ANNEXES

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ANNEXE N° 1

UNE CHAMBRE HAUTE " CLONE "
DE LA CHAMBRE BASSE :
LE CAS DE L'ITALIE

Dans la plupart des pays où le bicaméralisme a été institué, la Chambre Haute se distingue de la Chambre Basse, aussi bien par son mode d'élection que par ses attributions.

La " Première Chambre " étant dans les pays démocratiques généralement élue sur des " bases essentiellement démographiques " 51( * ) , il s'en suit que les caractéristiques des modes de scrutin de la " Seconde Chambre " loin de se limiter au le critère démographique intègrent d'autres éléments comme les territoires ou les collectivités (dans les Etats unitaires) ou les Etats fédérés (dans les Etats fédéraux).

Certains pays ont opté pour un Parlement constitué de deux assemblées dont le mode de scrutin et les attributions sont similaires.

Tel est le cas de l'Italie, Etat unitaire régional, qui constitue un exemple de ce que l'on peut qualifier de " bicaméralisme paritaire ", traduisant un compromis lors de l'élaboration de la Constitution de 1947 entre les formations politiques favorables au bicaméralisme et celles qui, plus réservées sur ce principe, ont conditionné leur adhésion au système bicaméral par un recrutement du Sénat sur des bases assez proches de celles retenues pour l'élection des membres de la Chambre des députés et à une égalité de compétences.

Si l'article 57 de la Constitution italienne prévoit que " le Sénat de la République est élu sur la base régionale ", la législation ne tire pas toutes les conséquences de ce principe.

La région constitue certes le cadre de l'élection 52( * ) et chacune d'entre elles est assurée de bénéficier d'un nombre de sièges minimum, règle qui permet à trois régions sur vingt de disposer, au total, de dix sièges supplémentaires par rapport à ceux qui leur auraient été attribués selon les critères exclusivement démographiques à la base de la répartition des sièges entre les régions. Ceci n'est pas de nature à modifier sensiblement la composition du Sénat (315 sièges, auxquels s'ajoutent quelques sièges de sénateurs à vie, dont le nombre ne dépasse pas la dizaine).

Comme les députés, les sénateurs sont élus au suffrage universel direct.

Selon le régime électoral du Sénat établi en 1948 et appliqué jusqu'en 1992, le scrutin était uninominal, l'électeur devant choisir entre des candidatures individuelles. Tout candidat ayant obtenu dans une circonscription 65 % du nombre des votants lors du tour unique était élu.

Les autres sièges -c'est-à-dire, dans les faits, la quasi totalité d'entre eux- étaient attribués à la représentation proportionnelle dans le cadre de la région.

Les candidats dans les différentes circonscriptions étaient autorisées à se regrouper au plan régional et les sièges étaient répartis entre ces groupes à la représentation proportionnelle, puis affectés aux candidats dans l'ordre du pourcentage des suffrages qu'ils avaient obtenus dans leur circonscription.

Ce système complexe aboutissait pratiquement à une élection du Sénat à la représentation proportionnelle et permettait à certaines circonscriptions d'avoir plusieurs élus quand d'autres n'en n'avaient aucun. Il pouvait permettre aussi à un candidat arrivé en deuxième position dans une circonscription d'être élu au bénéfice de son apparentement, quand bien même le candidat arrivé en tête n'aurait pas été élu.

Ce régime électoral favorisait les candidats dans les circonscriptions rurales, dont le corps électoral est généralement moins diversifié que celui des centres urbains.

Les députés étaient, pour leur part, élus au scrutin plurinominal à la représentation proportionnelle dans le cadre de 32 circonscriptions, dont le tiers correspondait exactement à une région.

Les différences de méthode de répartition des sièges à la proportionnelle (à la plus forte moyenne au plan régional pour le Sénat et aux plus forts restes au plan national pour la Chambre des députés) permettaient aux plus petites formations politiques d'être un peu mieux représentées à la Chambre Basse.

En revanche, les deux assemblées se distinguent pour les règles relatives à l'âge minimum pour en être électeur (18 ans pour les députés, 25 ans pour les sénateurs) et à l'âge d'éligibilité (respectivement 25 ans et 40 ans).

Il en résulte que le corps électoral des sénateurs est inférieur d'environ 5 millions de personnes à celui des députés.

Ces deux assemblées étaient donc élues sur des bases comparables (circonscriptions délimitées en fonction de la population, représentation à la proportionnelle).

Le nouveau régime électoral des deux assemblées du Parlement italien, issu de deux lois du 4 août 1993, en attribuant la plupart des sièges au scrutin majoritaire tant au Sénat qu'à la Chambre des députés, n'a pas eu pour effet de différencier sensiblement le mode de scrutin du Sénat par rapport à celui de la Chambre des députés.

