2. Soutenir le développement d'une batellerie artisanale concurrentielle analogue à celle de nos concurrents

Par-delà la diminution du nombre des navires, la batellerie artisanale connaît une véritable révolution, sous l'influence des Pays-Bas qui se sont, les premiers, adaptés à la prochaine libéralisation. La flotte artisanale achève aujourd'hui sa mutation d'un système d'économie administrée à une économie concurrentielle.

Selon les professionnels entendus par votre commission d'enquête, la batellerie artisanale française n'a pas suffisamment investi dans un matériel spécialisé et s'est concentrée sur le transport de frets traditionnels (sables, graviers, céréales).

Tout donne à penser que dans les années à venir, la France connaîtra une évolution analogue à celle observée sur le Rhin. Sur ce fleuve, en effet, les grands armements " disparaissent " progressivement, principalement concurrencés par les artisans néerlandais. Ils sont, peu à peu, conduits par la pression de la concurrence à abandonner la gestion directe des bateaux à des artisans bateliers. Il est vraisemblable que les armements qui emploient des salariés se spécialiseront désormais sur des trafics nécessitant une certification " qualité " (tels que le transport de gaz pour lequel une certification ISO 9002 est exigée).

En " cassant les prix ", les petits artisans néerlandais -qui travaillent dans le cadre d'une sorte de " capitalisme familial "- conquièrent peu à peu des parts de marché. Il n'est pas rare qu'ils naviguent toute l'année. On comprend, dans ces conditions, l'inquiétude des professionnels français face à l'éventuelle application des " 35 heures " dans la batellerie. En outre, les banques néerlandaises accordent des prêts qui atteignent parfois 80 % du prix du bateau (jusqu'à 20 millions de francs) en prenant pour garantie une hypothèque de premier rang.

Grâce au soutien financier des armateurs, l'artisan néerlandais peut acheter son bateau.

Observée initialement sur le Rhin, où son importance a été soulignée par les interlocuteurs rencontrés lors de la mission de la commission d'enquête en Allemagne, cette transformation de la profession s'étend progressivement à la Seine. Compte tenu du coût du travail, certains armements ont choisi de vendre leurs bateaux à d'anciens salariés. Un armateur entendu par votre commission d'enquête indiquait que tous les " pousseurs " que sa société possédait autrefois sur la Seine étaient désormais gérés dans le cadre de sociétés en participation par d'anciens salariés qui créent de petites structures et gèrent le bateau. L'armement leur garantit une recette tandis que les économies sont réparties au niveau de la société. De la sorte, les bateliers gagnent plus qu'auparavant en gérant leur propre matériel.

Ce système semble promis à se développer en France, un professionnel estimait même que " dans vingt ans, on n'aurait plus que des artisans en France ". Les pouvoirs publics doivent soutenir financièrement les efforts des entrepreneurs individuels .

Cette évolution nécessite, à n'en pas douter, une harmonisation des règles sociales (temps de conduite et de repos des équipages) au niveau européen. Elle est également souhaitée par les bateliers allemands. Il appartient au Gouvernement de saisir la Commission de cette question, faute de quoi la voie d'eau connaîtrait les mêmes problèmes que le secteur routier du fait du " dumping " social auquel se livrent les Néerlandais notamment.

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