IV. LES INDUSTRIES DE PROGRAMME FACE AU NOUVEAU DÉFI AMÉRICAIN

L'arrivée des technologies numériques va donner - paradoxalement - plus d'importance au contenu qu'au contenan t. Elle impose, dès aujourd'hui, une révision des procédures de soutien à la production audiovisuelle et de leur mode de financement.

Le système du COSIP, combiné aux quotas de production, a certes favorisé l'apparition d'une industrie française des programmes. Mais ce succès non négligeable pourrait n'être que de courte durée. La diffusion par satellite change les règles du jeu. Les quotas, certes indispensables, ont permis de protéger la production française sur son marché domestique, mais non d'affronter dans les meilleures conditions la concurrence internationale sur les marchés extérieurs. Marginalisée sur ces marchés, la production nationale finira par l'être en France même. La situation est d'autant plus préoccupante que, telle la ligne Maginot, les quotas suscitent un sentiment de fausse sécurité. Ce type de protection a vocation à être contourné, si l'on se contente d'une politique essentiellement défensive, aboutissant à entretenir l'illusion sur l'importance de l'industrie française de programmes.

Il faut, comme y sont parvenus les Canadiens, donner à notre politique un caractère offensif. Exporter ou dépérir, tel est le dilemme. L'objectif est alors d'inciter producteurs et diffuseurs à ne pas se contenter de produits hexagonaux et à concevoir des produits exportables. Symétriquement, il convient de se donner les moyens financiers de cette politique dans un contexte commercial particulièrement agressif.

A. LES INSUFFISANCES DU SOUTIEN AUX INDUSTRIES DE PROGRAMME

Le Canada nous a montré la voie. En une quinzaine d'années, ce pays est parvenu à se constituer à l'ombre de son puissant voisin une industrie audiovisuelle parmi les plus importantes du monde. Il n'y a pas de raison que la France n'y parvienne pas également. Encore faut-il que nos procédures de soutien prennent en compte cet impératif extérieur. De ce point de vue, le système français est largement insuffisant.

1. Le COSIP

Les deux principales aides accordées au titre du Compte de soutien à l'Industrie des Programmes sont les subventions dites de réinvestissement" (ou "aides automatiques" ) et les subventions dites "d'investissement" (ou "aides sélectives" ).

Les subventions de réinvestissement concernent les producteurs ayant déjà produit et diffusé des oeuvres audiovisuelles sur les réseaux français de télévision. La diffusion télévisuelle d'oeuvres audiovisuelles leur permet en effet d'obtenir, sous certaines conditions, l'ouverture d'un "compte automatique" mobilisable sous forme de "subventions de réinvestissement", afin de financer la préparation ou la production de nouvelles oeuvres audiovisuelles.

Les subventions d'investissement attribuées de façon sélective par une commission, concernent les sociétés de production n'ayant pas de compte automatique, soit parce qu'elles sont encore jeunes, soit parce que leur volume d'activité de production audiovisuelle est trop faible pour générer un compte automatique au COSIP.

On peut rappeler que les sommes attribuées à la section audiovisuelle 48( * ) (62% du produit total, avec divers reports), se sont montées en 1995 à 948,85 millions de francs, répartis en 134 millions de francs au titre du soutien sélectif, 670,85 millions de francs au titre du soutien automatique, 140 millions de francs au titre des avances sur droits et 4 millions de francs pour le fonds de garantie du pool bancaire géré par l'IFCIC.

Il faut rappeler ici que pour presque 90 % de son montant, le Compte de soutien est réinvesti automatiquement à l'initiative des producteurs, ce qui signifie que les investissements ne sont nullement le reflet d'une politique volontariste.

a) Le financement de l'audiovisuel en 1996

En 1996, les oeuvres aidées par le Compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels (COSIP) ont représenté 1 604 heures de programmes. Il a accordé 856 millions de francs d'aides pour des devis d'un montant total de 5,7 milliards de francs.

Les diffuseurs ont apporté 2,8 milliards de francs ; ils financent davantage les oeuvres de fiction et les documentaires. Les apports de l'étranger sont de 812 millions de francs, qu'il s'agisse de coproductions ou de préventes.

