CHAPITRE II :

LES CAISSES D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE

ARTICLE 3

Le statut des caisses d'épargne et de prévoyance

Commentaire : Le présent article met fin au statut sui generis des caisses d'épargne en les transformant en établissements de crédit coopératifs au sens de la loi de 1947 portant statut de la coopération. Il les soumet par ailleurs expressément aux dispositions de la loi bancaire de 1984. Enfin, il met fin à la restriction de leurs activités bancaires.

Le présent article est l'un des plus importants de ce projet de loi puisqu'il fait entrer les caisses d'épargne et de prévoyance, de plain pied dans la normalité bancaire. Comme le préconisait votre commission des finances dans son rapport d'information n° 52 sur la situation et les perspectives du secteur bancaire français 13( * ) , préconisation traduite dans une proposition de loi de notre collègue Alain Lambert, il confère aux caisses d'épargne un statut coopératif qui devrait leur permettre d'affronter la concurrence dans de meilleures conditions et de nouer des alliances avec d'autres établissements.

I.  LE STATUT ACTUEL

Jusqu'à présent, les caisses d'épargne et de prévoyance constituaient une catégorie d'établissements de crédit à part, consacrée par l'article 18 14( * ) de la loi bancaire du 24 janvier 1984.

L'article premier de la loi du 1 er juillet 1983 portant réforme des caisses d'épargne les définissait ainsi comme des " établissements de crédit à but non lucratif " ayant pour objet la promotion et la collecte de l'épargne ainsi que le développement de la prévoyance. Il les habilitait à faire des opérations de banque au profit des personnes physiques et des personnes morales, mais l'accès à la clientèle des sociétés faisant appel public à l'épargne leur était interdit. Enfin, jusqu'à la fin de l'année 1997, les caisses ne pouvaient consentir de crédits à des personnes morales de droit privé qu'à hauteur de 30 % de leurs emplois.

Dans un avis annexé au rapport précité de M. Alain Lambert, le Conseil de la concurrence 15( * ) considérait que l'on pouvait légitimement " s'interroger sur la justification du maintien d'un statut aussi largement dérogatoire que celui des caisses d'épargne et de prévoyance " , dès lors que leur activité a été quasiment totalement banalisée et qu'elles constituent des établissements de crédit de plein exercice, en concurrence avec les banques sur les marchés des particuliers et des petites et moyennes entreprises.

Le Conseil de la concurrence estime dans cet avis que les caisses d'épargne disposent d'un avantage concurrentiel dont aucun autre établissement ne dispose du fait qu'elles n'ont ni actionnaires, ni sociétaires, et que leurs résultats, non distribuables, peuvent être en totalité intégrés aux fonds propres. Cela leur permet, écrit le Conseil, " de s'accommoder plus facilement que les autres établissements de pertes conjoncturelles ".

II. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE

A. UN STATUT COOPÉRATIF


Désormais, les caisses d'épargne seront soumises aux dispositions de la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération et à celles de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.

Corrélativement, le but non lucratif est supprimé. Votre rapporteur approuve une telle suppression. On ne saurait en effet confondre une culture d'entreprise tournée vers la clientèle sociale, qu'il est souhaitable de conforter, avec l'objet de l'entreprise, qui est d'exercer une activité bancaire. En outre, comme le soulignait le rapport de M. Lambert précité, il y avait contradiction entre le but non lucratif des caisses d'épargne et le fait pour elles de se porter acquéreur de banques commerciales, comme le Centre national des caisses d'épargne et de prévoyance (CENCEP) l'a envisagé pour le Crédit industriel et commercial (CIC).

Le statut coopératif conféré aux caisses d'épargne par le présent article est également celui des Banques populaires, du Crédit agricole mutuel, du Crédit mutuel et du Crédit coopératif. Il s'agit d'un statut éprouvé dont les représentants ont souvent mieux traversé les périodes de crise que les banques commerciales, et qui paraît être le plus proche de la culture d'entreprise des caisses d'épargne.

L'objectif de ce statut est de donner des propriétaires identifiés aux caisses d'épargne . C'est l'intérêt des caisses d'épargne d'avoir des sociétaires qui exerceront une pression salutaire sur les dirigeants, en vue d'améliorer leurs performances, comme dans toute entreprise.

Un tel statut mettrait donc un terme au débat sur la propriété des fonds propres des caisses d'épargne.

Selon l'article premier de la loi de 1947 précitée, les coopératives sont des sociétés dont les objets essentiels sont :

- de réduire, au bénéfice de leurs membres et par l'effort commun de ceux-ci, le prix de revient et, le cas échéant, le prix de vente de certains produits ou de certains services, en réduisant le coût d'intermédiation ;

- d'améliorer la qualité marchande des produits fournis à leurs membres ou de ceux produits par ces derniers et livrés aux consommateurs ;

- et, plus généralement, de contribuer à la satisfaction des besoins et à la promotion des activités économiques et sociales de leurs membres ainsi qu'à leur formation.

Le statut coopératif repose sur les trois principes suivants :

- propriété collective des fonds propres de l'entreprise, sans affectation individuelle due à des titres représentatifs ; de même, en cas de liquidation d'une coopérative, le boni de liquidation n'est pas réparti entre les sociétaires mais dévolu, en vertu de l'article 19 de la loi de 1947, à d'autres coopératives ou à des oeuvres d'intérêt général ou professionnel ;

- participation des sociétaires aux orientations et à la gestion de l'entreprise fondée sur le principe démocratique " un homme, une voix " ;

- nature non lucrative de l'activité, qui se traduit par le refus de l'appropriation individuelle des excédents et permet l'ajustement des tarifs au plus près de l'intérêt des sociétaires.

B. DES COMPÉTENCES BANCAIRES ÉTENDUES

Le deuxième alinéa du présent article autorise par ailleurs les caisses d'épargne à exercer toutes les opérations de banque dans le cadre de la loi bancaire, sans restriction aucune.

Comme le rappelle M. Raymond Douyère dans son rapport au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale 16( * ) , en permettant aux caisses d'épargne de proposer la même gamme de produits que les autres établissements de la place, le présent projet de loi vient couronner un processus d'élargissement progressif des compétences des caisses d'épargne.

