N° 105

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 décembre 1998

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement français et le Gouvernement macédonien pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières ,

Par M. Robert Del PICCHIA,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Michel Barnier, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.

Voir le numéro :

Sénat : 32 (1998-1999).

Traités et conventions.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi tend à autoriser l'approbation d'une convention d'assistance administrative mutuelle entre la France et la Macédoine pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières.

Successivement incorporée à l'Empire romain, puis à l'Empire byzantin avant d'être intégrée à l'Empire ottoman au XIVe siècle, la Macédoine -qui a reçu sa dénomination de Tito en 1947- est, comme tous les pays des Balkans, habitée par des populations très diverses : Macédoniens, Albanais (23 % officiellement), Turcs (4 %), Roms (2,3 %), Serbes (2 %) et Valaques (0,4 %). La présence d'une forte minorité albanaise en Macédoine confère à la crise du Kosovo un impact considérable sur la situation politique intérieure de la Macédoine. La Macédoine historique est plus étendue que la Macédoine politique, car elle s'étendait au nord de la Grèce et au sud de la Bulgarie. Son ancienne capitale était Thessalonique (désormais dénommée Salonique) ; elle est aujourd'hui située à Skopje.

Petit Etat enclavé de 25 700 km² et de 2 millions d'habitants, la Macédoine a longtemps été convoitée par ses voisins bulgare, serbe et grec avant de devenir, en 1946, l'une des républiques yougoslaves puis, en 1991, pour la première fois de son histoire, d'accéder à l'indépendance (sanctionnée par le référendum du 8 septembre 1991). Celle-ci est considérée comme une conséquence plus qu'une cause de l'éclatement de la Fédération yougoslave.

L'enjeu qui caractérise la présente convention est lié au développement des trafics illicites de stupéfiants en Macédoine et, plus généralement, dans la région des Balkans. La Macédoine est, en effet, située dans une région très sensible sur ce plan, et est entourée de pays par où passent d'importantes quantités de drogue.

Ces vulnérabilités confèrent tout naturellement à la présente convention un intérêt évident. Avant de commenter précisément le contenu de la convention du 29 janvier 1998, signée à l'occasion du séjour en France du Premier ministre de Macédoine, votre rapporteur évoquera rapidement le cadre dans lequel elle s'inscrit : celui-ci est caractérisé par les difficultés de la Macédoine indépendante, et par des relations bilatérales encore à développer.

I. LE CADRE DANS LEQUEL INTERVIENT LA CONVENTION FRANCO-MACÉDONIENNE DU 29 JANVIER 1998

A. LES DIFFICULTÉS DE LA MACÉDOINE INDÉPENDANTE

Indépendante pour la première fois de son histoire en 1991, la Macédoine est confrontée à d'importantes tensions ethniques et politiques, accrues par la menace d'instabilité due à la crise du Kosovo, et à une situation économique qui demeure précaire.

1. Fragilités politiques et ethniques

. Les élections législatives de novembre 1998 ont consacré la défaite de l'Union sociale démocrate, successeur de l'ancienne Ligue des communistes de Macédoine, au pouvoir depuis 1992. La majorité absolue est désormais détenue par une coalition de centre-droit , tandis que les partis albanais ont enregistré une progression certaine par rapport au précédent scrutin. Le nouveau chef du gouvernement est donc le président du VMRO (Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne), héritier du mouvement nationaliste macédonien constitué à la fin du siècle dernier, à l'époque où la Macédoine se trouvait sous la domination ottomane. Absent de la vie parlementaire depuis 1994, le VMRO a renoncé à ses thèses ultranationalistes, pendant la dernière campagne, et s'est abstenu d'exploiter le thème des relations interethniques. Il se présente désormais comme une force d'alternance, soucieuse de rompre avec l'héritage communiste et d'instituer dans le pays une démocratie moderne.