La production annuelle par genre de progrès se présente comme suit :

· La production de fiction en hausse

Le volume horaire de fiction progresse de 14 %. Ces oeuvres restent le genre prédominant dans les commandes des chaînes : elles représentent près de 40 % en durée et 56 % en devis (présentés au COSIP).

69 % des apports des diffuseurs et 57 % des subventions du COSIP s'orientent vers les oeuvres de fiction. Depuis le début des années quatre-vingt-dix, la fiction télévisée française connaît un succès croissant en terme d'audience. Depuis trois ans, les fictions devancent les longs métrages en terme d'audience : en 1996, séries et feuilletons occupent 23 des 50 premières places.

Développement des séries légères

Les séries légères se développent fortement. De ce fait, le coût horaire moyen des oeuvres de fiction diminue de 20 % passant de 4 millions à 3,2 millions de l'heure. Le montant total des devis baisse également, mais dans des proportions moindres (- 9 %).

Comme en 1995, les épisodes de séries, ou feuilletons se développent davantage que les téléfilms unitaires. Les héros récurrents sont toujours à l'honneur ("Julie Lescaut", "L'instit", "Da Costa",...). D'autres voient le jour : "Commandant Nerval", "Une femme d'honneur",...

Les oeuvres coûteuses ne constituent plus l'essentiel de la production. Près de la moitié des heures produites ont désormais un coût compris entre 1,2 million et deux millions.

Des oeuvres bien financées par les diffuseurs

Les diffuseurs apportent 60 % du montant total des devis. La part des apports producteurs dans les devis continue de baisser : 15 % contre 19 % en 1995. C'est une conséquence directe de la réforme du COSIP, puisque l'apport minimal du producteur imposé par la réglementation n'est plus fixé à 15 % mais à 5 % du montant du devis.

Les apports étrangers en coproductions ou pré-achats restent faibles avec 9 % du montant des devis. On note que les oeuvres commandées par M6 et Canal + ont un niveau de financement étranger plus important que la moyenne.

Le COSIP intervient pour environ 15 % dans le financement des devis.

· Le documentaire : premier genre en volume de production

1 195 heures de documentaires ont été aidées en 1996, pour des devis d'un montant total de 1 258 millions de francs. Les commandes progressent fortement : + 27 % en volume horaire, + 15 % en volume horaire. Cette croissance est toutefois plus faible qu'en 1995, alors que la création de la Cinquième avait fortement stimulé les commandes de documentaires.

Les diffuseurs participent à la production de documentaires, en apportant 43 % des financements. Cette proportion est comparable à celle de l'an dernier.

L'État (y compris le COSIP), ainsi que les collectivités locales, participent largement au financement des documentaires. Ils apportent 27 % du montant des devis. Le financement du COSIP est en hausse. Il représente 17 % du total des devis, contre 15,6 % en 1995.

France 3, La Cinquième et ARTE sont les trois principaux investisseurs dans le secteur du documentaire.

France 3 reste l'investisseur le plus important, mais son poids est en baisse par rapport à 1995. Cette chaîne réalise en effet 22 % des apports des diffuseurs dans le documentaire, contre un tiers l'année précédente. France 3 a investi 117 millions pour 189 heures commandées. Si l'on ajoute les apports des stations régionales, l'investissement de France 3 représente 141 millions de francs, soit 26 % du total des apports diffuseurs.

La Cinquième a multiplié par 2,5 ses commandes qui représentent 333 heures de programmes pour un investissement de 115 millions de francs.

Avec 106 millions d'investissements, ARTE représente le cinquième des apports des diffuseurs et 14% des commandes.

Canal + augmente légèrement ses apports dans la production de documentaires : les investissements atteignent 56 millions, soit 11 % des apports des diffuseurs. Les investissements de TF1 et France 2 sont faibles : TF1 a investi 17,8 millions de francs pour 40 heures de programmes, et France 2, 41 millions pour 77 heures.

· L'animation : un secteur en pleine expansion

295 heures d'animation ont été produites en 1996, pour le devis d'un montant total de 1,1 milliard de francs, soit 2,5 fois qu'en 1995. L'animation représente un peu plus du dixième de la production aidée.

