Rapport n° 226 - Proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale relative à la responsabilité du fait des produits défectueux.


M. Pierre FAUCHON, sénateur


Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel du Règlement et d'Administration générale. Rapport n° 226 - 1997-1998

Table des matières






N° 226

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 janvier 1998

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relative à la responsabilité du fait des produits défectueux ,

Par M. Pierre FAUCHON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Robert Pagès, Georges Othily, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Jean Derian, Michel Dreyfus-Schmidt, Michel Duffour, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud, Jean-Claude Peyronnet, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 10 ème législ.) : 469 , 3411 et T.A. 674 .

Sénat : 260 (1996-1997).

Responsabilité civile.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 21 janvier 1998, sous la présidence de M. Jacques Larché, président, la commission des Lois a examiné, sur le rapport de M. Pierre Fauchon, la proposition de loi n° 260 (1996-1997), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la responsabilité du fait des produits défectueux.

M. Pierre Fauchon, rapporteur, a rappelé que la proposition de loi tendait à transposer une directive communautaire adoptée en 1985 et qui aurait dû être transposée en droit français depuis 1988. Il a indiqué que même si cette directive n'améliorait guère le droit français de la sécurité des produits, déjà très protecteur, la France était néanmoins tenue de la transposer sous peine d'une condamnation par la Cour de justice des Communautés européennes.

Le rapporteur a précisé que la proposition de loi reprenait largement les conclusions de la commission mixte paritaire qui s'était réunie en 1992, après deux lectures par l'Assemblée nationale et le Sénat d'un projet de loi de transposition. Ces conclusions n'avaient pas été soumises pour approbation aux deux assemblées par le Gouvernement de l'époque.

Il a toutefois noté que la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale permettait l'exonération de responsabilité pour risque de développement, exclue par le texte de la commission mixte paritaire de 1992. Il a en outre ajouté que la proposition soumise au Sénat écartait du champ d'application du nouveau régime de responsabilité les éléments et produits du corps humain.

M. Pierre Fauchon, rapporteur, a fait valoir que l'exonération de la responsabilité liée au risque de développement n'existait pas en droit français et qu'elle avait été exclue par la jurisprudence dans des arrêts importants relatifs au sang contaminé. Il s'est déclaré opposé à cette exonération de responsabilité, soulignant notamment qu'elle n'inciterait guère les producteurs à effectuer rapidement les recherches nécessaires pour déterminer la défectuosité éventuelle de leurs produits. Le rapporteur a, par ailleurs, souhaité que les produits du corps humain soient inclus dans le champ d'application du texte.

Le rapporteur a enfin fait observer qu'en marge de la directive, le texte contenait des dispositions relatives à la garantie des vices cachés, sujet qui faisait l'objet d'une proposition de directive en cours de discussion.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, la commission des Lois a pris les décisions suivantes :

- à l' article 2 (responsabilité du producteur), elle a adopté un amendement de suppression de l'alinéa qui prévoit l'exclusion de la responsabilité des constructeurs pour reporter cette disposition à l'article 7.

- à l' article 4 (définition du produit), elle a supprimé la disposition introduite par l'Assemblée nationale visant à exclure des éléments du corps humain et des produits issus de celui-ci du champ d'application du nouveau régime de responsabilité.

- à l' article 6 (mise en circulation), la commission a adopté un amendement supprimant la mention précisant qu'un produit ne pouvait faire l'objet que d'une seule mise en circulation.

- à l' article 7 (notion de producteur), la commission a adopté un amendement réintégrant l'exclusion de la responsabilité des constructeurs qui figurait auparavant à l'article 2 en prévoyant en outre l'exclusion de la responsabilité de leurs sous-traitants.

- à l' article 8 (responsabilité du vendeur, du loueur ou de tout autre fournisseur), la commission a adopté, outre un amendement rédactionnel, un amendement excluant les crédits-bailleurs du champ de la responsabilité.

- à l' article 10 (charge de la preuve), la commission a proposé de supprimer l'obligation pour la victime de faire la preuve du défaut du produit, celle-ci devant, dans le cadre d'une responsabilité de plein droit, simplement prouver le dommage et le lien de causalité entre le produit et le dommage.

- à l' article 12 (causes d'exonération de la responsabilité), la commission a adopté un amendement supprimant l'exonération de responsabilité prévue par le texte pour le risque de développement.

- à l' article 12 bis (obligation de suivi des produits), la commission a adopté un amendement de précision, afin de permettre l'application de certaines causes d'exonération.

- à l' article 13 (réduction ou suppression de la responsabilité du producteur en cas de faute de la victime), elle a adopté un amendement de suppression de l'alinéa définissant la faute de la victime, préférant s'en remettre sur ce point à la jurisprudence.

- à l' article 16 (clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité), la commission a adopté un amendement supprimant les restrictions prévues par le texte à la validité des clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité passées entre professionnels.

- à l' article 19 (cumul de la responsabilité du fait des produits défectueux avec les régimes de responsabilité existants), la commission a adopté un amendement supprimant l'impossibilité prévue par le texte de mettre en jeu la responsabilité du producteur à raison de la garde du produit après sa mise en circulation.

Dans l'attente de l'intervention prochaine d'une directive européenne sur la question, la commission a proposé de disjoindre les articles 21 à 24 relatifs à la garantie des produits non couverte par la présente directive.

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi soumise à votre examen constitue une nouvelle étape d'une procédure législative complexe qui, commencée il y a plus de sept ans, a eu pour objet de transposer en droit interne la directive du conseil des communautés européennes du 25 juillet 1985 relative au " rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux ". Il s'agit, ici, de la responsabilité pour la sécurité des produits et non pas de la question, certes très importante, de la qualité de ces derniers.

La France a ainsi pris un retard considérable dans l'adaptation de son droit national puisque cette directive aurait dû y être transposée avant le 30 juillet 1988.

Si différents facteurs peuvent expliquer ce retard, force est de constater que l'existence en droit interne de régimes de responsabilité, précisés au fil du temps par la jurisprudence, rend plus difficile l'adaptation de nouvelles règles qui ne sauraient aboutir à diminuer le niveau de protection des consommateurs exposés à des produits défectueux, conformément d'ailleurs aux prescriptions de l'article 13 de la directive.

Toujours est-il que la première tentative engagée pour assurer cette transposition par le dépôt d'un projet de loi sur le bureau de l'Assemblée nationale au mois de mai 1990 n'a pu aboutir en dépit de l'élaboration d'un texte par la commission mixte paritaire réunie au mois de décembre 1992 à l'issue des deux lectures effectuées à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Le Gouvernement de l'époque n'a, en effet, curieusement pas jugé utile de soumettre ce texte à l'Assemblée nationale et au Sénat. Il est permis de s'interroger sur les raisons de cette abstention.

Dans ces conditions, ce défaut de transposition de la directive en droit interne a été sanctionné par la Cour de Justice des Communautés Européennes dans une décision du 13 janvier 1993 et l'on ne peut exclure que la France soit de nouveau condamnée pour ce manquement à ses obligations communautaires.

Depuis lors, une proposition de directive (97/0244) du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive du 25 juillet 1985 a été présentée, afin d'étendre le champ d'application de cette dernière aux produits agricoles.

La proposition de loi -issue d'une initiative de Mme Nicole Catala et adoptée par l'Assemblée nationale le 13 mars 1997 après le rejet d'une question préalable- a donc pour finalité de relancer la procédure législative avec l'espoir qu'elle puisse aboutir dans un délai rapproché.

Le présent rapport, après avoir rappelé le contenu de la directive et les principaux aspects de la première tentative de transposition, vous présentera l'économie de la proposition de loi et les propositions de votre commission des Lois.

*

* *

I. LA DIRECTIVE DU 25 JUILLET 1985 : UNE PREMIÈRE TENTATIVE DE TRANSPOSITION EN DROIT INTERNE QUI N'A PU ABOUTIR

A. LE CONTENU DE LA DIRECTIVE

Sur l'excellent rapport de notre ancien collègue M. Jacques Thyraud (n° 425, seconde session ordinaire 1991-1992), la commission des Lois avait soumis au Sénat une présentation détaillée du contenu de la directive du 25 juillet 1985. Votre rapporteur en rappellera les principales caractéristiques.

La directive organise un régime de responsabilité réputée de plein droit du producteur en cas de dommages aux personnes ou aux biens causés par un défaut de son produit, dès lors que sont établis par la victime le dommage , le défaut du produit et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.

Ce régime concerne tout meuble même incorporé dans un autre meuble ou un immeuble, à l'exclusion possible des matières premières agricoles et des produits de la chasse. Une proposition de directive (97/0244) prévoit d'inclure les produits agricoles dans le champ d'application de la directive du 25 juillet 1985.

La directive écarte, par ailleurs, toute différence entre les demandeurs selon qu'ils ont acquis l'usage d'un produit par un contrat ou non.

Elle centre la responsabilité sur le producteur considéré comme le principal agent de la production et le plus apte à s'assurer. Sont néanmoins assimilés au producteur l'importateur et, à titre subsidiaire, le vendeur lorsque le producteur ou l'importateur ne peut être identifié.

Elle écarte la possibilité de prévoir dans les contrats des clauses limitatives ou exonératrices de la responsabilité qu'elle institue.

La mise en oeuvre de la responsabilité du producteur est néanmoins enfermée dans des délais assez courts qui contrastent avec ceux applicables en droit interne pour la mise en oeuvre d'une action en réparation.

La directive établit ainsi deux délais : un délai de prescription de l'action d'une durée de trois ans à compter de la date à laquelle le plaignant aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur (article 10) ; un délai d'extinction de la responsabilité du producteur, d'une durée de dix ans à compter de la mise en circulation par le producteur du produit même qui a causé le dommage (article 11).

Elle prévoit en outre un certain nombre de causes d'exonération de responsabilité au profit du producteur, à charge pour celui-ci d'apporter la preuve de sa non-responsabilité.

Enfin, elle ouvre aux Etats membres trois options :

- inclure les produits agricoles et les produits de la chasse dans le champ d'application du nouveau dispositif ;

- laisser à la charge du producteur ce qui est communément désigné comme le " risque de développement " , c'est-à-dire la responsabilité des dommages causés par un défaut du produit que " l'état des connaissances scientifiques et techniques ne permettait pas de déceler, au moment où le produit a été mis en circulation " ;

- limiter la responsabilité globale du producteur pour les dommages résultant de la mort ou des lésions corporelles et causées par des articles identiques présentant les mêmes défauts, à un montant qui ne peut être inférieur à 70 millions d'écus (490 millions de francs environ).

