TITRE IV :

DISPOSITIONS RELATIVES À LA RÉFORME DES SOCIÉTÉS DE CRÉDIT FONCIER
CHAPITRE PREMIER :

STATUT DES SOCIÉTÉS DE CRÉDIT FONCIER

ARTICLE 61

Statut et objet des sociétés de crédit foncier

I. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE

En première lecture, le Sénat avait modifié le présent article sur trois points.

1. La substitution de la dénomination " obligations sécurisées " à celle " d'obligations foncières "

Le Sénat avait contesté que le terme " obligations foncières " puisse désigner à la fois des obligations ayant pour contrepartie une créance hypothécaire et des obligations ayant pour contrepartie une créance sur une personne publique, et donc aucun gage de caractère foncier.

Il avait retenu le terme " obligations sécurisées " , plus clair pour l'information des futurs investisseurs, puisqu'il fait référence non à l'objet du gage mais à l'existence d'un mécanisme spécifique de sécurisation de ces titres, fondé sur la législation spécifique aux sociétés de crédit foncier et sur le privilège des créanciers.

2. La mobilisation de créances

Le Sénat a souhaité reconnaître aux sociétés de crédit foncier la faculté de recourir à une forme de mobilisation de leur créances , y compris pour les créances sur les particuliers, mais sans que cette mobilisation n'ouvre la voie à un conflit entre créanciers, comme cela serait le cas si elles avaient la possibilité d'émettre des billets à ordre. Il a ainsi donné aux sociétés de crédit foncier la possibilité de recourir à des mobilisations " Dailly " conformément aux dispositions de la loi n°81-1 du 2 janvier 1981.

3. La possibilité d'acquérir et de posséder des biens meubles ou immeubles

Estimant essentiel que les principes de spécialité et d'exclusivité n'interdisent pas aux sociétés de crédit foncier d'exercer des activités connexes à leur fonctionnement
, comme la détention, ou la cession de biens appréhendés à l'occasion de l'exercice de sûretés, le Sénat a adopté un amendement autorisant les sociétés de crédit foncier à acquérir et posséder tout bien meuble ou immeuble nécessaire à l'accomplissement de leur objet ou provenant du recouvrement de leurs créances.

II. LE VOTE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE

En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a adopté les principaux apports du Sénat à cet article.


Toutefois, elle a souhaité rétablir le terme " obligations foncières " inscrit dans le projet de loi gouvernemental.

L'amendement, présenté par M. Dominique Baert, au nom de la commission des finances est motivé comme suit : " l'appellation obligation foncière est traditionnelle depuis plus d'un siècle ". Le rapporteur de l'Assemblée nationale a ajouté en séance publique qu'il ne partageait pas " le purisme du Sénat " et craignait que le terme d'obligations sécurisées conduise les investisseurs à craindre pour la sûreté des autres titres ne bénéficiant pas de cette appellation 6( * ) .

III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION EN NOUVELLE LECTURE

Votre commission des finances estime que les arguments avancés par le rapporteur de l'Assemblée nationale pour revenir au texte initial du projet de loi, concernant l'appellation " obligations foncières ", ne sont pas convaincants :

- votre commission ne conteste pas la valeur historique attachée au terme " obligation foncière ". Elle constate simplement que le projet de loi crée bien un nouveau système, beaucoup plus large que le précédent, qui permettra l'éligibilité des prêts consentis à des personnes publiques et de parts de fonds communs de créances à l'actif des sociétés de crédit foncier. Il est donc normal que ce nouveau dispositif se traduise par une nouvelle appellation. Les " obligations foncières ", qui ne disparaîtront pas, seront simplement une des composantes de la catégorie plus large des " obligations sécurisées ".

- l'argument selon lequel l'expression " obligations sécurisées " tendrait, a contrario, à faire apparaître les autres obligations comme des titres peu sûrs n'est pas recevable : le présent projet de loi vise précisément à conférer une sécurité particulière à ce type d'obligations, sécurité dont ne disposent pas les autres obligations.

