N° 117

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 14 décembre 1998

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l' Ukraine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l' évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole),

Par M. Jacques CHAUMONT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.

Voir le numéro :

Sénat : 558 (1997-1998).

Traités et conventions.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi soumis à votre examen a pour objet d'autoriser l'approbation de la convention signée le 31 janvier 1997 entre la France et l'Ukraine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion de la fraude fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.

Cette nouvelle convention et destinée à se substituer à celle signée le 4 octobre 1985 entre la France et l'URSS, devenue obsolète.

Intervenant dans un contexte d'incertitude politique et économique, cette convention apportera aux entreprises françaises des garanties appréciables pour leurs opérations commerciales et leurs investissements en Ukraine.

I. LA SITUATION INTÉRIEURE DE L'UKRAINE ET LES RELATIONS BILATÉRALES FRANCO-UKRAINIENNES

A. UN ANCRAGE DÉMOCRATIQUE RÉEL MAIS UNE SITUATION ÉCONOMIQUE PRÉOCCUPANTE

1. Une indépendance confirmée dans un cadre démocratique

Lorsque fut proclamée l'indépendance ukrainienne en 1991, nombre d'observateurs mettaient en doute sa pérennité. De graves faiblesses menaçaient son existence même et pouvaient laisser craindre un retour, à brève échéance, dans le giron russe : présence militaire russe, frontières incertaines, sentiment national balbutiant, courants régionalistes et autonomistes forts, personnel politique corrompu sans qu'une génération nouvelle bien formée puisse prendre la relève, crise économique et financière profonde.

Or, sept ans après, rares sont ceux qui remettent en cause une indépendance politique qui s'est affirmée grâce à une diplomatie de bon voisinage avec la Russie et l'ensemble des pays limitrophes, ainsi que par le choix déterminé d'un rapprochement avec l'occident.

Par ailleurs, l'Ukraine a accompli des progrès incontestables en matière de démocratisation et d'édification de l'Etat de droit : adoption d'une nouvelle constitution, alternance politique démocratique en 1994, puis élections libres aux échéances annoncées.

Après une campagne électorale assez agitée, le scrutin législatif du 29 mars 1998 s'est en définitive déroulé sans incident notable, avec un taux de participation de l'ordre de 70 %.

Néanmoins, malgré cette stabilisation lente de la vie politique, la configuration politique demeure confuse après le renouvellement du Parlement. La vue politique est toujours marquée par le " bras de fer ", permanent depuis l'indépendance, entre le pouvoir exécutif et le Parlement (Rada) dominé par des forces conservatrices, hostiles au processus de réformes engagé.

Les élections législatives du 29 mars ont constitué un désaveu incontestable pour le gouvernement, sans pour autant clarifier de façon définitive les rapports de force. Aucune majorité claire ne s'est dégagée du scrutin : les communistes, qui obtiennent 75 sièges sur 450, en sont ressortis renforcés, mais l'existence de nombreux députés indépendants ou sans étiquette (environ 70) laisse planer une incertitude sur l'attitude à venir du nouveau Parlement.

Le blocage du pouvoir législatif a contraint le Président Koutchma à gouverner par décrets, procédé peu conforme à une réelle pratique démocratique.

Enfin, révélatrices de rémanences autoritaires, des atteintes à la liberté de la presse ont pu être relevées pendant la campagne électorale, et les pression sur les médias d'opposition se font de plus en plus fortes.

2. Une économie sous le contrecoup de la crise financière russe

Tous les indicateurs macro-économiques confirment que l'Ukraine traverse une crise économique profonde : récession du PIB de 3 % en 1997 et de 50 % depuis l'indépendance. Pour 1998, les autorités espéraient au mieux une croissance nulle, mais la crise russe induira sans doute une nouvelle récession : chute de la production industrielle, creusement du déficit commercial et budgétaire, insuffisance des investissements privés, notamment étrangers.

L'équilibre des comptes demeure très précaire : malgré la faiblesse du niveau de la dette (10 % du PIB), son exigibilité à court terme risque de créer une grave crise de liquidité.

La crise russe a remis en cause les deux éléments qui paraissaient être les acquis les plus fermes de la transition : la maîtrise de l'inflation et la stabilité de la monnaie.

La situation sociale est également préoccupante, même si la patience du corps social a permis jusqu'à présent d'éviter une crise majeure. Les arriérés de pensions et de traitement atteignent environ 5 % du PIB (à hauteur de 800 millions de dollars pour les retraites). Les mineurs sont particulièrement touchés par la dégradation de leurs conditions de vie et de travail.

