Art. 5
Simplification de la gestion des emplois occasionnels

I - Le texte proposé par le Gouvernement

Le présent article comporte quatre paragraphes relatifs à la simplification des contraintes administratives liées à la gestion des emplois occasionnels.

Il pose le principe d'une expérimentation du " guichet unique " pour les formalités liées à l'embauche et le recouvrement des cotisations et contributions sociales pour les organisateurs occasionnels de spectacles vivants, cette expérimentation pourrait donner lieu à une extension du principe à d'autres secteurs en cas de succès.

Cet article du projet de loi est la transcription législative d'un engagement contracté par le Gouvernement en mars 1997 dans un " protocole fixant les engagements de l'Etat entre le 1 er mai 1997 et le 1 er octobre 1998 pour mieux encadrer le dispositif d'indemnisation chômage des intermittents du spectacle ". Dans cette perspective, le protocole précise que " le projet de guichet unique de recouvrement des cotisations et contributions sociales des artistes-interprètes et des techniciens employés par les organisateurs occasionnels de spectacles vivants devrait permettre d'une part la simplification des obligations déclaratives des employeurs envers six organismes sociaux différents et d'autre part une lutte plus efficace contre le travail illégal, en assurant une meilleure transparence des déclarations de rémunérations allouées. Sa mise en oeuvre est actuellement expertisée par les organismes de recouvrement et devrait déboucher sur une expérimentation dans le courant de l'année 1997. Au terme de sa phase expérimentale et au vu de ses résultats, cette procédure pourra être généralisée à l'ensemble du secteur occasionnel, voire, au-delà ".

Le premier paragraphe ouvre ainsi la possibilité aux personnes physiques ou morales exerçant occasionnellement l'activité d'entrepreneur de spectacles vivants d'effectuer l'ensemble des formalités liées aux déclarations d'embauche et au versement des cotisations et contributions sociales auprès d'un " guichet unique ".

Le deuxième paragraphe prévoit que cet " organisme habilité " recouvre ces cotisations et contributions pour le compte des administrations et organismes auxquels elles sont dues selon les règles applicables à chacune. Une convention homologuée définit le cadre des relations qui unissent cet organisme et les administrations concernées, notamment en termes de contrôles.

Le troisième paragraphe prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article.

Le quatrième paragraphe prévoit que les dispositions du présent article peuvent être rendues applicables, par décret en Conseil d'Etat, à d'autres catégories d'employeurs recrutant des salariés pour effectuer des tâches occasionnelles, dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics, des hôtels, cafés et restaurants et du tourisme.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée Nationale

Le rapporteur général de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, M. Didier Migaud, a considéré que la rédaction de l'article 5 et notamment de son paragraphe IV n'était pas toujours suffisamment précise. Il a évoqué notamment le flou de la notion de " tâches occasionnelles ", le problème que posait la rédaction proposée par le Gouvernement pour la définition des signataires des arrêtés interministériels d'extension et la crainte qu'il avait que l'obligation faite au " guichet unique " d'appliquer pour le recouvrement des cotisations et contributions pour le compte des administrations et des organismes leurs propres règles soit un facteur de complexité supplémentaire.

Pour prévenir ces complications, le rapporteur a présenté un amendement, adopté par la commission, visant à étendre à l'ensemble des cotisations et contributions les règles de recouvrement précontentieuses appliquées par l'organisme collecteur, dans le cadre du fonctionnement du guichet unique. La commission a également adopté un amendement de précision de l'article 5.

Lors de la discussion en séance publique 4( * ) , M. Dominique Baert et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement portant nouvelle rédaction du présent article 5 et insérant dans le code du travail un article L. 143-3-2 nouveau ainsi rédigé :

" Art. L. 143-3-2. I. - Dans les branches où est passée à cet effet une convention entre les organismes gérant des régimes de protection sociale relevant du code de la sécurité sociale et du code rural ou visés aux articles L. 223-16 et L. 351-21 du code du travail, un arrêté conjoint du ministre chargé du travail, du ministre chargé de la sécurité sociale et, le cas échéant, du ministre chargé de l'agriculture ou du ministre des transports, autorise le recours à un instrument spécifique, dénommé " titre emploi occasionnel ", pour l'accomplissement de l'ensemble des formalités d'embauche, de paie et de rupture du contrat de travail prévues par le présent code.

