Projet de loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes

GELARD (Patrice)

RAPPORT 4 (1999-2000) - commission des lois

Table des matières




N° 4

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 6 octobre 1999

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances , à l' adoption de la partie législative de certains codes ,

Par M. Patrice GÉLARD,

Sénateur,

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Simon Loueckhote, François Marc, Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir le numéro :

Sénat :
438 (1998-1999).


Codification.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le 6 octobre 1999 sous la présidence de M. Jacques Larché, président, la commission des Lois a procédé, sur le rapport de M. Patrice Gélard, à l'examen du projet de loi n°438 (1998-1999) portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a exposé que l'Assemblée nationale avait marqué son opposition à deux projets de code qui lui étaient soumis et que l'encombrement de l'ordre du jour législatif n'avait pas permis l'adoption par le Parlement d'un certain nombre d'autres codes élaborés par la commission supérieure de codification. Constatant que le processus de codification était désormais bloqué, il a indiqué que le Conseil d'Etat s'était montré réticent à examiner de nouveaux projets de code dès lors que ceux déjà élaborés n'avaient pu aboutir.

Le rapporteur a considéré que le Gouvernement était en partie responsable de ce blocage, dans la mesure où il n'avait pas veillé à inscrire les projets de code à l'ordre du jour des assemblées.

Soulignant que l'effort de codification intéressait au total quarante codes, M. Patrice Gélard, rapporteur, a fait valoir que l'aboutissement de ce processus permettrait à la France d'être le seul pays au monde dont le droit serait entièrement codifié. Il a considéré que cette situation aurait une valeur exemplaire au plan international.

Le rapporteur a estimé que le recours à la procédure des ordonnances pouvait permettre de débloquer la procédure de codification et qu'elle n'empêcherait pas le Parlement d'exercer son contrôle à l'occasion de l'examen du projet de loi de ratification.

Sur sa proposition, la commission soumet au Sénat quatre amendements afin notamment :

- d'habiliter le Gouvernement à procéder aux modifications nécessaires des dispositions en vigueur pour harmoniser l'état du droit et permettre l'extension des dispositions codifiées à la collectivité territoriale de Saint-Pierre et Miquelon (article premier) ;

- de prévoir le dépôt d'un projet de loi de ratification pour chaque ordonnance dans un délai de deux mois à compter de sa publication (article 2).

La commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Rendre le droit plus clair et plus accessible, veiller à sa cohérence et assurer une plus grande sécurité juridique constituent des ambitions nécessaires auxquelles la codification peut apporter une contribution réelle.

La codification constitue, en outre, un instrument majeur du rayonnement international de notre tradition juridique.

Relancée à partir de 1989, elle a permis au Parlement d'entreprendre un effort de rationalisation du droit en vigueur, en adoptant plusieurs codes élaborés par la commission supérieure de codification. Les texte législatifs applicables à la propriété intellectuelle, à la consommation, au droit rural, aux juridictions financières et aux collectivités territoriales ont pu faire l'objet d'un regroupement et d'une nécessaire remise en ordre. Le Sénat a apporté sa pleine contribution à cet important travail.

Pourtant, en dépit des efforts entrepris, ce processus apparaît désormais bloqué. Bien que certains codes aient déjà été élaborés par la commission supérieure de codification, seul le livre VI du code rural a en effet pu être promulgué depuis 1996, année de parution du code général des collectivités territoriales.

Dans le but de résorber le retard ainsi enregistré, le présent projet de loi propose d'habiliter le Gouvernement, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, à prendre, par voie d'ordonnances, les dispositions législatives nécessaires à l'adoption de la partie législative de neuf codes dont la rédaction est achevée.

I. LA CODIFICATION : UN PROCESSUS EN PANNE

1. Une préoccupation ancienne relancée à partir de 1989

a) une préoccupation ancienne

L'exercice de codification répond à une préoccupation ancienne . S'il est en définitive resté une simple compilation sans effet juridique, le code élaboré par Barnabé Brisson à la demande d'Henri III avait permis de regrouper l'ensemble des édits et des ordonnances des rois dans un volume unique. Par la suite, les cinq codes élaborés sous le Consulat et l'Empire, dont le code civil imité dans le monde entier, ont constitué une étape majeure dans l'histoire de la codification.

L'objectif de rassemblement des textes ne fut plus mis au rang des priorités avant la IV è République sous laquelle fut créée une commission supérieure chargée d'étudier la codification et la simplification des textes législatifs et réglementaires (décret n° 48-800 du 10 mai 1948).

Encore faut-il relever qu'à la différence des codes napoléoniens qui, au-delà de la clarification et de la remise en ordre des textes, procédaient à leur refonte, cette nouvelle étape de la codification a répondu à un objectif plus limité de meilleure accessibilité des textes sans remise en cause du droit applicable.

La codification réalisée sous la IV è République a pris la forme d'une procédure de nature administrative, les codes étant publiés par décret en Conseil d'Etat. Le recours à une procédure réglementaire n'a pas été sans soulever des difficultés principalement en raison de l'incertitude pesant sur la portée juridique des codes.

Cette technique de codification par décret fut néanmoins reprise sous la V è République et utilisée presque systématiquement jusqu'en 1989. Entre 1960 et 1982, sur 21 codes publiés comprenant une partie législative, seuls trois ont résulté d'une loi (code du service national : loi du 10 juin1971 ; code de la nationalité : loi du 9 janvier 1973 ; code de la justice militaire : loi du 8 juillet 1965) et seulement six autres ont fait l'objet d'une validation législative. Au cours des années suivantes, le processus de codification s'est ralenti et a requis une nouvelle intervention du législateur : le code de la sécurité sociale, tout d'abord publié par décrets en Conseil d'Etat en décembre 1985, a reçu force législative par la loi du 30 juillet 1987 ; le code de la mutualité fut refondu dans sa partie législative par la loi du 25 juillet 1985.

b) un processus relancé à partir de 1989

La codification a été relancée à partir de 1989 avec de nouvelles méthodes conduisant à l'adoption des codes par le Parlement et donnant ainsi aux codes force de loi dès leur publication.