En effet, chacune des deux assemblées comprend désormais approximativement les trois quarts de parlementaires effectivement élus au scrutin majoritaire, le quart d'entre eux seulement restant élus au scrutin proportionnel.


Pour le Sénat, les candidats se présentent tous individuellement dans une circonscription, aussi bien pour les sièges attribués à l'un qu'à l'autre mode de scrutin. Les sièges pourvus au scrutin majoritaire le sont à la majorité simple et non plus à celle de 65%. Les sièges attribués à la proportionnelle le sont selon un mécanisme d'apparentement semblable à celui précédemment appliqué pour la quasi totalité des sièges

En ce qui concerne la Chambre des députés, il est procédé à deux scrutins séparés selon que les parlementaires sont élus au scrutin majoritaire ou au scrutin proportionnel.

Avant l'uniformisation à 5 ans de la durée des mandats des parlementaires, en 1963, les élections aux deux assemblées se sont donc toujours déroulées à la même date, le Sénat étant, dissous lors de l'expiration des pouvoirs de la Chambre des députés.

Depuis cette uniformisation, les dissolutions ont toujours été concomitantes.

Il n'est donc pas étonnant de constater que les résultats électoraux, en voix comme en sièges, ont été, depuis 1948, assez proches dans les deux assemblées.

Il est évidemment prématuré de tirer des conclusions définitives sur les effets du nouveau mode de scrutin.

Cependant, les premières élections parlementaires organisées selon le nouveau mode de scrutin, le 21 avril 1996, ont permis à la coalition victorieuse de remporter la majorité absolue des voix au Sénat et une majorité relative à la Chambre des députés, résultats traduisant donc un léger décalage dans la composition de l'une des assemblées par rapport à l'autre.

La similitude entre les deux assemblées se constate tout aussi bien en ce qui concerne leurs attributions, tant en matière législative que de contrôle, aucune assemblée n'ayant de prééminence sur l'autre.

Quelle que soit la catégorie des lois, elles ne peuvent résulter que de l'adoption d'un texte identique par les deux assemblées.

La navette est illimitée, puisqu'il n'existe aucune procédure de conciliation du type de la commission mixte paritaire française, ce qui n'empêche pas certaines concertations entre parlementaires des deux assemblées, suivant les cas, prévues par les règlements des assemblées ou engagées selon des procédures officieuses
.

Les désaccords entre les deux assemblées -dont la composition politique est assez proche- sont très rares et la proportion de textes ayant échoué en raison d'une opposition du Sénat ne dépasse pas 1 %.

Le Sénat utilise assez peu son droit d'amendement, puisque 60 % des lois sont adoptées sans qu'il les ait modifiées
, bien que son accord soit indispensable pour toutes les catégories de textes.

Les lois d'initiative sénatoriale sont aussi nombreuses que celles résultant de propositions de députés, alors cependant que l'effectif de la Haute Assemblée est inférieur d'environ la moitié.

Si le Gouvernement est responsable devant les deux assemblées dans des conditions égales, on remarquera que la plupart des crises ministérielles sont provoquées par la rupture de la coalition, sans que l'une ou l'autre assemblée n'ait formellement refusé ou retiré sa confiance au Gouvernement.

Les deux assemblées peuvent être amenées à siéger en séances communes, pour l'exercice de fonctions électives ou judiciaires, mais non législatives ou de contrôle.

Il s'agit des seules hypothèses dans lesquelles le Sénat dispose de pouvoirs inégaux, puisque ses membres constituent le tiers de l'effectif du Parlement.

Enfin, sur des questions importantes (réformes institutionnelles, questions régionales ou consultation sur des " décrets législatifs " lorsque le Gouvernement est habilité à légiférer, par exemple), des commissions paritaires peuvent être constituées.

Force est de constater que les relations entre les deux assemblées n'ont jamais été marquées par des conflits importants.

Le Sénat, en raison de son recrutement similaire à celui de la Chambre des députés, ne constitue ni un réel contrepoids, ni une garantie contre les abus éventuels d'une majorité qui est aussi la sienne.


Il a parfois été qualifié de " doublon ". On pourrait dire aujourd'hui que le Sénat constitue le " le clone " de la Chambre des députés .

Un recrutement non différencié conduit inévitablement à s'interroger sur le principe même du bicaméralisme.

Ceux qui sont sincèrement attachés à ce principe fondamental ne peuvent donc que s'opposer à toute réforme tendant à prévoir l'élection des membres des deux assemblées sur les bases similaires.

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