devraient bénéficier en priorité des aides à la production ; ce qui serait nouveau en France ; la subvention au résultat et non la subvention à l'intention !

Cette nouvelle approche pourrait permettre de créer, sans augmentation de la dépense publique, un nouveau fonds d'aide à l'exportation de programmes audiovisuels , qui pourrait être financé dans le cadre de l'enveloppe actuelle du COSIP (compte de soutien de l'industrie cinématographique). Même si le marché audiovisuel asiatique n'est pas encore rentable (une fiction ou un documentaire se négocient en effet parfois à 10 000, 5 000, voire 2 500 francs...), nous ne pouvons nous permettre d'être absents. En refusant de vendre des productions amorties financièrement, les sociétés françaises de production manquent l'occasion de s'implanter sur un marché pourtant prometteur et, en tous cas, indispensable à la présence de la France, maintenant, certes, mais, encore plus, au siècle prochain.

La présentation de programmes audiovisuels français devrait être conçue dans une optique globale et l'audiovisuel devrait constituer un élément de stratégie économique nationale .

Les États-Unis l'ont parfaitement compris. Les chaînes privées transnationales américaines, comme CNN ou CNBC. servent de support et de relais aux produits américains - essentiellement à destination des hommes d'affaires - : compagnies aériennes, chaînes d'hôtels... La politique économique extérieure se devrait d'intégrer totalement l'audiovisuel .

III. LE SOUTIEN DES DIFFUSEURS À LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE

A. LA CONTRIBUTION DU SECTEUR PUBLIC

Le décret n° 95-1162 du 6 novembre 1995 a redéfini les options offertes aux chaînes publiques et privées en matière de production et ouvert les obligations de production aux oeuvres européennes en tentant de réaliser un équilibre entre encadrement réglementaire et souplesse conventionnelle, permettant aux relations entre diffuseurs et producteurs de se développer de façon pragmatique.

Le nouveau décret substitue à l'option offerte aux diffuseurs un dispositif dans lequel les chaînes ont le choix entre :

- fournir une contribution minimale au développement de la production audiovisuelle d'oeuvres d'expression originale française en y consacrant 15 % de leur chiffre d'affaires annuel et en diffusant, entre 20 heures et 21 heures, 120 heures d'oeuvres européennes ou d'expression originale française.

Cette règle s'applique sans convention particulière avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel s'il s'agit d'une télévision privée, ni modification du cahier des missions et des charges, s'il s'agit d'une télévision privée, ni modification du cahier des missions et des charges, s'il s'agit d'une chaîne publique ;

- ou conclure une convention avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour les chaînes privées, et demander une modification de leurs cahiers des missions et des charges afin de préciser les modalités d'une autre option, pour les chaînes publiques.

Dans ce cas, la société peut, en fonction du volume négocié de commandes d'oeuvres audiovisuelles d'expression originale française (supérieur à 15 % en tout état de cause), décompter dans la limite d'un tiers de son engagement global, les commandes d'oeuvres européennes, les achats de droits de diffusion et les commandes d'écriture et de développement d'oeuvres audiovisuelles.

À la suite de la publication du nouveau décret, France 2 et France 3 ont fait part de leur option préférentielle pour ce dernier dispositif. Il a donc été procédé à une adaptation de leurs cahiers des missions et des charges approuvée par le décret n° 96-239 du 25 mars 1996 .

Ce nouveau cahier des missions et des charges impose ainsi aux deux diffuseurs publics :

- de consacrer 17 % de leur chiffre d'affaires annuel à la commande d'oeuvres audiovisuelles d'expression originale française comprenant, dans la limite d'un tiers, trois couloirs : la commande d'oeuvres audiovisuelles européennes, l'acquisition de droits de diffusion d'oeuvres audiovisuelles d'expression originale française et la commande d'écriture et de développement d'oeuvres audiovisuelles européennes ou d'expression originale française n'ayant pas fait l'objet d'une mise en production de la part de la société en fin d'exercice ; de diffuser 120 heures d'oeuvres audiovisuelles européennes ou d'expression originale française, débutant entre 20 heures et 21 heures, en première diffusion, dont 20 % peuvent inclure des rediffusions ;

- de consacrer au moins 11,5% du chiffre d'affaires net de l'exercice précédent à des commandes à des producteurs indépendants qui remplissent les conditions énoncées au 1°, 2° et au 3° de l'article 10 du décret n° 90-67 du 17 janvier modifié ;

- la durée des droits acquis par les sociétés est portée à 5 et 7 ans pour trois diffusions . Cette dernière disposition n'est pas opposable aux oeuvres d'animation.

Par dérogation, pour l'année 1996, le volume minimal que les sociétés doivent investir dans la commande d'oeuvres audiovisuelles est fixé à 16 % du chiffre d'affaires net de l'exercice 1995. Enfin le volume minimal de commandes, que les sociétés doivent réserver à des entreprises de production indépendantes, est fixé à 11 % de ce même chiffre d'affaires.

B. LA CONTRIBUTION DU SECTEUR PRIVÉ

Les obligations de production des chaînes de télévision publiques et privées sont depuis 1990 fixées par voie réglementaire.

Les autorisations initiales de TF1 et M6 contenaient un certain nombre de dispositions détaillant et chiffrant la contribution annuelle de ces deux chaînes au développement de la production audiovisuelle et cinématographique. Mais l'ensemble de ces obligations a été, dès 1990, transféré dans des décrets pris par le Gouvernement après avis du CSA.

Le CSA a obtenu un certain nombre d'engagements significatifs des deux diffuseurs privés afin notamment de permettre un rééquilibrage des relations producteurs/diffuseurs. Certains de ces engagements, s'ils étaient étendus aux chaînes publiques pourraient constituer une amélioration significative du système de contribution des chaînes hertziennes à la production audiovisuelle.

Par ailleurs, pour les oeuvres d'animation, des engagements de dépenses annuelles ont été pris par les deux chaînes.

Enfin M6 a fixé pour cinq ans, dans la convention, le montant de sa contribution annuelle au développement de la production audiovisuelle qui est supérieur aux exigences de la réglementation, et indexé sur son chiffre d'affaires.

Plusieurs objectifs sont visés à travers des engagements communs aux deux chaînes :

1° - Une plus grande transparence des contrats de commande d'oeuvres audiovisuelles :

- les deux chaînes s'engagent, par convention, à clarifier les contrats qu'elles passent avec les producteurs pour chiffrer :

* chaque droit acquis, en individualisant chaque support de diffusion,

* le nombre de passages acquis,

* la durée de détention des droits,

* les territoires.

Elles n'étaient pas tenues jusqu'à présent à une telle transparence.

Ce dispositif de valorisation des droits acquis par les diffuseurs sera de nature à clarifier les relations diffuseurs/producteurs.

De même, les deux chaînes s'engagent à valoriser les droits d'exploitation commerciale des oeuvres qu'elles commandent si elles en prennent le mandat de distribution, et à rétrocéder les droits à leur titulaire si aucune vente n'intervient dans les dix-huit mois qui suivent la cession.

2° - Des engagements visant à assurer une meilleure circulation des oeuvres dans un contexte de multiplication des nouveaux supports de diffusion (câble, satellite) et à favoriser un second marché, afin de conforter la position des producteurs indépendants :

Afin de faciliter le développement d'un second marché de la production audiovisuelle, les deux chaînes se sont engagées à ce que les sommes qu'elles pourraient consacrer à l'acquisition de droits câble et satellite (en dehors de la reprise simultanée de leur programme sur le câble et le satellite) ne soient pas décomptées au titre de leurs obligations de production, lorsqu'il s'agit de commandes à des producteurs indépendants.

Selon la même logique, et afin d'éviter un phénomène de « gel des droits », les droits acquis pour la diffusion sur le câble et le satellite devront être négociés pour la même durée que les droits hertziens.

3° - Afin de réévaluer les parts-antenne versées par les deux chaînes lors de la commande des oeuvres . TF1 s'engage à verser 3 millions de francs minimum en parts-antenne pour toute commande de fiction de 90 minutes ou plus et M6 s'engage à verser une part-antenne supérieure ou égale à la part coproducteur, pour chacune de ses commandes de fiction ou d'animation d'une durée supérieure à 52 minutes.

Ces engagements permettront aux producteurs une meilleure exploitation de leurs droits patrimoniaux sur les oeuvres coproduites avec les deux chaînes.

4° - Afin d'améliorer la situation financière des producteurs indépendants en réduisant les délais de paiement des commandes qui leur sont passées, un acompte significatif doit être versé dès la commande de l'oeuvre et par ailleurs les deux chaînes s'engagent à réduire leurs délais de paiement.

- La séparation des fonctions de diffuseur et de producteur est maintenue .

Les deux chaînes sont autorisées à recourir à leurs moyens propres de production pour les émissions d'information, mais il leur est interdit de le faire pour les programmes de fiction. Pour les autres catégories de programmes (variétés, jeux, magazines) elles ne peuvent recourir à leurs moyens propres qu'à hauteur de 50 % des émissions qu'elles diffusent.

Cette disposition vise à éviter l'intégration des activités de producteur et de diffuseur.

6° - Des engagements de commande d'oeuvres d'animation ont été souscrits par les deux chaînes :

* TF1 s'engage à consacrer chaque année 0,6% de son chiffre d'affaires net de l'exercice précédent à des commandes d'animation (soit une somme supérieure à 40 millions de francs pour la première année).

* M6 s'engage à consacrer chaque année 1 % de son chiffre d'affaires net de l'exercice précédent à des commandes d'animation (soit une somme supérieure à 16 millions de francs pour la première année).

* Les deux chaînes s'engagent en outre à limiter la durée des droits qu'elles détiennent sur ces oeuvres.

- Les engagements de M6 en matière de production audiovisuelle pour les cinq prochaines années sont nettement supérieurs aux montants prévus par les textes réglementaires.

