N° 73

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 5 novembre 1997

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME I

ÉQUILIBRES FINANCIERS GÉNÉRAUX

ET ASSURANCE MALADIE


Par M. Charles DESCOURS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean-Pierre Fourcade, président ; Jacques Bimbenet, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Claude Huriet, Bernard Seillier, Louis Souvet, vice-présidents ; Jean Chérioux, Charles Descours, Roland Huguet, Jacques Machet, secrétaires ; François Autain, Henri Belcour, Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Nicole Borvo, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Philippe Darniche, Mme Dinah Derycke, M. Jacques Dominati, Mme Joëlle Dusseau, MM. Alfred Foy, Serge Franchis, Alain Gournac, André Jourdain, Jean-Pierre Lafond, Pierre Lagourgue, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain , Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès, Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Sosefo Makapé Papilio, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 303 , 385 , 386 et T.A. 22 .

Sénat : 70 (1997-1998).

Sécurité sociale.

Mesdames, Messieurs,

Pour la deuxième fois, le Sénat est appelé à débattre d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

C'est bien volontiers qu'il se livrera à cet exercice qu'il avait depuis longtemps appelé de ses voeux ; il rend hommage, à cet égard, au Gouvernement dirigé par M. Alain Juppé pour avoir su conduire les réformes constitutionnelles et organiques nécessaires pour permettre au Parlement d'exercer un indispensable contrôle sur le budget de la protection sociale de la Nation.

S'il est encore trop tôt pour dresser le bilan d'application de la première loi de financement adoptée l'an passé, les premiers chiffres montrent que le Gouvernement, dans son projet, le Parlement, par ses amendements, et l'ensemble des professionnels, qui ont mis en oeuvre cette loi sur le terrain, ont fait du bon travail.

Ainsi, sur les six premiers mois de l'année, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, que la loi de financement pour 1997 avait fixé à 600,2 milliards de francs, était respecté.

Pourtant, que n'avions-nous pas entendu sur le caractère irréaliste et trop précis de cette prévision !

L'exercice auquel va se livrer, cette année, le Sénat est différent. En effet, la philosophie qui inspire le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 et les dispositions qu'il contient ne peuvent convenir à la Haute Assemblée.

Le projet de loi se traduit, en effet, par une augmentation très nette des prélèvements qui aura des effets massifs et mal mesurés par le Gouvernement sur les comportements économiques des Français qui seront ainsi gravement pénalisés.

Le projet de loi retient, en outre, des taux d'évolution des dépenses décalqués sur les taux tendanciels d'évolution de ces dépenses calculés par la Commission des comptes de la sécurité sociale : le Gouvernement constate les dépenses et ne cherche pas à maîtriser leur progression.

La seule réduction significative de dépenses proposée par le Gouvernement est très mal ciblée, puisqu'elle concerne la branche famille dont elle sape ses principes fondateurs, avec la mise sous condition de ressources des allocations familiales et de l'allocation pour garde d'enfants à domicile.

Finalement, la seule mesure significative qui, outre la croissance retrouvée, permettra une réduction du déficit de la sécurité sociale correspond à la reprise de la dette sociale à hauteur de 87 milliards de francs, soit un transfert de la charge sur les générations futures.

Constatant son profond désaccord avec les axes majeurs du projet de loi, votre commission aurait pu vous proposer son rejet.

Elle n'a pas choisi de le faire, car il existe une autre politique de protection sociale qui vise à préserver notre système de protection sociale en poursuivant les réformes entreprises, en évitant l'augmentation des prélèvements et en maîtrisant l'évolution des dépenses.

Telle est la voie retenue par notre commission.

Cet " autre projet " repose sur les analyses faites dans les tomes I (équilibres généraux - assurance maladie), II (famille) et III (vieillesse) du présent rapport ainsi que dans son tome IV consacré à l'examen des articles du projet de loi.

Votre commission vous proposera ainsi un ensemble cohérent de dispositions qui conforte le retour à l'équilibre de la sécurité sociale tout en employant pour ce faire d'autres moyens que ceux retenus par le projet de loi initial.

PREMIÈRE PARTIE

ÉQUILIBRES FINANCIERS GÉNÉRAUX

I. UN BILAN ENCORE LACUNAIRE DE L'APPLICATION DE LA LOI DE FINANCEMENT POUR 1997

Parmi les nouvelles missions confiées au Parlement par la révision constitutionnelle du 22 février 1996, figure le contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale. L'article 47-1 de la Constitution précise que la Cour des Comptes assiste, à cet effet, le Parlement dans sa tâche.

En pratique, le Parlement dispose de trois sources principales d'informations : le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, celui de la Cour des Comptes et l'annexe b du projet de loi de financement de la sécurité sociale consacrée, en vertu de la loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996, à la mise en oeuvre des dispositions de la précédente loi de financement de la sécurité sociale.

Le contenu de ces documents apparaît, cette année, assez disparate :

- le rapport de la Cour des Comptes sur la sécurité sociale s'inscrit encore largement dans le prolongement des deux précédents rapports élaborés sur la base de l'article 13 de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale. Le Premier Président de la Cour des Comptes a indiqué, lors de son audition par la commission des Affaires sociales, que ce dernier devait être considéré comme un rapport transitoire. En effet, il n'aborde que les concepts utilisés dans la loi de financement et son cadre juridique et comptable.

- Le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale présente un bref et provisoire bilan de la réalisation des objectifs et des prévisions contenus de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 ainsi que de la mesure de substitution de la CSG aux cotisations d'assurance maladie.