En principe, une coopérative exerce ses activités au profit exclusif de ses sociétaires. Pour ne pas restreindre à l'excès le champ d'intervention des coopératives, l'article 3 de la loi de 1947 prévoit que les lois particulières qui régissent une catégorie de coopérative peuvent déroger à ce principe d'exclusivité et autoriser une coopérative à faire bénéficier de ses services des personnes autres que les coopérateurs.

On observera toutefois que le principe énoncé ci-dessus s'accommode assez mal de l'interposition d'une structure intermédiaire comme les groupements locaux d'épargne (GLE) dont la création est prévue par l'article 8 du présent projet de loi, entre les établissements bancaires coopératifs que constitueront les caisses d'épargne, et leurs clients.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article sans modification.

ARTICLE 4

Les sociétaires des caisses d'épargne et de prévoyance

Commentaire : Le présent article enfonce deux coins dans la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. En premier lieu, il attribue la propriété des caisses d'épargne, non pas aux personnes physiques et morales qui pourraient légitimement y prétendre, mais à des " groupements locaux d'épargne ". En second lieu, il prévoit une modulation du nombre de voix dont disposerait chaque " GLE " en fonction du nombre de parts dont il serait titulaire, ce qui contredit le principe démocratique sous-tendu par la formule " un homme, une voix ".

Le présent article est probablement l'un des plus contestables de ce projet de loi. En effet, si votre rapporteur se réjouit globalement de la transformation des caisses d'épargne en établissements bancaires coopératifs, ce qui est conforme à leur culture de proximité, il désapprouve fondamentalement le choix fait par le gouvernement d'insérer une structure intercalaire entre les caisses d'épargne et les futurs sociétaires, au mépris de ces derniers et de la notion d 'affectio societatis .

I. UN SOCIÉTARIAT INDIRECT

Le présent article précise dans un premier alinéa que les parts sociales des caisses d'épargne et de prévoyance ne peuvent être détenues que par les " groupements locaux d'épargne ".

Les vrais sociétaires des caisses d'épargne seraient donc ces " GLE ", eux-mêmes sociétés coopératives censés animer le sociétariat au niveau local (voir commentaire des articles 8 et 9). Les clients des caisses d'épargne seraient tout juste dignes de posséder des parts sociales de " GLE " mais pas de caisses d'épargne.

Quatre arguments rendent ces structures intermédiaires indispensables selon le gouvernement :

En premier lieu, le projet de loi ne ferait que s'inspirer de la structure des réseaux bancaires coopératifs ou mutualistes actuels qui disposent tous d'un échelon local .

C'est ignorer que le Crédit coopératif, les Banques populaires et le Crédit mutuel sont des structures à deux niveaux (un organe central et plusieurs dizaines d'établissements régionaux), contrairement au Crédit agricole mutuel qui dispose de trois échelons (Caisse centrale, Caisses régionales et caisses locales).

Ainsi, s'il est vrai qu'au Crédit agricole, ce sont les caisses locales qui détiennent le capital des caisses régionales, il convient de noter d'une part que cette structure leur est propre, et, d'autre part, que c'est le fruit de l'histoire. On ne voit pas pourquoi il conviendrait de décalquer cette architecture pour les caisses d'épargne qui ont mis près de dix ans à regrouper leurs caisses locales.

Il est significatif de lire dans le journal Le Monde du 14 mars 1999 le jugement d'un ancien dirigeant du Crédit agricole qui regrette que l'on ait calqué le futur statut des caisses d'épargne sur celui, déjà jugé obsolète, que le Crédit agricole a choisi il y a vingt ans...

En deuxième lieu, un échelon local serait nécessaire pour animer le sociétariat dans les territoires .

Votre rapporteur ne nie pas cette nécessité. Il lui semble toutefois qu'une telle mission peut tout aussi bien être remplie par un démembrement de l'assemblée générale des sociétaires, sous forme de " sections locales d'épargne ". Contrairement aux GLE, ces sections n'auraient pas la personnalité juridique mais s'acquitteraient des mêmes missions (voir commentaire de l'article 9).

En troisième lieu, une structure de " portage " du capital initial des caisses d'épargne s'impose pour procéder à leur mutualisation immédiate .

Il s'agirait ainsi de donner immédiatement des propriétaires aux caisses d'épargne.

Votre rapporteur est loin d'être convaincu par un tel argument. En effet, l'insertion des GLE entre les sociétaires et les caisses d'épargne ne fait que reculer le problème de la constitution du sociétariat. S'il est vrai que les caisses d'épargne auront immédiatement des propriétaires bien identifiés, la propriété du capital des GLE restera indéterminée tant que durera le placement de leurs propres parts dans le public.

On ne voit pas, en outre, pourquoi il serait nécessaire que les caisses d'épargne disposent immédiatement de propriétaires. Elles pourraient elles-mêmes se charger de placer les parts sociales constitutives de leur capital social dans le public, moyennant un délai déterminé, en portant temporairement les parts sociales qui ne seraient pas immédiatement souscrites. Votre rapporteur vous proposera un tel schéma de mutualisation pour l'article 21 du présent projet de loi.

Enfin, il est indispensable que le capital des caisses d'épargne soit fixe pour leur permettre d'émettre des certificats coopératifs d'investissement, ce qui nécessite l'intercession de structures à capital variable, les " GLE ", pour gérer les fluctuations du nombre de sociétaires .

Il s'agit probablement de l'argument le plus pertinent en faveur des " GLE ". Il est en effet tout à fait essentiel que les caisses d'épargne puissent, lorsqu'elles le désireront, émettre des certificats coopératifs d'investissement pour accroître leur capacité à se développer.