À côté de ces dispositions communes, M6 s'est engagée pour cinq années à accroître sensiblement sa contribution au développement de l'industrie de programmes audiovisuels : alors qu'en 1996 sa contribution, conformément à la réglementation, s'élève à 17 % du chiffre d'affaires net de l'année précédente (dont 11,5 % à des commandes d'oeuvres francophones en coproduction), la chaîne s'engage pour les cinq années prochaines à consacrer annuellement 20 % de son chiffre d'affaires à des commandes d'oeuvres audiovisuelles, dont 15% à des commandes d'oeuvres francophones en coproduction. Cet engagement la situe au premier rang de toutes les chaînes hertziennes pour le pourcentage du chiffre d'affaires consacré à la production audiovisuelle, et à un niveau supérieur aux exigences posées par la réglementation. Parallèlement la chaîne diffusera chaque année 100 heures d'oeuvres audiovisuelles en première diffusion entre 20 heures et 21 heures.

L'ensemble de ces engagements est destiné à permettre un meilleur financement de l'industrie des programmes audiovisuels et à accroître la contribution des diffuseurs privés à la production audiovisuelle, en confortant la position des producteurs indépendants dans un contexte de multiplication des nouveaux supports de diffusion.

CHAPITRE VI : LE SECTEUR PUBLIC DE LA RADIO

I. LE CONTEXTE RADIOPHONIQUE EN 1995-1996

A. LE MARCHÉ PUBLICITAIRE DE LA RADIO EN 1995

La répartition du marché publicitaire entre radios locales commerciales et non commerciales est étudiée par l'IREP qui distingue, d'un côté, les radios nationales antérieures à l'ouverture de la bande FM (RTL, Europe 1, RMC, Sud Radio et Radio France) et, de l'autre, sous le vocable de radios locales, l'ensemble des radios dites « FM » (radios nationales thématiques de type NRJ, les radios locales indépendantes, et les radios associatives).

Les recettes publicitaires de la radio sont estimées à 3 747 millions de francs en 1995.

En dépit de la récession de l'activité publicitaire observée en 1992 et en 1993, la radio a été le seul média à tirer son épingle du jeu affichant :


• une croissance de 5,4 % en 1992, alors que le marché des grands médias se repliait de 0,8 % ;


• une performance de 6,2 %, en 1993, face à un marché en régression de 5 %.

Le taux, qui s'est infléchi à + 4 % en 1994, diminue de nouveau pour s'inscrire à + 1,2 % en 1995.

Ce résultat reflète :


• un recul de 4,9 % de la publicité sur les radios généralistes, après un repli limité à 1 % en 1994 :


• une assez bonne tenue de la publicité sur les réseaux nationaux (+ 3 %) ;


• et une croissance soutenue des investissements publicitaires sur les stations locales (+ 13 %).

Selon l'enquête de l'IREP, la publicité sur les réseaux nationaux et les stations locales s'est accrue de 12 % en 1995.

Toutefois, ce score est à relativiser, le suivi des recettes publicitaires des stations locales appartenant ou non à un réseau restant, chaque année, difficile à apprécier.

Recettes publicitaires de la radio

(En millions de francs)

1993

1994

1995

Radios généralistes

2 378

2 354

2 239

Réseaux nationaux et stations locales

1 180

1 346

1 508

Total

3 558

3 700

3 747

Source : IREP, le Marché Publicitaire Français 1995

Évolution annuelle en pourcentage

1993

1994

1995

Radios généralistes

+ 6

- 1

- 4,9

Réseaux nationaux et stations locales

+ 6,6

+ 14

+ 12

Total

+ 6,2

+ 4

+ 1,2

Source : IREP, le Marché Publicitaire Français 1995

Répartition des recettes publicitaires

(En pourcentage)

1993

1994

1995

Radios généralistes

66,8

63,6

59,8

Réseaux nationaux et stations locales

33,2

36,4

40,2

Source : IREP, le Marché Publicitaire Français 1995

B. LA DOCTRINE DU CSA EN MATIÈRE DE RADIO

Jusqu'à présent, toutes les stations étaient réparties en cinq formats, très précisément définis (voir encadré).

Les grands réseaux musicaux se prétendent gênés dans leur extension nationale par ces définitions visant à protéger les petites stations et à assurer la diversité de la bande FM. Depuis longtemps déjà, les trois grandes radios jeunes, Skyrock, Fun Radio et NRJ, critiquent le maintien de ces définitions qu'elles jugent « artificielles ».

En particulier, NRJ qui souhaite son troisième réseau, souhaite qu'on la laisse développer des fréquences Rire et Chansons à travers toute la France. Candidate malheureuse à la privatisation de RMC, puis à celle de Radio-Montmartre, après avoir tenté de racheter RFM et M 40, et avoir manqué la prise de contrôle de Skyrock, la radio a décidé de développer sa banque de programmes Rire et Chansons, pour contrer l'influence des grands opérateurs possédant chacun trois réseaux : Europe 1 avec Europe 2 et RFM (le groupe Europe 1 contrôlant également, pour une part, Skyrock) ; la CLT avec RTL, Fun Radio et RTL 2 (ex-M 40) ; RMC avec Nostalgie et Montmartre FM.

NRJ a sévèrement critiqué le système de catégories du CSA et a exigé une évolution rapide de la doctrine radio.

Tout le problème concerne, en fait, les catégories B et C, car « les programmes locaux ne coûtent pas bien cher et marchent bien, en termes d'audience ». Quand certaines « stations B » rencontrent des difficultés, il suffirait, selon NRJ, que le CSA les autorise à passer en C, pour qu'elles programment un réseau de leur choix avec des informations locales. Pour l'heure, le passage d'un format à l'autre prend beaucoup de temps et le résultat n'est pas assuré. Pleinement consciente de son succès (au dernier sondage Médiamétrie, pour la période d'avril à juin 1996, la station se classe en troisième position, juste derrière RTL et France Inter), NRJ met tout son poids dans la balance pour faire évoluer les règles du CSA.

Cette campagne doit pourtant faire face à une contre-offensive en règle de la part du GIE Les Indépendants, groupement d'intérêt économique qui permet à une soixantaine de stations régionales de s'allier pour se défendre sur les marchés. Bénéficiant de l'appui logistique de la régie publicitaire du groupe Europe 1, le GIE estime que le CSA ne doit pas modifier à nouveau les règles du jeu et notamment modifier la catégorie B, sous peine de faire totalement disparaître toutes les radios commerciales indépendantes.

Le syndicat des radios généralistes privées (RTL, RMC, Europe 1) a pour sa part, demandé le 24 octobre 1996 une audience au CSA pour « s'opposer à tout changement de doctrine ».

Deux solutions seraient, pour l'heure, envisagées : un assouplissement de la catégorie B avec une possibilité de s'abonner rapidement à un réseau, mais en interdisant toute modification du capital et en améliorant sensiblement le programme local, ou bien un moratoire de plusieurs mois facilitant, pour quelque temps seulement, les changements de format.

Votre rapporteur s'en remet à la sagesse du Conseil supérieur de l'audiovisuel, autorité de régulation de l'audiovisuel, pour conduire cette réforme .

Le classement des radios

Catégorie A

Les radios associatives (de proximité, communautaires, culturelles ou scolaires) bénéficiant du Fonds de soutien à l'expression radiophonique et dont les recettes publicitaires ne dépassent pas 20 % du chiffre d'affaires. Exemples : Radio-Libertaire, Fréquence-Mutine, Radio-Campus.

Catégorie B

Les radios locales ou régionales indépendantes, productrices de leurs programmes (ne diffusant aucun programme national identifié) et vivant de leurs propres recettes publicitaires. C'est sur l'évolution de cette catégorie que se porte actuellement la réflexion du CSA. Exemples : Contact-FM, Vibration, Wit-FM, ou Radio-Nova.

Catégorie C

Les radios locales ou régionales diffusant le programme d'un réseau thématique à vocation nationale, et produisant au minimum trois heures de programmes locaux. Le CSA se penche aussi sur l'avenir de ce format. Exemples : NRJ-Caen, Europe 2-Music-West-FM, Africa n°l.

Catégorie D

Les radios thématiques à vocation nationale (sans aucun programme local). Exemples : Fun-Radio, NRJ, Skyrock.

Catégorie E

Les radios généralistes à vocation nationale (ex-stations périphériques). Exemples : RTL, France Inter, Europe 1, RMC.

II. LE FONDS DE SOUTIEN À L'EXPRESSION RADIOPHONIQUE

A. L'ÉVOLUTION DU FONDS

Pour tenir compte d'erreurs d'imputation commises à l'occasion du paiement par les redevables de la taxe parafiscale, déclarée en même temps que la taxe fiscale sur la publicité radiotélévisée, le Gouvernement a décidé, par décret du 30 décembre 1994, l'augmentation des taux d'imposition de la taxe parafiscale, compensée, pour les redevables, par une baisse de la taxe fiscale sur les recettes provenant de la publicité.

Sur la base de cette augmentation, les rentrées de la taxe, en 1995, ont été supérieures à la prévision de la loi de finances qui était de 85 millions de francs puisqu'elles ont représenté finalement, après déduction de la rémunération de la D.G.I. un peu plus de 91 millions de francs.

Le niveau des rentrées constatées depuis le début de l'année 1996 laisse à penser que les objectifs de la loi de finances devraient être atteints sans trop de difficultés, sauf événement contraire.

De 1992 à 1996, le produit de la taxe après le prélèvement de 2,5 % opéré par la DGI pour frais d'assiette et de perception (en application de l'article 5 du décret précité) a été le suivant :

1992

84 735 730 francs

1993

65 579 419 francs

1994

50 458 944 francs*

1995

91 185 824 francs

1996

51 294 357 francs**

* Compte tenu de la faiblesse des rentrées, le fonds a bénéficié d'un abondement exceptionnel en provenance du budget général de l'État de 32,5 millions de francs.

** Montant des encaissements au 31 juillet (prévision loi de finances 1996 : 90 millions de francs).

B. LES MODALITÉS D'ATTRIBUTION DE L'AIDE

Sont éligibles au fonds d'aide les services titulaires d'autorisation « dont les ressources commerciales provenant de messages diffusés à l'antenne et présentant le caractère de publicité de marque ou de parrainage sont inférieures à 20 % de leur chiffre d'affaires ».

Le décret de 1992 a reconduit le principe selon lequel les subventions annuelles de fonctionnement sont attribuées sur la base d'un barème adopté par la commission en raison inverse du montant des produits d'exploitation normale et courante.

En 1995, le barème ainsi adopté prévoit que le montant des subventions progresse de 20 000 à 205 000 francs pour redescendre ensuite jusqu'à 4 000 francs.

