Projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer

HYEST (Jean-Jacques)

RAPPORT 3 (1999-2000) - commission des lois

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Table des matières




N° 3

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 6 octobre 1999

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances , les mesures législatives nécessaires à l' actualisation et à l' adaptation du droit applicable outre-mer ,

Par M. Jean-Jacques HYEST,

Sénateur,

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Simon Loueckhote, François Marc, Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (11
ème législ. ) : 1623 , 1666 et T.A. 339 .

Sénat : 424 (1998-1999).


Départements et territoires d'outre-mer.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le 6 octobre 1999 sous la présidence de M. Jacques Larché, président, la commission des Lois a examiné, sur le rapport de M. Jean-Jacques Hyest, le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 10 juin 1999.

Après avoir rappelé que si la loi métropolitaine s'appliquait d'emblée dans les départements d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, soumis au principe de l'assimilation législative, elle ne pouvait s'appliquer que sur mention expresse et après consultation de l'assemblée délibérante de la collectivité pour les territoires d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et la collectivité territoriale de Mayotte, régis par le principe de la spécialité législative, M. Jean-Jacques Hyest a regretté que la question de l'applicabilité de la loi métropolitaine à ces collectivités d'outre-mer ne soit pas traitée au gré de chaque avancée législative mais de façon différée, par le biais de projets de loi portant dispositions diverses relatives à l'outre-mer ou par la procédure des ordonnances.

Le rapporteur ayant indiqué les matières constituant le champ de l'habilitation demandée et ayant estimé que le dispositif proposé répondait aux exigences fixées par l'article 38 de la Constitution, la commission des Lois a adopté conforme le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi aujourd'hui soumis à votre examen, portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer, a été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 10 juin 1999.

Il s'agit une nouvelle fois d'autoriser le Gouvernement, en vertu de la procédure de l'article 38 de la Constitution, à opérer une modernisation du droit applicable dans les départements d'outre-mer, dans les territoire d'outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et dans les deux collectivités territoriales à statut particulier que constituent Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon. La précédente vague d'ordonnances consacrées à l'outre-mer, au total une vingtaine prises sur le fondement de la loi d'habilitation du 6 mars 1998 et publiées au Journal Officiel au cours de l'été 1998 1( * ) , sont en cours de ratification : les quatre projets de loi de ratification au sein desquels elles ont été regroupées selon une logique thématique ont d'ores et déjà été adoptés par l'Assemblée nationale et devraient être prochainement inscrits à l'ordre du jour du Sénat.

Si le recours à la procédure des ordonnances a été relativement fréquent pour opérer les modifications législatives nécessaires à l'outre-mer, il semble désormais devenir usuel, se substituant aux projets de loi portant dispositions diverses ou " projets de loi balai ". Alors que la seconde méthode ne favorise guère un débat parlementaire de fond du fait du caractère extrêmement disparate des dispositions portées à la discussion, la première aboutit encore davantage à escamoter ce débat : le fait que six pages de Journal Officiel suffisent à retracer la discussion à l'Assemblée nationale des articles des quatre projets de loi de ratification susvisés est significatif à cet égard.

Cette technique qui emporte dessaisissement du législateur tend donc à se banaliser et démontre que les consignes gouvernementales résultant des deux circulaires du 21 avril 1988 et du 15 juin 1990 adressées aux administrations centrales sont largement restées lettre-morte. La première précisait en effet que son but était de " sensibiliser les administrations à la prise en compte de l'outre-mer dans l'élaboration de leur politique et dans la rédaction des textes législatifs et réglementaires " et prenait acte qu'il " est encore trop souvent constaté que cette préoccupation est tardive, voire absente, et conduit, uniquement pour des raisons de calendrier ou de procédure, à différer l'application de certains textes outre-mer et, par conséquent, à accentuer des différences non justifiées entre la métropole et les DOM-TOM ". La seconde exhortait à nouveau ces administrations à " associer suffisamment tôt le ministère des départements et territoires d'outre-mer aux travaux de préparation des textes pour qu'il puisse apprécier, en droit et en opportunité, leur applicabilité aux territoires d'outre-mer ".

Force est de constater que les projets de texte incluant d'emblée les mesures nécessaires à leur extension ou à leur mise en oeuvre outre-mer ne sont pas légion et, si l'on dénote quelques menus progrès au cours de la période récente, il est à craindre que les facilités offertes par un recours banalisé à la procédure des ordonnances ne mette rapidement un terme à cette évolution favorable.

L'outre-mer, en proportion de ses spécificités lesquelles impliquent des adaptations législatives et réglementaires, n'applique qu'avec retard les avancées du droit métropolitain. Le régime législatif particulier applicable à certaines de ces collectivités, supposant la consultation préalable des assemblées locales et donc la prise en considération des délais correspondants dans le calendrier d'élaboration des textes, ne favorise pas non plus une évolution concomitante du droit métropolitain et du droit applicable outre-mer.

Rappelons en effet que les départements d'outre-mer et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon d'une part, les territoires d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et la collectivité territoriale de Mayotte d'autre part, obéissent à des régimes législatifs différents.