Néanmoins, il s'agit d'un argument technique. Il serait tout à fait nuisible - bien que très français - qu'un souci d'ordre technique conduise le législateur à mettre en place une " machine à gaz " pour permettre de concilier la mutualisation du réseau des caisses d'épargne et leur nécessaire souplesse de financement. La complexité d'un tel schéma n'est pas que législative. Elle sera probablement technique :

" La correspondance entre le capital fixe de la caisse d'épargne et le capital variable du GLE s'opérera probablement, écrit M. Raymond Douyère 17( * ) , par la variation d'un compte courant d'associé ouvert au nom du GLE dans la caisse d'épargne et sur lequel sera déposé, grosso modo , la différence positive entre, d'une part, les parts sociales émises par le GLE (qui dépendent de l'afflux des sociétaires) et, d'autre part, les parts sociales représentatives du capital de la caisse détenue par le GLE. "

Au demeurant, le présupposé selon lequel toute société coopérative qui souhaite émettre des CCI doit avoir un capital fixe est loin d'être démontré . Juridiquement, rien n'empêche une société coopérative à capital variable d'émettre des CCI. L'article 19 sexies de la loi du 10 septembre 1947 se contente de préciser que l'émission de CCI s'effectue par augmentation du capital atteint à la clôture de l'exercice précédant cette émission.

On notera que les dix-huit caisses régionales du Crédit agricole qui émettent des CCI sont toutes à capital variable.

La difficulté technique résulte du fait que les titulaires de CCI disposent légalement d'un droit sur l'actif net de la société qui les émet proportionnel au poids des CCI dans le capital social (article 19 undecies de la loi de 1947). Si le nombre de parts sociales varie, alors le droit des titulaires de CCI varie également spontanément. Pour éviter cette variation, les gestionnaires devraient émettre des primes d'émission ou de nouveaux CCI permettant de maintenir fixe la valeur de l'actif net auquel ces CCI donnent droit. Le rapporteur du présent projet de loi à l'Assemblée nationale considère que c'est ingérable en pratique.

Votre rapporteur se contentera d'observer que les caisses régionales du Crédit agricole y parviennent sans trop de difficultés, notamment en émettant des CCI gratuits ou en transformant les intérêts versés en CCI. En outre, la loi ne prescrit pas de maintenir nécessairement constant le rapport CCI sur capital social.

Enfin, la variabilité du capital constitue l'un des piliers de l'esprit coopératif, comme le rappelle excellemment Raymond Douyère dans son rapport sur le présent projet de loi :

" Le capital d'une société coopérative peut augmenter ou diminuer à tout moment du fait de l'arrivée de nouveaux sociétaires ou du départ de certains sociétaires. Cette variabilité du capital est consubstantielle à la conception d'une société largement ouverte, susceptible d'accueillir tout un chacun. La possibilité d'adhésion ou de retrait doit être permanente. "

Le fait de prévoir la fixité du capital des caisses d'épargne constitue donc une entorse supplémentaire à cet esprit coopératif, même si les GLE seront à capital variable.

Au total, votre rapporteur est conscient de la nécessité pour les caisses d'épargne de pouvoir émettre des CCI. Il considère toutefois que la solution qu'il préconise répond à ce souci.

Votre rapporteur voit un autre inconvénient à la création de GLE, outre tous les problèmes techniques que cela engendre. C'est l'impossibilité pour les caisses d'épargne qui le souhaiteraient d'ouvrir leur capital à d'autres établissements bancaires autrement que par le biais de CCI.

II. L'AMÉNAGEMENT DU PRINCIPE " UN HOMME, UNE VOIX "

Le présent article commet une autre entorse au statut de la coopération en offrant aux caisses la possibilité de déroger dans leurs statuts au principe " un homme, une voix " consacré par l'article 9 de la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. Les statuts des caisses pourraient ainsi proportionner le nombre de voix dont disposera chaque GLE à l'assemblée générale des sociétaires en fonction du nombre de parts sociales de la caisse d'épargne dont il est titulaire.

Cette faculté de déroger aux principes coopératifs viserait à rendre plus incitatives les parts sociales auprès des organismes et collectivités susceptibles d'en acquérir un grand nombre (collectivités locales, entreprises), afin de faciliter la constitution du sociétariat. Par ailleurs, il s'agirait de réduire l'influence des GLE situés dans des territoire à dominante rurale par rapport à ceux qui sont localisés dans une conurbation.

Votre rapporteur conteste une telle entorse à l'un des principes essentiels de la coopération qui entraîne une discrimination entre les sociétaires.

Initialement, le texte posait toutefois une limite à l'aménagement du principe " un homme, une voix " en prévoyant qu'un même GLE ne pouvait détenir plus de 10 % des voix. Toutefois, comme l'explique excellemment Raymond Douyère dans son rapport, cette limite fixée à 10 % posait trois types de problèmes :

- elle peut induire un hiatus entre le nombre total de parts distribuées et le nombre total de voix en résultant, dans l'hypothèse où un GLE posséderait plus de 10 % des parts sociales d'une caisse ; en effet, le nombre total de voix attribuées sera alors inférieur à 100 % ;

- la limite de 10 % suppose en pratique qu'une caisse d'épargne soit détenue par au moins dix GLE et qu'aucun d'entre eux ne possède plus de 10 % des parts sociales, sauf à retomber dans l'impossibilité décrite ci-dessus. Ce nombre minimal de GLE est apparu au député de nature à disperser excessivement le sociétariat de certaines caisses d'épargne de taille moyenne.

- enfin, la limite de 10 % empêcherait l'application du régime fiscal dit " mère-fille " entre les caisses d'épargne et les GLE. Ce régime suppose en effet que la société mère (c'est-à-dire le GLE) détienne au moins 10 % de la société fille ou que sa participation soit supérieure à 150 millions de francs. La première condition ne pouvant être remplie, il faudrait que chaque GLE détienne des parts sociales pour un montant au moins égal à 150 millions de francs, ce qui sera impossible à remplir pour la plupart d'entre eux (le capital initial de chaque caisse oscillerait entre 21 millions de francs pour la caisse de Guadeloupe et 1.471 millions de francs pour celle de Provence Alpes Corse).