Au-delà de la répercussion des effets de la crise financière russe, l'économie de l'Ukraine souffre de handicaps structurels :

- les difficultés de reconversion d'un énorme complexe militaro-industriel ;

- l'absence d'élites formées à l'économie de marché ;

- une population vieillissante (15 millions de retraités) ;

- une grande dépendance énergétique, notamment à l'égard de la Russie, fournisseur de la quasi-totalité des importations d'hydrocarbure.

Actuellement, les réformes structurelles apparaissent à l'arrêt :

- la privatisation des grandes entreprises est quasiment au point mort : depuis le début de l'année, les privatisations n'ont rapporté au budget que 100 millions de dollars alors que le gouvernement misait sur plus d'un milliard ;

- les codes fiscal et foncier sont en attente au Parlement ;

- la réforme du secteur agricole demeure inachevée et les grosses restructurations d'industries vétustes ont à peine été entamées.

Le programme d'ajustement macro-économique lancé par le Président Koutchma par voie de décrets (réduction du déficit budgétaire à 2,5 % du PIB, diminution de certaines taxes, réduction des fonds sociaux, relance des privatisations) a permis à l'Ukraine d'obtenir du FMI l'octroi d'une facilité élargie de 2,2 milliards de dollars sur 3 ans, début septembre.

L'Union européenne, premier bailleur de fonds de l'Ukraine (plus de 4 milliards d'écus depuis 1991), a décidé récemment de lui accorder un crédit de 150 millions d'écus, auquel s'ajoutent 203 millions de dollars pour la fermeture de Tchernobyl.

B. DES RELATIONS COMMERCIALES EN DÉVELOPPEMENT

1. Une présence française croissante mais encore modeste

Les échanges commerciaux entre la France et l'Ukraine ont connu une progression très nette en 1997 : avec un montant de 2,6 milliards de francs, ils sont en progression de 20 % par rapport à 1996, essentiellement tirés par les exportations françaises de biens de consommation. L'excédent commercial en faveur de la France est de 1,052 milliard de francs, soit un taux de couverture de 235 %.

Les investissements français en Ukraine ont également connu un développement important, avec un stock de 2 milliards de francs au 1 er janvier 1998 contre 1,4 en 1997.

Plus de 70 filiales d'entreprises françaises sont aujourd'hui présentes en Ukraine, notamment dans les secteurs suivants : bancaire (Crédit Lyonnais, société générale, BNP), télécommunications (Alcatel-CIT), nucléaire (Framatome, Cogema, EDF) transport (Dassault, Thomson, Peugeot), agro-alimentaire (Sucden, Sanifo, Rhône Poulenc), biens de consommation (Dior, L'Oréal) et industriel (Air Liquide et Schlumberger).

Il existe une certaine complémentarité des économies ukrainienne et française et des intérêts communs dans les secteurs agroalimentaire, de la sûreté nucléaire et des biens d'équipement, qui laissent espérer à l'avenir une coopération renforcée et le développement de nouveaux partenariats productifs.

Toutefois, en termes relatifs, la France n'a une part de marché que de 1,8 % et une place de 9ème fournisseur en Ukraine.

Malgré leur progression, les investissements français ne représentent que 1,5 % du stock total, derrière les Etats-Unis à 18 % et l'Allemagne à 9 %. La France n'est qu'au 12ème rang des investisseurs étrangers.

2. Une impulsion politique nouvelle

Le renforcement du partenariat économique entre la France et l'Ukraine passe par le règlement de quelques contentieux, à l'image de celui sur l'importation de produits génétiques bovins français. Depuis des mois, une interdiction bloquait le développement des exportations françaises de viande bovine et, par extension, l'ensemble de nos coopérations dans le domaine agroalimentaire. De nombreuses opportunités de coopération existent pourtant en ce domaine.

Ce problème vient de connaître une issue conforme aux intérêts français, avec la délivrance par les autorités ukrainiennes du certificat sanitaire autorisant l'importation de sperme de taureau.

Par ailleurs, les Présidents français et ukrainien ont décidé la création d'une commission mixte chargée des questions économiques bilatérales, dont la première session s'est tenue à Kiev, en mars dernier, sous la co-présidence du Secrétaire d'Etat chargé du commerce extérieur.

Des mesures d'appui sont également prévues. En ce qui concerne les garanties COFACE, l'Ukraine réclame, mais avec peu de chances de succès compte tenu de sa situation économique actuelle, l'alignement de son traitement sur celui réservé à la Russie, c'est-à-dire un classement plus favorable de la catégorie 6 à 5.

Pour l'instant, les lignes de crédit prévues, de 500 millions de francs en 1993, 100 millions de francs en 1997 et 200 millions de francs pour 1998, sont loin d'avoir été consommées totalement.

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