Le décret de 1992 a apporté trois modifications importantes aux modalités d'attribution des aides :

- création d'une aide à l'installation plafonnée à 100 000 francs pour toute radio associative non commerciale autorisée pour la première fois,

- la possibilité de majoration de la subvention jusqu'à 60 % du montant initial (au lieu de 30 % précédemment),

- extension des critères d'attribution de la majoration ; au critère de la diversification des produits du décret de 1987, le décret de 1992 en ajoute trois nouveaux :

1° les actions engagées en faveur de la formation professionnelle,

2° les actions engagées dans le domaine éducatif et culturel,

3° la participation à des actions collectives en matière de programmes.

C. LA STRUCTURE FINANCIÈRE DES RADIOS ASSSOCIATIVES

La disparité est surtout sensible dans la structure de financement des radios elle-même.

Plus de la moitié des radios (292 sur 498) ont un chiffre d'affaires compris entre 200 000 francs et 500 000 francs, alors que 25 % environ de l'ensemble des radios ont un chiffre d'affaires inférieur à 200 000 francs.

L'origine de ces ressources est elle-même très variable : le fonds de soutien continue à représenter, et de loin, la part la plus importante (plus de 50% du budget pour 40% des radios et, pour 15 % d'entre elles, jusqu'à 70 % et plus de leurs ressources) mais la part de la publicité, globalement très minime, ne joue guère un rôle que pour une soixantaine de radios pour lesquelles elle dépasse 10 % de leur chiffre d'affaires.

Les autres ressources proviennent du fonds d'action sociale (principal bailleur public après le fonds de soutien), des subventions des collectivités locales, hautement variables d'une région ou d'un département à un autre, et souvent inégalement réparties entre les radios situées dans le ressort d'une même collectivité territoriale, enfin des cotisations et dons.

Une mention particulière doit être faite du financement par les Églises, le plus souvent par le biais des évêchés, qui est souvent considérable par comparaison avec le financement d'ensemble du secteur.

On relèvera en revanche que rares sont les radios massivement subventionnées par une municipalité.

III. LE BUDGET DE RADIO-FRANCE

A. LE BUDGET DE 1996

Le budget approuvé par le conseil d'administration de Radio France pour 1996 s'est élevé à 2 659,1 millions de francs . Il est financé à hauteur de 2 455,5 millions de francs, soit 92,3 %, par des ressources publiques et de 203,6 millions de francs par des recettes propres.

De 1995 à 1996 l'augmentation des moyens de la société représente 85,1 millions de francs, soit une progression de 3,3 %.

Les recettes publiques augmentent de 3,5 %. L'évolution de chacune d'entre elles est fortement contrastée en raison d'une modification sensible du rapport redevance/subventions publiques :

- le montant de la redevance pour 1996 (2 107,4 millions de francs) est inférieur de 213,8 millions de francs à celui de 1995 (2 321,2 millions de francs)

- les subventions de l'État au titre des remboursements d'exonérations progressent en revanche de 299,3 millions de francs et sont portées de 46,8 millions de francs en 1995 à 346,1 millions de francs en 1996,

- enfin, les crédits non reconductibles pour 1996 s'élèvent à 2 millions de francs contre 5,4 millions de francs en 1995.

Le budget, tel qu'approuvé par le conseil d'administration, devrait garantir la couverture des charges structurelles de la société ainsi qu'une stricte reconduction de ses activités. Des crédits ont dû être dégagés pour permettre à Radio France de faire face à une actualité 1996 riche en événements majeurs (Jeux olympiques d'Atlanta, élections américaines, Eurofoot 1996...) et de poursuivre ses expérimentations dans le domaine des nouvelles technologies. Par ailleurs, les pouvoirs publics ont demandé à Radio France de mettre en place une banque de programmes destinée aux radios associatives de catégorie A et B.

Au 30 juin 1996, les recettes s'établissent à 1 471,3 millions de francs et les dépenses à 1 304,6 millions de francs.

Au cours du premier semestre, les encaissements de ressources publiques se sont déroulés correctement, le montant de redevance comptabilisé fin juin et imputable à l'exercice 96 présentant même une légère avance par rapport aux prévisions du service de la redevance, et 50 % des subventions attendues ayant été effectivement versées.

Quant aux ressources propres, leur réalisation, compte tenu de leur saisonnalité, est globalement conforme aux prévisions.

Concernant les dépenses, la maîtrise des effectifs permanents et la vigilance apportée sans relâche à la gestion des différents secteurs devraient permettre à la société de présenter un résultat 96 en équilibre, tout en ayant réalisé ses objectifs de programmes et conforté son audience (27,1 % en moyenne sur les six premiers mois de l'année).

On signalera toutefois une incertitude sur le montant des contributions à payer à la SACEM d'une part, et à la SPRE d'autre part, dont le montant total est prévu à hauteur de 107 millions de francs dans le budget de Radio France. Avec la SACEM, le litige porte sur la détermination de l'assiette de calcul de la cotisation. Avec la SPRE, les difficultés résultent des négociations liées au renouvellement du contrat venu à expiration le 31 décembre 1995.

B. LE PROJET DE BUDGET POUR 1997

Les ressources accordées à Radio France pour 1997, telles qu'elles figurent dans le projet de loi de finances s'élèvent à 2 684 millions de francs et présentent une progression de 37,9 millions de francs, soit + 1,4 %, par rapport à la loi de Finances 1996.

1. Les ressources

Les ressources publiques augmentent de 25,5 millions de francs (+ 1 %). Le montant des subventions publiques, qui avait été fortement accru en 1996, reste fixé au même niveau (346,1 millions de francs hors réserve parlementaire).

Les ressources propres s'élèvent à 203 millions de francs, soit une majoration globale de 12,4 millions de francs. Les objectifs de publicité et de parrainage sont portés à 111,2 millions de francs. Les autres recettes, pour leur part, ont été réduites de 7,6 millions de francs en raison de l'évolution prévisible des réalisations.

2. Les charges

Concernant l'évolution des charges, celle-ci est marquée essentiellement par les deux éléments suivants :

- une économie de 49,7 millions de francs est demandée à Radio France sur les crédits qu'elle consacre à la diffusion de ses programmes par TDF,

- une enveloppe de 15 millions de francs a été accordée au titre des mesures nouvelles pour permettre à la société d'engager la mise en place d'une nouvelle radio destinée au jeune public.

Par ailleurs, la dotation « bâtiment » de 10 millions de francs depuis quelques années pour permettre à la société d'assurer les gros travaux d'entretien de la Maison de Radio France a été reconduite en redevance d'équipement pour 1997.

C. LE DÉVELOPPEMENT DE LA RADIO PUBLIQUE DANS LE NUMÉRIQUE

1. L'accord avec TDF

Radio France a signé un accord avec TDF pour une collaboration renforcée entre les deux sociétés dans le développement des techniques de la radio, au premier rang desquelles figure le DAB. Ce protocole Radio France/TDF prévoit la diffusion en DAB de 5 à 6 programmes, dont au moins un nouveau, à l'intention de 20 % de la population française. La date initialement envisagée était 1996, avec une condition suspensive liée à la disponibilité des récepteurs, laissée à l'appréciation d'un comité de suivi.

Jusqu'à l'automne 1997 seront seuls disponibles des « récepteurs tests » qui constituent la phase ultime avant la commercialisation. Leur prix, de l'ordre de 15 000 francs à 25 000 francs selon qu'ils présentent ou non un écran graphique (à comparer aux 100 000 francs de la génération de prototypes précédente), ne permet pas de tests à grande échelle, pourtant nécessaires pour valider définitivement tant les aspects techniques (émission et récepteurs), que la perception des services associés par les auditeurs.

Plusieurs régions d'Allemagne, convaincues du bénéfice apporté à l'économie par le DAB, ont décidé de surmonter ces difficultés en finançant des tests portant sur plusieurs milliers de récepteurs qui auront été mis en service courant 1996.

Radio France et TDF se sont associées pour proposer un « projet pilote » dans le cadre de l'appel à propositions du ministre de l'Industrie sur les « autoroutes de la communication ». Ce projet a été labellisé. Depuis, Radio France, TDF, RTL et Europe 1 ont constitué un partenariat pour conduire cette expérimentation de diffusion de programmes DAB sur Paris et sa proche banlieue et amorcer - de façon certes limitée à environ 200 appareils - le financement d'un parc de récepteurs qu'il faudrait suffisamment grand pour rendre significatifs les tests auprès du public.

Le rôle spécifique de Radio France serait la réalisation des services associés aux programmes. La réalisation de ce projet, liée à l'aide que les pouvoirs publics pourront lui apporter, en particulier pour contribuer au financement d'un parc de récepteurs, conférerait à la France une avance importante en ce domaine, par rapport aux projets étrangers où leur part est moins importante.

2. La diffusion par satellite sur CanalSatellite

Radio France envisage de créer un bouquet de programmes musicaux complètement nouveaux , et de les proposer en option payante aux abonnés du câble et du satellite .

La demande du public sur ce type de programmes semble en effet se porter sur des stations thématiques musicales pas trop générales donnant une grande impression de choix. L'offre gagnerait à valoriser en particulier le savoir-faire des programmateurs de Radio France ainsi que son fonds discographique exceptionnel. Toutefois, il est encore un peu tôt pour juger de l'apparition effective d'une audience sur ces nouveaux réseaux, ne permettant qu'une écoute fixe, et généralement accessibles seulement sous condition d'avoir pris en même temps un abonnement au bouquet de télévision qui en est le service principal.

La radio publique souhaite d'abord constituer une offre gratuite de programmes Radio France à partir des programmes thématiques existants, et de ceux qui ne disposent pas d'une couverture nationale : cela a été fait avec France Info, France Musique, Hector, FIP et Radio Bleue.

Le bouquet comporte cependant un fil musical spécialement créé à cet effet. Sous le nom d' » Elisa », il est constitué à 100% de chansons françaises. Il permettra un premier test de l'accueil du public face à cette sorte d'offre.

Cet ensemble de programmes est diffusé sur CanalSatellite depuis le 1er juillet 1996.

Il pourrait être ultérieurement complété par des offres que Radio France développerait pour le DAB, ou par des produits plus complexes et plus lourds à produire (chaînes culturelles de rediffusion par exemple).

Un canal satellite permettrait à la fois :

- l'alimentation des réseaux câblés, avec si possible contrôle d'accès,

- la diffusion directe avec contrôle d'accès et gestion des abonnés.

