Loi de finances pour 2000 - Le budget de 2000 et son contexte économique et financier

MARINI (Philippe), Rapporteur général

RAPPORT GENERAL 89-TOMEI (1999-2000) - COMMISSION DES FINANCES

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Table des matières




N° 89

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès verbal de la séance du 25 novembre 1999.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME I

LE BUDGET DE 2000

ET SON CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1805 , 1861 à 1866 et T.A. 370 .

Sénat : 88 (1999-2000).


Lois de finances.

INTRODUCTION

Le projet de loi de finances pour l'an 2000 risque d'apparaître comme le budget des " occasions manquées ".

Bénéficiant d'une conjoncture économique favorable et d'une amélioration objective des performances de la sphère privée de l'économie, le gouvernement ne réalise pas, dans le domaine des finances publiques, les indispensables réformes de structure qui permettront de préparer l'avenir et de préserver les générations futures.

Or de telles réformes sont à l'évidence nécessaires pour mettre fin à " l'exception française " caractérisée par un niveau historiquement élevé de prélèvements obligatoires, destinés à financer des dépenses publiques qui ne baissent pas et un déficit budgétaire dont la diminution est, volontairement, lissée dans le temps afin de préparer de prochaines échéances électorales.

Soucieux de contribuer à réduire le poids des charges pesant sur l'économie, de circonscrire le champ de la sphère publique afin de " dépenser moins ", mais surtout de " dépenser mieux ", le présent rapport sur l'évolution des dépenses et recettes de l'Etat, doit être replacé dans un cadre plus général. Il convient non seulement de l'inscrire dans la durée, nonobstant le principe de l'annualité budgétaire, afin de bien mesurer le poids futur des décisions prises aujourd'hui, mais également d'examiner l'ensemble du spectre des finances publiques qu'elles soient nationales, locales, sociales et cela par référence à nos principaux partenaires.

En effet, l'appréhension des finances de l'Etat ne peut désormais plus se faire qu'en y intégrant également l'évolution des finances sociales, ce qui rend dès lors indispensable une présentation consolidée des comptes publics, qu'ils concernent l'Etat ou les régimes sociaux.

En outre, ce budget étant le " 2 ème budget de l'euro " les résultats français doivent toujours être comparés avec ceux de nos principaux partenaires pour être, en quelque sorte, relativisés.

Enfin, le gouvernement doit cesser de considérer les collectivités locales comme des variables d'ajustement auxquelles il impose ses décisions.

Puissent donc ces contraintes être prises en compte par le gouvernement afin que ce budget des " occasions manquées " ne devienne pas celui des " illusions perdues ".

CHAPITRE PREMIER :

QUELLE CROISSANCE POUR L'AN 2000 ?

La prévision de croissance en volume sur laquelle le gouvernement a construit le projet de loi de finances consiste, comme c'est désormais l'habitude, en une fourchette allant de 2,6 à 3 %.

La croissance en valeur du PIB serait quant à elle de 4 %, le PIB passant de 8.816 à 9.169 milliards de francs, dégageant un surplus de 353 milliards de francs.


Une fourchette de prévisions, pour quoi faire ?

Etant donné l'impossibilité arithmétique d'établir un compte unique sans se référer à une hypothèse de croissance elle-même unique, l'utilité d'une prévision économique débouchant sur une fourchette aussi ample -0,4 point de PIB en plus ou en moins, c'est 35,3 milliards de francs, et donc le taux des prélèvements obligatoires étant ce qu'il est, " grosso modo " 16 milliards de francs de recettes fiscales en plus ou en moins- est plus que contestable. Il s'agit ni plus ni moins que d'un pur artifice de présentation, les comptes publics étant on le sait bien bâtis sur une hypothèse de croissance et une seule dont les effets d'annonce sont peut-être utiles mais dont la portée opératoire pour construire la loi de finances est nulle.

De fait, la croissance économique associée au projet de loi de finances est de 2,8 %. Quoique l'hypothèse posée en la matière soit qualifiée de prudente par le gouvernement, elle repose d'un point de vue conjoncturel sur un scénario de rebond de l'activité.

Ce scénario suppose en effet le retour à une neutralité de la contribution du commerce extérieur à la croissance et une accélération de la demande intérieure.

Contributions à la croissance du PIB

(taux de croissance annuel moyen en %)

Contributions à la croissance du PIB (aux prix de l'année précédente)


1997


1998


1999
(1 )


2000
(1)

Consommation des ménages

0,1

1,9

1,3

1,5

Consommation des administrations

0,4

0,3

0,3

0,3

Formation brute de capital fixe totale

0,1

1

1,1

0,8

dont : sociétés et EI

0,1

0,7

0,6

0,5

Variations de stocks

0,2

0,4

- 0,2

0,2

Commerce extérieur

1,1

- 0,4

- 0,3

0

dont : Exportations

2,5

1,6

0,2

1,2

Importations

- 1,3

- 2

- 0,5

1,2

PIB

2

3,2

2,3

2,8

(1) Prévisions

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Comptes prévisionnels de la Nation pour 1999 et principales hypothèses économiques pour 2000


Cette prévision table sur un environnement économique extérieur plutôt favorable où les rééquilibrages de l'économie mondiale qui sont anticipés se dérouleraient sans heurts notables. L'importance de cette hypothèse doit être soulignée compte tenu de l'ouverture de notre économie (plus d'1/4 du PIB y résulte des exportations).

Sur le plan de la demande intérieure dont les perspectives restent, dans une économie aussi ouverte que la nôtre, très dépendantes de l'environnement international et de sa compétitivité, le cadrage économique du projet de loi de finances implique une augmentation du rythme de croissance de l'ensemble de ses composantes (consommation, investissement) et une contribution des stocks favorable à l'activité.

Evolution des ressources et emplois de biens et services

(Prévisions de mars)

(en milliards de francs aux prix courants)

 


1997


1998


1999 (1)


2000 (1)

Taux de croissance 2000/1999

Ressources

 
 
 
 
 

Produit intérieur brut

8.137,1

8.469,5

8.762,9

9.100,5

3,8

Importations

1.848,0

1.991,7

2.032,6

2.154,5

6

TOTAL DES RESSOURCES

9.985,1

10.461,2

10.795,5

11.255,0

4,2

Emplois

 
 
 
 
 

Consommation finale des ménages

4.857,3

5.063,9

5.231,2

5.441,7

4

Consommation finale des administrations

1.593,7

1.643,6

1.697,3

1.737,3

2,3

Formation brute de capital fixe

1.388 ,1

1.447,5

1.508,4

1.589,1

5,3

dont :

 
 
 
 
 

Sociétés et E.I.

763,6

810,9

839,9

888,3

5,8

Ménages hors E.I.

362,2

364,3

384,5

406,6

5,7

Administrations publiques

230,1

237,9

247,8

257,5

3,9

Administrations privées

5,2

5,4

5,6

5,8

3,6

Institutions de crédit et assurances

27,0

29,1

30,7

30,8

0,06

Variations de stocks

- 22,5

- 9,4

- 22,1

- 13,3

+ 8,8 (2)

Exportations

2.168,5

2.315,5

2.380,7

2.500,2

5

TOTAL DES EMPLOIS

9.985,1

10.461,2

10.795,5

11.255,0

4,2

dont :

 
 
 
 
 

Demande totale hors stocks

10.007,6

10.470,6

10.817,7

11.268,3

4,2

Demande intérieure totale

7.816,6

8.145,7

8.414,8

8.754,8

4

Demande intérieure hors stocks

7.839,1

8.155,1

8.437,0

8.768,1

3,9

(1) Prévisions

(2) En milliards de francs

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Comptes prévisionnels de la Nation pour 1999 et principales hypothèses économiques pour 2000


Les budgets économiques adoptés durant l'été n'impliquent pas de révisions fondamentales du scénario esquissé au mois de mars. Quelques inflexions ont toutefois été apportées. Surtout, tenant compte de la révision des comptes nationaux, ils présentent un visage de l'économie nationale sensiblement retouché.

Évolution des ressources et emplois de biens et services

(Prévisions de septembre)

(en milliards de francs et en indices)

 

1997

1998

1999
Prévision

2000
Prévision

Taux de

 

Valeur aux prix courants

Valeur aux prix courants

Valeur aux prix courants

Valeur aux prix courants

croissance 2000/1999

Ressources

 
 
 
 
 

Produit Intérieur Brut

8.224,9

8.564,7

8.816,4

9.169,2

4

Importations

1.851,3

1.999,8

2.043,8

2.192,5

7,3

Total des ressources

10.076,2

10.564,4

10.860,3

11.361,8

4,6

Emplois

 
 
 
 
 

Dépenses de consommation des ménages

4.464,2

4.658,7

4.802,2

4.983,5

3,8

Dépenses de consommation des administrations

1.977,9

2.021,5

2.083,9

2.137,2

2,5

Formation brute de capital fixe
dont :

1.486,7

1.574,7

1.670,6

1.764,9

5,6

Sociétés non financières et E.I

813,1

868,7

920,5

981,0

6,6

Ménages hors E.I

375,6

391,7

421,6

442,4

4,9

Sociétés financières

52,1

58,1

62,7

66,5

6,1

Administrations publiques

244,9

255,4

265,0

274,1

3,4

Exportations

2.093,6

2.225,4

2.231,7

2.381,7

6,7

Variations de stocks

- 1,5

27,8

13,8

34,8

+ 21 (1)

TOTAL DES EMPLOIS

10.076,2

10.564,4

10.860,3

11.361,8

4,6

dont :

 
 
 
 
 

Demande intérieure totale

7.982,6

8.339,1

8.628,6

8.980,1

4,1

Demande intérieure hors stocks

7.984,1

8.311,2

8.614,8

8.945,3

3,8

(1) En milliards de francs

Source : Insee, prévisions DP


Le scénario économique de septembre comporte quelques inflexions par rapport à celui de mars 1999.

Le redressement du commerce extérieur y est légèrement plus accusé et la demande intérieure toujours dynamique y repose davantage sur l'investissement des entreprises et moins sur la consommation des ménages. Mais, dans l'ensemble les tendances sont les mêmes.

En revanche, la révision des comptes nationaux avec l'adoption d'une " nouvelle base 1995 " modifie sensiblement les niveaux des variables -clefs de l'économie française et par conséquent son visage.

Les nouveaux comptes de la Nation

L'adoption de la nouvelle " base 95 " des comptes nationaux (qui succède ainsi à la " base 80 ") a répondu à un besoin d'actualisation statistique et d'harmonisation européenne à la suite de l'adoption du nouveau système européen de comptabilité (SEC-95).

Elle a fourni l'occasion d'adapter les comptes aux réalités économiques nouvelles et aux besoins d'information, de réévaluer le niveau des grands agrégats et de mettre à jour leurs prix, l'année 1995 devenant la référence des prix constants.

Les modifications apportées aux comptes nationaux proviennent pour l'essentiel de changements de concepts dont on expliquera les principaux mais il faut aussi mettre en évidence une actualisation statistique importante, celle relative à la mesure des loyers. Au terme d'une amélioration de leur comptage le montant des loyers a été notablement revu à la hausse (environ 70 milliards) ce qui modifie bien entendu les revenus mais aussi la structure des dépenses des agents économiques.

S'agissant des principales révisions conceptuelles il faut mentionner :

L'intégration des départements d'outre-mer dans les comptes nationaux qui accroît de 1,2 % le niveau du PIB et modifie les chiffres du commerce extérieur ;

L'extension du champ de l'investissement aux dépenses de logiciels et à certaines dépenses militaires, auparavant considérées comme des consommations intermédiaires, qui a elle aussi un effet de réévaluation du PIB ;

Une révision du compte des ménages qui, par rapport à la " base 80 ", soustrait de leurs ressources mais aussi de leur consommation certains " flux contraints " comme les remboursements et la consommation de médicaments et les allocations-logement désormais considérés comme des consommations des administrations publiques. Cette révision a pour but de mieux identifier le revenu arbitrable des ménages c'est-à-dire les ressources qu'ils sont réellement en mesure de partager entre la consommation et l'épargne.

Deux nouveaux concepts de revenu et de consommation sont en outre ajoutés : la " consommation finale effective " des ménages qui comprend à côté de leur consommation les consommations des biens publics individualisables (comme l'enseignement public) et le " revenu disponible brut ajusté " qui comporte le coût de ces biens publics. Ces deux nouvelles variables réduisent les biais introduits dans les comparaisons internationales par le degré inégal de socialisation de ces biens selon les pays.

Une modification du compte des entreprises non financières allant dans le sens d'une observation faite en son temps par votre commission des finances et consistant à cesser de considérer les abandons de créances ou provisions des intermédiaires financiers comme des ressources des entreprises. Le gonflement des provisions bancaires à la suite notamment de la crise du Crédit Lyonnais a considérablement augmenté la valeur d'un flux dont il était abusif de considérer qu'il contribuait au financement des entreprises ne serait-ce que parce que celles qui sont concernées par ces provisions sont, pour la plupart, défuntes.

On observera que cette réforme a un impact considérable sur l'analyse des comptes des entreprises puisqu'alors qu'elles dégageaient en " base-80 " une capacité de financement (épargne supérieure à l'investissement) qui avait atteint 101,7 milliards de francs, elles supportent en " base-95 " un besoin de financement de 33 milliards de francs.

Les aménagements apportés aux comptes des administrations publiques. Ils concernent d'abord leur champ puisque sont intégrées aux organismes divers d'administration centrale (les " ODAC ") les entités dont les ressources d'exploitation couvrent moins de 50 % de leurs coûts d'exploitation (hors frais financiers), le reste étant financé par des deniers publics tandis que sont exclues des organismes divers d'administration locale (les " ODAL ") les unités autonomes en charge de services commerciaux (crèches et différents syndicats). Ces aménagements se traduisent en particulier par l'intégration des structures de défaisance dans les administrations publiques et, par conséquent, alourdissent le déficit public et la dette publique.

A ces modifications concernant le champ des administrations publiques s'ajoutent des changements de comptabilisation de leurs opérations.

L'un consiste à passer d'une comptabilité de caisse à une comptabilité en droits constatés dès que le fait générateur d'une ressource ou d'une charge est intervenu. Cette réforme qui améliore la comptabilité nationale a un impact important sur la comptabilisation des prélèvements obligatoires puisque la totalité des impôts exigibles est désormais retracée -quitte à inscrire une charge au titre des transferts des administrations publiques pour la part des impôts non recouvrée- et sur les charges d'intérêt dont l'enregistrement à l'échéance minorait le niveau.

L'autre introduit plusieurs réformes du mode de comptabilisation des prélèvements obligatoires. Certaines d'entre elles intéressent les administrations publiques locales pour lesquelles les dotations versées par l'Etat (la DGF en particulier) ne sont désormais plus considérées comme des impositions locales. A citer encore le fait que les taxes sur les ordures ménagères ou les droits de timbre sont dorénavant traités comme le paiement de services rendus et sont donc exclues des prélèvements obligatoires locaux. D'autres réformes concernent les cotisations sociales. Auparavant considérées comme des cotisations effectives des entreprises, les cotisations prises en charge par l'Etat ne sont plus comptées comme des prélèvements obligatoires. Ce nouveau traitement allège de 40 milliards de francs le montant des prélèvements obligatoires.

Au total, la réestimation du PIB contribue aussi à la diminution du poids des prélèvements dans le PIB qui passe de 44,5 à 43,6 %.

Au terme de la révision des comptes de la Nation apparaissent les modifications suivantes des grands agrégats.

Comparaison entre la base 80 et la base 95 du PIB et des emplois finals

Année 1992, en milliards de francs

 


Base 80


Base 95

Ecart
Base 95 - Base 80
en %

PIB

6.999

7.126

+ 1,8

Consommation finale des ménages et APU (2)

5.529

5.598

+ 1,2

Formation brute de capital

1.376

1.487

+ 8,1

dont FBCF totale

1.405

1.492

+ 6,2

FBCF des SNFEI (1)

782

838

+ 7,2

FBCF des APU (2)

242

262

+ 8,3

FBCF ménages

356

347

- 2,5

dont variations stocks

- 29

- 11

+ 18 MdF

Solde extérieur

+ 94

+ 41

- 53 MdF

Exportations

1.588

1.534

- 3,4

Importations

1.494

1.493

- 0,1

(1) - Formation brute de capital fixe, Sociétés non financières et entreprises individuelles

(2) - Administrations publiques

Le niveau de la production nationale est plus élevé dans une économie plus riche en investissement. Fait notable, la situation financière des entreprises apparaît nettement moins favorable que celle décrite en " base-80 " sous l'effet d'une prise en compte plus réaliste de leur endettement extérieur.

Ces réels progrès dans la voie d'une description plus fidèle de l'économie nationale sont quelque peu assombris par quelques choix discutables et par l'absence d'amélioration de la connaissance du patrimoine des administrations publiques.

Parmi ces derniers, l'extension limitée du secteur des administrations publiques laisse toujours en-dehors de leur champ des entités dont la dépendance à l'égard de l'Etat est pourtant patente (RFF) tandis que le nouveau concept de prélèvements obligatoires tend à les réduire artificiellement s'agissant du traitement comme prix de taxes sans vrai rapport avec une telle notion (telle la taxe d'enlèvement des ordures ménagères).

En ce qui concerne les progrès réalisés dans le domaine de la comptabilité patrimoniale de l'Etat, ils sont minces et se bornent au passage à une comptabilité en droits constatés. Il est regrettable que l'occasion n'ait pas été saisie pour greffer sur la comptabilité nationale les premiers enseignements des missions consacrées à mieux appréhender la situation patrimoniale de l'Etat.

En tout état de cause, il serait intéressant de pouvoir disposer chaque année d'une traduction du projet de budget en comptabilité nationale. Les mérites propres de celle-ci permettraient d'enrichir la présentation budgétaire traditionnelle.

Cette recommandation doit d'ailleurs être étendue à l'ensemble Etat-Administrations de sécurité sociale. La présentation en comptabilité nationale des comptes de ces deux secteurs pour l'année écoulée, l'année en cours et les trois à cinq années à venir permettrait d'améliorer un peu la clarté que l'éclatement en deux projets de loi de finances publiques -le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale- a considérablement réduite.

I. UN PAYSAGE ÉCONOMIQUE INTERNATIONAL QUI RESTE TROUBLE

A. L'IMPACT DU SOLDE EXTÉRIEUR SUR LA CROISSANCE

1. Une dépendance à l'égard du reste du monde

L'activité économique intérieure apparaît dépendante de celle du reste du monde.

Un peu plus de 44 % de nos exportations soit plus de 11 % du PIB étaient tributaires de l'activité internationale hors zone euro en 1998.

La reprise de la croissance en Europe et tout particulièrement en France est intervenue en 1997 sous l'effet d'une augmentation sans précédent de l'excédent du commerce extérieur résultat elle-même d'une envolée des exportations.

Si la contribution du commerce extérieur à la croissance avait été nulle en 1997, c'est-à-dire si le solde du commerce extérieur n'avait pas varié, la reprise de 1997 (+ 2,2 %) se serait transformée en un ralentissement de l'activité (+ 0,8 % contre + 1,3 % en 1996 1( * ) ).

En bref, l'accélération de la croissance a été due en totalité dans ses prémisses à l'augmentation de l'excédent extérieur qui a fait mieux que compenser en 1997 le retour de la demande intérieure à une langueur qu'elle n'avait pas connue en 1996.

La dépendance de l'économie française à son environnement international attestée par son degré d'ouverture s'est illustrée dans l'impact négatif du commerce extérieur sur la croissance au cours de l'année 1998. Ce phénomène devrait persister quoiqu'un peu atténué en 1999. Il disparaîtrait l'an prochain puisque les prévisions du gouvernement incluent une contribution du solde extérieur à la croissance neutre en 2000 contre - 0,2 point de PIB en 1999 2( * ) .

La dégradation du solde extérieur serait donc interrompue, après le retournement de tendance observé entre 1997 et 1998.

Les variables du solde extérieur en 1999 et 2000 doivent être distinguées sous l'angle de leurs significations respectives.

Variation du volume des exportations et
des importations entre 1998 et 2000

 

1998

1999

2000

Exportations

6,2

0,7

4,7

Importations

8,7

2,1

4,9

Après avoir augmenté beaucoup plus vite que les importations en 1997, les exportations ont décéléré en 1998 davantage que les importations, ce phénomène se poursuivant en 1999.

La chute brutale du rythme de croissance des exportations est venue en 1998 des effets de la crise des pays émergents, du Japon et de la Russie.

Variation des importations 1996-2000

(variation annuelle réelle en %)

 

Poids

1996

1997

1998*

1999*

2000*

Monde

100,0

7,7

10,2

4,7

4,9

3,9

Monde excl EU-15

64,7

9,9

10,9

3,0

4,4

5,5

Etats-Unis

16,6

9,9

14,7

11,9

5,9

5,6

Japon

5,7

10,0

2,4

- 6,7

- 3,4

0,9

Asie 4 + Corée du Sud (1)

6,6

12,8

5,9

- 18,7

5,2

7,3

PAE (2)

2,6

9,7

13,0

12,1

10,7

10,4

Russie

1,4

7,1

14,9

- 16,0

- 15,0

- 20,0

* Prévisions d'automne 1998

(1) Indonésie, Thaïlande, Malaisie et Philippines

(2) Pays de l'accord européen : Bulgarie, République tchèque, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie, Slovaquie et Slovénie

Source : Services de la Commission européenne


La vigueur de la demande américaine et le dynamisme du commerce intra-européen ont toutefois permis de limiter les effets d'une crise dont l'impact moyen en 1998 ne rend pas totalement compte puisqu'elle ne s'est approfondie qu'en cours d'année.

2. Les perspectives pour 1999-2000

Pour 1999, le phénomène inverse de reprise des économies émergentes qui interviendrait seulement progressivement en cours d'année pèse sur la croissance moyenne des exportations qui devrait pâtir également d'une atténuation de la demande américaine et du commerce au sein de l'Union européenne.

Les prévisions de redémarrage des exportations pour 2000 tiennent compte de la reprise des économies émergentes qui jouerait en année pleine ainsi que de l'accélération de l'activité en Europe dans un contexte de stabilisation de l'économie japonaise.

Elles s'appuient aussi, et ce n'est pas entièrement cohérent avec les perspectives de la croissance américaine, sur le maintien d'un dynamisme des importations des Etats-Unis. Il faut surtout souligner qu'elles seraient sérieusement ébranlées par une appréciation de l'euro contre le dollar.

Ce retour à la croissance des exportations est tout particulièrement bienvenu compte tenu des prévisions portant sur les importations. En 1999, celles-ci sont exceptionnellement favorables puisque leur rythme fléchit beaucoup plus que la demande intérieure, mais il apparaît difficile de les prolonger en 2000.

De fait, la décélération des importations en 1999 limiterait l'impact négatif du commerce extérieur sur la croissance. Cet effet de volume est massif puisque la croissance des importations passerait de 8,7 % en 1998 à seulement 2,1 % cette année. Il s'explique sans doute par un ralentissement de l'industrie -secteur à l'intensité en biens importés relativement élevée- plus marqué que celui de l'ensemble de l'économie.

L'on doit encore souligner que l'évolution déflationniste des prix des produits importés -hors pétrole- contribuerait en 1999 à freiner la croissance en valeur des importations et, du même coup, accentuerait les effets favorables de la décélération de leur volume sur l'activité intérieure.

Mais, ces enchaînements ne peuvent être raisonnablement répétés en 2000, compte tenu du profil moyen et de la composition de l'activité économique escomptée ainsi que des anticipations de prix des biens importés associés à la sortie de crise des pays émergents.

Le redémarrage de l'activité économique intérieure qui devrait tout particulièrement profiter à l'industrie produirait les effets inverses de ceux attendus pour 1999. Le sursaut attendu des investissements des entreprises suppose en particulier un contenu de la croissance plus riche en importations.

La reprise de l'activité économique mondiale susciterait quant à elle une appréciation des prix des importations (+ 2,4 %). Participerait aussi à ce dernier phénomène le redressement du taux de change des pays en crise qui renchérirait les importations de la zone euro.

B. L'ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL DE LA ZONE EURO, UN RÉÉQUILIBRAGE PROBLÉMATIQUE

1. Un scénario d'environnement international favorable

Les budgets économiques sont construits sur l'hypothèse d'une accélération de la demande mondiale adressée à la zone euro. Celle-ci passerait de 2,3 % en 1999 à 5,7 % l'an prochain.

Cette accélération proviendrait elle-même d'une augmentation du rythme de croissance dans le monde.

Croissance mondiale (1) du PIB par zone

 

1996

1997

1998

1999

2000

Monde (2)

4,4

4,2

2,2

2,8

2,9

dont :

 
 
 
 
 

Etats-Unis

3,4

3,9

3,9

3,8

2,1

Canada

1,2

3,8

3,0

2,9

2,8

Japon

5,2

1,4

- 2,9

1,0

0,1

Royaume-Uni

2,6

3,5

2,2

1,3

2,4

dont : Pays émergents

 
 
 
 
 

Europe centrale

4,9

4,8

3,1

2,0

3,1

Principaux pays d'Asie (hors Japon)

8,3

6,9

2,9

5,2

5,5

Chine

9,7

8,8

7,8

7,0

6,4

Inde

7,0

5,2

5,8

6,0

5,4

Pays d'Asie en crise

6,9

4,9

- 6,1

2,0

4,2

Principaux pays d'Amérique latine

3,7

5,8

2,3

- 1,3

2,2

(1) Hors zone euro

(2) Y compris la zone euro

Source : Rapport économique, social et financier. Projet de loi de finances pour 2000


Les évolutions de la croissance mondiale peuvent être mises en rapport avec la structure des exportations françaises récapitulée dans le tableau ci-après :

Structure géographique des exportations françaises en 1998 et état des soldes commerciaux

(en % et milliards de francs courants)

Régions

Exportations

Solde

Monde

100,0

73,0

Union européenne

63,8

66,3

Zone Euro

50,5

13,0

Allemagne

16,1

- 7,9

Italie

9,2

- 6,2

UEBL

7,9

7,4

Espagne

8,8

34,8

Grande Bretagne (1)

10,1

37,5

Principaux pays industrialisés hors U.E. (2)

14,8

- 22,1

dont

 
 

Etats-Unis

7,5

- 15,6

Japon

1,6

- 28,9

Suisse

3,4

19,2

Pays du Proche et Moyen-Orient (3)

2,3

12,1

Pays en transition

3,5

10,5

CEI

0,9

- 3,4

Europe Centrale et Orientale (4)

2,6

13,9

Afrique

5,8

33,7

Asie émergente (5)

5,3

- 19,1

dont

 
 

Chine

1,1

- 23,3

ASEAN

1,8

- 8,0

Corée du Sud

0,6

- 0,6

Hong-Kong

1,0

13,6

Amérique latine

2,6

16,0

dont

 
 

Mexique

0,4

4,1

Brésil

0,7

0,4

Argentine

0,5

6,2

Source : Douanes

(1) Pays en réalité hors zone euro

(2) Etats-Unis, Canada, Japon, Australie, Suisse, Norvège

(3) Arabie Saoudite, Iran, Irak, Koweït, Bahrein, Qatar, EAU, Oman, Yemen, Liban, Syrie, Israël, Jordanie

(4) Pologne, Hongrie, République Tchèque, République slovaque, Bulgarie, Roumanie, Albanie, Estonie, Lettonie, Lituanie

(5) Chine, Corée du Sud, Taïwan, Hong-Kong, Bruneï, ASEAN (Thaïlande, Indonésie, Malaisie, Singapour, Philippines)


Les données relatives aux échanges commerciaux rappelées plus haut ne rendent pas seules compte de la sensibilité de l'économie française aux évolutions économiques mondiales. Il faut en effet y ajouter la dimension financière et monétaire, toujours susceptible d'être significativement altérée par les modifications de l'équilibre international.

Le scénario du gouvernement repose sur un rééquilibrage harmonieux de la croissance dans le reste du monde.

La croissance économique resterait soutenue aux Etats-Unis, mais son rythme décélérerait. La reprise observée au Japon en 1999 ne se prolongerait pas l'an prochain mais l'économie japonaise ne connaîtrait pas à proprement parler de récession. L'activité s'amplifierait au Royaume-Uni. Enfin, dans le reste du monde en développement ou émergent, la sortie de crise se poursuivrait avec un retour à une croissance soutenue.

Cet ensemble d'hypothèses dessine une conjonction favorable à la stabilité monétaire et financière mondiale qui, d'ailleurs, conditionne à son tour chacune d'elles.

Le ralentissement de la croissance aux Etats-Unis éloigne les risques de turbulences. Le desserrement des tensions inflationnistes qu'il permet d'envisager, le moindre recours à l'endettement, réduiraient la pression sur les taux d'intérêt et les risques de variations importantes de la parité du dollar. Cette dernière perspective doit d'ailleurs être appréciée en tenant compte de l'essoufflement de la reprise au Japon qui libérerait de l'épargne, et accrédite le scénario de stabilité monétaire internationale. Celui-ci à son tour renforce l'hypothèse du maintien de la reprise dans les pays émergents. L'épargne mondiale reviendrait vers ces économies, nulle chute du dollar ne viendrait menacer leur compétitivité extérieure regagnée à force de dépréciation de leur monnaie et la demande intérieure qui, au coeur de la crise, avait considérablement chuté, se nourrirait d'anticipations redevenues favorables.

Ce panorama international recèle toutes les qualités indispensables à une reprise solide en Europe. La stabilité des conditions monétaires -ni appréciation, ni dépréciation significative du dollar et du yen- favorise la reprise en Europe qui, de son côté, ne provoque pas de pénurie d'épargne. Le redressement du solde extérieur américain, l'amélioration du solde des échanges entre l'Europe et les pays émergents et le maintien d'une forte capacité de financement au Japon permettent à la reprise européenne de n'être pas déstabilisante.

2. Ce scénario est soumis à de nombreuses incertitudes

Sans prétendre que ce scénario soit irréaliste, il faut à tout le moins souligner les aléas qui l'entourent. Ceux-ci portent sur chacune des hypothèses de croissance posées pour les différents grands pôles de l'économie mondiale. Ils portent aussi et, peut-être surtout, sur la combinaison de ces hypothèses.

L'incertitude majeure est évidemment du côté des Etats-Unis. La poursuite d'une forte croissance aux Etats-Unis ou, en sens inverse, un atterrissage brutal de l'économie américaine, constituent deux risques majeurs dont la combinaison n'est d'ailleurs pas à exclure. Un dérèglement économique suscité par le maintien d'une croissance non soutenable peut en effet créer les conditions d'une récession ultérieure.

La croissance américaine n'a cessé d'être soutenue depuis 1994, son rythme s'accélérant à partir de 1996. Cette croissance excède le sentier de croissance durable depuis 1997. L'écart entre la production effective et la production potentielle est constant depuis et ne cesse de s'amplifier.

L'écart à la croissance potentielle : " l'écart de croissance "

Le taux de croissance potentielle est celui qui serait atteint si les facteurs de production -le travail et le capital pour l'essentiel- étaient normalement utilisés. L'écart entre le taux de croissance potentielle et le taux effectif de croissance -" l'écart de croissance "- permet de rendre compte, lorsque le second est plus élevé que le premier, de phénomènes de rareté et d'anticiper des tensions inflationnistes.

Lorsque la situation inverse se présente, il permet de rendre compte de phénomènes de sous-utilisation des facteurs de production (chômage, sous-investissement).

Cependant, l'observation d'un " écart de croissance " n'a guère de portée explicative en tant que telle, parce que la mesure de la croissance potentielle suppose que soient résolues des questions aussi importantes que celle du niveau soutenable d'utilisation des facteurs ou encore celle du niveau de leur productivité.

Partant, l'observation d'un " écart de croissance " n'a une valeur opératoire efficace que pour autant que ces questions soient correctement résolues.

Pour illustrer la portée de ces deux observations, on peut raisonner sur l'exemple de l'emploi.

La croissance potentielle dépend d'une utilisation normale du facteur travail disponible. La population active détermine quantitativement les disponibilités. Mais la question des facteurs déterminant qualitativement l'utilisation " normale " de la population active se pose en de tout autres termes. La réponse donnée à cette question suppose un jugement normatif et passe généralement par l'idée qu'une utilisation normale de la population active est celle qui n'engendre pas de tensions inflationnistes ou de tensions salariales.

On remarquera d'abord que l'une et l'autre de ces deux conditions ne sont pas entièrement assimilables -tensions salariales et inflationnistes ne vont de pair qu'à partage inchangé des gains de productivité entre profits et salaires.

On remarquera surtout que l'évaluation du taux de chômage nécessaire pour que lesdites tensions soient contenues est conjecturale et très certainement variable en fonction de multiples paramètres : le coût du travail bien sûr mais aussi la qualité de la main-d'oeuvre ou encore l'organisation du travail.

Ainsi, le rapprochement de la croissance effective et de la croissance potentielle suppose de résoudre des problèmes méthodologiques considérables, ce qui conduit à préconiser une interprétation prudente de cet instrument.

