II. UN BUDGET 1998 QUI DOTE LA MARINE DE MOYENS EN PERSONNELS CONFORMES AUX PRÉVISIONS

Les emplois et les crédits prévus pour 1998 seront conformes à la loi de programmation et devraient donc permettre de poursuivre correctement la professionnalisation, même si plusieurs éléments d'incertitude apparaissent, principalement sur la possibilité de pourvoir en nombre suffisant les postes offerts aux personnels civils.

A. DES EFFECTIFS ET DES CRÉDITS CONFORMES À LA LOI DE PROGRAMMATION

Le tableau des effectifs de la Marine évoluera conformément aux prévisions de la programmation, ce qui entraînera une légère augmentation des crédits de rémunérations et de charges sociales.

1. L'évolution des effectifs de la Marine

Le tableau ci-dessous retrace l'évolution des effectifs de la Marine au cours de l'année 1998.

Évolution des effectifs de la Marine

1997

1998

Variation

Officiers

4 916

4 985

+ 69

Officiers-mariniers

32 784

32 605

- 179

Équipage

7 928

7 928

-

Appelés

14 698

11 498

- 3 200

Civils

7 258

8 179

+ 921

67 584

65 195

- 2 389

L'augmentation des effectifs d'officiers qui avait été amorcée dans les années passées se poursuit, conformément à l'orientation définie par la loi de programmation. Il faut en effet rappeler que, contrairement à l'armée de terre et à l'armée de l'air, la Marine verra le nombre de ses officiers augmenter d'ici 2002, afin d'améliorer le taux d'encadrement depuis longtemps inférieur à celui des grandes marines occidentales et de pourvoir aux besoins d'officiers de marine dans les états-majors interarmées et dans des organisations interalliées.

Compte tenu des départs prévisibles, la Marine devrait procéder au recrutement de 240 officiers en 1998, dont 80 par le biais de l'Ecole Navale, 56 par l'Ecole militaire de la flotte, 79 en qualité d'officiers de réserve en situation d'activité (ORSA), 20 au choix et 5 sur titres.

Votre rapporteur note avec satisfaction que contrairement à l'an passé, le nombre de postes à l'Ecole navale a été augmenté et passera de 75 à 80, ce qui semble cohérent avec les besoins liés aux emplois de haut niveau dans les états-majors. Toutefois cette augmentation sera gagée par une diminution équivalente des postes ouverts à l'Ecole militaire de la flotte.

La déflation des effectifs d'officiers-mariniers se poursuivra à un rythme modéré, l'effort de réduction devant devenir plus soutenu dans cette catégorie à partir de 2000, après la " mise en sommeil " du porte-avions Foch. Comme l'an passé, les spécialités les plus concernés devraient être les forces sous-marines et l'aéronautique navale.

La stabilité des effectifs d'équipage dissimule un double mouvement :

- la diminution du nombre de maistranciers de quartiers-maîtres et de matelots engagés,

- le recrutement de 830 engagés sur contrats courts de 2 ans, s'ajoutant aux 690 emplois déjà pourvus l'an passé. Les postes concernés se répartissent entre 500 emplois de service général, 180 emplois de manutention aéronautique et 150 emplois de protection.

Le nombre d'appelés diminue de 3 200 unités en 1998, comme en 1997. Cette diminution est absorbée par la suppression des postes d'appelés des unités désarmées et par la professionnalisation des autres postes, sachant que pour les postes embarqués, le principe d'un remplacement nombre pour nombre d'un appelé par un militaire professionnel avait été retenu. Au cours de l'année 1998, près de 600 postes embarqués devront être professionnalisés, principalement sur le Foch, ainsi que sur le Charles de Gaulle.

Enfin, 921 postes de personnels civils supplémentaires seront créés en 1998 ce qui, compte tenu des vacances actuelles ou à venir en cours d'année, devront porter la capacité de recrutement de la Marine à plus de 1 200 postes l'an prochain

D'après les informations dont dispose votre rapporteur, le nombre de postes offerts aux divers concours (ingénieurs d'études et de fabrications, techniciens supérieurs d'études et de fabrication, secrétaires administratifs, adjoints administratifs) devrait se situer comme en 1997 autour de 170. Les autres postes vacants devraient en principe être pourvus par mutations internes mais les prévisions concernant notamment la DCN sont loin de s'accorder au nombre de places disponibles.

Enfin, au titre de la politique de recrutement mise en oeuvre en 1998, on signalera que la féminisation des emplois se poursuivra. Celle-ci conserve tous les types d'emplois, à l'exception du pilotage d'avions embarqués, des postes sur sous-marins et des emplois de fusiliers-marins et commandos. Cinq bâtiments de combat embarquent déjà des équipages mixtes. La proportion de femmes dans les personnels militaires de la Marine s'établit à 7 % des effectifs et devrait régulièrement augmenter pour atteindre 10 %.