B. L'ÉCHEC DE LA PREMIÈRE TENTATIVE DE TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE EN DROIT INTERNE

Alors que la directive aurait dû être transposée en droit interne avant le 30 juillet 1988, la France a dès l'origine pris un certain retard dans la procédure de transposition.

En premier lieu, le projet de loi modifiant le code civil et relatif à la responsabilité du fait du défaut de sécurité des produits, qui assurait cette transposition, n'a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale que le 23 mai 1990, après de longs travaux préparatoires, menés notamment par un groupe de travail mis en place à la Chancellerie, qui témoignent de la complexité des problèmes juridiques posés.

En second lieu, le projet de loi n'a été examiné en première lecture par l'Assemblée nationale que le 11 juin 1992 et par le Sénat le 25 juin 1992.

Après une deuxième lecture dans chacune des deux assemblées, une commission mixte paritaire s'est réunie le 15 décembre 1992 fin de proposer un texte sur les dispositions du projet de loi restant en discussion.

Cependant, le Gouvernement n'a pas soumis aux assemblées le texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Il convient de rappeler que, lors de cette première tentative de transposition de la directive en droit interne, la question de l'exonération du producteur pour les risques dits de " développement " fut longuement discutée.

Comme votre rapporteur l'a indiqué ci-dessus, la directive laisse aux Etats membres la faculté de ne pas permettre au producteur de s'exonérer de sa responsabilité en établissant que " l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n'a pas permis de déceler l'existence du défaut ".

Cette question revêt, en effet, une importance particulière pour l'équilibre de notre droit de la responsabilité puisque, dans l'état actuel du droit positif, la jurisprudence ne reconnaît pas une telle cause d'exonération .

Or, l'adaptation en droit interne du nouveau régime de responsabilité issu de la directive ne saurait -comme l'article 13 de cette dernière le spécifie expressément- aboutir à réduire les droits dont peut se prévaloir la victime d'un dommage.

De même a été posée, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, la question du cumul ou du non cumul du nouveau régime issu de la directive avec les régimes de responsabilité existants.

En définitive, contrairement aux solutions initialement envisagées par le projet de loi mais conformément à la position exprimée par le Sénat en seconde lecture, le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire avait exclu l'exonération du producteur pour les risques de " développement " et avait prévu le cumul des régimes de responsabilité.

Quoi qu'il en soit, la décision du Gouvernement de l'époque de ne pas soumettre le texte de la commission mixte paritaire à l'approbation de l'Assemblée nationale et du Sénat a fait échouer la procédure de transposition de la directive.

Dans ces conditions, la directive n'ayant pas été intégrée dans le droit national, plus de quatre ans après l'expiration du délai prévu, la France a été condamnée le 13 janvier 1993 par la Cour de Justice des Communautés européennes.

Cette dernière a rendu un arrêt en manquement à l'encontre de la France, qui est le seul des Etats membres à ne pas avoir satisfait, en l'espèce, à ses obligations communautaires.

Dans un avis en date du 28 novembre 1995, la Commission européenne a par la suite constaté la non exécution de l'arrêt rendu par la Cour.

En conséquence, conformément à l'article 171 du traité de Rome, tel que modifié par le traité sur l'Union européenne, la Cour de Justice pourra -sur proposition de la Commission- infliger à la France le paiement d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte.

Dans une communication en date du 5 juin 1996, la Commission a précisé les critères sur lesquels elle se déterminerait avant de saisir la Cour de Justice : la gravité de l'infraction qui est elle-même appréciée en fonction de l'importance des règles communautaires visées et des conséquences du manquement pour les intérêts généraux et particuliers ; la durée de l'infraction et la nécessité d'un effet dissuasif.

La Commission européenne a par ailleurs adopté, le 8 janvier 1997, une méthode de calcul des astreintes à partir d'une base forfaitaire multipliée par des coefficients relatifs à la gravité de l'infraction et à sa durée, à la capacité financière de l'État évaluée sur la base de son PIB et au nombre de voix dont il dispose lors des votes au Conseil (ce qui permet d'apprécier son poids dans la définition des règles qu'il n'a pas respectées).

Sur ces bases, la France pourrait encourir des astreintes quotidiennes comprises entre 10.350 écus (environ 67.300 francs) et 631.771 écus (environ 4.107.000 francs).

Conscient de ces enjeux financiers, le précédent Gouvernement avait transmis, au mois de juin 1996, à la Commission européenne un mémorandum qui soulignait l'inadéquation des règles de responsabilité édictées par la directive pour ce qui est des produits issus du corps humain.

La Commission européenne, après avoir analysé ce mémorandum , n'a pas jugé que les réponses du Gouvernement français pouvaient justifier une remise en cause de la procédure contentieuse engagée. Celle-ci a néanmoins été différée, compte tenu de l'engagement du Gouvernement français de transposer la directive durant le premier semestre 1997.

II. LA PROPOSITION DE LOI : UNE NOUVELLE TENTATIVE DE TRANSPOSITION EN DROIT INTERNE DE LA DIRECTIVE DU 25 JUILLET 1985

Présentée dès le mois de juillet 1993 -soit très rapidement après l'ouverture de la dernière législature- la proposition de loi de Mme Nicole Catala tend à assurer cette transposition en reprenant la plupart des solutions issues des travaux de la commission mixte paritaire. Néanmoins, contrairement au texte élaboré par cette dernière et à la position retenue par le Sénat lors de la deuxième lecture du projet de loi, elle permet au producteur de s'exonérer des risques de " développement " ( article 12 ) ce qui -votre rapporteur y reviendra- constitue une divergence majeure.

En outre, les éléments et produits du corps humain seraient exclus du champ d'application du nouveau dispositif et resteraient en conséquence soumis aux régimes de responsabilité de droit commun ( article 4 ).

Sous cette double réserve -dont la portée est loin d'être négligeable- l'économie du dispositif proposé est pour l'essentiel une reprise du texte issu des travaux de la Commission mixte paritaire.

En conséquence, inséré après l'article 1386 du code civil, il repose sur les principes suivants :

- le producteur sera responsable du dommage causé par un défaut de son produit qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime ( article 2 ) ;

- la réparation concernera les dommages qui résultent d'une atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même ( article 3 ) ;

- un produit sera défectueux lorsqu'il n'offrira pas " la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre " ( article 5 ) ;

- le demandeur devra prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ( article 10 ) ;

- le producteur pourra être responsable du défaut alors même que le produit a été fabriqué dans le respect des règles de l'art ou de normes existantes ou qu'il a fait l'objet d'une autorisation administrative ( article 11 ) ;

- outre des risques de " développement " le producteur pourra s'exonérer s'il prouve qu'il n'a pas mis le produit en circulation, que le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où il a mis le produit en circulation, que le produit n'a pas été destiné à la vente ou à toute autre forme de distribution, que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d'ordre législatif ou réglementaire ( article 12 ) ;

- néanmoins, ces causes d'exonération ne pourront être invoquées par le producteur lorsque celui-ci, en présence d'un défaut qui s'est révélé dans le délai de dix ans après la mise en circulation du produit, n'aura pas pris les dispositions propres à prévenir les conséquences dommageables (article 12 bis) ;

- les clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité à l'égard des particuliers seront réputées non écrites ( article 16 ). Cependant, la faute de la victime pourra, dans certaines conditions, réduire ou supprimer la responsabilité du producteur ( article 13 ) ;

- la responsabilité de plein droit du producteur pour défaut de sécurité des produits s'éteindra dix ans après la mise en circulation du produit ( article 17 ). Les victimes auront trois ans pour la mettre en oeuvre ( article 18 ).

Ce nouveau régime de responsabilité, conformément à l'article 13 de la directive, ne portera pas atteinte aux droits dont la victime peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extra-contractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité ( article 19 ). D'où il ressort que le régime légal et jurisprudentiel en vigueur continuera à s'appliquer.

Enfin, la présente proposition de loi reprend plusieurs dispositions du projet de loi précité qui -hors du cadre de la directive- modifiaient sous certains de ses aspects, le régime de la garantie des vices cachés afin de renverser la charge de la preuve de l'antériorité du vice à la vente ( article 21 ) qui pèse actuellement sur les victimes ; de fixer à un an le délai de l'action en garantie des vices cachés (article 23 ) ; de préciser les modalités de réparation du préjudice subi par la victime, lorsque la vente a été faite par un professionnel (article 22) et les limites dans lesquelles la forme judiciaire de la vente exclut la garantie du vendeur (article 24).

On relèvera qu'une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la vente et aux garanties des biens de consommation a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 16 octobre 1996.

La proposition de loi est applicable aux territoires d'outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte ( article 25).

En outre, en marge de ce dispositif, le régime des garanties immobilières prévues notamment par le code civil est étendu à certains territoires d'outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte ( article 26 ).

III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS

A. MAINTENIR LA RESPONSABILITÉ DU PRODUCTEUR POUR LES RISQUES DE DÉVELOPPEMENT

Divergence majeure avec les conclusions de la Commission mixte paritaire, la proposition de loi permet l'exonération -c'est à dire l'irresponsabilité- du producteur pour les risques de " développement ". Les arguments favorables et hostiles à une telle cause d'exonération ont été largement développés lors de l'examen du projet de loi de transposition.

Votre commission des Lois a considéré que les arguments avancés à l'appui d'une telle cause d'irresponsabilité n'étaient pas convaincants au regard des inconvénients majeurs que présenterait son corollaire, à savoir laisser les conséquences du dommage causé par le produit défectueux à la charge de la victime ou, en définitive, de l'Etat.

Une telle solution serait d'ailleurs contraire à l'article 13 de la directive qui prévoit expressément que cette dernière " ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extra-contractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité existant au moment de la notification ". Elle serait également contraire aux principes les plus établis de notre droit.

1. En faveur de l'irresponsabilité , il est tout d'abord affirmé que l'absence d'exonération du producteur dans un tel cas aurait des effets négatifs sur la recherche et l'innovation .

Or, on peut se demander si l'admission de l'exonération -qui permettrait au producteur d'invoquer son ignorance- n'aurait pas des effets plus négatifs encore sur la recherche.

L'innovation ne semble pas avoir été jusqu'à présent entravée, alors même que le droit en vigueur ignore cette cause d'exonération. La comparaison avec des exemples étrangers ne permet pas d'établir une corrélation entre l'exonération pour le risque de développement et le dynamisme de l'innovation.

En second lieu, la différence du régime juridique applicable en France et dans les autres Etats de l'Union européenne serait susceptible, aux yeux de certains, d'entraîner des distorsions de concurrence préjudiciables aux producteurs français.