L'abandon de la codification par décret a répondu au souci d'efficacité juridique. En effet, cette codification se superposait aux textes d'origine qui n'étaient pas abrogés parallèlement. En conséquence, lorsque des articles figurant dans les codes étaient ultérieurement modifiés par le Parlement -et donc implicitement ratifiés- des règles à l'origine identique figurant à la fois dans un code et dans une loi connaissaient des évolutions divergentes. L'objectif de clarification n'était donc pas atteint. Ainsi, la loi du 3 avril 1958 eut pour objet de valider quinze codes publiés depuis 1951 et procéder aux abrogations nécessaires.

Cette méthode présentait, en conséquence, en dehors de la question de sa constitutionnalité, l'inconvénient sérieux de créer une situation d' imbroglio juridique (juxtaposition de textes législatifs sources et de dispositions codifiées ayant le même objet mais de valeur simplement réglementaire, seule une loi de validation pouvant abroger les textes codifiés) source de contentieux (exemples nombreux concernant le code des communes et le code général des impôts) et de confusion pour l'usager (en contradiction avec l'objectif de simplification et de clarification justifiant la codification).

Ce point de vue est d'ailleurs très explicitement défendu par le premier rapport de la commission de codification publié au Journal officiel : " tant qu'elle n'a pas eu lieu, l'absence d'approbation par le Parlement entraîne de sérieux inconvénients. D'une part, les lois codifiées demeuraient en vigueur puisque le décret de codification ne pouvait naturellement les abroger. D'autre part, un risque non négligeable de contentieux apparaissait : on pouvait, en effet, soutenir que le texte codifié avait illégalement apporté à la loi des modifications autres que de pure forme. Tant le Conseil d'Etat que la Cour de Cassation ont ainsi été conduits à écarter l'application de certains articles des codes les plus variés. Récemment encore la chambre criminelle de la Cour de cassation (arrêt du 23 janvier 1989) puis le Conseil d'Etat (arrêt du 22 mai 1989) ont constaté l'illégalité d'un article du livre des procédures fiscales. Dans de telles conditions, la codification, loin de simplifier le droit, complique plutôt la situation et accroît l'insécurité. "

La réforme des méthodes de codification s'est par ailleurs caractérisée par la création d'une commission supérieure de codification (décret n° 89-647 du 12 septembre 1989) à laquelle, à l'origine, a été adjointe une commission spécifiquement chargée de recenser la législation applicable dans les territoires d'outre-mer (cette commission adjointe a en définitive été intégrée à la commission supérieure par le décret n° 97-894 du 2 octobre 1997).

La commission supérieure de codification est placée sous la présidence du Premier ministre et la vice-présidence d'un président de section au Conseil d'Etat, actuellement M. Guy Braibant, conseiller d'Etat. Parmi ses membres, siègent un député et un sénateur, en tant que membres permanents désignés par les commissions des Lois des deux assemblées -en l'espèce, votre rapporteur pour la commission des Lois du Sénat- et en fonction du projet de code examiné, un député et un sénateur membres des commissions concernées.

Outre les représentants du Parlement, la commission supérieure associe des membres de la Cour de cassation, du Conseil d'Etat, de la Cour des Comptes et six directeurs d'administration centrale (le directeur des Affaires civiles et du Sceau, le directeur des Affaires criminelles et des grâces, le directeur général de l'administration et de la fonction publique, le directeur au Secrétariat général du Gouvernement, le directeur des journaux officiels et le directeur des affaires politiques, administratives et financières au ministère des départements et territoires d'outre-mer). Selon les projets en discussion, les directeurs des administrations centrales concernées sont également présents ou représentés.

La commission supérieure de codification a jusqu'à présent joué un rôle éminent -sous l'impulsion de son vice-président, M. Guy Braibant-, pour veiller au respect de la finalité de la codification, à savoir en priorité faciliter l'accès des citoyens à la règle de droit, et coordonner les activités des équipes mises en place dans les ministères pour élaborer les projets de code.

Au fil de l'examen des codes, la commission supérieure a dégagé certains grands principes de codification . Parmi ces derniers, la codification à droit constant constitue une caractéristique majeure de la procédure actuelle. La commission supérieure veille, en conséquence, à ce que la codification n'aille pas au-delà des corrections rendues nécessaires par des besoins de forme, de cohérence ou de mises à jour.

Outre ce principe de codification à droit constant, la commission supérieure opère une distinction entre les codes dits " pilotes " et les codes dits " suiveurs " . Telle qu'elle a été exposée dans son cinquième rapport annuel de 1994, cette technique est la suivante : " lorsqu'une disposition est indiscutablement de nature à intéresser deux codes, elle fait l'objet d'une codification à titre principal dans l'un des deux codes, l'autre se bornant à signaler l'existence de ce texte et à le reproduire ".

La commission supérieure a également choisi de ne pas intégrer le droit communautaire dans les codes, solution logique dès lors que ce droit n'est pas produit par les Etats membres. Cependant, il a été décidé que lors de la publication des codes au Journal officiel, une partie communautaire non codifiée serait annexée. En outre, les directives communautaires ayant fait l'objet d'une transposition en droit interne, sont codifiées à travers les textes qui les ont intégrées dans le droit national.

Enfin, face à l'ampleur de la tâche et dans le but de ne pas retarder la codification, il a été prévu que les dispositions applicables aux territoires d'outre-mer seraient regroupées dans une livre spécifique publié séparément lorsqu'il aura été élaboré.