Ecarts de croissance aux Etats-Unis

 

1996

1997

1998

1999 (1)

2000 (1)

Croissance effective

3,4

3,9

3,9

3,6

2

Ecarts de croissance

- 0,2

1,1

2,1

2,8

1,9

(1) Prévisions

Source : OCDE


Cet écart de croissance s'est amplifié malgré le dynamisme exceptionnel, dans son ampleur et sa continuité, de l'investissement.

Formation brute de capital fixe aux Etats-Unis

Croissance en volume

1996

1997

1998

1999

7,9

7,3

9,7

6,1

L'augmentation rapide des capacités de production aux Etats-Unis y a sans doute assis la croissance mais n'a pas suffi à lui assurer une pleine soutenabilité.

Du côté du travail, l'augmentation de la population active et celle du taux d'activité ont permis d'alimenter l'appareil productif mais le taux de chômage s'est progressivement réduit pour atteindre un niveau proche d'une situation de plein emploi.

Dans ces conditions, une certaine modération salariale, d'ailleurs relative puisque les coûts unitaires de main-d'oeuvre ont davantage progressé aux Etats-Unis que chez ses concurrents, a pu être jusqu'alors observée. Les gains de productivité ont favorisé un certain équilibre auquel les perspectives patrimoniales des agents américains ont contribué. La valorisation attendue des actifs a en effet suscité un endettement qui a de plus en plus secondé les revenus tirés de leur travail par les ménages américains. La dette brute des agents économiques américains dépasse désormais 120 % du PIB.

Les tensions inflationnistes que comporte la croissance aux Etats-Unis et les équilibres financiers sur lesquels elle repose constituent une conjonction dangereuse.

Une réduction du rythme de croissance est nécessaire pour amenuiser les risques inflationnistes internes mais aussi externes -prix du pétrole et des matières premières- que recèle la croissance américaine. Elle éloignerait aussi les perspectives de tensions sur les taux d'intérêt américains dont la propagation mondiale est à redouter.

Toutefois, le ralentissement de la croissance est susceptible de mettre en difficulté les agents économiques et, en particulier, les ménages à travers ses effets sur leur revenu courant et de modifier considérablement leurs comportements dès lors que leurs anticipations financières se retourneraient. Le patrimoine financier net des ménages américains leur permet de faire face à leurs engagements sans difficultés. Toutefois, une variation défavorable de la valeur des actions qu'ils détiennent engendrerait des effets négatifs sur leur demande, dont l'ampleur dépendrait de son niveau.

Le dilemme américain fait ainsi peser une sérieuse menace sur l'économie mondiale et place la combinaison des politiques budgétaire et monétaire conduites aux Etats-Unis -seules à même d'y provoquer un repli ordonné de la croissance- au coeur des enjeux économiques internationaux.

L'évolution de l'économie japonaise et celle des pays émergents constituent par ailleurs une variable majeure des équilibres économiques internationaux.


L'activité au Japon resterait faible en 1999 (1 %) malgré un déficit public qui atteint 10 % du PIB et qui apparaît seul soutenir la demande intérieure, et en dépit du très faible niveau des taux d'intérêt (0,3 % pour le court terme, 1,7 % pour le long terme). La combinaison des politiques économiques conduites au Japon pose le problème crucial de sa soutenabilité. La dette publique japonaise dépasse 100 % du PIB et progresse sur un rythme excessif.

L'économie japonaise occupe une place majeure sur la scène internationale, à la fois comme pilier de l'économie du Sud-Est asiatique et du fait de la nature de ses relations avec les Etats-Unis.

Toute récession japonaise est susceptible de se traduire, toutes choses égales par ailleurs, comme un frein à la reprise des économies émergentes asiatiques et par une aggravation du déficit extérieur américain qui est déjà considérable.

Les excédents japonais sont largement recyclés à l'extérieur de l'économie nippone et contribuent en particulier au financement de la croissance américaine. L'appareil financier du Japon est en cours de restructuration et le succès de cette phase dépend directement de l'évolution des marchés boursiers.

Une éventuelle récession de l'économie japonaise pourrait provenir d'une augmentation importante du taux d'épargne des agents économiques inquiets de l'avenir et, en particulier, des perspectives de financement de la dette publique et soucieux d'anticiper une hausse des taux d'intérêt qui ont atteint un niveau peu durable. Ce supplément d'épargne pourrait ne pas être en rapport direct avec l'accroissement du taux d'épargne si les revenus auxquels il s'appliquerait étaient en contraction.

En toute hypothèse, l'orientation qui lui serait donnée, ainsi d'ailleurs que, plus globalement, celle de l'ensemble de l'épargne japonaise, conditionne les perspectives de l'économie mondiale. Une perte d'attractivité des Etats-Unis susciterait une hausse des taux d'intérêt américains sur fond de dépréciation du dollar. Il resterait alors à s'interroger sur la devise qui, en contrepartie, s'apprécierait.

Enfin, la reprise des pays émergents apparaît rapide s'agissant des pays asiatiques et susceptible de déboucher sur une croissance moyenne largement positive dans les pays d'Amérique latine.

Ces perspectives reviennent à imaginer un avenir renouant avec un dynamisme économique dont les fondements ont pu, à la lumière de la crise, être considérés comme manquant de solidité.

Il s'agit donc d'une vision optimiste où les ressorts de la grave crise traversée par ces pays seraient assainis. Les composantes structurelles de cette crise conduisent à douter d'un rétablissement si rapide et si complet.

C. LE REDÉMARRAGE DE L'EUROPE

Europe, Etats-Unis, Japon, quelques caractéristiques comparées

 

Euro-11

EUR 15

Etats-Unis

Japon

1. Population (1997)

 
 
 
 

- En millions d'habitants

290,5

374,2

268,0

126,2

- En % de la population mondiale

5

6,5

4,6

2,2

2. Produit intérieur brut (PIB 1997)

 
 
 
 

- En milliards d'écus

5.549

7.164

6.899

3.699

- En % du PIB mondial

16

20

21

8

- PIB par habitant, en milliers d'écus

19,1

19,0

25,8

29,3

- PIB par habitant, Euro-11 = 100

100

98,9

144,2

116,3

3. Exportations de biens (1997)

 
 
 
 

- En % des exportations mondiales (1)

19,5

-

14,8

9,7

- En % du PIB (2)

13,7

9,7

9,5

10,3

4. Encours des titres d'Etat (en mrds d'écus)

3.277

4.091

6.635

2.826

5. Capitalisation sur les marchés d'actions (en mrds écus)


2.705


4.942


9.497


1.839

6. Réserves de change (en mrds d'écus)

380

455

122

205

(1) Exportations en dehors de la zone euro ;

(2) Euro-11 : exportations en dehors de la zone euro ; EUR 15 : exportations en dehors de l'UE.

Source : Services de la Commission

1. Une accélération de la croissance

La situation économique en Europe s'améliorerait. Le cadrage économique proposé par le gouvernement décrit une accélération de la croissance dans l'Union européenne comme dans la zone euro. Ce regain contribuerait au rééquilibrage anticipé par beaucoup des pôles de croissance dans le monde.

Croissance du PIB en Europe (1)

 

1998

1999

2000

Union européenne (à 15)

2,8

1,9

2,7

Zone Euro (à 11)

2,8

2,0

2,7

(1) en volume

Source : MEFI


Le parallélisme des grandes évolutions conjoncturelles en Europe doit à ce stade être souligné. Les mêmes causes y produisent peu ou prou les mêmes effets.

Equilibre emplois-ressources de la zone euro à 11

Taux de croissance volume

1997

1998

1999

2000

Consommation privée

1,5

2,7

2,6

2,6

Consommation publique

0,4

1,3

1,6

1,4

FBCF

2,2

3,8

3,6

4,6

FBCF équipement

4,0

7,5

4,0

5,0

Exportations

10,2

6,3

3,5

5,1

Importations

8,9

7,9

4,4

5,8

Demande intérieure hors stocks

1,4

2,6

2,6

2,9

Demande intérieure

2,1

3,3

2,4

2,9

PIB

2,6

2,8

2,1

2,7

Contributions

1997

1998

1999

2000

Demande intérieure hors stocks

1,4

2,5

2,5

2,7

Variations de stocks

0,6

0,7

- 0,2

0,1

Solde extérieur

0,5

- 0,4

- 0,3

- 0,1

Source : OCDE, comptes nationaux, Direction de la Prévision

Toutefois, la situation conjoncturelle des différentes économies européennes reste contrastée ce qui est aussi le reflet de différences structurelles importantes.

2. Une situation conjoncturelle néanmoins contrastée

Derrière les similitudes du " phasage " de l'activité, la situation conjoncturelle en Europe offre en effet des contrastes.

Croissance du PIB dans la zone euro

(en %)

 

1996

1997

1998

1999

2000

Zone euro

1,6

2,6

2,8

2,1

2,7

Allemagne

1,3

2,2

2,8

1,5

2,3

France

1,3

2,2

3,1

2,3

2,8

Italie

0,7

1,5

1,4

1,5

2,5

Espagne

2,4

3,5

3,8

3,4

3,4

Pays-Bas

3,1

3,7

3,5

2,4

2,6

Belgique

1,3

3,0

3,1

2,0

2,5

Compte tenu de leur importance relative, la situation économique de l'Allemagne et de l'Italie, qui représentent 51,1 % du PIB de la zone euro (ces deux pays et la France totalisent près des ¾ du PIB de celle-ci), appelle une attention particulière.

On doit le souligner alors que la prévision de croissance dans la zone euro pour l'an prochain est entièrement tributaire d'un net redémarrage de l'activité dans ces deux pays, la croissance devant passer de 1,5 à 2,3 et 2,5 % en Allemagne et en Italie respectivement.

Ce sursaut suppose une vraie rupture pour l'Italie dont le taux de croissance n'a pas, au cours des quatre dernières années, dépassé 1,3 % en moyenne annuelle, et une nette accélération de l'activité en Allemagne.

La convergence au terme de laquelle l'adoption de l'euro a pu concerner 11 Etats européens n'est toutefois pas telle que les économies européennes aient réglé tous leurs problèmes structurels et présentent une unité de visage sur le plan de leurs caractéristiques économiques.

Celles-ci apparaissent marquées de similitudes mais aussi de différences.

Caractéristiques structurelles : similitudes et différences

1998

Belgique

Allemagne.

Espagne

France

Irlande

Italie

Luxemb.

Pays-Bas

Autriche

Portugal

Finlande

Zone euro

Part du PIB a)

3,9

33,0

8,6

22,2

1,3

18,1

0,3

5,9

3,3

1,7

1,9

100

Ouverture b)

25,6 c)

12,6

8,7

10,2

38,7

10,3

-

24,2

11,4

9,6

20,5

12,9

Interdépendance d)

39,3 c)

10,2

11,5

10,9

19,6

9,2

-

29,9

19,0

19,0

9,9

13,1

FCBF e)

18,2

19,5

21,1

17,1

19,3

16,8

22,7

20,0

24,1

25,7

17,5

18,8

- du secteur public f)

1,5

1,8

3,0

2,8

2,5

2,3

5,0

2,5

2,0

4,1

2,7

2,3

Salaire par personne occupée g)


123


109


74


110


94


90


127


112


103


43


100


100

Productivité h)

116

111

71

112

106

93

125

116

110

41

106

100

Coûts unitaires de main-d'oeuvre i)

105

98

104

99

90

98

102

97

94

105

95

100

Pression fiscale j)

48,3

42,2

36,9

47,6

32,3

42,9

42,5

44,5

46,5

36,5

46,5

43,4

Taux de chômage k)

8,3

9,7

18,9

11,7

8,7

12,0

2,4

4,0

4,4

5,7

11,6

11,0

Taux d'emploi l)

57,3

61,8

48,6

60,1

57,8

51,3

60,6

66,7

69,9

67,5

63,9

58,0

Equivalent plein temps m)

53,0

55,7

46,3

55,4

53,7

49,8

58,1

53,0

65,0

64,6

60,7

53,6

a) PIB nominal pour 1998, en écus

b) Moyenne des importations et exportations de biens hors zone euro, en % du PIB

c) Belgique et Luxembourg

d) Moyenne des importations et exportations de biens dans la zone euro, en % du PIB

e) Formation brute de capital fixe à prix courants, en % du PIB

f) Administrations publiques, en % du PIB

g) Rémunération par personne occupée, en écus courants, Euro-11 = 100

h) PIB nominal per personne occupée, en écus courants, Euro - 11 = 100

i) Rapport des deux chiffres précédents

j) Somme des impôts directs et indirects et des cotisations de sécurité sociale, administrations publiques, en % du PIB

k) Définition d'Eurostat ; en % de la population active civile

l) Taux d'emploi en % de la population en âge de travailler, taux de référence ; chiffres de 1997

m) Taux d'emploi en équivalent plein temps ; chiffres de 1997

Source : Services de la Commission


Cette situation structurelle qui est associée à des divergences conjoncturelles conduit à s'interroger sur les capacités d'un réglage fin de l'économie européenne.

Sur le terrain budgétaire, le pacte de stabilité et de croissance doit permettre la constitution de marges de manoeuvre dans les périodes fastes mobilisables dans l'hypothèse de retournements de conjoncture. Son inspiration keynésienne, dont il n'est pas sûr que tous les responsables de politique économique acceptent la logique en cas d'utilisation de la politique budgétaire à des fins de soutien de l'économie, est toutefois limitée dans son expression par la persistance d'un plafond de déficit public. La question qui, heureusement n'est pas d'actualité, est de savoir si ce plafond n'exercerait pas une contrainte excessive en phase baissière de la conjoncture dans tel ou tel Etat-membre. Elle se pose d'autant plus qu'à l'inverse de la situation observée dans d'autres zones économiques intégrées nul système budgétaire suprême n'existe en Europe pour réguler la zone.

S'agissant de la politique monétaire, l'actualité récente illustre les difficultés de concevoir une politique monétaire unique. La baisse puis la hausse dans les mêmes proportions et à peu de mois d'intervalle du taux d'intervention de la BCE ont été appréciées par les marchés. Mais, la dernière hausse a aussi été l'occasion d'un resserrement des conditions de crédit bancaire dans des pays où aucune menace inflationniste n'est perceptible et où ce durcissement des conditions monétaires ne peut être perçu comme favorisant la croissance économique.

II. UNE ÉCONOMIE FRANÇAISE SOUS CONTRAINTES STRUCTURELLES

A. UN REBOND CONJONCTUREL QUI NOURRIT DES PRÉVISIONS FAVORABLES

1. Le rebond conjoncturel...

Le ralentissement conjoncturel observé au premier trimestre de l'année où le taux de croissance en volume s'était replié nettement pour passer d'un rythme annuel de 3 % pendant le dernier trimestre 1998 à 1,6 % a été engendré par une réduction du rythme de croissance de la consommation des ménages alors que l'investissement des entreprises accélérait.

La consommation des ménages s'est en effet inscrite sur un rythme de croissance annuel de 0,9 % contre 2,5 % lors du second semestre de 1998. Cette évolution s'est manifestée dans un contexte où, pourtant, les enquêtes de conjoncture réalisées auprès des ménages n'étaient pas marquées par le retournement de leurs opinions vers davantage de pessimisme.

Quant à l'investissement, son taux de croissance annuel s'est établi à 9,1 % au premier trimestre, l'investissement des seules entreprises atteignant 9,6 %. Sur ce point également, un certain paradoxe doit être observé puisque les opinions des chefs d'entreprise mesurées à travers les enquêtes de conjoncture avaient tendance à se dégrader ainsi que les comportements de stocks ont pu alors l'attester Ceux-ci ont en effet eu tendance à se réduire, contribuant négativement à la croissance au premier trimestre (-0,2 point de PIB).

Le deuxième trimestre de l'année s'est caractérisé par un rebond conjoncturel. Le PIB y a progressé de 2,4 % en volume sous l'effet d'un moindre destockage et d'une contribution du commerce extérieur à la croissance plus favorable.

Le rythme de croissance de la demande intérieure hors effets des stocks s'est maintenu (+ 2,5 % contre + 2,6 % en précédent trimestre). Toutefois, sa composition s'est modifiée, la consommation des ménages progressant nettement tandis que les investissements décéléraient (+ 4,1 % en rythme annuel). Les seuls investissements productifs des entreprises sont passés d'une croissance annuelle de 9,6 à 3 % d'un trimestre à l'autre.

Le rebond de l'activité est, pour une part importante, venu du commerce extérieur dans un contexte, nouveau par rapport au trimestre précédent, d'essor des échanges.

2. ... nourrit des prévisions favorables

Les prévisions pour l'année 1999 prolongent le rebond d'activité du deuxième trimestre et tablent sur une croissance de 3 % en rythme annuel au second semestre.

Equilibre ressources-emplois en volume

(aux prix de 1995, moyennes trimestrielles ou annuelles en %)

1998

1999

1998

1999

Prévisions

T1

T2

T3

T4

T1

T2

T3

T4

 
 
 

0,9

0,9

0,5

0,6

0,4

0,6

0,9

0,8

3,4

2,4

PIB (100 %)

2,7

1,2

0,6

0,9

- 1,0

2,0

0,9

1,3

9,4

2,6

Importations (23 %)

3,2

1,0

0,9

1,4

- 0,5

1,6

0,8

1,3

10,3

3,1

dont marchandises (20 %)

 

0,7

1,3

0,6

0,6

0,2

0,5

0,9

0,5

3,6

2,2

Dépenses de consommation des ménages (54 %)

0,3

0,3

0,1

0,2

0,4

0,3

0,4

0,4

1,1

1,2

Dépenses de consommation des APU

1,4

1,7

1,6

1,5

2,1

1,3

0,8

1,3

6,1

6,3

FBCF totale (20 %)

2,0

1,9

1,8

1,0

2,4

1,0

1,0

1,7

7,3

6,4

dont SNF EI (11  %)

- 0,4

1,9

0,7

2,9

2,2

2,5

0,2

0,4

3,4

7,4

Ménages (5 %)

0,9

0,7

1,4

- 1,1

- 0,9

2,6

0,4

1,3

6,9

1,6

Exportations (26 %)

1,5

0,4

1,8

- 1,3

- 0,9

2,8

0,2

1,3

7,8

1,6

dont marchandises (21 %)

1,4

1,0

0,3

1,2

0,4

0,4

1,1

0,8

3,9

2,7

Demande intérieure

Source : INSEE

Contribution à la croissance du PIB

1998

1999

1998

1999

Prévisions

T1

T2

T3

T4

T1

T2

T3

T4

 
 
 

0,6

- 0,1

- 0,4

0,5

- 0,2

- 0,2

0,2

0,2

0,4

0,0

Variations de stocks

- 0,4

- 0,1

0,2

- 0,5

0,0

0,2

- 0,1

0,0

- 0,4

- 0,2

Echanges de biens et services

0,7

1,1

0,7

0,6

0,6

0,6

0,8

0,6

3,3

2,7

Demande intérieure hors stocks

L'accélération de la croissance attendue au second semestre et qui déboucherait sur une croissance en volume de 2,4 %, supérieure de 0,1 point à la prévision du gouvernement, viendrait de la demande intérieure, le couple consommation des ménages - investissement restant dynamique et ses effets sur la demande domestique n'étant plus bridés par le déstockage.

En sens inverse, les échanges extérieurs continuerait d'exercer un effet négatif sur la croissance moyenne.

Des enchaînements proches sont privilégiés pour l'an prochain.

Croissance en 1999 et en 2000 par composante

(en valeur)

 

1999

2000

 

Volume

Valeur

Volume

Valeur

PIB

2,4

2,9

2,8

4,0

Importations

2,6

2,2

4,9

7,3

Consommation des ménages

2,2

3,1

2,7

3,8

FBCF

6,3

6,1

4,1

5,6

dont

 
 
 
 

Ménages

7,4

7,6

3,4

4,9

Entreprises non financières

6,4

6,0

5,0

6,6

Exportations

1,6

0,3

4,7

6,7

Demande intérieure

2,7

3,5

2,8

4,1

Demande intérieure hors stocks

2,8

3,7

2,6

3,8

Demande totale

2,4

2,9

3,0

4,4

La prolongation des tendances de la demande intérieure attendues avec une légère modération au second semestre de l'année en cours offrirait un soutien à l'activité que le redressement des exportations et une progression continue des importations ne viendraient plus affaiblir.

Une différence importante doit être cependant soulignée. Sans être inflationniste, une certaine accélération des prix se produirait au terme de laquelle la croissance en volume des grands agrégats se traduirait par des gains nominaux amplifiés. Cette nuance n'est pas sans intérêt pour les finances publiques puisqu'elle est susceptible de dynamiser les recettes fiscales et d'éviter l'écueil d'une progression des salaires calibrée trop largement au regard de l'évolution des prix.

B. LA PERSISTANCE D'INCERTITUDES

A supposer le diagnostic conjoncturel exact pour la fin de l'année et ainsi acquis le maintien d'une consommation des ménages dynamique malgré les signaux contraires observés au mois de septembre et en dépit de la hausse des prélèvements directs pesant sur le revenu, les perspectives de l'économie française, qui dépendent beaucoup, rappelons-le, de l'environnement international, paraissent obscurcies par la persistance d'incertitudes sur le comportement des agent et de freins structurels à la croissance qu'il importe de desserrer.

1. La persistance de handicaps structurels

Les perspectives d'un essor de l'activité sont altérées par la persistance d'obstacles structurels qu'il importe de lever.

Une croissance durable suppose notamment d'apporter des améliorations au fonctionnement du marché du travail. Elle impose aussi de réduire les incertitudes associées à la gestion d'un secteur public mal maîtrisé et de réorienter l'épargne vers des emplois plus productifs, objectif dont plusieurs travaux récents de votre commission ont rappelé le caractère stratégique.

a) L'augmentation de l'emploi repose sur des bases ambiguës

La progression du nombre d'emplois s'explique par des facteurs divers dont le rapport économique, social et financier présente une synthèse sommaire rappelée dans le tableau ci-dessous.

Contributions à la croissance de l'emploi marchand entre juin 1997 et juin 1999

Emplois liés à la croissance

420.000

Allégements de charge

80.000

Réduction du temps de travail

40.000

Autres mesures

20.000

Il présente une situation où l'essentiel des créations d'emplois marchands a été engendré par la croissance, les mesures de politique économique n'expliquant que le quart des créations d'emplois.

Ce diagnostic qui rappelle opportunément le lien entre croissance et emplois occulte cependant une donnée essentielle, le renforcement de ce lien intervenu sous l'effet de l'enrichissement de la croissance en emplois. Celui-ci est intervenu principalement grâce à une diminution des gains de productivité du travail qui a conduit à un partage du travail de fait. Ces phénomènes ne témoignent pas d'un dynamisme économique et de l'emploi nécessaire à la résorption du chômage.

Il faut d'abord rappeler qu'une partie importante des emplois qui seraient finalement créés au cours de la période 1998-2000 correspondraient à des emplois non marchands, ce dont témoignent les données ci-dessous.

Evolution de l'emploi
(glissements annuels)

 

1998

1999

2000

Cumul

Emplois salariés marchands

325.000

222.000

292.000

839.000

Emplois salariés non marchands

91.000

134.000

85.000

310.000

Totaux

416.000

356.000

377.000

1.149.000

Part de l'emploi salarié non marchand dans les créations d'emplois

(en %)

1998

1999

2000

21,9

37,6

22,5

Les emplois non marchands en cause sont, pour l'essentiel, liés à l'instauration des emplois-jeunes. Leur développement suppose un financement public qui opère un prélèvement sur l'économie et se traduit en contrepartie par une destruction d'emplois que certaines études ont chiffré à plus de 50.000 unités. Le bilan de la mesure, favorable à court terme pour l'emploi, ne l'est toutefois pas dans les proportions que l'affichage des créations brutes d'emplois voudrait accréditer. Mais, il faut ajouter qu'un bilan économique complet suppose de se pencher sur les effets de moyen terme du dispositif et d'enrichir le raisonnement.

La productivité des emplois créés est assurément inférieure à celle des emplois sacrifiés si bien que le bilan des emplois-jeunes sur le potentiel de croissance économique est d'ores et déjà douteux.

Il est surtout susceptible de s'alourdir considérablement à l'avenir puisque se posera à un terme désormais proche le problème de la pérennisation des emplois-jeunes, et en particulier celui de leur intégration à la fonction publique.

S'agissant des emplois marchands, leur essor a été favorisé par une baisse des gains de productivité apparente du travail au terme de laquelle l'économie française crée désormais des emplois dès que sa croissance en volume avoisine 1,5 %.

Ce ralentissement de la productivité du travail, qui appelle des investigations complémentaires, résulte probablement d'une combinaison de facteurs ou la faiblesse relative de l'investissement, la désindustrialisation et la montée en charge corrélative du secteur des services, ainsi que les modifications de la structure des emplois jouent des rôles congruents.

Elle a des effets positifs sur l'emploi d'un point de vue quantitatif mais son bilan qualitatif est moins favorable tandis que son impact économique est, lui, négatif.

La nature des emplois créés conduit en effet à nuancer beaucoup l'impression plutôt favorable qui ressort des données strictement quantitatives.

La contribution des emplois d'intérim à la création d'emplois apparaît très importante de même que, plus globalement, celle des emplois à temps partiel.

Ainsi, le volume de travail temporaire qui s'était déjà accru de 23,4 % entre 1996 et 1997 a progressé de 26,6 % en 1998.

La proportion des emplois à temps partiel s'accroît donc considérablement, la situation de la France tendant sur ce point à dépasser la moyenne observée en Europe alors qu'elle en était très éloignée au début de la décennie.

Proportion d'emplois à temps partiel dans l'emploi total

(en %)

 

1983

1992

1997

Allemagne

12,6

15,1

17,5

Belgique

8,1

12,4

14,7

Danemark

23,8

22,5

22,3

Espagne

-

5,8

8,2

France

9,6

12,7

16,8

Italie

4,6

5,9

7,1

Norvège

29,6

27,1 (1)

26,6 (2)

Pays-Bas

21

34,5

38

Portugal

-

7,3

9,9

Royaume-Uni

18,9

23,5

24,9

Suède

24,8

24,9 (1)

24,5

Etats-Unis

18,4

17,6 (1)

18,3 (2)

Union européenne (à 12 ou 15)

-

14,2

16,9

Notes : Pour les pays de l'Union européenne, en 1992 et 1997, la classification entre temps partiel et temps plein dépend d'une question directe dans l'Enquête sur les Forces de travail, sauf en Autriche et aux Pays-Bas où elle dépend du nombre d'heures habituellement travaillées. Quand on demande aux personnes ayant un emploi si elles exercent un emploi à temps partiel, elles comparent leur nombre d'heures habituellement effectuées avec le nombre normal d'heures dans leur profession et leur activité en tenant compte des conventions appliquées dans l'Etat membre concerné (par exemple, l'obligation d'un accord formel avec l'employeur).

(1)Chiffre de 1993

(2) Chiffre de 1996

Sources : pour les pays de l'Union européenne, en 1992 et 1997, Eurostat, Enquêtes Forces de travail, sinon OCDE


Cependant, à l'inverse de la situation moyenne en Europe, le développement du temps partiel apparaît en France largement involontaire.

Proportion de temps partiel " involontaire " en 1997

(en %)

 

Total

Hommes

Femmes

Allemagne

13

18

13

Autriche

8 (1)

9

8

Belgique

26 (1)

40

24

Danemark

14

13

13

Espagne

24 (1)

23

25

Finlande

38 (1)

33

40

France (2)

41

53

39

(3)

31

45

27

Grèce

41 (1)

50

36

Irlande

25 (1)

46

18

Italie

38 (1)

46

35

Pays-Bas

6

8

5

Portugal

22 (1)

16

24

Royaume-Uni

12

24

10

Suède

32

35

31

Union européenne (à 12 ou 15)

20

27

18

Notes : Raison de temps partiel : modalité 4 " emploi à temps complet non trouvé "

(1) Pays pour lesquels la modalité " autres raisons " est supérieure à 10 %

(2) Publication Eurostat

(3) Après correction de l'algorithme français

Source : Commission européenne (1995) et OCDE (1999)


Les créations d'emplois ne sont donc pas, loin de là, entièrement équivalentes à un recul du sous-emploi, ce dont témoignent les données ci-dessous.

Taux de sous-emploi parmi les emplois à temps partiel en 1998

(en %)

Ensemble

Hommes

Femmes

38,5

51,5

35,6

Sources : Enquêtes Emploi, INSEE

A côté de ses conséquences mitigées sur le marché du travail, la réduction des gains de productivité apparente du travail a par ailleurs un impact économique négatif. Elle réduit le sentier de croissance potentielle et affecte ainsi les capacités de l'économie française à dégager des surplus.

Cette contrainte doit impérativement être prise en considération dans toute réflexion sur les perspectives de croissance en France et sur les conditions de répartition de ses fruits.

b) La réduction du temps de travail planifiée par les lois sur les " 35 heures " ne va pas dans le sens d'une amélioration du fonctionnement du marché du travail

La première loi de réduction du temps de travail aurait permis la création de 40.000 emplois, chiffre qui contraste pour le moins fortement avec celui du rapport du ministère de l'emploi du 20 septembre 1999 mentionnant 120.273 emplois liés à cette loi. Ce dernier chiffre est pourtant celui des créations d'emplois attendus en 2000 du fait de la réduction du temps de travail dans le rapport économique, social et financier associé au projet de loi de finances.

Les prévisions du gouvernement apparaissent en très net retrait par rapport aux annonces qui avaient accompagné la présentation du premier projet de loi. Elles s'inscrivent pourtant dans le cadre d'un jeu d'hypothèses où toutes les conditions d'une réduction réussie du temps de travail sont réunies :

- les coûts unitaires de production n'augmenteraient pas, la réduction du temps de travail étant neutre pour les entreprises ;

- les capacités de production seraient maintenues ;

- la consommation des ménages, donc la masse salariale, ne serait pas réduite ;

- l'équilibre des finances publiques prises dans leur ensemble ne serait pas dégradé.

Ce scénario, de convenance, ne doit pas dissimuler les risques importants résultant de l'introduction impérative des " 35 heures ".

Ils concernent d'abord le coût unitaire du travail qui pourrait être sensiblement accru au détriment des capacités des entreprises à investir 3( * ) . Un rapport de notre collègue Joël Bourdin au nom de la Délégation du Sénat pour la planification rappelle que, selon le ministère de l'Emploi, seul un accord d'entreprise aidé sur deux prévoit une baisse initiale ou un gel des salaires (la durée de ce gel s'établissant en moyenne à deux ans), tandis qu'un accord aidé sur quatre prévoit une moindre augmentation des salaires et qu'un accord aidé sur cinq ne prévoit aucune forme de modération salariale.

En moyenne, les efforts de modération salariale pourraient ainsi s'avérer modestes, d'autant plus que les entreprises ne semblent pas avoir freiné les salaires en 1998 dans la perspective des négociations relatives aux 35 heures.

Comme la baisse du chômage induite à partir de 2001 par la réduction du temps de travail qui s'ajouterait à celle suscitée par une croissance dynamique renforcera la position des salariés lors des négociations salariales, les travaux de projection réalisés par la Délégation du Sénat décrivent une vive accélération des salaires horaires en fin de période. En dépit de la baisse de la durée du travail, les salaires mensuels réels retrouveraient ainsi rapidement un niveau proche de leur niveau tendanciel.

" La mise en oeuvre des 35 heures accélère donc spontanément le revenu des ménages . A l'inverse elle détériore progressivement la capacité de financement des entreprises (d'environ 32 milliards de francs en 2005) et ce, avant même l'instauration de prélèvements supplémentaires 4( * ) . Il en résulte à moyen terme un risque pour la pérennité des emplois créés par la réduction du temps de travail ".

Le second risque concerne les finances publiques. Les mêmes travaux rappellent judicieusement que le montant des allégements de charge envisagés pour faciliter les 35 heures dépasse sensiblement l'effet favorable de la réduction du temps de travail pour les finances publiques (1.250 francs par an par salarié et par heure de réduction de la durée effective du travail selon le rapport du ministère de l'Emploi).

En d'autres termes, les allégements de charge " surfinancent " la réduction effective du temps de travail. Pour mettre en oeuvre les 35 heures sans dégrader l'équilibre des finances publiques, le gouvernement doit donc ou bien réduire d'autres dépenses, ou bien instituer de nouveaux prélèvements, cette seconde option revenant à reprendre d'une main ce que l'on octroie de l'autre.

Cette analyse est étayée par les travaux de projection réalisés par l'OFCE à la demande de notre Délégation pour la planification qui établissent que le creusement du déficit des administrations publiques résultant des " 35 heures " serait d'environ 15 milliards de francs à l'horizon 2003.