Aussi, les députés ont-ils amendé le second alinéa du présent article pour porter à 30 % le pourcentage maximal du capital d'une caisse que pourra détenir un GLE. Les caisses d'épargne auront donc chacune au moins quatre propriétaires. Dans l'hypothèse ou un GLE détiendrait plus de 30 % des parts sociales, les députés ont prévu une disposition permettant de réduire automatiquement le nombre de voix attribué à ce GLE à due concurrence, pour éviter le problème technique évoqué plus haut.

III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

Comme il a été indiqué, votre rapporteur n'estime pas satisfaisante la solution préconisée par le gouvernement des " groupements locaux d'épargne ". Ces structures juridiques imparfaites et, comme on le verra, contraires au statut de la coopération, affaiblissent le lien entre les futurs sociétaires et les caisses d'épargne. On peut se demander d'ailleurs comment les membres du personnel des caisses d'épargne qui auront la responsabilité de promouvoir les parts sociales auprès des clients pourront rendre attractive la détention d'une part de " GLE ".

Votre commission vous proposera donc de supprimer les GLE et de leur substituer, pour l'animation du sociétariat au niveau local, des sections locales d'épargne, subdivisions de l'assemblée générale des sociétaires (voir commentaire de l'article 8).

En conséquence, les parts sociales des caisses d'épargne seraient directement attribuées aux personnes qui en feraient la demande. Pourront être sociétaires aux termes de l'amendement proposé les mêmes personnes physiques ou morales qui peuvent être sociétaires de GLE dans le texte du gouvernement :

- les clients des caisses d'épargne qui effectuent avec elles une ou plusieurs des opérations prévues aux articles 1, 5, 6 et 7 de la loi bancaire (opérations de banque, opérations de change, opérations portant sur des valeurs mobilières...) ;

- les salariés des caisses d'épargne ;

- les collectivités territoriales, sans que la part totale de ces dernières dans le capital d'une caisse puisse excéder 10 % ;

- toutes les autres personnes physiques qui souhaitent contribuer par un apport de capitaux à la réalisation des objectifs des caisses d'épargne.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article ainsi modifié.

ARTICLE 5

Les organes dirigeants des caisses d'épargne et de prévoyance

Commentaire : Comme par le passé, le présent article prévoit que les caisses d'épargne seront dirigées par un directoire sous le contrôle d'un conseil d'orientation et de surveillance. Toutefois, le nombre de membres composant le conseil d'orientation et de surveillance ainsi que les modalités de leur élection sont modifiées.

En vertu du présent article, les caisses d'épargne resteront dirigées par un directoire (dont le nombre de membres n'est pas fixé) sous le contrôle d'un conseil d'orientation et de surveillance (COS).

Les durées des mandats des membres de ces deux organes ne sont pas précisées alors qu'elles étaient fixées respectivement à cinq et six ans par la loi du 1 er juillet 1983 portant réforme des caisses d'épargne. En conséquence, les dispositions de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, à laquelle sont soumises les caisses d'épargne en vertu de l'article 3 du présent projet de loi, s'appliquent. L'article 134 de cette loi précise ainsi que la durée est déterminée par les statuts sans pouvoir excéder six ans en cas de nomination par les assemblées générales, et trois ans en cas de nomination dans les statuts.

I. LES CONSEILS D'ORIENTATION ET DE SURVEILLANCE

Rappelons que la loi du 1 er juillet 1983 portant réforme des caisses d'épargne prévoyait que les COS étaient composés de 17, 21 ou 25 membres. Dans sa version initiale, le présent article laissait aux caisses d'épargne le soin de fixer le nombre de membres de leur COS sous réserve qu'il ne soit pas inférieur à 17. Les députés ont souhaité limiter ce nombre à 17 pour assurer une meilleure cohérence des COS et une bonne implication des administrateurs, tout en maintenant une représentation équilibrée des sociétaires.

Par ailleurs, le mode de désignation des membres des COS est modifié pour tenir compte de la nature désormais coopérative des caisses. Le nombre de collèges d'électeurs est ramené de quatre à trois en raison de la disparition du collège des déposants ayant la personnalité morale. Les COS seront ainsi composés de trois catégories de membres élus au sein de trois collèges différents :

- le collège des salariés sociétaires de la caisse 18( * ) ; les députés ont en effet souhaité réserver le droit de siéger au COS aux seuls salariés sociétaires ; on notera toutefois que la précision apportée par les députés n'atteint pas son but puisque le collège ainsi composé pourra tout aussi bien désigner un ou plusieurs salariés non sociétaires ;

- le collège des collectivités territoriales sociétaires de groupements locaux d'épargne (GLE) affiliés à la caisse d'épargne ;

- et le collège formé par l'assemblée générale des sociétaires, c'est-à-dire par les GLE. Ne sont pas éligibles par ce collège les collectivités territoriales ou leurs représentants, ni les salariés des caisses.

On notera que la création des GLE empêche l'expression démocratique des sociétaires dans ce troisième collège puisqu'ils seront représentés par les GLE.

Les salariés et les collectivités territoriales devront avoir un nombre de représentants identique et inférieur ou égal à trois, afin que les COS soient composés à 65 % au moins de membres élus par les GLE.

Enfin, les conseils consultatifs disparaissent.

Par cohérence avec les amendements de suppression des GLE qu'elle vous propose, votre commission vous proposera un amendement rédactionnel tendant à supprimer la référence aux GLE. Le troisième collège serait donc composé des sociétaires directs des caisses d'épargne.

II. LE DIRECTOIRE

Comme dans la loi du 1 er juillet 1983 précitée, la nomination des membres du directoire par le conseil d'orientation et de surveillance est soumise à l'agrément de l'organe central des caisses d'épargne, c'est-à-dire, la Caisse nationale des caisses d'épargne (CNCEP).

Les membres du directoire sont ainsi proposés par le COS et agréés par le conseil de surveillance de la CNCEP sur proposition de son directoire qui s'assure au préalable qu'ils présentent l'honorabilité nécessaire et l'expérience adéquate pour exercer leur fonction.

Ce contrôle a priori exercé par la Caisse nationale sur les dirigeants des caisses d'épargne est utile dans la mesure où les caisses d'épargne, malgré leur changement de statut, ne vont pas avoir besoin de déposer une demande d'agrément auprès du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI) qui s'assure en principe de l'honorabilité et de l'expérience des dirigeants de l'organisme demandeur.