Cela a justifié le choix de l'opérateur CanalSatellite, qui est stratégique, car il permet de résoudre ces deux problèmes.

Ce choix ne doit pour autant pas être exclusif, dans une période où la façon dont se distribueront les parts d'audience est encore inconnue. Ainsi l'hypothèse de monter un bouquet sur Eutelsat, dans le cadre de TPS, est-elle à l'étude. Votre rapporteur ne peut qu'encourager cette diffusion sur des supports satellitaires multiples .

Cette mesure serait cohérente avec la présence de la télévision publique, et cette cohérence pourrait être renforcée par la constitution d'une entité d'édition de programmes réunissant les différentes sociétés du service public.

CHAPITRE VII : LES MOYENS DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AUDIOVISUEL

I. L'ÉVOLUTION DES MOYENS FINANCIERS

A. DES EFFORTS D'ÉCONOMIES QUI PÈSENT SUR L'EXÉCUTION DES MISSIONS CONFIÉES AU CSA

Par rapport à 1990, les moyens financiers du Conseil supérieur de l'audiovisuel ont été réduits d'un cinquième .

Malgré des efforts d'économies, dont la renégociation du poste de dépenses le plus important, la convention avec TDF, les nouvelles missions confiées par le législateur au Conseil n'ont pas été accompagnées d'une augmentation concomitante de ses crédits budgétaires.

1. Les efforts d'économies

De 1989 à 1994, la recette hors taxes comptabilisée par TDF en contrepartie des prestations et services exécutés pour le compte du CSA n'a progressé que de manière limitée (de 84,3 millions de francs à 85,5 millions de francs), soit en 5 ans d'à peine 1,4 %.

Les contraintes budgétaires ont amené le Conseil à engager, en juin 1995, une négociation sur chacun des éléments de la convention reconduite depuis 1989.

Dès 1995, la facturation hors TVA de TDF a été ramenée à 82,1 millions de francs, contre 85,5 en 1994.

Cette baisse, il est vrai, a été en partie obtenue par une suspension en décembre 1995 du traitement des réclamations qui, à elle seule, a représenté une économie de quelque 1,8 million de francs.

Il n'en demeure pas moins que cette renégociation a permis de gommer les effets de la hausse des prix 1995 (que T.D.F souhaitait en bonne logique répercuter dans sa facturation, pour 2,5 millions de francs environ) et d'obtenir ainsi une baisse tarifaire réelle d'un minimum de 4,5 millions de francs. C'est pour une large part grâce à ce résultat, qui s'est ajouté aux effets d'un plan d'économies interne, que le CSA a pu respecter son enveloppe budgétaire 1995, amputée de 4,5 millions de francs à l'occasion de la loi de finances rectificative.

2. La remise en cause des missions confiées par le législateur au CSA

a) La suspension du contrôle technique effectué par TDF en décembre 1995

Les dispositions arrêtées en loi de finances 1995 prévoyaient une dotation budgétaire globale de quelque 205,9 millions de francs, en diminution de 2 millions de francs par rapport à celle accordée au CSA au titre de l'exercice 1994, pour assurer la rémunération de ses personnels et couvrir ses charges de fonctionnement.

L'adoption, en août 1995, de la première loi de finances rectificative a amputé ses crédits de fonctionnement courant de 4,5 millions de francs et renchéri de plus de 1,5 million de francs le coût des prestations facturées par ses fournisseurs (en particulier TDF), en raison de la majoration de 2 points du taux normal de la TVA.

Malgré des efforts d'économie, le CSA a dû se résoudre, au mois de novembre 1995, à prendre la décision de suspendre le traitement des réclamations des auditeurs et téléspectateurs se plaignant de perturbations ou de brouillages de la réception radio ou télévision .

La mesure a permis de ramener la facture 1995 de TDF à 95,4 millions de francs (contre les 104 millions de francs initialement réclamés).

Néanmoins, elle a provoqué, tant de la part du public que de nombreux parlementaires, une avalanche de protestations . De plus, TDF a dû, en janvier et février 1996, renforcer son dispositif d'intervention afin de résorber le retard accumulé en fin d'année 1995. Cette éclipse du CSA et de TDF a donné du Conseil et de TDF une image navrante d'un service public incapable d'assurer ses missions. Or. il s'agit là d'une sanction injuste au regard des efforts consentis par le CSA depuis plusieurs années.

Alors que ses missions ne cessent de s'élargir et de se diversifier, ses crédits de fonctionnement ne dépassent pas, en 1996, en francs courants , la valeur qu'ils atteignaient en 1990, ce qui représente une perte de pouvoir d'achat de quelque 16 à 18 %.

En 1996 , le volume des moyens accordés au Conseil devait atteindre 206,3 millions de francs en progression apparente de 0,4 million de francs par rapport au montant des crédits initialement alloués au CSA au titre de l'année 1995.

Inscrits pour près de 60 millions de francs, les crédits de rémunération, ont pris en compte la suppression nette de 2 emplois. Le CSA n'a plus la possibilité de recourir au paiement d'heures supplémentaires ou à l'emploi de renforts pour absorber les surcroîts d'activité. Aucun remplacement n'est autorisé pendant les périodes de congés.

Les crédits de fonctionnement ont accusé une diminution de 900 000 francs par rapport aux moyens initiaux de 1995 (145,4 millions de francs contre 146,3 millions de francs).

On a pu évaluer à près de 5,8 millions de francs, en année pleine, la charge supplémentaire ou la perte de pouvoir d'achat imposées au CSA dues au relèvement de deux points du taux de la TVA, en 1996, sans modification des prestations fournies, soit près de 4 % de la totalité du budget de fonctionnement.

Un nouveau plan d'économies a été élaboré, s'ajoutant à celui déjà mis en oeuvre en 1995. Les crédits de déplacement, missions et réceptions, à disposition des membres et des services, ont été diminués de 28 %. Les négociations avec TDF (dont la facture consomme près de 69 % des crédits de fonctionnement) ont repris avec un nouvel objectif de baisse d'autant plus substantielle que le coût de sa prestation se trouvait automatiquement affecté par le relèvement du taux de TVA.

Or, au mois de mars 1996, les crédits du CSA ont fait l'objet d'une mesure de gel de crédit de 2,7 millions de francs. L'arrêté du 26 septembre 1996 a finalement annulé 2,4 millions de francs, soit - 1,64 % des crédits de fonctionnement.

Il est à craindre que cette rigueur budgétaire persistante, qui atteint un organisme auquel le législateur a confié de nouvelles missions dont la mise en oeuvre, progressive, requiert de nouveaux moyens financiers, rende la tâche du CSA plus difficile dans plusieurs domaines , comme le contrôle :

- du respect des quotas de diffusion de chanson française,

- de l'accès des radios à la publicité locale,

- des obligations que sont tenues de respecter les opérateurs diffusant localement des programmes télévisés (en particulier en matière d'égalité de traitement des élus et formations politiques).

Le CSA pourrait être contraint, dans les derniers mois de l'exercice 1996, d'adopter des mesures similaires à celles auxquelles il avait dû se résoudre à la fin de l'année 1995, en ce qui concerne le traitement des réclamations.

On ne peut admettre que, pour des raisons budgétaires, le CSA fonctionne onze mois sur douze...

b) La difficile mise en place du contrôle des quotas de chanson française

La loi du 1er février 1994 a imposé, à compter du 1er janvier 1996, un quota de 40 % de chansons d'expression française, dont la moitié au moins provenant de nouveaux talents ou de nouvelles productions, dans les programmes composés de musique de variétés.

Confronté, depuis plus de 7 ans pour ses crédits de fonctionnement, depuis 4 ans pour ses effectifs, à des réductions budgétaires extrêmement sévères, le CSA a été considérablement gêné, malgré des efforts incontestables, pour dégager, par redéploiement interne, les personnels et les ressources qu'impliquait la mise en oeuvre de ce contrôle. Il se limite actuellement aux opérateurs nationaux de radio .

Un dispositif que le CSA souhaite provisoire a été néanmoins mis en oeuvre en liaison avec IPSOS dont l'une des spécialités est de surveiller et d'analyser, pour le compte d'organismes répartiteurs de droits, de maisons de production, voire d'opérateurs radio, le contenu des programmes radiophoniques et plus précisément leur programmation musicale.

Le contrôle permanent de 15 opérateurs de réseaux nationaux, est facturé annuellement au CSA, au terme de la convention avec IPSOS, 290 000 francs TTC.

Des négociations ont été engagées en 1995 pour définir à quelles conditions financières, sous quelles règles de confidentialité et au prix de quelles adaptations, les informations recueillies par cet institut pouvaient être mises à la disposition du CSA. Après contrôle de la fiabilité des données recueillies, le CSA a conclu avec IPSOS une première convention dans le courant de l'année 1995 et vient de la renouveler, après quelques adaptations, au début de l'année 1996.

Le CSA souhaite, à compter de 1997, mettre en place un contrôle systématique de tous les opérateurs radio sur la base d'une déclaration mensuelle donnant les pourcentages quotidiens de chansons d'expression française diffusées au cours du mois précédent.

Le contrôle ponctuel permettra de vérifier la sincérité de la déclaration sur un jour déterminé et, en cas d'anomalie, de déclencher une mise « sous surveillance » permanente de l'opérateur en cause.

Cette procédure serait relativement économique (environ 150 000 francs) et permettrait de disposer d'informations exhaustives sur la programmation musicale d'expression française sur l'ensemble du réseau. En outre, elle garantirait une égalité de traitement entre opérateurs.

Elle se heurte néanmoins à la réticence, pour ne pas dire l'opposition, des opérateurs radio qui, pour certains d'entre eux, refusent de signer la clause conventionnelle portant obligation de cette déclaration mensuelle.

Malgré tous les efforts que le Conseil déploie pour faire aboutir ce projet, il n'est pas certain qu'il puisse voir le jour en 1997.

B. LES PERSPECTIVES BUDGÉTAIRES POUR 1997

Le projet de budget 1997 du CSA s'inscrit à 208,75 millions de francs contre 206,35 figurant au budget initial 1996. La progression en francs courants s'établit donc à environ 2,4 millions de francs.

Les crédits de personnel enregistrent une hausse, pour une large part temporaire, de 2,8 millions de francs passant de 61 millions de francs en 1996 à 63,8 millions de francs en 1997.