" II. - Nonobstant toutes dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles contraires, l'employeur se libère des obligations déclaratives résultant du contrat de travail établi au moyen d'un titre emploi occasionnel ainsi autorisé, par l'envoi dans les délais impartis des formulaires d'embauche et de fin de contrat de travail à l'organisme de protection sociale désigné par la convention susmentionnée, qui calcule et recouvre pour compte commun, la totalité des cotisations et contributions sociales dues à raison dudit contrat de travail.

" III. - Un décret en Conseil d'Etat définit les conditions d'application du présent article, notamment la nature et la durée maximale des emplois concernés, ainsi que la liste des formalités que le titre emploi occasionnel doit permettre d'accomplir pour pouvoir prétendre à l'autorisation prévue au premier alinéa du présent article. "


Cet amendement, qui propose la création d'un " titre emploi occasionnel ", substitue aux modalités de simplification administrative de l'article 5 un dispositif plus ambitieux, susceptible de concerner un nombre important de secteurs. L'auteur de l'amendement, M. Dominique Baert, est également l'auteur d'un rapport à Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux PME, au commerce et à l'artisanat intitulé : " Simplifions : 55 mesures pour les PME ". La mesure n° 8 de ce rapport consistait précisément à poursuivre la simplification de la gestion des emplois occasionnels. M. Dominique Baert considère, en effet, que dans le cas des PME, " ce ne sont pas seulement la paie et le versement des cotisations sociales qui pèsent, mais aussi les formalités légales liées à l'embauche, à l'établissement du contrat de travail et à sa rupture, qui apparaissent disproportionnées avec l'importance des tâches en cause ". Il proposait, à défaut de pouvoir étendre en l'état la formule du chèque-service qui ne semble pas, selon lui, correspondre tout à fait aux besoins des entreprises, de s'inspirer d'une formule mise en place par la mutualité sociale agricole, le titre emploi saisonnier agricole . Cet instrument " permet d'accomplir non seulement les formalités de délivrance des bulletins de paie et de déclarations sociales, mais aussi toutes les autres prescriptions du code du travail, tout en étant compatible avec la diversité des conventions collectives applicables dans le secteur et la variabilité des risques en matière d'accidents du travail ". M. Dominique Baert considère que " sa transposition à d'autres secteurs d'activité tels que le BTP, l'hôtellerie-restauration, le spectacle ou les transports, ne se heurte qu'à la difficulté de définir le collecteur unique indispensable au fonctionnement du dispositif ", le député du Nord propose toutefois des pistes pour définir des " mini-guichets uniques " propres à chaque profession.

M. Dominique Baert a justifié son amendement, plus ambitieux que la rédaction du Gouvernement, par la nécessité d'endiguer le travail dissimulé et celle de favoriser un dispositif qui pourrait constituer un levier pour l'emploi.

Le rapporteur général, M. Didier Migaud, a déclaré que la commission avait émis un avis défavorable au motif que la portée de l'amendement pourrait être trop générale et qu'il attribuait au " guichet unique " la tâche de calculer la totalité des cotisations et des contributions en plus de les recouvrir. La ministre, quant à elle, a insisté sur la nécessité d'une concertation qui accompagne le processus.

M. Charles de Courson a déclaré au cours de ce débat que cet amendement était " plein de bon sens " et que " cet élargissement (avait) été amorcé par la précédente majorité, qui préconisait le développement des titres emploi occasionnel afin d'enlever tout argument aux employeurs pour embaucher au noir et aux salariés pour être payés au noir ". Il a souligné que " cette démarche avait porté ses fruits pour les emplois à domicile puisque l'on estime que la hausse du nombre d'emplois y est due pour moitié au blanchiment du travail au noir ".