Coût des 35 heures pour les administrations publiques
après bouclage macro-économique

(en milliards de francs)

Allégements de charges

- 65,5

Retour de cotisations sociales

+ 31,5

Baisse des prestations chômage

+ 14,5

Surcroît de recettes fiscales

+ 4,8

Coût net ex post

- 14,7

Source : OFCE, modèle MOSAIQUE

c) La situation du marché du travail est illustrée par le paradoxe de la formation de goulots d'étranglement en situation de sous-emploi

Ce paradoxe amène à poser la question de l'adaptation de la formation, du niveau du coût du travail peu qualifié et de la cohérence d'un maintien délibéré de ce coût à un haut niveau avec celui de prestations telles que le revenu minimum d'insertion (RMI) dont le volet insertion paraît ainsi condamné à l'avance.

Le niveau des prestations délivrées aux titulaires du RMI et aux chômeurs en fin de droits contraste en effet avec leur faible retour à l'activité, les prestations ne servant plus qu'à l'assistance. On peut dès lors des demander si le RMI n'est pas désormais " un revenu minimum d'inactivité ". Il est au demeurant frappant de rappeler que la charge du RMI pour l'Etat a augmenté de 30 % depuis 1996, malgré la vive croissance de l'économie et des emplois, parmi lesquels figure d'ailleurs une part importante d'emplois peu qualifiés.

Dans le même temps, de nombreux gisements d'emplois existent mais ne sont pas occupés car trop coûteux pour les entreprises (poids des charges sociales sur les bas salaires) et trop faiblement rémunérateurs pour les bénéficiaires de prestations d'assistance et notamment du RMI (leur revenu augmente, mais leur pouvoir d'achat peut diminuer en raison de la perte du bénéfice de certaines prestations ou bien des impositions nouvelles auxquelles ils deviennent assujettis, comme les taxes locales).

En ce sens, l'instauration d'un revenu minimum d'activité (RMA) pourrait renverser ces effets pervers en proposant une solution servant les intérêts des exclus comme des entreprises par une réorientation totale des aides publiques.

2. Les incertitudes sur le comportement des agents

a) Les ménages

La demande des ménages qui représente 59,3 % du PIB se compose de leur consommation (54,3 % du PIB) et de leurs investissements (5 % du PIB). Elle s'accroîtrait de 3,9 % entre 1999 et 2000 et contribuerait ainsi pour 1,7 point de PIB à la croissance prévue en 2000 (+ 2,8 %).

Les taux de croissance en valeur de la consommation des ménages montre que le dynamisme observé en 1998 ne se confirmerait pas pleinement cette année mais que l'année 2000 marquerait un regain . La progression moyenne en valeur en serait successivement de 4,35 % en 1998, 3,1 % en 1999 et 3,8 % en 2000.

Le tableau ci-dessous exprime ces chiffres en volume et retrace les principaux déterminants de la consommation.

Evolution du volume de la consommation des ménages
et de ses principaux déterminants

 

1998

Prévisions 1999

Prévisions 2000

Revenu disponible brut en pouvoir d'achat

2,5

2,6

2,6

Dépenses de consommation

3,4

2,4

2,7

Taux d'épargne

15,5

15,7

15,6

Les données ici récapitulées n'ont pas toutes le même statut. Celles qui concernent l'année 1998 résultent d'une observation rétrospective, les autres appartenant au domaine des prévisions. Or celles-ci qui sont pour partie hypothétiques ne s'appuient pas sur les mêmes enchaînements que ceux constatés en 1998.

Ces derniers ont été exceptionnels en effet même s'ils ont pu confirmer une donnée qui, elle est devenue habituelle c'est-à-dire la volatilité des comportements des ménages et les difficultés de prévision qui en résultent.

L'essor de la consommation des ménages en 1998 a, de fait, largement dépassé celui de leur revenu . Les gains de pouvoir d'achat se sont établis à 2,5 % et la croissance de la consommation en volume à 3,4 %. Cet écart a supposé une diminution très importante du taux d'épargne des ménages (-0,8 point).

Les prévisions pour 1999 et 2000 ne retiennent pas de tels enchaînements : la consommation varierait comme le revenu tandis que le taux d'épargne serait stabilisé.

Le revenu disponible brut des ménages bénéficierait en 2000 comme en 1999 d'une progression de son pouvoir d'achat de 2,6 %.

Evolution en termes réels* du revenu disponible des ménages

Taux de croissance annuel

 

Contrib. Croissance du RDB (1)

1995

1996

1997

1998

1999

2000

 

1995

1996

1997

1998

1999

2000

1,2

0,6

1,3

2,9

2,7

2,8

Revenus d'activité

1,0

0,5

1,1

2,4

2,3

2,4

 
 
 
 
 
 

dont :

 
 
 
 
 
 

1,6

0,8

1,3

3,0

3,0

2,6

Salaires bruts

0,9

0,5

0,7

1,7

1,7

1,5

0,3

0,0

1,3

2,8

2,1

3,4

EBE (y compris EI)

0,1

0,0

0,3

0,7

0,5

0,9

 
 
 
 
 
 

Transferts nets

0,4

- 0,3

0,2

- 0,5

- 0,2

- 0,4

 
 
 
 
 
 

dont :

 
 
 
 
 
 

1,7

2,5

1,3

1,8

2,5

1,4

Prestations sociales

0,6

0,8

0,4

0,6

0,8

0,5

0,8

4,9

1,0

4,7

4,2

3,5

Impôts et cotisations

- 0,2

- 1,1

- 0,2

- 1,1

- 1,0

- 0,9

 
 
 
 
 
 

dont :

 
 
 
 
 
 

1,5

4,3

- 3,7

- 19,5

3,8

2,6

Cotisations sociales

- 0,2

- 0,5

0,5

2,4

- 0,4

- 0,3

0,0

5,7

6,9

32,5

4,4

4,2

Impôts y compris CSG et RDS

0,0

- 0,6

- 0,7

- 3,5

- 0,6

- 0,6

19,1

- 0,4

4,9

7,2

6,5

7,2

Intérêts, dividendes et div. nets

1,3

0,0

0,4

0,6

0,6

0,6

2,7

0,2

1,6

2,5

2,6

2,6

Revenu disponible brut

2,7

0,2

1,6

2,5

2,6

2,6

(1) Aux arrondis près.

Les gains de pouvoir d'achat seraient donc stabilisés à un niveau proche de ceux atteints en 1995 et en 1998 mais sensiblement supérieur à ceux de 1997 et, plus encore, de 1996, année exceptionnelle au cours de laquelle la faible croissance des revenus d'activité, le bilan défavorable aux ménages de leurs relations avec les administrations publiques et la décrue des revenus de leur patrimoine s'étaient conjugués pour les réduire strictement.

Le pouvoir d'achat des ménages bénéficie depuis 1998 de la croissance des revenus d'activité et du patrimoine mais est sensiblement écorné par une croissance des prélèvements obligatoires supportés par les ménages plus rapide que celle des prestations qui leur sont versées.

Le bilan des transferts nets entre les ménages et les administrations publiques atteste les contraintes que la politique des finances publiques exerce sur les ménages.

Bilan des transferts nets entre les ménages
et les administrations publiques

(en points de pouvoir d'achat)

 

1998

1999

2000

Altération du pouvoir d'achat du revenu des ménages

- 0,5

- 0,2

- 0,4

dont

 
 
 

due aux prélèvements obligatoires

- 1,1

- 1,0

- 0,9

L'augmentation des revenus d'activité est d'abord venue de l'accélération de la masse salariale sous l'effet d'une croissance du salaire par tête et du nombre des effectifs salariés. Le pouvoir d'achat de la masse salariale, après avoir augmenté de 1,3 % en 1997, a progressé de 3 % en 1998 et devrait progresser à l'identique en 1999. Au cours de ces deux dernières années, les gains de pouvoir d'achat se partagent à peu près pour moitié entre un gain du pouvoir d'achat du salaire moyen par tête (1,4 % en 1998 et 1,6 % en 1999) et la croissance du nombre des emplois salariés.

Mais, l'an prochain, l'augmentation de la masse salariale ralentirait (+ 2,6 %). Le pouvoir d'achat du salaire moyen par tête augmenterait plus modestement (+ 1,2 %) une croissance un peu plus rapide du volume des emplois salariés compensant une partie de cette décélération.

Celle-ci traduirait le retour à une évolution moins favorable des salaires.

Cette orientation ne provient toutefois pas de la prévision du gouvernement sur la croissance nominale des salaires. Le salaire moyen par tête augmenterait en effet de 2,3 % après 2,2 % en 1999. Ainsi, nulle variation significative des comportement salariaux n'est incluse dans la prévision quand bien même plusieurs facteurs importants sont susceptibles d'intervenir (v. infra).

La diminution du pouvoir d'achat individuel est en effet attendue d'un supplément modéré d'inflation, celle-ci passant de 0,6 à 1 % entre 1999 et 2000.

La légère accélération des effectifs compenserait une partie de cette dégradation au regard de la masse salariale totale tandis que la forte augmentation des revenus des entrepreneurs individuels soutiendrait le revenu des ménages.

Leur consommation progresserait parallèlement à ce dernier avec toutefois une légère érosion de leur taux d'épargne (- 0,1 point).

Ces enchaînements décrivent une situation favorable où l'augmentation du salaire horaire (+ 3,1 % en 2000 contre 2,2 % en 1999) consécutive à la réduction de la durée du travail serait modérée mais suffisante aussi, et finalement compatible avec une augmentation du salaire par tête qui ne renchérirait pas excessivement le coût unitaire du travail.

En bref, les " 35 heures " n'accroîtraient pas sensiblement les coûts de production des entreprises -hors prélèvement public destiné à les financer (voir infra)- et n'alourdiraient pas notablement le coût du travail compte tenu des gains de productivité réalisés.

Du point de vue des salariés pris individuellement, la réduction du temps de travail serait ainsi indolore, la progression de leurs revenus d'activités individuels n'étant pas écornée. Cette innocuité sur le revenu individuel des salariés, combinée avec la progression anticipée des effectifs (+ 1,7 %) dont 1/3 viendrait de la réduction du temps de travail, favoriserait une progression soutenue du pouvoir d'achat de la masse salariale.

Deux dangers sont implicitement évacués :

Celui d'abord d'une hausse du coût unitaire du travail (voir infra pour ses effets sur le comportement des entreprises) dont les risques ont été exposés plus haut, qui pourrait défavoriser les embauches et, finalement, réduire l'augmentation de la masse salariale.

Celui ensuite, de sens contraire, d'une inflexion plus sensible des salaires individuels qui atténuerait la progression du volume des revenus d'activité et pèserait sur le pouvoir d'achat du revenu des ménages.

Quant au parallélisme entre la progression des revenus des ménages et leur consommation, il s'agit d'une hypothèse que l'évolution passée du taux d'épargne des ménages invite à considérer avec un certain scepticisme.

Evolution du taux d'épargne des ménages entre 1993 et 2000

(en %)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999 Prévisions

2000 Prévisions

Taux d'épargne global (1)

15,7

14,8

16

15,1

16,3

15,5

15,7

15,6

(1) Taux d'épargne global : épargne brute/revenu disponible brut

Source : INSEE, prévisions DP


Cette variable a été affectée de fortes variations dont les modèles économiques ne parviennent pas à rendre compte totalement.

La quasi-stabilisation prévue en 2000 n'apparaît pas entièrement cohérente avec les prévisions qui lui sont associées par le gouvernement. La poursuite de la réduction du chômage qui est prévue devrait inviter les ménages à réduire leur épargne de précaution. Quant au maintien de conditions monétaires détendues associées à des perspectives de gains boursiers moins favorables dans l'ensemble, leurs effets devraient aller dans le même sens. Le résultat spontané des modèles a ainsi probablement été corrigé pour décrire une réduction du taux d'épargne seulement marginale.

Ce parti-pris qui pèse sur la croissance affichée mérite d'être clairement identifié. Il ne doit pas pour autant être compris comme entièrement arbitraire. Les motifs d'épargne ne manquent pas avec la persistance d'une situation de sous-emploi, l'extension des modes d'emplois à temps partiel et à statut précaire, le bilan négatif pour les ménages de leurs relations avec les administrations publiques et les perspectives offertes en ce sens par la politique des finances publiques, la nécessité d'un rattrapage de l'investissement-logement des ménages et, sans doute, le déroulement du cycle de consommation de biens durables.

b) Les entreprises

Les budgets économiques tablent sur un dynamisme persistant de la demande des entreprises sous l'angle de leurs investissements mais aussi de leur gestion des stocks et sur une offre de travail soutenue de leur part.

Ces prévisions apparaissent à bien des égards fragiles.

Elles dépendent d'abord de l'évolution de la demande qui serait adressée aux entreprises dont on a recensé les principaux aléas plus haut.

Mais, elles s'inscrivent aussi dans un contexte qui ne leur est pas favorable et peuvent ainsi apparaître paradoxales.

Le taux de marge des entreprises a sensiblement fléchi en 1999 sous l'effet d'une évolution des salaires individuels plus rapide que celle des gains de productivité du travail. Ce phénomène a produit un renchérissement du coût salarial unitaire qui ouvre des perspectives peu favorables à l'emploi à la fois par ses effets sur le coût relatif des facteurs de production et par son impact sur l'investissement des entreprises et donc sur la croissance.

Selon les interprétations données à ce phénomène, celui-ci apparaît plus ou moins préoccupant. L'on peut en effet en attribuer la cause à une surestimation de l'inflation à l'occasion des négociations de salaires et alors juger, comme le fait le gouvernement, l'alourdissement des coûts salariaux unitaires comme simplement transitoire. Mais, l'on peut aussi redouter que celui-ci ne soit que la traduction des tensions salariales déclenchées ici ou là par l'évolution du marché du travail. Dans cette dernière perspective, le renchérissement du travail serait plus durable et susceptible de déséquilibrer la croissance économique.

C'est en gardant à l'esprit cette incertitude qu'il faut s'interroger sur la prévision du gouvernement pour 2000, caractérisée on le répète par un retour à la sagesse salariale, alors même que le climat économique et social sous-jacent recèle bien des risques.

En effet, du point de vue économique, l'apparition de goulots d'étranglement sectoriels pourrait déclencher une spirale inflation-salaire dont l'exemple le plus récent de reprise économique en France conduit à ne pas négliger les risques.

Ceux-ci apparaissent renforcés par la loi relative à la réduction du temps de travail dont l'effet sur les salaires pourrait aller à rebours de la modération salariale qui en conditionne l'innocuité économique.

Ainsi la stabilisation du taux de marge décrite dans les budgets économiques en 2000 apparaît pour ce qu'elle est, une hypothèse fragile.

Toute évolution défavorable sur ce terrain pèserait sur l'offre d'emplois par les entreprises et sur leur demande tout comme les perspectives combinées d'une diminution de la profitabilité des investissements et de la dégradation des capacités financières des entreprises.

Ces perspectives sont rappelées dans la prévision du gouvernement.

En ce qui concerne la profitabilité des investissements des entreprises, sa réduction est anticipée sous l'effet d'une hausse des taux d'intérêt réel qui est toutefois modérée en projection.

En ce qui concerne les capacités financières des entreprises, celle-ci décrit l'effet de la baisse du taux de marge et de l'alourdissement des prélèvements imposés aux entreprises. Il faut y ajouter les enseignements de la révision des Comptes nationaux qui permettent d'appréhender plus correctement la situation financière des entreprises françaises. On rappelle qu'au terme de cette révision, le panorama d'entreprises dégageant une forte capacité de financement a été considérablement retouché pour faire apparaître une situation inverse. Les entreprises françaises restent en situation de besoin de financement.

Ce constat devrait conduire à renoncer à toutes les facilités fiscales ou autres associées à l'idée d'entreprises à l'aisance financière solidement assise.

Il s'agit d'une condition essentielle au dynamisme de l'économie française qui est pour le moins perdue de vue par une politique qui pèse sur les conditions d'offre productive.

Dans ces conditions, la reprise de l'investissement pourrait être entravée d'autant que, malgré un retard d'investissement préoccupant, de l'ordre de 8 points, les capacités installées n'apparaissent pas tellement sollicitées, en moyenne, et que des investissements de capacité s'imposent.

Ainsi, les taux d'utilisation des capacités de production ne laissent entrevoir aucune tension particulière susceptible de rendre inéluctable une progression des investissements.

Enquête trimestrielle de conjoncture dans l'industrie manufacturière

 

2 ème trimestre 1999

1 er trimestre 1999

4 ème trimestre 1998

3 ème trimestre 1998

2 ème trimestre 1998

Taux d'utilisation des capacités de production (en %)

85,7

85,9

84,8

86,4

86,6

Note : les données se réfèrent à l'enquête effectuée le premier mois de chaque trimestre

Source : INSEE

CHAPITRE II :

L'ÉQUILIBRE DU PROJET DE LOI DE FINANCES

Le gouvernement prévoit pour 2000 une croissance spontanée des recettes de 79,4 milliards de francs par rapport à la loi de finances initiale. La répartition de ces moyens nouveaux s'opère, ainsi que cela ressort de l'exposé des motifs du présent projet de loi de finances, en quatre parts bien distinctes :

15 milliards de francs (soit 18,9 % du total) sont affectés à l'augmentation des dépenses correspondant aux priorités du gouvernement ;

39 milliards de francs (soit 49,1 %) sont consacrés à la baisse des prélèvements, dont un peu plus de la moitié seulement, soit 23,6 milliards de francs, correspond à des mesures figurant dans le présent projet 5( * ) ;

4,2 milliards de francs (soit 5,3 %) permettent de financer des rebudgétisations et la dégradation du solde des comptes spéciaux du Trésor ;

21,2 milliards de francs (soit 26,70 %) sont affectés à la réduction du déficit.

L'affectation en 2000 des recettes issues de la croissance peut ainsi être résumée : la moitié est affectée à la baisse des prélèvements, le quart seulement à la réduction du déficit, et le cinquième à l'augmentation des dépenses de l'Etat.

Source : exposé des motifs du projet de loi de finances

De ce fait, le projet de loi de finances prévoit pour 2000, un solde général s'établissant à - 215,4 milliards de francs contre - 236,6 milliards de francs dans la loi de finances initiale pour 1999, soit une réduction limitée à 21,15 milliards de francs, et légèrement inférieure à celle prévue l'année dernière qui était de 21,33 milliards de francs.

Ainsi, nonobstant les perspectives favorables de croissance, le gouvernement perpétue une politique de facilité en ne faisant pas jouer au budget son rôle contra-cyclique. Les perspectives favorables enregistrées par l'économie française ne sont pas mises à profit pour réduire le champ de la sphère publique ou diminuer plus avant le déficit budgétaire, et contribuer ainsi, de façon énergique et déterminée au nécessaire désendettement de l'Etat afin de préserver les générations futures.

Cela était d'ailleurs implicitement confirmé par le ministre de l'économie lorsqu'il déclarait lors de la discussion générale à l'Assemblée nationale que : " Quand les autres sont au pouvoir, on trouve toujours que le déficit ne diminue pas assez. J'admets en tout cas que vous disiez que la baisse du déficit n'est pas suffisante " 6( * ) .

I. LES DIFFÉRENTES PRÉSENTATIONS DE L'ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE

Afin d'appréhender de façon correcte et complète l'équilibre tel qu'il résulte du présent projet de loi de finances, différentes présentations complémentaires peuvent en être faites : qu'il s'agisse de celle résultant de l'article d'équilibre, ou de la présentation dite " synthétique ". Il est par ailleurs nécessaire de disposer également d'un indicateur retraçant les dépenses réelles ainsi que leur progression.

1. La présentation de l'article d'équilibre

Sous forme simplifiée, l'article d'équilibre se présente comme suit :

(en millions de francs)

 

Ressources brutes

Dépenses brutes ou plafonds de charges

Solde

Budget général

1.790.083

2.008.482

 

(hors remboursements et dégrèvements)

(1.459.353)

(1.677.752)

 

Comptes d'affectation spéciale (CAS)

42.904

42.903

 

Budgets annexes

104.957

104.957

 

Total opérations définitives

1.937.944

2.156.342

 

Solde opérations définitives (A)

 
 

- 218.398

Total opérations temporaires (CST)

387.390

384.392

 

Solde opérations temporaires (B)

 
 

2.998

Total général

2.325.334

2.540.734

 

Solde général (A + B)

 
 

- 215.400

L'article d'équilibre fait apparaître les opérations définitives (budget général, budgets annexes, comptes spéciaux du Trésor) et leur solde, puis les opérations temporaires des comptes spéciaux du Trésor et leur solde.

L'intérêt de cette présentation est de montrer le volume total des flux transitant par l'Etat, que ce soit de façon temporaire (opérations d'une durée infra-annuelle et prêts) ou définitive.

L'Etat encaissera 2.325,3 milliards de francs en 2000, et décaissera 2.540,7 milliards de francs, soit 27,7 % du PIB.

2. La présentation synthétique

Cette présentation révèle trois différences essentielles avec la précédente :

- les opérations définitives des comptes d'affectation spéciale ne sont présentées qu'en solde (ce qui minore le " volume " du budget) ;

- les opérations des budgets annexes ne sont retracées ni dans le total des ressources ni dans celui des dépenses puisqu'elles sont, par construction, équilibrées en ressources et en emplois ;

- les dépenses du budget général sont présentées nettes des dépenses d'ordre et des recettes d'ordre, liées à la gestion de trésorerie de l'Etat, ainsi que des remboursements et dégrèvements d'impôts.

Cette présentation fait apparaître, à structure constante, une progression des dépenses du budget général de 0,9 %, et des recettes nettes de 3,14 % 7( * ) .

Ce budget a néanmoins été affecté de très importantes variations de structure qui nuisent à sa lisibilité et rendent ainsi plus difficiles et délicates les comparaisons d'un exercice budgétaire à l'autre 8( * ) .

 

LFI 1999

PLF 2000

Variation

 

(en milliards de francs)

en %

A. Titre I. (hors dépenses et recettes d'ordre)

240,7

238,2

- 1,04 %

B. Budgets civils

 
 
 

Titre II.

4,5

4,6

+ 2,1 %

Titre III.

607,3

624,5

+ 2,8 %

Titre IV.

495,7

496,5

+ 0,16 %

Titres V et VI.

78,8

78,9

+ 0,13 %

Sous-total B

1.186,3

1.204,5

+ 1,53 %

C. Défense

 
 
 

Titre III.

157,5

159,9

+ 1,52 %

Titres V et VI.

86,0

82,9

- 3,60 %

Sous-total C

243,5

242,8

- 0,29 %

D. Total des dépenses du budget général à structure constante


1.670,6


1.685,5


+ 0,9 %

D'. Total des dépenses du budget général après modifications de périmètre en 2000 [A + B + C]


1.670,6


1.660,6

 

E. Solde des comptes spéciaux du Trésor

- 3,1

- 3,0

 

F. Total des charges à structure constante [D + E]

1.667,5

1.682,5

 

F'. Total des charges après modifications de périmètre en 2000 [D' + E]


1.667,5


1.657,6

 

G. Recettes nettes y compris modifications de périmètre en 2000


1.430,9


1.442,2

 

H. Solde général (G - F')

- 236,6

- 215,4

 

Source : Ministère de l'Economie

3. Le chiffrage des dépenses réelles

Cette présentation, développée par la commission des finances de l'Assemblée nationale depuis plusieurs années, permet de mettre en évidence les divers agrégats qui reflètent, tous, l'ensemble des dépenses de l'Etat.

Elle convient néanmoins d'être maniée avec précaution, dans la mesure où il faut également prendre en compte les changements de périmètre qui affectent le présent projet de loi de finances.

Charges budgétaires avant correction des changements de périmètre :

Les agrégats et leur taux d'évolution (en milliards de francs)

 


LFI 1998

Exécution 1998 (a)

LFI 1999

LFI 1999/LFI 1998

PLF 2000

Evolution 2000/1999 (en %)

PLF 2000 Structure constante

PLF 2000 sc/LFI 1999

1. Dépenses nettes du budget général

1.600,48

1.608,00

1.686,56

5,38 %

1.677,75

- 0,52 %

1.702,70

0,96 %

2. - Pour mémoire : dépenses d'ordre relatives à la dette


13,81


22,18


16,00

 


17,17

 


17,17

 

Opérations définitives des comptes d'affectation spéciale :

 
 
 
 
 
 
 
 

3. - dépenses

61,02

83,65

46,66

 

42,90

 

44,01

 

4. - charge nette

0,04

- 3,64

- 3,44

 

0,00

 

0

 

5. - Charges définitives (=1+3)

1.666,50

1.691,65

1.733,22

4,32 %

1.720,65

- 0,73 %

1.746,71

0,78 %

6. - Charge nette des opérations temporaires

4,56

- 0,85

0,33

 

- 3,00

 

- 3,00

 

Charges du budget de l'Etat (présentation du tableau d'équilibre)

 
 
 
 
 
 
 
 

A. - Budget général + charge nette des comptes spéciaux du Trésor (=1+4+6)


1.605,08


1.603,52


1.683,45


4,88 %


1.674,75


- 0,52 %


1.699,70


0,97 %

B. - Charges définitives + charge nette temporaire (=1+3+6)


1.666 ,06


1.690,80


1.733,55


4,05 %


1.717,66


- 0,92 %


1.743,72


0,59 %

Charges du budget de l'Etat (en termes de dette nette)

 
 
 
 
 
 
 
 

C.- Budget général - dépenses d'ordre + charge nette des comptes spéciaux du Trésor

(= 1-2+4+6)


1.591,27


1.581,34


1.667,45


4,79 %


1.657,59


- 0,59 %


1.682,54


0,90 %

D.- Charges définitives - dépenses d'ordre + charge nette temporaire (=1-2+3+6)


1.652,25


1.668,62


1.717,55


3,95 %


1.700,49


- 0,99 %


1.726,55


0,52 %

a) Hors FMI, FSC et fonds de concours (égaux à 65 milliards de francs en 1998). Dépenses nettes du budget général, y compris fonds de concours : 1.674,25 milliards de francs.

Le nouveau système de comptabilité nationale

Le système européen des comptes, version 1995 (SEC 95), a été adopté par tous les pays de l'Union européenne, le traité de Maastricht prévoyant le recours à une norme comptable commune.

Le changement de système a été l'occasion d'une réestimation de l'ensemble des données des comptes nationaux. La base 80 a ainsi fait place à la base 95.

La France a mis en application le SEC 95 au cours de l'année 1999. Cette opération repose sur trois modifications principales :

- l'utilisation de nouvelles sources statistiques ;

- des modifications conceptuelles : le concept de formation brute de capital fixe (FBCF) est étendu aux logiciels, aux oeuvres littéraires et artistiques littéraires, et aux frais de prospection minière et pétrolière, mais non aux résultats de la recherche-développement (les précédents systèmes de comptabilité nationale limitaient, par principe, ce concept aux biens) ; par ailleurs, le concept de consommation a été affiné, tandis que la production est désormais valorisée au prix de base ;

- l'intégration des départements d'outre-mer dans le territoire économique, qui a pour effet de relever le niveau du PIB d'environ 2 %.

Certains de ces changements ont des conséquences directes sur le calcul du déficit et de la dette publiques :

- certaines unités sortent du secteur des administrations publiques, comme les crèches, les syndicats communaux et les régies, tandis que d'autres y entrent, notamment les structures de défaisance (Crédit Lyonnais, Comptoir des entrepreneurs, GAN), la mise en place de la structure de défaisance du Crédit Lyonnais en 1995 se traduisant par un impact de 0,6 point de PIB sur la dette publique ;

- les opérations, notamment les impôts et cotisations sociales, sont désormais enregistrées au moment du fait générateur, selon une logique dite de droits constatés : les intérêts ne sont plus comptabilisés à la date du versement mais au fil du temps lorsqu'ils sont dus (passage d'un système d'intérêts échus à un système d'intérêts courus).

II. UNE RÉDUCTION DU DÉFICIT VOLONTAIREMENT LIMITÉE

A. DES OBJECTIFS DÉSORMAIS FIXÉS À MOYEN TERME

1. Le programme de stabilité de décembre 1998

Transmis à la Commission européenne l'année dernière en décembre 1998, ce programme fixe à l'échéance de 2002 des objectifs en terme de besoin ou de capacité de financement des administrations publiques, qu'il s'agisse de l'Etat, des régimes de sécurité sociale, des collectivités locales ou des organismes divers d'administration centrale. Conformément au Pacte de stabilité et de croissance, les pays membres de l'Union européenne doivent en effet, à terme, tendre vers un équilibre de leurs finances publiques, voire être en excédent. Cet objectif doit permettre aux Etats-membres de faire face aux fluctuations conjoncturelles.

Les objectifs alors fixés sont retracés dans le tableau suivant :

Besoin/capacité de financement des administrations publiques
selon le programme de stabilité de décembre 1998

(en points de PIB)

 
 
 

Hypothèse prudente (4)

Hypothèse favorable (5)

 

1998

1999

2000

2001

2002

2000

2001

2002

Etat

- 3,05

- 2,7

- 2,5

- 2,2

- 2,0

-

-

-

ODAC (1)

+ 0,15

+ 0,1

+ 0,2

+ 0,2

+ 0,2

-

-

-

APUL (2)

+ 0,15

+ 0,15

+ 0,1

+ 0,2

+ 0,3

-

-

-

ASSO (3)

- 0,15

+ 0,15

+ 0,2

+ 0,2

+ 0,3

-

-

-

Total

- 2,9

- 2,3

- 2,0

- 1,6

- 1,2

- 1,7

- 1,2

- 0,8

(1) Organismes divers d'administration centrale.

(2) Administrations publiques locales.

(3) Administrations de sécurité sociale.

(4) Croissance du PIB = 2,5 % par an.

(5) Croissance du PIB = 3,0 % par an. Le gouvernement ne décompose pas par secteur car il y aurait, dans cette hypothèse, des baisses de prélèvements obligatoires différenciées.

2. Un déficit budgétaire à 2,4 % du PIB

Pour 2000, les objectifs présentés par le gouvernement sont les suivants :

Capacité ou besoin de financement des administrations publiques

(en points de PIB)

 

1997

1998

1999

2000

Administrations publiques

- 3,0 *

- 2,7

- 2,2

- 1,8

Etat

- 3,5

- 3,0

- 2,7

- 2,4

Administrations de sécurité sociale

- 0,5

- 0,1

0,1

0,25

Autres organismes :

 
 
 
 

- organismes divers d'administration centrale*

0,7

0,1

0,15

0,15

- administrations publiques locales

0,3

0,3

0,25

0,2

* Dont 0,5 point au titre de France Telecom

Source : Rapport économique, social et financier

Dans le cadre ainsi délimité, le niveau du déficit budgétaire pour 2000 a été fixé par le gouvernement à - 215,4 milliards de francs, soit 2,4 % du PIB.

Le déficit se situe donc à un niveau très proche de celui retenu par " l'hypothèse prudente " qui correspond à une croissance du PIB de 2,5 % par an, l'hypothèse favorable étant elle, établie sur la base d'une croissance de 3 %, soit un niveau proche de celui prévu par le gouvernement qui l'estime devoir se situer en 2000 dans une fourchette de 2,6-3 %.

L'amélioration escomptée pour 2000 quant au niveau de la croissance aurait donc pu trouver une traduction plus volontariste, selon les hypothèses mêmes du gouvernement, en terme de réduction du déficit budgétaire. Celui-ci semble donc s'être résolu à ne pas lui faire jouer pleinement son rôle contra-cyclique, ce que l'on peut regretter.

Besoin de financement de l'Etat

 


1997


1998


1999


PLF 2000

Rappel " hypothèse prudente "

Différence réalisations prévisions/

Niveau du déficit budgétaire

-3,5

- 3,0

- 2,7

- 2,4

- 2,5

+ 0,1

Croissance escomptée du PIB

 

2,6 à 3 %

2,5 %

+ 0,1 à + 0,5 %

En tout état de cause, même réduit, le niveau du déficit budgétaire reste supérieur au seuil symbolique des 200 milliards de francs, qu'il avait dépassé pour la première fois en 1992.

B. UN NIVEAU DE DÉFICIT BUDGÉTAIRE POUR 2000 RÉALISABLE DÈS 1999

1. Un lissage optique de la diminution du déficit

L'effort de réduction du déficit budgétaire et son impact sur le poids de la dette publique doivent néanmoins être relativisés dans la mesure où l'objectif de déficit budgétaire affiché pour 2000 (- 215,4 milliards de francs) aurait très vraisemblablement pu être atteint dès cette année.

Le niveau de la diminution du déficit budgétaire entre 1999 et 2000, qui s'établit à 21,15 milliards de francs, semble en effet répondre à des considérations " optiques " destinées à lisser régulièrement sa baisse d'une année sur l'autre, d'un montant annuel de 0,3 point du PIB depuis 1998.

2. Une exécution budgétaire pour 1999 très favorable

En effet, l'exécution de la loi de finances pour 1999 semble se réaliser dans d'excellentes conditions, eu égard à une progression très significative du niveau et du montant des recettes.