Les crédits de fonctionnement accusent pour leur part une diminution de 0,4 million de francs s'inscrivant, en francs courants, à 1,3 million de francs en-deçà du niveau qui était le leur en 1990.

Cette évolution aura réduit en 1997 de quelque 30 millions de francs le pouvoir d'achat du CSA par rapport à 1990, soit d'environ 21 % .

Si on ajoute que sur la période, le CSA a dû supporter les coûts de mise en oeuvre et de fonctionnement de 16 comités techniques radiophoniques, on mesure toute l'importance des mesures de rationalisation, d'économie et de redéploiement interne que le Conseil a ou devra mettre en oeuvre pour remplir ses missions dans les limites de ses autorisations budgétaires.

II. L'ÉVOLUTION DES MOYENS JURIDIQUES

A. LES RAPPORTS ENTRE LE CSA ET LES NOUVELLES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES

1. Le CSA et l'Agence nationale des fréquences hertziennes

L'article 14 de la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications a tout d'abord créé une Agence nationale des fréquences hertziennes , chargée d'un rôle de coordination interministérielle. Elle héritera donc des missions du Comité de coordination des télécommunications (CCT), ainsi que de certaines activités de la Direction générale des postes et télécommunications (coordination internationale, relations avec l'UIT et la CEPT).

La loi a précisé que chaque administration conservera ses prérogatives pour la gestion et le contrôle des fréquences qui lui sont affectées.

En effet, le CSA avait fait savoir à plusieurs reprises qu'il estimait indispensable de conserver l'intégralité de ses compétences en matière de planification, d'attribution et de contrôle des fréquences. Le CSA pourra, par un choix qui lui sera propre, confier certaines tâches à l'agence.

2. Le CSA et l'autorité de régulation des télécommunications

Par ailleurs, l'article 16 de la loi a confié à l'autorité de régulation des télécommunications (ART) l'attribution des fréquences de transmission actuellement gérées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel et utilisées notamment pour l'alimentation des émetteurs des stations de radio et de télévision et les liaisons de reportage pour la couverture d'événements sportifs ou d'actualité. La conséquence de cet article est que le CSA ne gérera plus que les bandes de radiodiffusion et de transmission par satellite.

L'activité de transmission est inséparable de celle de radiodiffusion. Cette concentration des compétences, dévolue jusqu'à présent par la loi au CSA, était pourtant un outil efficace pour veiller au pluralisme du secteur audiovisuel.

La gestion par deux autorités différentes des moyens indispensables au développement d'un réseau va rendre beaucoup plus complexe à l'avenir la tâche des diffuseurs.

On peut citer à titre d'exemple la mise en place des réseaux terrestres de diffusion DAB pour lesquels le CSA vient de publier un appel aux candidatures pour la région parisienne. Un tel réseau monofréquence régional ne peut se concevoir sans transmission par voie terrestre de blocs de programmes entre émetteurs.

De même, des réseaux plus vastes nécessiteront aussi des liaisons terrestres car des transmissions exclusivement par voie satellitaire ne permettront pas d'intégrer les éléments de programmes ou des données complémentaires à caractère local ou régional, éléments que souhaitent inclure la plupart des radiodiffuseurs.

Si l'ART hésite ou même refuse d'affecter des bandes de fréquences pour ce nouveau type de transmissions, les autorisations du CSA seront sans effet : le DAB ne pourra pas se développer.

Un autre exemple est celui de liaisons studio-émetteur pour les radios privées. Le CSA mène depuis plusieurs années une politique visant à exclure les émetteurs des radio privées des centres-villes. Cette action, qui a pour but de supprimer les gênes de proximité occasionnées par l'implantation d'émetteurs de radiodiffusion dans des zones d'habitat dense, n'a pu être menée à bien que parce que le Conseil a pu attribuer aux radios privées des fréquences pour transmettre leur programme entre leurs studios, généralement installés en centre-ville, et leurs émetteurs. Là aussi, si l'ART limite les possibilités d'attribution de telles fréquences de transmission, la politique menée par le Conseil sera remise en cause.

On peut donc considérer que l'article 16 soumet de fait à des décisions de l'Autorité de régulation des télécommunications le développement de certains réseaux de communication audiovisuelle , ce qui confirme les craintes que votre rapporteur a exprimées à deux reprises.

Dans un article publié dans Le Monde, le 5 juin 1996, il craignait « la coexistence des deux instances, l'une pour la régulation, a posteriori, des contenus, - le CSA -, l'autre pour la réglementation des infrastructures, - l'ART -, ce qui serait en contradiction avec l'esprit de la loi de 1986 et même avec l'évolution technologique, caractérisée par un mouvement de convergence des télécommunications et de la communication audiovisuelle ».

Au cours de la discussion générale de la loi de réglementation des télécommunications, votre rapporteur est intervenu pour faire part de ses interrogations.

Intervention du sénateur Jean Cluzel lors de la discussion générale de la

loi de réglementation des télécommunications, le 4 juin 1996

(extraits)

La libéralisation du secteur des télécommunications s'inscrit (...) dans un mouvement international de déréglementation qui favorise la dérégulation. Si ce concept, d'origine anglo-saxonne, a bénéficié d'un terreau juridique favorable en Grande-Bretagne, il a aussi touché la France avec, dans les années 1985-1986, le passage du monopole d'État à l'économie de marché dans le secteur de la radiotélévision.

L'une des principales différences entre la régulation nord-américaine et la régulation européenne tient à la séparation organique et fonctionnelle qui existe en Europe entre la régulation du secteur des télécommunications et celle du secteur de l'audiovisuel.

La tentation pourrait être grande de créer une instance de régulation unique ; d'ailleurs, pour tout vous avouer, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai été un peu tenté par cette formule. Mais il est sans doute trop tard pour mettre en place une autorité comparable à l'autorité américaine. Notre histoire juridique du droit des télécommunications et de l'audiovisuel s'y oppose.

Par conséquent, l'examen de ce projet de loi doit être l'occasion (...) de mieux préciser la frontière entre audiovisuel et télécommunications, et, partant, entre le CSA et les nouvelles instances de régulation qui vont être créées.

Je voudrais essayer de mieux préciser la frontière existante entre audiovisuel et télécommunications.

Services et supports de communication audiovisuelle, d'une part, et de télécommunications, d'autre part, sont aujourd'hui soumis à deux régimes juridiques fondamentalement différents, sous l'égide d'une instance indépendante, le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, d'un côté, et d'un service ministériel, la Direction Générale des Postes et Télécommunications, de l'autre. (...)

Le fondement de l'action du CSA réside dans la mise en oeuvre et la sauvegarde de tels principes. Certains (...) sont de valeur constitutionnelle, tel le pluralisme des courants d'expression socioculturels et politiques. Le CSA est indépendant du pouvoir politique, alors que le juge administratif le contrôle. Cette logique s'oppose à celle de la DGPT, c'est-à-dire à un mode de fonctionnement lié au Gouvernement.

Mais la déréglementation des supports de télécommunications, postérieure à celle des supports de communication audiovisuelle, se caractérise par sa très grande rapidité et sa plus grande ampleur.

La différence est tout aussi remarquable pour les services. En effet, les services de communication audiovisuelle restent fortement réglementés, cependant que ceux de télécommunications ne sont soumis à aucune règle de contenu. (...)

Dès lors, on comprend qu'il est primordial de définir avec précision les critères permettant de rattacher un service donné soit à la communication audiovisuelle, soit aux télécommunications.

À cet égard, les réglementations relatives à la communication audiovisuelle et aux télécommunications reposent traditionnellement, d'une part. sur le caractère de la correspondance privée ou non et, d'autre part, sur la communication vers le public de l'émission.

Au surplus, en droit français, le support de diffusion utilisé ne présuppose pas le régime applicable au service diffusé. En revanche, la nature audiovisuelle du service entraîne l'application de la loi du 30 septembre 1986. Elle légitime l'intervention du CSA, alors que le caractère de correspondance privée du service le soumet à la compétence de la DGPT.

Partout dans le monde, cette frontière s'estompe sous l'effet conjugué de deux évolutions : l'apparition de services d'une nature nouvelle et l'utilisation indifférenciée de l'ensemble des supports de communication existants.

Ces nouveaux services, tels que le paiement à la séance, la vidéo à la demande, les services interactifs sur sites ou sur réseaux, entrent difficilement dans seulement l'un ou l'autre de ces deux régimes. En bref, ils jouissent d'une double nature. Ils ont un aspect de correspondance privée indéniable en ce qui concerne l'échange de données personnalisées (acte d'achat, etc.) ; en revanche, dans la plupart des cas, la présentation des produits est bien destinée à un large public, ce qui les fait ainsi relever de la communication audiovisuelle.

En matière de support ensuite, la compression numérique fait progressivement disparaître la logique législative de gestion de la rareté des ressources, sur tous les supports. Or, l'architecture de la loi du 30 septembre 1986 est aujourd'hui fondée sur le triptyque : « un programme/une fréquence/un service ». Elle devra donc être révisée afin de mettre en place un régime où la régulation des services primera sur la gestion des supports. Il s'agit là, me semble-t-il, d'un point essentiel de notre débat.

On doit également s'attendre, sous l'effet de la compression numérique, à une utilisation de plus en plus indifférenciée des supports existants de diffusion.

Si, depuis longtemps, les satellites de télécommunications sont utilisés à des fins de communication audiovisuelle, on va bientôt assister à une montée en puissance des services de télécommunications sur les réseaux câblés autorisés par le CSA.

Il en sera ainsi de la téléphonie vocale entre points fixes qui pourra être offerte par les câblo-opérateurs en Europe après 1998. Il en sera de même de l'utilisation des réseaux de télécommunications par des services de communication audiovisuelle, comme la vidéo à la demande sur les réseaux autorisés par la DGPT.

Ce rapprochement des services et des supports, prévisible à court terme, plaide incontestablement en faveur d'une actualisation des pouvoirs du CSA (...).

À moyen terme, certaines des compétences actuelles du Conseil vont se trouver atténuées par l'évolution de la technique. Premièrement : les quotas de diffusion et obligations de production semblent menacés, en particulier dans leur application aux nouveaux services. Deuxièmement : le régime d'autorisation devra prendre en compte la multiplication des capacités de diffusion (...). Enfin, plus généralement, la logique de la loi - pour l'action même du CSA - fondée sur la gestion de la rareté des ressources de diffusion s'en trouvera modifiée.