- L'annexe b du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 développe une analyse un peu plus détaillée de la mise en oeuvre de la loi de financement pour 1997, notamment en ce qui concerne les prévisions de recettes et des objectifs de dépenses et la réforme du financement de la branche maladie. Celle-ci est complétée par les annexes prévues par l'article 3 de la loi de financement de la sécurité sociale.

De ces diverses informations, ressort d'idée d'une application globalement satisfaisante de la première loi de financement de la sécurité sociale, même si le rapport de la Cour des Comptes émet des réserves sur la qualité des agrégats utilisés et les instruments de suivi de la mise en oeuvre des dispositions légales.

A. LES OBSERVATIONS DE LA COUR DES COMPTES DANS SON DERNIER RAPPORT SUR LA SÉCURITÉ SOCIALE RESTENT LIMITÉES AU CADRE JURIDIQUE ET COMPTABLE DES LOIS DE FINANCEMENT

L'article 2 de la loi organique du 22 juillet 1996 (art. L.O. 132-3 du code des juridictions financières) dispose que " chaque année, la Cour des Comptes établit un rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale " qui " présente en outre une analyse de l'ensemble des comptes des organismes de sécurité sociale ".

Dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre dernier, la Cour des Comptes indique que l'application de la loi de financement, promulguée le 27 décembre 1996, sera examinée pour la première fois dans le rapport rendu public en 1998. Le rapport de 1997 ne présente que les observations de la Cour des comptes sur les concepts utilisés dans cette loi et sur les conditions de sa mise en oeuvre et de son suivi.

Ces observations sont, certes, utiles à l'information générale du Parlement mais ne lui fournissent pas encore les moyens d'un réel contrôle sur la mise en oeuvre de la loi de financement pour 1997. En cela, la Cour des Comptes ne remplit pas encore la mission qui lui a été confiée par la loi organique. Votre commission des Affaires sociales attend donc beaucoup des prochains travaux de la Cour des Comptes et des adaptations que celle-ci pourrait décider afin d'accomplir au mieux sa mission.

Les principales conclusions du rapport rendu public en septembre 1997 sur la première loi de financement mettent en évidence le caractère encore perfectible des agrégats présentés, l'articulation satisfaisante des calendriers des lois de finances et de financement de la sécurité sociale sans occulter certaines difficultés dans la procédure observée en amont.

1. Le rapport 1997 montre le caractère encore perfectible des agrégats de la loi de financement

Le rapport de la Cour des Comptes souligne l'imprécision de certains concepts utilisés tels que celui de branche.

a) La notion de branche

La notion de branche occupe désormais une place centrale dans la présentation des comptes des régimes sociaux. En effet, la loi organique du 22 juillet 1996 prévoit que la loi de financement de l'année fixe, par branche, les objectifs de dépenses. Or la notion de branche n'est pas définie par la loi organique. Elle n'a été clairement identifiée que pour le seul régime général, par la loi du 25 juillet 1994 sur la sécurité sociale.

En l'absence de définition générale, le Gouvernement a adopté un certain nombre de conventions pour la ventilation des dépenses qui sont précisées à l'annexe c de la loi de financement pour 1997.

Or, beaucoup de régimes n'individualisent pas leurs dépenses de charges annexes par branche et l'annexe c de la loi de financement n'apporte aucune précision sur la ventilation de ces charges qui ne correspondent pas à des prestations versées.

Par ailleurs, la Cour des Comptes relève que le concept de dépenses utilisé par la loi organique ne recoupe pas exactement celui d'emplois retenu dans les comptes présentés à la Commission des comptes de la sécurité sociale, les différences résultant :

- du traitement des dépenses et des recettes des départements d'outre-mer dans les comptes de la sécurité sociale ;

- des doubles emplois qui apparaissent dans ces comptes de la sécurité sociale du fait des transferts internes aux régimes de base considérés et des dépenses qui constituent la contrepartie des cotisations prises en charge par les régimes de sécurité sociale ;

- de l'exclusion des régimes de base de 20.000 cotisants ou bénéficiaires de droits propres.

Votre commission des Affaires sociales souhaite une harmonisation rapide des concepts utilisés en loi de financement. L'hétérogénéité actuelle rend très difficile l'analyse des différents documents transmis au Parlement et tend à accroître l'opacité des comptes au lieu de contribuer à leur clarification.

b) L'objectif national de dépenses d'assurance maladie

Cet objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) fixé pour 1997 à 600,2 milliards de francs, n'a pas été détaillé dans la loi de financement en fonction de ses différentes composantes, à savoir les prestations de médecine de ville et les prestations fournies dans les établissements, qu'ils soient sous dotation globale, à prix de journée, médico-sociaux, privés sous objectif ou hors objectif.

La Cour des Comptes constate que l'ONDAM n'est extrait d'aucun compte et qu'il est calculé par différence. Du total des dépenses, hors recettes des DOM, des branches maladie-maternité-invalidité-décès et la branche accidents du travail, sont soustraits les frais financiers et de gestion et un certain nombre de prestations (rentes d'accidents du travail, indemnités journalières, dépenses des fonds de prévention...).

La Cour considère qu'une telle approche soulève le problème de contrôle du respect de cet objectif, qu'aucun compte ne traduit. Il lui paraît donc nécessaire de définir une nomenclature comptable qui rende compte des dépenses de l'assurance maladie et de désigner rapidement l'organisme qui sera chargé de les centraliser.

La Cour propose, en outre, que les systèmes d'informations existants qui assurent la remontée des informations relatives aux soins et à leur incidence financière, fassent l'objet d'une plus grande homogénéisation.

Votre commission des Affaires sociales souhaite une amélioration rapide de la fiabilité et du suivi des objectifs votés par le Parlement.

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