Cette forte progression s'explique par l'augmentation des commandes des chaînes, par l'arrivée dans le secteur de nouveaux groupes (Carrère Films, Marathon productions...), et par une tendance à l'accroissement de la durée des séries en 1996.

L'animation est le genre qui attire le plus les SOFICA, avec un apport de 19,4 millions de francs qui représente 70 % des montants investis dans l'audiovisuel.

La production d'animation est également le genre le plus tourné vers l'international. Les apports étrangers en coproduction et préventes représentent 40 % des devis, alors qu'ils sont de 9 % pour la fiction, et 6 % pour le documentaire.

France 3 est le principal soutien de la production d'animation . Cette chaîne réalise plus du tiers des investissements des diffuseurs dans ce secteur. En deuxième position, TF1 avec 20 % des apports des diffuseurs. Canal + est le premier diffuseur en termes de volume commandé, avec 87 heures, associé à d'autres diffuseurs, pour un investissement de 30 millions.

Canal J est la seule chaîne thématique commandant des oeuvres d'animation. Elle maintient sa position avec un peu plus de 3 % des apports des diffuseurs pour 31 heures de programmes, soit 10,5 % des heures commandées.

b) Les prévisions d'exécution en 1997

Ce budget, tel qu'il résulte de la Loi de Finances pour 1997, est retracé dans le tableau ci-dessous en recettes et dépenses pour ce qui est des prévisions initiales et en réalisation de recettes arrêtées à la date du 30 juin.

· Les recettes

Cinéma

1/ Le rendement de la taxe spéciale sur le prix des billets, soit 502 millions de francs, a été estimé sur la base d'une fréquentation espérée de 132 millions de spectateurs.

La réalisation des recettes au 30 juin 1997, 269,504 millions de francs, est supérieure de 8,35 % aux recettes enregistrées le 30 juin 1996 : 248,726 millions de francs. Si la tendance se confirme, le nombre de spectateurs pourrait atteindre 140 millions d'ici la fin de l'année, soit 10 millions de plus que prévu, ce qui devrait avoir pour conséquence une plus-value de recettes.

2/ La clef de répartition de la taxe et du prélèvement entre les deux sections cinéma et audiovisuel est identique à celle de l'année précédente (38 % pour le cinéma, 62 % pour l'audiovisuel).

Au 30 juin 1997, les recettes correspondant à la taxe et au prélèvement s'élèvent à 306,983 millions de francs. L'objectif de 644,100 millions de francs fixé par la loi de finances initiale pour 1997 ne sera probablement pas atteint et l'on devrait constater sur cette ligne une moins-value de recettes.

3/ L'assujettissement de la vidéo au compte de soutien.

Le calcul a été fait sur la base des prévisions 1996 majorées de 12,5 %. La recette espérée est de 90 millions de francs. Cette recette est affectée pour 85 % au cinéma et 15 % à l'audiovisuel.

4/ Le remboursement d'avances sur recettes.

Un nouveau mécanisme, prévoyant la réaffectation des recettes réellement constatées à la ligne lors de l'arrêté de report de fin d'exercice, sera mis en oeuvre à partir de la gestion 1996. Seuls sont constatés sur cette ligne les remboursements d'avances sur recettes antérieurs à 1996. A partir du ler janvier 1996, les remboursements d'avances sont directement réaffectés sur la ligne avances sur recettes et viennent en complément de la dotation.

Audiovisuel

Pour la deuxième section, au 30 juin 1997, la remontée de recettes s'élève à 500,866 millions de francs contre 505,419 millions de francs en 1996 à la même date. L'objectif visé en loi de finances initiale, soit 1 050,900 millions de francs, ne sera probablement pas atteint et l'on devrait constater sur cette ligne une moins-value de recettes.

· Les dépenses

S'agissant des dépenses, outre la reprise des éléments retracés dans l'arrêté de report de 1996, les crédits inscrits dans la colonne " crédits engagés et ordonnancés " retracent le montant cumulé, par chapitre, des tirages exercés sur le compte de soutien par le CNC pour la couverture financière des différents mécanismes que gère l'établissement dans les domaines cinématographique et audiovisuel. A la date du 30 juin 1997, deux tirages ont été exercés et trois autres sont prévus d'ici à la clôture de l'exercice. Le montant de chaque tirage dépend d'une part des besoins de l'établissement pour couvrir les engagements de dépenses sur les différents chapitres, et d'autre part du niveau de la trésorerie du compte de soutien (crédits non mobilisés l'année précédente de l'année en cours), les versements ne pouvant en aucun cas l'excéder.