. Les tensions interethniques qui contribuent à la vulnérabilité de la Macédoine indépendante tiennent aux relations difficiles entre les autorités de Skopje et la minorité albanaise, qui représente -officiellement- 23 % de la population du pays. Ces tensions paraissent quelque peu surprenantes, car l'un des partis albanais a été associé au gouvernement sortant, et compte tenu de la situation globalement plus favorable pour les Albanais de Macédoine que pour les Albanais du Kosovo. En réalité, le gouvernement exclu du pouvoir en novembre 1998 a relativement peu favorisé l'intégration des Albanais, malgré l'existence d'un enseignement en langue albanaise au niveau de l'enseignement primaire et secondaire. Plus particulièrement, le refus de créer un enseignement supérieur en langue albanaise a attisé l'opposition de la minorité albanaise. Enfin, la répression violente, par le gouvernement sortant, de manifestations défendant l'identité albanaise, au printemps de 1997, a radicalisé les tensions entre Skopje et la minorité albanaise.

. L'alternance de novembre 1998 ne devrait pas se traduire par une nouvelle dégradation du dialogue avec la minorité albanaise. Le VMRO a ainsi fait campagne pour la coexistence pacifique entre Macédoniens et Albanais. L'Alternative démocratique, l'une des composantes de la coalition au pouvoir depuis novembre 1998, bénéficierait d'une certaine popularité auprès de la minorité albanaise. Les négociations actuellement conduites par le nouveau gouvernement avec la minorité albanaise portent sur l'introduction de l'albanais dans l'enseignement supérieur, la reconnaissance de la langue albanaise comme deuxième langue officielle, la reconnaissance du statut de "peuple constitutif" à la minorité albanaise , ainsi que l'assurance d'un accès plus facile à l'administration, l'armée et la police.

. On estime, par ailleurs, que le changement de majorité ne devrait pas remettre en cause la politique étrangère de la Macédoine, caractérisée par la poursuite du rapprochement avec les institutions occidentales d'une part, et par une politique de bon voisinage , d'autre part.

Sur ce second point, la Macédoine est contrainte de préserver de bonnes relations avec la République fédérale de Yougoslavie , partenaire commercial traditionnel (15 à 20 % des échanges commerciaux, sauf pendant la période des sanctions internationales contre la République fédérale de Yougoslavie, en 1992-1995). L'absence de bornage de la frontière entre la Macédoine et la RFY, jointe aux velléités yougoslaves d'en rediscuter le tracé, constituent un moyen de pression certain et efficace pour la République fédérale de Yougoslavie à l'encontre de la Macédoine.

Les relations avec la Grèce se sont apaisées depuis la reconnaissance mutuelle du 8 avril 1996, en dépit d'un contentieux sur le nom de Macédoine. La Grèce conteste, en effet, cette dénomination, qu'elle assimile à une revendication sur la Macédoine grecque. Athènes considère néanmoins aujourd'hui l'intégrité territoriale de la Macédoine comme un garde-fou contre la création éventuelle, à ses frontières, d'une grande Albanie qui déséquilibrerait considérablement son environnement régional.

Par ailleurs, notons que les relations avec la Bulgarie demeurent en suspens à cause de la non-reconnaissance de la langue macédonienne par Sofia (pour cette raison, les quelque vingt accords conclus entre les deux pays ne peuvent être ratifiés par les Parties). Enfin, le rapprochement entre la Macédoine et l' Albanie opéré par le gouvernement précédent ne devrait pas être remis en cause.

En ce qui concerne le souci de la république de Macédoine de se rapprocher des institutions occidentales, notons que ce pays est membre, depuis 1995, du Partenariat pour la paix de l'OTAN, du Conseil de l'Europe et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Le rapprochement par rapport à l'Union européenne est également un objectif affiché de la diplomatie macédonienne (voir infra, 4).

2. Une menace majeure : la crise du Kosovo

La province serbe du Kosovo, peuplée à 90 % d'Albanais, s'est rappelée à l'attention de la communauté internationale en 1998, quand elle s'est enlisée dans une dynamique de la violence dont l'origine se situe dans la suppression du statut d'autonomie de cette province par Slobodan Milosevic, en 1989. La mise sous tutelle policière de plus en plus étroite et la politique de ségrégation systématique due aux autorités serbes s'est traduite par un développement inéluctable du conflit entre les forces serbes de l'UCK depuis février 1998, tandis que Belgrade persiste à considérer cette crise comme une "affaire intérieure".

