Rapport N° 251: PJL date renouvellement des conseillers généraux


M. Christian BONNET, Sénateur


Commission des Lois -Rapport 251 - 1996 / 1997

Table des matières


LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
EXPOSÉ GÉNÉRAL
I.UN PROJET DE LOI PORTANT EXCLUSIVEMENT SUR LE CALENDRIER ÉLECTORAL ET NE SOULEVANT PAS DE PROBLÈME DE PRINCIPE
II.LE REPORT DES ÉLECTIONS CANTONALES EN JUIN 1998 : UNE FORMULE PARMI D'AUTRES, À LAQUELLE LE SÉNAT N'A PAS DE RAISON PARTICULIÈRE DE S'OPPOSER
EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
Report de mars à juin 1998
du renouvellement des conseillers généraux
de la série renouvelable en 1998
Article 2
Modalités de mise en oeuvre de la législation
sur le financement des campagnes électorales
lors du prochain renouvellement cantonal
Article 3
Report de l'élection des présidents des conseils régionaux,
du premier vendredi au deuxième mardi
suivant le renouvellement des assemblées régionales




RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi relatif à la date du prochain renouvellement des conseillers généraux et à la réunion de plein droit suivant le prochain renouvellement des conseillers régionaux,

Par M. Christian BONNET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Robert Pagès, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Michel Charzat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud , Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir le numéro :

Sénat : 241 (1996-1997).

Elections et référendums.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le 11 mars 1997 sous la présidence de M. Jacques Larché, président , la commission des Lois a examiné, sur le rapport de M. Christian Bonnet, le projet de loi (n° 241) relatif à la date du prochain renouvellement des conseillers généraux et à la réunion de plein droit suivant le prochain renouvellement des conseillers régionaux.

Afin d'éviter la concomitance en mars 1998 de trois élections -les législatives, les régionales et le renouvellement de la moitié des conseils généraux- le projet de loi propose de reporter de mars à juin 1998 le scrutin cantonal.

La commission des Lois, tout en considérant que d'autres formules étaient juridiquement possibles, a estimé que ce report ne soulevait pas de question de principe.

Le projet de loi propose également de différer de quelques jours la première réunion de droit qui suivra le renouvellement des conseils régionaux de mars 1998, ce qui éviterait une interférence entre la désignation des présidents des nouvelles assemblées régionales et la campagne en vue du second tour des législatives.

La commission des Lois, sur proposition de son rapporteur, a décidé de proposer au Sénat d'adopter ce projet de loi sans modification.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le calendrier électoral en 1998 s'annonce exceptionnellement chargé, puisque les Français devront procéder la même année au renouvellement de l'Assemblée nationale et au renouvellement de la série A du Sénat. Ils devront également renouveler les conseils régionaux et la moitié des conseils généraux.

En l'état actuel du droit, trois de ces consultations -les législatives, les régionales et les cantonales- devraient se dérouler en mars 1998.

Indépendamment de réelles difficultés d'organisation matérielle, on mesure assez les inconvénients de toute nature que comporterait cette concomitance d'élections, notamment le chevauchement des campagnes électorales, le risque de confusion dans l'esprit des électeurs et, en définitive, d'inévitables interférences entre des scrutins dont les enjeux sont pourtant bien différents.

Par le projet de loi (n° 241), le Gouvernement propose de reporter au mois de juin 1998 les élections cantonales.

Par ailleurs, on déduit de l'article 3 du projet de loi que le Gouvernement envisage d'organiser les élections régionales le même jour que le premier tour des législatives. Dans cette perspective, le projet de loi prévoit de reporter la date de la première réunion des assemblées régionales au deuxième mardi qui suit leur élection (au lieu du premier vendredi, c'est-à-dire à l'avant-veille du second tour des législatives), afin d'éviter que les opérations de désignation des présidents des conseils régionaux nouvellement élus n'interfèrent avec la campagne en vue du second tour des législatives.

I. UN PROJET DE LOI PORTANT EXCLUSIVEMENT SUR LE CALENDRIER ÉLECTORAL ET NE SOULEVANT PAS DE PROBLÈME DE PRINCIPE

Une réflexion s'impose d'emblée : ce projet de loi, pour important qu'il soit -car dans une démocratie, tout ce qui touche à l'exercice du droit de suffrage est essentiel- ne soulève pas de problème de fond. Son seul objectif est d'éviter la coïncidence de trois élections le même mois.