COSIP : recettes 1996 et prévisions 1997

 

Prévision initiale

Réalisation

Loi de Finances 1997

Réalisation au 30/6/1997

A - Soutien de l'industrie cinématographique

 
 
 
 

1- taxe spéciale cinéma

502 000 000

504 283 155

502 000 000

269 503 957

2- remboursement des prêts

-

-

-

-

3- remboursement des avances sur recettes

 
 
 
 

4- prélèvement spécial sur les bénéfices des films pornographiques

200 000

481 712

200 000

144 072

5- taxe spéciale sur les films pornographiques produits hors de France

 
 
 

-

6- contribution des sociétés de programmes

 
 
 
 

7- taxe et prélèvement sur les recettes des sociétés de télévision

586 800 000

586 844 320

644 100 000

306 982 810

8- taxe sur les vidéogrammes

68 000 000

67 670 603

76 500 000

40 444 354

9- recettes diverses ou accidentelles

1 500 000

15 310 867

5 000 000

5 038 817

99- contribution au budget général

9 880 000

9 880 000

0

0

Total

1 168 380 00

1 184 470 657

 
 

B- soutien de l'industrie de programmes audiovisuels

 
 
 
 

10- contribution du budget général

16 120 000

16 120 000

0

0

11- taxe et prélèvement sur les recettes des sociétés de télévision

958 730 000

957 319 680

1 050 900 000

500 866 690

12- taxe sur les vidéogrammes

12 000 000

11 941 871

13 500 000

7 137 239

13- remboursement des avances

0

0

-

-

14- recettes diverses ou accidentelles

-

-

0

0

Total

986 850 000

985 381 551

 
 

TOTAL

2 155 230 000

2 169 852 208

2 292 200 000

1 134 456 118

Dépenses 1996 et exécution 1997


Intitulés budgétaires

LFI 1996

Reports 1995 sur 1996

Total des crédits dispon.

Dépens. 1996 engagées et ordonnancées

crédits non utilisées

Loi de finances 1997

reports 1996 sur 1997 (J.O. du 12/7/1997)

Total crédits engagés au 30/6/1997

A- Soutien financier de l'industrie cinématographique

 
 
 
 
 
 
 
 

Art.10- subventions et garanties de recettes

243 180 00

0

243 180 00

243 180 000

0

246 020 00

-

100 000 000

art. 20 - soutien sélectif à la production : avances sur recettes

124 000 000

0

124 000 000

124 000 000

124 000 000

- 145 000 000

-

50 000 000

Art. 30 - subventions et garanties de prêts à la production de films de long métrage

452 700 000

172 347 267

625 047 267

298 370 000

326 677 267

165 220 000

510 767 924

80 000 000

Art. 40 - subventions et garanties de prêts à l'exploitation cinématographique

303 000 000

205 950 000

508 950 000

188 950 000

320 000 000

315 060 000

150 000 000

140 000 000

Art. 50 - frais de gestion

45 500 000

0

45 500 000

45 500 000

0

56 500 000

2 000 000

0

Art. 60 restitutions de sommes indûment perçues

0

0

0

0

0

-

-

-

Total chapitre 10 - section cinéma

1 168 380 000

378 297 267

1 546 677 267

90 000 000

646 677 267

1 227 800 000

662 767 324

370 000 000

B - Soutien financier de l'industrie des programmes audiovisuels

 
 
 
 
 
 
 
 