2. Les charges de personnels

Le montant des rémunérations et charges sociales inscrites au budget de la Marine s'élève à 10,076 milliards de francs pour 1998, soit une progression de 1,8 % par rapport à 1997.

Cette enveloppe n'inclut pas la rémunération des personnels civils pris en charge, comme les personnels civils des autres armées, par le budget des services communs. Son évolution ne retrace donc que l'impact financier des mesures concernant les seuls personnels militaires de la Marine.

La légère progression des rémunérations et charges sociales en 1998 résultera de plusieurs mouvements jouant en sens inverse :

- la réduction du format induite par la loi de programmation permettra une économie de 66 millions de francs,

- les revalorisations indemnitaires provoqueront une charge supplémentaire de 94 millions de francs,

- la mensualisation de la solde des élèves-officiers et des militaires du rang entraînera une dépense supplémentaire de 153 millions de francs,

- un crédit supplémentaire de 85 millions de francs a été prévu dans la loi de finances initiale au titre de l'attribution des pécules d'incitation au départ, alors que l'an passé, la Marine avait bénéficié d'un transfert en cours d'exercice depuis le budget des services communs,

- enfin, une " mesure d'économie " de 118 millions de francs, liée au redéploiement des effectifs et au désarmement de plusieurs bâtiments a été appliquée sur l'enveloppe des rémunérations des personnels.

Par ailleurs, on peut noter qu'une mesure nouvelle de 10 millions de francs sur les crédits fonctionnement de la Marine et été prévue au titre de dépenses de sous-traitance. Il s'agit-là de permettre le financement d'activités qui, du fait de la professionnalisation et de la réduction des effectifs, ne peuvent plus être assurées par du personnel de la Marine.

Enfin, la diminution globale des effectifs se traduira par une réduction de 5,4 % des crédits d'alimentation qui passeront de 589 millions de francs en 1997 à 557 millions de francs en 1998.

B. LES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR

Si l'on peut considérer que le projet de loi de finances pour 1998 mettra en place les moyens financiers et les postes budgétaires correspondant à l'application normale de la loi de programmation, votre rapporteur souhaiterait toutefois remarquer que pour l'année prochaine, une incertitude demeure sur le niveau réel des personnels civils dont disposera la Marine. Par ailleurs, la question des volontaires comme celle des réserves restent toujours en suspens.

1. Vers un fort déficit en personnels civils dans la Marine en 1998 ?

Cette interrogation est justifiée par l'existence d'un déficit en personnels civils déjà significatif dans la Marine, les effectifs réalisés restant inférieurs aux effectifs budgétaires. Ainsi, 250 postes de personnels civils se trouveraient vacants au ler janvier 1997 , dont 200 postes ouvriers. Cette situation est due aux interdictions d'embauchage en vigueur depuis plusieurs années, la Marine n'étant autorisée à recruter par voie externe qu'un nombre limité de civils, le reste des postes devant être pourvus par mutation interne au ministère de la Défense.

Si l'on ajoute à ce déficit au ler janvier dernier, les 300 postes devant devenir vacants en cours d'année et les 761 postes de civils supplémentaires créés conformément à la loi de programmation, on aboutit à plus de 1300 recrutements possibles en 1997. Or, les recrutements externes par concours ne portant que sur 170 emplois, cela signifie que 1100 postes devaient être pourvus par mutations internes en 1997. A l'évidence, malgré un nombre de candidatures provenant de la DCN en nombre supérieur aux prévisions, ces mutations seront loin d'atteindre ce chiffre si bien que selon l'Etat-major de la Marine, le déficit en personnels civils devrait se situer autour de 300 postes à la fin de l'année 1997.

Pour 1998, il faudra pourvoir ces 300 postes vacants, les 921 postes créés par le présent budget et les postes libérés par les départs naturels, soit un total encore plus important qu'en 1997, qui pourrait être supérieur à 1500 postes.

Or, les recrutements par concours ne devraient pas augmenter significativement. Quant aux mutations internes, il apparaît qu'en l'état actuel des choses, les candidatures devraient être moins nombreuses qu'en 1997, si bien que le départ en fin d'année risque de s'accentuer.

Le risque d'un fort déficit en personnel civil dans la Marine provient de la conjugaison de trois facteurs :

· l'augmentation importante des postes civils depuis 1997 ;

· la difficulté de réaliser les mutations internes, notamment depuis la DCN ;

· et l'interdiction d'augmenter les recrutements externes.