La menace majeure aujourd'hui réside dans le risque d'extension du conflit à l'ensemble de la région. Cette menace est renforcée par la précarité de l'équilibre interethnique des pays limitrophes, parmi lesquels la Macédoine . Cette vulnérabilité, due pour la Macédoine à la présence d'une importante minorité albanaise, pourrait être aggravée par l'afflux de réfugiés du Kosovo (on comptait déjà, sur le territoire macédonien, 130 000 réfugiés Kosovars à l'été 1998), alors même que la radicalisation des revendications de la minorité albanaise de Macédoine a conduit le Parti démocratique des Albanais de Macédoine à réclamer la création d'un Etat des peuples macédonien et albanais. En mars 1998, le maire de Tetovo (la "capitale" de la province albanaise de Macédoine) exprimait la crainte qu'une détérioration du conflit incite à "imaginer une autre forme de solidarité avec nos frères du Kosovo" 1 ( * ) .

Les forces préventives de l'ONU (UNPREDEP) sur le territoire macédonien ont donc vu leur mandat prolongé d'un an, tandis que le gouvernement macédonien approuvait, le 2 décembre 1998, le déploiement sur son territoire d'une force d'intervention rapide de l'OTAN pour le Kosovo , chargée notamment d'assurer l'"extraction" des vérificateurs de l'OSCE dont la sécurité serait menacée au Kosovo.

3. Vulnérabilités économiques

La Macédoine était la république la plus pauvre de l'ex Fédération yougoslave. Les premières années de l'indépendance macédonienne ont encore aggravé la situation économique de la Macédoine : chute de la production, accroissement du taux de chômage, manque de capitaux étrangers, hausse rapide de l'inflation.

. De manière générale, les bases économiques de la Macédoine sont fragiles . L'agriculture assure certes l'autosuffisance dans les principales cultures vivrières (blé, orge, maïs). Malgré les quelques recettes d'exportation provenant de la vigne et de la culture du tabac, l'agriculture demeure cependant peu productive. La Macédoine possède quelques ressources minières (cuivre, fer, charbon), mais l'industrie, dont les productions sont tournées vers le marché intérieur (biens de consommation, agroalimentaire, textile), pâtit de l'étroitesse de celui-ci, et de l'obsolescence de ses équipements, due à l'insuffisance des investissements.

L'économie macédonienne, traditionnellement spécialisée dans l'agriculture et la sous-traitance, souffre d'un enclavement géographique aggravé par l'isolement de la Macédoine dans un environnement régional hostile.

Ainsi les sanctions internationales contre la République fédérale Yougoslave (1992-1995), avec laquelle s'effectuait plus de la moitié des échanges, et le blocus commercial grec (1994-1995), qui a coupé à la Macédoine l'accès à sa principale route de ravitaillement par le port de Salonique, se sont-ils trouvés à l'origine de pertes de recettes d'exportation et de revenus de transit, dont le montant cumulé a été évalué à 4 milliards de dollars.

La dégradation sensible de la situation économique depuis l'indépendance s'est traduite par un taux de chômage touchant aujourd'hui 28 % des actifs, et qui pourrait prochainement s'élever à près de 40 %.

Les réformes économiques ("décommunisation" de l'économie et restructurations) conduites, en 1992, dans le cadre du premier plan de stabilisation, n'ont pas abouti dans l'immédiat aux résultats escomptés.

La création d'une monnaie spécifique, le denar, et la mise en oeuvre d'un programme global de réformes, appuyé par le FMI et la Banque mondiale, semblent cependant donner lieu à un bilan encourageant : inflation ramenée de 122 % en 1994 à 4,4 % en 1997 (probablement 7 à 8 % en 1998), reconstitution des réserves monétaires, reprise d'une croissance modérée du PIB (0,8 % en 1996 ; 1,5 % en 1997 ; vraisemblablement 4 % en 1998). Cette reprise demeure toutefois fragile. Le PNB par habitant (85 dollars) reste ainsi inférieur de moitié à son niveau de 1989.