La situation budgétaire au 30 septembre 1999

Le solde budgétaire

Le solde budgétaire s'établit à - 174,9 milliards de francs à la fin septembre 1999, soit une amélioration de 69,9 milliards de francs par rapport à celui enregistré l'année dernière à la même date (- 244,8 milliards de francs).

Les recettes du budget général

Sur les neuf premiers mois de l'année, les recettes nettes du budget général s'élèvent à 1.149,8 milliards de francs. Par rapport à la même période de 1998, la croissance des recettes fiscales nettes s'établit à 8,7 %.

Les dépenses du budget général

A la fin septembre 1999, les dépenses du budget général s'établissent à 1.224,3 milliards de francs contre 1.193,1 milliards de francs à la fin septembre 1998, soit une augmentation de 2,6 %.

Source : Ministère de l'économie et des finances

L'exécution du budget de 1999 se passe dans des conditions meilleures que celles du budget de 1998, qui étaient déjà très favorables . En effet, en 1998, le solde d'exécution fixé en loi de finances initialement à - 257,8 milliards de francs avait été amélioré, in fine, de près de 10 milliards de francs pour s'établir en loi de règlement à - 247,5 milliards de francs.

Le déficit budgétaire en loi de finances initiale et son exécution

(en milliards de francs)

 

1997

1998

1999

Loi de finances initiale

- 284,8

- 257,8

- 236,5

Loi de règlement

- 267,7

- 247,5

?

Amélioration en exécution

+ 17,1

+ 10,3

?

Source : Cour des comptes

On peut donc en déduire, que le solde d'exécution de la loi de finances pour 1999 pourrait être amélioré très sensiblement si le surcroît de recettes 9( * ) enregistré d'ores et déjà était affecté intégralement à la diminution du déficit budgétaire.

Comparaison des situations budgétaires à la fin du mois de septembre

(en milliards de francs)

 

Septembre 1997

Septembre 1998

Evolution
septembre 98/97 (%)

Septembre 1999

Evolution
septembre 99/98 (%)

Dépenses ordinaires

1.063,5

1.090,5

+ 2,53

1.120,9

+ 2,78

Dépenses en capital

118

102,6

- 13,05

103,4

+ 0,77

Dépenses du budget général

1.181,5

1.193,1

+ 1,0

1.224,3

+ 2,6

Recettes nettes du budget général

995,4

1.058,0

+ 6,28

1.149,8

+ 8,67

Solde des CST*

- 106,6

- 109,7

-

- 100,4

-

Solde général d'exécution

- 292,7

- 244,8

- 16,36

- 174,9

- 28,55

* Solde tendant à s'annuler en fin d'année.

Source : Ministère de l'économie

C. UNE AMÉLIORATION BASÉE SUR LA CONJONCTURE ET NON SUR DES RÉFORMES DE STRUCTURE

1. La persistance d'un important déficit de fonctionnement

Le surcroît de recettes résultant de la bonne conjoncture économique continue de servir à financer des dépenses de fonctionnement, particulièrement rigides, plus que des dépenses d'investissement.

En effet, à structure constante, on observe que les dépenses du budget général qui augmentent le plus sont les dépenses de fonctionnement (titre III). A contrario, les dépenses d'équipement (titres V et VI) peuvent même connaître une légère diminution. En outre, le gouvernement bénéficie d'économies de constatation résultant de la diminution de 2,5 milliards de francs des charges de la dette 10( * ) .

Evolution des dépenses du budget général pour 2000, à structure constante

Dépenses civiles de fonctionnement (titre III)

+ 2,8 %

Dépenses militaires de fonctionnement (titre III)

+ 1,52 %

Augmentation moyenne des dépenses

+ 0,9 %

Dépenses civiles en capital (titres V et VI)

+ 0,13 %

Charges de la dette (titre I)

- 1,04 %

Dépenses militaires en capital (titres V et VI)

- 3,6 %

Par voie de conséquence, le déficit de fonctionnement de l'Etat reste important et diminuera moins en 2000 que l'année précédente, avec une réduction de 19,3 milliards de francs contre 30,9 milliards de francs en 1999.

Evolution du déficit de fonctionnement

Lois de finances

1997

1998

1999

2000

Solde de fonctionnement (en milliards de francs)

- 115

- 98,8

- 67,9

- 48,6

Evolution (n/n-1)

 
 
 
 

- en valeur absolue (en milliards de francs)

 

+ 16,2

+ 30,9

+ 19,3

- en valeur relative

 

- 14,1 %

- 31,4 %

- 28,4 %

La pertinence de la distinction entre fonctionnement et investissement
reconnue par le gouvernement.

Longtemps le gouvernement a critiqué la pertinence de la distinction ainsi proposée par votre commission, alors même que cette présentation est celle qui est retenue tant en France pour les collectivités locales que, à l'étranger, par de nombreux pays.

Ainsi lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1999, il critiquait cette notion puisqu'il considérait que : " La distinction entre dépenses de fonctionnement et dépenses d'équipement ne repose aujourd'hui sur aucune base juridique s'imposant au gouvernement, ni sur aucun fondement méthodologique validé par les comptes nationaux. Cette présentation purement comptable et sans portée réelle n'est donc pas reprise par le gouvernement, qui souligne que, pour la première fois depuis des années, le budget de l'Etat sera en excédent hors charges de la dette ".

Sur ce point, le gouvernement semble néanmoins s'être rallié à la vision du Sénat puisqu'il y faisait expressément référence dans son rapport préparatoire au débat d'orientation budgétaire de juin 1999, mais aussi dans son dossier de présentation du présent projet de loi de finances.

Cette persistance d'un important déficit de fonctionnement signifie donc, au plan qualitatif, que le gouvernement continue de dépenser plus, mais pas mieux. Il continue en effet à emprunter pour régler les dépenses courantes , ce qui est critiquable, et non pour financer des dépenses d'investissement, ce qui peut en revanche se concevoir.

Tableau du budget en actions de fonctionnement et d'investissement
Section de fonctionnement

 

Dépenses

 
 

Recettes

 

LFI 1998

LFI 1999

PLF 2000

 
 

LFI 1998

LFI 1999

PLF 2000

1. Charges à caractère général

63,1

64,4

67,1

 

1. Produits de gestion courante
(recettes non fiscales)

134,7

161,3

176,1

- Matériel et fonctionnement civils

39,8

43,

46,1

 
 
 
 
 

- Fonctionnement des armées

23,3

21,1

20,9

 
 
 
 
 

2. Charges de personnel

610,7

652,6

675,9

 

2. Impôts et taxes (recettes fiscales)

1.448,2

1.534,9

1.546,6

- RCS civiles

372,8

389,8

399,6

 
 
 
 
 

- RCS militaires

80,5

82,8

84,0

 
 
 
 
 

- Pensions civiles et militaires

157,5

180,0

192,2

 
 
 
 
 

3. Autres charges de gestion courante

546,5

567,1

537,0

 
 
 
 
 

- Pouvoirs publics

4,4

4,5

4,6

 
 
 
 
 

- Subventions aux EPA

52,8

47,9

50,1

 
 
 
 
 

- Interventions

464,1

495,7

461,6

 
 
 
 
 

- Subventions d'investissement

17,0

18,6

20,2

 
 
 
 
 

- Garanties (titre I)

1,6

1,5

1,2

 
 
 
 
 

- Divers (titre I)

1,9

2,0

2,3

 
 
 
 
 

- CST (hors affectation des recettes de privatisation)

4,6

- 3,1

- 3,0

 
 
 
 
 

4. Charges financières

248,7

253,3

251,9

 

3. Produits financiers

20,3

22,0

23,6

- Charge brute de la dette

248,7

253,3

251,9

 

- recettes liées à la dette

13,8

16,0

17,2

 
 
 
 
 

- intérêts sur prêts du Trésor

5,5

6,0

6,5

5. Charges exceptionnelles

0,0

0,0

0,0

 

4. Produits exceptionnels

0,0

0,0

0,0

6. Dotations aux amortissements et provisions

0,0

0,0

0,0

 

5. Reprises sur amortissements
et provisions

0,0

0,0

0,0

5. Reversements sur recettes

233,1

248,8

263,1

 
 
 
 
 

- Prélèvement CEE

91,5

95,0

98,5

 
 
 
 
 

- Prélèvements collectivités locales

141,6

153,8

164,6

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Déficit section de fonctionnement

98,8

67,9

48,6

Total

1.702,0

1.786,1

1.794,9

 
 

1.702,0

1.786,1

1.794,9

Section d'investissement

 

Dépenses

 
 

Recettes

 

LFI 1998

LFI 1999

PLF 2000

 
 

LFI 1998

LFI 1999

PLF 2000

1. Dépenses d'investissement

159,1

168,6

166,9

 

Déficit section de fonctionnement

- 98,8

- 67,9

- 48,6

- Equipement civil

78,1

82,6

84,0

 
 
 
 
 

- Equipement militaire

81,0

86,0

83,0

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Cessions d'immobilisations financières

28,0

17,5

16,9

2. Dépenses opérations financières

378,2

300,9

423,9

 

Ressources d'emprunt

608,1

520,0

622,5

- Remboursements d'emprunts (et autres charges en trésorerie)

350,2

283,4

407,0

 
 
 
 
 

- Participations (dotations en capital)

28,0

17,5

16,9

 
 
 
 
 

- Autres immobilisations financières (désendettement)

0,0

0,0

0,0

 
 
 
 
 

TOTAL

537,3

469,5

590,9

 
 

537,3

469,5

590,9

Source : Ministère de l'Economie

S'agissant de cette distinction entre section de fonctionnement et section d'investissement, si l'on peut en effet admettre qu'il n'existe aucune méthodologie validée aujourd'hui pour une présentation de cette nature, le paragraphe 3 de l'article 104 C du Traité sur l'Union européenne prévoit que la Commission examine notamment " si le déficit public excède les dépenses publiques d'investissement ". Cela suppose naturellement que les Etats membres présentent des comptes de nature à fournir cette information.

En outre, l'exemple de certains pays étrangers montre que la France souffre sur ce point d'un certain retard méthodologique lié au vieillissement de l'ordonnance organique de 1959. Des améliorations significatives devront y être apportées qui pourraient s'inspirer des exemples étrangers.

Ainsi, en Allemagne, l'article 115 de la Loi fondamentale prévoit que l'endettement contracté au cours d'une année ne doit pas excéder l'investissement. Le budget doit donc respecter cette " règle d'or ".

Au Royaume-Uni, le gouvernement travailliste a déposé l'année dernière un projet de " code pour la stabilité budgétaire et fiscale " , qui est une sorte de loi de finances programmatique pour les cinq prochaines années. Ainsi, les prévisions budgétaires des années 1997-1998 à 2003-2004 y sont présentées en section de fonctionnement et section d'investissement (dépenses courantes et dépenses en capital), la section courante devant connaître un excédent croissant de 5 milliards de livres en 1998-1999 à 14 milliards de livres en 2003-2004.

2. Un déficit structurel toujours conséquent

La persistance d'un déficit structurel important montre bien que les charges de structure restent trop lourdes, et que l'Etat continue de vivre " au dessus de ses moyens ".

A la différence des années précédentes, l'évolution de la conjoncture depuis 1997 facilite le " bouclage " du budget : le gouvernement ne semble pas en profiter cependant pour réduire ces charges de structure, et faire jouer au budget un rôle contra-cyclique. Ainsi l'amélioration de 0,6 point de PIB du déficit enregistré entre 1998 et 1999 repose pour les deux tiers sur la conjoncture et un tiers sur les réformes. De ce fait, les prévisions du Gouvernement pour 2000, qui doivent donc être maniées avec précaution, font fort opportunément, reposer l'amélioration d'ensemble sur le déficit structurel, ce qui n'était pas le cas des exercices antérieurs...

La ventilation du déficit des administrations publiques depuis 1994

(en points de PIB)

 

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Prévisions 2000

Déficit structurel

- 4,6

- 4,0

- 2,6

- 2,2

- 2,0

- 1,8

- 1,5

Déficit conjoncturel

- 1,1

- 0,9

- 1,5

-1,3 *

- 0,9

- 0,5

- 0,5

* dont 0,5 au titre de la soulte de France Telecom

Source : Rapport économique, social et financier pour 1999 11( * )


En conséquence, la réduction de 0,9 point du PIB du déficit public entre 1998 et 2000 résulte selon le gouvernement pour une moitié, à hauteur de 0,4 point de PIB, de la diminution de la partie conjoncturelle du déficit. Celle-ci provient du dynamisme de l'activité, de la croissance de la richesse nationale qui devrait excéder, selon lui, sur ces deux années, la croissance potentielle de l'économie.

Il escompte par ailleurs réduire sur cette même période le poids du déficit structurel de 0,5 point de PIB en raison de la diminution des dépenses structurelles de 0,7 point de PIB et de la réduction des recettes structurelles de 0,2 à 0,3 point de PIB. Toutes choses qu'il n'avait pas réussi à faire jusqu'alors.

3. L'Etat, seule collectivité publique déficitaire

La réduction d'ensemble du déficit public ne repose pas seulement sur les efforts de l'Etat. Il est en effet la seule collectivité publique en déficit. Même si celui-ci tend à se réduire, cet effort apparaît à votre commission insuffisant. A ce titre, elle vous présentera ses préconisations destinées à remédier à cet état de fait.

En outre, la diminution du déficit public continue à reposer pour une large part (à hauteur de 0,2 point de PIB) sur les efforts des collectivités locales. Elle repose également sur un pari : celui des excédents sociaux qui s'avèrent bien fragiles. L'ensemble des administrations de sécurité sociale étaient en 1998 déficitaires de 0,1 point de PIB mais devraient en effet retrouver, selon le gouvernement, une situation excédentaire de 0,1 point de PIB en 1999 et de 0,25 point de PIB en 2000.

D. LA STABILISATION EN TROMPE L'OEIL DU POIDS DE LA DETTE PUBLIQUE DANS LE PIB

La progression de la dette publique, passée de 60 points de PIB en 1997 à 60,5 points en 1999, semble devoir être stoppée pour 2000 selon le gouvernement qui s'est fixé pour objectif de porter son montant à 59,9 points de PIB.

Cette stabilisation relative du poids de la dette publique dans le PIB est rendue possible par le retour, entamé depuis 1993 et concrétisé pour la première fois en 1999, à un excédent primaire de l'Etat. Elle repose également sur les efforts de désendettement des collectivités locales.

1. Le retour à un excédent primaire de l'Etat

Après avoir très fortement chuté de 1990 à 1993, passant de + 30,9 milliards de francs à - 156,1 milliards de francs, le déficit primaire de l'Etat s'est très sensiblement réduit entre 1993 et 1997 (pour s'établir à 34,2 milliards de francs) et devenir excédentaire en 2000. L'amélioration réelle des finances publiques françaises correspond donc, s'agissant de l'Etat, à un retour à une situation d'excédent primaire 12( * ) , et cela pour la première fois depuis 1991. Après avoir été en situation de quasi-équilibre en 1999 (+ 4,1 milliards de francs), cet excèdent devrait s'établir à 22,8 milliards de francs en 2000.

Comme le rappelle fort opportunément le rapport économique, social et financier joint au présent projet de loi de finances, " la croissance de cet excédent est indispensable à la réduction du poids de la dette publique dans le PIB ". Il est donc indispensable que l'excédent primaire du budget de l'Etat soit conforté afin que la réduction du poids de la dette publique dans le PIB se réalise plus rapidement .

Evolution du déficit budgétaire et du solde primaire

(en milliards de francs)



Solde primaire du budget de l'Etat

(en milliards de francs)

 

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

LFI 1999

PLF 2000

A.- Montant du solde en exécution

- 131,7

- 226,3

- 315,6

- 299,1

- 323,0

- 295,4

- 267,7

- 247,5

- 236,6

- 215,4

B - Charge nette de la dette

137,5

157,1

159,5

185,6

205,8

219,5

223,5

231,9

240,7

238,2

C - Solde primaire (A + B)

+ 5,8

- 69,2

- 156,1

- 113,5

- 117,2

- 75,9

- 34,2

- 15,6

+ 4,1

+ 22,8

2. Une stabilisation sous contraintes

En 1997, la dette publique 13( * ) s'est située au niveau du plafond symbolique de 60 % du PIB fixé par le Traité de Maastricht, et l'a même dépassé depuis, pour s'établir à 60,3 % en 1998 puis à 60,5 % en 1999.

Pour 2000, le gouvernement affiche un objectif tout aussi symbolique consistant à réduire de 0,6 point de PIB le poids de la dette afin d'atteindre la " valeur cible " de 59,9 % du PIB, et donc de se situer en deçà dudit plafond.

La diminution ainsi envisagée résulte non seulement de la poursuite de la baisse du coût apparent de la dette mais également d'une forte croissance du PIB, qui est estimée à près de 4 %. De ce fait, le solde permettant de stabiliser le poids de la dette publique dans le PIB sera de - 2,3 % en 2000 et le solde effectif de - 1,8 %.

Il convient cependant de rappeler que la croissance en valeur de la dette publique, même stabilisée ou réduite en points du PIB, sera néanmoins en 2000 de près de 160 milliards de francs en valeur absolue. S'agissant de l'Etat, selon les chiffres communiqués par le gouvernement, l'encours de la dette négociable 14( * ) devrait s'élever à 3.951,6 milliards de francs en 1999 (+ 7,5 %) et à 4.181 milliards de francs en 2000 (+ 5,80 %, soit 229,1 milliards supplémentaires).

Par voie de conséquence le recours de l'Etat à l'emprunt progressera en l'an 2000 de près de 100 milliards de francs, passant de 520 milliards de francs à 622 milliards de francs dans le budget 2000 tandis que les remboursements s'élèveront à 407 milliards de francs contre 283,4 milliards de francs en 1999.

Cette diminution du poids de la dette n'est cependant pas seulement due à la réduction du déficit budgétaire de l'Etat, comme le relève le gouvernement dans le rapport économique, social et financier joint au présent projet de loi de finances. En effet, en 2000, le mouvement de désendettement des collectivités locales observé en 1999 se poursuivrait et les organismes divers d'administration centrale, notamment les structures de défaisance, devraient continuer à se désendetter.

A défaut, la stabilisation escomptée pour 2000 du poids de la dette dans le PIB pourrait être remise en question.

3. Un " hors-bilan " non provisionné

La précaire stabilisation de la dette proposée par le gouvernement ne permettra pas de faire face aux chocs de l'avenir.

Il faut en effet ajouter à la dette actuelle les engagements " hors bilan " de l'Etat. Certains sont conditionnels : les garanties accordées aux établissements publics, aux crédits à l'exportation, à certaines formes d'épargne etc... Mais d'autres sont certains : les structures de défaisance, les primes d'épargne-logement, ou les charges de remboursement de la dette de Réseau ferré de France. Mais surtout, ce sont les engagements en assurance vieillesse et en assurance maladie liés au vieillissement de la population.

A ce titre, la question du coût des pensions de la fonction publique illustre le problème budgétaire majeur auquel l'Etat sera confronté dans un avenir finalement très proche : celui du " hors-bilan ", ou de la " dette publique invisible ".

Si la structure et l'évolution du bilan de l'Etat peuvent être appréhendées et contrôlées de façon objective, le " hors-bilan " , quant à lui, fait l'objet d'une grande imprécision , empêchant les citoyens de connaître précisément la situation financière exacte de l'Etat.

Cette situation, dont votre commission ne peut que s'inquiéter, a également été dénoncée par l'Assemblée nationale. Le groupe de travail, qu'elle avait constitué à l'initiative, et sous la présidence de M. Laurent Fabius, sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, estime, dans son rapport 15( * ) , que la dette est " sous-évaluée " , l'Etat pratiquant " une politique de provisionnement minimal , alors que le principe de sincérité budgétaire milite pour qu'apparaissent, à la lecture du bilan de l'Etat, les causes d'éventuels déséquilibres futurs ".

En effet, le gouvernement apprécie actuellement le " hors-bilan " d'une manière extrêmement restrictive, ne s'en tenant qu'à une simple définition juridique.

D'après des informations fournies à votre rapporteur général, le gouvernement ne prend en compte que la notion de dette garantie par l'Etat inscrite aux sous-comptes 801 (emprunts intérieurs) et 802 (emprunts extérieurs) de la comptabilité de l'Etat, qui est publiée chaque année au compte de la dette publique.

Il s'agit ainsi des seuls engagements de sociétés françaises, entreprises nationales, collectivités et établissements publics bénéficiant de la garantie de l'Etat, ce dernier s'étant engagé, dans l'hypothèse d'une défaillance du débiteur, à effectuer lui-même le règlement.

Au 31 décembre 1998, cette dette inscrite " hors-bilan " s'élevait à 311,54 milliards de francs , soit 263,23 milliards de francs d'emprunts intérieurs, et 48,31 milliards de francs d'emprunts extérieurs.

Or ces chiffres ne recouvrent pas toute la dette garantie implicitement.

En effet, dans une réponse à une question écrite 16( * ) , le gouvernement estimait pour 1997 à 439,19 milliards de francs la dette financière nette des entreprises nationales et des groupes publics.

Cette dette est particulièrement concentrée, les trois principaux détenteurs représentant à eux seuls 77,5 % de l'encours total. La dette financière de RFF 17( * ) s'élève à 148,96 milliards de francs, celle d'EDF à 130,72 milliards de francs, et celle de la SNCF à 60,85 milliards de francs. Suivent les Charbonnages de France pour 31,9 milliards de francs, et la RATP pour 27,7 milliards de francs.

De plus, les réalités que ce " hors-bilan " recouvre sont très disparates, et souvent difficiles à quantifier précisément.

Au-delà de la question des retraites évoquée ci-dessus, quelques chiffres sont riches d'enseignements sur l'ampleur des besoins de financement.

Ainsi, le coût des structures de défaisance représenterait-il 2 points de PIB 18( * ) .

En outre, les garanties de l'Etat pour les prêts au logement représenteraient 2 à 4 % de PIB. Enfin, selon la Cour des comptes, les provisions pour le démantèlement des centrales nucléaires peuvent être chiffrées à 102 milliards de francs. Or à la fin de 1997, les provisions inscrites s'élevaient à 40,8 milliards de francs.

La prise en compte du " hors-bilan " a de lourdes conséquences budgétaires, qu'il est difficile de chiffrer avec précision, mais qui peuvent être évaluées, en intégrant la dette implicite des régimes de retraite par répartition, à des centaines, voire des milliers de milliards de francs...

Ainsi, selon un chiffrage réalisé en 1993 par l'OCDE, le montant de la " dette publique invisible " de la France serait de 216 % du PIB de 1990, contre 157 % pour l'Allemagne, 156 % pour le Royaume-Uni, et 89 % pour les États-Unis.

Le fonds de réserve pour les retraites, une coquille vide déjà ponctionnée

Une coquille vide sans mission ni ressources

Créé au sein du Fonds de solidarité vieillesse par l'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, il devait permettre de préparer l'avenir des régimes de retraite par répartition. Cependant, dix mois après sa naissance, il ne dispose ni de ressources précises, ni de missions déterminées. Sa création avait d'ailleurs fait l'objet de commentaires critiques de la part de vos commissions des affaires sociales et des finances.

Les missions du fonds de réserve ne sont pas indiquées dans la loi. Celle-ci dispose seulement que le fonds est créé au bénéfice de la branche vieillesse du régime général et des régimes alignés. Deux options sont théoriquement possibles : le fonds de réserve peut avoir pour but, soit de lisser simplement l'augmentation future des cotisations d'assurance vieillesse, soit d'engendrer des revenus suffisants pour minorer durablement le niveau futur des cotisations. Dans le premier cas, le montant visé s'exprime en centaines de milliards de francs. Dans le second cas, il s'exprime en milliers de milliards de francs.

Par ailleurs, rien aujourd'hui n'est connu des modalités de gestion du fonds. Or les sommes en cause seront considérables.

Ont par ailleurs été mises en cause les modalités de financement particulièrement complexes du fonds et les incertitudes qui pèsent sur les sommes effectivement disponibles.

Le Gouvernement avait indiqué qu'il affecterait au fonds 2 milliards de francs en 1999 au titre des excédents de la C3S. Cependant, du fait de la non parution des décrets d'application, rien n'est encore réalisé.

A ces excédents pourraient s'ajouter trois à quatre milliards de francs provenant toujours de la C3S ainsi que 4 milliards de francs issus du produit de la souscription des parts sociales des caisses d'épargne ainsi que l'excédent de la branche vieillesse du régime général, soit environ trois milliards de francs.

Ce fonds devrait donc atteindre en 2000 un montant d'une quinzaine de milliards de francs, soit à peine 0,16 % du PIB. Le Programme pluriannuel de finances publiques de décembre 1998 prévoyait qu'à l'horizon 2002 l'actif du fonds de réserve des retraites s'établirait à 0,8 % du PIB avec une hypothèse de croissance économique à 2,5 % et à 1,6 % avec une hypothèse de croissance économique à 3 %.

Or, Jean-Michel Charpin, Commissaire général au Plan, évalue les sommes nécessaires à " au moins trois points de PIB " en cas de fonds de lissage et à " au moins dix points de PIB " pour un apport permanent de revenus. Il faudrait donc une dotation entre 18 et 62 fois plus importante que celle qui nous est proposée pour 2000. A plus long terme, l'OCDE estime que les pensions de la période 1994-2070 ne sont pas financées à hauteur de 100 % du PIB de 1994 et pour l'ensemble du siècle prochain on peut évaluer l'impasse financière des retraites à une somme comprise entre 50 et 300 % du PIB de 1998. L'actif du fonds est manifestement hors de proportion avec les montants nécessaires.

Votre commission des finances estime par ailleurs que plutôt que de créer un fonds de réserve pour provisionner ces engagements de hors-bilan de l'Etat, le gouvernement aurait dû procéder directement au désendettement de l'Etat et de la Sécurité sociale (CADES) : cette solution aurait été équivalente d'un point de vue économique et aurait évité la bureaucratisation et l'étatisme qui président à l'instauration de ce fonds.

Ainsi, appelé à se prononcer dans l'urgence, le Parlement a entériné la création d'un fonds dont, dix mois après, il ne connaît ni la mission exacte, ni le mode de fonctionnement, ni les moyens qui lui seront affectés. Il semble relever d'une volonté d'affichage qui, elle, ne débouche aujourd'hui sur rien : le fonds de réserve est purement virtuel. Les problèmes eux ne le sont pas.


Un fonds de réserve déjà privé de ses réserves

L'article 10 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 organise l'affectation des excédents de la CNAVTS au fonds de réserve 19( * ) .

Il indique que seront transférés au fonds les excédents de tous les régimes dont la CNAVTS a la gestion. Pour l'an prochain, il devrait donc recevoir à ce titre : les excédents de l'exercice comptable de la CNAVTS pour 1999 soit 4,396 milliards de francs et une provision de 2,9 milliards de francs à valoir sur les excédents de l'exercice 2000.

Or, malgré les multiples possibilités d'abondement existant, le gouvernement a fait l'impasse sur plus de 19 milliards de francs de recettes potentielles résultant des excédents constatés de la C3S, de ceux du FSV et de ceux des régimes sociaux. Cette impasse est le fruit de mesures nouvelles qui viennent diminuer l'excédent prévisionnel, du prélèvement d'un milliard de francs en loi de finances pour le BAPSA sur les excédents de la C3S, et du mode de financement des 35 heures qui diminue les ressources des " droits sur les alcools " du FSV.

Sans avoir encore reçu le moindre franc, le fonds de réserve est donc déjà ponctionné ! De tels choix en faveur des 35 heures et de la hausse des dépenses sociales, plutôt que celui du fonds de réserve montre que ce dernier semble bien relever surtout de l'affichage politique.

III. UNE POLITIQUE DES DÉPENSES PUBLIQUES MARQUÉE PAR LA PASSIVITÉ

Le gouvernement semble, en matière de dépenses publiques se parer des attributs de la vertu en affichant pour 2000 un objectif de progression limité à 0,9 % soit une stabilisation en volume. L'examen attentif des différents postes de dépenses conduit néanmoins à s'interroger sur la soutenabilité et les modalités de réalisation d'un tel objectif.

A. 15 MILLIARDS DE FRANCS DE DÉPENSES SUPPLÉMENTAIRES EN 2000

1. Des dépenses stabilisées en volume

Le gouvernement souligne dans son exposé des motifs que l'exercice 2000 est marqué notamment, par " une progression des dépenses (+ 15 milliards de francs) égale à l'augmentation prévisionnelle des prix hors tabac (+0,9 %) ".

Par conséquent, l'objectif du gouvernement est de stabiliser les dépenses publiques en volume.

Votre commission ne peut que se réjouir d'être, enfin, entendue par le gouvernement. Dans son rapport relatif au débat d'orientation budgétaire pour 2000 20( * ) , votre rapporteur général écrivait à ce propos : " il convient impérativement d'encadrer la progression de la dépense publique en la stabilisant en volume, c'est-à-dire en francs constants ".

Elle constate ainsi que la stabilisation des dépenses publiques est ainsi tout à fait possible , ainsi qu'elle l'affirme depuis trois ans.

Il convient toutefois de préciser que cette stabilisation est facilitée par la bonne conjoncture économique et par l'allégement du poids des charges de la dette, qui induisent autant d'économies de constatation mais également par la réduction arbitraire des crédits d'investissement militaire.

En fait, un tel contexte aurait dû permettre, non pas seulement de stabiliser le niveau des dépenses publiques en volume, mais également d'envisager leur réduction en volume, comme cela avait été réalisé en 1997.

Source : Cour des Comptes

2. L'évolution des dépenses dans le projet de loi de finances

a) 17,5 milliards de francs de dépenses supplémentaires hors dette

À structure constante, les dépenses du budget général vont passer de 1.670,56 milliards de francs en 1999 à 1.685,53 milliards de francs en 2000 . Cette progression de 15 milliards de francs correspond, en effet, à une hausse de 0,9 %, soit le taux d'inflation prévue pour 2000. Elle est même de 17,5 milliards de francs hors dette.

Après prise en compte du solde des comptes spéciaux du Trésor, qui était de - 3,11 milliards de francs en 1999 et qui devrait s'établir à - 3 milliards de francs en 2000, les charges budgétaires s'élèveront à 1.682,53 milliards de francs en 2000, contre 1.667,45 milliards de francs en 1999, soit une progression de 0,9 %.

Le tableau ci-dessous retrace l'évolution, à structure constante, des dépenses entre 1999 et 2000 :

Il apparaît que l'évolution des dépenses par titre, présentée dans le tableau ci-après, reflète avant tout une augmentation des dépenses de fonctionnement très supérieure à la hausse moyenne des dépenses du budget général (+ 2,8 % pour les dépenses civiles du titre III), tandis que les dépenses d'investissement sont stables en francs courants, voire en diminution s'agissant des dépenses d'investissement militaires (- 3,6 % pour les dépenses militaires des titres V et VI).

Dépenses du budget général

Source : Ministère de l'Economie

b) Des modifications importantes du périmètre du budget de l'Etat

Le projet de loi de finances pour 2000 modifie de manière considérable le périmètre du budget de l'Etat, comme le montre le tableau ci-après 21( * ) :

Présentation des modifications de périmètres en PLF 2000 par ministère

(en millions de francs)



Ces modifications engendrent une réduction nette de 24,9 milliards de francs des dépenses prises en charge par le budget de l'Etat.

Elles résultent de quatre opérations de nature différente :

La budgétisation, à hauteur de 8,58 milliards de francs, de dépenses de rémunérations et de pensions assurées, jusqu'à présent, par des fonds de concours. Cette réintégration de crédits au sein du budget de l'Etat est consécutive à deux décisions 22( * ) du Conseil constitutionnel.

Le projet de loi de finances pour 2000 réalise ainsi la budgétisation de 39 nouveaux fonds de concours, les crédits correspondants étant inscrits aux budgets suivants : 2.017 millions de francs sur le budget de l'économie, des finances et de l'industrie, 26 millions de francs sur le budget de la recherche et technologie, 60 millions de francs sur le budget de l'intérieur, et 21 millions de francs sur le budget de l'agriculture.

En outre, le présent projet de loi prévoit la suppression du fonds de concours finançant les pensions que l'Etat verse aux agents de divers établissements publics, tels que le CNRS 23( * ) , l'INSERM 24( * ) , l'INRA 25( * ) ... Le budget des charges communes se trouve ainsi abondé à hauteur de 5.026 millions de francs.

Sont également réintégrés au sein du budget de l'Etat les crédits liés aux activités d'ingénierie publique des agents des services déconcentrés du ministère de l'équipement d'une part, à hauteur de 948 millions de francs, et de celui de l'agriculture d'autre part, pour 481 millions de francs.

La suppression de quatre comptes d'affectation spéciale à compter du 31 décembre 1999, pour des crédits s'établissant à 1.104 millions de francs.

Il s'agit des comptes d'affectation spéciale n° 902-01 " Fonds forestier national ", n° 902-13 " Fonds de secours aux victimes de sinistres et calamités ", n° 902-16 " Fonds national du livre ", et n° 902-22 " Fonds pour l'aménagement de l'Ile de France ".

