C. DES ACTIONS À SOUTENIR

1. La politique territoriale du tourisme

Comme l'a souligné le rapport précité du Conseil économique et social, la politique du tourisme a une dimension essentiellement locale.

Le tourisme dans la décentralisation
(Extrait du rapport précité du Conseil économique et social)

Il conviendrait de mieux préciser les missions de l'État et des régions en matière de tourisme :

- à l'État de définir et de mettre en oeuvre les programmes d'intérêt national soit dans le cadre de politiques sectorielles en faveur des industries touristiques (l'hôtellerie par exemple), soit dans le cadre de grands projets interrégionaux (politique du littoral, de la montagne...), soit à la faveur d'actions où l'État intervient comme un levier (études, promotion, partenariat) ;

- aux régions de conduire les programmes présentant un intérêt régional. Leur compétence devrait favoriser la coordination des politiques touristiques menées dans la région entendue comme territoire.

Les deux textes législatifs de 1987 et 1992 créant les échelons régionaux et départementaux ont reçu une application à peu près conforme à la lettre et à l'esprit du législateur. Cependant, le Conseil économique et social recommande aux acteurs, notamment dans le cadre départemental, que la lettre' et l'esprit de la loi de 1992 soient bien entendu respectés : seul le Comité départemental du tourisme (CDT) et non l'Union départementale des offices de tourisme et syndicats d'initiative (UDOTSI) doit assumer à la fois la responsabilité de la politique du département en la matière et la représentation de ce dernier vis-à-vis de l'État. Dans cette perspective, la représentation, en son sein, des chambres consulaires, des professionnels et des OTSI est indispensable.

Par ailleurs, la complexité de l'intercommunalité, les compétences pas toujours cohérentes et la spécificité du tourisme conduisent parfois à des difficultés sur le terrain.

Le Conseil économique et social estime nécessaire de recommander que les responsables sur le terrain (OTSI, partenaires professionnels et consulaires...) soient présents et actifs dans les structures d'intercommunalité ou en cours d'extension (les pays) plutôt que de générer des organismes spécifiques compliquant la tâche des élus et des administrations. C'est ainsi que les "pays" intégrant les données touristiques ans leur programme d'actions gagneraient à utiliser les CDT et les CRT (Comité régional du tourisme) pour la promotion et la commercialisation de leurs produits. Le maintien des délégués régionaux au tourisme (DRT), dotés des moyens nécessaire, est indispensable.

Pour les communes touristiques, il y a lieu de rétablir, au plan législatif, le fondement juridique (ancien article L. 234-13 du code des communes) pour les charges exceptionnelles qu'elles doivent supporter pour l'accueil saisonnier de la population non résidente, à titre principal.

a) Les moyens des délégations régionales du tourisme sont encore insuffisants

Sous l'autorité des préfets de Région, les 22 délégations régionales du tourisme, qui regroupent à peine 100 agents dont 41 fonctionnaires de catégorie A mettent en oeuvre la politique du tourisme : la réglementation (classement et agrément des équipements touristiques), formation, suivi des projets d'aménagement, observation économique et coordination des initiatives.

Les moyens des délégations régionales du tourisme semblent encore nettement insuffisants.

En effet, si leur dotation en moyens de fonctionnement progresse de 33 %, soit 1,5 million de francs, cette progression est affectée pour les deux-tiers à la prise en charge des dépenses d'affranchissement et de téléphone, le solde, soit 500.000 francs, étant consacré à une première tranche de renouvellement du parc automobile.

Hors loyers et charges, l'enveloppe dont dispose chaque délégation s'élève à 100.000 francs par an environ.

Dans ces conditions, les délégations régionales du tourisme disposent de moyens d'action limités.

Dès lors, ne serait-il pas plus efficace qu'elles se rapprochent des directions régionales du commerce et de l'artisanat afin de créer des synergies et de bénéficier de moyens supplémentaires ?

b) La diminution des interventions territoriales

Même si, comme l'a explique le ministre en charge du tourisme devant le Conseil national du Tourisme, le budget du tourisme "ne doit pas s'épuiser à fournir des crédits d'appoint à la politique d'aménagement du territoire", la quasi-disparition des crédits qui ont pour objet de financer, en complément des contrats de plan État-Régions, lesquels sont étalés sur une année supplémentaire, des projets qui s'inscrivent dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire ne pourra satisfaire notre assemblée si attachée à cette politique.