I. LE RÉGIME LÉGISLATIF APPLICABLE AUX COLLECTIVITÉS D'OUTRE-MER

A. LE RÉGIME DE L'ASSIMILATION LÉGISLATIVE

Le principe dit de " l'assimilation législative " s'applique aux départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon : cela signifie que les lois métropolitaines y sont de plein droit applicables, l'article 73 de la Constitution prévoyant seulement que " le régime législatif et l'organisation administrative des départements d'outre-mer peuvent faire l'objet de mesures d'adaptation nécessitées par leur situation particulière ". Ces mesures d'adaptation ne sauraient cependant être d'une ampleur telle qu'elles tiendraient en échec le principe d'assimilation : le Conseil constitutionnel vérifie ainsi qu'elles n'ont pas " pour effet de conférer aux départements d'outre-mer une organisation particulière, prévue par l'article 74 de la Constitution pour les seuls territoires d'outre-mer " (décision n° 82-152 DC du 2 décembre 1982). Précisons qu'en dehors de ces mesures d'adaptation fondées sur la spécificité de leur situation, l'adoption de dispositions expresses d'extension est parfois requise concernant des textes antérieurs à 1946, dès lors qu'avant la loi de départementalisation du 19 mars 1946 la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion étaient soumises au régime de la spécialité législative. Il en est de même concernant Saint-Pierre-et-Miquelon pour l'extension de dispositions législatives antérieures à 1977.

Si ce principe d'assimilation vaut à la fois pour ces départements et cette collectivité à statut particulier, la procédure applicable conserve une spécificité concernant Saint-Pierre-et-Miquelon : en effet, l'article 24 de la loi statutaire du 11 juin 1985 ayant abrogé la loi de départementalisation du 19 juillet 1976 prévoit l'obligation de consulter le conseil général. Si cette obligation existe également pour les départements d'outre-mer, sa portée juridique est moindre puisqu'elle résulte d'un simple décret (article 1 er du décret du 26 avril 1960 relatif à l'adaptation du régime législatif et de l'organisation administrative des départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion).

B. LE RÉGIME DE LA SPÉCIALITÉ LÉGISLATIVE

En revanche, les territoires d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et Mayotte sont régis par le principe dit de la " spécialité législative " : à l'exception des " lois de souveraineté ", catégorie doctrinale définie de façon imprécise qui comprend notamment les lois constitutionnelles, les lois organiques ou encore les lois relatives au statut civil des personnes, l'applicabilité des textes législatifs dans ces collectivités est subordonnée à l'adoption d'une disposition expresse d'extension. Cette obligation d'extension expresse vaut également pour toute modification d'une disposition précédemment rendue applicable : toute nouvelle avancée législative doit donc formellement être introduite, même lorsqu'elle porte sur une législation déjà étendue (Conseil d'État, arrêt du 9 février 1990 " Elections municipales de Lifou ").

Ce principe de la spécialité législative trouve, pour les territoires d'outre-mer, son fondement dans l'article 74 de la Constitution aux termes duquel " les territoires d'outre-mer de la République ont une organisation particulière tenant compte de leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République " et " les autres modalités que les aspects statutaires de leur organisation particulière sont définies et modifiées par la loi après consultation de l'assemblée territoriale intéressée ".

Bien que n'étant plus un territoire d'outre-mer depuis la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998, la Nouvelle-Calédonie continue à être régie par ce même principe encore qu'il ne puisse être déduit qu'indirectement du dernier alinéa de l'article 77 de la Constitution figurant au nouveau titre XIII consacré à cette collectivité sui generis . L'article 90 de la loi organique statutaire du 19 mars 1999 répare en partie cet oubli en prévoyant une obligation de consulter le congrès de la Nouvelle-Calédonie : " Le congrès est consulté par le haut-commissaire, avant leur examen par le Conseil d'État, sur les projets de loi et sur les projets d'ordonnance, lorsqu'ils introduisent, modifient ou suppriment des dispositions spécifiques à la Nouvelle-Calédonie. Le congrès dispose d'un délai d'un mois pour rendre son avis. (...) Le congrès est également consulté, dans les mêmes conditions, avant leur adoption en première lecture par la première assemblée saisie, sur les propositions de loi comportant de telles dispositions. ". Cette disposition reprend ainsi le critère délimitant la portée de l'obligation de consulter l'assemblée territoriale intéressée fixé par le Conseil constitutionnel (décision n° 94-342 DC du 7 juillet 1994) : selon cette jurisprudence, les dispositions législatives devant faire l'objet d'une extension expresse nécessitent en principe une consultation préalable, sauf lorsque la disposition concernée " n'introduit, ne modifie ou ne supprime aucune disposition spécifique ".

Le principe de la spécialité législative s'applique également à la collectivité territoriale de Mayotte en vertu de l'article 10 de la loi du 24 décembre 1976. Dans ce dernier cas cependant, la consultation préalable du conseil général, si elle est régulièrement mise en oeuvre, reste juridiquement facultative.

Au total, sur neuf collectivités d'outre-mer concernées par les projets d'ordonnance et dotées d'une assemblée délibérante 2( * ) , en pratique toutes consultées sur le projet de loi d'habilitation, sept ont rendu un avis exprès. Seuls le congrès de la Nouvelle-Calédonie et l'assemblée de la Polynésie française se sont abstenus.

Tout en soulignant une nouvelle fois les inconvénients qui s'attachent à une utilisation systématique de la procédure des ordonnances, votre commission ne s'y opposera pas, soucieuse de ne pas retarder davantage le processus de modernisation de la législation applicable outre-mer, la plupart des extensions et adaptations envisagées répondant à des demandes pressantes des collectivités concernées.

II. LE RÉGIME JURIDIQUE DES ORDONNANCES

Le recours aux ordonnances suppose une autorisation du législateur qui accepte ainsi de se dessaisir au profit de l'exécutif : cette habilitation doit cependant être correctement délimitée, le Conseil constitutionnel ayant précisé les contours du régime défini par l'article 38 de la Constitution aux termes duquel " le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ".