La persistance d'un déficit croissant de la balance commerciale (+ 22 % pour les six premiers mois de 1998) constitue une importante faiblesse de l'économie macédonienne, due à la stagnation des exportations.

Le programme de stabilisation et l'approfondissement des réformes structurelles doivent donc être poursuivis, notamment dans le secteur bancaire, la méfiance de la population empêchant les banques d'attirer un volume suffisant d'épargne.

Il est également important d'accélérer la transition vers l'économie de marché et la reconversion de l'économie, afin d'augmenter la production agricole, de réorganiser la production manufacturière, et de retrouver des débouchés à l'exportation.

La reprise macédonienne semble, par ailleurs, subordonnée à l'intégration dans une dynamique régionale interrompue par la guerre en Bosnie et longtemps contrariée par l'hostilité des voisins albanais et grec.

L'aide étrangère restera un élément important du redressement de la Macédoine. Ainsi la dette publique a-t-elle fait l'objet, en 1995, d'un accord de consolidation de près de 400 millions de dollars (période de grâce de six ans et remboursement échelonné sur quinze ans). Une facilité d'ajustement structurel a été attribuée à la Macédoine pour la période 1997-1999, et pourrait comporter une assistance financière de 72 millions de dollars.

Par ailleurs, le bas niveau des investissements étrangers (65 millions de dollars de 1990 à 1996 ; 6,2 millions en 1997) pourrait connaître une amélioration décisive en 1998 (270 millions de dollars selon les prévisions officielles). Cet aspect majeur du redressement de l'économie macédonienne paraît cependant subordonné à la stabilité de la région, gravement affectée par la situation dans la région voisine du Kosovo.

4. La recherche d'un rapprochement avec l'Union européenne

La volonté macédonienne de se rapprocher de l'Union européenne est partagée par tous les pays d'Europe centrale et orientale.

La Macédoine est liée à l'Union européenne par un accord de coopération , entré en vigueur en janvier 1998 (la Grèce ayant levé son veto). En mars 1998 s'est tenue à Skopje la première réunion du conseil de coopération mis en place par cet accord. Les autorités macédoniennes ont exprimé le souci de prolonger et de confirmer l'accord de coopération par la conclusion d'un accord d'association.

L' assistance de l'Union européenne s'inscrit dans le programme PHARE , dont la Macédoine a vocation à bénéficier depuis 1996. La Macédoine pourrait ainsi recevoir 100 millions d'écus sur la période 1996-1999 (les concours communautaires à la Macédoine ont représenté 85 millions d'écus en 1992-1995). Un prêt de 40 millions d'écus est, par ailleurs, destiné à la résorption du déficit de la balance des paiements.

B. DES RELATIONS BILATÉRALES À DÉVELOPPER

Selon les informations transmises à votre rapporteur, les relations entre la France et la Macédoine sont caractérisées par un climat de confiance, qu'il s'agisse des aspects politiques, culturels, économiques ou militaires du dialogue entre les deux pays.

1. Un dialogue politique régulier

La qualité des relations instaurées entre les deux Chefs d'Etat est pour beaucoup dans la régularité du dialogue politique entre Paris et Skopje . La visite officielle du Premier ministre macédonien à Paris, en janvier 1998, le voyage du ministre de la défense de Macédoine en France, en février 1998, puis le séjour effectué par le Ministre français des affaires étrangères en Macédoine, en mai 1998, ont constitué des étapes importantes de ce dialogue. La visite officielle en France du Président Gligorov, prévue pour le mois de février 1999, contribuera au développement des relations politiques entre les deux pays. Notons que les autorités macédoniennes sont reconnaissantes à la France de défendre les ambitions de la Macédoine auprès des institutions macédoniennes.

Les relations franco-macédoniennes bénéficient de la dimension historique liée à la présence pendant la première guerre mondiale, de 26 000 soldats français sur le territoire macédonien. Ainsi la visite en Macédoine, en septembre 1998, du secrétaire d'Etat aux anciens combattants, lors des cérémonies du 80e anniversaire de la fin des combats sur le front d'Orient, a-t-elle consacré cet aspect "affectif" des relations franco-macédoniennes, qu'illustrent les tombes des combattants français enterrés à Skopje et Bitola (ex Monastir).

