b) La procédure suivie

Dans son rapport sur la privatisation de Thomson SA remis au Premier ministre le 22 juillet, M. Marcel Roulet, président du groupe, soulignait la difficulté de lancer une opération de marché, compte tenu de la mauvaise santé du secteur électronique grand public. Il a examiné également les "marques d'intérêt" d'éventuels candidats dans le cadre d'une privatisation de gré à gré.

On notera que l'Etat s'est également entouré du conseil de la banque Rothschild & Cie et que la banque Lazard a assisté Thomson SA.

Au vu des recommandations du rapport de M. Marcel Roulet, et sur proposition de M. le ministre chargé de l'économie, le Gouvernement a décidé de retenir la procédure de privatisation de gré à gré, sans appel d'offres.

La décision de procéder par voie de gré à gré sans appel d'offres a été rendue publique le 2 août et publiée au Journal officiel le 3 août 1996 9 ( * ) .

M. Bernard Ducamin, président de section au Conseil d'Etat, a été désigné comme personnalité indépendante chargée d'établir le rapport sur les conditions et le déroulement de l'opération.

Ce rapport a été remis au ministre de l'économie et des finances aux environs du 15 octobre ainsi qu'à la Commission de privatisation. Il analyse les deux candidatures qui se sont dégagées pour la reprise de Thomson : celles d' Alcatel-Alsthom et de Lagardère Groupe sans prendre parti pour l'une ou pour l'autre, mais en examinant la conformité du processus au regard des principes de neutralité et d'égalité de traitement entre les candidats.

En raison de la confidentialité de la procédure de gré à gré, le contenu des offres n'a pas été rendu public et votre rapporteur n'est pas en mesure d'apprécier l'opportunité du choix effectué.

Néanmoins, d'après les informations disponibles, les deux offres étaient quasiment identiques, en termes de prix, et fixaient la valeur de l'entreprise aux environs de - 11 milliards de francs. Cela signifie que l'Etat devra, préalablement à la privatisation, recapitaliser l'entreprise pour cette valeur, comme cela a été indiqué dans le communiqué du gouvernement du 16 octobre dernier.

Le gouvernement a décidé de rendre publique, le 16 octobre dernier, sa "préférence" sur le choix du repreneur, en l'occurrence Lagardère Groupe, avant l'avis de la Commission de la privatisation.

Comme le fait remarquer le député Patrick Devedjian dans son rapport spécial sur les comptes spéciaux du Trésor 10 ( * ) cette pratique, déjà utilisée dans le cas de la SFP, n'est imposée par aucun texte. Elle tient au fait que les sociétés impliquées dans ce dossier (Thomson CSF, Lagardère Groupe, Alcatel-Alsthom) sont cotées et qu'il était indispensable de conjurer tout risque de "fuites" provenant "d'initiés", afin d'éviter des évolutions artificielles des cours de bourse des sociétés en question.

Concrètement, le groupe Lagardère rachètera à l'Etat la totalité de Thomson-CSF pour un montant symbolique de 1 franc. Il procédera alors à la recapitalisation de Thomson Multimédia, qui sera cédé, également pour un franc symbolique au groupe coréen Daewoo. La valeur des actifs de la branche multimédia sera alors égale à la dette qu'elle portera. Lagardère y conservera une participation de 15 %.

Les actionnaires minoritaires de Thomson-CSF se verront offrir la possibilité de "rester partenaires" par le truchement de certificats de valeur garantie : Lagardère leur proposera de racheter leurs actions à un cours "égal à celui retenu pour déterminer le prix offert pour l'achat de la globalité de Thomson SA". Ce prix, qui a été déterminé sur la base d'une analyse multicritères réalisée par la banque d'affaires Banexi, est de 156 francs par action Thomson CSF, ce qui représente 7,8 milliards de francs pour la totalité du flottant. Cette offre sera financée par les ressources propres de Lagardère, assisté d'un ensemble d'investisseurs financiers.

Les activités de haute technologie (espace, défense et télécommunications) de Lagardère seront apportées à Thomson SA, puis rétrocédées à Thomson-CSF, qui prendra le nom de Thomson Matra, avant d'être absorbé par Thomson SA. La nouvelle entité sera cotée en bourse où elle viendra se substituer à Thomson-CSF, sous le nom de Thomson Matra. Lagardère Groupe en détiendra environ 60 %. Le flottant sera en tout état de cause inférieur à 40 %.

Les fonds propres de la nouvelle entité devraient être de l'ordre de 17 milliards. La participation de Thomson dans le groupe SGS Thomson devrait être cédée, selon un accord d'actionnaires, à CEA Industries ou à France Télécom. Concernant la participation au Crédit Lyonnais, un accord a été conclu et l'Etat devrait la racheter à un prix minimal de 2,9 milliards de francs.

Ces précisions étant données, il apparaît important de souligner que la "préférence" indiquée par le gouvernement ne signifie nullement la fin de la procédure de privatisation.

Comme le prévoit la loi, la procédure ne sera terminée que lorsque la Commission de la privatisation aura donné son avis, et que, conformément à cet avis, le gouvernement aura décidé par arrêté ministériel de procéder à la privatisation.

On rappelle que la Commission de la privatisation sera amenée à déterminer la valeur de l'entreprise (article 3 1° de la loi du 6 août 1986 précitée) et à donner son avis sur le choix du ou des acquéreurs et les conditions de cession (article 4 de la même loi).

Par ailleurs, la Commission européenne est amenée à rendre un avis sur la compatibilité de la recapitalisation préalable avec les règles de concurrence européennes. Cet avis doit intervenir préalablement à l'avis de la Commission de la privatisation. La Commission de Bruxelles peut soit accepter, soit refuser la recapitalisation, soit encore y mettre des conditions susceptibles de rétroagir sur l'offre des candidats. Si la Commission considère qu'il n'y a pas d'aide de l'Etat au sens de l'article 93-2 du traité de Rome, sa décision définitive est susceptible d'intervenir au début du mois de décembre. Dans le cas contraire, il y aura une procédure d'instruction qui durera au moins deux mois, ce qui reporterait le processus de privatisation d'autant.

En supposant que la Commission de Bruxelles accepte la recapitalisation de Thomson SA, le Gouvernement disposera d'un délai de trente jours, à compter de l'avis de la Commission de la privatisation, pour prendre l'arrêté de privatisation.

Le Premier ministre s'est engagé, le 29 octobre dernier à l'Assemblée nationale, à organiser un débat parlementaire "sur tous les aspects financiers, industriels et sociaux du dossier" dans le délai compris entre la publication de l'avis de la Commission de la privatisation et la décision définitive. De la sorte, la représentation nationale sera associée au choix du gouvernement, en amont de la décision définitive.

* 9 Communiqué de presse du ministère de l'économie et des finances, en date du 2 août 1996 et avis publié au Journal officiel du 3 août 1996 p. 11816.

* 10 Rapport précité p. 50.

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