Le juge a tout d'abord exigé du Gouvernement qu'il spécifie la finalité des mesures qu'il entend prendre sur le fondement de l'habilitation. Dans sa décision n° 76-72 DC du 12 janvier 1977, le Conseil constitutionnel énonce ainsi que " s'il est (...) spécifié à l'alinéa 1 er de l'article 38 (...) de la Constitution que c'est pour l'exécution de son programme que le Gouvernement se voit attribuer la possibilité de demander au Parlement l'autorisation de légiférer par voie d'ordonnances, (...) ce texte doit être entendu comme faisant obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement lors du dépôt d'un projet de loi d'habilitation et pour la justification de la demande présentée par lui, quelle est la finalité des mesures qu'il se propose de prendre ". Il a en outre précisé dans sa décision n° 86-207 DC des 25 et 26 juin 1986 que le Gouvernement avait l'obligation d'indiquer " le domaine d'intervention " des mesures envisagées sans aller jusqu'à être " tenu de faire connaître la teneur des ordonnances qu'il prendra ". Conformément à la pratique récente cependant, votre rapporteur a été rendu destinataire des avant-projets d'ordonnances ce qui lui permet de mieux cerner le champ de l'habilitation demandée.

Le Conseil constitutionnel a ensuite exclu du champ de la délégation les mesures relevant de la loi organique (décision n° 81-134 DC du 5 janvier 1982). Cette limite doit être particulièrement mentionnée concernant la législation relative à l'outre-mer dans la mesure où les statuts des territoires d'outre-mer, en vertu de l'article 74 de la Constitution, relèvent de lois organiques. Le champ de l'habilitation de saurait donc inclure des matières de nature statutaire relevant du domaine de la loi organique et il importera de vérifier, à l'occasion de l'examen du projet de loi de ratification, que les mesures figurant dans les ordonnances ne correspondent pas à des " dispositions qui définissent les compétences des institutions propres du territoire, les règles essentielles d'organisation et de fonctionnement de ces institutions, y compris les modalités selon lesquelles s'exercent sur elles les pouvoirs de contrôle de l'État, ainsi que les dispositions qui n'en sont pas dissociables " (décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996).

Enfin, l'article 38 de la Constitution ne conçoit la possibilité de la délégation que pour un laps de temps limité : la loi d'habilitation doit fixer la date avant l'expiration de laquelle les ordonnances devront être prises ainsi que la date butoir assignée au Gouvernement pour déposer le projet de loi de ratification. Si aucune disposition n'impose formellement l'inscription de ce dernier à l'ordre du jour parlementaire, le Conseil constitutionnel admettant le procédé de la ratification tacite qui résulte de la " manifestation de volonté implicitement, mais clairement exprimée du Parlement " lors du vote d'une loi ultérieure modifiant les mesures prises par ordonnance (décision n° 72-73 DC du 29 février 1972), une ratification expresse semble de loin préférable : elle constitue l'occasion pour le Parlement jusque-là dessaisi d'exercer un contrôle sur le contenu des ordonnances ; elle permet par ailleurs de conférer valeur législative à l'ensemble des mesures prises sans attendre que cette onction résulte au cas par cas de modifications ultérieures et constitue donc un gage de cohérence et de sécurité juridique pour l'ordonnancement juridique.

III. L'ÉCONOMIE DU PROJET DE LOI

Le projet de loi aujourd'hui soumis à votre examen tente de répondre à ces exigences en procédant, dans ses trois premiers articles, à la délimitation ratione materiae et ratione temporis du champ de l'habilitation.

L'article premier énumère les différentes matières pour lesquelles le Gouvernement envisage de légiférer par ordonnances. La liste en huit points du projet de loi initial s'est enrichie de quatre nouvelles rubriques lors de l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale. Le champ de l'habilitation est nécessairement très disparate mais les différentes rubriques peuvent s'ordonner autour de quatre objectifs principaux :

- la nécessité pour l'État d'assumer ses obligations financières vis-à-vis de l'outre-mer : il s'agit là de pérenniser d'une part la contribution versée au profit des communes de la Polynésie française par l'intermédiaire du Fonds intercommunal de péréquation (F.I.P.) (point n°3), et d'autre part le concours de l'État en faveur de l'établissement public de santé territorial de Mayotte (point 6°) ;

- l'actualisation des droits sociaux devant bénéficier aux ressortissants des collectivités d'outre-mer : par référence à la rubrique n° 8 relative au droit du travail, des mesures devraient être prises pour permettre aux partenaires sociaux de négocier des accords d'annualisation du temps de travail à Mayotte et aux îles Wallis-et-Futuna, pour préciser les règles d'option de juridiction en matière de litiges de contrats de travail pour les salariés ayant travaillé outre-mer et n'y résidant plus ou encore pour étendre à Wallis-et-Futuna les règles de base en matière d'hygiène et de sécurité ;

- le renforcement de l'État de droit et de la sécurité juridique dans les collectivités d'outre-mer : extension de la législation sur le droit d'asile aux territoires d'outre-mer et à Mayotte (point n° 4) et définition des conditions d'élaboration d'un état civil fiable à Mayotte (point n° 5) ;

- les avancées en matière de santé publique : actualisation des règles relatives aux professions de santé (point n°6 : conditions d'exercice de certaines professions ; point n° 7 : création de juridictions ordinales pour ces professions) ; création d'une agence de santé aux îles Wallis-et-Futuna (point n° 6).