La compensation, sous forme de dotations budgétaires, de mesures de suppression ou d'abaissement de taxes, à hauteur de 4.858 millions de francs.

Les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) feront l'objet d'une nouvelle réduction, qui sera compensée par l'Etat aux collectivités territoriales sous forme de dotation budgétaire d'un montant de 4.604 millions de francs.

En outre, l'Etat compensera la suppression de taxes parafiscales auxquelles étaient assujetties diverses filières professionnelles et qui étaient destinées à financer des centres techniques industriels ou des instituts de recherche. Le coût de cette compensation sera de 254 millions de francs.

Des transferts budgétaires massifs entre l'Etat et la sécurité sociale, pour un montant de 39,5 milliards de francs.

Afin de financer les allégements de charges sociales existants, ainsi que ceux prévus par la seconde loi sur les " 35 heures ", l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 prévoit la création d'un fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.

Le présent projet de loi de finances se propose ainsi de transférer à ce fonds les crédits correspondant au financement de la " ristourne dégressive " à hauteur de 39,5 milliards de francs.

B. UNE LISIBILITÉ ALTÉRÉE PAR DES TRANSFERTS MASSIFS

1. Vers un démantèlement du budget de l'Etat ?

a) Le budget de l'Etat : la " partie d'un tout "

Les transferts budgétaires massifs affectant le budget de l'Etat sont à l'origine d'interrogations profondes quant à la sincérité du projet de loi de finances pour 2000.

En effet, ces transferts nuisent considérablement à la lisibilité et à l'intelligibilité du projet de budget, dont l' " ingéniosité " consiste à afficher des baisses d'impôts dans le projet de loi de finances, alors que l'alourdissement des prélèvements, et même la création d'impositions nouvelles, sont prévus par le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Désormais, une vue exhaustive des comptes publics nécessitera de prendre en considération le budget de l'Etat, mais également la loi de financement de la sécurité sociale.

Votre commission s'interroge par ailleurs sur la compatibilité de cette situation avec le principe d'universalité budgétaire, qui est pourtant un des principes de base du droit budgétaire français.

b) Un motif difficilement acceptable : le financement des " 35 heures "

L'atteinte qui est ainsi portée par le présent projet de loi de finances au principe de l'universalité budgétaire résulte, en grande partie, du dispositif arrêté par le gouvernement, afin de financer la réduction autoritaire du temps de travail.

Or, votre commission juge difficilement acceptable tant cette décision arbitraire du gouvernement qui nuit par ailleurs gravement au bon fonctionnement du paritarisme, que ses modalités de financement, qui l'assimilent à une véritable " usine à gaz ", difficilement compréhensible même par les spécialistes...

Il fait en effet intervenir pas moins de six sources de financement
, pour un coût total évalué à environ 65 milliards de francs en 2000 26( * ) , et 110 milliards de francs à partir de 2002 :

- l'affectation d'une partie du produit du droit de consommation sur les tabacs manufacturés ;

- le produit de la nouvelle contribution sociale sur les entreprises 27( * ) ;

- le produit de l'extension de l'assiette de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) ;

- une contribution du budget de l'emploi ;

- le produit de la taxation des heures supplémentaires prévue par la " seconde loi sur les 35 heures ", et initialement destinée à constituer une réserve de trésorerie ;

- et enfin l'affectation d'une partie du produit des droits sur les alcools.

Par ailleurs, il convient de rappeler que le gouvernement avait initialement prévu de faire supporter aux organismes sociaux une contribution financière, dont le montant n'était pas déterminé, et qui a provoqué l'hostilité générale et légitime des partenaires sociaux.

Le financement des 35 heures, qui n'était pas assuré à terme, ne semble pas l'être davantage aujourd'hui. Le gouvernement a en effet dû présenter un dispositif complémentaire qui, désormais, propose d'affecter au fonds de financement des allégements de charges sociales une partie du produit des droits sur les alcools, aujourd'hui affectés au fonds de solidarité vieillesse et à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), ainsi que le produit de la taxation des heures supplémentaires.

Cette solution retenue par le gouvernement consiste donc, aux prix d'une étonnante alchimie à ne plus mettre les organismes sociaux à contribution, mais à les priver d'une partie de leurs ressources !

2. Le " trouble " de l'Assemblée nationale

Le rapporteur général de l'Assemblée nationale a tenu à saluer " l'ingéniosité du dispositif " proposé par le gouvernement pour financer les " 35 heures ", à moins qu'il ne s'agisse plutôt d'une manière d'exprimer l'ironie que ne manque pas de susciter une telle " usine à gaz " au sein même de la majorité gouvernementale.

" Un certain trouble au sein de la commission "

Le 30 septembre 1999, à l'occasion de l'audition de M. Christian Sautter, le rapporteur général, M. Didier Migaud, estimait ainsi que " les modifications structurelles proposées tant pour le budget de l'Etat que pour les comptes sociaux avaient éveillé un certain trouble au sein de la commission ".

Votre commission partage ce trouble, renforcé par la difficulté d'arriver à déterminer le ministre compétent, sur le fond, pour expliquer ce dispositif.

Ainsi, à propos d'une question sur la TGAP posée au secrétaire d'Etat au budget, ce dernier a répondu que " c'est la ministre de l'emploi et de la solidarité, qui, au nom du gouvernement tout entier, soutiendra la discussion de ces dispositions [par conséquent, celle de la TGAP] devant le Parlement ".

Pourtant, le même compte-rendu indique que " Mme Nicole Bricq a rappelé que Mme Martine Aubry, entendue le matin même par la commission, s'était, à sa grande surprise, déclarée incompétente s'agissant des dispositions fiscales de la loi de financement ". Et Mme Nicole Bricq de conclure par un euphémisme : " il y a un indéniable défaut d'articulation entre les deux ministères concernés et entre les deux textes ".

Enfin, le rapporteur général de l'Assemblée nationale, avait relevé la différence d'appellation dans le projet de loi de finances et dans le projet de loi de financement du fonds destiné à financer les allégements de charges sociales.

D'ailleurs, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a lui-même reconnu le problème en déclarant à l'Assemblée nationale lors de la discussion générale : " Le rapporteur général a souligné également le problème de lisibilité que pose l'existence d'un projet de loi de finances et d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il a raison. Nous pouvons nous efforcer de rendre les choses plus lisibles. M. Migaud a d'ailleurs fait des propositions en ce sens dans son rapport ".

C. UNE INERTIE FORTE DES DÉPENSES DE L'ÉTAT

1. Des priorités gouvernementales coûteuses

a) Les priorités pour 2000

Rappelant que l'accroissement des dépenses du budget général serait de 0,9 % en 2000, soit une augmentation identique à la hausse des prix attendue, le gouvernement présente les secteurs prioritaires du projet de budget, dont la progression sera plus rapide que la moyenne :

- la ville : + 26,3 % ;

- l'environnement et l'aménagement du territoire : + 8,1 % ;

- l'audiovisuel public : + 4,8 % ;

- l'emploi et la solidarité : + 4,3 % ;

- la justice : + 3,9 % ;

- l'éducation : + 3,3 % ;

- la sécurité publique : + 3 % ;

- la culture : + 2,1 %.

Or, l'affichage de ces budgets déclarés prioritaires dissimule cependant mal les vraies priorités budgétaires du gouvernement, qui concernent notamment les rémunérations des fonctionnaires. Il est vrai, sur ce point, qu'il lui faudrait procéder aux nécessaires réformes de structure, seules en mesure de réduire le poids de la sphère publique et que celles-ci ne semblent pas constituer, du moins jusqu'en 2002, sa priorité.

b) Une montée en charge budgétaire progressive

Les priorités du gouvernement , telles qu'elles ressortent des crédits budgétaires effectivement inscrits dans le projet de loi de finances, sont coûteuses et leur montée en charge très progressive accroîtra leur coût année après année.

Deux dispositifs illustrent le poids budgétaire croissant de la politique du gouvernement.

Les emplois jeunes

Le chapitre 44-01 " Programme nouveaux services - nouveaux emplois " du budget de l'emploi comporte pour 2000 des crédits à hauteur de 21,34 milliards de francs , soit une augmentation de 53,3 % par rapport à 1999 (13,92 milliards de francs).

Coût budgétaire des emplois-jeunes dans le
projet de loi de finances pour 2000

Budget

Montant
(en millions de francs)

Emploi

21.340

Enseignement scolaire

1.100

Outre-mer

615,5

+ 180

(report)

Intérieur

698,8

TOTAL

23.934,3

Or ceux-ci auront, lorsque l'objectif des 350.000 emplois-jeunes affiché par le gouvernement sera atteint en principe à la fin 2000, un coût en année pleine de plus de 33 milliards de francs !

A ce titre, la Commission européenne a exprimé son scepticisme quant à la pertinence de ce dispositif, que la France a présenté comme une " bonne pratique " au titre de la mise en oeuvre de son plan national d'action pour l'emploi (PNAE). Elle écrit ainsi dans son rapport sur l'emploi que les emplois-jeunes " ont contribué au recul du chômage des jeunes en 1998 " , mais que " la survie de ces postes, une fois qu'aura pris fin le soutien financier des pouvoirs publics, dépendra de la capacité du programme à générer des emplois économiquement viables ".

Votre commission doute en effet fortement de cette capacité.

Les " 35 heures "

Le financement du passage aux 35 heures n'est pas assuré et l'essentiel de son coût n'est pas retracé au budget de l'Etat.

Les crédits inscrits au budget de l'emploi au titre de la loi du 13 juin 1998 s'élèvent à 10,6 milliards de francs sur trois années : 2,8 milliards de francs en 1998, 3,5 milliards de francs en 1999 et 4,3 milliards de francs en 2000.

Or, il apparaît que des reports de crédits non consommés en 1999 devraient permettre de financer des accords signés après le 30 juin 1999. En effet, alors que ces crédits devraient être utilisés pour financer les aides accordées aux entreprises sur la base des accords signés avant le 30 juin 1999, seuls 600 millions de francs restent théoriquement disponibles pour financer les accords, qui seraient conclus après le 30 juin 1999.

Par ailleurs, eu égard aux incertitudes du financement des 35 heures, il est à craindre que le budget de l'emploi ne soit sollicité.

Cette préoccupation est d'ailleurs partagée par le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2000, il relevait en effet : " Une affectation de recettes peut procurer au service gestionnaire la certitude de disposer de ressources pour des actions déterminées. Elle fait peser un risque sur le niveau de la dépense quand la ressource vient à se tarir progressivement. On redécouvre alors les vertus de la " solidarité budgétaire " que représente le budget général ".

2. Quelle maîtrise des dépenses de la fonction publique ?

a) Une augmentation continue

Faute de réforme structurelle, les dépenses de la fonction publique continueront de croître en raison du caractère largement automatique de leur progression, de sorte que les ressources du budget de l'Etat seront de plus en plus mobilisées pour financer des dépenses de personnel. Cela accentue encore son inertie et réduit, dans le même temps, ses marges de manoeuvre.

Dans le présent projet de loi de finances, l'ensemble des principales composantes des dépenses de fonction publique du budget général progressent de 3,4 % par rapport à la loi de finances pour 1999, soit 22,5 milliards de francs supplémentaires alors que l'ensemble des dépenses du budget général n'augmentera que de 0,9 % en 2000. Elles s'élèvent donc à 675 milliards de francs, soit 40,05 % du budget de l'Etat.

Il convient par ailleurs de noter que les dépenses de pension connaissent la progression la plus importante, soit 6,8 %, et atteignent près de 200 milliards de francs, comme le montre le tableau ci-après. On doit donc se féliciter de ce que le " jaune budgétaire " sur les rémunérations publiques intègre désormais, à l'initiative de votre commission des finances, des développements sur l'évolution de cette catégorie de dépenses.

Évolution des charges de personnel du budget général

(En milliards de francs)

 

LFI 1999

PLF 2000

Variation en %

Rémunérations d'activité

Civil
Défense
Total

316,6
74,4
391,0

326,9
75,5
402,4

3,3 %
1,5 %
2,9 %

Pensions

Civil
Défense
Total

126,3
53,6
179,9

137,3
54,9
192 ,2

8,7 %
2,5 %
6,8 %

Cotisations et prestations sociales

Civil
Défense
Total

73,2
8,4
81,6

71,8
8,6
80,4

-1,8 %
1,8 %
-1,4 %

Total des charges de personnel

Civil
Défense
Total général

516,1
136,4
652,5

536,1
138,9
675,0

3,9 %
1,9 %
3,4 %

Votre commission éprouve de vives inquiétudes quant à l'évolution de ces dépenses au regard du caractère largement automatique de leur progression , qui est principalement due :

- à l'effet de report, en 2000, des mesures 1999 de l'accord salarial du 10 février 1998 , qui induit un surcoût de 8,5 milliards de francs ;

- aux mesures catégorielles autres que celles résultant de l'accord salarial : 2,6 milliards de francs , dont 1,2 milliard de francs au titre des plans de revalorisation de la fonction enseignante ;

- à la dérive spontanée des dépenses de pensions : 4,9 milliards de francs ;

- au GVT solde : 2,5 milliards de francs.


Soit 18,5 milliards de francs supplémentaires, alors que les dépenses du budget général augmenteront de 15 milliards de francs en 2000 et cela sans évoquer les éventuels coûts induits par la mise en place dans la fonction publique des " 35 heures ".

Cette progression des dépenses traduit la très forte inertie des dépenses de rémunération de la fonction publique, ce dont le gouvernement est conscient même s'il tarde à passer des intentions aux faits. Ainsi, il indiquait en réponse à une question posée par votre commission que " en raison du poids qu'elles représentent dans le budget de l'Etat (plus de 40 % des dépenses), les dépenses de rémunération constituent un enjeu majeur dans la maîtrise des finances publiques dans les années à venir ".

Les dépenses induites de la fonction publique

Par ailleurs, la fonction publique de l'Etat " induit " des dépenses qui vont bien au-delà des seules charges liées aux fonctionnaires.

Si l'on intègre les dépenses induites (subventions à l'enseignement privé, pensions des anciens combattants et charges de personnel du budget de l'aviation civile) ces dépenses sont, en 1999, de 733 milliards de francs dans leur ensemble (y compris les rebudgétisations de fonds de concours : 7 milliards de francs pour les rémunérations, 170 millions de francs pour les charges sociales, et 14,8 milliards de francs pour les pensions), soit 712 milliards de francs hors rebudgétisations. En 1998, elles étaient de 691 milliards de francs, soit une progression, hors rebudgétisations, de plus de 3 %.

Près de 92 % des dépenses induites par la fonction publique sont indexées sur la valeur du point. Ainsi, une revalorisation de 1 % du point fonction publique engendre-t-elle un coût de l'ordre de 6,7 milliards de francs pour le budget de l'Etat.

b) L'accroissement du nombre de fonctionnaires

Depuis 1990, le nombre d'emplois budgétaires a progressé de manière significative.

Le rapport sur les rémunérations de la fonction publique, déposé à l'occasion de l'examen de la loi de finances pour 1999 indique qu' " à structure constante, le nombre d'emplois budgétaires s'est accru entre 1990 et 1998 de 39.400 sur les budgets civils ".

Évolution des emplois budgétaires dans la fonction publique de l'Etat

En 1999, le gouvernement avait affiché un solde nul : 2.358 créations d'emplois civils, pour autant de suppressions.

En 2000, le nombre de fonctionnaires civils de l'Etat croîtra de 247 puisque 9.064 emplois sont supprimés mais 9.311 sont créés.

Enfin, les plus grandes incertitudes demeurent sur l'avenir des emplois jeunes :
il est à craindre qu'une part importante des actuels emplois jeunes ne soit finalement intégrée dans le fonction publique, ce qui accroîtra le nombre de fonctionnaires et, par conséquent, les dépenses du budget général.

c) " L'explosion programmée " du coût des pensions

La question du financement des retraites des fonctionnaires de l'Etat va se poser rapidement.

L'évolution du montant des charges de pension des fonctionnaires de l'Etat et des militaires a déjà été très rapide : de 1990 à 2000, ce montant est passé, en francs constants, de 118,4 milliards de francs à 192,2 milliards de francs, soit une progression de 62,3 %.

Or, les évolutions démographiques sont très préoccupantes eu égard à leurs incidences budgétaires.
D'ici à 2010, plus de 40 % des fonctionnaires partiront à la retraite, ce qui accroîtra d'autant le coût des dépenses de pensions pour les années à venir : elles devraient s'élever, d'après les informations communiquées par le gouvernement, à 218 milliards de francs en 2005, 269,3 milliards de francs en 2010 et 325,3 milliards de francs en 2015.

Votre commission estime donc qu'il faut saisir cette opportunité pour réduire le nombre de fonctionnaires et doter notre pays d'un Etat moins lourd mais plus efficace : il faut en effet dépenser mieux.

L'attentisme actuel du gouvernement risque de n'aboutir qu'à des réformes brutales, et donc bien plus douloureuses pour les actifs comme pour les retraités.

D. LA DÉTÉRIORATION DE LA STRUCTURE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

1. Un constat déjà dressé par la Cour des comptes

Les chiffres de l'exécution budgétaire en 1998, premier exercice complet du gouvernement actuel, constituent un premier point de comparaison avec les résultats des gouvernements précédents.

Évolution des dépenses du budget général

(en milliards de francs)

A la lumière de ces éléments, il apparaît que la gestion de 1998 a été marquée par l'interruption du mouvement de maîtrise des dépenses de fonctionnement de l'Etat, une diminution des dépenses d'intervention et une baisse importante de l'effort d'investissement.

Ce constat rejoint les observations faites par la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances pour 1998 et confirmées encore récemment.

Ainsi, dans un courrier daté du 9 juillet 1999 et adressé au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au secrétaire d'Etat au budget, le Premier président de la Cour des comptes note : " Par ailleurs, l'analyse de la Cour sur la rigidité croissante du budget de l'Etat, où la part des dépenses de personnel augmente et celle des investissements diminue, est difficilement contestable ".

En effet, en 1998, les dépenses nettes du titre III s'établissent à 767 milliards de francs, dont 657,5 milliards de francs pour les services civils, soit une progression de 3,7 %, et 109,5 milliards de francs pour les services militaires, en hausse de 3,1 %. La Cour constate que, après une croissance modérée en 1997 de 2,8 % les dépenses de personnel augmentent de 3,05 % pour les services civils et, surtout, de 6,27 % pour le ministère de la défense. Ainsi, en 1998, les dépenses de rémunérations se sont-elles établies à 643 milliards de francs ; 560,1 milliards de francs pour les budgets civils et 82,9 milliards pour le budget de la défense, soit une progression globale de 3,9 %, supérieure à celle de 1997.

En revanche, les dépenses en capital, qui préparent l'avenir, diminuent. La Cour des comptes écrit à ce propos : " Poursuivant le mouvement engagé en 1997, les crédits d'investissement ouverts dans la loi de finances initiale pour 1998 ont été en baisse sensible, - 4,6 %, de même que les crédits disponibles (- 3,1 %) et les dépenses nettes en capital (- 5,2 %) ".

Les autorisations de programme ouvertes par la loi de finances pour 1998 se sont élevés à 152,7 milliards de francs, en baisse de 15,7 % par rapport à 1997. Les autorisations de programme civiles se sont élevées à 71,7 milliards de francs, soit environ 47 % du total, en forte baisse, de - 22,3 % ; celles des services militaires se sont établies à 81 milliards de francs, en baisse de 8,7 %.

Les crédits de paiement des services civils et militaires diminuent respectivement, de 7,1 % et de 22,3 %.

2. Aucune amélioration en loi de finances pour 2000

Les exercices 1999 et 2000 devraient confirmer les tendances observées en 1998 :

Évolution des dépenses du budget général entre 1999 et 2000

(en milliards de francs)

La rigidification de la structure de la dépense publique provient de deux facteurs :

La progression continue de la part des dépenses de fonctionnement dans le budget général.



Dans le projet de loi de finances pour 2000, les dépenses de fonctionnement du titre III progressent de 2,6 %. Cette augmentation résulte en partie du coût de l'accord salarial dans la fonction publique du 10 février 1998 de sorte que l es dépenses de personnel absorbent l'essentiel des marges de manoeuvre budgétaires et limitent les possibilités de redéploiement de la dépense publique.

La baisse de l'effort d'investissement, qui se poursuit en 2000. L'ajustement porte essentiellement sur l'équipement militaire, en baisse de 4 milliards de francs. Cette réduction s'ajoute aux 4 milliards de francs annulés sur l'exercice 1999 par l'arrêté du 2 septembre 1999.

L'effort d'investissement de l'Etat ne se limite cependant pas aux crédits inscrits aux titres V et VI. Il convient en effet d'y ajouter les moyens des comptes spéciaux du Trésor, et notamment des comptes d'affectation spéciale dont les crédits en capital s'élèvent à 22 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 2000 et auxquels la Cour des comptes reproche d'ailleurs de financer " trop souvent des opérations similaires voire identiques à celles du budget général ", donc de permettre la débudgétisation de certaines dépenses.

En outre, il apparaît, d'après la Cour, que les crédits de certains comptes, censés constituer des dépenses d'investissement, servent en fait à financer des dépenses de fonctionnement. Il en est ainsi, par exemple, de certaines dépenses financées par le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN).

IV. DES RECETTES EXTRÊMEMENT DYNAMIQUES

A. UNE CROISSANCE DES RECETTES POUR 1999 AU DELÀ DES ESPÉRANCES DU GOUVERNEMENT

1. Un " léger dépassement " des prévisions de la loi de finances initiale, selon le gouvernement

La loi de finances pour 1999 prévoyait une augmentation des recettes totales du budget de l'Etat de 46,8 milliards de francs, hors rebudgétisations, soit une progression de 3,4 % par rapport aux estimations révisées de 1998, dont 4,2 % d'augmentation pour les recettes fiscales nettes. Cette anticipation était fondée sur une prévision de croissance de l'économie française estimée à 3,8 % en valeur, soit 2,7 % en volume et 1,1 % en évolution des prix du PIB (1,3 % pour les prix à la consommation).

Selon les évaluations révisées, les recettes nettes totales du budget général 28( * ) s'élèveraient à 1.436,7 milliards de francs en 1999, soit seulement 6 milliards de francs de mieux que les prévisions de recettes de la loi de finances.

Les révisions de recettes pour 1999

Les recettes fiscales brutes augmenteraient de 19 milliards de francs par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale. Cette plus-value serait ramenée à 6 milliards de francs après les remboursements et dégrèvements d'impôts.

Les principales hausses de recettes fiscales par rapport aux estimations sont les suivantes :

- impôt sur les sociétés (net) : + 19,6 milliards de francs

- impôt sur le revenu : + 3,2 milliards de francs

- TIPP : + 2 milliards de francs

- autres impôts d'Etat : +1,3 milliard de francs

Les moins-values de recettes fiscales par rapport aux estimations concernent essentiellement :

- TVA (nette) : - 7 milliards de francs

- enregistrement : - 4,4 milliards de francs

Les recettes non fiscales hors recettes d'ordre sont revues légèrement à la baisse : - 0,9 milliard de francs

Les prélèvements sur recettes seront un peu moins élevés que prévus : - 0,7 milliard de francs.

2. D'importantes plus-values fiscales en réalité

La révision des recettes budgétaires pour 1999 est insatisfaisante . Elle laisse à penser que le surplus de recettes fiscales par rapport aux prévisions serait très faible, alors même que l'exécution en cours d'année montre de très bons résultats.

Votre commission a essayé, au vu des exercices antérieurs, de chiffrer de telles plus-values.

a) Quelques éléments chiffrés d'appréciation

Si l'on reprend les résultats d'exécution des quatre dernières lois de finances (LFI 1995 à LFI 1998), on s'aperçoit que le résultat à fin juillet en termes de recettes fiscales brutes, représente entre 57,2 % et 57,7 % du montant des recettes fiscales brutes totales en fin d'exécution.


 

1995

1996

1997

1998

Recettes fiscales brutes à fin juillet en pourcentage des recettes totales

57,21%

57,73%

57,20%

57,61%

Ces pourcentages permettent d'anticiper le montant des recettes fiscales brutes en fin d'année 1999, en reprenant le montant des recettes fiscales brutes fin juillet 1999 (1.087.828 millions de francs). On compare ensuite le montant des recettes fiscales brutes ainsi anticipées aux évaluations révisées pour 1999 (1.860.600 millions de francs).

Recettes fiscales brutes en fin d'année et écart
par rapport aux estimations du gouvernement

 

Hypothèse 1

Hypothèse 2

Hypothèse 3

Hypothèse 4

Recettes fiscales brutes en fin d'année

1 901 567

1 884 217

1 901 697

1 888 252

Ecart par rapport aux estimations révisées de 1999

40 967

23 617

41 097

27 652

Ecart après prise en compte mesures TVA et droits de mutation

34 967

17 617

35 097

21 652

(en millions de francs). Nb : les hypothèses 1,2,3 et 4 représentent l'application des pourcentages observés en 1995, 1996, 1997 et 1998.

Si les conditions générales d'exécution de la loi de finances sont les mêmes que depuis 4 ans, les recettes fiscales brutes devraient donc être comprises entre 1.884,2 et 1.901,7 milliards de francs pour 1999.

Comme l'évaluation révisée pour 1999 tient compte de l'application anticipée des mesures concernant la TVA et les droits de mutation, pour environ 6 milliards de francs, on peut penser que les recettes fiscales brutes sont sous-évaluées de 17,6 milliards de francs à 35 milliards de francs pour 1999.

Il faut ensuite prendre en compte les remboursements et dégrèvements d'impôts pour obtenir les recettes fiscales nettes, qui sont la donnée véritablement significative.


Les remboursements et dégrèvements ont représenté un pourcentage assez variable des recettes fiscales brutes depuis 1995, avec une très forte hausse, que l'on pourrait qualifier "d'atypique" en 1998.

Evolution des remboursements et dégrèvements d'impôts depuis 1995

Exécution des lois de finances

1995

1996

1997

1998

Remboursements et dégrèvements

222.412

260.788

265.590

316.920

en % des recettes fiscales brutes

14,60%

16,10%

15,79%

17,91%

Recettes fiscales nettes/recettes fiscales brutes

85,40%

83,90%

84,21%

82,09%

(en millions de francs)

Pour 1999, le gouvernement retient un niveau de remboursements et dégrèvements très élevé, sur la même ligne que 1998 (17,2% des recettes brutes). Dans ces conditions, qui minoreraient de manière importante les recettes fiscales brutes du budget général, les recettes fiscales nettes seraient comprises entre 1.560,1 et 1.574,6 milliards de francs en 1999.

Anticipation des recettes fiscales nettes fin 1999

 

Hypothèse "basse"

Hypothèse "élevée"

Recettes fiscales brutes

1 884 217

1 901 697

Recettes fiscales nettes (hypothèse de remboursements et dégrèvements élevés : 17,2%)

1 560 132

1 574 605

(en millions de francs)

Comme le gouvernement affiche 1.540,9 milliards de francs de recettes fiscales nettes pour 1999, soit 1.546,9 milliards avant prise en compte des mesures TVA et droits de mutation , on peut estimer que la sous-estimation des recettes fiscales nettes est comprise entre 14 milliards de francs et 28 milliards de francs. La sous-évaluation pourrait même dépasser les trente milliards de francs si le rythme des remboursements et dégrèvements d'impôts n'était pas aussi élevé que prévu.

Comme le gouvernement a déjà constaté dans ses évaluations révisées, une plus-value de recettes de 6 milliards de francs non encore affectée, en définitive, il devrait y avoir au minimum 20 milliards de francs (14+6), voire 34 milliards de francs (28+6), de recettes supplémentaires à répartir en fin d'année. 29( * ) Lors de leur audition devant la commission des finances, les experts de l'OFCE ont d'ailleurs corroboré cette analyse en indiquant que " les prévisions du gouvernement, par leur prudence, permettaient d'afficher des recettes budgétaires sous-évaluées pour 1999 et 2000 " ce que le ministre de l'économie a par ailleurs implicitement confirmé lors de son audition le 9 novembre par votre commission.

b) Des simulations confirmées par les derniers résultats d'exécution

L'hypothèse d'un surplus important en fin d'année, de l'ordre de 20 à 34 milliards de francs, au lieu des 6 milliards de francs annoncés, est largement confirmée par les derniers résultats de l'exécution budgétaire à fin septembre. Au 31 septembre 1999, les recettes nettes du budget général s'établissaient à 1.149,8 milliards de francs, soit une hausse de 8,7 % par rapport à 1998. Les recettes fiscales nettes s'établissaient à 1.193,5 milliards de francs, en hausse de 9,3 %, ce qui, par extrapolation, permet de penser que le surplus de recettes sera plutôt proche de la valeur maximale envisagée à partir des données à fin juillet (34 milliards de francs).

Dans ces conditions, la baisse du déficit budgétaire attendue en 2000 (21,2 milliards de francs par rapport à 1999, soit 215,4 milliards de francs) devrait pouvoir être réalisée dès la fin 1999, si l'on suppose que les autres données budgétaires sont correctement estimées (recettes non-fiscales, prélèvements sur recettes).

La sous-évaluation des recettes fiscales pour 1999 pose non seulement la question de la sincérité des documents budgétaires fournis au Parlement mais également le problème de la crédibilité du projet de loi de finances pour 2000. En effet, la réévaluation des recettes pour 1999 devrait mécaniquement entraîner celle de 2000.

Les effets de reports de recettes fiscales d'une année sur l'autre
ou " l'art " de la gestion budgétaire

Sous le titre " une évolution des recettes fiscales inexplicable ? ", votre rapporteur général notait déjà, dans son rapport pour le débat d'orientation budgétaire pour 2000, les incohérences relatives aux chiffres de recettes fournis par le gouvernement.

Lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 1998, votre rapporteur s'était interrogé sur la faiblesse des réévaluations de recettes pour 1998, se demandant déjà si les estimations révisées ne présentaient pas une sous-évaluation de plus-values de recettes fiscales, pourtant visibles en cours d'année.

Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie arguait alors de " modifications techniques et calendaires " . Il invoquait également l'effet de la loi " MUFF " sur l'impôt sur les sociétés. S'agissant de la TVA, il expliquait que le dynamisme observé au cours des premiers mois de l'année 1998, s'agissant des encaissements bruts, devrait être tempéré par des remboursements et dégrèvements d'impôts importants en fin d'année, ajoutant que la baisse notable des importations de marchandises en provenance des pays tiers, constatée depuis le recouvrement de septembre, devait avoir des incidences importantes en fin d'année.

Votre rapporteur général estimait ces explications " largement insuffisantes pour expliquer que les recettes fiscales nettes ne progresseraient, en définitive, que de 11 milliards de francs par rapport à la loi de finances pour 1998 " . Il ajoutait " l'évolution attendue en matière de TVA paraît improbable ".

Deux explications lui semblaient alors envisageables : ou l'estimation était effectivement sous-évaluée, ou le ralentissement de la croissance fin 1998 était tel que les encaissements de TVA se ralentiraient considérablement.

Les résultats de l'exécution 1998 ont montré que les recettes fiscales nettes ont progressé encore moins qu'envisagé, en raison de l'ampleur inattendue des remboursements et dégrèvements d'impôts, concernant particulièrement la taxe sur la valeur ajoutée.

Dans son rapport préliminaire sur l'exécution de la loi de finances pour 1998, la Cour des comptes, observant que les remboursements de TVA (165,6 milliards de francs) ont progressé de 28% (36,3 milliards de francs) reconnaît l'absence d'explications plausibles: " il est difficile d'expliquer une telle augmentation " note-t-elle.

En regardant plus précisément l'évolution infra-annuelle de l'exécution de la loi de finances, force est de constater que les remboursements de TVA ont été particulièrement élevés lors des quatre derniers mois de l'année (57 milliards de francs contre 39 milliards de francs en 1997).

Les effets de reports d'une année sur l'autre expliquent en réalité cette situation.

Comme le note la Cour des comptes " on peut enfin penser que des reports ont été effectués en 1997 sur 1998, et qu'à l'inverse, les remboursements ont été accélérés en fin d'année 1998 ". L'ampleur de l'augmentation des remboursements et dégrèvements d'impôts " exerce à la fois un effet important sur la progression globale des recettes nettes et sur le résultat final de l'exécution du budget de 1998 ".

L'accélération des remboursements et dégrèvements d'impôts fin 1998 a permis de minorer les recettes fiscales nettes et donc le poids des prélèvements obligatoires de l'Etat en 1998 : cette conséquence n'est pas anodine lorsque l'on constate que les prélèvements obligatoires ont été absolument " stables " en 1998 par rapport à 1997.

Il faut remarquer, à l'appui de cette analyse, qu'aucune situation budgétaire mensuelle n'a été publiée fin janvier 1999 : seules les situations au 31 décembre 1998 et au 28 février 1999 sont disponibles. Cette dissimulation confirme l'hypothèse de reports volontaires importants de recettes fiscales de 1998 sur 1999.