2. Un bilan mitigé

a) L'adoption de plusieurs codes depuis 1989

Depuis 1989, le Parlement a adopté plusieurs codes suivant la nouvelle procédure :

- le code de la propriété intellectuelle ;

- le code de la consommation ;

- les livres Ier, III, VI et VIII du code rural (les livres II, IV et V ayant été validés suivant l'ancienne procédure) ;

- les livres I, II et III du code des juridictions financières ;

- le code général des collectivités territoriales.

Il est en outre remarquable que cet effort de modernisation se soit accompagné de la mise à disposition des codes sur les bases de données informatiques (cf. annexe 2).

Le Parlement, tout particulièrement le Sénat, s'est montré très vigilant lors de l'examen des projets qui lui étaient soumis, en adoptant de nombreux amendements destinés à rendre le droit effectivement plus accessible . Ces amendements ont permis, outre la correction des erreurs matérielles ou la réparation d'oublis, de mieux affirmer certains principes, de clarifier l'ordre de présentation, d'insérer des dispositions dont la codification n'avait pas été envisagée ou encore d'harmoniser la législation en vigueur.

A titre d'illustration, votre rapporteur se plaît à souligner l'important travail accompli lors de l'examen de la partie législative du code général des collectivités territoriales par notre collègue Michel Rufin, lequel a par ailleurs apporté une contribution très active aux travaux de la commission supérieure de codification. Sur son initiative, le Sénat a ainsi adopté près de 230 amendements aux quelque 1 700 articles de ce code.

Le Sénat s'est par ailleurs montré très attentif quant aux méthodes de codification , notamment pour l'application de la technique du " code pilote " et du " code suiveur " et pour la procédure de déclassement des textes de nature réglementaire sur laquelle votre commission des Lois a plus particulièrement appelé l'attention de la Haute assemblée.

b) Une procédure désormais bloquée

La circulaire du 5 juin 1996 relative à la codification des textes législatifs et réglementaires avait témoigné de la place reconnue à la codification. Cette circulaire avait en effet défini les règles de procédure pour l'élaboration de projets de codes, précisé l'organisation et les modalités de fonctionnement de la commission supérieure de codification et fixé les méthodes de codification en retenant le principe d'une codification " à droit constant ".

Annexé à cette circulaire, le programme général de codification adopté par la commission supérieure le 4 décembre 1995 pour la période 1996-2000 prévoyait l'élaboration de 22 nouveaux codes et la refonte de 18 codes existants.

Malgré cette initiative et le maintien de la codification au rang des priorités gouvernementales, le processus de codification se trouve depuis trois ans dans l'impasse . En effet, depuis la publication du code général des collectivités territoriales en février 1996, seul le livre VI du code rural a été définitivement adopté par le Parlement (cf. annexe 1).

Ce blocage est essentiellement dû à un encombrement de l'ordre du jour législatif qui aboutit à une accumulation de codes prêts mais non adoptés.

La qualité formelle de certains projets de loi de codification a pu également faire l'objet de diverses critiques . Tel fut le sort du code de l'éducation et du code de l'environnement lors de leur examen à l'Assemblée nationale. La commission des Lois de l'Assemblée nationale a par ailleurs rejeté -mais cette fois-ci pour des raisons de fond- sous la précédente législature le projet de code de commerce adopté par le Sénat le 14 octobre 1993.

Votre commission des Lois tient à souligner que beaucoup de corrections d'ordre formel pourraient être évitées lors de l'examen des projets de codes si les méthodes gouvernementales étaient harmonisées sur celles retenues par le Parlement pour le décompte des alinéas .

Toujours est-il que cette situation entraîne trois conséquences dommageables constatées par la commission supérieure de codification dans son neuvième rapport annuel :

" les projets de code une fois déposés sur le bureau d'une assemblée vieillissent rapidement du fait des réformes de fond envisagées entre temps (cas du code de la communication et du cinéma) ou du fait de l'intervention de lois nouvelles dans la matière considérée (cas du code de l'environnement) ce qui induit, soit le report de l'examen du projet, soit une mise à jour toujours délicate à opérer ;

" le blocage d'un projet de code au stade parlementaire se répercute non seulement sur l'élaboration de la partie réglementaire dudit code mais encore sur l'élaboration des autres projets de code législatif avec lesquels il s'articule (code de commerce et code monétaire et financier) :

" l'ensemble de la chaîne participant à la confection de codes, des missions de codification jusqu'au Conseil d'Etat, se trouve affecté par le goulot d'étranglement que constitue l'absence de débouchés parlementaires (cas du code rural). "

On ajoutera que le problème des délais d'examen parlementaire ne doit pas faire oublier celui de la parution de la partie réglementaire des codes , qui intervient souvent très longtemps après la partie législative. Or, pour l'usager qui doit disposer d'un texte d'ensemble, la codification des décrets est aussi importante que celle du corpus législatif.

Même si l'importance de la tâche ne peut être ignorée, force est de constater que la partie réglementaire du code général des collectivités territoriales n'est toujours pas publiée à ce jour, alors que la loi relative à la partie législative a été promulguée le 21 février 1996.

Les récents travaux de la commission supérieure de codification ont néanmoins témoigné d'une meilleure prise en compte des inconvénients liés au décalage dans le temps de la parution de la partie législative et de la partie réglementaire des codes.

II. LE PROJET DE LOI : LE RECOURS À LA PROCÉDURE DES ORDONNANCES POUR RELANCER LE PROCESSUS DE CODIFICATION

Avec le souhait de relancer le processus de codification, le Gouvernement a inséré dans le projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations un article 3 définissant un programme législatif de codification à droit constant dont la mise en oeuvre devrait être achevée avant la fin de la législature (programme comprenant 13 nouveaux codes et 8 codes à refondre selon la liste annexée).

Lors de l'examen de ce texte au cours de la séance du 18 mars 1999, le Sénat -à l'initiative de votre commission des Lois- a supprimé cette disposition , faisant ainsi application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel (décision n° 89-269 DC du 22 janvier 1990) qui considère ce procédé comme constitutif d'une injonction à légiférer.