La liste des matières décrivant le champ de l'habilitation vise également deux questions concernant l'organisation des institutions sociales et financières dans les départements d'outre-mer : il s'agit d'une part de mettre en conformité l'organisation des agences d'insertion avec la modification de statut opérée par la loi du 29 juillet 1998 consistant dans leur transformation en établissements publics locaux à caractère administratif (point n° 1), et d'autre part d'adapter le statut et les missions de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM) pour prendre en compte les impératifs de l'Union économique et monétaire (point n° 2).

Quatre autres rubriques ont été ajoutées à cette liste lors du débat à l'Assemblée nationale : la durée de la scolarité obligatoire et l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles aux îles Wallis-et-Futuna (points n° 9 et 10 : amendements présentés par M. Victor Brial), l'adaptation de la législation relative aux transports intérieurs dans les départements d'outre-mer (point n° 11 : amendement présenté par MM. Camille Darsières et Daniel Marsin) et la codification du droit électoral applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et aux îles Wallis-et-Futuna (point n° 12 : amendement du Gouvernement).

En vertu de ce champ d'habilitation, l'entreprise de modernisation de la législation applicable amorcée par le précédent train d'ordonnances sera poursuivie dans l'ensemble des collectivités d'outre-mer.

L'article 2 prévoit la consultation des assemblées des différents territoires, départements ou collectivités intéressés sur les projets d'ordonnance.

Le respect de cette procédure de consultation s'impose, en vertu de l'article 74 de la Constitution pour les territoires d'outre-mer (Polynésie française, Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises) et aux termes de l'article 90 de la loi organique du 19 mars 1999 pour la Nouvelle-Calédonie. L'article 24 de la loi statutaire du 11 juin 1985 pose également cette exigence pour la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon. Pour ces territoires et collectivités, l'article 2 n'opère donc qu'un rappel, sans portée normative. Il crée en revanche une obligation légale nouvelle de procédure pour les départements d'outre-mer, la consultation des conseils généraux n'étant à ce jour prévue que par un décret, et pour Mayotte, collectivité pour laquelle la demande d'avis constitue une simple faculté en vertu de l'article 10 de la loi du 24 décembre 1976. L'article 2 précise in fine, selon une formule qui devient habituelle, que le délai imparti aux conseils généraux des deux collectivités territoriales à statut particulier, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi qu'aux conseils généraux et régionaux de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion pour rendre leur avis est de deux mois.

L'article 3 définit les délais de l'habilitation : d'une part le délai avant l'expiration duquel les ordonnances devront être prises, en second lieu le délai imparti au Gouvernement pour déposer les projets de loi de ratification sur le bureau du Parlement.

Un délai de six mois est ainsi prévu pour permettre au Gouvernement de prendre les ordonnances envisagées, les projets de loi de ratification devant être déposés au cours des trois mois suivants. Le premier délai correspond à celui qui fut accordé au Gouvernement au printemps 1998 par la dernière loi d'habilitation ; le second en revanche est de neuf mois au lieu de sept.

Observons en outre qu'à l'instar de la précédente loi d'habilitation du 6 mars 1998, plusieurs projets de loi de ratification sont prévus ce qui devrait permettre de regrouper les ordonnances par grands domaines et faciliter leur examen par le Parlement, chaque commission permanente étant saisie selon sa compétence.

A ces trois premiers articles délimitant le champ et les conditions de l'habilitation, le présent projet de loi ajoute un article 4 ayant un objet distinct. S'il paraît regrettable qu'une disposition sans rapport avec l'objet du projet de loi ait été ainsi adjointe, risquant lors du débat au Parlement de susciter un effet d'appel et de transformer le projet de loi en " loi balai ", cet ajout peut se justifier pour éviter une ordonnance pour une extension législative ponctuelle n'appelant pas de mesure d'adaptation spécifique : il s'agit d'étendre à la Nouvelle-Calédonie la loi du 29 mars 1999 relatives aux enquêtes techniques sur les accidents et les incidents dans l'aviation civile.

*

* *

Votre commission des Lois vous propose d'adopter sans modification l'ensemble du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
Champ de l'habilitation

Cet article a pour objet de définir la finalité et le champ de l'habilitation législative accordée au Gouvernement : il énumère ainsi, selon une formulation plus ou moins précise en fonction des rubriques, les différentes matières concernées par les projets d'ordonnance. La finalité des mesures envisagées étant la poursuite de l'actualisation et de l'adaptation du droit applicable outre-mer, les exigences fixées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à l'article 38 de la Constitution paraissent satisfaites.

La liste des domaines dans lesquels le Gouvernement envisage de légiférer par ordonnances est passée de huit dans le projet de loi initial à douze lors de son examen en première lecture à l'Assemblée nationale. Ces matières sont les suivantes :

Adaptation du statut des agences d'insertion dans les départements d'outre-mer :

Les agences d'insertion dans les départements d'outre-mer ont été créées par la loi n° 94-638 du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte qui, par son article premier, modifie la loi n° 88-1088 du 1 er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion.

Cette loi a institué une agence dans chaque département d'outre-mer, désignée comme " établissement public national placé sous la tutelle du ministre chargé des départements d'outre-mer ". Chaque agence se voit confiée la triple mission d'élaborer et de mettre en oeuvre le programme départemental d'insertion, de proposer la part des crédits d'insertion affectés au financement de logements sociaux pour les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion et d'établir le programme annuel de tâches d'utilité sociale offertes à ces mêmes personnes. Elle est administrée par un conseil d'administration présidé conjointement par le préfet et le président du conseil général, ce conseil étant composé en nombre égal de représentants des services de l'État dans le département, de représentants de la région, du département et des communes et de personnalités qualifiées choisies au sein d'associations ou d'institutions intervenant dans le domaine de l'insertion.