La question est donc de savoir au vu de ces pratiques antérieures si ces " effets de report " se reproduiront également et fort opportunément fin 1999.

L'exercice semble plus délicat, dans la mesure où plusieurs dizaines de milliards de francs sont en jeu. Toutefois, il n'est pas impossible qu'une forte partie de l'excédent puisse encore être reporté, ceci afin de ne pas afficher trop rapidement les excellentes rentrées fiscales et surtout d'entraîner inévitablement une hausse des prélèvements obligatoires.

En effet, en l'état actuel des rentrées fiscales, les prélèvements obligatoires pourraient être plus proches des 45,6 points de PIB fin 1999 que des 45,3 points de PIB annoncés.

Au lieu de bénéficier de " la plus forte baisse d'impôts depuis 10 ans ", les Français auront donc le triste privilège de connaître " une des plus fortes hausses de prélèvements obligatoires depuis 10 ans ".

B. DES PRÉVISIONS DE RECETTES POUR 2000 AFFECTÉES PAR L'IMPORTANCE DES TRANSFERTS

1. Les modifications de structure

Le projet de loi de finances pour 2000 affiche une progression des recettes nettes du budget général de 5,4 milliards de francs pour l'an prochain, soit + 0,4 % et une réduction des charges budgétaires de 10 milliards de francs, soit - 0,6 %.

A structure constante toutefois, les recettes progressent de 39 milliards de francs, par rapport aux évaluations révisées de 1999 soit + 2,7 %, avec une progression des charges budgétaires de 15 milliards de francs, soit - 0,9 %.

En effet, le projet de loi de finances incorpore un grand nombre de modifications de structure, qui consistent essentiellement à transférer 45,2 milliards de francs de recettes fiscales à la sécurité sociale et à incorporer 1,7 milliard de francs dans les recettes fiscales et, dans les recettes non fiscales, des fonds de concours et recettes diverses qui devaient y figurer, pour 8,9 milliards de francs.

Les modifications de structure du PLF 2000

 

Effet sur les recettes de l'Etat

Recettes fiscales

 

Transfert au budget général d'une fraction de la taxe sur les bureaux (qui alimentait le fonds pour l'aménagement de l'Ile de France)

+1,52

 

Rebudgétisation de la taxe sur les installations nucléaires de base (ancien fonds de concours au budget de l'industrie), de la taxe forestière, et de la taxe de défrichement (qui alimentaient le fonds forestier national)

+1,171

 

Transfert d'une partie des droits de consommation sur les tabacs à la sécurité sociale pour le financement de la ristourne dégressive, de la CMU et du " fonds amiante "

 

- 43,2

Transfert de la TGAP à la sécurité sociale

 

-2,0

Total recettes fiscales

 

- 42,509

Recettes non fiscales

 
 

Budgétisation de fonds de concours

(dont 5 milliards de francs pour la contribution aux charges de pensions d'organismes publics)

+ 6,356

 

Budgétisation de recettes de missions d'ingénierie publique autrefois centralisées sur deux comptes de tiers

+ 2,190

 

Budgétisation des recettes de deux CAS (fonds pour l'aménagement de l'Ile-de-France, fonds forestier national)

+0,118

 

Budgétisation de taxes affectées

+0,245

 

Total recettes non fiscales

+8,908

 

TOTAL GENERAL

 

-33,601

(en milliards de francs)

2. Les principales évolutions pour 2000

a) L'impact des mesures d'allégements fiscaux

Le projet de loi de finances pour 2000 est construit en prenant en compte la poursuite de la croissance économique, dont la progression est estimée à 2,8 % en volume et 3,8 % en valeur (contre 2,3 % en volume et 3,3 % en valeur, selon les estimations révisées pour 1999).

Les recettes totales nettes de l'Etat devraient atteindre 1.442,2 milliards de francs, soit une progression de seulement 5,4 milliards de francs par rapport au budget révisé de 1999. Cette très faible progression s'explique d'abord par l'ampleur des modifications de périmètre (-33,6 milliards de francs). A structure constante, les recettes progresseraient de 39 milliards de francs, soit +2,7 %.

Il n'en reste pas moins que, même à structure constante, la progression des recettes budgétaires devrait être modérée en 2000, selon les évaluations du projet de loi de finances, et cela en raison de l'évaluation des allégements d'impôts.

Tels que retracés dans le fascicule " voies et moyens " (tome 1) les aménagements de droits pour 2000 s'élèveront à 54,8 milliards de francs pour 2000. Si l'on prend en compte les changements de périmètre (33,6 milliards de francs), les allégements en recettes fiscales et non fiscales, proposés pour 2000, se traduisent seulement par une moins-value de recettes de 21,2 milliards de francs, à laquelle il faut ajouter 4,6 milliards de francs de dépenses induites par la diminution des droits de mutation.

Les baisses d'impôts s'élèveront à 39 milliards de francs en 2000, selon le gouvernement, dont 25 milliards de francs résultant de mesures prises dans le projet de loi de finances , en raison du coût net de l'application du taux réduit de TVA au secteur du logement (- 19,7 milliards de francs), des mesures relatives au droit de bail (- 3,2 milliards de francs) et du relèvement à 5 % de la quote-part d'imposition des dividendes reçus dans le cadre du régime spécial des sociétés mères-filles (+ 4,2 milliards de francs), mais aussi de la compensation versée aux collectivités locales pour la diminution des droits de mutation à titre onéreux, soit 4,6 milliards de francs.

Les autres facteurs de diminution des recettes fiscales proviennent des mesures prises antérieurement , pour environ 14 milliards de francs, avec notamment l'arrivée " à terme " de la surtaxe d'impôt sur les sociétés (- 12,4 milliards de francs) 30( * ) .

Les recettes non fiscales qui progressent également de 7,6 milliards de francs en 2000 sous l'effet de la croissance, feront l'objet de changements de périmètres, conduisant à une majoration " optique " de 8,4 milliards de francs supplémentaires.

Les prélèvements sur recettes augmenteront fortement en raison de la poursuite de la réforme de la taxe professionnelle (- 8,8 milliards de francs d'allégement net). Compte tenu des incidences en termes de recettes d'impôt sur les sociétés, l'allégement supplémentaire peut toutefois être évalué à 2 milliards de francs. Les prélèvements au profit de l'Union européenne augmenteront de 5 milliards de francs en 2000.

Au total, l'ensemble de ces mesures fiscales expliquerait la très faible progression des recettes du budget de l'Etat en 2000. En dehors des mesures du présent projet de loi de finances, les recettes auraient progressé de 79 milliards de francs.

b) Des recettes sans doute sous-évaluées

Plusieurs éléments permettent de craindre que, malgré les allégements fiscaux annoncés, les estimations de recettes pour 2000 soient sous-évaluées :

- l'expérience de 1999 a montré que l'évaluation du coût ou du rendement des mesures fiscales n'est pas exempte d'effets " d'affichage ".

Ainsi, le rendement des mesures prises en matière d'impôt de solidarité sur la fortune a été manifestement surestimé : la loi de finances initiale faisait état d'un produit de 14,85 milliards de francs, l'évaluation révisée se contente de 12,5 milliards de francs, soit une révision à la baisse de 19 % 31( * ) .

Pour 2000, la seule grande mesure fiscale porte sur la TVA dans les logements et son coût est évalué sur la base de statistiques datant de 1996... Les effets des mesures fiscales sur l'offre et donc sur l'assiette des prélèvements ne sont pas pris en compte, non plus que les incidences indirectes de la mesure sur les cotisations sociales.

- surtout, la faible révision des recettes pour 1999 laisse à penser, comme cela a été démontré plus haut, que les suppléments de recettes seront plus importants que prévu , de l'ordre de 20 à 35 milliards de francs au minimum.

Dans ces conditions, les recettes pour 2000 devraient également être revues à la hausse, puisque les évaluations de recettes du projet de loi de finances prennent pour base les résultats de l'année précédente.

c) Des allégements fiscaux à mettre en parallèle avec les hausses prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale

Il faut rappeler que les annonces de diminutions d'impôts dans le projet de loi de finances pour 2000 s'accompagnent de la création de nouveaux prélèvements dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale : la contribution sur les bénéfices des sociétés viendra opportunément remplacer la surtaxe d'impôt sur les sociétés et la taxe générale sur les activités polluantes sera considérablement élargie.

Evolution des prélèvements pour 2000

Etat

Coût/gain

Sécurité sociale

Coût/gain

Fin de la surtaxe d'impôt sur les sociétés

-12,4

Cotisation sociale sur les bénéfices

4,3

Relèvement de la quote-part d'imposition des dividendes (régime mère-fille)

+4,2

Extension de la taxe générale sur les activités polluantes


1,8

Réforme de la taxe professionnelle

-2,0

Taxation des heures supplémentaires

7,5

Divers

-2,0

-

-

sous-total entreprises

-12,2

sous-total entreprises

+13,6

Taux réduit de TVA sur les travaux dans les logements d'habitation

-19,7

-

-

Abaissement des droits de mutation à titre onéreux

-4,6

-

-

Divers

0,5

-

-

sous-total ménages

- 24,8

sous-total ménages

0

Remboursement du droit de bail

-3,5

Contribution de 1,75 % sur le chiffre d'affaires santé des organismes complémentaires


1,8

TIPP

+2,7

-

-

Divers

-1,0

-

-

sous-total non réparti

-1,8

sous-total non réparti

+1,8

total général

-39

total général

+15,4

Au total, les prélèvements sur les entreprises continueront à augmenter en 2000, en raison des nouvelles contributions introduites par le projet de loi de financement de la sécurité sociale .

De surcroît, si l'on prend en compte les nouveaux prélèvements introduits par le projet de loi de financement de la sécurité sociale (15,4 milliards de francs), les allégements nets de prélèvements pour 2000 ne porteront que sur 23,6 milliards de francs. Sachant que 14 milliards d'allégements proviennent de mesures prises antérieurement à la loi de finances, l'allégement net proposé par le gouvernement dans le projet de loi de finances et le projet de loi de financement pour 2000 est légèrement inférieur à 10 milliards de francs, soit à environ le tiers des plus-values de recettes potentielles en fin d'année 1999.


 

Coût/gain

(en milliards de francs)

(a) Allégements fiscaux déjà adoptés par le Parlement

- 14

(b) Allégements proposés par le PLF 2000

- 25

(c) Alourdissements proposés par le PLFSS 2000

+ 15,4

Total nouveaux allégements PLF/PLFSS 2000

- 9,6

Non seulement les allégements nouveaux seront très faibles en 2000, mais le gouvernement a déjà annoncé de nouveaux prélèvements pour 2001, pour au moins 17,5 milliards de francs, sans compter ceux qui seront nécessaires au financement des 35 heures et de la couverture maladie universelle.

Les nouveaux prélèvements annoncés pour 2001

Augmentation des prélèvements annoncée pour 2001

Evaluation

TGAP

9,3 milliards de francs

Contribution sociale sur les bénéfices des sociétés

8,2 milliards de francs

Contribution des organismes complémentaires pour le financement de la CMU

?

Financement des 35 heures

20 milliards de francs

Total

au moins 17,5 milliards de francs de prélèvements supplémentaires

Source : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000

La conséquence du refus du gouvernement de procéder véritablement à des allégements d'impôts et de cotisations, alors même que la conjoncture permet d'importants encaissements de recettes fiscales et de cotisations sociales, est que la France se trouve désormais en toute première position, au niveau européen comme mondial, pour le poids de ses prélèvements obligatoires.

C. UN NIVEAU RECORD DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

1. Une augmentation sans précédent des prélèvements obligatoires

La révision du montant des recettes fiscales pour 1999 montre que sur un an, on aura assisté à " l'explosion " de certains impôts, et notamment de l'impôt sur les sociétés.

Le " palmarès " des plus fortes progressions

Sur un an, selon les évaluations révisées pour 1999, les hausses d'impôts auront atteint un niveau exceptionnel :

- impôt sur les sociétés : + 34,2 milliards de francs (+18 %)

- impôt sur le revenu : + 22 milliards de francs (+7,2 %)

- TIPP : + 8,1 milliards de francs (+5,3 %)

- TVA nette : + 24 milliards de francs (+3,7 %).

Ces hausses d'impôts historiques se traduisent globalement, dans le taux de prélèvements obligatoires, qui n'a cessé de grimper depuis l'arrivée du gouvernement.

Evolution du niveau des prélèvements obligatoires depuis 1996

(en points de PIB)

2. Une hausse en contradiction avec les engagements du gouvernement

Suite à la nouvelle hausse des prélèvements en 1999, les performances du gouvernement en matière de prélèvements obligatoires depuis 1997 s'écartent encore un peu plus des intentions , telles qu'exprimées dans la déclaration de politique générale du Premier ministre en 1997 ou dans le programme de stabilité transmis à la commission européenne il y a moins d'un an, en décembre 1998.

L'écart entre les annonces du gouvernement en décembre 1998 et les réalisations constatées en septembre 1999 s'élève à 0,8 point de PIB, soit environ 70 milliards de francs.

L'évolution des prélèvements obligatoires 1997-2002

 
 

1997

1998

1999

2002 (e)

Taux de prélèvements

Chiffres donnés dans le programme de stabilité

(décembre 1998)

44,9

44,7

44,5

43,7-44,0

obligatoires (points de PIB)

Taux de prélèvements obligatoires réalisé

44,9

44,9

45,3

-

 

Ecart

0

+ 0,2

+ 0,8

-

Nb : les chiffres sont donnés en nouvelle base SEC 95

Dans ces conditions, un allégement fiscal, fût-il de 39 milliards de francs (0,5 point de PIB), ne permettra pas au gouvernement de respecter ses engagements pour 2000, engagements pris il y a seulement quelques mois.

Comme votre rapporteur général l'avait souligné lors du débat d'orientation budgétaire, l'objectif de réduction des prélèvements obligatoires, bien que maintes fois proclamé, a en réalité été abandonné par le gouvernement, au moins pour 2000.


La France qui avait déjà le triste privilège de se situer dans le peloton de tête européen et mondial, en matière de prélèvements obligatoires en 1998, devrait encore voir cette position se renforcer en 1999.

Taux de prélèvements obligatoires en 1998

 

Taux de prélèvements obligatoires

(en % du PIB)

Belgique

48,7

France

44,9

Pays-Bas

44,6

Italie

43,8

Zone euro

43,1

Allemagne

42,4

Royaume-Uni

38,8

Canada

37,4

OCDE

36,8

Espagne

36,5

Etats-Unis

34,4

Japon

30,8

Source : Rapport économique, social et financier

En 1998, le taux de prélèvements obligatoires en France s'élevait à 44,9 %, soit 1,8 point de PIB au dessus de la moyenne de la zone Euro et 8,1 points de PIB au dessus de la moyenne des pays de l'OCDE.

Dans ces conditions, une diminution des prélèvements obligatoires de 0,5 point, telle qu'elle est annoncée par le gouvernement pour 2000, n'est pas à la mesure de l'effort à réaliser.

3. Une progression largement imputable à la croissance des dépenses de sécurité sociale

Il faut noter que la hausse des prélèvements obligatoires s'explique essentiellement par l'augmentation de la part des prélèvements (impôts et cotisations sociales) destinés à la sécurité sociale.

Pour 1999, l'augmentation devrait résulter essentiellement de l'accroissement des ressources des administrations de sécurité sociale (+ 0,3 point de PIB) alors que l'augmentation de la part de l'Etat (+ 0,3 point de PIB) s'expliquera en partie par la compensation d'allégements de fiscalité locale (- 0,3 point de PIB).

Prélèvements obligatoires rapportés au produit intérieur brut (en %)

 

1997

1998

1999 (e)

2000 (e)

Etat

17,3

17,2

17,5

16,9

dont : cotisation sociales

0,4

0,4

0,4

0,4

Organismes divers d'administration centrale

0,8

0,8

0,8

0,8

dont : CRDS

0,3

0,3

0,3

0,3

Administrations publiques locales

5,7

5,8

5,5

5,3

Administrations de sécurité sociale

20,4

20,6

20,9

21,3

dont : cotisations sociales

17,7

15,9

16,1

15,9

Institutions européennes

0,7

0,6

0,6

0,6

Total des prélèvements obligatoires

44,9

44,9

45,3

44,8

Source : INSEE, Comptes de la Nation/base 1995. Années 1999 et 2000 : Rapport économique, social et financier PLF 2000.

Dans ces conditions, il apparaît que l'objectif en terme de prélèvements obligatoires affiché pour 2000 par le gouvernement, soit 44,8 % du PIB, est largement fictif : la seule progression des recettes fiscales devrait faire croître le taux de prélèvement de 0,3 point de PIB pour 1999, le portant à environ 45,6 points de PIB. Pour l'an 2000, le taux de prélèvements obligatoires devrait donc se situer au-dessus du niveau de 1997, et non en dessous, comme continue à l'affirmer le gouvernement.

CHAPITRE III :

POUR UNE APPRÉCIATION PLUS GLOBALE
DE L'ÉTAT DE NOS FINANCES PUBLIQUES

Le projet de loi de finances pour 1999 avait été marqué par un contexte européen nouveau résultant de la création de l'euro et de l'instauration de nouvelles normes relatives aux politiques des finances publiques.

Deuxième budget de l'euro, le projet de loi de finances pour 2000 se caractérise également par l'ampleur nouvelle des liens qui unissent désormais, tant au plan juridique que technique, le présent projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale eu égard à l'importance des transferts de charges et de recettes réalisées au mépris souvent, si ce n'est du texte, du moins de l'esprit de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Aussi, désormais l'appréhension des finances de l'Etat ne peut plus se faire qu'en y intégrant l'évolution des finances sociales, ce qui rend dès lors indispensable une présentation consolidée des comptes publics et l'évolution des règles juridiques applicables en la matière.

Par ailleurs, seule collectivité publique à être encore déficitaire, l'Etat pourrait utilement s'inspirer des efforts faits par les collectivités locales afin de dégager un solde budgétaire excédentaire et cela nonobstant le poids des charges nouvelles que leur impose le gouvernement.

I. LA FRANCE, MAUVAIS ÉLÈVE DE L'UNION EUROPÉENNE

Ainsi que cela avait déjà été relevé lors du dernier débat d'orientation budgétaire, pour réelle que soit l'amélioration des finances publiques françaises, celle-ci pèche à un double titre.

D'une part, parce qu'elle s'opère selon une voie tristement originale qui est celle de " l'exception française " consistant à faire financer par un niveau historiquement élevé de prélèvements obligatoires, des dépenses publiques qui ne baissent pas.

D'autre part, dans la mesure où les comparaisons internationales doivent inciter à plus de modestie. En effet, les politiques budgétaires des Etats membres, s'agissant des finances publiques, sont désormais sous surveillance 32( * ) . Or, l'analyse comparative ainsi effectuée démontre que les résultats enregistrés par la France sont encore incertains.

Elle reste le " mauvais élève " de l'Europe : si elle a effectivement accompli un effort significatif, c'est parce qu'elle se situait en " queue de peloton " et l'effort entrepris reste donc pour partie insuffisant. L'amélioration de notre déficit public, significative en valeur absolue, reste en effet plus limitée en valeur relative.

A. LA PERSISTANCE DE DÉFICITS PUBLICS PLUS ÉLEVÉS QUE LA MOYENNE EUROPÉENNE

Ce constat s'applique tant à la composante structurelle des déficits publics qu'à leur niveau global.

1. Un déficit structurel supérieur de 0,8 point de PIB à la moyenne de la zone euro

Ainsi que devait le reconnaître le gouvernement 33( * ) , le déficit structurel des administrations publiques françaises a été faiblement réduit entre 1997 et 1999 passant de - 2,2 points de PIB à - 1,8 point de PIB. Il entend par ailleurs le faire diminuer de 0,3 point d'ici 2000. Or, c'est de la réduction du niveau du déficit structurel qui reflète concrètement l'ampleur des réformes de fond mises en oeuvre que dépend l'assainissement durable des finances publiques françaises.

De ce fait, la France continue de connaître un niveau de déficit structurel supérieur à celui de la zone euro, comme le montre le tableau ci-après.

 

1997

1998

1999

2000

Solde structurel de la zone euro

- 1,6

- 1,6

- 1,3

- 1,2

Solde structurel de la France

-1,9

- 2,4

- 2,2

-2,0

Ecart France/zone euro

+ 0,3

+ 0,8

+ 0,9

+ 0,8

Source : OCDE. Perspectives économiques, juin 1999

Selon les chiffres de l'OCDE 34( * ) , le déficit structurel de la France excède en effet sur la période de 1997 à 2000 de 0,3 à 0,9 point de PIB celui de la zone euro, de sorte qu'en 1999 mais également en 2000, la France connaîtra le niveau de déficit structurel le plus élevé de toute l'Union européenne, ainsi que cela ressort du tableau suivant.

On doit également relever, pour le déplorer, que cet écart entre la France et la zone euro ne s'est pas réduit depuis 1998 mais se maintient à des niveaux élevés, de près de 0,8 point de PIB.

Les déficits structurels des administrations publiques

(en % du PIB)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Prévisions 1999

Prévisions 2000

Allemagne

- 2,8

- 2,2

- 2,7

- 2,4

- 1,7

- 1,4

- 1,1

- 1,2

France

- 3,9

- 4,5

- 3,8

- 2,8

- 1,9

- 2,4

- 2,2

- 2,0

Italie

- 8,2

- 8,1

- 7,0

- 5,6

- 1,7

- 1,4

- 1,1

- 0,9

Royaume-Uni

- 6,4

- 6,3

- 5,6

- 4,3

- 2,5

- 0,4

- 0,4

- 0,3

Autriche

- 3,3

- 4,3

- 4,4

- 3,1

- 1,3

- 2,0

- 2,1

- 2,0

Belgique

- 5,5

- 3,4

- 2,9

- 1,5

- 0,9

- 0,7

- 0,5

- 0,5

Danemark

- 0,2

- 1,6

- 1,8

- 0,8

0,1

0,6

2,3

1,9

Finlande

- 1,5

- 1,7

- 1,6

- 1,2

- 1,2

0,9

1,9

2,1

Grèce

- 12,4

- 8,5

- 9,1

- 6,3

- 3,0

- 1,8

- 1,6

- 1,7

Irlande

- 0,1

0,4

- 1,9

0,0

0,5

1,0

0,9

1,0

Pays-Bas

- 2,5

- 3,6

- 3,5

- 2,2

- 1,6

- 2,0

- 2,1

- 1,9

Portugal

- 5,7

- 5,2

- 4,9

- 2,6

- 2,1

- 2,2

- 2,0

- 1,8

Espagne

- 6,1

- 5,4

- 6,4

- 3,3

- 1,7

- 1,6

- 1,6

- 1,3

Suède

- 7,4

- 6,7

- 5,4

- 1,8

1,1

3,2

1,7

2,7

Union européenne

- 5,0

- 4,9

- 4,6

- 3,4

- 1,7

- 1,3

- 1,1

- 1,0

Euro- 11

- 4,3

- 4,2

- 4,1

- 3,1

- 1,6

- 1,6

- 1,3

- 1,2

Source : OCDE, Perspectives économiques juin 1999

2. Les déficits publics les plus élevés

Certes, la France s'inscrit depuis 1997 dans le mouvement général de réduction des déficits publics rendu nécessaire par la mise en place des critères de convergence. Ces déficits demeurent néanmoins parmi les plus élevés de l'Union européenne, et sensiblement plus importants que ceux de ses principaux partenaires 35( * ) .

De ce point de vue là, la lecture du rapport économique, social et financier joint par le gouvernement au présent projet de loi de finances est extrêmement instructive, et conduit à relativiser très fortement, si ce n'est la réalité, du moins l'importance des efforts entrepris par la France en ce domaine.

Comme le montre en effet le tableau, ci-dessous, la France connaissait en 1999, le niveau de déficit public le plus important des principaux pays européens, à égalité avec l'Italie, avec un niveau de 2,2 points de PIB. Le constat restera également valable en l'an 2000 où elle continuera à se situer en tête, mais seule cette fois-ci, avec 1,8 point de PIB de déficit public.

Solde des administration publiques

(en points de PIB)

 

1997

1998

1999

2000

France

- 3,0*

- 2,7

- 2,2

- 1,8

Italie

- 2,7

- 2,7

- 2,2

- 1,6

Zone euro

- 2,4

- 2,0

- 1,8

- 1,4

Allemagne

- 2,7

- 2,0

- 2,0

- 1,4

Pays-Bas

- 0,9

- 0,9

- 1,5

- 1,3

Belgique

- 1,9

- 1,3

- 1,3

- 1,1

Espagne

- 2,6

- 1,7

- 1,4

- 0,8

* Y compris la soulte France Télécom

Source : Direction de la Prévision - Rapport économique, social, et financier

L'examen des programmes de stabilité et de convergence prolonge ce constat à l'horizon 2002.

Evolution du besoin/capacité net de financement des administrations publiques

(% du PIB)

Projections extraites des programmes de convergence ou de stabilité

 

Date (1)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Programme de stabilité

B

12/98

- 1,9

- 1,6

- 1,3

- 1,0

- 0,7

- 0,3

D

01/99

- 2,7

- 2,5

- 2,0

- 2,0

- 1,5

- 1,0

E

12/98

- 2,6

- 1,9

- 1,6

- 1,0

- 0,4

0,1

F

01/99

-

- 2,9

- 2,3

- 2,0 (2)

- 1,6 (2)

- 1,2 (2)

IRL

12/98

-

1,7

1,7

1,4

1,6

-

I

12/98

- 2,7

- 2,6

- 2,0

- 1,5

- 1,0

-

L

--

 
 
 
 
 
 

NL (3)

10/98

- 0,9

- 1,3

- 1,3

-

-

-1,1 (4)

A

11/98

- 1,9

- 2,2

- 2,0

- 1,7

- 1,5

- 1,4

P

12/98

-

-

- 2,0

- 1,5

- 1,2

- 0,8

FIN

09/98

- 1,1

1,1

2,4

2,2

2,1

2,3

Programmes de convergence

DK

10/98

0,5

1,1

2,5

2,8

2,6

(5)

EL

06/98

- 4,0

- 2,4

- 2,1

- 1,7

- 0,8

-

S

12/98

- 0,8

1,5

0,3

1,6

2,5

-

UK (6)

12/98

- 0,6

0,8

- 0,3

- 0,3

- 0,1

0,2 (7)

(1) Date de l'adoption des programmes.

(2) Scénario prudent, projection d'un scénario favorable : - 1,7 %, - 1,2 % et - 0,8 % du PIB pour les années 2000 à 2002.

(3) Pas de données annuelles fournies pour les années 2000/01.

(4) Scénario prudent, projections pour des scénarios moyen et favorable : respectivement - 0,25 et 0,25 % du PIB pour l'année 2002.

(5) Projection pour l'année 2005 : 3,5 % du PIB.

(6) Données pour les années financières commençant à chacune des années calendrier indiquées.

(7) Projection pour l'année financière 2003/04 : 0,1 % du PIB.

Source : Services de la Commission européenne


De ce fait, en 2000, la France aura cessé de réduire l'écart existant entre son niveau de déficit public et celui de l'Allemagne ou de la zone euro : il reste toujours à des niveaux significatifs, c'est-à-dire supérieur de l'ordre de 0,4 point de PIB.



Le déficit public sera donc pour l'an 2000 en France plus élevé que pour la moyenne de la zone euro, d'un montant que l'on peut donc estimer au minimum à 0,4 point de PIB, soit, en valeur absolue, près de 40 milliards de francs.

3. Malgré des prélèvements obligatoires qui atteignent des sommets

Prélèvement obligatoires au sens strict

(en % du PIB, année 1996)

Etats-Unis

27,9

Japon

28,5

Portugal

33,4

Espagne

33,7

Royaume-Uni

35,1

Canada

37,2

Allemagne

38,2

Grèce

41,4

Union européenne

42,4

Italie

43,5

Pays-Bas

43,9

Autriche

44,1

France

45,7

Belgique

46,6

Finlande

48,8

Danemark

51,9

Suède

51,9

Source : OCDE

Note : les chiffres sont ceux de 1995 pour la Grèce, le Japon, les Etats-Unis et le Canada. Pour le Royaume-Uni et l'UE, données Eurostat.


Cette situation met la France dans une position particulièrement délicate à l'heure où la concurrence fiscale en Europe risque de s'exacerber. En effet, ainsi que le soulignait le récent rapport 36( * ) de votre commission des finances sur la concurrence fiscale en Europe, la situation de notre pays est globalement mauvaise.

B. UNE DETTE PUBLIQUE EN PROGRESSION

1. Une situation correcte en apparence...

En 1998, selon les chiffres fournis par la Commission européenne, la France faisait partie des 7 pays sur les 15 que comporte l'Union européenne, à avoir une dette brute des administrations publiques inférieure au plafond de 60 % du PIB 37( * ) .

Dette brute des administrations publiques dans l'Union européenne

(en % du PIB)

 

1997

1998

Evolution 98/97 (en points de PIB)

France

58,0

58,5

+ 0,5

Luxembourg

6,7

6,7

-

Allemagne

61,3

61,0

- 0,3

Suède

76,6

75,1

- 1,5

Grèce

108,7

106,5

- 2,2

Europe des 15

72,1

69,5

- 2,6

Italie

121,6

118,7

- 2,9

Autriche

66,1

63,1

- 3

Espagne

68,8

65,6

- 3,2

Royaume-Uni

53,4

49,4

- 4,0

Portugal

62,0

57,8

- 4,2

Pays-Bas

72,1

67,7

- 4,4

Belgique

122,2

117,3

- 4,9

Danemark

65,1

58,1

- 7,0

Finlande

55,8

49,6

- 6,2

Irlande

66,3

52,1

- 14,2

Source : Commission européenne, avril 1999

2. Une dégradation certaine

Ainsi qu'a tenu à le relever la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances de 1998, la " France est le seul pays de l'Union européenne dont la dette publique en proportion du PIB a continué à augmenter en 1998 ". Celle-ci a, entre 1997 et 1998, progressé de 0,5 point de PIB alors que la moyenne des 15 pays européens diminuait dans le même temps de 2,6 points de PIB.



Cette situation montre bien que la France se situe à rebours du mouvement d'ensemble au sein de l'Europe marqué par la diminution du poids de la dette dans le PIB. De ce fait, elle connaîtra en 1999 un niveau historiquement élevé de dette publique : 60,5 % du PIB, calculé en base de comptes nationaux (SEC 95), ce qui nous place au-dessus du plafond de 60 % du PIB fixé par le traité de Maastricht.

Source : Services de la Commission européenne

Cette augmentation de la dette publique a, il faut le noter, considérablement réduit la valeur du patrimoine net de l'Etat qui atteignait 53,3 points de PIB en 1980 et n'est plus que de 7,6 points de PIB en 1997. L'augmentation de la dette a ainsi servi à financer des dépenses de fonctionnement.

Une interrogation doit être formulée. Le coût de la dette publique apparaît supérieur au rendement des actifs financiers de l'Etat. Cette situation conduit à préconiser d'explorer les voies d'une réduction des actifs de l'Etat afin de financer l'extension d'une dette qui coûte plus que les premiers ne rapportent. Elle devrait se traduire par une poursuite de l'allégement du secteur public.

II. L'URGENTE NÉCESSITÉ DE COMPTES PUBLICS CONSOLIDÉS

Votre commission des finances a une conviction profonde : il convient de prendre en compte l'ensemble des finances publiques dans une vision statique (les comptes consolidés de la collectivité) mais également dynamique (les évolutions respectives de chaque poste de dépenses et recettes) afin d'en examiner la cohérence.

Une tentative d'analyse globale montre de toute évidence que la France ne mène pas une politique financière cohérente, puisque tandis que des efforts, au moins d'affichage, sont réalisés pour les finances de l'Etat, dépenses et recettes de la protection sociale qui représentent plus de 30 % du PIB contre moins de 19 % pour le budget de l'Etat (pour les dépenses), connaissent une dynamique apparemment irrésistible.

Le caractère indispensable des comptes consolidés de la sphère publique apparaît avec d'autant plus de force au regard des liens très étroits qu'entretiennent les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale mais aussi de l'évolution comparée des dépenses et prélèvements. Cependant leur établissement se heurte à de lourdes difficultés méthodologiques. Votre commission des finances vous fera néanmoins des propositions en ce sens.

A. LA DYNAMIQUE DES FINANCES SOCIALES À L'ENCONTRE DE CELLE DES FINANCES DE L'ÉTAT

1. Stabilisation de la part de l'Etat, hausse de la part des administrations de sécurité sociale

Présentant le projet de loi de finances pour 2000, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Monsieur Dominique Strauss-Kahn, indiquait que ce budget reposait, notamment, sur un choix : " la maîtrise des dépenses va permettre de procéder à la plus forte baisse d'impôts depuis dix ans ". Le budget de l'Etat augmente ainsi de 0,9 % en dépenses à périmètre constant, soit le niveau attendu des prix pour 2000.