2. Des relations économiques encore modestes

La présente convention contribuera, avec l'accord relatif à la protection réciproque des investissements, signé lui aussi en janvier 1998, à compléter le cadre juridique des relations économiques entre la France et la Macédoine. Un accord de non double imposition, en cours de négociation entre Paris et Skopje, pourrait être signé en février 1999, à l'occasion de la visite du Président Gligorov.

La France n'est, à ce jour, que le 16e partenaire commercial de la Macédoine. Ce rang modeste est confirmé par la part de marché très limitée (2 %) détenue par la France en Macédoine.

Il est toutefois possible que la signature à venir de gros contrats par les sociétés Sistra (filiale de la SNCF), en vue de la construction d'un corridor ferroviaire, et EDF international, pour la construction d'une centrale alimentée par du gaz russe, soit susceptible de relancer les échanges entre la France et la Macédoine. Par ailleurs, Alcatel est présent sur le territoire macédonien, où le groupe a ouvert une filiale en 1997.

3. Des relations culturelles relativement dynamiques

Un accord de coopération culturelle, scientifique et technique a été signé entre Paris et Skopje en janvier 1998.

Cette coopération s'appuie sur l'action du centre culturel français de Skopje, ainsi que sur la section bilingue ouverte en 1997 au lycée de Negotino (sud-est de Skopje). D'autres sections bilingues devraient s'ouvrir en 1999 au lycée de Tetovo (ville à majorité albanaise), et à l'école secondaire de médecine de Bitola. D'autres ouvertures sont prévues en 2000 (Skopje et Prilep).

En ce qui concerne la coopération dans le domaine audiovisuel, les principales réalisations concernent la diffusion de certaines émissions de TV5 sur la troisième chaîne de la télévision macédonienne, tandis que des programmes de Canal France international sont repris par la première chaîne de la télévision macédonienne. Cette coopération pourrait s'étendre au projet d'implantation de Radio France internationale sur la bande FM à Skopje.

La principale manifestation franco-macédonienne dans le domaine culturel consistera en l'accueil, en février 1999 au Musée de Cluny, d'une exposition sur les trésors du patrimoine de la république de Macédoine. Cette exposition sera inaugurée par les deux Chefs d'Etat, à l'occasion de la visite en France du Président Gligorov.

4. Coopération militaire franco-macédonienne

La coopération militaire bilatérale s'appuie sur l'arrangement administratif signé en septembre 1996, lors de la visite du ministre français de la défense à Skopje. Les principales réalisations consistent en la formation des cadres dans le domaine linguistique et militaire, et en la mise à disposition d'experts. Des cessions de matériel (lunettes d'observation nocturne, radars...) pourraient prochainement contribuer au renforcement de la surveillance des frontières par l'armée macédonienne. Enfin, relevons que la force de l'OTAN qui sera prochainement déployée en Macédoine pour faciliter l'extraction des observateurs de l'OSCE dont la sécurité serait compromise au Kosovo, sera placée sous commandement français.

II. LA CONVENTION FRANCO-MACÉDONIENNNE D'ASSISTANCE EN MATIÈRE DOUANIÈRE

Ainsi que l'indique l'étude d'impact concernant le projet de loi et transmise par le gouvernement, l'accord signé doit "renforcer l'efficacité des administrations douanières française et macédonienne dans la lutte contre les fraudes douanières en instaurant une coopération bilatérale privilégiée".

En effet, si le code des douanes autorise l'administration française des douanes à fournir, sous réserve de réciprocité, des renseignements aux autorités douanières étrangères, le recours à ces dispositions n'offre qu'une faible sécurité juridique, notamment dans le domaine de la protection de la confidentialité. Pour cette raison, il est utile de conclure des conventions d'assistance mutuelle en matière douanière avec les pays étrangers, ces conventions permettant également de faciliter la réunion des preuves juridiques d'actes préparatoires aux infractions douanières commises à l'étranger.