Loin d'être attachée à un quelconque " purisme sémantique " votre commission persiste donc à penser que le terme " obligations sécurisées " traduit exactement la nature des nouvelles obligations créées par le présent projet de loi , qui feront l'objet d'un dispositif de protection performant et spécifique. Votre commission vous propose de revenir à la formulation retenue par le Sénat, beaucoup plus claire pour les investisseurs.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 62

Actif des sociétés de crédit foncier

I. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR LE SENAT EN PREMIERE LECTURE

En première lecture, le Sénat avait modifié le présent article sur plusieurs points.

1. Le renforcement de la sécurité d'ensemble du dispositif

Le Sénat a renforcé la sécurité du dispositif en soumettant les prêts cautionnés à des règles proches de celles des prêts hypothécaires, en excluant les prêts aux établissements publics non garantis par une personne publique et en précisant que la valeur du bien immobilier retenue sera une valeur prudente.

a) Le Sénat a souhaité que des règles prudentielles précises s'appliquent aux prêts cautionnés , même si elles ne peuvent être parfaitement identiques à celles des prêts hypothécaires.

Sur proposition de votre commission, un apport personnel minimal de l'emprunteur a été retenu comme le critère le plus approprié en matière de prêts cautionnés, dont la sécurité repose avant tout sur des garanties individuelles. Le Sénat a également adopté un amendement à l'initiative de M. Paul Loridant et du groupe socialiste soumettant les prêts cautionnés à une quotité de financement.

b) Le Sénat a souhaité que seuls les établissements publics qui bénéficient d'une garantie explicite de l'Etat ou des collectivités locales soient inclus dans un dispositif donnant lieu à l'émission d'obligations sécurisées , et non tous les établissements publics, comme le prévoyait le texte adopté par l'Assemblée nationale.

c) Le Sénat a enfin adopté un certain nombre de précisions , destinées à renforcer la sécurité d'ensemble du dispositif.

Il a souhaité que la quotité soit fixée dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat.

Il a précisé que la valeur du bien apporté en garantie devait correspondre à une valeur déterminée de manière prudente, excluant tout élément d'ordre spéculatif.

Il a indiqué qu'un règlement du Comité de la réglementation bancaire et financière préciserait les modalités d'expertise de la valeur du bien .

2. Des marges de souplesse pour s'adapter à la réalité du marché

Deux éléments de souplesse ont été introduits dans le présent article : le Sénat a estimé nécessaire d'autoriser les sociétés de crédit foncier à dépasser la quotité de 60% du bien financé lorsqu'elles émettent en contrepartie des titres non privilégiés , s'inspirant ainsi du dispositif existant en Allemagne, et il a rendu les titres émis par des personnes publiques éligibles à l'actif des sociétés de crédit foncier.

En revanche, il a estimé que parmi les titres "suffisamment sûrs et liquides" pour être détenus comme valeur de remplacement par une société de crédit foncier, la référence aux "obligations foncières émises par d'autres sociétés de crédit foncier" était une précision qui relevait du décret et non de la loi.

II. LE VOTE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE

L'Assemblée nationale a repris l'essentiel des apports du Sénat à cet article,
à la seule exception notable de l'exclusion des prêts aux établissements publics non garantis par une personne publique.

Elle a adopté deux amendements rédactionnels visant à simplifier la rédaction de l'article, à mieux coordonner les règles prudentielles applicables aux prêts cautionnés (apport minimal de l'emprunteur et référence à une quotité du bien financé), et à étendre les règles d'évaluation du bien immobilier aux prêts cautionnés.

Concernant le dépassement de la quotité, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de précision , indiquant que les ressources non privilégiées correspondaient à celles mentionnées au quatrième alinéa de l'article 61 du présent projet de loi.

L'Assemblée nationale a souhaité rétablir la mention selon laquelle les obligations foncières émises par d'autres sociétés de crédit foncier figuraient au nombre des " titres suffisamment sûrs et liquides " pour être détenus, précision que le Sénat avait jugé inutile.

Enfin, l'Assemblée nationale a rétabli son texte de première lecture, concernant les prêts aux personnes publiques , incluant l'ensemble des établissements publics même non garantis, mais supprimant l'éligibilité des titres émis par les personnes publiques.

III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION EN NOUVELLE LECTURE

Votre commission se réjouit que l'Assemblée nationale ait pris en considération la très grande majorité des modifications introduites par le Sénat au présent article.

Elle approuve les modifications rédactionnelles que l'Assemblée nationale a apportées en nouvelle lecture.

