3. Une non-décision voyante : l'implantation de laboratoires en vue d'étudier le stockage souterrain des déchets ultimes

a) Ne différons pas davantage l'implantation de laboratoires souterrains

En l'absence de certitude quant à notre capacité future de transmuter les déchets à vie très longue en déchets à vie courte, il faut étudier la possibilité de stocker les déchets hautement radioactifs et à vie longue dans des formations géologiques profondes (probablement entre 400 et 600 mètres de profondeur).

L'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) a procédé aux investigations nécessaires. Les conseils généraux des sites pressentis se sont prononcés favorablement à l'implantation d'un tel laboratoire sur leur territoire, de même que la très large majorité des communes concernées . La commission d'enquête publique a donné un avis favorable à celle-ci.

Dans un rapport du 10 avril 1996, la DSIN a conclu qu'aucun des trois sites ne présentait de caractère rédhibitoire du point de vue de la sûreté pour permettre l'installation et l'exploitation d'un laboratoire souterrain.

En outre, dans un rapport adressé le 1er décembre 1997 au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement et au secrétaire d'Etat à l'industrie, la DSIN estime qu'il existe une obligation de résultat dans ce domaine, le Gouvernement devant être, en 2006 au plus tard, en position de faire des propositions au Parlement sur la faisabilité d'un stockage géologique profond, réversible ou irréversible.

Elle rappelle que dans un stockage souterrain le système de confinement est constitué de trois barrières : les colis de déchets, les barrières ouvragées et la barrière géologique, aux fonctions complémentaires, même si la barrière géologique assure un rôle essentiel en particulier à long terme. Or, pour le moment, les résultats dont nous disposons portent uniquement sur la barrière géologique ; un concept global du stockage, avec l'ensemble de ces barrières et son analyse de sûreté n'ont pas été étudiés.

A cet égard, il est intéressant de noter que la nature est plus riche d'enseignements qu'on ne le croit, comme le montre le site de stockage naturel d' Oklo au Gabon.

En effet, les chercheurs ont découvert, en 1972, que des phénomènes de fission nucléaire avaient eu lieu naturellement il y a 2 000 millions d'années à Oklo au Gabon. Non seulement la nature a fait fonctionner, cinq cents ans durant, dans les couches sédimentaires d'un gisement d'uranium, une série de piles atomiques spontanées, mais en plus, elle a su confiner les déchets nucléaires de ces " réacteurs nucléaires naturels " dans la roche. Aucun signe à la surface n'indique la présence de déchets radioactifs en profondeur.

La DSIN indique, par ailleurs, que tous les pays disposant d'une industrie nucléaire mènent des études sur ce type de stockage ; pour certains d'entre eux, il constitue même la seule option possible. Des laboratoires souterrains ont déjà été installés dans certains pays. 74( * )

Aussi y-a-t-il lieu d'entreprendre les recherches au plan opérationnel, trois sites étant envisagés pour ce faire : dans la Vienne, dans l'Est (Haute-Marne et Meuse) et dans le Gard.

On attend cependant toujours la décision du Gouvernement sur ce point.

Le journal Libération 75( * ) s'est interrogé dans les termes suivants : " l'enfouissement a même semblé remis en question. Deux ministres, Ségolène Royal et Claude Allègre, n'ont-ils pas renouvelé leur opposition au stockage profond ? ".

Votre commission d'enquête souhaite que le Gouvernement, qui dispose aujourd'hui de tous les éléments d'information nécessaires, autorise rapidement l'implantation et l'exploitation d'au moins deux laboratoires souterrains, dans des milieux géologiques différents : granitique et argileux.

b) La question de la réversibilité d'un éventuel stockage : la décision ne presse pas.

Il ne s'agit pas pour l'instant de décider d'implanter d'éventuels stockages souterrains, cette décision appartenant au législateur de 2006.

Il s'agit encore moins de débattre aujourd'hui du caractère réversible ou non de ces éventuels stockages. Une telle décision apparaît très largement prématurée : si un site de stockage est créé, il pourra accueillir des déchets pendant au minimum une cinquantaine d'années.

Le jour venu, il conviendra en tout état de cause de concilier les impératifs de sûreté des déchets stockés dans le site et de l'accès potentiel à ceux-ci. D'ici là, on pourra prendre en compte les progrès de la science et l'évolution de l'attitude de l'opinion publique.

Deux députés viennent d'exprimer leur souhait que la loi de 1991 soit modifiée de façon à ne retenir que l'option du stockage réversible. Votre commission d'enquête juge que ce serait une erreur de limiter ainsi les choix possibles pour l'avenir. Tout en considérant l'intérêt de la réversibilité, elle estime, au contraire, qu'au stade des recherches, toutes les options doivent être sérieusement étudiées.

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