Une classification opératoire entre services de communication audiovisuelle et services de télécommunications doit donc être affirmée.

Pourtant, aucune classification opératoire n'a été à ce jour définie et cette question semble abordée sans cohérence apparente au niveau international. (...) Pour ne prendre qu'un exemple, le téléachat est soumis aux dispositions de la directive télécommunications du 28 juin 1990. Or, la législation française, comme les autres législations européennes, régit l'activité de téléachat comme dépendant de la communication audiovisuelle, tout en y appliquant des règles particulières relatives à la protection du consommateur.

Quelle approche alors envisager ?

Tout d'abord, il faut savoir que certains de ces « nouveaux services », nécessiteront un micro-ordinateur (tels les services accessibles sur Internet), d'autres un simple téléviseur (...).

La nature du terminal de réception n'influe donc pas sur la nature du service véhiculé ou sur la nature du contrôle auquel le service est soumis. Ainsi, le programme TF1 devenant accessible sur micro-ordinateur demeure un programme de communication audiovisuelle, et, à ce titre, continue à relever de la compétence du CSA.

Deux critères primordiaux pourraient être retenus pour définir clairement la frontière entre les services qui devront relever du régime de la communication audiovisuelle et ceux qui ne seront soumis qu'aux règles relatives aux télécommunications : le caractère de destination du message au public en général ou à une catégorie de public, le contenu des messages transmis qui ne doit pas avoir le caractère de correspondance privée.

Une approche à partir du seul contenu du programme ne peut donc être retenue dans la mesure où elle permet toutes les interprétations possibles.

Cette approche semble être la seule opératoire, les critères objectifs ainsi posés permettant de couvrir l'ensemble des cas de figure.

B. L'ÉVOLUTION DES COMPÉTENCES DU CSA

1. Le CSA et le droit de la concurrence

Certaines dispositions du droit de la concurrence appliquées en matière de communication audiovisuelle pourraient utilement faire l'objet d'adaptations.

D'une manière générale, l'information du CSA pourrait être améliorée dans la mesure où les mouvements capitalistiques sont aujourd'hui rapides, nombreux et de plus en plus complexes. Si le CSA connaît avec précision la composition capitalistique de chaque société autorisée, tel n'est pas toujours le cas de leurs actionnaires majoritaires ou de l'intégralité des accords de toute nature que ceux-ci ont pu passer.

Les montages juridiques sont de plus en plus complexes, cependant que de nombreux actionnaires ne relèvent pas de la loi française. Au surplus, la mise en oeuvre du dispositif anti-concentration implique une connaissance accrue des mécanismes boursiers et de certaines dispositions du droit des sociétés. On peut par exemple ici penser à l'introduction, dans la loi du 1er février 1994, de la notion d'action de concert entre actionnaires.

S'agissant de l'interdiction de prête-nom (article 35), le CSA a acquis la conviction qu'il existait dans certains cas des conventions passées entre actionnaires d'une société titulaire d'une autorisation, ou entre actionnaires et tiers, dans le but de contourner le dispositif anti-concentration.

Pour remédier à cette difficulté, il pourrait être envisagé de qualifier de nulle et non avenue toute convention entre actionnaires d'une société autorisée, ou entre actionnaires et des tiers, non présentée au CSA et ayant pour objet ou pour effet de faire obstacle aux règles relatives au contrôle des sociétés de l'audiovisuel ou à celles relatives à la concentration.

Enfin, le dispositif anti-concentration semble laisser une marge de manoeuvre trop étroite au Conseil supérieur de l'audiovisuel. Fondé sur l'application de règles strictes dont le non-respect appelle inévitablement une sanction, il ne permet pas au CSA d'apprécier le pluralisme au gré des évolutions techniques et économiques extrêmement rapides de ce secteur.

Un dispositif plus souple devrait permettre au Conseil de conditionner son accord au respect de conditions garantissant la sauvegarde du pluralisme tout en laissant une certaine liberté aux opérateurs.

2. Le CSA et le développement de la diffusion numérique hertzienne

Même si, comme on l'a vu au chapitre II, il paraît prématuré d'envisager une transition à court terme de la télévision analogique à la télévision numérique terrestre, en revanche, l'appel aux candidatures lancé par le CSA lors de sa séance plénière du 16 juillet 1996 pour un ensemble de services audionumériques en Ile-de-France pour une durée de cinq ans, dans le cadre de la loi n°96-299 du 10 avril 1996 relative aux expérimentations dans le domaine des technologies et services de l'information, va rendre nécessaire une évolution de la réglementation pour adapter la loi du 30 septembre 1986 à la radiodiffusion numérique terrestre.

De ce fait, l'adaptation envisagée pour la radio pourrait anticiper celle nécessaire pour la télévision.

ANNEXE AU CHAPITRE VII

Les réflexions du CSA sur l'évolution de la réglementation de la

communication audiovisuelle : l'exemple du DAB

Le DAB se caractérise par la constitution d'un multiplexe numérique dans lequel des services de toute nature et de toutes origines peuvent se retrouver. La largeur d'un bloc doit ainsi être regardée comme une ressource permettant de diffuser un certain débit numérique. Cette ressource globale est artificiellement divisée en voies qui peuvent permettre de diffuser des programmes sonores, mais aussi :

- des données associées à chaque programme sonore (titre d'une chanson par exemple) ;

- des services de communication audiovisuelle autres (téléchargement de cartes routières par exemple, y compris de l'image animée) ;

- le cas échéant, des services de télécommunications.

Le DAB offre ainsi une grande souplesse d'utilisation : le nombre de services diffusables est plus ou moins important selon le taux de protection d'erreur souhaité et les types de programme (mono ou stéréo, parole ou musique, etc., car tous les signaux ne nécessitent pas le même débit).

Dès lors, la logique même de la loi de 1986 n'est plus guère envisageable : il n'est plus possible d'attribuer une fréquence à un éditeur pour la diffusion d'un programme sonore. Il devient nécessaire de déterminer comment attribuer la ressource à un ensemblier en charge du multiplexe et de gérer l'attribution de cette ressource entre les différents services et éditeurs. Cette problématique se retrouvera à l'identique en matière de télévision numérique par voie hertzienne terrestre.

Ainsi, d'une manière générale, le défi posé au législateur et à l'instance de régulation est le suivant : dans une économie où les notions mêmes de radio et de télévision tendent à évoluer, et où les supports de communication sont indistinctement utilisés, quel système d'attribution de la ressource envisager ?

Quel doit être surtout le rôle de ce nouvel opérateur qu'est l'ensemblier ?

Sachant que les problèmes soulevés par le DAB se poseront dans des termes comparables pour la télévision numérique par voie hertzienne terrestre, l'appel aux candidatures lancé par le CSA le 16 juillet 1996 permet, au travers d'une première application de la loi relative aux expérimentations, de mieux sérier les problèmes que pose l'introduction de la compression numérique par voie hertzienne terrestre en France.

La loi du 10 avril 1996 reposant sur le principe d'une déconnexion de l'autorisation d'usage de fréquence (attribuée à un ensemblier) et du conventionnement de chaque service (concernant chaque éditeur), une question préalable devra être à terme tranchée : l'économie de ce système est-elle satisfaisante, doit-elle être approfondie ou un autre système peut-il lui être substitué ?

En toute hypothèse, la mise en oeuvre de cette loi a permis de constater que cinq questions fondamentales devraient à l'avenir être impérativement résolues.

1/ QUEL STATUT POUR LES ÉDITEURS DE SERVICES ?

Aux termes de l'article 3-II de la loi du 10 avril 1996, les éditeurs de services passent simplement une convention avec le CSA. Ainsi, il reviendrait en définitive à l'ensemblier de choisir les programmes qu'il souhaite voir figurer dans le plan de services de son bloc, puis d'obtenir une autorisation d'usage de fréquences auprès du CSA.

Comment, dans ces conditions, assurer le pluralisme des éditeurs de services ?

Il n'est pas souhaitable qu'à la régulation du paysage radiophonique mise en oeuvre par le Conseil depuis 1989 se substitue la seule logique commerciale de l'ensemblier. La diffusion numérique devant profiter à l'ensemble des acteurs du paysage audiovisuel, et les principes de valeur constitutionnelle fondant la loi de 1986 demeurant valables, le Conseil a entouré l'appel aux candidatures de garanties en faveur des éditeurs de services.

L'ensemblier se présentant devant le Conseil devra ainsi notamment indiquer :

- les demandes de tous les éditeurs de services souhaitant figurer dans le bloc pour lequel il sollicite une autorisation ;

- la liste des services que le candidat souhaite voir effectivement figurer dans le bloc et les motifs de son choix ;

- l'accord écrit de leurs responsables ainsi que les éléments constitutifs de la convention de service ;

Au surplus, après publication au Journal officiel de la liste des candidats recevables (indiquant la ressource technique demandée ainsi que la liste des services présentée par le candidat), tout éditeur de service ne figurant pas au sein du plan de services pourra contester le choix des services effectué par le candidat à la délivrance de l'autorisation.

On peut souhaiter qu'à l'avenir le législateur donne au Conseil une compétence plus précise pour l'exercice de la régulation du paysage radiophonique ou télévisuel, fut-il numérique.

2/ QUELLE GESTION DE LA RÉPARTITION DE LA RESSOURCE ?

D'une manière générale, l'introduction des techniques numériques suppose des investissements financiers très importants : équipement des émetteurs, développement de nouveaux récepteurs ou de décodeurs, lancement éventuel de nouveaux programmes.

Le lancement du DAB sera donc onéreux pour l'ensemble de ses acteurs. À titre d'exemple, pour les radios à couverture nationale désirant diffuser le même programme en DAB. cette diffusion n'engendrera aucune extension des zones de services et ne générera par conséquent aucune ressource publicitaire nouvelle.

À l'inverse, la diffusion de services auxiliaires peut constituer une source de financement plus immédiate. Techniquement, la répartition d'un bloc entre programmes de radiodiffusion sonore ou de télévision et services auxiliaires procède d'un choix. Dans le cas où cinq programmes sont diffusés par bloc (comme c'est le cas dans l'appel aux candidatures DAB), deux, voire trois, services auxiliaires pourront être diffusés.