Devant le Sénat, le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation avait envisagé la possibilité d'adopter certains codes par ordonnances, si le Parlement l'autorisait.

Concrétisant cette proposition, le présent projet de loi habilite le Gouvernement à prendre, par voie d'ordonnances, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, les dispositions législatives nécessaires à l'adoption de neuf codes dont la rédaction est d'ores et déjà achevée.

Seraient concernés des textes qui soit ont déjà été adoptés par le Conseil des ministres et déposés devant le Parlement (code rural, code de l'éducation, code de commerce, code de l'environnement), soit sont en cours d'examen par la commission supérieure de codification ou par le Conseil d'Etat (code de la santé publique, code de justice administrative, code de la route, code de l'action sociale, code monétaire et financier).

Les codes devront être rédigés selon le principe du " droit constant ", des adaptations étant néanmoins admises pour assurer la cohérence formelle des textes ou le respect de la hiérarchie des normes résultant de la Constitution.

En outre, les ordonnances pourront étendre aux collectivités d'outre-mer, avec les adaptations nécessaires, les dispositions qu'elles codifieront, sous réserve que les matières concernées relèvent effectivement de la compétence de l'Etat.

Chacun des codes devra faire l'objet d'une ordonnance. Les délais retenus ( six à douze mois) pour l'adoption des ordonnances tiennent compte de l'état d'avancement des codes.

Enfin, il est prévu qu'un projet de loi de ratification devra être déposé dans un délai de quinze mois à compter de la publication de la loi.

III. LES TRAVAUX DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : RELANCER LA CODIFICATION SANS MÉCONNAÎTRE LE RÔLE INDISPENSABLE DU PARLEMENT

La codification constitue une oeuvre nécessaire à laquelle le Sénat a apporté un soutien actif, tant par le rôle joué par ses représentants au sein de la commission supérieure de codification, que lors de l'examen des projets de code. Il est donc particulièrement regrettable que l'encombrement du calendrier législatif n'ait pas permis de poursuivre dans de bonnes conditions la procédure engagée.

Au regard de la situation de blocage dans laquelle se trouve la codification, le recours à la procédure prévue par l'article 38 de la Constitution doit, aux yeux des auteurs du projet de loi, constituer un moyen de surmonter les difficultés actuelles.

Votre commission des Lois s'est donc attachée à examiner, d'une part, si le projet de loi d'habilitation qui vous est soumis réunissait bien les conditions requises par l'article 38 de la Constitution et, d'autre part, dans quelle mesure le recours aux ordonnances pourrait constituer une réponse efficace à ce blocage de la codification.

Le premier alinéa de l'article 38 de la Constitution dispose que " le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ".

S'il a écarté tout rapprochement entre ces dispositions et celles du premier alinéa de l'article 49 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a néanmoins considéré qu'elles devaient être entendues " comme faisant obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement, lors du dépôt d'un projet de loi d'habilitation et pour la justification de la demande présentée par lui, quelle est la finalité des mesures qu'il se propose de prendre " (décision DC n° 76-72 du 12 janvier 1977).

En l'espèce, la finalité de l'habilitation demandée est précisée par l'exposé des motifs du projet de loi qui souligne que " le programme de travail des assemblées ne permettait pas actuellement d'assurer, à échéance suffisamment rapprochée, l'inscription à l'ordre du jour de plusieurs codes dont l'élaboration est d'ores et déjà achevée ".

Ce n'est donc qu'" à seule fin de résorber le retard ainsi enregistré dans la procédure de codification " que l'habilitation est demandée.

Il convient néanmoins de souligner que le Gouvernement ayant la maîtrise de l'ordre du jour prioritaire , il lui revient de donner à la codification, dans l'organisation des travaux parlementaires, une place plus conforme à l'importance qu'il entend lui accorder.

La loi d'habilitation doit, par ailleurs, préciser les " domaines d'intervention " des mesures envisagées (Conseil constitutionnel, décision n° 287-DC des 25-26 juin 1986). Tel est bien le cas, en l'espèce, puisque le projet de loi énonce expressément les neuf codes qui devront être établis selon la procédure des ordonnances.

En outre, conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article 38, l'habilitation ne vaudra que " pendant un délai limité ". Les ordonnances devront, en effet, être prises dans un délai courant entre s ix et douze mois selon le code concerné.

Comme le prescrit le dernier alinéa de l'article 38 de la Constitution, passé ce délai, les ordonnances ne pourront plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif.

On rappellera, en outre, que les ordonnances prises en conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat -entreront en vigueur dès leur publication mais deviendront caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par le présent projet de loi, soit dans les quinze mois suivant la publication de la loi.

L'extension éventuelle des dispositions codifiées à la Nouvelle-Calédonie et aux territoires d'outre-mer étant envisagée, la consultation préalable des assemblées territoriales sur le présent projet de loi, est requise conformément aux dispositions de l'article 74 de la Constitution. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, cette consultation a bien été effectuée.

Mais au-delà du respect des prescriptions constitutionnelles, il importe de s'interroger sur l' efficacité du recours à la procédure des ordonnances pour surmonter les blocages de la procédure de codification.

Les ordonnances demeurent des actes réglementaires tant qu'elles n'ont pas été ratifiées par une loi. S'agissant de la codification de textes législatifs, la procédure des ordonnances aura donc pour effet, au moins temporairement, du fait de l'abrogation des textes d'origine, de conférer aux dispositions codifiées une simple valeur réglementaire . Jusqu'à leur ratification, ces dispositions subiront un déclassement dans la hiérarchie des normes et pourront faire, la cas échéant, l'objet de recours contentieux.

La seule voie pour prévenir ou, à tout le moins, limiter le risque d'une insécurité juridique , contraire à l'objectif poursuivi par la codification, consiste à ce que la ratification des ordonnances intervienne dans le délai le plus bref possible à compter de leur publication.