Le texte précise ensuite que l'agrément peut être retiré par le conseil de surveillance de la CNCEP sur proposition de son directoire et après consultation du COS de la caisse d'épargne concernée. Comme la procédure de nomination des membres du directoire, cette dernière procédure est dérogatoire du droit commun. Elle n'empêche toutefois pas l'application de l'article 45 de la loi bancaire du 24 janvier 1984 qui autorise la Commission bancaire à suspendre temporairement ou à démissionner d'office les organes dirigeants d'un établissement de crédit qui aurait enfreint une disposition législative ou réglementaire, n'aurait pas déféré à une de ses injonctions ou n'aurait pas tenu compte d'une mise en garde.

En outre, l'article 14 du présent projet de loi prévoit une procédure de révocation collective du directoire ou du COS d'une caisse par la CNCEP.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article ainsi modifié.

ARTICLE 6

L'affectation des résultats

Commentaire : Le présent article établit les règles d'affectation du résultat des caisses d'épargne. Un tiers au moins du résultat net comptable après mises en réserves devra être affecté au financement de projets d'économie locale et sociale.

Le présent article est très contestable en ce qu'il poursuit deux objectifs contradictoires et assigne aux caisses d'épargne des contraintes qu'un grand nombre d'entre elles ne pourront pas assumer. En outre, les députés ont modifié l'équilibre de l'article en donnant la priorité au financement de projets d'économie locale et sociale aux dépens de la rémunération des sociétaires et des investisseurs, ce qui risque non seulement de nuire à l'attractivité des parts sociales, mais surtout, de dégrader la marge de solvabilité des caisses d'épargne si, pour rémunérer leurs coopérateurs, celles-ci étaient amenées à puiser dans leurs réserves.

Les sommes disponibles après imputation sur le résultat net comptable des versements aux réserves légales et statutaires devront en effet être réparties dans l'ordre de priorité suivant :

Un tiers au moins sera affecté aux réserves , cette proportion pouvant être augmentée sur décision de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance (CNCEP) au vu de la situation financière de la caisse ;

Le tiers des sommes restantes sera alloué de façon définitive , au financement de projets d'économie locale et sociale ;

Le solde sera réparti entre la rémunération des sociétaires (les GLE) et des investisseurs (les titulaires de CCI et de parts à intérêt prioritaire sans droit de vote).

Cet ordre de priorité est dérogatoire de celui prévu à l'article 16 de la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération qui prévoit que le résultat distribuable est d'abord réparti au profit des sociétaires et des investisseurs avant d'être mis en réserve ou attribué sous forme de subvention à d'autres coopératives ou à des oeuvres d'intérêt général ou professionnel.

I. DÉFINITION DU RÉSULTAT DISTRIBUABLE

Le présent article définit le résultat distribuable comme la différence entre le résultat net comptable de l'exercice et les versements effectués au profit des réserves légales et statutaires.

Le résultat net comptable est la somme du résultat d'exploitation et du résultat exceptionnel de l'entreprise, après déduction de la participation des salariés aux fruits de l'expansion de l'entreprise et de l'impôt sur les bénéfices.

L'article 345 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales fixe à 5 % du bénéfice de l'exercice, diminué le cas échéant des pertes antérieures, le montant du versement obligatoire aux réserves légales. Ce prélèvement ne cesse d'être obligatoire que lorsque la réserve atteint le dixième du capital social.

Enfin, les réserves statutaires sont prévues par les statuts et s'imposent à l'assemblée générale ordinaire annuelle appelée à répartir les bénéfices sociaux de l'exercice écoulé. Elles ne peuvent être utilisées ni pour une distribution aux actionnaires ou associés, ni pour un achat ou un remboursement de parts ou d'actions de la société. En revanche, sauf disposition contraire des statuts, elles peuvent être affectées à l'apurement des pertes ou, le cas échéant, à une augmentation du capital social 19( * ) .

II. UNE AFFECTATION DU RÉSULTAT PRÉJUDICIABLE À L'INTÉRÊT DES CAISSES D'ÉPARGNE

Initialement, le présent article confiait à l'assemblée générale le soin de répartir ce résultat entre :

- les mises en réserve (pour un tiers au moins, cette proportion pouvant être accrue par la CNCEP),

- la rémunération des sociétaires et des investisseurs,

- et les affectations définitives au financement de projets d'économie locale et sociale , dans la limite du montant destiné à la rémunération des sociétaires et des investisseurs.

Il s'agissait, en donnant la priorité à la rémunération des parts sociales sur ce qu'il est convenu d'appeler " le dividende social ", de rendre attractives les parts sociales afin de faciliter leur commercialisation dans le public. Pour la même raison, l'article 37 du présent projet de loi prévoyait, avant d'être supprimé par les députés, de mettre fin, pour les seuls établissements bancaires coopératifs, au plafonnement de l'intérêt servi aux coopérateurs 20( * ) .

Sur proposition de M. Raymond Douyère, les députés ont profondément bouleversé l'équilibre de cet article en donnant la priorité au financement des projets d'économie locale et sociale, ce qui est beaucoup plus contraignant pour les caisses.

Le résultat fera dorénavant l'objet des affectations suivantes :

1. Les mises en réserve

Comme dans la rédaction initiale, les caisses devront mettre en réserve un tiers au moins du résultat distribuable, cette proportion pouvant être augmentée sur décision de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance (CNCEP) au vu de la situation financière de la caisse.

Rappelons que jusqu'à présent, en l'absence de sociétaires ou d'investisseurs à rémunérer, les caisses d'épargne procédaient à la mise en réserve de la totalité de leurs résultats, ce qui explique la forte croissance de leurs fonds propres.

2. Le financement de projets d'économie locale et sociale

Dans la rédaction votée par l'Assemblée nationale, le tiers des sommes disponibles après mises en réserves doit être alloué de façon définitive , au financement de projets d'économie locale et sociale.