Rappelons que les crédits du chapitre 44-01 (article 20, programmes d'aménagement touristiques), dotés par la loi de finances pour 1996 de 14,4 millions de francs, sont réduits à 2 millions de francs, soit - 86 %, et que les subventions en capital (chapitre 66-03 du titre VI) disparaissent en autorisations de programme dans le projet de loi de finances pour 1997 (contre 16,1 millions de francs le projet de loi de finances pour 1996) et sont également réduites de 80 % en crédits de paiement (2 millions de francs contre 10 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 1996).

En quelque sorte, le ministère se dote de moyens d'observation renforcés au niveau national, mais se prive des moyens d'intervention sur le terrain local. Une participation accrue des fonds européens ou des collectivités locales pourrait cependant composer ce retrait partiel des fonds budgétaires nationaux. Votre rapporteur estime que la contribution des collectivités locales ne devrait pas se substituer à celle de l'État, mais s'y ajouter, au nom du principe d'additionnalité.

2. Maison de la France

a) Un outil indispensable

Créée en 1987, Maison de la France constitue un groupement d'intérêt économique associant l'État, les régions, les départements, les collectivités touristiques, les entreprises, les groupements professionnels, le tourisme associatif et les organismes concernés par la promotion de tourisme français à l'étranger.

Selon le plan marketing 1996-1997, un groupe de quatre marchés prioritaires a été défini, incluant la Grande-Bretagne, l'Allemagne, les États-Unis set le Japon. En seconde priorité, les Pays-Bas, la Belgique et la Suisse sont également considérés comme des marchés de base sur lesquels il convient de continuer à faire porter les efforts.

Onze clubs de produits regroupés autour de quatre familles (affaires, art de vivre, détente, loisirs actifs) ont été créés afin d'élaborer des politiques de promotion sectorielles. Plus des 2/3 des 830 adhérents de Maison de la France font partie de l'un de ses clubs.

Enfin, Maison de la France s'emploie à favoriser l'étalement des séjours sur l'ensemble de l'année, afin d'améliorer les taux d'occupation de l'avant et de l'arrière saison.

Votre rapporteur ne peut que souligner l'intérêt qui s'attache à préserver cet outil indispensable à la promotion, la valorisation de la destination France et la prospection qu'elle joue sur les marchés étrangers.

Afin de mieux apprécier l'action de Maison de la France, votre rapporteur a effectué, le 12 mars 1996, en application de l'article 164-IV de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958, une mission de contrôle sur pièces et sur place au salon international du tourisme de Berlin à l'occasion duquel les pays européens présentent leurs actions de promotion du tourisme.

Compte rendu de la mission effectuée à la
Bourse Internationale du Tourisme (ITB),

Berlin, 12 mars 1996

Fondée en 1966, avec 9 exposants, la Bourse Internationale du Tourisme (ITB) de Berlin a accueilli, pour sa trentième édition, 6.000 exposants. C'est, avec le World Trade Market de Londres et la Borsa Internationale de Torismo de Milan, la plus grande manifestation de ce genre au monde. Pour la France et pour de nombreux pays, l'ITB présente un intérêt considérable, dans la mesure où le marché allemand -c'est à dire les touristes allemands- est l'un des premiers au monde : deux allemands sur trois prennent en effet leurs vacances à l'étranger.

Il s'agit d'une opération d'une nature particulière. En effet, rien n'est vendu ou acheté. Les tours-opérateurs et les voyagistes prennent des "contacts" avec les chaînes d'hôtels et les transporteurs du monde entier. On vient donc à Berlin pour se connaître et surtout pour connaître la concurrence. L'ITB est l'un des seuls endroits au monde, et le seul moment, où se matérialise le marché international du tourisme.