Aussi votre rapporteur serait-il tenté de qualifier ce projet de loi de texte circonstanciel ou, plus exactement, de " texte de calendrier ".

· Dans la pratique électorale française, le déplacement de certaines échéances électorales pour un motif légitime, notamment celui d'éviter la concomitance de plusieurs scrutins, n'a en soi rien d'exceptionnel, au point d'être même devenu une sorte d'usage.

Sans qu'il soit nécessaire de se référer aux précédents de la IIIème ou de la IVème République, on peut ainsi évoquer :

- en 1967, le report du scrutin cantonal de mars à septembre pour éviter la trop grande proximité avec les élections législatives (loi du 21 décembre 1966) ;

- en 1973, le report du scrutin cantonal, également en septembre et pour le même motif (loi du 4 septembre 1972) ;

- en 1988, le report du scrutin cantonal aux 25 septembre et 2 octobre pour éviter la trop grande proximité avec l'élection présidentielle (loi du 8 janvier 1988) ;

- en 1995, le report des élections municipales à juin pour le même motif (loi du 15 juillet 1994).

Le législateur est confronté au même problème aujourd'hui, à ceci près qu'il concerne cette fois trois élections au lieu de deux et que c'est la première fois qu'il se pose la même année que celle d'un renouvellement partiel du Sénat.

· Les principes constitutionnels qui régissent cette matière sont désormais bien connus, puisque le Conseil constitutionnel a plusieurs fois été appelé à se prononcer sur le report d'élections locales. A cet égard, votre rapporteur -qui a déjà eu l'occasion de rapporter plusieurs projets de loi analogues- pourrait reprendre presque mot à mot certains passages de ses précédents rapports.

Dans sa décision du 6 juillet 1994 (report des élections municipales de 1995), le Conseil constitutionnel a ainsi posé les principes suivants :

1. " Le législateur, compétent pour fixer les règles concernant le régime électoral des assemblées locales, peut, sous réserve des dispositions et principes de valeur constitutionnelle, librement modifier ces règles ".

2. " Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de rechercher si les objectifs que s'est assignés le législateur auraient pu être atteints par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues ne sont pas manifestement inappropriées à ces objectifs ".

3. " Le législateur a justifié la prorogation du mandat des conseillers municipaux par la nécessité d'éviter des difficultés de mise en oeuvre de l'élection présidentielle. Cette prorogation [...] a été limitée et revêt un caractère exceptionnel. Le choix opéré par le législateur n'est pas manifestement inapproprié aux objectifs qu'il s'est fixés ".

Quant aux dispositions et principes de valeur constitutionnelle qui lient le législateur dans l'exercice de cette compétence, le Conseil constitutionnel, dans une décision antérieure du 6 décembre 1990, avait indiqué que :

4. " Les électeurs doivent être appelés à exercer leur droit de suffrage pour la désignation des membres élus des collectivités territoriales selon une périodicité raisonnable ".

Au cas présent, le report proposé par le Gouvernement respecte bien ces principes constitutionnels, puisqu'il répond à un objectif légitime -éviter la concomitance de trois scrutins- et revêt, comme les précédents reports, un caractère limité et exceptionnel. Quant à sa durée, d'au plus quatre mois, elle est identique à celle appliquée aux conseils municipaux en 1995 et ne méconnaît pas l'exigence de périodicité raisonnable de l'exercice du droit de suffrage.

II. LE REPORT DES ÉLECTIONS CANTONALES EN JUIN 1998 : UNE FORMULE PARMI D'AUTRES, À LAQUELLE LE SÉNAT N'A PAS DE RAISON PARTICULIÈRE DE S'OPPOSER

Si le principe d'une modification du calendrier électoral ne se heurte à aucune objection, reste à s'interroger sur les modalités de sa mise en oeuvre.

A partir du moment où il ne serait guère concevable de modifier la période des élections législatives ni celle des élections sénatoriales, le Gouvernement a dû opérer un double choix portant sur les élections régionales et cantonales :

- convenait-il de reporter les élections régionales et les élections cantonales, ou uniquement ces dernières ?

- à quelle période de l'année organiser la ou les élections dont le report aurait été décidé ?