Art. 70- soutien à la production des programmes audiovisuels

948 850 000

70 453 637

1 019 303 637

730 000 000

299 303 637

1 015 400 000

287 835 188

330 000 000

Art. 80 - frais de gestion

38 000 000

2 000 000

40 000 000

40 000 000

0

49 000 000

0

0

Art. 90 - restitutions de sommes indûment perçues

0

0

0

0

0

-

-

-

Total chapitre 11 - section audiovisuel

986 850 000

72 453 637

1 059 303 637

770 000 000

289 303 637

1 064 400 000

287 835 188

330 000 000

Totaux

2 155 230 000

450 750 904

2 605 980 904

1 670 000 000

935 980 904

2 292 200 000

950 603 112

700 000 000

2. Les efforts de promotion commerciale

Tout récemment les administrations intéressées, le Ministère des Affaires Etrangères, le CNC, le CFCE et les PEE à l'étranger, d'une part, les professionnels, d'autre part, se sont mobilisés pour mettre en place des structures et des actions appropriées.

a) La mobilisation du réseau des attachés audiovisuels

Les quarante attachés audiovisuels ou faisant office d'attachés audiovisuels, répartis dans les principaux pays, parfois avec une compétence régionale (Rio, Hong Kong, Amman) sont un relais essentiel pour les opérateurs privés (radios, télévisions, exportateurs de programmes, distributeurs de films, ...) qui n'auraient pas les moyens de financer ainsi un réseau permanent de correspondants à l'étranger .

Le recueil systématique des informations susceptibles de les intéresser, l'identification des partenaires étrangers les plus adaptés à leurs besoins, le soutien et la mobilisation des ambassadeurs à leur profit sont autant d'atouts pour nos partenaires privés, malheureusement souvent encore trop peu nombreux à s'intéresser à l'international.

b) Le soutien à des organismes professionnels relais des opérateurs privés

Le Ministère des Affaires étrangères travaille en étroite liaison avec Unifrance Film et TVFI.

Il apporte son soutien à Unifrance Film International dans les pays qui représentent ou pourraient représenter un marché commercial pour le cinéma français.

Dans tous les pays où le marché est peu ou pas développé, dès lors qu'Unifrance Film n'intervient pas, le Ministère des Affaires étrangères peut mettre en oeuvre une politique en faveur de l'exportation.

En 1994, la création de TV France International , association regroupant la quasi-totalité des producteurs et distributeurs français disposant d'un potentiel de ventes à l'étranger, ainsi que les diffuseurs publics et privés, a constitué un progrès déterminant.

C'est en étroite liaison avec le réseau des attachés audiovisuels que TVFI mène une politique active de présence sur les principaux marchés internationaux, en fédérant ou en facilitant la représentation des professionnels français : MIP Asie à Hongkong, NATPE à la Nouvelle Orléans, Discop East à Budapest, CAPER à Buenos Aires, et après avoir réalisé avec succès en 1996 un premier voyage d'entreprises en Asie permettant à une quinzaine de ses membres de prendre contact directement avec des acheteurs, dans trois pays de la région, renouvelle l'expérience en 1997 en Amérique Latine et la poursuit en Asie.

TVFI a mis en place une banque de données sur la production française disponible sur Internet et sur CD-ROM qui permet de mieux faire connaître les oeuvres proposées à la vente.

TVFI a, suivant en cela les recommandations du CAEF, cherché à établir avec CFI une collaboration en matière de commercialisation de programmes.

Le développement des exportations de programmes audiovisuels et leur importance économique croissante a mis en évidence la nécessité de revoir la politique de diffusion culturelle gratuite.

Une réflexion, menée conjointement avec l'ensemble des professionnels, a abouti à la définition de règles répartissant les tâches de manière à favoriser l'ouverture de marchés tout en maintenant et poursuivant la présence de nos programmes là où le contexte ne permet pas encore d'envisager leur commercialisation.

B. LE SOUTIEN AUX EXPORTATIONS AUDIOVISUELLES, UNE CHANCE POUR NOTRE ÉCONOMIE ET UNE QUESTION DE SURVIE CULTURELLE

La mondialisation économique en cours est également une américanisation culturelle. Le phénomène ne date pas d'aujourd'hui. Il y a presque 20 ans (c'était dans le rapport d'une Commission d'enquête), le Sénat soulignait que les séries américaines représentaient la moitié des émissions de fiction des chaînes françaises. Avec l'avènement de la technologie numérique, le flot va prendre une nouvelle ampleur : les vagues d'images et de sons, que les satellites commencent à déverser, vont mettre à l'heure américaine nos modes de consommation et, bientôt, nos modes d'expression.