Elle considère que rétablir la précision concernant la détention de titres émis par d'autres sociétés de crédit foncier n'est pas indispensable 7( * ) mais ne présente aucun danger pour la sécurité du futur dispositif. Elle estime donc qu'il n'est pas nécessaire d'y revenir.

Concernant l'éligibilité des titres émis par les personnes publiques, votre commission pense que ceci aurait constitué un élément de souplesse et surtout d'adaptation à l'évolution du marché des prêts aux personnes publiques. Toutefois, considérant que le ministre a confirmé que le projet de loi permettait aux sociétés de crédit foncier de détenir ces titres dans la limite d'un plafond, votre commission estime suffisant d'attendre le développement du nouveau marché des obligations " sécurisées " pour envisager, s'il y a lieu, d'introduire cet élément de souplesse.

Elle estime en revanche que l'exclusion des prêts aux établissements publics non garantis par une personne publique est une mesure de sécurité indispensable , qu'il convient d'inscrire immédiatement dans la loi, et vous propose donc d'amender le présent article en ce sens.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

ARTICLE 64 BIS

Indemnité pour remboursement anticipé

I. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE

En première lecture, la commission des finances du Sénat avait présenté un article additionnel tendant à réformer sur deux points le régime de l'indemnité pour remboursement anticipé.

Le premier point consistait à revenir sur le plafonnement de l'indemnité pour remboursement anticipé à 3 % du capital restant dû , et ceci, afin de donner toutes les chances aux sociétés de crédit foncier de se développer. Cette disposition était limitée aux seuls prêts conclus à compter de l'entrée en vigueur de la loi relative à l'épargne et à la sécurité financière.

Votre commission considérait en effet que si les modalités de remboursement anticipé de prêts immobiliers n'étaient pas aménagées, les sociétés de crédit foncier françaises seraient dans l'obligation de " geler " une large partie de leurs actifs éligibles à un refinancement par obligations privilégiées, afin de respecter le principe du " surdimensionnement ", ce qui les placerait dans une position de faiblesse par rapport à leurs concurrents allemands.

Le second point prévoyait que l'emprunteur n'ait plus aucune indemnité à payer en cas de remboursement résultant d'un événement dans sa situation personnelle, familiale ou professionnelle (la définition de l'article 74 A bis de l'annexe II du code général des impôts retenant notamment les cas suivants : divorce, séparation, décès du conjoint, invalidité de l'emprunteur ou du conjoint, changement d'activité professionnelle, départ à la retraite, etc.).

Les deux dispositions de l'amendement reprenaient des propositions faites par la commission des finances dans son rapport sur le secteur bancaire en octobre 1996 8( * ) et avaient essentiellement pour objet de provoquer un débat sur le problème ancien, mais toujours d'actualité, des remboursements anticipés.

Au cours de la séance publique du mercredi 12 mai, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a reconnu la nécessité de procéder à des avancées sur la question des remboursements anticipés, mais n'a donné son accord qu'au second point de l'amendement présenté par votre commission, concernant la suppression de toute indemnité en cas de remboursement " contraint ".

Ayant obtenu l'assurance que la question des remboursements anticipés ferait l'objet d'une réflexion prochaine, votre commission a accepté de rectifier son amendement afin de le limiter aux seuls remboursements contraints, en prenant pour référence l'article 74 B bis du code général des impôts.

II. LE VOTE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE

En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de M. Jean-Jacques Jegou rectifié par un sous-amendement de M. Dominique Baert, rapporteur de la commission des finances, afin de préciser les conditions dans lesquelles toute indemnité pour remboursement anticipé sera supprimée.

Elle a ainsi substitué à la liste figurant à l'article 74 B bis de l'annexe II du code général des impôts une motivation représentée par " la cession du bien immobilier résultant d'un changement d'activité professionnelle ", " un décès " ou " la cessation forcée d'activité de l'emprunteur ou du conjoint ", ces événements ayant alors pour effet de supprimer toute indemnité pour remboursement anticipé.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre commission estime que la suppression de toute indemnité en cas de remboursement motivé par la cession du bien immobilier résultant d'un changement d'activité professionnelle, par un décès ou la cessation forcée d'activité de l'emprunteur ou du conjoint est une avancée.