Si l'on observe entre la Macédoine et la France un certain nombre de fraudes constituées par la minoration de valeurs d'exportations en vue de diminuer les droits de douane, spécialement pour des produits français exportés en Macédoine (en particulier les volailles), l'intérêt de la convention résidera surtout dans la lutte contre le trafic de stupéfiants.

La Macédoine se situe en effet dans une zone très sensible, où les troubles politiques et le climat d'insécurité favorisent le développement de trafics illicites. Pays de transit, la Macédoine est aussi un pays producteur d'héroïne, des laboratoires ayant été localisés dans la région de Skopje. Si l'essentiel du trafic vise la Suisse, l'Autriche et l'Allemagne, les douanes françaises ont récemment saisi des produits stupéfiants en provenance du Maroc et transportés par des véhicules macédoniens.

La convention franco-macédonienne du 29 janvier 1998 se conforme, pour l'essentiel, aux textes de même nature conclus entre la France et plusieurs pays et relatifs à l'assistance administrative mutuelle en matière douanière. Votre rapporteur se limitera donc à présenter succinctement le champ d'application de la convention puis la portée et les limites de la coopération douanière qu'elle entend favoriser.

A. LE CHAMP D'APPLICATION DE LA CONVENTION FRANCO-MACÉDONIENNE

Le champ d'application géographique de la convention s'étend au territoire douanier tel que défini par la législation applicable dans chacun des deux Etats (article 2). En ce qui concerne la France, l'article premier du code des douanes définit le territoire douanier comme l'ensemble composé des territoires et eaux territoriales de la France continentale, de la Corse, des îles françaises voisines du littoral et des départements d'outre-mer de la Guyane, de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion. Il faut également préciser que le territoire monégasque est rattaché au territoire douanier français alors que par ailleurs, les zones franches, telles celles des pays de Gex et de la Haute-Savoie, sont soustraites à tout ou partie du régime douanier. Enfin, l'administration des douanes peut exercer certains contrôles au-delà des eaux territoriales, dans la zone contiguë comprise entre 12 et 24 milles.

Les administrations visées sont, pour la France, la direction générale des douanes et droits indirects et, pour la Macédoine, l'administration des douanes macédonienne.

L' objet de la convention concerne l'assistance en vue de prévenir, rechercher, constater et sanctionner les infractions à la législation douanière (article 3), cette dernière couvrant l'ensemble des dispositions légales et réglementaires que les administrations douanières des deux Etats sont chargées de faire appliquer à l'importation, l'exportation ou au transit de marchandises.

Toutefois, la convention ne vise pas la perception des droits de douane, impôts, taxes, amendes et autres sommes pour le compte de l'autre Etat.

B. LES PROCÉDURES DE COOPÉRATION

L'assistance mutuelle en matière douanière repose tout d'abord sur les échanges de renseignements qui interviennent selon les cas spontanément ou sur demande écrite.

Doivent être communiqués spontanément ou sur demande les renseignements concernant les opérations irrégulières constatées ou projetées présentant un caractère frauduleux, les nouveaux moyens ou méthodes de fraude, les catégories de marchandises faisant l'objet d'un trafic frauduleux, les personnes susceptibles de se livrer à des infractions, les moyens de transport supposés contribuer aux fraudes ainsi que les nouvelles techniques de lutte contre les infractions qui ont fait la preuve de leur efficacité (article 4, paragraphe 1).

Les informations sont transmises après demande écrite, et aussi rapidement que possible, quand il s'agit d'extraits de documents de douane et lorsqu'elles peuvent servir à déceler des infractions à la législation douanière de l'Etat requérant (article 4, paragraphe 2).

Une surveillance spéciale peut être exercée, à la demande de l'une des parties, par l'administration douanière de l'autre partie, sur les déplacements de personnes suspectées de fraude, sur les mouvements suspects de marchandises, sur les lieux susceptibles d'abriter des marchandises suspectes, sur les véhicules pouvant servir à commettre des infractions douanières (article 5).