Sans verser dans un anti-américanisme de mauvais aloi, il existe là un risque mortel pour notre pays, car, si on se relève d'une défaite diplomatique ou militaire, on ne se relève jamais d'une défaite culturelle. L'histoire des civilisations est là pour nous le rappeler.

Si on laissait faire, la langue française pourrait bien devenir, à l'échelle du globe, non cette grande langue régionale qu'appelle de ses voeux B. Boutros-Ghali, mais une langue quasi morte, tandis que nos valeurs humanistes se dilueraient dans une civilisation de " l'entertainment ".

Bref, ce pourrait bien être la fin de notre civilisation universelle qui porte la marque de la France. Elle laisserait alors la place à cette monoculture teintée d'hédonisme, qui prédomine de l'autre côté de l'Atlantique.

Mais l'enjeu n'est pas seulement culturel, il est également économique.

1. Le constat : l'hégémonie américaine

Dans le secteur de la communication, la suprématie américaine se transforme sous nos yeux en hégémonie.

Le marché mondial est dominé par des grands groupes, dont se dégagent MM. Gates, Turner et Murdoch, certes concurrents, mais qui, s'avançant masqués derrière les idées de liberté et d'innovation, sont solidaires, dès qu'il s'agit d'étendre l'emprise du complexe médiatico-financier sur le monde, désormais intégré, de la communication.

Car, ce qui compte aujourd'hui, c'est la maîtrise des contenus, pour lesquels les différents opérateurs se livrent une concurrence acharnée.

Derrière les écrans, il y a flux financiers et, en définitive, des emplois : le secteur de l'audiovisuel (cinéma et télévision) représente, en France, plus de 70 000 personnes travaillant dans 6 000 entreprises, et plus de 80 milliards de francs de chiffre d'affaires.

En France, les produits américains continuent de dominer les marchés des produits audiovisuels.

La France, si l'on compare sa situation à celle des autres pays européens, ferait plutôt de la résistance et certaines données sont souvent interprétées de façon favorable. Pour le cinéma, la part de marché - en termes de nombres d'entrées - des films américains est passée, en quinze ans, de 31 à 54 %, tandis que celle des films français baissait de 50 à 37,5 %.

La domination américaine est également très nette sur le petit écran, même si la tendance semble à l'amélioration. En 1992, plus de 55 % des oeuvres de fiction télévisuelles diffusées sur les chaînes nationales étaient d'origine américaine. Toutefois, en 1996, cette proportion a baissé pour atteindre néanmoins 46,5 %.

Mais, pour votre rapporteur, cette présentation n'est pas convaincante. C'est faire preuve d'un esprit de résignation inquiétant si l'on considère que notre pays se défend bien quand plus de la moitié des images qu'il consomme provient d'outre-Atlantique.

Les statistiques - même insuffisamment précises en ce qui concerne les importations - sont là pour nous rappeler à la réalité.

D'une part, les résultats de notre commerce extérieur sont toujours aussi médiocres, malgré de premiers efforts en direction des marchés étrangers. Il suffit de remarquer que les quelque 490 millions de francs de programmes que nous avons réussi à exporter en 1996 dans le monde entier, ne représentent que la centième partie de ce que les Américains ont vendu, la même année, à la seule Europe comme produits audiovisuels.

2. Pour un fonds de soutien aux exportations audiovisuelles

L'amélioration des performances accomplies par les productions françaises sur le marché national et même l'amorce d'une certaine reconquête du marché intérieur, tiennent pour une très large part aux régimes des quotas d'oeuvres nationales et européennes, que l'on a pu imposer au nom d'une " exception culturelle ", qui ne sera pas forcément durable.

De plus, dans un espace vraiment sans frontières, on a tout lieu de craindre que les contraintes qui pèsent sur nos diffuseurs nationaux, ne les handicapent dans la compétition internationale , tandis que la fragile sécurité résultant des quotas conduit à perpétuer une production franco-française difficilement exportable.

La seule solution durable consisterait à favoriser le développement d'une industrie française de programmes audiovisuels exportables .

La France peut y parvenir, si elle en a la volonté et si elle s'en donne les moyens opérationnels et financiers.