Or, la différence de régime juridique existant de longue date, il ne semble pas que cette situation ait jusqu'à ce jour créé des préjudices aux producteurs français, bien que le marché national constitue pour eux un marché important. En outre, faut-il rappeler que sur le marché national, les entreprises étrangères se trouvent confrontées aux mêmes obligations que leurs homologues français. Il n'y a donc pas de " distorsion de concurrence " .

Un troisième argument avancé à l'appui de l'exonération concerne les assurances : l'assurance " responsabilité civile " des entreprises serait rendue plus difficile, voire impossible, en raison d'une incertitude accrue dans l'appréciation des risques.

Or, dans la situation actuelle qui ne reconnaît pas l'exonération du risque de développement, la couverture du risque par les assurances n'a pas été mise en cause.

D'une manière générale, il paraît peu convaincant d'affirmer que le défaut d'exonération mettrait en cause les équilibres actuels alors que ces équilibres ont été précisément établis dans le cadre d'un système juridique qui ignore cette exonération.

C'est précisément le constat que notre système juridique présente l'avantage d'être stabilisé de longue date et, sans générer de déséquilibres significatifs, qui a conduit le Sénat, en seconde lecture du projet de loi de transposition, à souhaiter ne pas y apporter de perturbations qui seraient source de longs et difficiles contentieux.

2. Le maintien d'un principe général de responsabilité répond au fait que les risques liés au développement des produits deviendront à l'évidence un problème essentiel dans les sociétés modernes .

L'obligation de sécurité qui pèse sur tout fabricant ou vendeur d'un produit, consacrée de longue date par le droit français, apparaît donc tout à fait essentielle . Elle est indissociable de la liberté de créer et de vendre des produits. Plutôt que de poser un principe d'" irresponsabilité ", il est préférable de laisser à la jurisprudence le soin d'appliquer le principe de responsabilité avec la souplesse nécessaire, souplesse qu'autorise la formule de l'article 5 selon lequel " un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre ".

Reconnaître le risque de développement comme cause d'exonération ouvrirait donc une brèche considérable dans ce système juridique bien établi. Cette solution réduirait le niveau de protection des victimes potentielles, situation difficilement justifiable alors que le développement économique doit au contraire tendre à une meilleure maîtrise des dangers de tous ordres et a fortiori de ceux qu'il génère.

L'irresponsabilité du producteur au titre du risque de " développement " aurait, en outre, pour conséquences pratiques, de faire jouer par les premières victimes une fonction de " révélateurs " sans être indemnisées. Une telle solution est moralement et politiquement inacceptable, voire scandaleuse. Aurait-on envisagé dans la pénible affaire du sang contaminé de ne pas indemniser les premières victimes, au motif que le vice n'était pas décelable au moment de leur contamination ?

Il convient d'ajouter que le vice en cause étant un vice de conception du produit, les dommages provoqués ne seront pas isolés mais multiples.

L'application d'une telle cause d'exonération ne manquerait pas également d'ouvrir des contentieux extrêmement difficiles . Il appartiendrait au producteur de prouver un fait négatif -qu'il ne pouvait pas prévoir le défaut- ce qui pourrait se retourner en l'obligation pour la victime d'apporter la preuve contraire, à savoir que le producteur pouvait prévoir, preuve par définition extrêmement difficile à rapporter puisque la recherche directement liée au développement est le fait des producteurs eux-mêmes et relève de secrets professionnels.

Il s'agirait par ailleurs de définir les " connaissances générales " auxquelles il conviendrait de se référer (recherche scientifique, nationale ou internationale, communication d'un savant dans un congrès ?), exercice par nature difficile.

La détermination du degré de prévisibilité du risque, à partir duquel l'exonération ne pourrait pas jouer serait elle-même fort mal aisée, comme le drame du sang contaminé l'atteste.

Le maintien par la proposition de loi de l'application des régimes de responsabilité existants -lesquels ne reconnaissent pas cette exonération- n'apparaît pas comme une réponse satisfaisante aux différents arguments énoncés ci-dessus à l'encontre d'une telle irresponsabilité du producteur.

Comment, en effet, envisager une stabilité des solutions jurisprudentielles sur le fondement desdits régimes, alors que le législateur aurait admis cette exonération dans le cadre du nouveau régime issu de la directive ?

Comment, au surplus, se satisfaire de cette différence entre les régimes de responsabilité sur un aspect essentiel de la réparation des dommages ?

Pour tous ces motifs, votre commission des Lois n'a pas jugé possible de maintenir l'exonération du producteur pour le risque de " développement ". Elle croit infiniment préférable de laisser au juge le soin d'apprécier les contraintes de ce risque à travers la notion de sécurité à laquelle " on peut légitimement s'attendre ".

B. INCLURE LES PRODUITS DU SOL AINSI QUE LES ELEMENTS ET PRODUITS DU CORPS HUMAIN DANS LE CHAMP D'APPLICATION DU DISPOSITIF

Le nouveau régime de responsabilité issu de la directive serait applicable à tous les biens meubles, y compris les produits du sol, de l'élevage, de la chasse et de la pêche.

Cette inclusion des produits agricoles -admise par le Sénat lors de la deuxième lecture du projet de loi de transposition- paraît nécessaire, dès lors que les producteurs demeureraient en toute hypothèse responsables sur le fondement de la garde ou de la garantie des vices cachés, régimes qui ne leur seraient pas plus favorables. En outre, la distinction entre les produits agricoles ayant subi une première transformation et les autres pourrait être artificielle et d'application difficile. Enfin, les graves questions posées par la sécurité alimentaire justifient une telle solution. Une nouvelle proposition de directive du Parlement européen et du conseil (97/0244) a précisément pour objet d'étendre le champ d'application de la directive du 25 juillet 1985 aux produits agricoles.

Le Sénat s'est également montré soucieux de la prévention en matière de sécurité sanitaire des produits destinés à l'Homme en adoptant le 25 septembre 1997- sur une initiative de MM. Charles Descours, Claude Huriet et plusieurs de nos collègues- une proposition de loi destinée à réformer les règles du contrôle et de la veille sanitaires.

Cependant, solution qui n'avait pas été envisagée lors des travaux parlementaires sur le projet de loi de transposition, la proposition de loi exclut de son champ d'application les éléments du corps humain et les produits qui sont issus de celui-ci (article 4 ).

Trois arguments ont été avancés à l'appui de cette exclusion. D'une part, ce type de produit n'obéirait pas au régime de la production industrielle ni à celui des échanges commerciaux. Ainsi, l'article 16-1 du code civil spécifie-t-il que " le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial ". Les directives communautaires postérieures à la directive du 25 juillet 1985 et relatives aux spécialités pharmaceutiques ont pour leur part exclu le sang total, le plasma et les cellules sanguines d'origine humaine. Enfin, le régime de responsabilité du fait des produits défectueux serait moins protecteur que celui résultant de la jurisprudence française et du fonds d'indemnisation des personnes transfusées et des hémophiles contaminés par le virus de l'immunodéficience humaine, créé en 1991.

Ces arguments ne paraissent pas convaincants . D'une part, la directive ne permet pas d'exclure les produits et éléments du corps humain de son champ d'application.

D'autre part, dès lors que la proposition de loi préserve l'application des régimes de responsabilité existants, la victime pourra choisir le régime qui lui paraîtra le mieux à même d'assurer la réparation du dommage qu'elle a subi. En outre, le maintien de la responsabilité du producteur pour le risque de développement -que vous propose votre commission des Lois- atténue les différences entre les régimes applicables.

Enfin, il serait paradoxal d'écarter du champ d'application du nouveau dispositif des produits pour lesquels les risques sont particulièrement sensibles. Seraient en effet exclus une partie de la production pharmaceutique et notamment les médicaments qui relèvent du domaine de l'hormonologie dont la composition ferait apparaître des éléments du corps humain (les extraits placentaires ou le sang notamment).

Il reste bien entendu que les dons d'organes ou de produits du corps humain échappent à ce nouveau dispositif qui concerne les producteurs agissant à titre professionnel.

C. UN DEBAT PREMATURE SUR LE REGIME DE LA GARANTIE DES VICES CACHES

Les articles 21 à 24 de la proposition de loi -qui modifient sous certains aspects, le régime de la garantie des vices cachés- figuraient dans le projet de loi présenté en 1990 et dans le texte issu des délibérations de la commission mixte paritaire.

Cependant, depuis lors et postérieurement au dépôt de sa proposition de loi par Mme Nicole Catala, une proposition de directive a été -comme votre rapporteur l'a indiqué- présentée sur le sujet de la vente et des garanties des biens de consommation. Cette proposition devrait être examinée au mois de mars prochain par le Parlement européen et soumise au Conseil au mois d'avril.

Dans ces conditions, votre commission des Lois a considéré qu'il ne serait pas de bonne procédure d'anticiper sur l'issue des débats préalables à l'adoption de cette directive.

C'est pourquoi, elle vous propose de supprimer les articles 21 à 24 de la proposition de loi.

D. DES CLARIFICATIONS NECESSAIRES

Votre commission des Lois vous soumet par ailleurs plusieurs amendements destinés à clarifier certains aspects du dispositif qui vous est soumis.

En premier lieu, dès lors que le vendeur, le loueur ou tout autre fournisseur professionnel est assimilé au producteur ( article 8 ), il paraît nécessaire, conformément au texte de la commission mixte paritaire, de ne pas prévoir une mise en circulation unique du produit ( article 6 ).

En second lieu, l'exclusion du secteur de la construction du champ d'application du nouveau régime de responsabilité doit concerner les sous-traitants ( articles 2 et 7 ).

L'assimilation du loueur au producteur ne doit pas concerner le crédit-bailleur qui n'a lui-même pas la détention matérielle du produit ( article 8 ).

Par ailleurs, s'agissant d'un régime de responsabilité de plein droit, il doit revenir à la victime de prouver le dommage et le lien de causalité entre le produit et le dommage et non pas, comme le suggère la proposition de loi, le dommage , le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ( article 10 ).

La définition de la faute de la victime , susceptible de réduire voire de supprimer la responsabilité du producteur, qui ne résulte pas de la directive elle-même, apparaît peu satisfaisante et de nature à nourrir des contentieux difficiles ( article 13 ).

Les clause limitatives ou exonératoires de responsabilité entre professionnels doivent être admises, sans la restriction prévue par la proposition de loi qui concerne l'abus de puissance économique ( article 16 ).