La Maison de la France, groupement d'intérêt économique chargé de la promotion générale de la destination "France", était naturellement présente à l'ITB. Elle a engagé 3,2 millions de francs pour cette opération, ce qui constitue son second budget, après Londres (3,4 millions), pour un budget total "marchés extérieurs" de 38,2 millions de francs. Les partenaires de Maison de la France ont apporté pour 2,549 millions de francs et le G.I.E., 670 200 francs. Près de 80 exposants français étaient présents sur une surface d'environ 1000 m 2 . Le plus grand stand était celui de DISNEYLAND. L'organisation de la participation française à l'ITB a été réalisée par Mme Jacqueline Dillmann-Faure, directrice de la Maison de la France en Allemagne.

C'est grâce à l'efficacité et à la diligence de cette dernière que votre rapporteur a pu se rendre à cette manifestation, afin de prendre contact avec les pinceaux acteurs du marché international du tourisme, réunis à cette occasion.

Un petit déjeuner avec les tours opérateurs allemands était tout d'abord organisé, le lundi 12 mars 1996, afin d'évaluer leurs attentes et de mieux apprécier les handicaps du marché français, sur le thème "programmé n'est pas vendu ; les acheteurs ont la parole". Les tours opérateurs allemands ont un poids beaucoup plus important en Allemagne qu'en France puisqu'ils commercialisent 30 % environ des séjours touristiques des allemands, contre 5 % en France.

À cette occasion, M. Jean-Marc Janaillac, directeur général de la Maison de la France, a rappelé qu'en 1995, une semblable réunion avait permis de mettre en exergue cinq défauts reprochés aux opérateurs du marché touristique en France : pratique insuffisante de l'allemand, manque de locations saisonnières, manque de sérieux des relations commerciales (non respect des contrats, des dates...), trop forte saisonnalité des prix en raison des vacances scolaires françaises, qualité insuffisante de l'accueil et trop faible prise en compte de la spécificité de la demande des touristes allemands.

Pour la saison touristique 1996, les tours opérateurs allemands ont évoqué les différents problèmes du marché français.

Certains ont noté une baisse de la fréquentation pendant les derniers mois de l'année 1995, qui a été imputée aux grèves de la SNCF et à la reprise des essais nucléaires dans le Pacifique. Pour la saison d'été 1996, la baisse persiste chez certains tours opérateurs, alors que d'autres ont enregistré une progression des réservations. Des augmentations brutales et injustifiées des prix de la part d'hôtels français ont été évoquées. L'insuffisante accessibilité des aéroports régionaux a également fait l'objet de commentaires.

D'une manière générale, les tours opérateurs ont regretté que la France ne dispose que d'une image de destination culturelle, alors que l'Italie a su vendre une qualité de vie. À cet égard, ils ont souligné que la qualité des hôtels * * * * était devenue insuffisante pour une clientèle internationale qui voyageait désormais beaucoup.

Interrogé sur la fiabilité des informations relatives aux résidences de tourisme, M. Janaillac a rappelé que les normes hôtelières françaises étaient quantitatives et non qualitatives. M. Hugues Parant, directeur du tourisme, qui assistait à cet entretien, a indiqué que les meublés (locations individuelles) seraient prochainement côtés et classifiés. Un tour opérateur ayant regretté la méconnaissance du produit France par les agents des guichets des agences de voyage allemandes, M. Parant a estimé qu'il fallait substituer à la promotion de l'image de la France, celle des produits touristiques.

Les tours opérateurs allemands ont par ailleurs demandé à être mieux associés, ou au moins informés, aux actions de promotion organisées sur des initiatives françaises, comme la promotion "Paris fantastique" (consistant à offrir une nuit gratuite pour une nuit achetée), organisée par certains hôtels parisiens. À cet égard, ils ont déploré la concurrence directe de certains hôtels qu'ils commercialisent, et qui démarchent directement des clients allemands en proposant des prix inférieurs à ceux offerts par les tours opérateurs.