Or, votre commission des Lois constate que le délai de quinze mois prévu par le projet de loi ne permet pas de répondre à cette exigence.

C'est pourquoi, elle juge nécessaire -contrairement à ce qu'envisage le projet de loi- de prévoir le dépôt de plusieurs projets de loi de ratification qui permettraient la ratification des ordonnances dans un délai de deux mois à compter de leur publication.

Encore faut-il souligner qu'il appartiendra au Gouvernement de veiller à ce que chacun de ces projets de loi de ratification soit inscrit le plus rapidement possible à l'ordre du jour des assemblées. En effet, le simple dépôt d'un projet de loi de ratification ne vaut pas ratification implicite, laquelle ne peut résulter que d'une modification ultérieure du contenu de l'ordonnance par une loi (Conseil d'Etat, 10 juillet 1972, Cie Air Inter ; 11 juin 1990 Congrès du Territoire de la Nouvelle-Calédonie ; Conseil constitutionnel, 72-73 L du 29 février 1972, 224-DC du 23 janvier 1987).

En outre, une ratification implicite des projets de code par des lois ultérieures pouvant être partielle , elle ne pourrait que susciter des difficultés d'interprétation de nature à créer la confusion.

Enfin, la présente habilitation ne saurait aboutir au dessaisissement du Parlement, lequel doit au contraire, lors de l'examen du projet de loi de ratification, pouvoir se prononcer expressément tant sur le périmètre des codes que sur leur contenu .

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
Champ d'application de l'habilitation
et modalités de la codification

Cet article définit le champ d'application de l'habilitation et précise les modalités de codification qui devront être retenues par les ordonnances. En outre, il ménage la faculté pour le Gouvernement d'étendre les dispositions codifiées à la Nouvelle-Calédonie, aux territoires d'outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte.

1. Le champ d'application de l'habilitation

Conformément aux exigences constitutionnelles, le présent article précise les domaines d'intervention des mesures envisagées en énonçant les différents codes pour lesquels le Gouvernement sera autorisé à procéder par ordonnances à l'adoption de la partie législative. Neuf codes sont au total concernés.

Le code rural

Les Livres Ier, II, III, IV, V et VIII ont déjà fait l'objet d'une refonte complète et ont été adoptés dans leur nouvelle version tant dans leur partie législative que réglementaire.

La partie législative du Livre VI relatif à la production et aux marchés a fait l'objet de la loi n° 98-565 du 8 juillet 1998. Sa partie réglementaire est en cours d'examen par la Commission supérieure de codification.

Seront donc concernés par la présente habilitation, les Livres VII et IX du code rural.

Le Livre VII relatif aux régimes sociaux des professions agricoles a été adopté par le Sénat le 2 avril 1998, sur le rapport de notre collègue Bernard Seillier au nom de la commission des Affaires sociales qui a soumis au Sénat soixante-douze amendements. Outre certains amendements d'ordre formel, ces modifications ont permis de tirer les conséquences de dispositions adoptées dans la loi du 18 novembre 1997 d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines et dans la loi de finances pour 1998. Elles ont, par ailleurs, eu pour objet de donner une nouvelle rédaction aux articles L. 723-42 et L. 771-4 du code rural, portant sur les incompatibilités de fonctions exécutives au sein des caisses de la mutualité sociale agricole et des caisses d'assurance mutuelle agricole.

Votre commission des Lois tient à souligner tout l'intérêt de ces apports du Sénat dans la perspective de l'élaboration du projet d'ordonnance.

En outre, celui-ci concernera le Livre IX du code rural, relatif à la santé publique vétérinaire et à la protection des végétaux. Déposé à l'Assemblée nationale, le projet de loi correspondant est devenu caduc à la suite de la dissolution. Le projet de code a été mis à jour puis transmis de nouveau au Conseil d'Etat.

Par un amendement , votre commission des Lois vous suggère, dans un souci de précision, de mentionner expressément ces deux livres du code rural au deuxième alinéa du présent article. Le même amendement prend en compte les mises à jour des autres livres que des modifications législatives intervenues depuis leur publication rendraient nécessaires.

Le code de l'éducation

Entreprise dès 1992, la partie législative du code de l'éducation a été déposée à l'Assemblée nationale le 30 juillet 1997. Ayant fait l'objet d'un rapport de M. Yves Durand au nom de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, le projet de loi a été inscrit puis retiré de l'ordre du jour de la séance du 18 juin 1998.

Ce code a été conçu de manière à rassembler à l'intention des usagers les dispositions relatives à l'ensemble du système éducatif. Outre les enseignements relevant du ministère de l'éducation nationale, il concerne également les enseignements supérieurs et les enseignements organisés sous la responsabilité d'autres départements ministériels hormis l'enseignement agricole, lequel demeure régi par les dispositions du code rural.

Le code de la santé publique

Publié en 1953, le code de la santé publique constitue désormais un ensemble hétérogène et lacunaire. Dans la période récente, il a été complété par plusieurs livres : en 1988, un Livre II bis (protection des personnes en matière de recherches biomédicales) ; en 1994, un Livre V bis (dispositifs médicaux). A l'inverse, d'autres livres -les Livres VIII (Institutions) et IX (Personnel hospitalier) ne conservent plus que quelques dispositions éparses.

Le projet de refonte de ce code a concerné quelque 2000 articles pour la seule partie législative. Il est actuellement soumis au Conseil d'Etat qui a rendu un avis partiel le 30 juin 1998.

Le code de commerce

Promulgué par la loi du 15 septembre 1807 et comprenant alors 648 articles, le code de commerce ne comporte plus qu'environ 150 articles.