En outre, il ne paraît pas justifié de prohiber, après la mise en circulation du produit, la recherche de la responsabilité du producteur sur le fondement de la garde , alors que la proposition de loi -conformément à l'article 13 de la directive- entend préserver les droits dont une victime peut se prévaloir au titre d'un régime de responsabilité existant ( article 19 ).

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
Insertion dans le code civil d'un titre consacré
à la responsabilité du fait des produits défectueux

L'article premier de la proposition de loi insère dans le livre troisième du code civil (" Des différentes manières dont on acquiert la propriété "), un titre IV bis relatif à la responsabilité du fait des produits défectueux (art. 1386-1 à 1386-18 ).

Conformément à ce qu'avait prévu le projet de loi présenté en 1990, ce nouveau titre prend place après le titre IV (" Des engagements qui se forment sans convention "), lequel -dans son chapitre II- définit le régime de la responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle ( articles 1382 et suivants ).

Ce nouveau régime de responsabilité s'ajoute ainsi à ceux d'ores et déjà susceptibles de s'appliquer en matière de produits défectueux, à savoir outre le régime de la faute et de la garde définis aux articles 1382 et suivant, celui de garanties des vices cachés institués par les articles 1641 et suivants.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 2
(art. 1386-1 du code civil)
Responsabilité du producteur

Conformément à l'article premier de la directive, cet article tend à établir le principe de la responsabilité du producteur pour le dommage causé par un défaut de son produit.

Indépendant de l'existence d'une faute du producteur, la responsabilité ainsi établie est objective .

Néanmoins, dispensée de prouver une faute du producteur, la victime devra établir l'existence d'un dommage, le défaut de sécurité ainsi que le lien de causalité entre le défaut et le dommage, conformément à l'article 4 de la directive transposé par l'article 10 de la proposition de loi (article 1386-9 du code civil). Cette preuve pourra, dans certains cas, être difficile à apporter.

Aucune distinction n'est, par ailleurs, opérée entre la source contractuelle et délictuelle de la responsabilité, le producteur pouvant être tenu pour responsable " qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime ". Ce régime uniforme devrait simplifier l'action de la victime en lui évitant la recherche souvent difficile du fondement de la responsabilité.

Cependant, conformément à l'article 19 de la proposition de loi (art. 1386-18 deuxième alinéa du code civil), ce régime de responsabilité sans faute n'empêchera pas la victime de se prévaloir d'une faute du producteur ou des personnes dont celui-ci répond.

La responsabilité du producteur sera, en outre, illimitée . La proposition de loi, en effet, ne retient pas, l'option ouverte par l'article 16 de la directive qui permet aux Etats membres de prévoir une limitation de responsabilité globale du producteur pour les dommages résultant de la mort ou de lésions corporelles, à un montant qui ne peut être inférieur à 70 millions d'Ecu (environ 460 millions de francs).

Une telle limitation légale de responsabilité, traditionnelle en droit allemand, n'est en effet pas courante en droit français et résulte -en matière de dépôt hôtelier ou de transport aérien notamment- de l'application de conventions internationales.

Le second alinéa de l'article 2 exclut du champ d'application du nouveau régime de responsabilité les professionnels du secteur de la construction immobilière qui sont d'ores et déjà soumis au régime de responsabilité de plein droit organisé par les articles 1792 à 1792-6 et 1646-1 du code civil (responsabilité du constructeur d'un ouvrage et du vendeur d'un immeuble à construire). Cette exclusion se veut conforme à l'esprit de la directive qui exclut les immeubles de son champ d'application.

S'il est vrai que, dès lors, il pourrait paraître inutile de prévoir une telle exclusion, celle-ci semble néanmoins nécessaire dans la mesure où l'article 4 de la proposition de loi intègre dans le champ d'application du nouveau régime de responsabilité les meubles incorporés dans des immeubles.

Cette disposition doit néanmoins figurer non pas au présent article mais à l'article 7 de la proposition de loi qui définit la notion de producteur.

Pour ce motif, votre commission des Lois vous soumet un amendement supprimant le second alinéa du texte proposé, lequel sera repris par un autre amendement à l'article 7.

Elle vous propose d'adopter l'article 2 ainsi modifié .

Article 3
(art. 1386-2 du code civil)
Dommage réparable

Transposant l'article 9 de la directive, cet article précise la nature des dommages pouvant faire l'objet d'une réparation.

Seront ainsi réparables les dommages résultant d'une atteinte à la personne (mort ou lésions corporelles) ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même.

Ce faisant, l'article 3 de la proposition de loi retient une définition plus large du dommage réparable que la directive. Celle-ci vise, en effet, le dommage causé par la mort ou par des lésions corporelles. Ce qui est couvert par la notion de dommage qui résulte d'une atteinte à la personne retenue par la proposition de loi. En revanche, s'agissant du dommage causé à un bien, celle-ci -contrairement à la directive- ne distingue pas selon que ce bien sera ou non d'un type normalement destiné à l'usage ou à la consommation privés et sera utilisé ou non par la victime principalement pour son usage ou sa consommation privés.

En conséquence, ce sont tant les dommages causés à un consommateur que ceux subis par un professionnel qui entreront dans le champ d'application du nouveau régime de responsabilité.

Ce régime uniforme répond à un souci de simplification, qui parait opportun. L'article 16 de la proposition de loi (article 1386-15 du code civil) autorise néanmoins les clauses stipulées entre professionnels visant à écarter ou à limiter la responsabilité du fait des produits défectueux.

En revanche, les dommages causés au produit défectueux de même que les dommages immatériels -définis par le neuvième considérant de la directive comme le pretium doloris et d'autres dommages moraux- n'entrent pas dans le champ d'application de la directive. Ils continueront donc à être indemnisés selon les règles en vigueur.

Enfin, la proposition de loi n'a pas retenu -contrairement à l'article 9 de la directive- l'établissement d'une franchise de 500 ECU (environ 3.300 francs) pour l'évaluation du dommage causé à une chose.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 4
(Art. 1386-3 du code civil)
Définition du produit

Cet article a pour objet de définir le produit dont le défaut de sécurité sera susceptible d'engager la responsabilité du producteur dans les conditions prévues par la proposition de loi.

L'article 2 de la directive précise que le terme " produit " désigne tout meuble, à l'exception des matières premières agricoles et des produits de la chasse, même s'il est incorporé dans un autre meuble ou dans un immeuble. Le même article définit les " matières premières agricoles " comme " les produits du sol, de l'élevage et de la pêcherie (sic), à l'exclusion des produits ayant subi une première transformation " et précise que le terme " produit " désigne également l'électricité.

Se conformant à cette définition, l'article 4 de la proposition de loi vise tous les biens meubles même s'ils sont incorporés dans un immeuble. Dans ce dernier cas, le producteur de la partie composante et celui qui aura réalisé l'incorporation seront solidairement responsables (article 9 de la proposition de loi).

Par ailleurs, utilisant la faculté laissée aux Etats membres par l'article 15-1 de la directive de déroger sur ce point à son article 2, le présent article inclut dans le champ d'application de la responsabilité du fait des produits, les produits agricoles et de la chasse, en reprenant pour les premiers la définition donnée par l'article 2 de la directive qui a été rappelée ci-dessus.

Cette prise en compte des produits agricoles est conforme à la jurisprudence de la Cour de Cassation qui applique les règles strictes de la garantie du vendeur professionnel aux défauts de tous produits qu'ils soient naturels ou manufacturés (Cour de Cassation, première chambre civile, 11 mars 1980). En outre, la distinction entre les produits agricoles ayant subi une première transformation et les autres pourrait s'avérer artificielle et d'application difficile. Enfin, les producteurs demeureraient, en toute hypothèse, responsables sur le fondement de la garde ou de la garantie des vices cachés, régimes qui ne leur seraient pas plus favorables. Pour ces mêmes motifs, le Sénat avait choisi d'insérer les produits agricoles dans le dispositif du projet de loi présenté en 1990.

Une nouvelle proposition de directive du Parlement européen et du Conseil (97/0244) prévoit d'inclure ces produits dans le champ d'application de la directive du 25 juillet 1985.

En revanche, innovant sur ce point par rapport tant à la directive qu'au projet de loi précité, l'Assemblée nationale a choisi d'exclure les éléments du corps humain et les produits issus de celui-ci du champ d'application du nouveau régime de responsabilité.

Trois motifs énoncés dans le rapport, à l'Assemblée nationale, de notre ancien collègue Xavier Becq ont présidé à cette exclusion. D'une part, ce type de produit n'obéirait pas au régime de la production industrielle ni à celui des échanges commerciaux. Ainsi, l'article 16-1 du code civil -dont la rédaction est issue de la loi " bioéthique " du 29 juillet 1994- spécifie-t-il que " le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial ". Les directives communautaires postérieures à la directive du 25 juillet 1985 et relatives aux spécialités pharmaceutiques ont pour leur part exclu le sang total, le plasma et les cellules sanguines d'origine humaine. Enfin, le régime de responsabilité du fait des produits défectueux serait moins protecteur que celui résultant de la jurisprudence française et du fonds d'indemnisation des personnes transfusées et des hémophiles contaminés par le virus de l'immunodéficience humaine acquise, créé en 1991.

L'ancien Garde des Sceaux, M. Jacques Toubon, a pour sa part, justifié en ces termes devant l'Assemblée nationale l'exclusion des éléments et produits du corps humain.

" Je ne suis pas certain qu'en 1985 le problème ait été clairement perçu dans tous ses aspects par les Etats membres ni même sans doute par les instances communautaires. Je n'ai pas besoin de rappeler le développement, depuis douze ans, des risques sériels de contamination virale par transfusion sanguine.

" Or il est clair que ni éthiquement ni juridiquement, il n'est concevable de faire des produits issus du corps humain et des éléments de celui-ci, des " produits " au sens de la directive, c'est-à-dire des produits du commerce, alors même que la généralité de ce concept y invite.

" Les éléments de son corps, les produits qui en sont issus, n'obéissent pas au régime de la production industrielle ni à celui des échanges commerciaux. Ils sont soumis aux principes fondamentaux de non-patrimonialité et d'anonymat du don.

" En outre, sur le plan de la sécurité sanitaire, le champ des risques liés à l'origine des produits issus du corps humain est indéfini, de même qu'il est impossible d'aboutir à leur sécurisation complète en raison précisément de cette origine. On comprend dès lors combien le débat auquel invite la directive sur le risque de développement devient artificiel à leur égard.