Le statut de ces agences a été modifié par la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions : l'article 19 de cette loi, d'origine parlementaire, les transforme en " établissements publics locaux à caractère administratif ". Bien qu'ayant permis une meilleure coordination de l'action des commissions locales d'insertion, la gestion des agences était " jugée trop lourde par les élus locaux et la tutelle de l'administration centrale trop pesante ".

L'habilitation demandée devrait permettre de tirer toutes les conséquences de cette modification statutaire et d'adapter certaines règles constitutives relatives, notamment, au régime administratif, financier et comptable des agences d'insertion en s'inspirant du droit applicable aux établissements publics départementaux résultant du code général des collectivités territoriales. Il devrait par ailleurs être mis fin au système de la co-présidence du conseil d'administration par le préfet et le président du conseil général : la présidence reviendrait à ce dernier, le représentant de l'État se voyant confier le rôle de commissaire du Gouvernement ayant la possibilité, au-delà des contrôles de droit commun, de demander au conseil d'administration une nouvelle délibération lorsqu'une décision paraît contraire à la bonne administration ou aux missions de l'agence.

Enfin, pour éviter les conséquences négatives de ce changement statutaire pour les personnels actuellement employés par les agences d'insertion, une disposition devrait pérenniser les contrats à durée indéterminée en cours, dérogeant ainsi aux principes résultant de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.



Evolution des missions et de l'organisation de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM) :

L'institut d'émission des départements d'outre-mer, créé par l'ordonnance n° 59-74 du 7 janvier 1959 afin d'assurer le service de l'émission monétaire dans les départements d'outre-mer, a vu ses missions et son périmètre d'intervention évoluer avec la généralisation du franc métropolitain outre-mer en 1975, le rattachement de Saint-Pierre-et-Miquelon en 1978 et celui de Mayotte en 1999. Le service de l'émission monétaire dans les départements d'outre-mer étant jusqu'à la création de cet institut assuré par la Caisse centrale de coopération économique, devenue l'Agence française de développement, le personnel de l'IEDOM continue à être détaché de cet organisme.

L'IEDOM exerçant dans les départements d'outre-mer les missions qui sont celles de la Banque de France, lesquelles sont assumées depuis le 1 er janvier 1999 par le système européen de banques centrales (SEBC), la question du devenir de l'Institut dans sa forme actuelle est posée. Un rapprochement avec la Banque centrale paraît inéluctable qui devrait cependant préserver sa dimension ultramarine ainsi que certaines spécificités du statut de ses personnels (326 personnes).

La réflexion et la concertation avec les syndicats pour déterminer la formule juridique qui sera en définitive choisie, intégration ou filialisation, est en cours depuis plusieurs mois et les difficultés de la négociation ont poussé le Gouvernement à substituer au projet de loi initialement prévu une demande d'habilitation en vue de l'élaboration d'un projet d'ordonnance. Observons que le chef d'habilitation concernant l'IEDOM est le seul pour lequel aucun avant-projet d'ordonnance n'a été transmis à votre rapporteur.



Contribution de l'État aux ressources des communes de la Polynésie française :

Depuis 1994, l'État verse une contribution aux ressources communales, en particulier par l'intermédiaire du Fonds intercommunal de péréquation (F.I.P.). Fixée à deux quinzièmes du montant de la quote-part versée en 1993 par le territoire au F.I.P., cette contribution de l'État donne lieu à un abondement de ce fonds à hauteur de 52,05 millions de francs par an et, pour le solde, à un abondement consolidé de la dotation globale de fonctionnement versée aux communes par le ministère de l'intérieur.

Il est projeté, par voie d'ordonnance, de pérenniser cette contribution annuelle qui, aux termes de l'article 12 de la loi n° 94-99 du 5 février 1994 d'orientation pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie française, n'était prévue que jusqu'en 1998. Cette mesure correspond à une disposition figurant dans le projet de loi relative au régime communal applicable dans le territoire de la Polynésie française, déposé devant le Parlement au mois de juin 1998 mais non encore examiné dans l'attente de la réforme statutaire de cette collectivité. La reprise du dispositif dans une ordonnance devrait permettre le versement de cette contribution pour l'exercice 1999.



Actualisation du droit d'asile et du régime applicable à l'entrée et au séjour des étrangers en Polynésie française, aux îles Wallis-et-Futuna et dans la collectivité territoriale de Mayotte :

La demande d'habilitation a pour objet l'extension à la Polynésie française, aux îles Wallis-et-Futuna et à Mayotte du régime juridique applicable en matière de droit d'asile résultant de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 et des dispositions des articles 35 ter, 35 quater, 35 quinquies et 36 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France., qui concernent le dispositif des zones d'attente pour les demandeurs d'asile.

Certaines adaptations devront être prévues pour tenir compte des attributions exercées localement par les représentants de l'État, parfois chargés d'agir en lieu et place du ministre de l'intérieur.

L'ensemble de ces dispositions ont récemment été étendues à la Nouvelle-Calédonie par le loi du 19 mars 1999 : il convient de procéder de même dans les autres collectivités afin que le droit d'asile, de portée constitutionnelle, soit également garanti sur le territoire.

État des personnes et régime de l'état civil dans la collectivité territoriale de Mayotte :

Ce chef d'habilitation devrait permettre, par l'adoption de trois ordonnances, de poursuivre la remise en ordre de l'état civil mahorais amorcée par l'ordonnance n° 98-732 du 20 août 1998 prise sur le fondement de la loi d'habilitation du 6 mars 1998.