L'emploi de l'adjectif définitif n'est pas anodin. Il s'agit de rendre clair le fait que les projets d'économie locale et sociale sont financés " à fonds perdus. Il ne peut s'agir par exemple de prêts bonifiés ou de prises de participation au capital de petites entreprises dès lors que tout ou partie de ces sommes reviendrait aux caisses d'épargne sous forme de remboursement de prêt, de dividendes ou de produit de cession.

Par ailleurs, les projets financés doivent présenter à la fois un intérêt en termes de développement local ou d'aménagement du territoire et un intérêt en termes de développement social ou de l'emploi.

Initialement, le texte prévoyait que les projets financés devaient se trouver dans le ressort territorial de la caisse d'épargne et de prévoyance. Les députés ont supprimé cette disposition pour permettre aux caisses de continuer à financer des projets d'ordre national, tels que la Fondation caisse d'épargne qui lutte contre l'exclusion (à laquelle les caisses ont versé 5,67 millions de francs en 1998), la Fondation Belem (à laquelle le CENCEP a accordé une subvention de 6 millions de francs en 1998) ou l'Association nationale senior service Ecureuil, associée à la gestion de maisons de retraite.

Il est à noter enfin que l'Assemblée nationale n'a pas homogénéisé la rédaction du présent article avec celle de l'article premier qui fait désormais également référence à des " projets contribuant à la protection de l'environnement et au développement durable du territoire ".

3. La rémunération des sociétaires et des investisseurs

Enfin, le solde sera réparti entre :

- l'intérêt servi aux parts sociales, dans les limites fixées par l'article 14 de la loi de 1947 portant statut de la coopération : l'intérêt versé aux coopérateurs est ainsi légalement plafonné au taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées (TMO) ;

- et les distributions effectuées conformément aux articles 11 bis , 18 et 19 nonies de la loi de 1947 précitée.

La rédaction du présent article est calquée sur celle de l'article 16 de la loi de 1947 qui fait déjà mention de ces articles 11 bis , 18 et 19 nonies .

L'article 11 bis de la loi de 1947 vise la rémunération des parts à intérêt prioritaire sans droit de vote, qui peuvent être émises et souscrites par des associés non coopérateurs ou par des tiers non associés si les statuts le permettent.

L'article 18 de la loi de 1947 prévoit que l'associé qui se retire ou est exclu a droit au remboursement de la valeur nominale de ses parts, s'il peut y prétendre. En outre, les associés sortants ayant au moins cinq ans d'ancienneté ont droit, si les statuts le précisent, à une part de la réserve en proportion de sa part de capital social.

Enfin, l'article 19 nonies de la loi de 1947 précise les modalités de la rémunération des certificats coopératifs d'investissement (CCI). Cette rémunération est au moins égale à celle versée aux parts sociales.

Telle que la rédaction du présent article résulte de son examen par l'Assemblée nationale, la rémunération des coopérateurs ne pourra se faire que sur moins de 60 % du résultat distribuable puisque le tiers de ce résultat aura d'abord été incorporé aux réserves (voire plus si la CNCEP en décide ainsi), puis le tiers du solde affecté à des projets d'intérêt général. On peut craindre qu'en cas de résultat insuffisant, les caisses d'épargne ne soient amenées à faire usage de l'article 17 de la loi de 1947 qui dispose :

" Les statuts peuvent prévoir qu'en cas d'insuffisance des résultats d'un exercice, les sommes nécessaires pour parfaire l'intérêt statutaire afférent à cet exercice seront prélevées soit sur les réserves, soit sur les résultats des exercices suivants , sans toutefois aller au delà du quatrième. "

Les caisses seraient ainsi contraintes de puiser sur leurs réserves, donc sur leurs fonds propres pour assurer à leurs sociétaires (et aux sociétaires des groupements locaux d'épargne) une rémunération suffisante. Une telle éventualité pèserait alors sur le ratio de solvabilité des caisses d'épargne.

Dans une note datée du 2 février 1999, le secrétariat général de la Commission bancaire observe que " la rémunération des parts sociales et l'affectation d'une partie des résultats au financement de projets locaux et sociaux pourraient absorber à elles seules plus des deux-tiers du résultat dégagé chaque année par le réseau " . Il ajoute que sa capacité d'autofinancement s'en trouverait limitée d'autant.

Plus, loin, la Commission bancaire observe que la marge de sécurité du réseau pour assurer son développement dans des conditions optimales et couvrir d'éventuels sinistres sera " sérieusement réduite ", dès lors que son ratio de solvabilité sera ramené de 17 % en 1997 à 11 % à l'horizon 2000 (après prise en compte du provisionnement des charges de retraite, du prélèvement exceptionnel de 5 milliards de francs, et des conséquences de la réforme).

Elle préconise en conséquence de maintenir le ratio de solvabilité des caisses d'épargne à un niveau voisin de 12 %.

Encore convient-il de préciser que cette note résulte d'une analyse de la mouture initiale du présent projet de loi avant que celui-ci ne soit examiné par l'Assemblée nationale.

Or, l'inversion de l'ordre des priorités que celle-ci a choisi d'effectuer dans le présent article bouleverse profondément son économie, dans un sens beaucoup moins protecteur pour les caisses d'épargne. Interrogé par votre commission sur l'impact des modifications apportées par l'Assemblée nationale, le président de la Commission bancaire a répondu qu'il ne les avait pas encore analysées.

III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

Votre commission vous proposera en premier lieu de supprimer le caractère définitif de l'affectation des sommes destinées à l'intérêt général . Elle considère qu'une telle acception du " dividende social " est trop restrictive en excluant toutes les formes de financement qui ne s'apparenteraient pas à des subventions.

Les caisses d'épargne doivent pouvoir, par exemple, accorder au titre du dividende social des prêts sans intérêt ou des prêts bonifiés. Il serait également naturel qu'elles puissent entrer au capital de petites entreprises innovantes et financer le capital-risque. Une telle action est conforme à l'intérêt général de la nation.