Bien que la commission et la ministre se soient déclarées défavorables à l'amendement déposé par M. Dominique Baert, celui-ci a été adopté. Ce n'est qu'après que le Gouvernement a demandé une seconde délibération que la rédaction du Gouvernement pour l'article 5, assortie des modifications proposées par la commission, a pu être adoptée au terme de la première lecture.

III - Propositions de la commission des Affaires sociales

La commission des Affaires sociales est depuis longtemps favorable à une simplification des formalités administratives que doivent satisfaire les entreprises, les petites entreprises en particulier. Ces modifications doivent être ambitieuses et constituer le fruit d'une concertation approfondie avec les professionnels. Par ailleurs, les dispositions adoptées doivent être suffisamment claires pour ne pas avoir des conséquences contraires aux effets recherchés lorsqu'elles seront appliquées.

A cet égard, les dispositions présentées par le Gouvernement constituent un début de réponse au souci maintes fois manifesté par les parlementaires de simplifier les obligations administratives auxquelles doivent satisfaire les PME. Lors de la discussion du projet de loi relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes 5( * ) , M. Joseph Ostermann avait déposé un amendement ayant pour objet d'étendre la formule du chèque-service aux petites entreprises artisanales de moins de cinq salariés. Le rapporteur, M. Louis Souvet, avait déclaré qu'il approuvait l'esprit de cet amendement, mais que la commission ne pouvait pas le retenir dans le cadre de l'examen de ce texte. Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a alors déclaré qu'elle n'avait pas renoncé à l'idée d'appliquer le chèque-service aux entreprises artisanales de moins de cinq salariés et qu'elle considérait que la baisse des charges devait s'accompagner d'une réduction du " poids des formalités administratives qu'elles (devaient) accomplir aussi bien pour le calcul des cotisations que pour l'établissement de la feuille de paie ". La ministre faisait état de son souhait de mettre en oeuvre dès que possible le système des chèques-services pour les petites entreprises. Devant cet engagement, M. Joseph Ostermann a pu alors retirer son amendement.

Le projet d'une simplification de la gestion des emplois occasionnels fait donc l'objet, dans son principe, d'un large consensus. Les différences d'appréciation portent sur la méthode à suivre. Faut-il adopter un dispositif complet qui adapte plus ou moins le chèque-service aux entreprises artisanales de moins de cinq salariés comme semblait le souhaiter Mme la Ministre lors de la discussion du projet de loi emplois-jeunes au Sénat, ce qui reviendrait à s'inspirer des amendements de MM. Joseph Ostermann et Dominique Baert ? Ou bien convient-il, au contraire, de privilégier une démarche expérimentale qui s'appuie sur l'expérience du guichet unique pour les entrepreneurs de spectacle occasionnel comme s'y était engagé le précédent gouvernement ?

La commission des Affaires sociales est sensible au fait que le précédent gouvernement s'était engagé à développer le guichet unique pour les entrepreneurs occasionnels de spectacle avant de l'étendre à d'autres secteurs. La voie de l'expérimentation semble être, en effet, une précaution utile dans un domaine où les spécificités propres à chaque secteur d'activité sont nombreuses et ont jusqu'à présent constitué le principal obstacle à l'effort de simplification administrative. Elle considère toutefois que cette expérimentation ne peut constituer qu'une première étape et que l'adoption d'un dispositif plus général prévoyant en plus le calcul des contributions par le guichet unique serait souhaitable à terme.

Par conséquent, si, dans un premier temps, la commission accepte la rédaction votée par l'Assemblée nationale pour l'article 5, elle souhaite que les professionnels soient pleinement associés à la définition des modalités d'extension du guichet unique à leur secteur d'activité. Dans cette perspective, elle vous propose un amendement de précision au paragraphe IV de l'article 5 qui prévoit que l'extension du guichet unique aux secteurs mentionnés ne pourra se faire qu'après consultation des professionnels concernés.

Sous réserve de l'adoption de cet amendement de précision, votre commission des Affaires sociales vous propose d'adopter cet article.

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