Le premier projet d'ordonnance vise à imposer aux Mahorais ayant le statut civil personnel des règles précises en matière de déclaration des décès et de déclaration des mariages. Il devrait notamment fixer à quinze ans l'âge minimal pour le mariage des femmes et rendre obligatoire la présence d'un officier d'état civil à la cérémonie, ayant pour mission de procéder aux formalités de déclaration et de s'assurer du consentement des époux.

Le deuxième projet d'ordonnance tend à définir des règles de fixation et de dévolution du nom patronymique pour les Mahorais relevant du statut civil personnel, soit 95% de la population. Alors que dans la conception occidentale le nom patronymique et le prénom permettent d'identifier une personne et une descendance familiale, l'absence de règles caractérisant à cet égard le droit local est source d'insécurité juridique et génère des fraudes en matière de nationalité. Aussi, dans le cadre de la convention de développement économique et social signée en 1995 entre l'État et la collectivité territoriale de Mayotte, une commission de réflexion sur le nom patronymique a-t-elle été mise en place qui a établi un rapport dont les conclusions, préconisant l'établissement d'un critère de choix unique pour la dévolution du nom patronymique permanent, ont été approuvées par le conseil général de Mayotte.

Ce projet d'ordonnance concernant l'état civil à Mayotte tend par ailleurs à créer une commission de révision des actes de l'état civil afin de procéder à une remise en état et parfois même à une reconstitution des registres. La détérioration généralisée des registres d'état civil et la destruction totale ou partielle de certains d'entre eux liées aux contingences climatiques locales et aux conditions de conservation aléatoires privent une grande partie des Mahorais de tout état civil ; ceux-ci sont dès lors confrontés à d'importantes difficultés dans leur vie quotidienne et professionnelle quand il leur faut prouver leur identité. Ces difficultés ont pour effet de restreindre leur liberté de circulation hors du territoire mahorais et prive même certains de leur droit de vote. La commission de révision devrait donc être chargée de reconstituer les registres d'état civil et d'établir les actes de naissance, de mariage ou de décès qui auraient dû y être portés en raison de leur survenance sur le territoire mahorais. Elle serait constituée d'un magistrat du siège, du préfet, du président du conseil général, des maires des communes compétents et du grand cadi.

La dualité des statuts civils a pour corollaire la dualité des états civils. Or, si les maires et adjoints de toutes les communes mahoraises ont la qualité d'officier d'état civil de droit personnel en application de la délibération précitée de la chambre des députés des Comores, en revanche seuls le maire de la commune de Dzaoudzi-Labattoir et ses adjoints ont qualité d'officier d'état civil de droit commun en vertu de l'ordonnance n° 77-450 du 29 avril 1977 portant extension aux communes de Mayotte du code des communes. En raison du coût d'un déplacement du sud de l'île jusqu'à Dzaoudzi, les personnes relevant du statut civil de droit commun renoncent parfois à effectuer les démarches nécessaires à l'inscription des naissances et des mariages au service de l'état civil dont ils relèvent, préférant y procéder à la mairie de leur commune de résidence au service de l'état civil de droit personnel. Il en résulte une grande confusion. Aussi le troisième projet d'ordonnance propose-t-il de modifier l'ordonnance de 1977 pour conférer la qualité d'officier d'état civil de droit commun à l'ensemble des maires de la collectivité territoriale et à leurs adjoints. Ce redéploiement du service de l'état civil de droit commun dans chaque mairie devrait faciliter les démarches des administrés et contribuer à désengorger le service de l'état civil de Dzaoudzi.

Ce dernier projet d'ordonnance devrait également modifier le délai de déclaration des naissances d'enfants ayant le statut civil de droit local dans la collectivité territoriale de Mayotte. Les délais de déclaration sont en effet actuellement différents selon que l'enfant relève du statut civil de droit commun (trois jours en vertu de l'article 55 du code civil) ou du statut civil personnel au sens de l'article 75 de la Constitution (quinze jours en vertu de l'article 16 de la délibération de la chambre des députés des Comores du 17 mai 1961). Cette dualité de délais génère une grande confusion car les personnes relevant du statut civil de droit commun, qui sont minoritaires et représentent quelque 5% de la population, croient fréquemment disposer de quinze jours pour procéder à la déclaration, le caractère tardif de leur démarche les contraignant à rechercher un jugement déclaratif de naissance. Il est donc envisagé d'aligner le délai de droit commun sur celui dont bénéficient les personnes ayant le statut civil personnel, ce qui devrait contribuer à désengorger le tribunal de première instance.



Droit de la santé :

Sur ce chef d'habilitation devraient être prises quatre ordonnances tendant à poursuivre l'extension des dispositions du code de la santé publique à l'outre-mer et à améliorer le niveau de protection sanitaire des populations concernées.

Il s'agirait tout d'abord d'actualiser pour les départements d'outre-mer, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises les dispositions relatives aux professions de médecin, de chirurgien-dentiste et de sage-femme. La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française ne sont pas concernées dans la mesure où ces dispositions relèvent de la compétence statutaire des autorités locales.

Il est prévu en deuxième lieu de créer une agence de santé à Wallis-et-Futuna, sous la forme d'un établissement public national administratif chargé d'élaborer un programme de santé publique, de le mettre en oeuvre et de délivrer les médicaments et les dispositifs médicaux. Seraient corrélativement étendues les dispositions du code de la santé publique indispensables au fonctionnement de la nouvelle agence (définition des médicaments, des dispositifs médicaux et de la pharmacie à usage intérieur). Le conseil d'administration de cet établissement serait présidé par l'administrateur supérieur du territoire.