Tel est l'objet de la série d'amendements que votre rapporteur a déposés .

a) Une démarche volontariste orientée vers le marché mondial

Du constat initial, découlent deux objectifs :

· Réduire notre dépendance dans les domaines de l'animation, des documentaires et de la fiction ;

·  Produire des émissions exportables, c'est-à-dire conçues, dès l'origine, pour répondre à la demande étrangère.


Mais la compétitivité ne se décrète pas. Le rôle de l'État, c'est de préparer, d'organiser l'adaptation au marché. Et c'est bien la leçon que l'on peut tirer des expériences réussies, qui peuvent servir de référence.

L'exemple canadien est là pour montrer qu'il est possible non seulement de reconquérir son marché intérieur, mais de partir à la conquête des marchés extérieurs. En moins de quinze ans, le Canada est devenu le deuxième exportateur de programmes audiovisuels grâce à une politique intelligente de quotas et de " contenu canadien ". Dans ce pays, le volet défensif a été complété par un système diversifié d'aides à la production. Celui-ci est géré par un organisme d'État, responsable de huit fonds d'intervention spécifiques, dont l'objectif est le développement d'entreprises prospères, travaillant pour le marché. Le marché international, bien évidemment.

Le modèle agricole français démontre également qu'il est possible à partir d'une volonté politique, de structures efficaces et de moyens financiers, mais aussi grâce à une adaptation des mentalités de transformer un secteur marqué par une longue tradition d'autosuffisance, en un champion de l'exportation. Il s'agit d'opérer pour les industries françaises de programmes audiovisuels une révolution du même ordre que celle qu'a su accomplir l'agriculture française des années 60 : cesser de produire essentiellement pour le marché domestique ; créer les structures financières et commerciales aptes à accompagner un vaste effort d'exportation.

b) Le dispositif proposé

· Une structure d'intervention souple

Le principe est de privilégier, au niveau de la distribution des aides, les projets présentant un fort potentiel à l`exportation. Il faut donc que les producteurs français se tournent vers le marché, qui, aujourd'hui, est mondial.

Pour les inciter à le faire, il faudrait mettre en place de nouvelles interventions qui, sans s'accompagner de la création d'un organisme nouveau, pourraient venir s'appuyer sur les dispositifs existants - et en particulier le Compte de soutien aux industries de programmes (COSIP) pour les compléter dans un sens favorable à l'exportation.

Les mécanismes de financement, gérés par le " fonds " ainsi créé, pourraient prendre trois formes :


- des prêts à conditions favorables, sous la forme d'avances remboursables ;

- des taux de garanties incitatifs pour les anticipations de recettes à l'exportation ;

- des préfinancements pour les actions ayant pour but la prospection des marchés étrangers.


Tous ces financements seraient accordés par l'intermédiaire des organismes responsables des procédures existantes, CNC, IFCIC et Coface, qui devraient être associés à la mise au point de ces nouvelles aides.

· Des moyens financiers

Les ressources initiales du " fonds " seraient de 250 millions de francs.
Elles auraient essentiellement deux origines :

· le produit de l'extension aux abonnements aux chaînes du câble et du satellite de la taxe perçue au bénéfice du COSIP. Cette mesure, qui devrait rapporter environ 100 millions de francs, aurait en outre l'avantage d'égaliser les conditions de concurrence entre les chaînes quel que soit leur mode de diffusion ;

· la dotation pourrait être alimentée par une autre voie, en l'occurrence une fraction - 0,5% - du produit des mises sur les jeux de la Française des jeux, soit une somme de 150 millions de francs, une telle idée avait d'ailleurs été évoquée dans le rapport remis par M. Jacques Rigaud au Ministre de la Culture, intitulé " Pour une refondation de la politique culturelle ".

Le fonds qu'il est proposé de créer ne fera pas double emploi avec celui, qui se trouve à l'étude à Bruxelles, pour le cinéma et la télévision. Madame la Ministre de la Culture et de la Communication insiste pour en obtenir la création rapide. Mais, avec 200 millions de francs de dotation seulement et un mode de gestion que l'on devine très traditionnel, cet instrument, qui ne doit faire que des opérations de garantie, ne semble pas à la mesure de la situation.