En ce qui concerne le trafic de stupéfiants , l'article 6 prévoit qu'il pourra être décidé, au cas par cas, de recourir à des " livraisons surveillées " internationales de produits stupéfiants et de substances psychotropes, impliquant la coopération des administrations des deux Etats, de manière à constater les infractions douanières se rapportant à ces marchandises et à identifier les personnes impliquées dans des infractions à la législation douanière. Il s'agit là d'une disposition incluse dans certaines conventions bilatérales d'assistance en matière douanière auxquelles la France est partie (conventions franco-tchèque et franco-ukrainienne). L'article 67 bis du code des douanes français permet aux agents des douanes habilités à cet effet par le ministre de "procéder à la surveillance de l'acheminement" des stupéfiants, après en avoir informé le Procureur de la République et sous son contrôle. Il leur permet également, dans les mêmes conditions et pour les besoins de leurs enquêtes, d'acquérir, de détenir, de transporter ou de livrer des stupéfiants ou encore de fournir à des détenteurs de stupéfiants des moyens de transport, de dépôt ou de communication.

La Macédoine dispose quant à elle dans son code des douanes de dispositions analogues en vue de lutter plus efficacement contre le trafic de stupéfiants. Les textes d'application nécessaires à leur mise en oeuvre sont en cours d'élaboration et un mémoire d'entente entre les douanes et la police est en cours de finalisation.

L'administration douanière de l'une des parties peut demander à celle de l'autre partie de procéder à des enquêtes, d'interroger des suspects ou des témoins, le cas échéant en présence d'agents de l'administration requérante, et de lui communiquer les résultats de ces investigations (article 8).

L'article 11 permet aux administrations douanières des deux Etats de faire état, à titre de preuve, des renseignements et documents recueillis, tant dans leurs procès-verbaux, rapports et témoignages qu'au cours de procédures et poursuites devant les tribunaux.

L'Administration de l'une des parties peut autoriser ses agents à comparaître en qualité de témoins ou d'experts devant les tribunaux ou autorités de l'autre partie, si ces derniers le demandent. Dans ce cas, les agents déposent dans les limites de l'autorisation fixée par leur administration (article 12).

Enfin, les contacts personnels entre fonctionnaires des douanes sont encouragés par l'article 9 qui prévoit la notification réciproque d'une liste d'agents désignés à cette fin. On peut d'ores et déjà signaler qu'un important effort de formation des personnels des douanes macédoniennes est réalisé en collaboration avec les douanes françaises.

C. LES LIMITES DE LA COOPÉRATION DOUANIÈRE

La convention apporte certaines restrictions à l'étendue de l'assistance mutuelle.

Tout d'abord, les administrations ne sont pas tenues d'accorder l'assistance demandée lorsque celle-ci pourrait porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels de leur Etat, ou lorsqu'elle implique la violation d'un secret industriel, commercial ou professionnel (article 7, paragraphe 1).

D'autre part, une clause de réciprocité permet à l'administration saisie de ne pas donner suite s'il apparaît que l'administration requérante ne serait pas en mesure de satisfaire une demande équivalente (article 7, paragraphe 2).

Dans tous les cas, tout refus d'assistance doit être motivé (article 7, paragraphe 3).

Par ailleurs, l'utilisation des renseignements obtenus à d'autres fins que celles prévues par la convention est subordonnée à l'approbation écrite préalable de l'administration qui les a communiqués. Ces renseignements bénéficient, dans l'Etat qui les a demandés, d'une protection équivalant à celle prévue par la loi de cet Etat pour des renseignements de même nature (article 10).

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* *

Une commission mixte, composée des représentants des administrations douanières des deux Etats est instituée par l'article 14 en vue d'examiner les questions liées à l'application de la convention. l'article 13 précise que les deux Etats renoncent à toute réclamation pour le remboursement des frais résultant de l'application de la convention.

Conclue pour une durée illimitée, la convention pourra être dénoncée à tout moment par l'une des parties, la dénonciation prenant effet dans un délai de six mois après sa notification.

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* 1 Cité par Alexandra Laignel-Lavastine, "L'Europe centrale et orientale", L'année stratégique 1998.

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