Parallèlement, le champ de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 montre des prévisions de recettes en hausse de 3,45 % et des objectifs de dépenses qui augmentent de 2,65 %.

Plus encore, la dynamique des finances sociales est déconnectée de celle de l'Etat. En l'absence de mesures fortement correctrices des dépenses, la politique menée en matière de finances sociales aboutit à ce paradoxe qui veut que la France prélève toujours plus, pour toujours plus de dépenses, mais toujours moins de satisfaction des attentes des Français envers leur système de protection sociale.

Qu'il s'agisse des dépenses et des recettes, la part de la protection sociale croît sans cesse en France à un rythme supérieur à celui de l'inflation comme de l'activité (sauf pour les dépenses de 1998). Cette tendance est plus particulièrement à l'oeuvre dans le champ du régime général

Variation des recettes et des dépenses (consolidées) du régime général et du PIB (en %)

 

1996

1997

1998

1999

2000**

2001**

2002**

Recettes

4,6

4,7

4,4

4,9

3,3

3,4

3,7

Dépenses

3,1

2,9

2,8*

3,8*

2,9

3,1

3,1

Inflation hors tabac

1,7

1,1

0,6

0,5

0,9

 
 

Consommation des ménages

3,2

1,6

3,2

2,4

2,7

 
 

Croissance du PIB

1,1

2

3,2

2,3

2,6 / 3

 
 

* La mise sous condition de ressources des allocations familiales entre le 1 er avril et le 31 décembre 1998 a pour effet de réduire le taux de croissance des dépenses de 0,3 point en 1998 et de l'augmenter d'autant en 1999.

** Prévisions

Sources : Commission des comptes de la sécurité sociale, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances


Il pourrait paraître paradoxal de critiquer l'évolution à la hausse des dépenses et des recettes publiques affectées à la protection sociale dans un contexte où les administrations de sécurité sociale redressent leur solde qui passerait d'un déficit de 0,6 % du PIB en 1997 à un excédent de 0,25 % du PIB en 2000.

Besoin/capacité de financement des administrations publiques

(en points de PIB)

 
 
 
 
 

Hypothèse prudente (4)

Hypothèse favorable (5)

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2001

2002

Etat

- 3,3

- 3,0

- 2,7

- 2,4

- 2,2

- 2,0

-

-

ODAC (1)

+ 0,7

+ 0,15

+ 0,1

+ 0,15

+ 0,2

+ 0,2

-

 

APUL (2)

+ 0,2

+ 0,15

+ 0,15

+ 0,2

+ 0,2

+ 0,3

-

-

ASSO (3)

- 0,6

- 0,2

+ 0,15

+ 0,25

+ 0,2

+ 0,3

-

-

Total

- 3,0

- 2,9

- 2,3

- 1,8

- 1,6

- 1,2

- 1,2

- 0,8

(1) Organismes divers d'administration centrale.

(2) Administrations publiques locales.

(3) Administrations de sécurité sociale.

(4) Croissance du PIB = 2,5 % par an.

(5) Croissance du PIB = 3,0
% par an. Le gouvernement ne décompose pas par secteur car il y aurait, dans cette hypothèse, des baisses de prélèvements obligatoires différenciées.

Source : débat d'orientation budgétaire pour 2000 et projet de loi de finances pour 2000


Cependant, cette amélioration est essentiellement le fait des régimes privés d'assurances et retraites complémentaires et de la branche vieillesse. Elle résulte par ailleurs d'une plus forte progression des recettes par rapport aux dépenses, grâce à la croissance économique. Ces facteurs ont un caractère conjoncturel et il serait faux d'y voir les signes d'un redressement structurel des finances sociales.

De plus, il ne faut pas seulement raisonner en terme de solde s'agissant des finances publiques. Les niveaux absolus atteints dans notre pays par la sphère publique dans l'économie, le poids des prélèvements obligatoires et celui des dépenses publiques handicapent sérieusement notre économie pour affronter l'avenir. Il paraît plus que jamais indispensable de procéder à une réduction du bilan de la sphère publique, de son passif comme de son actif, des dépenses, prestations et transferts qui le composent, comme des impôts, taxes et cotisations qui le financent.

2. Une dynamique renforcée par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000

Dans une vision pluriannuelle des finances publiques, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 révèle une tendance à la hausse des dépenses comme des prélèvements qui paraît peu conforme au programme pluriannuel adopté par la France pour l'horizon 2002 de diminution des dépenses publiques et de maîtrise des prélèvements obligatoires.

Le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances le reconnaît lui-même : " Pour l'année 1999, les prestations sociales des administrations de sécurité sociale sont plus dynamiques que celles prévues dans le programme pluriannuel de finances publiques. Cette progression traduit pour partie les effets de la revalorisation des pensions (1,2 %) qui avaient été calibrés au 1 er janvier sur les prévisions d'inflation de l'automne dernier et d'autre part le dépassement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Dans le même temps, les allocations chômage servies par les régimes sociaux ne bénéficient pas pleinement de l'amélioration sur le marché du travail, en raison de la hausse du montant de l'indemnisation moyenne et de la montée en charge de l'allocation de remplacement. L'an prochain, les prestations sociales devraient progresser à un rythme équivalent à celui proposé dans la programmation (2,2 %). L'objectif de dépense maladie est légèrement revu à la hausse pour 2000 (+ 1,6 % contre + 1,3 %)".

Hausse des dépenses des administrations publiques
et programme pluriannuel de finances publiques

 

1999

2000

 

Programme pluriannuel

PLF et PLFSS

Programme pluriannuel

PLF et PLFSS

Dépenses de l'Etat

+ 1 %

+ 1 %

+ 0,3 %

0

ONDAM

+1,4 %

+ 2,6 %

+ 1,3 %

+ 1,6 %

Prestations sociales des ASSO

+ 1,3 %

+ 2,7 %

+ 2,3 %

+ 2,2 %

Source : Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2000

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale présente ainsi une hausse de périmètre de 3,45 % pour les recettes et de 2,75 % pour les dépenses.

Tableau du périmètre du PLFSS 1999 / 2000

(en milliards de francs)

 

LFSS 1999

PLFSS 2000

Ecart

Variation

Objectif de dépenses

1 806,6

1 856,3

49,7

+ 2,75 %

Prévision de recettes

1 810,9

1 873,2

62,3

+ 3,45 %

Source : projet de loi de financement pour 2000

Les dépenses augmentent ainsi en partie sous le coup des évolutions spontanées, en partie par les mesures nouvelles qui viennent dégrader le solde du régime général (plus de 4 milliards de francs de mesures nouvelles annoncées par le Gouvernement).

De même, le projet de loi de financement crée ou reçoit le bénéfice de 60 milliards de francs : 15,4 milliards de francs de nouveaux prélèvements obligatoires qui viennent s'ajouter aux 44,6 milliards de francs transférés par la loi de finances.

De plus, le texte est porteur d'une dynamique qui tend à la fois à augmenter les dépenses à " guichets ouverts ", à augmenter les prélèvements et à augmenter la part d'incertitude à la charge du budget de l'Etat.

En effet, les deux mesures d'âge en faveur des familles présentent un coût de 665 millions de francs la première année mais de 1,5 milliard de francs en année pleine. Quant au fonds en faveur du retrait anticipé d'activité des victimes de l'amiante, il devrait représenter une charge de 800 millions de francs en année pleine. Sans parler du non-financement des 35 heures, au total le projet de loi de financement grève déjà de 2 milliards de francs avec ces simples mesures le solde du régime général à partir de 2001.

Par ailleurs, l'instauration de la couverture maladie universelle, nouveau minimum social, comme les mécanismes de la loi 35 heures constituent des dispositifs dont il est impossible d'évaluer avec précision la montée en charge alors même que tout indique qu'ils susciteront des dépenses plus importantes dans l'avenir.

Or le mécanisme de non-régulation de ces dépenses fait reposer sur l'Etat et sur les prélèvements obligatoires la charge de leur incertitude. En effet, l'Etat accorde une subvention d'équilibre au fonds de financement de la couverture maladie universelle dont le reste des ressources est assuré par une contribution-taxe versée par les organismes de protection complémentaire. La première comme la seconde sont donc destinées à croître. C'est d'autant plus vrai pour le prélèvement obligatoire que celui-ci est calé sur le coût prévisionnel de 1.500 francs par assuré complémentaire CMU, alors que tout porte à croire que ce chiffre est sous-estimé.

Le raisonnement vaut aussi pour le fonds de financement des 35 heures. Celui-ci est abondé dorénavant par un prélèvement sur le Fonds de solidarité vieillesse, des prélèvements obligatoires et une contribution de l'Etat. Cette fois, le Gouvernement a annoncé lui-même que chacune des parts serait amenée à augmenter, dans des proportions très importantes, avec pour résultat : de ponctionner le fonds de réserve pour les retraites, la contribution du FSV aux 35 heures passant de 5,6 à 12 milliards de francs ; accroître les prélèvements obligatoires d'au moins 10 milliards de francs (la TGAP et la nouvelle cotisation sociale sur les bénéfices devront rapporter 25 milliards de francs au lieu de 7,5 milliards en 2000, mais la taxation des heures supplémentaires, destinée à rapporter 7,5 milliards de francs, aura disparu) ; augmenter les dépenses de l'Etat par la subvention d'équilibre passant (de 4,3 milliards de francs en 2000 à 8 milliards de francs).

Au total, le projet de loi de financement porte en germe plus de 48 milliards de francs de nouvelles dépenses et impositions qu'il faudra bien financer après 2000.

Nouvelles impositions et dépenses annuelles en germe dans le projet de loi
de financement de la sécurité sociale

Mesures

Surcoût par rapport à 2000

Organismes le supportant

Extension des conditions d'âge des prestations familiales

535 millions de francs

300 millions de francs

CNAF

Etat

Cessation anticipée d'activité des victimes de l'amiante

800 millions de francs

Branche accidents du travail

Contribution de l'Etat au fonds de financement de la CMU

?

Etat

Contribution des organismes complémentaires pour le financement de la CMU

?

Prélèvements obligatoires

Droits sur les alcools (affectés aux 35 heures)

6,4 milliards de francs

FSV / fonds de réserve pour les retraites

TGAP (affectée aux 35 heures)

9,3 milliards de francs

Prélèvements obligatoires

Cotisation sociale sur les bénéfices (affectée aux 35 heures)

8,2 milliards de francs

Prélèvements obligatoires

Contribution au fonds de financement des 35 heures

3,2 milliards de francs

Etat

Incertitude du financement des 35 heures

20 milliards de francs

Prélèvements obligatoires

Total

au moins 48,7 milliards de francs (dont 40,7 milliards devant être affectés aux 35 heures)

Source : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000

*

* *

La vision pluriannuelle des finances publiques montre que des tendances lourdes sont en oeuvre, celle de l'augmentation du champ de la sphère sociale publique et donc de l'augmentation à venir de ses dépenses comme de ses recettes. La présence d'un solde équilibré ne saurait justifier une telle progression qui ne pourra que se heurter au caractère insupportable des prélèvements nécessaires à son maintien.

Apparaît ainsi indispensable une maîtrise des prélèvements sociaux que seule celle des dépenses sociales est susceptible d'assurer afin d'affirmer des choix de priorité d'avenir aujourd'hui non réalisés.

B. LES LIENS ÉTROITS ENTRE LE PROJET DE LOI DE FINANCES ET LE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT

Il est désormais impossible d'entretenir une vision parcellaire des finances publiques : les prélèvements fiscaux et sociaux appartiennent aux prélèvements obligatoires, la dette de l'Etat et la dette des organismes sociaux s'ajoutent, les dépenses publiques de l'Etat et les dépenses publiques des organismes sociaux se cumulent. Pour cette raison d'évidence, il paraît exclu d'examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances de façon autonome. Quand bien même d'aucuns souhaiteraient le faire, les liens qu'entretiennent cette année les deux textes rendraient la tâche vaine.

1. Les nombreux transferts d'un texte à l'autre

Les deux projets de loi organisent cette année un mouvement massif de transferts du budget de l'Etat vers la loi de financement de la Sécurité sociale. Ils viennent s'ajouter aux mouvements existants. Ainsi en 2000, l'Etat versera aux organismes sociaux :

• des cotisations sociales qu'il prend en charge : 83 milliards de francs ;

• des contributions publiques d'équilibre : 62,75 milliards de francs ;

• une partie des cotisations fictives d'employeurs pour milliards de francs.

Par ailleurs, les régimes sociaux recevront 378,3 milliards de francs d'impôts et taxes affectés à la Sécurité sociale.

Le budget de l'Etat compte ainsi de nombreuses lignes qui servent à financer des prestations versées par la Sécurité sociale, comme le revenu minimum d'insertion ou l'allocation pour adulte handicapé.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 et le projet de loi de finances pour 2000 instaurent principalement deux nouveaux transferts auxquelles s'ajoutent plusieurs autres mesures.

Le premier a pour but de financer les allégements de charges sociales instaurés dans le cadre du passage aux 35 heures de travail hebdomadaire. Ainsi, l'article 29 du projet de loi de finances propose-t-il d'affecter 39,5 milliards de francs de droits sur les tabacs au fonds de financement prévu à l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale. En regard de ce transfert de recettes, le budget de l'emploi affiche une mesure nouvelle le diminuant de 39,5 milliards de francs correspondant aux dépenses nouvelles du fonds.

A ces montants qui représentent les sommes engagées pour la " ristourne dégressive sur les bas salaires ", le Gouvernement ajoute le transfert du produit de la taxe général sur les activité polluantes (TGAP) au fonds de financement prévu à l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Enfin, l'Etat versera au fonds une subvention d'équilibre dont le montant est estimé pour 2000 à un peu plus de 4 milliards de francs.

Le second transfert important concerne la mise en oeuvre de la couverture maladie universelle . Le projet de loi de finances prévoit le transfert de deux recettes à ce titre : 3,5 milliards de francs de droits sur les tabacs pour la Caisse nationale d'assurance maladie et 7,2 milliards de francs sur le budget de la Santé et de la solidarité sous la forme d'une subvention au fonds de financement de la couverture maladie universelle. Par ailleurs, il met au net la " tuyauterie " résultant de la suppression de la prise en charge de l'aide personnelle, des contingents communaux d'aide sociale, etc.

A ces deux réformes s'ajoutent différents transferts qui mériteraient des éclaircissements :

• l'Etat a annoncé sa volonté d'abonder le fonds de réserve pour les retraites à hauteur de 4 milliards de francs correspondant au produit de la vente des parts de caisse d'épargne sur l'année 2000 : cette mesure ne figure cependant pas en loi de finances ;

• l'Etat a annoncé sa volonté de prendre en charge une partie de la majoration de rentrée scolaire : les 4,7 milliards de francs correspondant ne figurent pas en loi de finances ;

• l'Etat a annoncé sa volonté de verser à la CNAF une subvention correspondant à sa participation au Fonds d'Action Sociale des Travailleurs Immigrés et de leurs Familles pour compenser une partie de ses dépenses nouvelles : le milliard de francs correspondant ne figure pas en loi de finances.

Ces incertitudes sont inacceptables au regard de la sincérité à la fois de la loi de finances et de la loi de financement de la Sécurité sociale. Soit l'Etat s'engage, et alors il n'a pas à attendre une loi de finances rectificative pour tirer les conséquences de décisions qui auraient du (et pu puisque celles concernant la famille ont été prises en juillet et celle sur les retraites en mai) trouver leur traduction en loi de finances. Soit l'Etat ne compte pas respecter sa parole, et alors l'équilibre financier des régimes sociaux sera mis à mal. Quelle que soit la réalité, cette non inscription en loi de finances initiale signifie que l'un au moins des projets de loi n'est pas sincère.

Par ailleurs, la loi de finances prélève sur le produit de la C3S un milliard de francs pour financer des mesures nouvelles à la charge du BAPSA. Or le solde de la C3S est normalement affecté à la première partie du Fonds de solidarité vieillesse puis au fonds de réserve pour les retraites.

On ne peut que s'étonner d'une telle incohérence entre les deux projets de loi : priorité du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le fonds de réserve se voit dépourvu d'une partie de sa ressource en loi de finances !

De même, le projet de loi de finances ne tient aucunement compte des conséquences financières des mesures adoptées en loi de financement sur le BAPSA et qui ont pour résultat de dégrader le solde de celui-ci par une hausse de ses dépenses. Or, le BAPSA est légalement en équilibre ce qui imposera bien des mesures correctrices. Tel qu'il est présenté en loi de finances, il ne peut en tout état de cause être considéré comme sincère.

Dernier exemple des liens étroits entretenus entre les deux textes, les taux d'évolution des ressources fiscales. Le Fonds de compensation de la taxe professionnelle évolue comme les recettes fiscales de l'Etat. Or celles-ci diminuent cette année du fait de transferts de droits sur les tabacs et de TGAP vers le champ de la loi de financement. L'Etat devra compenser les conséquences de cette baisse pour les collectivités locales.

2. L'effet de la loi de financement sur les finances publiques : de nouveaux prélèvements obligatoires

La loi de financement contient de nombreuses mesures fiscales qui intéressent de près le domaine des lois de finances.

Tout d'abord, elle crée deux nouvelles impositions qui sont fortement liées au projet de loi de finances : l'extension de la TGAP et la nouvelle cotisation sociale sur les bénéfices des sociétés. La taxation des heures supplémentaires dans les entreprises n'ayant pas signé d'accord de réduction du temps de travail s'y ajouterait après l'adoption du second projet de loi sur les 35 heures.

L'extension de la TGAP devrait rapporter 1,8 milliard de francs supplémentaires au fonds de financement des allégements de charges sociales.

Quant à la nouvelle cotisation sur les bénéfices, elle intervient au moment même où le projet de loi de finances propose de supprimer la surtaxe d'impôt sur les sociétés de 10 % instaurée en juin 1997. Votre rapporteur général ne peut que dénoncer ce jeu de " passe-passe " qui conduit à supprimer ici ce que l'on recrée là.

La taxation de 10 % des heures supplémentaires devrait, enfin, apporter 7,5 milliards de francs au fonds.

Au total, les organismes sociaux bénéficieront de plus de 60 milliards de francs de recettes nouvelles correspondant soit à des affectations, soit à des créations, soit à des élargissements de taxes, alors que dans le même temps le projet de loi de finances affiche une diminution des prélèvements de 22 à 24 milliards de francs.

Les nouvelles impositions sociales en 2000

(en milliards de francs)

Impositions transférées depuis le budget de l'Etat

44,6

Droits sur les tabacs 35 heures

39,5

Droits sur les tabacs CMU

3,5

Droits sur les tabacs amiante

0,2

Taxe générale sur les activités polluantes

1,4

Impositions créées

15,4

Cotisation sociale sur les bénéfices (CSB)

4,3

Extension de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP)

1,8

Contribution de 1,75 % sur le chiffre d'affaires santé des organismes complémentaires


1,8

Taxation des heures supplémentaires dans les entreprises n'ayant pas signé d'accords de réduction du temps de travail


7,5

Total

60

A l'avenir, ces taxes sont destinées à augmenter puisque la TGAP et la CSB devront rapporter chacune à terme 12,5 milliards de francs.

De plus, la loi de financement de la sécurité sociale constitue un facteur d'incertitude de plus en plus grand pour l'Etat qui s'est engagé par exemple à verser deux subventions d'équilibre : l'une pour le financement des 35 heures, l'autre pour celui de la couverture maladie universelle. Or la première réforme n'a pas de financement complètement bouclé, tandis que la seconde devrait coûter bien plus cher que prévu.

La dynamique même des deux textes va donc à l'opposé. Alors que le Gouvernement prétend contenir la dépense publique et à orienter à la baisse les prélèvements obligatoires dans le projet de loi de finances, le projet de loi de financement poursuit quant à lui sur sa lancée de prélèvements toujours plus nombreux, toujours plus massifs, toujours destinés à croître au nom du " dynamisme " de la recette, et de dépenses qui ne cessent d'augmenter pour un résultat largement en deçà des attentes des Français. Votre rapporteur général ne peut donc que se montrer inquiet devant de telles perspectives.

C. LA NÉCESSITÉ D'UNE CONSOLIDATION DES COMPTES

Au delà des liens étroits et des dynamiques quelque peu différentes que peuvent receler les lois de finances et de financement de la sécurité sociale, les arguments ne manquent pas en faveur d'une consolidation de ces comptes.

1. Une vision d'ensemble des finances publiques

Il convient d'abord de souligner la nécessité de disposer d'une vision d'ensemble des finances publiques. Les finances sociales sont aujourd'hui le premier poste des finances publiques : les dépenses sociales représentaient ainsi 143,3 % du budget de l'Etat en 1998. L'écart entre les deux ne cesse d'ailleurs d'augmenter.

Par voie de conséquence, l'Etat subit directement ce poids des dépenses sociales dans son budget . La part relative des ministères sociaux ne cesse de croître (+ 4,3 % pour le budget de l'emploi et de la solidarité à structure constante de 1999 à 2000 par exemple). Les impôts et taxes affectés à la sécurité sociale suivent la même évolution : ils passeront en 2000 de 478,2 milliards de francs à 547,3 milliards de francs, soit une hausse de 14,5 % résultant pour l'essentiel des transferts de ressources vers le fonds de financement des 35 heures.

Enfin, ce poids est révélé par l'augmentation croissante des contributions publiques aux différents régimes de protection sociale. Il s'agit de l'ensemble des versements de l'Etat aux régimes de protection sociale, prélevés sur les recettes fiscales. Cela recouvre :

• les subventions d'équilibre des régimes d'intervention sociale des pouvoirs publics (comme le RMI, les allocations logement) et des assurances sociales (comme la branche vieillesse du régime spécial des mines, la caisse de retraite des marins, les régimes de la RATP ou de EDF / GDF) ;

• les versements correspondant au financement de certaines prestations versées par des organismes de protection sociale, comme l'allocation pour adulte handicapé (AAH) versée par la CNAF.

Ces contributions publiques ont augmenté de 10,5 % entre 1995 et 1998 pour s'élever cette année-là à 391,9 milliards de francs.

A ces dépenses directes s'ajoutent des dépenses de transferts qui correspondent le plus souvent au remboursement par l'Etat de certains allégements de charges sociales. Par exemple, les cotisations prises en charge par l'Etat représentaient 62,7 milliards de francs en 1998 et s'élèveront à 83 milliards de francs en 2000, principalement à cause des versements du fonds de financement des 35 heures.

Ce qui vaut pour les dépenses reste juste pour les recettes, c'est à dire les prélèvements obligatoires. Le poids croissant des prélèvements sociaux rend inopérante toute analyse sur les seuls prélèvements en faveur de l'Etat. En effet, alors que les prélèvements obligatoires français totaux battent des records en Europe et connaissent un niveau historiquement élevé, notre pays connaît un mouvement contradictoire : les prélèvements au profit de l'Etat ne cessent de diminuer tandis que ceux au profit de la protection sociale ne cessent de croître.

Ainsi, la part des prélèvements obligatoires dans le PIB revenant aux administrations sociales passera de 20,4 % en 1997 à 21,3 % en 2000, alors que ceux en faveur de l'Etat connaissait un mouvement inverse, de 17,3 % à 16,9 %. Les administrations de sécurité sociale recevront 47,5 % de l'ensemble des prélèvements obligatoires en 2000 contre 45,4 % en 1997.

2. Pour une cohérence accrue des méthodes comptables

Il faut ensuite pouvoir et vouloir mener une politique cohérente des finances publiques françaises et rompre avec la schizophrénie qui semble caractériser les relations entre Etat et administrations de sécurité sociale.

Seuls des comptes consolidés permettront de coordonner les différentes interventions de la sphère publique et de porter un regard global sur les politiques publiques.

Ainsi, auditionné le 27 octobre 1999 par la commission des affaires sociales, le premier président de la Cour des comptes, Monsieur Pierre Joxe, a estimé qu'il était " désormais nécessaire d'établir un budget consolidé des collectivités publiques correspondant à l'ensemble des prélèvements obligatoires " .

C'est pourquoi, votre commission des finances vous fera des propositions allant en ce sens .

III. LE FRAGILE EXCÉDENT DES COLLECTIVITÉS LOCALES

Les collectivités locales ont " qualifié " la France pour l'euro. La formule est sans doute réductrice mais, sur le plan comptable notre pays n'aurait pas été admis à participer à la monnaie unique sans le solde budgétaire excédentaire dégagé, depuis 1997, par les administrations publiques locales.

La capacité de financement des collectivités locales a même été réévaluée par le changement de base opéré en comptabilité nationale. Pour 1997 et 1998, cet excédent s'établit à 0,3 % du PIB. Pour 1999 et 2000, les prévisions du gouvernement l'estiment en légère baisse, à 0,2 % du PIB.

Cet excédent est la conséquence de la stratégie adoptée par les collectivités locales depuis le milieu des années 90. Confrontées à un endettement croissant, rendu intenable en raison de la mauvaise conjoncture économique et de la réduction des dotations de l'Etat qui en a résulté, les collectivités locales ont entrepris de maîtriser leurs dépenses de fonctionnement et de se désendetter.

Cette stratégie a eu un coût : la réduction de l'effort d'investissement. Mais elle s'est révélée payante puisque les collectés locales dégagent à présent une capacité de financement, qui leur permet :

- d'autofinancer une partie leurs nouveaux investissements. L'épargne brute des collectivités locales s'établirait à environ 5 milliards de francs, soit 3 % des recettes courantes des collectivités, et financerait 14 % des investissements 38( * ) ;

- de pratiquement stabiliser le niveau des taux des impôts directs locaux, qui ont augmenté en 1999 de seulement 0,5 % par rapport à 1998. En effet, " depuis 1997, les collectivités locales ont dans leur ensemble décidé d'infléchir la croissance de leurs taux d'imposition. Cette tendance s'affirme plus nettement encore en 1999 ", si bien que " dans 20 % des communes, les taux globaux toutes collectivités ont diminué " 39( * ) .

Le " cercle vertueux " enclenché au milieu des années 90, qui contraste avec les orientations budgétaires du gouvernement, produit encore ses effets aujourd'hui. Néanmoins, les orientations du gouvernement en matière de finances locales contribuent à mettre en péril le redressement des collectivités locales.

A. LES DÉTERMINANTS DE L'EXCÉDENT DES COLLECTIVITÉS LOCALES

1. La diminution des frais financiers

Le redressement de la situation financière des collectivités locales n'aurait pas été possible sans la baisse des taux d'intérêt, dont elles ont su tirer le meilleur parti en se livrant à une politique dynamique de gestion de leur dette et de réaménagement de son montant. Dans son rapport sur l'état des finances locales en 1999, notre collègue Joël Bourdin souligne que, grâce à la qualité de leur gestion, les collectivités locales bénéficient dorénavant de prêts dans des conditions plus favorables qu'auparavant 40( * ) .

En 1999, pour la sixième année consécutive, les collectivités locales bénéficieront d'un repli de leurs frais financiers, que le Crédit local de France estime à 7,3 %.

Ce repli est également la conséquence de la baisse du volume de la dette. Alors que l'encours augmentait de 20 à 40 milliards de francs par an depuis 1983, il est négatif depuis 1997 et devrait diminuer de 12,5 milliards de francs en 1999.

2. La maîtrise des dépenses de gestion

Les collectivités locales ne peuvent guère agir sur le montant de leurs dépenses de personnel puisque les décisions en matière d'évolution des rémunérations sont prises par l'Etat. En ce domaine, leur unique marge de manoeuvre réside dans les recrutements.

Par conséquent, les collectivités locales ont agi sur les autres dépenses de fonctionnement, en particulier les " achats et charges externes " qui connaissent une progression réduite depuis 1997. Le Crédit local de France souligne que " les économies effectuées par les collectivités sur les postes dont elles ont la maîtrise contribuent à cette décélération ".

Les " autres dépenses de gestion ", qui correspondent surtout à l'exercice des compétences transférées, connaissent une légère augmentation depuis 1998, qui est due à la mise en place de la prestation spéciale dépendance en 1997 et au rôle joué par les départements.

3. L'évolution des recettes

Les collectivités locales ont bénéficié en 1999 d'une évolution favorable de leurs recettes fiscales mais également des dotations de l'Etat.

L'augmentation des recettes fiscales en 1999 devrait, selon le ministère de l'intérieur, s'élever à 4,2 %. Elle n'est pas due à une augmentation des taux mais à la croissance des bases, qui provient de la croissance économique. L'augmentation des bases provient également de la réintégration dans l'assiette imposable de la taxe professionnelle des bases anciennement exonérées au titre de la réduction pour embauche et investissement (REI), donc d'un accroissement de la fiscalité des entreprises.

L'année 1999 a également été favorable en matière de concours financiers de l'Etat, en raison du taux de croissance du PIB élevé en 1998. Le taux de croissance de 1998 (3,2 %) a en effet servi de base pour le calcul du taux de progression de l'enveloppe normée des concours de l'Etat, ainsi que pour celui de la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui a augmenté de 2,75 %. Le bon taux de progression de la DGF était également dû au montant limité de la " régularisation négative " au titre de 1997, qui s'élevait à 256 millions de francs.

En 2000, la taux de progression des concours de l'Etat n'est pas aussi favorable car, d'une part, le taux de croissance du PIB en 1999 est moins élevé qu'en 1998 (2,3 %) et, d'autre part, le montant de la régularisation négative au titre de 1998 est très important (680 millions de francs).

B. UNE FRAGILISATION RÉSULTANT DES ORIENTATIONS DU GOUVERNEMENT

1. Le poids des charges nouvelles

Les collectivités locales supportent de plus en plus de charges résultant de décisions de l'Etat qui ne s'accompagnent pas de transferts de ressources. La plus pénalisante pour les budgets locaux est l'augmentation des dépenses de personnel résultant des dispositions de l'accord salarial du 10 février 1998. Cet accord s'applique aux agents de la fonction publique territoriale alors que les collectivités locales n'ont pas participé à sa négociation.

Le coût total pour les collectivités de l'accord de février 1998 s'élève à 9,5 milliards de francs sur trois ans, dont 4 milliards de francs en 1999 et 3,2 milliards de francs en 2000. Il est intéressant de relever que ce coût est supérieur à l'augmentation de la principale dotation de fonctionnement de l'Etat aux collectivités locales, la DGF.

En outre, les collectivités locales doivent supporter la charge du recrutement des emplois-jeunes qui, selon la direction de la comptabilité publique, a conduit à majorer le coût des charges de personnel de 0,6 % en 1998.

L'exemple des conséquences des décisions du gouvernement en matière de rémunérations des agents est particulièrement révélateur. En effet, alors que depuis le milieu des années 90 les collectivités locales ont mené une politique de désendettement et de maîtrise des dépenses de fonctionnement qui leur a permis de dégager l'épargne nécessaire à une reprise de l'investissement largement autofinancée, le gouvernement leur impose des décisions qui contribuent à une rigidification nouvelle de leurs dépenses.

Cet exemple n'est cependant pas le seul. Ainsi, les collectivités locales supporteront en 2000 une hausse de leurs cotisations à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), qui devrait représenter une charge supplémentaire de 1,1 milliard de francs sur deux ans, dont 550 millions de francs dès 2000.

Les collectivités doivent également supporter le coût croissant de la départementalisation des services d'incendie et de secours (SDIS), initialement estimé à 11,6 milliards de francs. Cette prévision est aujourd'hui dépassée 41( * ) , à tel point que le ministre de l'intérieur a annoncé la création d'une commission de suivi et d'évaluation de la mise en oeuvre de la réforme des SDIS. Lors de son audition par votre commission des finances, le 2 novembre 1999, le ministre de l'intérieur a également déclaré étudier les modalités de la création d'une dotation globale d'équipement spécifique aux SDIS.

Enfin, les investissements des collectivités locales sont largement dictés par la nécessité d'adapter les équipements existant aux évolutions des normes techniques établies par les administrations centrales. Selon une étude du Crédit local de France et du cabinet Arthur Andersen réalisée pour le compte de la fédération des villes moyennes, le coût des investissements nécessaires s'élève à 140 milliards de francs entre 1999 et 2005.

La reprise de l'investissement des collectivités locales depuis 1997 est principalement justifiée par ces contraintes de mise aux normes des équipements. Compte tenu du caractère parfois contestable de l'élaboration par les administrations centrales de normes qui s'imposent aux collectivités locales, il est à craindre que les investissements ainsi réalisés ne correspondent pas toujours à une allocation optimale des ressources, alors même que les besoins sont importants, notamment dans des domaines tels que les transports en commun et les télécommunications.

2. L'asphyxie financière

Les orientations du gouvernement actuel en matière de finances locales sont difficilement compréhensibles. Alors que l'évolution des charges des collectivités est manifeste, et que les besoins d'investissement non satisfaits le sont tout autant, le gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale ont retenu pour " l'enveloppe normée " des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales un taux de progression qui conduit à réduire d'année en année le montant de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP. Ainsi, en 2000, le montant des dotations de l'Etat regroupées dans l'enveloppe normée n'augmentera que de 1,475 %, soit 2,4 milliards de francs.