S'agissant des mutations internes , nous avons vu qu'au cours de l'année 1997 les prévisions de reclassement d'ouvriers de la DCN avaient été réalisées et même dépassées, mais on peut penser que des conditions aussi favorables ne seront pas réunies en 1998. Le flux de candidatures risque de se tarir , les personnels les plus intéressés s'étant déjà manifestés en 1997. Par ailleurs, il n'y a pas adéquation géographique entre les postes offerts par la Marine et les sites de la DCN en sureffectifs. Des emplois proposés à Toulon et à Paris ne trouvent pas preneurs, en raison des difficultés soulevées par une éventuelle mobilité géographique des personnels des arsenaux de l'ouest de la France. D'autre part, bon nombre de postes proposés par la Marine ne correspondent pas aux qualifications des ouvriers de la DCN ; il en va ainsi dans les emplois liés à l'entretien ou à la restauration, qui constituent un besoin essentiel pour la Marine au moment où celle-ci perd le concours des appelés.

Au total, la Marine ne prévoirait guère plus de 500 mutations en provenance de la DCN, ce qui serait très insuffisant pour pourvoir les emplois civils disponibles.

En l'absence de mesures nouvelles, l'accentuation du déficit en personnels civils semble inéluctable et pourrait perturber fortement le fonctionnement des unités. Il faut ajouter que le problème pourrait s'aggraver si les nouvelles modalités de reports d'incorporation par les jeunes titulaires d'un contrat de travail aboutissant à priver la Marine d'appelés nantis d'une qualification professionnelle et utilisables immédiatement sur des emplois ouvriers ou dans les métiers de la restauration.

Un trop fort déficit en personnel civil exigerait alors des mesures palliatives qui, pour l'instant, ne sont pas à l'ordre du jour. On peut penser à un recours plus important à la sous-traitance, mais il faudrait alors débloquer les crédits nécessaires, ou encore à des mesures incitatives plus adaptées, allant au-delà de ce que permettent les mutations volontaires des personnels de la DCN. Enfin, on peut également évoquer des levées partielles des interdictions d'embauche dans certains cas particuliers, lorsque les perspectives de mutations internes sont faibles pour des raisons géographiques ou de profils de postes.

On peut cependant se féliciter que les dotations du fonds d'adaptation industrielle consacré à la restructuration de la DCN, qui s'élevaient à 327 millions de F en 1997, aient été portées à 454 millions de F pour 1998, ce qui pourrait faciliter les mutations vers les armées. Au cours de l'année 1997, cette enveloppe imputée sur les crédits d'équipement de la Marine aura été consacrée pour 230 millions de F au dégagement des cadres, pour 50 millions de F aux départs volontaires et pour 50 millions de F seulement aux mutations vers les armées.

2. Deux questions en suspens : les volontaires et les réserves

La loi de programmation avait prévu la présence de 1775 volontaires dans la Marine en 2002. Sur cette base, la Marine avait prévu une montée en charge progressive de ces postes qu'elle envisageait de répartir entre 150 postes de haut niveau, 1000 postes embarqués, 100 à 150 postes de gendarmes maritimes auxiliaires et 475 à 525 postes à terre assujettis à des contraintes opérationnelles et de disponibilité (transmetteurs, guetteurs, marins pompiers notamment).

Toutefois, le nouveau projet de loi sur le service national a sensiblement modifié l'approche du volontariat, notamment du point de vue de sa rémunération qui passerait de 2 000 F mensuels dans le projet du gouvernement précédent à 4 000 F mensuels dans l'esprit du gouvernement actuel. Il s'agirait notamment de rapprocher, sinon d'harmoniser, les conditions d'emploi et de rémunération du volontariat de défense et celles des nouvelles activités envisagées pour l'emploi des jeunes dans le secteur civil.

Le statut du volontariat de défense et ses conditions de mise en oeuvre restent à définir et on peut se demander comment se distingueront les volontaires des engagés, particulièrement dans la Marine qui développe des contrats courts de 2 ans pour certaines fonctions peu qualifiées.

A l'évidence, il conviendra de clarifier cette question et d'adapter en conséquence la politique de recrutement mise au point par la Marine pour faire face à la professionnalisation.

Le second point en suspens concerne les réserves , en l'attente du projet de loi qui devrait être présenté au Parlement au cours du 1er semestre 1998.

Il semblerait que l'orientation retenue consiste à réduire très sensiblement le nombre de réservistes, tant en ce qui concerne l'ensemble de la réserve gérée, qui était de 105 000 hommes en 1996 et qui passerait à 65 000 hommes en 1998 que pour la "première réserve" dont les emplois passeraient de 27 000 en 1997 à 16 500 en 1998, et à moins de 10 000 à terme. Ces emplois seront définis de manière à optimiser le rôle de la réserve au sein d'une Marine professionnelle. Ils serviront notamment à des renforts opérationnels au profit d'opérations en mer ou d'opérations terrestres de protection, à des renforts d'états-majors organiques ou de directions et services, ainsi qu'à des renforts en spécialistes dans divers domaines. Ces renforts constitueront une composante à part entière de la Marine et auront vocation à être utilisés dans tous les types de situations. Cette réforme impliquerait des entraînements plus réguliers ainsi qu'une plus grande disponibilité garantie par la signature d'un engagement spécial dans la réserve.

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