Le troisième projet d'ordonnance a pour objet de corriger une erreur matérielle de libellé à l'article 22 de l'ordonnance n° 92-1070 du 1 er octobre 1992 portant extension et adaptation à la collectivité territoriale de Mayotte de diverses dispositions relatives à la santé publique pour y rendre applicables les dispositions du code de la santé publique intéressant la lutte contre le maladies mentales.

La quatrième ordonnance tend à pérenniser le système dérogatoire de financement de l'hôpital de Mayotte. En effet, l'ordonnance n°96-1122 du 20 décembre 1996, ratifiée par la loi n° 98-144 du 6 mars 1998, a institué à Mayotte un régime d'assurance maladie-maternité assurant à ses affiliés et leurs ayants-droit la couverture et le paiement direct des frais d'hospitalisation et de consultation externe engagés pour eux par l'hôpital, ainsi que l'affiliation, de droit, de tous les nationaux et des étrangers en situation régulière. L'article 34 de cette ordonnance a ainsi mis en place un mécanisme dérogatoire de financement de l'hôpital pour permettre la prise en charge des personnes ne pouvant faire la preuve de leur nationalité française ou de la régularité de leur séjour. Dans l'attente d'une remise en ordre de l'état civil, l'identification des débiteurs étant généralement très difficile, il apparaît nécessaire de reconduire, pour une durée de cinq ans, ce dispositif initialement présenté comme transitoire.



Juridictions ordinales des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des pharmaciens de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française :

Le titre III de l'ordonnance n° 98-729 du 20 août 1998 relative à l'organisation juridictionnelle dans les territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon insère au titre premier du livre IV du code de la santé publique des dispositions créant en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française une chambre territoriale de discipline de l'ordre des chirurgiens-dentistes, une telle création relevant, aux termes des lois statutaires, de la compétence de l'État. Il est envisagé de créer les mêmes juridictions ordinales de première instance en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française pour les médecins et les sages-femmes et de mettre ainsi fin à la compétence disciplinaire des conseils des sections locales de l'ordre des médecins du Pacifique et de l'Océanie. Cette réforme permettra de séparer l'exercice des compétences administratives de celui des compétences juridictionnelles, conformément au souhait du conseil national de l'ordre des médecins et des préconisations formulées par le Conseil d'État lorsqu'il fut saisi du projet d'ordonnance du 20 août 1998.



Droit du travail :

Le projet d'ordonnance propose de poursuivre la modernisation et l'adaptation des droits du travail en vigueur dans les départements d'outre-mer, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna entreprises depuis 1993 au travers des lois n° 93-1 du 4 janvier 1993, n° 95-97 du 1 er février 1995, n°96-609 du 5 juillet 1996 et de l'ordonnance n° 98-522 du 24 juin 1998.

Il est tout d'abord prévu de permettre aux partenaires sociaux de négocier des accords d'annualisation du temps de travail dans la collectivité territoriale de Mayotte et le territoire des îles Wallis-et-Futuna, dispositions d'ores et déjà introduites dans la législation du travail applicable en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie par l'ordonnance du 24 juin 1998.

Le deuxième point concerne l'option de juridiction pour les salariés ayant travaillé outre-mer et ne résidant plus sur le lieu d'exécution de leur contrat de travail après la rupture de celui-ci. Ce droit d'option est affirmé par l'article 181 de la loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires d'outre-mer et territoires associés relevant du ministère de la France d'outre-mer, toujours applicable dans les territoires d'outre-mer des îles Wallis-et-Futuna et des Terres australes et antarctiques françaises ainsi que dans la collectivité territoriale de Mayotte. S'il a été repris dans l'ordonnance n° 85-1181 du 13 novembre 1985 pour la Nouvelle-Calédonie au profit des personnes exécutant leur contrat de travail dans cette collectivité sans y avoir leur résidence habituelle, le dispositif doit cependant être précisé. Il s'agit par ailleurs de rendre applicable ce droit d'option en Polynésie française.

Le projet d'ordonnance prévoit en outre d'étendre aux îles Wallis-et-Futuna les règles de base du droit d'hygiène et de sécurité des travailleurs : la loi du 15 décembre 1952 précitée devrait être modifiée à cet effet pour y introduire, notamment, la responsabilité de l'employeur, l'obligation qui lui est faite de maintenir en constant état de propreté les locaux de travail ou de veiller à la sécurité. Cette avancée juridique paraît d'autant plus importante que ce territoire connaît les premiers développements d'une véritable activité économique, en particulier dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.

Enfin, le projet d'ordonnance devrait permettre de confier au directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de chaque département d'outre-mer et au chef de service du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de Saint-Pierre-et-Miquelon les compétences actuellement dévolues au directeur régional dans la perspective de la suppression de cette direction régionale installée à Créteil et compétente pour l'ensemble des départements et des collectivités territoriales d'outre-mer.

Lors de son examen en première lecture à l'Assemblée nationale , l'article premier du projet de loi d'habilitation a été complété par l'inscription de plusieurs mentions venant allonger la liste des rubriques délimitant le champ de l'habilitation. La dernière rubrique du projet de loi initial relative au droit du travail a ainsi été précisée, à l'initiative de la commission des Lois et contre l'avis du Gouvernement, par une référence à la législation de la médecine du travail. M. Jérôme Lambert, rapporteur, a en effet indiqué que l'inapplicabilité dans les départements d'outre-mer des dispositions du titre IV du livre II du code du travail créait un vide juridique qu'il convenait de combler. Le secrétaire d'État à l'outre-mer a quant à lui fait part de ses réserves, estimant une telle extension prématurée en l'absence d'étude d'impact préalable.