" Enfin, sur le strict plan juridique, force est de constater que le régime de la directive est inadapté à cette catégorie de produits. Ainsi le principe de l'anonymat du don s'oppose à ce que la victime puisse, comme l'autorise le texte communautaire, remonter la chaîne de distribution du produit jusqu'au producteur originaire. De même, la personne qui bénéficie à des fins thérapeutiques d'éléments ou produits du corps humain ne peut être assimilée à un consommateur. Quant à la notion de mise en circulation, elle ne peut à l'évidence couvrir celle de prélèvement.

" Tout invite donc à l'exclusion que vous proposera le Gouvernement.

" Bien sûr, ne seraient pas couverts par cette exclusion les produits dont l'élaboration ne se réduirait pas à un simple conditionnement mais nécessiterait un processus technologique où la part de l'inventivité technique serait prédominante.

" La France a d'ailleurs eu l'occasion de faire connaître sa position aux autorités communautaires, destinataires d'un mémorandum sur cette question : elle soutient un processus de révision de la directive sur ce point.
".

Mais la directive ne permet pas une telle exclusion des éléments et produits du corps humain.

La proposition de loi préserve, par ailleurs, l'application des régimes existants. Dès lors, il appartiendra à la victime de choisir le régime qui lui apparaîtra le plus susceptible d'assurer la réparation du dommage qu'elle a subi. En outre, votre commission des Lois, vous proposant de ne pas retenir, à l'article 12, la faculté pour le producteur de s'exonérer du risque de développement, les différences entre les régimes applicables s'atténueront.

Enfin, il serait paradoxal d'exclure du nouveau régime issu de la directive des produits -tels que les produits pharmaceutiques, notamment ceux qui relèvent de l'hormonologie- dont la composition ferait apparaître des éléments du corps humain (les extraits placentaires et le sang, par exemple) et pour lesquels les conséquences d'un défaut peuvent être particulièrement graves.

Au demeurant, les dons d'organes et de produits du corps humain ne rentrent pas dans le champ d'application du dispositif qui concerne les producteurs agissant à titre professionnel.

C'est pourquoi, votre commission des Lois vous soumet un amendement destiné à supprimer cette exclusion.

Elle vous propose d'adopter l'article 4 ainsi modifié .

Article 5
(art. 1386-4 du code civil)
Définition du défaut de sécurité

Conformément à l'article 6 de la directive, le présent article précise qu'un produit sera considéré comme défectueux lorsqu'il n'offrira pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre .

Sont ainsi repris par la proposition de loi les termes de l'article premier de la loi n° 83-660 du 21 juillet 1983 relative à la sécurité des consommateurs qui précise que " les produits et les services doivent, dans des conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la sécurité des personnes. "

A la différence du défaut visé dans la garantie des vices cachés dont la définition conduit à apprécier de façon générale si le produit est apte à l'usage pour lequel il est mis en circulation, la détermination du défaut visé par la directive impliquera de se prononcer, de manière plus précise, sur la sécurité qu'il présente.

C'est ce qu'indique le sixième considérant de la directive en relevant que " pour protéger l'intégrité physique et les biens du consommateur, la détermination du caractère défectueux d'un produit doit se faire en fonction non pas de l'inaptitude du produit à l'usage mais du défaut de sécurité à laquelle le grand public peut légitimement s'attendre ".

Le deuxième alinéa de l'article 1386-4 du code civil précise, conformément à la directive, les critères qui devront être pris en compte, notamment par le juge, pour apprécier la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.

L'utilisation du pronom personnel indéfini " on " tant par la directive que par le présent article, rend compte du caractère objectif que revêt l'appréciation du degré de sécurité attendu. Ce n'est pas l'attente particulière de la victime d'un produit qui doit être prise en considération mais celle de la collectivité, en général.

A la suite de l'article 6-1 de la directive, l'article 1386-4 prévoit qu'il doit être tenu compte de toutes les circonstances. Parmi ces circonstances, trois d'entre elles sont plus particulièrement soulignées : la présentation du produit, l'usage qui peut en être raisonnablement attendu -notion plus protectrice pour l'utilisateur que celle d'usage conforme à la destination- le moment de sa mise en circulation.

L'appréciation sur la sécurité du produit devra être faire au moment de sa mise en circulation qui, selon la définition qu'en donne l'article 6 de la proposition de loi, est celui où le producteur s'en dessaisit volontairement.

Enfin, le dernier alinéa du présent article reprend les dispositions de l'article 6-2 de la directive qui précise qu'un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un produit plus perfectionné a été mis en circulation postérieurement à lui. En conséquence, un produit qui répondrait aux attentes légitimes de sécurité, telles qu'on pouvait les apprécier lors de sa mise en circulation, ne deviendra pas défectueux ultérieurement du seul fait que des produits plus perfectionnés auront été mis sur le marché afin de répondre à des exigences plus fortes de sécurité.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 5 sans modification .

Article 6
(art. 1386-7 du code civil)
Définition de la mise en circulation

Cet article a pour objet de définir la notion de mise en circulation du produit, précision qui ne résulte pas de la directive elle-même.

Au sens du présent article, un produit sera considéré comme mis en circulation lorsque le producteur s'en sera dessaisi volontairement . En conséquence, il n'y aura pas mise en circulation dans les cas de vol.

La mise en circulation conditionne la définition du défaut de sécurité (article 1386-4), l'exonération du producteur (article 1386-11), l'obligation de suivi du produit (article 1386-11-1), l'extinction de la responsabilité du producteur (article 1386-16), l'exclusion de l'application du régime de responsabilité à raison de la garde du produit (article 1386-18) ainsi que l'application dans le temps du régime intégrant la directive (article 20).

Le second alinéa prévoit, par ailleurs, que le produit ne fait l'objet que d'une seule mise en circulation.

Cette restriction ne parait cependant pas cohérente avec les dispositions de l'article 8 de la proposition de loi, qui précise que le vendeur, le loueur ou tout autre fournisseur professionnel est responsable dans les mêmes conditions que le producteur.

C'est pourquoi, votre commission des Lois vous soumet un amendement supprimant cette notion de mise en circulation unique, conformément d'ailleurs à la solution retenue par la commission mixte paritaire réunie en 1992.

Elle vous propose d'adopter l'article 6 ainsi modifié.

Article 7
(art. 1386-7 du code civil)
Définition du producteur

Cet article a pour objet de définir la notion de producteur, définition qui conditionne l'application du nouveau régime de responsabilité.

Au sens de son premier alinéa, qui reprend les dispositions de l'article 3-1 de la directive, est considéré comme producteur, lorsqu'il agit à titre professionnel, le fabricant d'un produit fini, le producteur d'une matière première et le fabricant d'une partie composante. Ce dernier ne sera responsable que des dommages causés par un défaut de cette partie elle-même.

En outre, le présent article prévoit, conformément à l'article 3-1 de la directive, que sera assimilé à un producteur celui qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif.

Par cette formule, sont visés, en pratique, les grands distributeurs qui vendent des produits sans autre marque que la leur et assument, en conséquence, la responsabilité du producteur.

Sera également assimilé à un producteur, conformément à l'article 3-2 de la directive, celui qui importe un produit dans la Communauté européenne en vue d'une vente, d'une location, avec ou sans promesse de vente, ou de toute autre forme de distribution.

La définition du producteur par le présent article doit être complétée par la lecture de l'article 8 de la proposition de loi, qui déclare responsable dans les mêmes conditions que le producteur, le vendeur, le loueur ou tout autre fournisseur.

Votre commission des Lois vous propose, par un amendement , d'ajouter à cet article un alinéa qui, reprenant les dispositions figurant à l'article 2 de la proposition de loi, exclut du champ d'application du nouveau régime les professionnels déjà exposés au régime de responsabilité prévu par les articles 1792 et suivants du code civil.

Le même amendement prend en compte les sous-traitants. Ceux-ci, en effet, ne sont pas liés juridiquement avec le maître de l'ouvrage et ne sont pas tenus à la responsabilité décennale ou biennale. Ils peuvent cependant être appelés en garantie par l'entrepreneur principal. Il paraît donc logique de soumettre à un même régime l'ensemble des professionnels intéressés à la construction de l'ouvrage, en levant un doute qui pourrait résulter de la rédaction retenue par la proposition de loi.

Cette exclusion vaudra évidemment pour le cas où ces professionnels, déjà exposés au régime de la responsabilité des constructeurs d'ouvrage, se trouveraient dans l'une des situations que l'article 8 de la proposition de loi assimile à celle du producteur.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 7 ainsi modifié.

Article 8
(art. 1386-7 du code civil)
Responsabilité du vendeur, du loueur
ou de tout autre fournisseur

Cet article -étendant la définition du producteur donnée par l'article 3 de la directive- prévoit que le vendeur , le loueur ou tout autre fournisseur professionnel sera responsable du défaut de sécurité du produit dans les mêmes conditions que le producteur.

L'article 3-3 de la directive, pour sa part, n'assimile le fournisseur au producteur que si le premier n'a pas indiqué à la victime, dans un délai raisonnable, l'identité du second ou de celui qui lui a fourni le produit.

En ne retenant pas cette hiérarchisation des responsabilités, le présent article permet à la victime d'assigner indifféremment le producteur ou le vendeur sur le fondement de la responsabilité du fait du défaut de sécurité. Il lui évite ainsi de rechercher la personne qu'elle doit assigner.

Sur le fondement des régimes existants, la victime peut actuellement engager, d'une part, la responsabilité du producteur sur le terrain de la faute ou en sa qualité de gardien de la structure de la chose et, d'autre part, celle du vendeur sur la base de la responsabilité contractuelle.

Cependant, le loueur, le vendeur ou fournisseur professionnel disposera d'un recours en garantie contre le producteur qui obéira aux mêmes règles que la demande émanant de la victime directe qui dispose d'un délai de trois ans pour mettre en oeuvre l'action en réparation (art. 18 de la proposition de loi). Il devra néanmoins agir dans l'année suivant le moment où il aura été lui-même cité en justice.

Votre commission des Lois vous propose, par un amendement , de ne pas assimiler le crédit-bailleur au producteur.

En effet, la fonction du crédit-bailleur est purement financière. Il n'intervient pas dans le choix du matériel ni dans les pourparlers avec le fournisseur sur les modalités de la commande. En pratique, la garantie due par le vendeur du matériel est transférée au bénéfice du locataire.

Votre commission des Lois vous soumet par ailleurs un amendement d'ordre rédactionnel.

Elle vous propose d'adopter l'article 8 ainsi modifié .

Article 9
(art. 1386-8 du code civil)
Dommage causé par le défaut d'un produit incorporé

Cet article prévoit, pour les dommages causés par un produit incorporé dans un autre produit, la responsabilité solidaire du producteur de la partie composante et de celui qui en a réalisé l'incorporation.