Ainsi, quelle que puisse être la souplesse de la ressource utilisable, il apparaît aujourd'hui impossible d'attribuer à chaque éditeur ainsi qu'à l'ensemblier une part égale et suffisante de cette ressource auxiliaire. D'une façon générale d'ailleurs, il est frappant de constater que la compression numérique en hertzien terrestre ne remet pas en cause, tant s'en faut, la problématique de la rareté de la ressource, problématique qui fonde en grande partie l'action du Conseil.

Sachant que chaque ensemblier et éditeur souhaiteront probablement diffuser eux-mêmes ces services, comment gérer la répartition de la ressource au sein d'un bloc donné entre les différents opérateurs ?

La loi du 10 avril 1996 n'en dit mot. Lors de la délivrance des autorisations, le Conseil veillera cependant à ce que la répartition de cette ressource ne porte pas atteinte aux critères traditionnels de la loi de 1986, tel celui du pluralisme des courants d'expression socio-culturels figurant à l'article 1er.

On peut cependant souhaiter qu'à terme une procédure claire donne des clefs de répartition entre les différents éditeurs et entre les éditeurs et l'ensemblier.

3/ QUEL STATUT POUR LES SERVICES AUTRES QUE DE RADIO ET DE TÉLÉVISION ?

La procédure de conventionnement de la loi de 1986 ne concerne aujourd'hui que les services de radio et de télévision. À défaut, les services de communication audiovisuelle qui ne peuvent être qualifiés comme tels (téléchargement de données par exemple) relèvent d'un simple régime déclaratif aux termes de l'article 43 de la loi de 1986.

Parmi les programmes diffusés en DAB, la plupart seront naturellement des services de radiodiffusion sonore pour lesquels une procédure de conventionnement ne posera pas de problème. Il en ira de même pour la télévision. Mais d'autres programmes ne pourront être qualifiés de programmes de radiodiffusion sonore ou de télévision (transport de données de toutes sortes). Parmi ces derniers, trois types de services doivent être envisagés.

Les données associées

Le cas des données liées au programme principal devrait être réglé par la convention initiale de ce programme. Ces données dites « associées » se contentent de compléter et d'améliorer le programme principal (titre de la chanson, livret d'opéra, etc.). Elles ne constituent donc pas un nouveau service en soi.

Il serait souhaitable qu'une définition soit à l'avenir élaborée pour les distinguer avec précision des services auxiliaires.

Les services auxiliaires de communication audiovisuelle

La loi est contradictoire sur ce point. En son article 3-1, elle dispose que l'ensemblier se voit attribuer la ressource pour « un ensemble de services de radiodiffusion sonore ou de télévision ». Mais en son article 3-II, le conventionnement des services ainsi diffusés concerne l'ensemble des services de « communication audiovisuelle ».

La rédaction de l'article 3-II semble devoir l'emporter sur celle, plus restrictive, de l'article 3-I : tout service de communication audiovisuelle doit ainsi être conventionné par le Conseil sur la base de l'article 28 de la loi de 1986 (télé-chargement de cartes routières, informations touristiques, etc.).

On peut envisager qu'à terme une procédure de conventionnement plus spécifique que celle de l'article 28 soit élaborée pour ces services.

Les services de télécommunications

La procédure de conventionnement ne saurait bien évidemment concerner les services de télécommunications. En revanche, le plan de service de chaque ensemblier peut mentionner la reprise de tels services après qu'ils aient été autorisés sur la base de l'article 23 de la loi de 1986.

Mais il sera sans doute nécessaire de déterminer si une place, plus ou moins importante, de cette ressource audiovisuelle doit être réservée à des services de télécommunications.

4/ QUEL TRAITEMENT POUR LES SOCIÉTÉS NATIONALES DE PROGRAMME ?

Aux termes de l'article 26 de la loi de 1986 (auquel la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications ne porte pas dérogation), TDF bénéficie d'un monopole pour la diffusion de tous les programmes des sociétés nationales de programme (SNP); les SNP bénéficient pour leur part d'un droit de priorité pour l'attribution de fréquences nécessaires à l'accomplissement de leurs missions de service public.

Trois problèmes peuvent être identifiés :

- des programmes assurés par les SNP, lesquels relèvent de leurs missions de service public ?

- dans le cadre d'un regroupement entre opérateurs publics et privés au sein d'un même bloc, et dans l'hypothèse où le Gouvernement fait jouer le droit de préemption du service public, ce droit de préemption peut-il ainsi indirectement bénéficier aux opérateurs privés du bloc ?

- La présence d'un seul programme des SNP dans un bloc emporte juridiquement un monopole de droit pour la diffusion du bloc par TDF. Le monopole de fait qui en résulte pour les opérateurs privés du bloc doit-il être aménagé ou doit-on simplement considérer que les opérateurs privés du bloc ont choisi de recourir à TDF comme prestataire de diffusion ?

Dans le cadre de l'appel DAB lancé par le CSA en Ile-de-France, deux possibilités pourraient être envisagées pour régler partiellement ces questions.

En premier lieu, les radios du service public pourraient se regrouper sur un bloc unique afin de permettre une libre concurrence des prestataires de diffusion.

En second lieu, il pourrait être utile, au vu du caractère expérimental de cette opération, que le Gouvernement ne fasse pas jouer le droit de préemption du service public. Lorsque le quatrième bloc aura été attribué courant 1997, il est cependant possible que la ressource disponible soit suffisante pour l'ensemble des opérateurs intéressés.

Des solutions à plus long terme devront par la suite être trouvées, en radio et en télévision. Ces problèmes se poseront avec plus d'acuité encore avec le MMDS pour lequel ne peut intervenir qu'un seul prestataire technique de diffusion.

5/ QUEL STATUT POUR L'ENSEMBLIER ?

Avec l'introduction des techniques de compression numérique en Europe, des regroupements stratégiques sans précédent dans le secteur audiovisuel sont entrepris depuis plusieurs années, en partie par souci d'économie d'échelle, en partie pour un meilleur positionnement stratégique des opérateurs existants.

S'agissant de la diffusion par voie hertzienne terrestre, ces évolutions devraient également être importantes. On distingue habituellement la fonction d'éditeur de service, appelant la responsabilité éditoriale sur le contenu du programme et la fonction de prestataire technique de diffusion, sans responsabilité sur le contenu du programme (exemples : TDF, câblo-opérateur). À cela, la distribution par câble et la diffusion par satellite ajoutent la fonction de gestionnaire de bouquets et la fonction de gestionnaire des droits d'accès et des abonnements.

Depuis plusieurs années, plusieurs opérateurs ont déjà eu tendance à diversifier leur activité et à cumuler plusieurs de ces fonctions.

Ainsi, de même que les éditeurs de services diversifient leur offre de programmes (services traditionnels supplémentaires ou nouveaux services comme les services auxiliaires), et empruntent des supports de communication nouveaux (ainsi que la présence de nombreuses radios sur Internet), l'ensemblier par voie hertzienne terrestre peut prétendre assumer tout ou partie de ces quatre fonctions.

S'ils ont le savoir-faire suffisant, peuvent ainsi potentiellement répondre à l'appel aux candidatures lancé par le CSA les prestataires de diffusion traditionnels, mais aussi un regroupement d'éditeurs, voire des prestataires extérieurs au milieu radiophonique.

Dans la mesure où les autorisations que s'apprête à délivrer le CSA ne sont pas renouvelables, un cadre juridique nouveau et stable doit être prochainement élaboré. La détermination de ce futur cadre juridique s'articulera essentiellement autour de cette notion d'ensemblier, au travers de deux questions principales :

- si le système de la loi du 10 avril 1996 est conservé, il importera de déterminer en premier lieu la marge de manoeuvre réelle de l'ensemblier entre la régulation mise en oeuvre par le CSA et la place réservée à chaque éditeur de service ;

- l'accès à cette fonction doit-il être réservé à certains opérateurs du secteur audiovisuel ou être ouvert à tous ? L'ensemblier pourra-t-il être lui même éditeur de service et diffuseur de son propre bloc ?

6/ UNE PRIME AUX PIONNIERS ?

Dans tous les pays où le D.A.B. est en cours de lancement, une « prime aux pionniers » a été accordée aux éditeurs de services. Étant donnée l'importance des coûts de lancement des techniques numériques, les autorités publiques ont, selon le cas, financé la construction de nouveaux récepteurs pour qu'ils soient disponibles à un coût abordable par le grand public, doublé la durée des autorisations des éditeurs radiophoniques analogiques, réservé la ressource D.A.B. pendant une période donnée aux opérateurs analogiques.

On peut raisonnablement souhaiter, du fait de l'intérêt du D.A.B. pour les auditeurs et pour les acteurs actuels du paysage radiophonique que de tels systèmes soient mis en place en France.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 20 novembre 1996 sous la présidence de M. Roland du Luart, vice-président, la commission a procédé à l'examen des crédits de la communication audiovisuelle, l'article 58, et les lignes 47 et 48 de l'État E annexé à l'article 51, sur le rapport de M. Jean Cluzel, rapporteur spécial.

Le rapporteur spécial a tout d'abord présenté les crédits de la communication audiovisuelle puis a formulé ses observations.

En conclusion, M. Jean Cluzel, rapporteur spécial a indiqué qu'il réservait son vote personnel jusqu'aux explications du ministre lors de la discussion budgétaire.

M. Roland du Luart a déclaré partager les préoccupations du rapporteur spécial relatives à l'évolution de l'assiette de la redevance, compte tenu de la réduction de l'assiette de l'impôt sur le revenu.

M. Jean Cluzel, rapporteur spécial, a alors rappelé les effets du décret " télécide " de 1982, qui a rendu automatiques les exonérations de redevance pour les personnes âgées exonérées de l'impôt sur le revenu. Il a jugé cette situation anormale, compte tenu de l'évolution du rôle de la redevance, qui doit permettre aujourd'hui à chaque téléspectateur de participer au rayonnement et à la défense de la culture française dans le monde.

Evoquant le taux de la redevance outre-mer, M. Roland du Luart , a interrogé le rapporteur spécial sur l'alignement des tarifs " noir et blanc " et " couleur ".