Quatre nouvelles rubriques ont par ailleurs été ajoutées en vue de :

- l'extension des dispositions relatives à la durée de la scolarité obligatoire aux îles Wallis-et-Futuna, en particulier l'obligation de scolarisation jusqu'à l'âge de seize ans révolus  (amendement présenté par M. Victor Brial) ;

- l'extension des dispositions relatives à l'indemnisation des victimes des catastrophes naturelles aux îles Wallis-et-Futuna. M. Victor Brial, auteur de l'amendement, a précisé que le régime d'indemnisation institué par la loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 avait d'ores et déjà été étendu aux départements d'outre-mer et aux collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon par la loi n° 90-509 du 25 juin 1990 ;

- l'adaptation pour les départements d'outre-mer de la législation relative aux transports intérieurs (amendement présenté par MM. Camille Darsières et Daniel Marsin) ;

- l'adoption d'une ordonnance devant permettre la codification du droit électoral applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna (amendement du Gouvernement).

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article premier sans modification .

Article 2
Consultations sur les projets d'ordonnance

Comme cela résultait déjà de la loi d'habilitation du 6 mars 1998, l'article 2 du présent projet de loi prévoit une large consultation des assemblées locales des différentes collectivités sur les projets d'ordonnance qui les intéressent.

Comme cela a été rappelé dans l'exposé général, la procédure applicable en matière de consultation en vue d'étendre et d'adapter des dispositifs législatifs aux collectivités d'outre-mer varie en fonction du type de collectivité : obligation de portée constitutionnelle pour les territoires d'outre-mer (article 74 de la Constitution), obligation résultant d'une loi organique pour la Nouvelle-Calédonie (article 90 de la loi statutaire du 19 mars 1999, obligation résultant de la loi statutaire du 11 juin 1985 (article 24) pour Saint-Pierre-et-Miquelon, simple faculté pour Mayotte (article 10 de la loi du 24 décembre 1976).

Pour ces territoires et collectivités, à l'exception de Mayotte, l'article 2 n'opère donc qu'un rappel sans portée normative. Il crée en revanche une obligation légale nouvelle de procédure pour les départements d'outre-mer, la consultation des conseils généraux n'étant à ce jour prévue que par un décret.

Il est en outre précisé in fine, selon une formule qui devient habituelle, que le délai imparti aux conseils généraux des deux collectivités territoriales à statut particulier, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi qu'aux conseils généraux et régionaux de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion pour rendre leur avis est de deux mois.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 2 sans modification.

Article 3
Délais d'adoption des ordonnances
et de dépôt des projets de loi de ratification

Conformément aux prescriptions de l'article 38 de la Constitution qui n'autorise la délégation législative que " pendant un délai limité " et prévoit la caducité des ordonnances en l'absence de dépôt d'un projet de loi de ratification dans le délai défini par la loi d'habilitation, l'article 3 a pour objet de déterminer ce double butoir.

A la différence de la loi d'habilitation du 6 mars 1998 qui retenait deux dates précises, le présent projet de loi définit des périodes dont le point de départ est la date de promulgation de la loi d'habilitation. La première, d'une durée de six mois, correspond au délai avant l'expiration duquel le Gouvernement devra avoir pris les ordonnances envisagées ; la seconde, d'une durée de neuf mois, correspond au délai imparti au Gouvernement pour déposer les projets de loi de ratification, à peine de caducité des ordonnances.

Observons que, à l'instar du dispositif d'habilitation voté au printemps 1998, l'article 3 fait référence à plusieurs projets de loi de ratification. Permettant un regroupement thématique des ordonnances pour examen par les commissions permanentes compétentes au fond, cette méthode assure un meilleur contrôle du Parlement sur le contenu des ordonnances.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 3 sans modification.

Article 4
Extension à la Nouvelle-Calédonie de la loi du 29 mars 1999 relative aux enquêtes techniques sur les accidents et les incidents de l'aviation civile

Cette disposition, sans rapport avec l'objet du présent projet de loi qui est d'autoriser le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance, paraît ici incongrue : elle trouverait mieux sa place dans une " loi balai ". Cependant, le recours à la procédure des ordonnances ayant été préféré et s'agissant d'une disposition d'extension n'appelant pas de mesures d'adaptation, l'article 4 permet de faire " l'économie " d'une ordonnance supplémentaire. Aussi paraît-il devoir être accueilli.

La loi du 29 mars 1999 relative aux enquêtes techniques sur les accidents et les incidents dans l'aviation civile inclut une mention expresse d'extension aux territoires d'outre-mer. Or, la loi organique du 19 mars 1999 a fait de la Nouvelle-Calédonie une collectivité sui generis qui n'entre plus dans cette catégorie : ainsi convient-il de prévoir désormais, pour chaque extension, une référence expresse spécifique à la Nouvelle-Calédonie.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 4 sans modification.

*



1 J.O. Lois et décrets des 27 juin, 11 juillet, 22 août et 4 septembre 1998/

2 Les Terres australes et antarctiques françaises, qui entrent dans la catégorie des territoires d'outre-mer, n'ont pas d'assemblée délibérante mais seulement un conseil consultatif. Ce territoire est cependant concerné par certains des projets d'ordonnance.



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