L'article 5 de la directive précise que lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, leur responsabilité est solidaire, sans préjudice des dispositions du droit national relatives au droit de recours.

La responsabilité solidaire instituée par le présent article doit être rapprochée des dispositions de l'article 1386-6 (article 7 de la proposition de loi) qui qualifie comme producteur non seulement le fabricant d'un produit fini mais aussi le fabricant d'une partie composante.

La solution ainsi retenue est favorable à la victime qui n'aura pas à rechercher -notamment par le recours à des expertises- la part de responsabilité de chacun des producteurs.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 9 sans modification .

Article 10
(art. 1386-9 du code civil)
Charge de la preuve

Conformément à l'article 4 de la directive, cet article fait supporter par la victime la charge de la preuve du dommage , du défaut et du lien de causalité entre le défaut et le dommage.

Ainsi, la charge de la preuve incombant au demandeur contredirait le principe de la responsabilité de plein droit qui est à la base de la directive. En effet, l'existence d'un dommage et d'un lien de causalité avec un produit ne conduirait donc pas à présumer un défaut de sécurité de ce produit.

Dans certains cas, la preuve pourra être difficile, voire impossible à rapporter par la victime qui en subira les conséquences. En revanche, à la différence de la garantie des vices cachés, elle n'aura pas à prouver l'antériorité du vice.

La rédaction proposée par le présent article ne rend pas compte de la nature de la responsabilité édictée par la directive. S'agissant d'une responsabilité sans faute, en effet, il appartient à la victime d'établir l'existence d'un dommage et le lien de causalité entre le dommage et le produit mais non le défaut lui-même dont l'existence résulte du principe posé par l'article 5 " un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre ".

Votre commission des Lois vous soumet un amendement modifiant en ce sens la rédaction de l'article 10.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 11
(art. 1386-10 du code civil)
Circonstances ne supprimant pas la responsabilité du producteur

Bien que cette disposition ne soit pas prévue par la directive, le présent article tend à préciser que le producteur peut être responsable du défaut alors même que le produit a été fabriqué dans le respect des règles de l'art ou de normes existantes ou qu'il a fait l'objet d'une autorisation administrative.

Il reprend ainsi une solution traditionnellement admise en jurisprudence pour la garantie des vices cachés. Le producteur ne pourrait donc pas s'exonérer en établissant que le produit qu'il a mis en circulation et qui a provoqué le dommage était conforme aux règles de l'art ou aux normes existantes ou encore qu'il avait fait l'objet d'une autorisation administrative.

Le Sénat avait jugé préférable de supprimer la même disposition prévue par le projet de loi présenté en 1990, considérant qu'il convenait de faire confiance à la jurisprudence.

La commission mixte paritaire avait en définitive décidé de rétablir cette disposition qui, en définitive, ne modifie pas le droit positif.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter sans modification l'article 11.

Article 12
(art. 1386-11 du code civil)
Causes d'exonération

Cet article tend à prévoir des causes d'exonération de la responsabilité du producteur. Il appartiendra à ce dernier d'établir l'existence de la cause exonératoire.

Sous cette réserve, la producteur pourra s'exonérer de sa responsabilité :

- S'il n'a pas mis le produit en circulation, c'est-à-dire au sens de l'article 1386-5 (article 6 de la proposition de loi), s'il ne s'en est pas dessaisi volontairement. Tel peut, par exemple, être le cas d'un produit volé à un producteur ou qui n'a pas encore été livré.

- Si le défaut n'existait pas au moment où il a mis le produit en circulation. A la suite de la directive, le présent article opère ainsi un renversement de la charge de la preuve par rapport au régime de la garantie des vices cachés, lequel fait peser sur le demandeur la charge de la preuve de l'antériorité du défaut par rapport à la livraison. Le producteur apparaît, en effet, comme mieux placé et mieux armé pour rapporter une telle preuve.

- Si le produit n'a pas été destiné à la vente ou à toute forme de distribution. Serait ainsi exonéré le producteur qui n'a pas fabriqué le produit en cause dans le cadre de son activité professionnelle.

- Si le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d'ordre législative ou réglementaire.

- Enfin, et surtout, le producteur ne serait pas responsable du " risque de développement ", c'est-à-dire s'il prouve que l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment où il a mis le produit en circulation ne lui a pas permis de déceler l'existence du défaut.

Cette cause d'exonération est expressément prévue par l'article 7-e de la directive. Mais l'article 15-1 (a) ouvre aux Etats membres la faculté de maintenir la responsabilité du producteur dans ce cas.

En droit français, l'exonération des risques de développement n'est actuellement pas reconnue par la jurisprudence.

Tout au plus, celle-ci a-t-elle admis une atténuation à cette règle de non exonération, en matière de médicaments, en considérant que le producteur n'était pas responsable au cas où le dommage n'était pas imputable à un vice de la chose mais à un danger dont il pouvait ne pas avoir connaissance, en l'espèce une contre-indication liée à la combinaison de deux médicaments (Cour de Cassation, 1ère chambre civile, 8 avril 1986).

Mais trois arrêts récents rendus dans la dramatique affaire du sang contaminé ont rappelé la solution jurisprudentielle traditionnelle qui exclut l'exonération du producteur : le vice interne du sang, même indécelable, ne constitue pas une cause exonératoire de responsabilité (Cour de Cassation, 1ère chambre civile, 9 juillet 1996).

Le droit français conserve ainsi une obligation de sécurité qui pèse sur tout fabricant ou vendeur d'un produit, obligation indissociable de la liberté de créer et de vendre, dont on ne peut s'exonérer que par la preuve d'une cause étrangère.

En conséquence, l'introduction de l'exonération des risques de développement dans le nouveau régime de responsabilité entraînerait une réduction des droits des victimes, contrairement à ce que prévoit expressément l'article 13 de la directive. Elle pourrait inciter la jurisprudence à étendre l'exonération aux régimes de responsabilité existants, dont l'article 19 de la proposition de loi préserve l'application.

Une telle cause d'exonération aurait des conséquences pratiques difficilement acceptables. Elle reviendrait, en effet, à admettre que les premières victimes serviraient de " révélateurs ", sans être indemnisées, solution à l'évidence moralement et politiquement insoutenable.

Aurait-on ainsi envisagé dans le cas du sang contaminé de ne pas indemniser les premières victimes, au motif que la contamination n'aurait pas été " décelable " ?

Par définition, le vice en cause est un vice de conception, ce qui signifie que les accidents qu'il peut provoquer ne sont pas isolés mais multiples .

Il convient d'y prêter la plus grande attention à une époque où les dangers semblent se multiplier, dans les domaines de la santé et de la nutrition, en particulier.

Par ailleurs, une telle cause d'exonération ne manquerait pas d'ouvrir des contentieux extrêmement difficiles.

La charge de la preuve incomberait certes au professionnel. Mais, dans la pratique, il s'agirait de la preuve d'un fait négatif (prouver qu'on ne pouvait pas prévoir) qui ne manquerait pas de se transformer en la nécessité pour la victime d'apporter la preuve contraire (prouver que le producteur aurait pu prévoir). Or, la victime aurait le plus grand mal à déterminer dans quelle mesure le producteur aura reçu ou acquis des informations l'avertissant du danger du produit, alors que la recherche directement liée au développement est le fait des producteurs eux-mêmes.

Si l'on se référait aux connaissances générales, encore faudrait-il préciser lesquelles (recherche scientifique, nationale, internationale ? une communication d'un savant dans un congrès ?).

La détermination du degré de prévisibilité du dommage à partir de laquelle l'exonération ne pourrait pas jouer sera elle-même très difficile, comme le drame du sang contaminé le montre.

Cette cause d'exonération conduirait ainsi à une multiplication des expertises au cours de la procédure, perspective peu favorable aux victimes dépourvues de compétences et de moyens.

Enfin, le risque de " développement " déjà couvert par les assurances dans le cadre du droit actuel, pourra continuer à l'être dans le cadre du nouveau régime de responsabilité.

On ajoutera que la responsabilité du producteur doit s'apprécier, conformément à l'article 5 de la proposition de loi, en fonction de la sécurité à laquelle " on peut légitimement s'attendre " pour le produit considéré, cette sécurité étant elle-même appréciée, compte tenu de toutes les circonstances, notamment du moment de la mise en circulation. Aussi la jurisprudence se voit-elle reconnue une marge d'appréciation très préférable à l'énoncé d'un principe général d'irresponsabilité fondamentalement contraire à notre droit.

Pour ces motifs, votre commission des Lois vous soumet un amendement supprimant cette cause d'exonération, ce qui est d'ailleurs conforme au texte de la commission mixte paritaire réunie en 1992.

Le présent article précise également dans son dernier alinéa, que le producteur de la partie composante n'est pas non plus responsable s'il apporte la preuve que le défaut est imputable à la conception du produit dans lequel cette partie a été incorporée ou aux instructions données par le producteur de ce produit.

En revanche, en application de l'article 1386-8 (article 9 de la proposition de loi), le fabricant du produit fini ne pourra pas s'exonérer de sa responsabilité en cas de dommage causé par le défaut du produit incorporé. Sous réserve de recours entre professionnels, il est en effet solidairement responsable avec celui qui a réalisé l'incorporation.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .

Article 12 bis (nouveau)
(art. 1386-11-1 du code civil)
Obligation de suivi des produits

Cet article -qui constitue une innovation par rapport à la directive- tend à faire peser sur le producteur l'obligation de suivre le produit après sa mise sur le marché.

Le producteur ne pourra ainsi invoquer les causes d'exonération prévues par l'article 12 de la proposition de loi, lorsqu'en présence d'un défaut qui s'est révélé dans le délai de dix ans après la mise en circulation du produit, il n'a pas pris les dispositions propres à en prévenir les conséquences dommageables.

Ces dispositions pourraient notamment consister dans l' information du public, le rappel pour révision ou le retrait du produit.

C'est au producteur qu'il appartiendra d'établir qu'il a pris toutes les mesures propres à prévenir le dommage.

Le présent article doit être rapproché des dispositions déjà prévues par l'article 3 de la loi n° 83-660 du 21 juillet 1983 relative à la sécurité des consommateurs et de celles résultant de l'article 7 de la loi n° 77-771 du 12 juillet 1977 sur le contrôle des produits chimiques.