Au cas présent, le Gouvernement a jugé préférable de simplement reporter les élections cantonales, les élections régionales restant quant à elles fixées en mars 1998.

· Plusieurs considérations peuvent plaider pour le maintien des régionales en mars.

On peut tout d'abord invoquer le précédent de 1986, puisque les premières élections régionales au suffrage direct ont effectivement eu lieu en même temps que les élections législatives sans qu'il en résultât d'inconvénient particulier. Mais il est vrai que les législatives ne comportaient alors qu'un tour.

On peut aussi considérer que les régionales, même s'il s'agit d'élections locales, présentent un degré de politisation proche de celui des législative car le mode de scrutin régional est un scrutin de liste où les partis politiques jouent un rôle prépondérant dans la confection des listes. Aux élections cantonales, au contraire, les liens de proximité, la personnalité des candidats et les enjeux locaux prennent le pas sur les appartenances politiques.

A partir du moment où l'on admet qu'il n'y a pas d'inconvénient à organiser deux scrutins en mars, toutes ces considérations peuvent justifier que les régionales -plutôt que les cantonales- soient organisées à la même période que les législatives.

· Les cantonales en juin : une formule qui ne pose aucune question de principe, même si un autre choix était juridiquement possible.

Ayant opté pour le maintien des régionales en mars 1998, le Gouvernement a logiquement décidé de reporter à une autre période les élections cantonales.

Comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi, le report des élections cantonales se veut une mesure économe en termes de perturbation des échéances. En effet, le renouvellement des conseillers généraux s'opérant par moitié, le report n'intéressera que la moitié des électeurs.

Pour ce qui est du choix d'une nouvelle date pour les cantonales, une question nouvelle pouvait se poser. En effet, le problème du report de ces élections ne s'est jamais présenté la même année qu'un renouvellement partiel du Sénat. A chaque fois, il a donc été possible d'organiser les cantonales fin septembre. Tel a été le cas en 1967, en 1973 et en 1988, au point que le report à septembre correspond lui aussi à une sorte d'usage consacré.

Mais compte tenu des élections sénatoriales de septembre 1998, le Gouvernement a jugé préférable, cette fois, de reporter les cantonales en juin plutôt qu'en octobre.

Consulté à ce sujet, le Conseil d'État a en effet estimé que reporter les élections cantonales après les élections sénatoriales aurait pour effet de faire participer " à cette élection sénatoriale un certain nombre de grands électeurs maintenus en fonctions plusieurs mois après la fin de leur mandat ", ce qui, selon lui, " mettrait en cause, pour l'élection du Sénat, l'application du droit au suffrage exprimé à l'article 3 de la Constitution ".

Or, si l'on se reporte à l'article 3 de la Constitution, on y constate seulement que " le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret ". On voit mal en quoi cette rédaction poserait comme un principe constitutionnel que les cantonales, si elles tombent la même année que le renouvellement d'un tiers du Sénat, devraient obligatoirement intervenir avant celui-ci.

D'autre part, cette analyse semble procéder de l'idée que les conseillers généraux maintenus en fonction ne seraient pas des conseillers généraux à part entière, puisque toujours selon lui, ils n'auraient pas la légitimité suffisante pour participer aux élections sénatoriales.

Cette idée semble méconnaître un principe de droit public selon lequel un conseiller général jouit de la même légitimité politique ou juridique quel que soit le moment de son mandat. Un conseiller général prorogé de quelques mois a donc toujours capacité pour participer aux élections sénatoriales, comme d'ailleurs un conseiller régional ou un conseiller municipal.

Si la thèse inverse devait être admise, les maires prorogés jusqu'en 1995 par la loi du 15 juillet 1994 n'auraient pas dû pouvoir parrainer les candidats à l'élection présidentielle. Or, le Conseil constitutionnel n'y a vu aucun obstacle. De même, il est arrivé très souvent que des conseillers généraux temporairement maintenus en fonction du fait d'un report des cantonales participent à une élection sénatoriale partielle, sans que leur légitimité soit en rien mise en doute.

Quoi qu'il en soit, cette discussion juridique -où certains pourraient voir une argutie- est aujourd'hui dépassée, le choix du mois de juin ne soulevant en soi aucune difficulté de principe.