C'est également ce que préconisait Raymond Douyère dans son rapport au premier ministre. Il écrit, s'agissant du dividende social 21( * ) :

" Chaque année, les conseils régionaux feraient des propositions au COS de la caisse concernée quant aux secteurs d'intervention souhaités. Il pourrait s'agir d'interventions par financement direct ou de subventions, voire, dans le cadre de secteurs économiques, si l'idée en était retenue, de prises de participation en fonds propres dans la micro-économie. "

Puis, votre commission vous proposera de rétablir la rédaction initiale du présent article qui prévoyait que les sommes affectées au financement des projets d'économie locale et sociale ne peuvent excéder le montant consacré à la rémunération des sociétaires et des investisseurs. Il appartiendra en conséquence aux caisses d'épargne d'arbitrer entre la rémunération des sociétaires et l'intérêt général, dans un sens qui n'affecte pas leur solidité financière.

C'est bien également le souhait de M. Raymond Douyère lorsqu'il écrit :

" Bien entendu, ne seraient ainsi affectés [à des missions d'intérêt général] que les sommes dégagées après la mise en réserve des résultats pour le développement et la modernisation, le provisionnement et la rémunération des sociétaires. "

On notera que sans y être contraintes par la loi, les caisses d'épargne pourront avoir intérêt à consacrer des sommes conséquentes à l'intérêt général dès lors qu'elles choisissent d'exploiter cet argument à des fins promotionnelles et commerciales.

Enfin, votre commission vous proposera d' assurer la transparence du dividende social en prévoyant que tous les projets d'économie locale et sociale financés par les caisses font l'objet d'un document détaillé annexé au rapport annuel de la CNCEP. Un tel amendement vise notamment à éviter toute dérive clientéliste.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article ainsi modifié.

ARTICLE 7

L'obligation de centralisation des fonds collectés sur le livret A

Commentaire : Le présent article rappelle le caractère obligatoire de la centralisation des sommes déposées sur le premier livret des caisses d'épargne à la Caisse des dépôts et consignations et réaffirme que ces fonds bénéficient de la garantie de l'Etat.

En soulignant que les dépôts collectés sur le livret A doivent être automatiquement centralisés auprès de la Caisse des dépôts, le présent article vise à prémunir le réseau des caisses d'épargne contre toute contestation de la Commission européenne sur le caractère d'aide publique de la distribution duopolistique du livret A par les caisses d'épargne.

Il rappelle en effet que les caisses d'épargne n'ont pas la maîtrise de l'utilisation des fonds collectés sur ce livret. Elles ne sont que prestataires de service et sont rémunérées à ce titre au moyen d'une commission égale à 1,2 % de l'encours collecté 22( * ) . Cette commission s'est élevée à 4,9 milliards de francs en 1997, soit 17 % du produit net bancaire consolidé du réseau. En 1998, ce commissionnement atteindrait 5,03 milliards de francs, soit 18,4 % du PNB du réseau.

C'est la Caisse des dépôts et consignations qui assure la gestion et la transformation des fonds ainsi collectés en prêts à longue durée et à taux privilégiés, au bénéfice de secteurs prioritaires désignés par l'Etat.

Il reste que le monopole de distribution du livret A partagé entre la Poste et les caisses d'épargne peut être contesté. Les banques commerciales affirment être en mesure d'assurer la distribution de ce produit à un coût moins élevé.

On notera que le gouvernement écrit dans l'exposé des motifs que le présent article reprend les dispositions de la loi du 1 er juillet 1983 portant réforme des caisses d'épargne. Or, l'article 6 de cette loi est en même temps moins précis (il ne mentionne pas le premier livret des caisses d'épargne) et plus large (il traite de tous les fonds collectés par les caisses d'épargne). Il classe les fonds collectés par les caisses d'épargne en trois catégories en fonction du type de garantie dont ils bénéficient :

- les fonds bénéficiant de la catégorie de l'Etat dont les emplois sont inscrits au bilan de la caisse des dépôts et consignations ;

- les fonds bénéficiant d'une garantie de la caisse des dépôts et consignations sont affectés au financement d'emplois dont les règles sont arrêtées contractuellement entre la caisse des dépôts et consignations et le centre national des caisses d'épargne et de prévoyance (CENCEP) ;

- les fonds bénéficiant de la seule garantie du fonds de réserve et de garantie prévu par l'article 4 de la loi précitée, sont affectés au financement d'emplois dont les règles sont définies au sein du CENCEP.

Il convient d'observer par ailleurs que le présent article met fin au régime particulier dont bénéficiaient les caisses d'épargne d'Alsace et de Lorraine Nord , en application du titre II du décret n° 85-624 du 20 juin 1985 relatif à l'organisation financière du réseau des caisses d'épargne, ce qui a conduit au dépôt de nombreux amendements à l'Assemblée nationale.

Ce régime est en effet hautement contestable d'un point de vue communautaire. Il permet aux caisses d'épargne d'Alsace et de Lorraine Nord de disposer de 50 % des encours collectés sur le livret A pour adosser des prêts qu'elles consentent, par dérogation au droit commun selon lequel les encours collectés sur le premier livret doivent être centralisés auprès de la Caisse des dépôts et consignations.

Les caisses d'épargne d'Alsace et de Lorraine Nord bénéficient ainsi d'un droit de tirage à 3,75 % sur la moitié de l'encours des dépôts collectés sur le livret A centralisé auprès de la Caisse des dépôts et consignations (encours qui s'élevaient à 17 milliards de francs au 1 er janvier 1999), après avoir reçu, au titre de la collecte, une rémunération de 3,82 % (rémunération de 0,75 % plus effet quinzaine). Ce droit de tirage est essentiellement utilisé sous forme de prêts aux collectivités locales.

De plus, ces caisses bénéficient d'un régime d'intéressement plus favorable que les autres caisses du réseau qui les conduit quasi systématiquement à bénéficier d'une prime de 0,05 % des encours, soit 8,5 millions de francs par an, alors que pour les autres caisses, cet intéressement est modulable.