Pour l'Europe et pour la France en particulier, il est indispensable de construire une véritable industrie de programmes audiovisuels. Si celle-ci ne se tourne pas vers la demande étrangère, elle sera isolée et, tôt ou tard, marginalisée.

Il y a urgence. Il faut réagir en se donnant les moyens d'intervenir massivement en faveur de programmes exportables. A défaut d'une action d'envergure, non seulement la culture française risquerait de ne pas survivre, mais les efforts financiers déjà accomplis l'auraient été en pure perte.

Ce que les Canadiens ont réussi à faire en moins de 15 ans, ce à quoi les agriculteurs français sont parvenus en à peine une vingtaine d'années, ce que les Brésiliens s'apprêtent à entreprendre, pourquoi la France n'en serait-elle pas capable ?

CONCLUSION : l'enjeu, c'est l'identité culturelle de la France


La France fait un effort, sans doute sans équivalent dans le monde, pour la défense et la promotion de sa langue et de sa culture. Mais, en dépit des actions engagées à tous les niveaux par les pouvoirs publics, en dépit des succès obtenus - comme celui de la reconnaissance de " l'exception culturelle " -, ce combat n'est jamais terminé.

La presse et l'audiovisuel sont un élément clé de notre identité culturelle. Mais les batailles ne se gagnent pas à coups de règlements, ni même de crédits budgétaires. Face à la déferlante américaine, le maintien de notre culture suppose la mobilisation de tous .

Les aides à la presse, les quotas de production nationale, qu'ils concernent les fictions présentées à la télévision ou la chanson sur les radios ne suffiront pas à protéger notre culture. Tout est devenu produit de grande consommation. Et dans le grand marché mondial, le consommateur est roi. S'il ne lit, n'entend et ne voit pas la différence, bref, s'il ne perçoit pas de différence entre ce qui est produit chez lui et ce qui est importé, l'issue du combat ne fait guère de doute. La culture française ne résistera pas indéfiniment.

" A nous de faire préférer la culture française " pourrait-on dire en plagiant la formule sans complexe d'une récente campagne de publicité. Ce qui est vrai à l'échelle du monde, l'est tout autant à celle de la France elle-même. Car cette action, il faut d'abord la mener à l'intérieur de nos frontières, auprès des jeunes.

C'est dès l'école que tout se joue et que peut se créer cette citoyenneté culturelle sans laquelle la France n'a aucune chance de préserver son identité et, par voie de conséquence, ses industries culturelles.

A l'école de donner les moyens et le goût de communiquer. Maîtrise des outils intellectuels, d'abord ; initiation aux techniques modernes de communication, ensuite, sans oublier comme le fait remarquer Dominique Wolton dans son livre " Penser la communication " que le " meilleur moyen de préparer au monde multimédia de demain ne consiste pas à suréquiper les établissements scolaires de téléviseurs, consoles et claviers interactifs, mais plutôt à valoriser ce qui concerne la communication directe 49( * ) ".

Les médias et les industries culturelles ont besoin d'une culture française vivante ; mais réciproquement, ils sont à la fois le miroir et un lieu d'échange essentiel, où chacun trouve des occasions d'enrichissement personnel et d'échange avec les autres, le moyen de construire son identité, tout en faisant l'expérience de la diversité, garantissant ainsi vitalité à notre culture et cohésion à la société française.

" Seule la télévision généraliste est apte, dit Dominique Wolton, à offrir à la fois cette égalité d'accès, fondement du modèle démocratique, et cette palette de programme qui peut refléter l'hétérogénéité sociale et culturelle. La grille des programmes permet de retrouver les éléments indispensables à " l'être ensemble "... La force de la télévision généraliste est là : mettre sur un pied d'égalité tous les programmes et ne pas dire ceux qui sont destinés à tel ou tel public. Elle oblige chacun à reconnaître l'existence de l'autre, processus indispensable dans les sociétés contemporaines confrontées aux multiculturalismes " 50( * ) .

A nous de faire que les produits importés d'outre-Atlantique ne constituent pas le commun dénominateur culturel qui ferait le " lien social " des Français du XXIe siècle !

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