L'article 3 de la loi du 21 juillet 1983 prévoit qu' " en cas de danger grave ou immédiat, le ministre chargé de la consommation et le ou les ministres intéressés peuvent suspendre par arrêté conjoint, pour une durée n'excédant pas un an, la fabrication, l'importation, l'exportation, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux d'un produit et faire procéder à son retrait en tous lieux où il se trouve ou à sa destruction lorsque celle-ci constitue le seul moyen de faire cesser le danger. Ils ont également la possibilité d'ordonner la diffusion de mises en garde ou de précautions d'emploi ainsi que la reprise en vue d'un échange ou d'une modification ou d'un remboursement total ou partiel (...) ".

L'article 7 de la loi du 12 juillet 1977 précise que " les substances chimiques (...) présentant des dangers pour l'homme ou son environnement (...) peuvent être examinées ou réexaminées à la diligence de l'autorité administrative. Celle-ci peut exiger de la part des producteurs ou importateurs la fourniture des dossiers techniques nécessaires à l'examen ou au réexamen de ces substances (...) ".

En outre, selon le même article, " les producteurs ou importateurs de substances chimiques ou de préparations sont tenus d'indiquer à l'autorité administrative compétente les faits nouveaux découlant soit de l'amélioration des connaissances scientifiques et techniques, soit de l'observation des effets de ces substances et faisant apparaître de nouveaux dangers pour l'homme ou pour son environnement ".

Cette obligation de suivi des produits constitue une atténuation de l'exonération du producteur pour les risques de " développement ", prévue par l'article 12 de la proposition de loi.

En effet, l'exonération ne pourra jouer que si le producteur établit qu'en présence d'un défaut du produit -qui s'est révélé dans les dix ans à compter de sa mise en circulation- il a pris toutes les mesures propres à en prévenir les conséquences dommageables.

Cette disposition figurait à l'article 15 de la proposition de loi initiale, dans une rédaction conforme au texte adopté par les deux assemblées en 1992.

Dans un souci de clarification, l'Assemblée nationale a souhaité l'insérer après l'article 12 qui traite des causes d'exonération dans une rédaction qui lie plus nettement l'obligation de suivi aux causes d'exonération.

Votre commission des Lois vous soumet un amendement de précision qui permet au producteur de s'exonérer pour les autres motifs énoncés à l'article 12 de la proposition de loi, à savoir en prouvant qu'il n'a pas mis le produit en circulation, que le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où il a mis le produit en circulation, que le produit n'a pas été destiné à la vente ou à tout autre forme de distribution, étant précisé que l'exonération par le risque de développement serait quant à elle supprimée parmi les causes d'exonération.

En outre, le producteur de la partie composante pourrait faire valoir la cause d'exonération que lui reconnaît l'article 12 de la proposition de loi.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 12 ainsi modifié .

Article 13
(art. 1386-12 du code civil)
Réduction ou suppression de la responsabilité du producteur
en cas de faute de la victime

Cet article prévoit la réduction ou la suppression de la responsabilité du producteur, lorsque la faute de la victime a concouru au dommage causé par le produit.

L'article 8-2 de la directive vise expressément la faute de la victime comme cause d'exonération ou de limitation de la responsabilité du producteur. Il précise, en effet, que cette responsabilité peut s'appliquer " compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par le défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont la victime est responsable ".

Le premier alinéa du présent article transpose, dans des termes identiques, l'article 8-2 de la directive.

Le second alinéa apporte cependant une précision, qui ne figure pas dans la directive, sur la notion de faute.

Constituera ainsi une faute de la victime l'utilisation du produit dans des conditions anormales qui n'étaient pas raisonnablement prévisibles par le producteur.

Cette formulation, proche de celle de l'article premier de la loi n° 83-660 du 21 juillet 1983 désormais codifié à l'article L. 221-1 du code de la consommation, réduit la portée de l'exonération du producteur en raison de la faute de la victime.

Ainsi l'utilisation du produit dans des conditions anormales mais raisonnablement prévisibles ne pourrait pas exonérer le producteur. Tel pourrait être le cas notamment d'un jouet qu'un enfant met en bouche ou de pneus légèrement sous-gonflés.

Considérant que cette précision, qui ne résulte pas de la directive, n'était pas nécessaire -compte tenu de la rédaction du premier alinéa qui prévoit la prise en considération de " toutes les circonstances "- et qu'il était préférable de laisser à la jurisprudence le soin d'apprécier la faute de la victime, votre commission des Lois vous propose de la supprimer par un amendement .

Elle vous soumet l'article 13 ainsi modifié .

Article 14
(art. 1386-13 du code civil)
Incidence de l'intervention d'un tiers
dans la réalisation du dommage

Conformément à l'article 8-1 de la directive, cet article précise que la responsabilité du producteur ne sera pas réduite lorsque l'intervention d'un tiers aura concouru à la réalisation du dommage.

Cette disposition -très favorable à la victime puisqu'elle lui permettra d'être indemnisée par le producteur, sans attendre la détermination éventuelle d'un partage de responsabilité- est justifiée par le huitième considérant de la directive qui expose que " la protection du consommateur exige que la responsabilité du producteur ne soit pas affectée par l'intervention d'autres personnes ayant contribué à causer le dommage ", sous réserve toutefois de la prise en considération de la faute concurrente de la victime prévue à l'article 1386-11.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 14 sans modification .

Article 15
(art. 1386-14 du code civil)
Obligation de suivi des produits

Cet article -qui figurait dans la proposition de loi initiale- est relatif à l'obligation du suivi des produits imposée au producteur pendant un délai de dix ans à compter de la mise en circulation.

Il a néanmoins été supprimé par l'Assemblée nationale qui, dans un souci de clarification, a inséré ses dispositions dans une nouvelle rédaction après l'article 12 (cf. commentaire de l'article 12 bis).

Votre commission des Lois vous propose de maintenir la suppression de l'article 15.

Article 16
(art. 1386-15 du code civil)
Prohibition des clauses limitatives
ou exonératoires de responsabilité

Conformément à l'article 12 de la directive, cet article prohibe les clauses qui viseraient à écarter ou à limiter la responsabilité du fait des produits défectueux.

Il s'agit par cette disposition -selon le douzième considérant de la directive- d' " assurer une protection efficace des consommateurs ".

Le présent article revient, en effet, à conférer un caractère d'ordre public au nouveau régime institué par la proposition de loi. Ainsi de telles clauses seront réputées non écrites.

Cette interdiction s'appliquera tant aux particuliers qu'aux professionnels, l'article 2 de la proposition de loi ne distinguant pas selon que les biens sont destinés à un usage professionnel ou privé.

Toutefois, le second alinéa du présent article atténue la portée de cette règle pour ce qui est des relations entre professionnels. De telles clauses seront ainsi valables lorsqu'elles seront stipulées entre des personnes agissant à titre professionnel à condition qu'elles ne soient pas imposées par un abus de puissance économique de l'un des cocontractants et qu'elles ne lui confèrent pas un avantage excessif.

Votre commission des Lois vous propose, par un amendement , de supprimer cette restriction qui n'apparaît pas justifiée dans des relations entre professionnels.

Elle vous soumet cet article 16 ainsi modifié .

Article 17
(art. 1386-16 du code civil)
Extinction de la responsabilité du fait des produits défectueux

Conformément à l'article 11 de la directive, cet article prévoit l'extinction de la responsabilité du producteur en raison du défaut de son produit, dix ans après la mise en circulation de ce dernier.

Cette limitation dans le temps de la responsabilité du producteur -qui pourra faciliter sa couverture par une assurance- est justifiée par le onzième considérant de la directive qui relève que " les produits s'usent avec le temps, que des normes de sécurité plus strictes sont élaborées et que les connaissances scientifiques et techniques progressent ; qu'il serait, dès lors, inéquitable de rendre le producteur responsable des défauts de son produit sans une limitation de durée ; que sa responsabilité doit donc s'éteindre après une période de durée raisonnable, sans préjudice toutefois des actions pendantes " .

Seul l'engagement d'une procédure judiciaire aura pour effet d'interrompre le délai, à l'exclusion de toutes les autres causes d'interruption et de suspension des prescriptions, applicables en droit français (articles 2242 et suivants du code civil).

Passé le délai de dix ans, la responsabilité du producteur pourra être engagée sur le fondement d'une faute établie contre lui.

En outre, conformément à l'article 19 de la proposition de loi, la responsabilité pourra toujours être recherchée au titre de la responsabilité civile extra-contractuelle dont l'action se prescrit également par dix ans mais à compter de la manifestation ou de l'aggravation du dommage et non pas de la mise en circulation du produit (article 2270-1 du code civil). Elle pourra également être poursuivie au titre de la responsabilité contractuelle, laquelle se prescrit par trente ans.

Précisons, enfin, que ce délai éteignant la responsabilité du producteur ne doit pas être confondu avec le délai de prescription de l'action en réparation prévu par l'article 18 de la proposition de loi.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 17 sans modification .

Article 18
(art. 1386-17 du code civil)
Prescription de l'action en réparation

Conformément à l'article 10 de la directive, cet article précise que l'action en réparation se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle la victime a eu -ou aurait dû avoir- connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.

Le dixième considérant de la directive relève qu' " un délai de prescription uniforme pour l'action en réparation est dans l'intérêt de la victime comme dans celui du producteur ".

Il s'agit par un délai assez court de prescription -dérogatoire aux règles applicables en droit français- d'éviter les problèmes qui pourraient résulter d'un délai plus long pour l'administration de la preuve.

Il demeure que ce délai ne vaut que pour l'application du régime de responsabilité issu de la directive. Conformément à l'article 19 de la proposition de loi, la victime qui y aura intérêt, pourra toujours se fonder sur l'un des régimes de responsabilité existants qui admet des délais beaucoup plus longs (cf. commentaire de l'article 17).

Enfin, comme le précise l'article 10-2 de la directive, cette prescription résultant du présent article sera soumise à toutes les causes de suspension ou d'interruption applicables en droit interne. Elle suppose d'ailleurs non seulement la connaissance du dommage mais aussi celle du défaut et de l'identité du producteur.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 18 sans modification .

Article 19
(art. 1386-18 du code civil)
Cumul de la responsabilité du fait des produits défectueux
avec les régimes de responsabilité existants

Cet article tend à préserver les droits dont la victime d'un dommage pourra se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extra-contractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité.

L'article 13 de la directive précise, en effet, que la directive " ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extra-contractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité existant- au moment où elle a été notifiée ".

Les régimes de responsabilité existants pouvant dans certains cas s'avérer plus protecteurs des droits des victimes que le nouveau régime issu de la directive, il est en effet indispensable de permettre ce cumul des régimes applicables, que le projet de loi transposant la directive avait initialement exclu dans un souci de simplification.

Tel est l'objet du premier alinéa du présent article qui retient ainsi une solution conforme aux conclusions de la commission mixte paritaire réunie en 1992.