Les principales réformes intervenues, en particulier la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales et la loi n° 85-98 du 25 juillet 1985 sur le redressement et la liquidation judiciaires des entreprises n'ont pas été insérées dans ce code. En outre, d'autres textes importants n'ont pas fait l'objet d'une codification : les lois du 17 mars 1909 relatives à la vente et au nantissement des fonds de commerce et du 29 janvier 1935 relative au règlement de son prix de vente, le décret n° 53-960 du 30 septembre 1953 réglant les rapports entre bailleurs et locataires pour le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal ; l'ordonnance n° 86-1243 du 1 er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence.

Le projet de refonte de ce code, élaboré par la commission supérieure de codification, a été adopté par le Sénat, le 14 octobre 1993, sur le rapport de notre collègue Michel Rufin au nom de votre commission des Lois. Mais il n'a pu aboutir à l'Assemblée nationale sous la précédente législature, la commission des Lois de l'Assemblée nationale ayant marqué son hostilité au projet qui lui était soumis. Repris par la commission supérieure de codification, il devra être de nouveau examiné par le Conseil d'Etat.

Lors de l'examen par le Sénat du projet qui lui était soumis, outre les rectifications d'erreurs et certains ajustements du périmètre de la codification, notre collègue Michel Rufin avait formulé deux séries d'observations portant, d'une part, sur le périmètre de la codification, principal objet également de la critique de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, et qui a motivé l'accélération de l'examen par la commission supérieure de codification du code monétaire et financier destiné à faire pendant au code de commerce et, d'autre part, sur l'invitation à faire suivre la codification de réformes dont le patient et minutieux travail d'élaboration et d'examen du code rend la nécessité encore plus évidente.

Votre commission des Lois tient à réaffirmer son attachement à ce que les réformes nécessaires , portant notamment sur le droit des sociétés, soient soumises au Parlement dans les meilleurs délais. De telles réformes pourront être mieux prises en compte dans le cadre d'un code ayant été réactualisé.

Le code de l'environnement

Le droit de l'environnement est composé de législations qui se sont superposées sans grand souci de cohérence.

Lancé fin 1992, le projet de code de l'environnement a fait l'objet d'un projet de loi déposé à l'Assemblée nationale le 22 février 1996. Le projet a été repris par la commission supérieure de codification, après un premier examen par le rapporteur de la commission de la production et des échanges qui avaient fait apparaître certaines difficultés principalement dues aux nombreuses modifications législatives intervenues dans le domaine de l'environnement après le dépôt du projet de loi. Le projet de code a de nouveau été soumis à l'Assemblée nationale mais sans pouvoir aboutir au cours de la dernière législature.

Le code de justice administrative

Décidée au mois d'avril 1996, la codification des textes relatifs aux juridictions administratives a été menée par un groupe de travail institué par le vice-président du Conseil d'Etat. Ce groupe de travail -qui a mené parallèlement l'élaboration des parties législative et réglementaire- a achevé ses travaux au printemps 1998. Le projet de code a été examiné par le Conseil d'Etat.

Il a pour objet de regrouper les dispositions éparses qui régissent le Conseil d'Etat, les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs.

Le Conseil d'Etat est actuellement régi par l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, par les décrets n° 53-934 du 30 septembre et 53-1169 du 28 novembre 1953 et pour les décrets n° 63-766 et 63-767 du 30 juillet 1963.

Les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel relèvent pour leur part du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, dont la partie législative résulte encore de la codification opérée par le décret n° 73-682 du 13 juillet 1973, à laquelle la loi n° 76-521 du 16 juin 1976 a donné force législative et dont la partie réglementaire a été refondue par le décret n° 89-641 du 7 septembre 1989. D'importantes dispositions résultent encore d'autres textes, notamment de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif.

La codification parallèle des parties législative et réglementaire mérite d'être soulignée. Comme le relève le neuvième rapport annuel de la commission supérieure de codification, elle a permis d'embrasser l'ensemble de l'état du droit, de faciliter les reclassements entre dispositions législatives et réglementaires et d'améliorer l'articulation de ces dispositions.

Votre commission des Lois souhaite que cette méthode puisse être étendue à l'ensemble des codes.

Le fait que, l'élaboration de ce code intervienne alors qu'au même moment le Parlement est saisi d'un projet de loi relatif au référé devant les juridictions administratives (adopté en première lecture par le Sénat le 9 juin dernier), qui intéresse les procédures applicables devant ces juridictions et modifie certaines dispositions du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, illustre bien les difficultés que peut rencontrer l'exercice de codification.

On rappellera par ailleurs que Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, ministre de la Justice, a annoncé l'ouverture d'une réflexion sur l'efficacité des juridictions administratives , réflexion dont il ne faut pas préjuger les conclusions mais dont on ne peut exclure qu'il en résultera de nouveaux aménagements du corpus normatif.

Le code de la route

En raison d'ajouts nombreux, ce code a perdu de sa logique et de sa clarté. Difficilement compréhensible, sa refonte -décidée en 1996- a été considérée comme une mesure d'amélioration de la sécurité routière.

La rédaction du nouveau code a été achevée à la fin de 1998, tant pour sa partie législative que pour sa partie réglementaire, lesquelles ont été fort opportunément menées parallèlement. Le projet est désormais en cours d'examen par le conseil d'Etat.

Le code de l'action sociale

Engagée en 1996, l'élaboration de la partie législative du futur code de l'action sociale a été achevée au début de 1998. Le Conseil d'Etat est saisi de ce projet de code.

Il convient de rappeler que le code de la famille et de l'aide sociale, créé par le décret n° 56-149 du 24 janvier 1956, avait fait l'objet d'une validation législative par la loi n° 58-346 du 3 avril 1958.

Depuis cette date, de nombreux textes législatifs sont intervenus, notamment les lois du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées et relatives aux institutions sociales et médico-sociales et la loi du 1 er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion, sans que leurs dispositions fassent l'objet d'une codification.

Par ailleurs, les lois de décentralisation ont modifié les conditions d'intervention des collectivités publiques dans le domaine de l'aide sociale en donnant au département une compétence de droit commun.