*

* *

En définitive, le projet de loi soumis à l'examen du Sénat répond au souci d'éviter la concomitance de trois élections tout en n'apportant qu'un minimum de modifications au calendrier normal des échéances électorales.

La solution proposée, c'est-à-dire le report des cantonales, s'inscrit dans le droit fil d'une pratique consacrée par l'usage.

Quant à la date proposée pour ces élections, en juin 1998, elle coupe court à toute discussion sur l'incidence éventuelle du report sur les élections sénatoriales et ne pose en elle-même aucun problème de principe.

C'est pourquoi, sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission des Lois propose au Sénat d'adopter sans modification le présent projet de loi.





EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
Report de mars à juin 1998
du renouvellement des conseillers généraux
de la série renouvelable en 1998

Ainsi qu'il a été indiqué dans l'exposé général, cet article propose, dans son premier alinéa, de reporter de mars à juin 1998 le renouvellement des conseillers généraux de la série renouvelable en 1998.

Le second alinéa de cet article dispose que le mandat des conseillers généraux de la série renouvelée en 1998 expirera en mars 2004, de façon à rétablir par la suite la périodicité normale des élections cantonales en mars.

Article 2
Modalités de mise en oeuvre de la législation
sur le financement des campagnes électorales
lors du prochain renouvellement cantonal

Cet article a pour objet :

- D'une part, de porter de douze à quinze mois la période durant laquelle les candidats aux élections cantonales de juin 1998 auront pu recueillir par l'intermédiaire d'un mandataire nommément désigné des fonds en vue du financement de leur campagne, étant rappelé que cette disposition ne concerne en tout état de cause que les cantons où s'appliquent l'article L. 52-12 du code électoral, c'est-à-dire les cantons de 9 000 habitants et plus. Dans la mesure où les candidats ne pouvaient prévoir le report proposé, il convient en effet de ne pas pénaliser ceux qui auraient déjà désigné un mandataire et commencé à recueillir des fonds, comme ils y étaient fondés dans l'année précédant la date normale du scrutin, c'est-à-dire dès mars 1997.

- D'autre part, de préciser que les comptes de campagne de ces candidats ne devront retracer que les dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection dans les douze mois précédant celle-ci. Compte tenu du maintien inchangé du plafond des dépenses de campagne applicable à l'élection cantonale de 1998, il convient, cette fois, ne pas pénaliser ceux qui auraient déjà engagé ou effectué des dépenses à compter de mars 1997.

Il faut noter que ce dispositif est mot pour mot identique à celui de l'article 2 de la loi 15 juillet 1994 reportant de mars à juin les élections municipales de 1995.

Saisi de cette loi, le Conseil constitutionnel avait considéré dans sa décision n° 94-341 DC du 6 juillet 1994 que si des différences de situation entre les candidats étaient susceptibles d'être crées par cet article -selon la date à laquelle les candidats avaient commencé à recueillir des fonds ou à engager des dépenses- ces différences " répondent à la volonté du législateur d'assurer la mise en oeuvre des objectifs qu'il s'est fixés ; que dès lors, les moyens tirés de la violation du principe d'égalité doivent être écartés ". Cet article, comme le reste de la loi, avait donc été regardé comme non contraire à la Constitution.

Article 3
Report de l'élection des présidents des conseils régionaux,
du premier vendredi au deuxième mardi
suivant le renouvellement des assemblées régionales

L'article L. 4132-7 du code général des collectivités territoriales dispose que la première réunion du conseil régional se tient de plein droit le premier vendredi qui suit son élection. Lors de cette réunion de droit, le conseil régional élit son président (article L. 4133-1, alinéa premier, du même code).

Si les élections régionales de mars 1998 sont organisées le dimanche du premier tour des législatives, comme l'exposé des motifs du projet de loi et le présent article permettent de l'inférer, l'élection des présidents des nouvelles assemblées régionales devrait donc intervenir le vendredi suivant, c'est-à-dire l'avant-veille du second tour des élections législatives.

Afin d'éviter une interférence entre la campagne en vue du second tour des législatives et la désignation des présidents des conseils régionaux, le présent article propose donc de reporter la première réunion des conseils régionaux au deuxième mardi suivant leur élection, c'est-à-dire, en pratique, au surlendemain du deuxième tour des législatives.

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