Ainsi, selon ce que lui commandera son intérêt, en fonction des circonstances de l'espèce, la victime pourra choisir le régime le plus adéquat pour obtenir réparation.

Cette faculté qui lui est ainsi reconnue sera particulièrement importante pour lui éviter de subir les délais de prescription très courts prévus par la directive.

Conformément au second alinéa de l'article 1386-18, le producteur restera responsable des conséquences de sa faute et de celles des personnes dont il répond.

En revanche, en application du dernier alinéa, après la mise en circulation du produit défectueux, la responsabilité du producteur ne pourrait plus être recherchée à raison de la garde du produit, c'est-à-dire sur le fondement de l'article 1384 du code civil.

Votre commission des Lois vous propose par un amendement de supprimer cette dernière disposition qui est en contradiction avec le principe de cumul des régimes de responsabilité prévu par le présent article et avec l'article 13 de la directive en remettant en cause le mécanisme de responsabilité que le même article 13 tend précisément à préserver.

Elle vous soumet l'article 19 ainsi modifié .

Article 20
Application dans le temps du régime de responsabilité
du fait des produits défectueux

Cet article a pour objet de fixer les règles d'application dans le temps du nouveau régime de responsabilité issu de la directive.

A cet effet, il se fonde sur la notion de mise en circulation qui gouverne les nouvelles dispositions, lesquelles seront ainsi applicables aux produits dont la première mise en circulation sera postérieure à la date d'entrée en vigueur de la loi.

La référence à la première mise en circulation est surprenante dès lors que l'article 6 de la proposition de loi précise expressément qu'un produit ne fait l'objet que d'une seule mise en circulation. Votre commission des Lois vous a néanmoins proposé à l'article 6 de la proposition de loi de ne pas retenir cette notion de mise en circulation unique, incompatible avec l'assimilation du vendeur, du loueur ou de tout autre fournisseur professionnel au producteur.

La circonstance que ces produits ont fait l'objet d'un contrat antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi sera, par ailleurs, sans conséquence sur l'application du nouveau régime.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 20 sans modification .

Article 21
(art. 1641-1 du code civil)
Preuve du défaut caché de la chose vendue

En marge de la directive, l'article 21 de la proposition de loi -de même que ses articles 22 à 24- tend à préciser le régime de la garantie des vices cachés.

A cette fin, il insère dans le code civil un article 1641-1 qui opère un renversement de la charge de la preuve de l'antériorité du défaut à la vente.

Sur le fondement de l'article 1641 du code civil, il appartient au demandeur -c'est-à-dire à l'acheteur- d'établir, outre l'existence d'un vice, sa gravité et son caractère caché, que le vice existait antérieurement à la vente ou à la livraison de la chose.

L'article 21 de la proposition de loi pose également le principe que la charge de la preuve de l'antériorité du défaut par rapport à la fourniture de la chose pèse sur le demandeur.

Il établit, en revanche, que lorsqu'il est stipulé une garantie conventionnelle, le défaut qui se révèle dans le délai de cette garantie sera présumé avoir existé au moment de la fourniture, sauf preuve contraire.

Le délai de garantie conventionnelle doit en effet correspondre à une période pendant laquelle aucun défaut ne devrait normalement apparaître. En conséquence, la révélation d'un tel défaut doit permettre de présumer, sauf preuve contraire apportée par le professionnel, que ce défaut existait au moment de la fourniture. La durée de cette présomption résultera du délai de la garantie conventionnelle.

En outre, le présent article fixe à un an la durée de la présomption lorsqu'aucun délai de garantie conventionnelle n'a été fixé, afin d'éviter que cette présomption puisse être éludée de cette manière.

Cependant, la présomption ne s'appliquera pas dans les ventes entre personnes agissant à titre professionnel.

Votre commission des Lois observe qu'une proposition de directive est en cours d'examen, sur le thème de la vente et des garanties des biens de consommation.

Dans ces conditions, dans un souci de bonne procédure, elle a jugé qu'il était prématuré d'adopter de nouvelles dispositions sur le même thème.

Elle vous soumet, en conséquence, un amendement de suppression de l'article 21.

Article 22
(art. 1644-1 du code civil)
Modalités de réparation du préjudice

Cet article insère un article 1644-1 dans le code civil, afin de prévoir les modalités de réparation du préjudice subi par la victime, lorsque la vente a été faite par un vendeur professionnel.

L'article 1644 du code civil, qui ne distingue pas selon que le vendeur est un professionnel ou non, ouvre deux possibilités, au choix de l'acquéreur, dan le cadre de l'action en garantie.

L'acquéreur peut obtenir soit la résolution du contrat (action rédhibitoire qui implique la restitution de la chose contre celle du prix), soit la diminution du prix (action estimatoire qui entraîne la conservation de la chose par l'acheteur mais un remboursement partiel du prix).

Le présent article limite son champ d'application à la vente réalisée par un professionnel.

L'acheteur pourra obtenir le remboursement du prix contre la restitution du produit (action rédhibitoire) ou la diminution du prix (action estimatoire).

En outre, sauf si cette demande est manifestement déraisonnable, l'acheteur pourra demander la réparation du produit, à moins que le vendeur offre de le remplacer, ou encore le remplacement du produit.

Cependant, le deuxième alinéa de l'article 1644-1 exclut la possibilité pour l'acquéreur d'exiger le remboursement du prix ou le remplacement du produit s'il s'est mis, sans motif légitime, dans l'impossibilité de restituer ce dernier.

Dans un tel cas, qui peut résulter de la perte (disparition, destruction ou détérioration) ou de la revente de la chose, seule l'action estimatoire sera ouverte à l'acheteur.

Lorsque la perte résultera d'un vice affectant le produit, l'acheteur aura un motif légitime le mettant dans l'impossibilité de restituer ce produit. Ainsi, l'article 1647 du code civil prévoit-il que, dans ce cas, c'est le vendeur qui répond du vice.

En revanche, la perte par cas fortuit, qui n'est imputable ni au vice de la chose ni à la faute de l'acquéreur sera mise à la charge de ce dernier. Telle est la solution qui ressort de l'article 1647 deuxième alinéa du code civil dans le régime de garantie contre les vices cachés.

Pour les mêmes motifs que ceux énoncés à l'article 21, votre commission des Lois vous soumet un amendement de suppression de l'article 22.

Article 23
(art. 1648 du code civil)
Délai pour agir

Cet article -qui donne une nouvelle rédaction à l'article 1648 du code civil- prévoit un délai fixe d'un an qui se substituerait au bref délai actuellement prévu pour l'action en garantie contre les vices cachés.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 1648 prévoit que " l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur, dans un bref délai, suivant la nature des vices rédhibitoires, et l'usage du lieu où la vente a été faite ".

L'appréciation du bref délai relève du pouvoir souverain des juges du fond (arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 18 juillet 1966). Il est fréquemment invoqué comme moyen de défense par le vendeur devant les tribunaux.

La jurisprudence semble en général considérer que l'action doit être engagée dans un délai compris entre six mois et un an . Néanmoins, l'absence de délai fixe est source de litiges qui portent sur l'existence ou non d'une déchéance de la garantie pour inobservation du bref délai.

Le présent article tend à supprimer toute source d'incertitudes en retenant un délai d'un an à compter du moment où l'acheteur a constaté le vice ou aurait dû le constater.

Cependant, contrairement à ce que prévoit la rédaction en vigueur de l'article 1648 pour le bref délai, le délai d'un an , qui résulterait de la nouvelle rédaction proposée, ne serait pas un délai d'action mais un délai pendant lequel l'acheteur devrait faire connaître le vice au vendeur, faute de quoi son droit à se prévaloir de ce vice serait prescrit.

En outre, cette durée d'un an pourra être modifiée entre vendeurs professionnels par les usages ou la convention des parties.

Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux articles 21 et 22, votre commission des Lois vous soumet un amendement de suppression de l'article 23.

Article 24
(art. 1649 du code civil)
Exclusion de la garantie du vendeur dans les ventes imposées
par une division de justice

Cet article donne une nouvelle rédaction à l'article 1649 du code civil afin de limiter les cas dans lesquels la forme judiciaire de la vente exclut la garantie du vendeur.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 1649 exclut la garantie des vices cachés dans les ventes " faites par une autorité de justice ".

En conséquence, la garantie ne trouve pas à s'appliquer non seulement lorsque la vente est faite contre la volonté du vendeur, ce qui est notamment le cas en matière de saisie, de liquidation ou de cession forcée de mitoyenneté, mais aussi dans tous les cas où la vente a revêtu une forme judiciaire sans être pour autant imposée au vendeur.

La nouvelle rédaction proposée permettrait de n'exclure l'application de la garantie que dans les seuls cas où la vente aura été imposée au vendeur par une décision de justice.

Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux articles 21, 22 et 23, votre commission des Lois vous soumet un amendement de suppression de l'article 24.

Article 25
Application de la loi
aux territoires d'outre-mer et à Mayotte

Cet article rend la loi applicable aux territoires d'outre-mer et à Mayotte.

Néanmoins, il exclut l'application des dispositions de l'article 7 qui assimilent à un producteur la personne qui importe un produit dans la communauté européenne dont la collectivité territoriale de Mayotte et les territoires d'outre-mer ne font pas partie.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 26
Application aux territoires de la Nouvelle-Calédonie,
des îles Wallis et Futuna et à la collectivité territoriale de Mayotte
du régime des garanties immobilières

Cet article -issu d'un amendement présenté par le Gouvernement devant l'Assemblée nationale- étend le régime des garanties immobilières aux territoires de la Nouvelle-Calédonie et des îles Wallis-et-Futuna ainsi qu'à la collectivité territoriale de Mayotte.

Sont ainsi concernées les dispositions suivantes :

- l'article 4 de la loi n° 67-3 du 3 janvier 1967 relative aux ventes d'immeubles à construire et à l'obligation de garantie à raison des vices de construction ;

- les articles premier, 2 et 3 de la loi n° 78-12 du 4 janvier 1978 relative à la responsabilité et à l'assurance dans le domaine de la construction ;

- les articles 1601-1 à 1601-4 du code civil qui traitent de la vente d'immeubles à construire ;

- les articles 1642-1 et 1646-1 relatifs à l'application du régime de la garantie des vices cachés aux immeubles à construire ;

- les articles 1792-1 à 1792-6 qui précisent le régime de responsabilité des constructeurs d'ouvrage.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article sans modification.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter la présente proposition de loi .

ANNEXE : DIRECTIVE DU 25 JUILLET 1985

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