Le code monétaire et financier

Décidée dès 1990 et ayant pour objet de rassembler les dispositions intéressant la monnaie, la banque et les marchés financiers, l'élaboration de ce code a enregistré des retards qui n'ont permis son adoption par la commission supérieure de codification qu'au mois de mai dernier.

Un premier retard a résulté de la nécessaire prise en compte de la transposition de la directive communautaire " services en investissements " du 10 mai 1993. Tel fut l'objet de la loi n° 95-597 du 2 juillet 1995 de modernisation des activités financières.

En outre, dans le cadre de l'ouverture des marchés et de l'introduction de l'Euro, deux lois ont sensiblement modifié le corpus normatif : la loi n° 98-357 du 12 mai 1998 modifiant le statut de la Banque de France en vue de sa participation au système européen de banques centrales ; la loi n° 98-536 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, notamment son titre II relatif à l'adaptation de la législation française et à la modernisation des activités financières en vue de la troisième phrase de l'union économique et monétaire.

Deux autres lois ont, dans une moindre mesure, affecté le projet de code : la loi n° 98-261 du 6 avril 1998 portant réforme de la réglementation comptable et adaptation de la publicité foncière ; la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, notamment en ce qui concerne le traitement des situations d'endettement et le droit à l'ouverture d'un compte auprès d'un établissement de crédit.

2. La méthode de codification

Le présent article retient le principe que chaque code devra faire l'objet d'une ordonnance. Le souci de clarté commande qu'une telle solution soit retenue.

Chacun des codes devra regrouper et organiser les dispositions législatives relatives à la matière correspondante. Une attention particulière devra être portée, avant la publication de chaque ordonnance, aux réformes législatives qui, d'une manière ou d'une autre, pourraient affecter les dispositions codifiées.

En outre, conformément aux principes appliqués jusqu'à présent, la codification devra être opérée à droit constant . En conséquence, les dispositions codifiées seront celles en vigueur au moment de la publication des ordonnances.

Néanmoins, appliquant là encore les solutions mises en oeuvre dans la période récente, le présent article autorise le Gouvernement à procéder à des modifications rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes codifiés.

Outre des reclassements législatifs, ces modifications doivent permettre de répondre à des besoins de forme, de cohérence ou de mise à jour.

Soucieuse de veiller à ce que, dans le cadre du principe du droit constant, la codification puisse jouer pleinement son rôle, votre commission des Lois vous soumet un amendement qui permet que de telles modifications soient destinées à harmoniser l'état du droit . Cet objectif est d'ailleurs expressément assigné à la codification par l' article 3 du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, tel qu'adopté par l'Assemblée nationale.

3. L'extension éventuelle à l'outre-mer des dispositions codifiées

Enfin, le présent article habilite le Gouvernement à étendre , le cas échéant, l'application des dispositions codifiées à la Nouvelle-Calédonie, aux territoires d'outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte.

La codification présente le double intérêt -souligné par le neuvième rapport annuel de la commission supérieure de codification- de permettre l' actualisation du droit applicable outre-mer et d'analyser pour le code concerné la répartition des compétences entre l'Etat et la collectivité d'outre-mer.

La commission adjointe à la commission supérieure de codification ayant été supprimée par le décret n° 97-894 du 2 octobre 1997, ses attributions sont désormais exercées par la commission supérieure qui bénéficie du concours de trois rapporteurs plus particulièrement chargés de l'outre-mer.

La codification peut être effectivement l'occasion d'étendre certaines dispositions à l'outre-mer, évitant ainsi le recours à des lois portant diverses dispositions au contenu très hétérogène et donc très complexe.

Une telle extension ne pourra néanmoins être opérée sans que les consultations préalables des assemblées territoriales de la Nouvelle Calédonie et des territoires d'outre-mer aient été effectuées. Dans le cas de la collectivité territoriale de Mayotte, la consultation préalable du conseil général, sans être juridiquement obligatoire, est cependant usuelle.

Comme le relève le neuvième rapport annuel de la commission supérieure de codification, les consultations étant prévisibles, le recours à la procédure d'urgence, possibilité offerte par la plupart des statuts, ne se justifie aucunement pour les textes portant codification.

Disposer des projets d'ordonnances durant un délai suffisant pour une étude adéquate compte tenu des spécificités du territoire, tel a été le souhait exprimé par la commission permanente de l'assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna dans l'avis favorable qu'elle a rendu, le 16 juin dernier sur le présent projet de loi.

En raison des modifications qui ont affecté le statut de cette collectivité, votre commission des Lois vous suggère, par un amendement , de mentionner expressément l'extension éventuelle des dispositions codifiées à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon .

Cette collectivité territoriale est, en effet, régie par le principe de l' assimilation législative depuis la loi n° 76-664 du 19 juillet 1976 qui a transformé cet ancien territoire d'outre-mer en département d'outre-mer. Cependant, à titre transitoire et jusqu'au 1 er octobre 1977, l'applicabilité des textes est restée soumise au principe de la spécialité législative .

L'adoption du statut de collectivité territoriale à statut particulier n'a pas modifié ce régime, l'article 22 de la loi n° 85-595 du 11 juin 1985 disposant que la loi y est applicable de plein droit . Cependant, cette règle est assortie de certaines réserves : les textes adoptés en matière fiscale et douanière ainsi que dans le domaine de l'urbanisme et du logement ne sont pas applicables de plein droit ; les textes antérieurs à 1977 ne sont applicables que s'ils sont étendus expressément (de nombreux textes antérieurs à 1977 n'ont pas été à ce jour étendus).

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 1 er ainsi modifié.

Article 2
Délais d'habilitation et de ratification

Cet article a pour objet, conformément aux dispositions de l'article 38 de la Constitution, de préciser les délais dans lesquels, d'une part, les ordonnances devront être prises et, d'autre part, le projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement.