Il est légitime de mettre fin à un régime dérogatoire qui aurait pu entraîner la condamnation par la Commission européenne du réseau des Caisses d'épargne tout entier. Le Crédit mutuel a ainsi du supprimer le régime de " libre-emploi " des fonds collectés sur le livret bleu après que la Commission européenne l'eût remis en cause. Ces fonds sont aujourd'hui totalement centralisés à la Caisse des dépôts et consignations.

Cette normalisation ne devrait pas avoir d'impact financier pour les caisses d'épargne d'Alsace et de Moselle. Elles recevront en effet un commissionnement de collecte sur les encours de livret A équivalent à celui perçu par les autres caisses d'épargne ce qui devrait compenser les effets financiers de cette évolution.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article sans modification.

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 7

Fixation des taux administrés

Commentaire : le présent article additionnel a pour objet de modifier les conditions de révision des taux administrés.

I. UN PROCESSUS D'ENCADREMENT DU TAUX DU LIVRET A CLAIREMENT ANNONCÉ MAIS NON MIS EN OEUVRE

A. LES ANNONCES DU GOUVERNEMENT


Le 5 juin 1998, le gouvernement annonçait une diminution des taux réglementés :

- les taux de rémunération des livrets A, des comptes pour le développement industriel (Codevi) et du livret bleu du Crédit mutuel étaient portés à 3% à compter du 15 juin 1998.

- la rémunération des comptes épargne-logement était ramenée à 2% et celle des plans d'épargne-logement fixée à 4% pour les plans ouverts à compter du 9 juin 1998.

- enfin, le taux du livret jeune pouvait désormais être librement fixé (sans être inférieur toutefois au taux du livret A) et il était mis fin à la fixation réglementaire des livrets fiscalisés.

Parallèlement à cette diminution était créé un comité consultatif des taux réglementés , " chargé de veiller à l'équilibre entre la juste rémunération de l'épargne populaire et un financement efficace du logement social et des PME, pour que le malaise qui existait jusqu'à présent ne se reproduise pas à l'avenir ".

Enfin, le communiqué de presse ne laissait aucun doute sur les évolutions à venir du livret A, en indiquant que le taux du livret A évoluerait désormais entre :

- un plancher fondé sur une garantie de progression du pouvoir d'achat, c'est-à-dire que le taux du livret A resterait supérieur d'au moins 1% à l'inflation ;

- un plafond déterminé par les taux courts de marché minorés de 0,5%.

B. DES ANNONCES DÉMENTIES DANS LES FAITS

Les deux innovations majeures annoncées le 5 juin 1998 n'ont pas tenu leurs promesses.

L'avis du Comité consultatif des taux réglementés , pourtant présenté comme l'organisme chargé de veiller à " l'équilibre entre la juste rémunération de l'épargne populaire et un financement efficace du logement social et des PME", n'a pas été suivi d'effets .

Réuni le 23 mars dernier sous la présidence de M. André Babeau, le comité a notamment recommandé que le taux d'intérêt des livrets d'épargne à vue pouvant être ouverts sans conditions de ressources (c'est-à-dire le livret A des caisses d'épargne et de La Poste, le Codevi, le livret bleu du Crédit mutuel et le livret d'épargne populaire) soit abaissé de 0,75 point.

Par un communiqué en date du 30 mars, M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'Economie, des finances et de l'industrie, a décidé " dans l'attente d'une confirmation des évolutions conjoncturelles et monétaires, (..) de ne pas suivre la recommandation du Comité afin de préserver la rémunération de l'épargne populaire ".

Ce refus de suivre l'avis du Comité consultatif des taux réglementés contredit également l'objet de la réforme annoncée à l'été 1998 , qui consistait à faire varier le taux du livret A entre un taux plancher (l'inflation +1%) et un taux plafond (les taux courts de marché minorés de 0,5%).

En effet, une étude récente publiée dans la lettre de conjoncture de la Banque nationale de Paris montrait que si l'on prenait comme référence des taux courts le Pibor (ou Euribor) 1 mois (3,23% en janvier 1998), sachant que l'indice des prix à la consommation s'est établi à 0,3% à la fin novembre 1998, la rémunération du livret A devrait être comprise entre 1,3% et 2,73%. Le taux actuel du livret A (3%) est donc en dehors du corridor.

II. INSCRIRE DANS LA LOI LA RÉVISION PÉRIODIQUE DES TAUX ADMINISTRÉS ET UN ENCADREMENT DU TAUX DU LIVRET A

La commission des finances du Sénat s'est depuis longtemps préoccupée du problème de la révision des taux réglementés.

Depuis de nombreuses années maintenant, le Sénat, et sa commission des finances, plaident en faveur d'une allocation plus optimale des ressources de l'épargne.

La commission a toujours souhaité que la révision des taux réglementés soit périodique , afin d'éviter les perturbations créées par des révisions inopinées et irrégulières du taux.

En mars 1996, le Sénat avait ainsi voté à l'unanimité un amendement imposant au gouvernement l'obligation de déterminer, au moins une fois par an, les taux de l'épargne administrée.

En avril 1997, M. Alain Lambert, alors rapporteur général de la commission des finances, M. Paul Loridant, et votre rapporteur, avaient déposé une proposition de loi n°301 relative à la détermination des taux d'intérêt de l'épargne administrée. Cette proposition de loi imposait une révision semestrielle des taux réglementés par décision du Comité de la réglementation bancaire et financière (CRBF).

Aujourd'hui, la commission constate qu'il est plus que temps de réactiver ce dispositif, afin de sortir du blocage créé par la force symbolique, et politique, attachée à toute révision des taux, fusse-t-elle recommandée par un comité d'experts indépendants.

En outre, ce dispositif pourra être enrichi d'un mécanisme d'indexation, que le Sénat suggérait déjà en avril 1997, et que le gouvernement avait très bien précisé en juin 1998, sans pour autant le mettre en oeuvre aujourd'hui.

Votre rapporteur vous propose donc d'adopter le présent article additionnel, imposant une révision semestrielle des taux réglementés par arrêté du ministre chargé de l'Economie et des finances et fixant un encadrement du taux du livret A et des livrets qui lui sont attachés correspondant au dispositif annoncé en juin 1998.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel.

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