Elle ne vous propose pas d'adopter d'amendement ayant pour objet de rétablir l'ensemble du texte qu'elle avait initialement présenté, considérant que la restriction de champ d'application de l'absence d'indemnité adoptée par l'Assemblée nationale rééquilibre le texte, dès lors que les indemnités restent plafonnées pour les remboursements de pure opportunité.

Cependant, il apparaît indispensable, pour maintenir un compromis entre les droits des emprunteurs et l'équilibre financier des futures sociétés de crédit foncier, d'engager une négociation approfondie entre les organisations de consommateurs et les professionnels du secteur bancaire, sur les remboursements anticipés.

L'excès de protection des consommateurs peut se traduire, pour ceux d'entre eux qui sont les plus susceptibles d'en bénéficier, par des difficultés d'accès au crédit, ou des coûts de crédit exagérément relevés. C'est pourquoi la suppression du plafond de 3 % du capital restant dû, indolore dans la conjoncture actuelle des taux d'intérêt, permettrait de mutualiser davantage ce risque.

Décision de la commission : votre commission a décidé de réserver sa position sur cet article.

ARTICLE 72

Surveillance des sociétés de crédit foncier

I. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE

Le Sénat a sensiblement modifié le présent article, afin de supprimer des références à la loi de juillet 1966 relative aux sociétés commerciales qui n'étaient pas adaptées au rôle du contrôleur spécifique, et de mieux coordonner son action avec celle du commissaire aux comptes.


Il a précisé que seuls les commissaires aux comptes de la société détenant le contrôle de la société de crédit foncier, ou de sociétés contrôlées par celle-ci, ne pourraient en devenir contrôleur spécifique.

Il a préféré inscrire dans la loi les conditions dans lesquelles le contrôleur spécifique suppléant remplace le titulaire, et supprimer la référence à l'article 223 de la loi de 1966 relative aux sociétés commerciales, qui ne pouvait s'appliquer en l'état.

Il a ensuite cherché à mieux coordonner l'action du contrôleur spécifique avec celle du commissaire aux comptes, en précisant notamment que celui-ci serait délivré du secret professionnel à l'égard de celui-là.

Enfin, il a souhaité étendre les pouvoirs d'investigation du contrôleur spécifique à l'égard des sociétés chargées de la gestion des prêts.

II. LE VOTE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE

L'Assemblée nationale a repris l'essentiel des modifications apportées par le Sénat au présent article
, s'agissant de la nomination du contrôleur spécifique, de son remplacement par le contrôleur suppléant, de l'extension des pouvoirs du contrôleur spécifique vis-à-vis de la société chargée de la gestion des prêts. Elle a également adopté deux amendements rédactionnels.

Elle a corrigé les modifications introduites par le Sénat sur trois points.

Tout d'abord, le contrôleur spécifique assistera obligatoirement à toute assemblée d'actionnaires et sera entendu, sur sa demande, par le conseil d'administration ou le directoire.

Ensuite le contrôleur spécifique sera délié du secret professionnel à l'égard de la commission bancaire et non du commissaire aux comptes de la société.

Enfin, le contrôleur spécifique pourra saisir directement le procureur de la République.

II. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION EN NOUVELLE LECTURE

Votre commission estime que l'Assemblée nationale a repris l'essentiel des apports du Sénat au présent article
, dont l'objectif majeur était de ne pas faire directement référence à la loi de 1966 sur les sociétés commerciales, cette loi n'étant pas adaptée aux missions spécifiques du contrôleur de la société de crédit foncier.

Elle approuve la modification consistant à rendre obligatoire la présence du contrôleur spécifique aux assemblées d'actionnaires et à lui permettre de s'exprimer, à sa demande, devant les organes dirigeants, dans la mesure où le contrôleur spécifique ne sera pas amené à remplacer le commissaire aux comptes devant ces instances, comme le prévoyait initialement le projet de loi.

Elle considère que les autres modifications, ayant pour objet de rendre le contrôleur spécifique plus indépendant du commissaire aux comptes peuvent se justifier, dans la mesure où il est explicitement prévu que le contrôleur spécifique est délié du secret professionnel à l'égard de la commission bancaire.

Votre commission estime que son objectif, qui était de mieux préciser la situation particulière du contrôleur spécifique, afin de faciliter les conditions d'exercice de sa mission, est convenablement atteint.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

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