Il est prévu que les ordonnances devront être prises dans des délais différents qui tiennent compte de l'état d'avancement des codes, ces délais commençant à courir à compter de la publication de la loi.

Un délai de six mois est fixé pour le code rural, le code de l'éducation et le code de la santé publique. Ces trois codes ayant déjà été soit déposés devant le Parlement (livres VII et IX du code rural, code de l'éducation) soit en partie examinés par le Conseil d'Etat (code de la santé publique), leur publication rapide par voie d'ordonnances ne devrait pas soulever de difficultés particulières.

Un délai de neuf mois est retenu pour le code de commerce, le code de l'environnement et le code de justice administrative. Un délai plus long peut se justifier pour ces codes, soit que leur premier examen par le Parlement ait soulevé des difficultés spécifiques justifiant leur reprise par la commission supérieure de codification (code de commerce, code de l'environnement), soit que, dans le cas du code de justice administrative, un délai plus long permette de retenir un calendrier plus réaliste pour la publication des différents codes tout en ménageant la possibilité de prendre en compte les modifications qui résulteraient de textes en cours d'examen par le Parlement.

Enfin, un délai de douze mois est envisagé pour le code de la route, le code de l'action sociale, codes actuellement soumis au Conseil d'Etat, ainsi que pour le code monétaire et financier, dont la commission supérieure de codification vient d'achever l'examen au mois de mai dernier.

Le présent article fixe, en outre un délai de quinze mois pour le dépôt du projet de loi de ratification des ordonnances, à compter de la publication de la loi d'habilitation.

Un tel délai apparaît trop long à votre commission des Lois. En effet, les ordonnances auront un caractère réglementaire tant qu'elles n'auront pas été ratifiées explicitement ou implicitement par le Parlement. Un délai trop long pour qu'intervienne la ratification ne manquera pas d'aggraver l'instabilité juridique qui résultera de l'adoption initiale des codes par voie d'ordonnances.

Afin de prévenir ou à tout le moins de limiter le plus possible le risque d'instabilité juridique, il convient de permettre la ratification des ordonnances dans un délai bref à compter de leur adoption.

Tel est l'objet de l' amendement que vous soumet votre commission des Lois qui prévoit le dépôt, non plus d'un seul projet de loi, mais de plusieurs projets de loi de ratification. Chacun de ces projets devra correspondre à une ordonnance et être déposé dans un délai de deux mois à compter de la publication de l'ordonnance.

Une telle solution est cohérente avec la solution retenue pour l'article 1 er du projet de loi qui prévoit que chaque code fera l'objet d'une ordonnance.

Il reviendra, en outre, au Gouvernement d'inscrire, dans des délais rapides, les projets de loi de ratification à l'ordre du jour des assemblées afin de permettre à celles-ci de procéder à une ratification expresse des ordonnances, ce qui permettra d'assurer, d'une part, la stabilité juridique des dispositions insérées dans les codes promulgués et, d'autre part, l'indispensable contrôle du Parlement sur les choix de codification qui auront été effectués.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 2 ainsi modifié .

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le présent projet de loi.

TABLEAU COMPARATIF
ANNEXES

_______

ANNEXE 1


BILAN DES TRAVAUX DE CODIFICATION


Codes en instance au Parlement

Codes en instance à la CSC

• Code de l'éducation (dépôt à l'Assemblée nationale le 30.07.97)

• Code monétaire et financier

• Code de l'environnement (dépôt à l'Assemblée nationale le 22.05.98)

• code général des collectivités territoriales (partie réglementaire)

• Code rural (Livre VII - dépôt au Sénat le 30.07.97)

• code de la route

• code de la communication et du cinéma (dépôt au Sénat le 30.10.96)

Codes en préparation

• code de commerce (saisine de l'Assemblée nationale le 22.01.99)

• code de l'administration

• code de la fonction publique

 

• code de la défense

Codes en instance au Conseil d'Etat

• code de la recherche

• code de la santé publique

• code de l'entrée et du séjour des étrangers

• code de justice administrative

• code du patrimoine

 

• code des marchés publics et autres contrats d'intérêt général

Codes sur le point d'être adressés au Conseil d'Etat

• code de l'organisation judiciaire

• code des juridictions financières (partie réglementaire)

Codes en projet

• code rural (Livre IX) (nouvelle saisine)

• code de l'artisanat

• code de l'action sociale (nouvelle saisine)

• code des transports

Source : Commission supérieure de codification - neuvième rapport annuel 1998.

ANNEXE 2

LISTE DES CODES DISPONIBLES SUR LEGIFRANCE


• Codes des assurances

• Code des marchés publics

• Code de l'aviation civile

• Code minier

• Code civil

• Code de la mutualité

• Code des communes

• Code pénal

• Code de la consommation

• Code des pensions civiles et militaires de retraite

• Code de la construction et de l'habitation

• Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre

• Code de déontologie des architectes

• Code de déontologie des chirurgiens-dentistes

• Code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance

• Code des débits de boissons et des mesures contre l'alcoolisme

• Code des postes et télécommunications

• Code de déontologie médicale

• Nouveau Code de procédure civile

• Code de déontologie de la police nationale

• Code de procédure pénale

• Code de déontologie des sages-femmes

• Code de la propriété intellectuelle

• Code de déontologie vétérinaire

• Code de la route

• Code du domaine de l'Etat

• Code rural

• Code électoral

• Code de la santé publique

• Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

• Code de la sécurité sociale

• Code de la famille et de l'aide sociale

• Code du service national

• Code forestier

• Code du travail

• Code général des collectivités territoriales

• Code du travail maritime

• Code général des impôts, CGI

• Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel

• Livre des procédures fiscales

• Code de l'urbanisme

• Code des juridictions financières

• Code de la voirie routière

source : commission supérieure de codification - neuvième rapport annuel 1998



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