M. Jean Cluzel, rapporteur spécial, a rappelé que dans les départements d'outre-mer, la redevance était perçue selon un tarif unique, celui du noir et blanc et que cette réduction résultait d'une lettre ministérielle, datant de 1982. Il a indiqué qu'il proposerait un amendement alignant les conditions de perception et d'exonération de la redevance en métropole et dans les DOM, afin que les populations outre-mer puissent également participer à la défense de l'identité culturelle française.

M. Roland du Luart ayant fait remarquer que la suppression du taux " noir et blanc " pourrait simplifier le système de perception, M. Jean Cluzel, rapporteur spécial, a indiqué que les coûts élevés de perception de la redevance résultaient essentiellement de la gestion des comptes exonérés et que leur diminution conduirait à améliorer la productivité du service. Il a rappelé, à cet égard, qu'il avait effectué un contrôle sur pièces et sur place au service de la redevance audiovisuelle de Lille, au printemps 1996, et il a jugé que ce service était bien géré. Il a souhaité l'alignement du nombre d'exonération de redevance en France sur les autres États européens. Enfin, il a estimé que si cette réforme était conduite, les problèmes de financement de l'audiovisuel public seraient résolus.

M. René Trégouët s'est inquiété du projet de fusion entre La Cinquième et la SEPT-ARTE. Il a jugé que les économies demandées au titre de la fusion étaient inégalement réparties et pesaient trop fortement sur La Cinquième. Il a considéré que la fusion entre une chaîne de flux, comme ARTE, et une chaîne de stock, comme La Cinquième, était dommageable, compte tenu de l'originalité de cette dernière dans le paysage audiovisuel français. Il a enfin rappelé que les coûts de production variaient de un à cinq entre les deux chaînes.

M. Jean Cluzel, rapporteur spécial, a considéré que les économies proposées ne s'inscrivaient pas dans un plan cohérent de management mais avaient été décidées à la lecture de plusieurs rapports, voire de manière forfaitaire. Il a pris l'exemple des coûts de diffusion, la cessation de la diffusion de certaines chaînes sur certains supports conduisant celles-ci à dédommager Télédiffusion de France en lui versant des dédits importants. Il a relevé qu'une augmentation des ressources de la redevance en faveur de La Cinquième conduirait à amputer les recettes d'un autre opérateur public.

Rappelant l'économie de la proposition de loi réformant l'organisation de France Télévision, déposée, en juin 1996, par les présidents des groupes de la majorité sénatoriale, le président de la commission des affaires culturelles et lui-même, le rapporteur spécial s'est prononcé en faveur de la création d'une société " holding " commune à l'ensemble du secteur public, à laquelle pourraient se rattacher la SEPT-ARTE et La Cinquième.

Il a, par ailleurs, estimé que les travaux de la mission d'information du Sénat sur la télévision éducative ne s'étaient qu'imparfaitement retrouvés dans la ligne éditoriale de la chaîne.

Il a enfin rappelé que l'élaboration de la grille différait profondément dans les deux chaînes. Pour la SEPT - ARTE, c'est le groupement européen d'intérêt économique qui a compétence pour la conception générale et la définition de la grille alimentée sur la base du principe de parité entre les deux pôles d'édition ; c'est lui qui en fin de compte choisit le programme mis a l'antenne. Pour La Cinquième, la production est intégralement sous-traitée.

Enfin, M. Jean Cluzel, rapporteur spécial , s'est prononcé pour l'alignement de la politique de programmation de la SEPT sur celle de La Cinquième, la SEPT devant sous-traiter sa production aux autres chaînes publiques françaises, sur l'exemple d'ARTE - Deutschland.

La commission a alors adopté les crédits de la communication audiovisuelle, l'article 58, lignes 47 et 48 et l'état E annexé à l'article 51.

* (2) Great rating point : coût nécessaire pour diffuser un message susceptible de toucher 1 % de la cible choisie.

* (3) Projet de loi de finances pour 1991, rapport général tome III, annexe 10, du 19 novembre 1991, p. 154 notamment.

* (4) Ce taux s'établissait à 6,91 % en 1975.

* (5) Taux de change :100 escudos = 3,3 francs environ

* (6) Le nouveau Conseil d'administration de la RTVE a été nommé en juillet 1996 et a reçu l'approbation des Cortes. Tout comme le précédent Conseil, il est composé de douze membres représentant, à la proportionnelle, les différents partis politiques.

* (7) page 90 du "jaune" budgétaire pour 1995.

* (8) Chiffre d'affaires brut tel qu il résulte des tarifs après modulations tarifaires.

* (9) Chiffre d'affaires facturé aux annonceurs après déduction de la commission de régie et du versement au compte de soutien (COSIP)

* (10) Great rating point : coût nécessaire pour diffuser un message susceptible de toucher 1 % de la cible choisie.

* (11) Dossier "Télévisions locales", février 1996.

* (12) Alors que la loi du 30 septembre 1986 prévoyait une procédure d'appel à candidature, la loi du 17 janvier 1989 a autorisé les services de télévision bénéficiant d'une autorisation nationale en clair à effectuer des décrochages locaux sans appel à candidature sous réserve de la conclusion d'une convention avec le CSA. Sur le fondement de cette loi, le CSA a considéré que les décrochages locaux devaient être compatibles avec le caractère national du service et répondre à certaines caractéristiques (durée réduite, population desservie limitée, absence de publicité locale...). La loi du 1er février 1994 a donné un cadre juridique aux décrochages locaux en instituant, notamment, un régime de conventionnement et en limitant la durée à trois heures par jour, sauf dérogation de la part du CSA. La loi continue d'exclure le recours à la publicité ou au parrainage. Sur ces bases, une convention-cadre a été signée entre le CSA et M6 le 13 juin 1995.

* (13) Soit une durée annuelle de 26 heures.

* (14) Soit 11,6 millions d'habitants.

* (15) TLM à Lyon. TLT à Toulouse. T2S - 8 Mont Blanc en Savoie et Haute-Savoie, Aqui TV en Dordogne, et Télé Bleue à Nîmes, de 1982 à 1995.

* (16) Nombre de téléspectateurs ayant regardé le programme au moins une fois dans la semaine.

* (17) À Angers , Rennes et Villeurbanne.

* (18) Disposition codifiée à l'article L. 2251-4 du code des collectivités territoriales pour les communes et à l'article L. 3232-4 pour les départements.

* (19) La syndication regroupe deux activités complémentaires : l'édition de programmes et l'activité de régie publicitaire. Un syndicateur achète ou coproduit des programmes qu'il revend à des chaînes locales de télévision après avoir au préalable vendu l'espace publicitaire contenu dans ces programmes.

* (20) Marketing direct, tracts, dépliants publicitaires, "gratuits".

* (21) Décision du Conseil constitutionnel du 18 septembre 1986.

* (22) Décision du Conseil constitutionnel du 21 janvier 1994 : la convention doit fixer des règles applicables au service "en prenant en compte les exigences de l'égalité de traitement entre les différents services et les conditions de concurrence propres à chacun d'eux".

* (23) Il s'agit de la société British Sky Broadcasting, dont l'actionnaire principal est News international, entreprise du groupe Murdoch, qui compte désormais près de 5 millions d'abonnés à ses services analogiques par satellite sur le sol britannique.

* (24) La mise en oeuvre de la télévision haute définition serait en effet très coûteuse, aussi bien en diffusion puisqu'un émetteur spécial est requis, qu'en production car les matériels de studio devraient être complètement renouvelés pour fabriquer des programmes dans ce format.

* (25) Le câble et le satellite desservent à eux deux aujourd'hui 7 5 % des foyers allemands.

* (26) Un programme similaire a été conduit en France Je 1975 à 1983, pour supprimer l'ancien standard 819 lignes en noir et blanc adopté en 1949.

* (27) Ensemble des foyers raccordés à un réseau câblé, qu'il s'agisse d'abonnés à un service de base, un service antenne ou d'abonnés spécifiques.

* (28) Foyers recevant un service de base de l'ordre de 15 chaînes, qu'il s'agisse d'un abonnement souscrit individuellement ou collectivement.

* (29) Communication développement, filiale câble de la Caisse des dépôts et consignations a cédé le 26 janvier 1995 ses participations au sein des sociétés locales Citévision. Les trois acquéreurs sont Lyonnaise communications pour les sites « nouvelle donne », France Télécom pour les sites plan câble et TDF pour les sites « rachetés », c'est-à-dire les sites antérieurs au plan câble cédés à des opérateurs privés et comptabilisés depuis hors plan câble.

* (30) Société européenne de satellites qui exploite les satellites ASTRA

* (31) Canal + et Bertelsmann détiennent chacun 37,5 % de la chaîne à péage Première et Kirch 25 %.

* (32) Un parc de décodeurs propriétaires empêcherait les téléspectateurs disposant du décodeur numérique de CanalSatellite de recevoir les chaînes diffusées sur TPS, et réciproquement

* (33) Proposition de loi n° 477 du 27 juin 1996

* (34) Ensemble de programmes et de services complémentaires rassemblés sur un même support et accessibles auprès d'un opérateur unique le cas échéant par abonnement

* (35) Il faudrait néanmoins convaincre les journalistes de se prêter à celte nouvelle forme de diffusion audiovisuelle, qui est actuellement discréditée car assimilée à du parrainage, et leur faire prendre conscience de la contribution de cette pratique au développement de la présence audiovisuelle française dans le monde.

* (36) Selon le mode de calcul, décrit au chapitre premier, qui réintègre les versements au COSIP.

* (37) Le conseil d'administration est composé de douze membres dont quatre représentants de l'État, quatre personnalités nommées par le CSA, deux représentants du personnel et deux parlementaires.

* (38) Rapport n°373 du 6 juin 1979.

* (39) Une précédente mission dont l'objet était identique avait été effectuée le 17 mai 1995 , mais France 2 ayant invoqué le secret commercial, le contenu de ces contrats ne fut pas rendu public par votre rapporteur.

* (40) Calcul reposant sur le budget fonctionnel joint aux projets de loi de finances.

* (41) Les chiffres indiqués ont été calculés sur la base des informations publiées dans la presse et des audiences constatées entre avril 1995 et avril 1996.

* (42) Il s'agit de « Faites la fête », également animée par Michel Drucker, et de « N'oubliez pas votre brosse à dents », de Nagui.

* (43) Note relative à la mission d'audit du secteur public de la communication audiovisuelle.

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