D'une manière générale, ils ont regretté le manque de suivi des relations commerciales en raison d'une rotation trop rapide des commerciaux des chaînes hôtelières. Ils ont par ailleurs souligné l'effet à long terme de la dégradation de l'image de la France, en raison des conflits sociaux de l'automne 1995, qui pourrait se répercuter en 1996 et même en 1997, les programmes étant réalisés un an à l'avance. Ils ont souhaité une amélioration de la qualité des prestations offertes et une modération des prix.

La mise en place d'actions de promotion directe auprès des agences de voyage a été évoquée. Il s'agirait d'offrir des séjours individualisés aux tours opérateurs, avec une réduction de prix plus importante que celle qui est traditionnellement réalisée (50 % et non 20 %), comme en Italie.

Les tours opérateurs ont, sur ce point, rappelé les avantages de la destination Italie : le prix, inférieur de 25 %, le coût plus faible du transport en autocar grâce à des péages moins onéreux, des animations culturelles plus développées dans ce pays, et moins chères qu'en France.

Enfin, le problème spécifique de la destination Corse a été abordé. L'impact des manifestations du FLNC et les assassinats politiques ont un effet déplorable sur la clientèle allemande qui estime que sa sécurité ne peut plus assurée. Seules des baisses de prix importantes pourraient sauver la saison.

Une visite à l'ITB fut ensuite organisée. Après les stands des exposants français, votre rapporteur a visité la foire et notamment les stands des concurrents directs de la France : l'Espagne et l'Italie, cette dernière occupant une surface plus importante. Les stands des départements d'outre-mer des Antilles se sont regroupés avec ceux des États des Antilles, dans la zone Amérique du salon ; de même le stand de la Polynésie française est situé dans la zone Pacifique, côtoyant ceux des micro-États de cette région.

Les stands des États de la région Asie étaient les plus fréquentés, ceux des États du continent américain connaissaient une affluence importante ; en revanche, ceux de l'Allemagne, qui occupent une place non négligeable, étaient relativement vides. Par ailleurs, le contraste entre le luxe des stands de l'Afrique centrale contrastait avec l'austérité de ceux de l'Afrique de l'ouest.

b) Le retrait de l'État

Les moyens budgétaires de Maison de la France ont évolué comme suit :

Évolution du budget de Maison de la France

(en millions de francs)

Crédits d'État (1)

Apports des

partenaires

Ressources directes

TOTAL

Montant

En %

Montant

En %

Montant

En %

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996 (1)

132

140

170

187

202

184

172

167

174

187

70,6

66,0

64,9

61,3

56,7

48,2

49,6

49,7

49,0

47,5

55

70

90

115

147

190

167

161

173

199

29,4

33,0

34,3

37,7

41,3

49,7

48,1

47,9

48,7

50,5

2

2

3

7

8

8

8

8

8

1,0

0,8

1,0

2,0

2,1

2,3

2,4

2,3

2,0

187

212

262

305

356

382

347

336

355

394

(1) Crédits d'État = subvention + crédits du titre III + mises à disposition d'agents et de locaux

(2) Évaluation

Source : Maison de la France

Depuis 1991, les crédits publics attribués au GIE diminuent, malgré une remontée récente en 1995 et 1993.

Pour la première fois en 1995, l'apport financier des partenaires de Maison de la France a été sensiblement égal à celui de l'État. Le budget consolidé, qui s'est élevé à 367,7 millions de francs (+ 1,8 % par rapport à 194) a été financé à concurrence de 48,7 % par les adhérents et de 49 % par l'État, les ressources directes représentant 2,3 %.

En 1996, la contribution des professionnels du tourisme, en progression de 15,4 % par rapport à 1995, devrait atteindre 50,5% des ressources du GIE, alors que la participation de l'État, elle-même en augmentation de 7,5 % selon la loi de finances initiale, s'établira à 47,5 %.

En 1997, les apports des partenaires privés dépasseront, pour la première fois, ceux de l'État. La baisse de la subvention budgétaire de 8 %, par rapport à celle accordée en 1996, va contraindre à la fermeture de certaines délégations à l'étranger.

Alors que l'effet de levier des actions de promotion de la destination France et important, et que la part relative de la France dans le marché international du tourisme diminue, votre rapporteur s'interroge sur une telle évolution, qui appelle, de sa part, les plus vives réserves.

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