Le taux de progression de l'enveloppe normée est défini par l'article 57 de la loi de finances pour 1999, qui institue le " contrat de croissance et de solidarité ". Il est calculé en tenant compte de l'évolution des prix pour l'année à venir et d'une fraction du taux de croissance du PIB de l'année en cours. Pour 2000, le contrat de croissance fixe cette fraction à 33 %. Le Sénat avait estimé que le taux à retenir était celui de 50 %, qui aurait permis d'indexer de la même manière l'enveloppe normée et la DGF, ce qui permettrait d'enrayer la baisse de la DCTP.

L'application de taux de progression insuffisants aux dotations de l'Etat s'accompagne d'une volonté de ne pas faire profiter les collectivités de l'augmentation des bases de la fiscalité directe, qui s'établit à 3,8 % en 1999 contre 3,2 % en 1998. En effet, le gouvernement a décidé de supprimer progressivement un tiers de l'assiette de la taxe professionnelle et a réduit les taux des droits de mutation perçus par les départements et les régions. Les compensations versées en contrepartie sont indexées sur le taux de progression de la DGF, qui est nettement inférieur à celui de l'augmentation des bases 42( * ) .

3. L'incertitude sur le niveau des taux d'intérêt

La capacité de financement dégagée par les collectivités locales depuis 1997 est largement due à la politique de gestion active de leur dette par les collectivités locales. Une telle politique n'est réellement profitable que dans un contexte de baisse des taux d'intérêt. Or, la poursuite du mouvement de baisse n'est pas acquise, comme en témoigne la décision de la Banque centrale européenne prise le 4 novembre 1999 de porter le principal taux directeur de la zone euro de 2,5 % à 3 %.

Lors de son audition par la mission d'information chargée de dresser le bilan de la décentralisation, notre collègue Joël Bourdin, en sa qualité de rapporteur de l'Observatoire des finances locales, a " insisté sur le fait que l'amélioration de l'épargne des collectivités locales reposait principalement sur l'évolution des taux d'intérêt et que ce facteur ne serait pas forcément favorable dans l'avenir. Il a ajouté que le taux d'épargne des collectivités locales allait certainement se dégrader sous l'effet de la reprise de l'investissement ".

Une dégradation du taux d'épargne des collectivités locales conduirait à réduire la part de leur excédent comptable en pourcentage, et par conséquent à prolonger la tendance à la baisse enregistrée entre 1998 et 1999.

En faisant supporter aux collectivités locales des charges nouvelles supérieures à l'évolution de leurs ressources, le gouvernement prend le risque de " scier la branche sur laquelle il est assis " et de réduire, à terme, ses propres marges de manoeuvre car :

- si l'accroissement des charges devait remettre en cause la reprise de l'investissement local, qui est une composante centrale du dynamisme de notre pays, la croissance du produit intérieur brut pourrait en être affectée ;

- si l'excédent comptable des collectivités locales disparaissait, l'Etat devrait réduire davantage ses propres dépenses pour continuer à respecter son objectif de réduction progressive du déficit des administrations publiques en pourcentage du PIB.

CHAPITRE IV :

RÉNOVER LES INSTRUMENTS POUR MIEUX GÉRER L'ETAT

Outre la nécessité de rénover ou de moderniser un certain nombre des instruments et méthodes de la discussion budgétaire, votre commission a plusieurs convictions fortes.

Les prélèvements obligatoires ont atteint un niveau historiquement élevé rendant indispensable leur réduction. Grâce au supplément de recettes résultant de la bonne conjoncture actuelle, il est possible d'y procéder tout en diminuant le déficit budgétaire. Il est par ailleurs indispensable de viser, à terme, non seulement une réduction du poids de la dépense publique, mais également une meilleure allocation de celle-ci.

Pour pouvoir diminuer le montant des prélèvements obligatoires, il faut impérativement dépenser moins, mais également dépenser mieux.

Evolution des dépenses publiques, des prélèvements obligatoires

et de la dette publique

(en points de PIB)

 

1997

1998

1999

Prévisions2000

Dépenses publiques

54,3

54,2

54,0

53,2

Prélèvements obligatoires

44,9

44,9

45,3

44,8 (1)

Dette publique (2)

60,0

60,3

60,5

59,9 (3)

(1) Le pourcentage est celui annoncé par le gouvernement pour l'année prochaine. La progression continue depuis 1997 du montant des prélèvements conduit votre commission à douter très largement du caractère réalisable de cet objectif, trop opportunément optimiste.

(2) En nouvelle base de comptes SEC 95.

(3) Ainsi que votre commission l'a déjà relevé, il ne s'agit que d'une hypothèse formulée par le gouvernement.

Source : Rapport économique, social et financier

I. LA RÉNOVATION DES INSTRUMENTS

A. LA MODERNISATION DES MÉTHODES COMPTABLES DE L'ÉTAT

Il y a deux ans déjà, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, votre commission des finances avait émis des préconisations en ce sens rassemblées en autant de " piliers de la sagesse budgétaire ". Elle souhaite aujourd'hui émettre des propositions complémentaires s'agissant notamment des méthodes comptables de l'Etat.

Propositions de la commission des finances pour une modernisation des procédures budgétaires : les sept piliers de la sagesse budgétaire

Ces propositions ont été faites lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1998.

Rétablir la " sincérité " de la loi de finances

Au fil des années, la loi de finances est devenue un document à rendre perplexe un commissaire aux comptes. Le projet présenté au Parlement est incomplet (les fonds de concours n'y figurent pas), contracté (près de 250 milliards de francs de prélèvements sur recettes qui sont des charges n'apparaissant pas), hétérogène (des dépenses identiques sont traitées différemment selon qu'elles figurent au budget de l'Etat ou dans des comptes spéciaux du Trésor).

Institutionnaliser la distinction entre l'investissement et le fonctionnement.

Depuis 1992, une part du déficit budgétaire (48,6 milliards de francs en 2000) finance des dépenses courantes : l'Etat s'endette pour vivre au jour le jour. Sans en avoir conscience, nous laissons ainsi à nos enfants le soin et la charge de régler demain nos consommations d'aujourd'hui. Cette atteinte aux droits des générations futures n'est pas admissible. Par analogie avec la " règle d'or " inscrite dans la Constitution allemande, elle appelle une réforme de l'ordonnance du 2 janvier 1959, identifiant la section de fonctionnement de l'Etat et les conditions de son équilibre obligatoire, seul l'investissement étant dorénavant financé par l'emprunt.

Certifier les méthodes comptables

L'évolution rapide des phénomènes économiques ne permet pas de comparer des projets de loi de finances à " structure constante " et, en tout état de cause, en altère, à l'image du projet de loi de finances pour 2000, fortement la lisibilité. Cette instabilité inévitable -mais irritante- doit être corrigée par la présentation au Parlement, sous le contrôle de la Cour des Comptes, d'une annexe au projet de loi de finances recensant les modifications de présentation budgétaire. Inspirée du principe comptable de " permanence des méthodes ", cette réforme préviendra les polémiques sur les " débudgétisations ". Elle permettrait donc de cerner la réalité des transferts de crédits, dont la rationalité échappe parfois quelque peu aux esprits les plus éclairés, même au sein du gouvernement...

Instaurer une procédure de suivi des dépenses sociales

Le vote de la loi de financement de la Sécurité sociale implique que le Parlement puisse en contrôler l'exécution en cours d'année. Cela suppose la création d'indicateurs mensuels rendus d'autant plus nécessaires que les comptes sociaux se caractérisent par leur extrême émiettement et que les chiffres de l'ACOSS ne sont pas rendus publics. L'accroissement des liens entre lois de finances et de financement particulièrement pour l'an 2000 rend indispensable et urgent un tel exercice.

Accélérer la mise en oeuvre de la comptabilité patrimoniale

L'appréciation de la fidélité des documents budgétaires implique une amélioration de la comptabilité patrimoniale de l'Etat, dans le sens des travaux initiés par Jean Arthuis. En effet, les déclassements d'opérations budgétaires en opérations de trésorerie, la mise en jeu de la responsabilité pécuniaire de l'Etat et les systèmes de vases communicants entre le budget général et les comptes des entreprises publiques ne sont finalement retranscrits que dans le compte de la dette et non dans les lois de finances. Les pertes en capital n'apparaissent pas, et pas davantage les charges de retraite non provisionnées.

Moderniser les procédures de régulation budgétaire

Les rapports de la Cour des Comptes fournissent, chaque année, les exemples d'une " comptabilité créatrice " visant tant à lisser sur plusieurs exercices, qu'à réguler en cours d'année les flux de dépenses et de recettes. L'ordonnance de 1959 n'est plus respectée : les conditions mises à la publication de décrets d'avance, d'arrêtés d'annulation et de textes créant des dépenses nouvelles ne sont plus appliquées. Elles doivent être adaptées. Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1998, la Cour des comptes a en conséquence été conduite à émettre un jugement très critique sur l'exécution budgétaire en 1998.

En revanche, et malgré quelques améliorations récentes, le Parlement ne peut accepter d'être mis en permanence devant le fait accompli, d'apprendre que des correctifs sont apportés à la loi de finances dont l'encre est à peine sèche, voire de constater que des crédits annulés au printemps sont rétablis à l'automne. Deux pistes méritent d'être explorées . La Cour des Comptes pourrait être saisie pour avis du projet de loi de finances -à l'image du Conseil d'Etat- et porter un jugement sur l'adéquation du niveau des dotations inscrites. Les commissions des finances devraient être appelées à débattre des régulations mises en oeuvre.

Fixer un nouveau rendez-vous budgétaire

Les grandes entreprises arrêtent des comptes semestriels. L'Etat ne s'impose pas cette discipline. Il convient donc que le Parlement soit saisi, en fin de premier semestre, d'un état commenté de l'exécution des comptes publics, analogue au travail commandé aux magistrats de la Cour des Comptes -dont l'élaboration pourrait être confiée à la Cour dans l'esprit de l'article 47 de la Constitution. Un jugement politique pourra alors être porté sur la pertinence de l'exécution de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale.

1. Une vraie comptabilité patrimoniale pour l'Etat

A la différence des particuliers ou des entreprises, l'Etat ne connaît pas exactement la nature de son patrimoine et par voie de conséquence le valorise insuffisamment en faisant, de fait, reporter ce poids sur les contribuables actuels mais également les générations futures.

Ce constat naguère établi par notre collègue Jean Arthuis, alors ministre de l'économie, vient encore récemment d'être à nouveau mis en évidence. En effet, M. Jean-Jacques François, chef de la Mission comptabilité patrimoniale, a remis au ministre de l'économie et au secrétaire d'Etat au budget un rapport intitulé " Le système financier de l'Etat en question " , dont le sous-titre " Situation d'urgence ? " , donne le ton du contenu de ce rapport.

Le diagnostic auquel le rapport a abouti est clair et sans appel : " S'il n'évolue pas de manière significative, le système financier de l'Etat risque de perdre rapidement en efficacité et en pertinence ".

Le rapport François : un diagnostic sévère

Les principales observations et conclusions du rapport François mettent en évidence les dysfonctionnements, voire les graves carences de l'administration française.

Ce rapport estime en effet que " les limites du système financier vont devenir insupportables " , en raison de concepts budgétaires dépassés et de processus pénalisants. Par ailleurs, " la France prend du retard sur l'étranger et sera mise en difficulté à l'international si elle ne bouge pas ".

Les dispositifs actuels présentent trois principales imperfections :

- le budget n'informe pas sur certains enjeux importants ;

- la comptabilité de l'Etat ne permet ni de voir clair ni de rendre compte dans le domaine de la gestion ;

- les processus financiers sont encore pénalisés par les contraintes propres aux administrations.

Dès lors, le rapport retient deux priorités : " une comptabilité décisionnelle " et " l'efficacité financière ".

Cet état des lieux sévère a des conséquences dommageables sur la connaissance et la valorisation par l'Etat de son patrimoine. Ainsi, la valeur du patrimoine de l'Etat diminuerait de 60 milliards de francs sur 10 ans du fait de l'insuffisance du niveau d'entretien et du retard dans les mises en conformité. Sa mise à niveau requiert 5 à 6 milliards de francs par an. A défaut de la réaliser dès maintenant, son poids sera reporté sur les générations futures.

Qui plus est, le rapport met en exergue " une visibilité brouillée " sur l'étendue du domaine et du parc immobilier de l'Etat.

Votre commission ne peut que constater l'étroitesse du lien qui unit l'amélioration de la gestion publique et la réforme de l'Etat. Or, cette dernière n'est visiblement pas la priorité du gouvernement.

2. Un jugement d'expert : celui de la Cour des Comptes

Si la Cour des comptes, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 1998, analyse les conséquences de l'amélioration de la conjoncture sur l'économie française (croissance de l'activité, poursuite de la lente décroissance du déficit budgétaire, progression des recettes fiscales...), elle n'en souligne pas moins les limites de l'exécution d'un budget traduisant, pour la première fois sur une année complète, les priorités du gouvernement issu des élections législatives du printemps 1997.

A cet égard, elle émet un jugement critique, estimant, en substance, que les dépenses de l'Etat ont continué de croître, que la structure de la dépense publique continue de se dégrader. Elle insiste également sur le fait que des pratiques budgétaires et comptables critiquables se perpétuent.

La Cour des comptes formule ainsi des critiques relatives à des pratiques peu respectueuses des grands principes budgétaires.
Sans tomber dans un degré de technicité trop important, il est intéressant d'en relever certains exemples.

Les libertés prises en 1998 par le gouvernement
avec les grands principes budgétaires

La Cour note que les relations entre le Trésor et la Coface ne sont pas décrites de façon satisfaisante dans les comptes de l'Etat : " les opérations effectuées par la Coface pour le compte de l'Etat n'apparaissent distinctement ni dans les comptes de l'Etat ni dans les comptes de la Coface ". La Cour des comptes avait déjà émis de nombreuses critiques sur cette absence de transparence des opérations, et juge indispensable une clarification comptable.

S'agissant des dépenses en capital, la Cour des comptes déplore n'avoir pu disposer d'une comptabilité fiable cohérente des autorisations de programme. Elle estime qu' " aucune explication ne justifie les défaillances chroniques " de cette comptabilité spéciale des investissements. Elle poursuit : " La synthèse comptable de la gestion des investissements publics, fondée sur la dualité autorisations de programme-crédits de paiement, perd, de ce fait, toute pertinence. Une remise en ordre s'impose, d'autant que la nécessité de développer les modes de gestion pluriannuelle est, à juste titre, considérée comme une priorité de la modernisation des procédures financières ".

La Cour des comptes est bien plus sévère encore s'agissant de certaines opérations réalisées sur les comptes d'affectation spéciale, en particulier sur le compte n° 902-24 " Produits de cessions de titres, parts et droit de sociétés ", devenu l'instrument unique de comptabilisation des recettes de privatisation. Elle constate, en effet, que les résultats de ce compte sont inférieurs à la réalité car certaines recettes sur des cessions de titres, notamment pour le GAN , n'ont pas été enregistrées sur le compte.

D'une manière générale, la Cour émet de nombreuses réserves sur les opérations affectant les comptes d'affectation spéciale, estimant que de nombreuses pratiques " rendent opaques les interventions de l'Etat et montrent que la frontière entre budget général et comptes spéciaux du Trésor ne fait pas l'objet d'un respect suffisant ".

La Cour des comptes regrette que, comme par le passé, certaines opérations de trésorerie , qui devraient être traitées en opérations budgétaires, le soient comme des opérations de trésorerie, ce qui réduit artificiellement le déficit budgétaire. A l'inverse, d'autres opérations ne devraient être décrites qu'en trésorerie, alors qu'elles sont imputées au budget, ce qui permet également d'améliorer le solde budgétaire.

Le financement de la trésorerie de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) permet à l'Etat de minorer artificiellement son déficit budgétaire, puisqu'il comptabilise en recettes budgétaires le remboursement du capital d'un prêt de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) à la Caisse des dépôts et consignations, alors qu'il n'en avait pas supporté la charge, initialement imputée en opération de trésorerie.

Enfin, s'agissant de la modification des crédits en cours de gestion , la Cour des comptes se montre particulièrement sévère. Après avoir relevé de nombreuses irrégularités en matière de reports, elle conclut : " Ces irrégularités, qui traduisent parfois une gestion défaillante, doivent cesser ".

B. LA MISE EN PLACE DE COMPTES CONSOLIDÉS

1. De l'établissement de comptes consolidés aux réformes de procédure et de nomenclature

Votre commission des finances, par la voix de son président et de son rapporteur général, a déjà réclamé l'établissement d'une présentation commune à la fois des comptes des administrations publiques, mais aussi des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, et souhaité orienter en ce sens ses travaux.

Le constat des difficultés méthodologiques présidant à cet établissement conduit ainsi à s'interroger sur de possibles améliorations de la procédure d'examen des textes financiers et de leur nomenclature.

a) Les difficultés de l'établissement de comptes consolidés

La seule solution technique pour obtenir une vision d'ensemble des finances publiques est de retenir les instruments comptables des comptes nationaux, tels qu'ils figurent dans le Rapport économique, social et financier, ce qui n'est possible que pour l'année n-1 (en l'occurrence 1998).

Par ailleurs, il est techniquement impossible d'agréger les lignes du projet de loi de finances et du projet de loi de financement. La comptabilité des organismes sociaux fait intervenir des concepts extrêmement divers et il n'est même pas possible de comparer dépenses et recettes d'un même projet de loi de financement puisque les champs ne sont pas identiques.

Le tableau suivant, établi à partir des comptes nationaux prévisionnels pour 1998, apporte essentiellement des confirmations :

• la charge de la dette pèse surtout sur l'Etat (73,1 %) de même que les dépenses d'intervention (78,6 %) tandis que les administrations de sécurité sociale (ASSO) prennent à leur charge 78,7 % des transferts sociaux et prestations sociales. A noter s'agissant des dépenses que les ASSO représentent le premier poste des dépenses publiques (39,2 % contre 38,5 % pour l'Etat) et notamment 21,9 % des dépenses de rémunérations du secteur public soit plus que les collectivités locales ;

• les cotisations sociales vont à 88 % aux ASSO tandis que l'Etat reçoit 60,1 % des impôts et recettes fiscales (à noter cependant que les ASSO bénéficient de 34,4 % des impôts sur le revenu et le patrimoine) ; au total, les ASSO ont 40,9 % des recettes publiques.

Il est par ailleurs intéressant de constater grâce à ce tableau les ordres de grandeur de ce qui peut s'apparenter au " compte de résultat des administrations en comptabilité nationale " : la sphère publique a un total d'activité de 5.256 milliards de francs (pour un PIB 1998 de 8.565 milliards de francs) dont 38,8 % vont aux prestations sociales et 22,25 % aux rémunérations.

De même, l'analyse des recettes révèle le poids prédominant des recettes fiscales sur les cotisations, accentué par la fiscalisation croissante de la protection sociale qui montre l'augmentation de la participation de l'ensemble de l'activité et non plus seulement du facteur travail au financement des dépenses sociales (graphique présentation par catégorie de recettes).

Comptes consolidés des administrations publiques en 1998

(en milliards de francs)



Postes



Etat



Pourcentage


Administrations de la sécurité sociale


Pourcentage


Administrations publiques locales



Pourcentage

Organismes divers d'admi-nistration centrale



Pourcentage


Total administrations publiques

DÉPENSES

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Consommations intermédiaires

138,8

29,4 %

102,2

21,6%

187,6

39,7%

43,8

9,3%

472,4

Rémunérations des salariés

626,2

53,5 %

257,1

21,9%

235,8

20,1%

52,4

4,5%

1171,5

Autres dépenses de fonctionnement

3,4

8,2 %

22,2

53,2%

9,5

22,8%

6,6

15,8%

41,7

Intérêts

224,9

73,1 %

6

1,9%

46

14,9%

30,9

10,0%

307,8

Prestations sociales et transferts sociaux

259,2

12,7 %

1608

78,7%

70,7

3,5%

104,3

5,1%

2042,2

Subventions

71

60,0 %

1,6

1,4%

33,7

28,5%

12,1

10,2%

118,4

Autres transferts

657

78,6 %

40

4,8%

80,9

9,7%

57,8

6,9%

835,7

Acquisition d'actifs non financiers

45,8

17,1 %

25,4

9,5%

178,1

66,6%

18

6,7%

267,3

dont FBCF

44,8

17,5 %

24,4

9,6%

169,8

66,5%

16,4

6,4%

255,4

TOTAL DES DEPENSES

2026,2

38,5 %

2062,5

39,2%

842

16,0%

325,8

6,2%

5256,5

RECETTES

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Production et subventions d'exploitation

27,7

45,0 %

10,1

16,4%

13,9

22,6%

9,9

16,1%

61,6

Impôts et transferts de recettes fiscales

1447,3

60,1 %

400,9

16,6%

492,8

20,5%

68,3

2,8%

2409,3

dont taxes et impôts sur production

978,4

71,0 %

35,1

2,5%

328,9

23,9%

34,9

2,5%

1377,3

dont impôts courants sur le revenu et le patrimoine

536

54,2 %

339,5

34,4%

79,3

8,0%

33,4

3,4%

988,2

dont impôts en capital

43,9

100,0 %

0

0,0%

0

0,0%

0

0,0%

43,9

dont transferts de recettes fiscales

-110,9

-

26,3

-

84,6

-

0

-

0

Cotisations sociales

185,3

11,8 %

1380

88,0%

2,3

0,1%

0,9

0,1%

1568,5

Impôts et cotisations dûs non recouvrables (net)

-11,1

45,3 %

-13,4

54,7%

0

0,0%

0

0,0%

-24,5

Autres transferts courants

42,7

7,0 %

198,1

32,7%

175,9

29,0%

189,5

31,3%

606,2

Autres recettes

34

22,4 %

13,7

9,0%

60,6

39,9%

43,4

28,6%

151,7

TOTAL DES RECETTES

1767

35,2 %

2052,8

40,9%

870

17,3%

334,5

6,7%

5024,3

CAPACITÉ DE FINANCEMENT

-259,2

111,6 %

-9,7

4,2%

28

12,1%

8,7

-3,7%

-232,2

Source : INSEE ? bases 1980 et 1995 des Comptes nationaux ; calculs Direction de la Prévision

(1) La base 1980 corrigée pour passage au SEC 79 correspond aux exigences du traité de Maastricht pour la présentation des déficits publics.

(2) En 1997, la capacité de financement des administrations publiques s'entend y compris soulte France Télécom.

b) Les enseignements à tirer

Au total cette vision consolidée des finances publiques apporte principalement un enseignement quant aux masses respectives. Il doit être complété par des éléments de tendance (nouveaux prélèvements sociaux, baisse des prélèvements en faveur de l'Etat) et par des rapprochements (budget de l'Etat / dépenses inscrites en loi de financement ; évolution des frais de gestion des régimes sociaux par rapport à celle des dépenses de fonctionnement de l'Etat).

Il est en outre impossible de comparer ligne par ligne les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour des raisons de méthode comptable, et cela en l'absence de prévisions fournies par le gouvernement concernant les comptes nationaux pour 1999, 2000 et 2001.

Répartition par fonctions des dépenses publiques consolidées

Répartition par catégories des recettes consolidées

2. Quelques pistes d'évolution

a) Un exercice difficile

Il est aujourd'hui indispensable de réussir à établir des comptes consolidés. Il à peine imaginable que les lois de finances et les lois de financement soient impossibles à agréger. La France dépensera en 2000 1.650 milliards de francs pour l'Etat et 1.800 milliards de francs au titre des régimes de base de sécurité sociale. Et pour des raisons de structures comptables, de champ méthodologique, de transferts divers et variés, le gouvernement n'apparaît pas en mesure de fournir une vision globale des finances publiques de l'année à venir alors même qu'il est obligé de le faire pour respecter ses engagements européens.

Les prélèvements obligatoires consolidés peuvent s'appréhender plus facilement puisque les champs se recouvrent à peu près. De même, il est possible de rapprocher les recettes de chaque champ, même si les deux parties du tableau se recouvrent.

Recettes comparées sur prélèvements obligatoires de l'Etat et des régimes obligatoires de base de sécurité sociale

(prévisions pour l'an 2000)

(en milliards de francs)

Recettes de l'Etat (état A du PLF)

Prévisions de recettes des régimes obligatoires de base (article 6 du PLFSS)

Recettes fiscales

1.882,2

Cotisations effectives

1.043

Recettes non fiscales

200,3

Cotisations fictives

201.5

Prélèvements sur recettes

- 288

Contributions publiques

67,1

 
 

Impôts et taxes affectés

515,6

 
 

Transferts reçus

4,7

 
 

Revenus des capitaux

1,7

 
 

Autres ressources

34,1

Total

1.794,5

Total

1.867,7

En revanche, il est beaucoup plus délicat de procéder au même rapprochement pour les dépenses de l'Etat et des régimes sociaux.

A ce titre d'aucuns évoquent l'idée de lois de financement (Etat et sécurité sociale) consolidées. Ceci n'apparaît pas constituer une hypothèse absurde mais elle doit se concilier avec le respect des principes du paritarisme social. Elle serait nécessaire quand on prend conscience que ces dépenses, aujourd'hui mises en oeuvre par l'Etat ou les régimes de sécurité sociale, sont couvertes par un même contributeur, l'acteur économique, et par un même moyen, le prélèvement obligatoire.

La fiscalisation croissante de la sécurité sociale, sa déconnexion grandissante avec les revenus du travail pour s'élargir à l'ensemble de l'activité économique et financière introduisent une tendance à la consolidation des prélèvements, au moins dans l'esprit des Français. Or aucun élément technique public ne permet de disposer de consolidation des dépenses. Il leur serait donc impossible de savoir exactement ce que l'ensemble de la sphère publique, car il s'agit bien de cela , compte dépenser de l'argent prélevé de manière collective ?

A tout le moins, on est en droit d'attendre des réponses claires du gouvernement sur ces questions. Si la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale présentent un intérêt certain, elles connaissent aussi de fortes limites qu'il conviendra de réduire.

b) Une contribution au débat

Sans prétendre apporter de réponses définitives, votre rapporteur général souhaiterait simplement soumettre quelques pistes de réflexion afin d'apporter sa contribution au débat.

Ne pourrait-on pas limiter strictement leur champ ? Cette limitation vaudrait tout autant de façon négative comme cela existe déjà (ne peuvent figurer dans chacune des lois que certaines catégories de mesures que les textes organiques et la jurisprudence constitutionnelle précisent de façon détaillée) que de façon positive : ne pourrait figurer dans aucun autre texte une mesure à caractère de prélèvement, modifiant un impôt, une taxe, exonérant de charges ou créant un fonds de financement. Lois de finances et de financement auraient ainsi un domaine réservé qui permettraient de faire de leur discussion le temps fort et unique de l'appréhension des prélèvements obligatoires et de leur affectation.

Par ailleurs ne peut-on pas travailler à une nomenclature comptable unique entre les deux textes permettant de disposer d'états annexés en loi de financement reprenant les principaux titres de la loi de finances ? Il s'agirait ici de détailler les frais de fonctionnement (par analogie avec le titre III), les prestations fournies (par analogie avec le titre IV), les dépenses en capital des différents régimes (par analogie avec le titre V) et les dépenses de prévention (par analogie avec le titre VI). Cette présentation sous forme commune permettrait d'avoir une vision globale des types de dépenses des deux textes.

Cette modernisation, cette évolution des instruments apparaissent comme un enjeu essentiel et votre commission des finances entend dès aujourd'hui prendre date dans cette oeuvre d'évolution des finances publiques. Chaque Français et chaque entreprise savent ce qu'ils paient. Ils doivent aussi savoir ce à quoi cet argent sert.

C. UNE RÉFLEXION AUTOUR DE L'ORDONNANCE ORGANIQUE DE 1959

1. Un certain vieillissement conceptuel

L'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances est, en principe, à la base du fonctionnement des finances publiques.

Elle n'en constitue néanmoins pas un cadre strict, une épure budgétaire, limitant les pouvoirs du Parlement en la matière et amputant le cas échéant la portée des mesures que celui-ci pourrait préconiser. Ainsi votre commission des finances a fait de la baisse des prélèvements sa priorité : or les dispositions conjuguées de l'article 40 de la Constitution et de l'article 42 de l'ordonnance précitée lui interdisent de baisser globalement le niveau de la pression fiscale puisque toute baisse d'impôt doit être gagée par l'augmentation du même montant d'une autre imposition. De la même façon, cette ordonnance ne permet que de " dépenser moins ", mais pas de " dépenser mieux " et de redéployer les moyens. S'il est possible de diminuer le montant de certains crédits budgétaires, il n'est pas possible de réaffecter, en tout ou partie l'économie ainsi réalisée ou d'accroître des chapitres que l'on jugerait insuffisamment dotés.

Par ailleurs, eu égard à la " montée en puissance " des lois de financement social et au développement de liens complexes unissant désormais les deux lois financières ladite loi organique semble souffrir d'un certain vieillissement conceptuel, les principes d'universalité ou d'unité budgétaires étant, à tout le moins, mis à mal.

Il serait donc nécessaire, à ce titre, de repenser le contenu de cette ordonnance compte tenu de l'évolution du domaine des finances publiques ainsi que de leur indispensable modernisation. S'agissant de la dette de l'Etat, on doit rappeler que le Parlement n'en a qu'une " vision tronquée ", selon l'expression du rapporteur général de l'Assemblée nationale puisque les ressources et remboursements d'emprunts font partie des opérations de trésorerie et ne figurent pas en tant que tels dans la définition de l'équilibre général du budget. De même, il pourrait être envisagé de mieux distinguer entre le fonctionnent et l'investissement ou d'adapter les règles, souvent contournées, qui entourent la publication des décrets d'avance et des arrêtés d'annulation.

2. La limitation de la rétroactivité fiscale

Le principe de sécurité juridique est une condition essentielle de bon fonctionnement des sociétés. Il implique que chaque citoyen puisse connaître, à l'avance et de manière précise, les avantages et les inconvénients de ses actes eu égard aux règles juridiques qui s'imposent à lui.

Concrètement, la sécurité juridique implique que la norme juridique soit accessible, claire et prévisible. Elle garantit donc la stabilité des situations juridiques, notamment en s'opposant à leur remise en cause par des normes rétroactives.

Or, la multiplication, au cours de ces dernières années, de dispositions fiscales soit rétroactives, soit rétrospectives a contribué à développer un sentiment d'insécurité juridique fort parmi les contribuables.

Longtemps cette exigence n'a concerné que les lois de finances dans la mesure où celles-ci détenaient un quasi-monopole de fait sur la fiscalité . Ce n'est plus le cas aujourd'hui, à l'image du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 qui contient les principales mesures fiscales préconisées par le gouvernement.

A ce titre, si l'on souhaite faire évoluer l'état du droit, il est indispensable de ne pas seulement inscrire un tel principe au sein de l'ordonnance organique de 1959, et cela afin de lui donner une portée générale.

Les propositions de votre rapporteur général pour limiter le recours
aux dispositions fiscales rétroactives

Le principe de sécurité juridique est une condition essentielle de bon fonctionnement des sociétés.

Or, la multiplication, au cours de ces dernières années, de dispositions fiscales soit rétroactives, soit rétrospectives (comme l'abrogation par anticipation d'avantages fiscaux concernant des opérations étalées sur plusieurs années) a contribué à développer un sentiment d'insécurité juridique fort parmi les contribuables.

Cette situation entraîne deux effets pervers.

D'une part, elle altère l'esprit d'entreprise des contribuables : si l'environnement juridique de l'entreprise ou du patrimoine devient instable, toute prévision tend à devenir impossible et les agents économiques ne sont plus encouragés à développer leurs activités.

D'autre part, l'utilisation intempestive de la rétroactivité affaiblit la crédibilité et l'efficacité de la politique fiscale. En effet, les contribuables sont moins réceptifs aux incitations fiscales de l'Etat dès lors que celles-ci peuvent être effacées ou remises en cause après quelques années.

Le 2 mars 1999, la commission des finances du Sénat et le Centre d'études de fiscalité des entreprises ont organisé un colloque intitulé " loi fiscale rétroactive et sécurité juridique : quelle conciliation ? ". L'objectif de ce colloque était notamment de proposer des pistes de réflexion pour renforcer la sécurité fiscale. Les intervenants ont admis le rôle de la jurisprudence pour limiter le recours aux dispositions rétroactives.

Toutefois, ils ont estimé que cette évolution serait facilitée si un principe général du droit relatif à la non rétroactivité était introduit dans la Constitution.


L'article 2 du code civil pose le principe selon lequel la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a pas d'effet rétroactif. Toutefois, la simple valeur législative du principe de non rétroactivité, confirmée par le Conseil constitutionnel, ne permet pas de l'imposer au législateur.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteur général a souhaité faire évoluer l'état du droit applicable.

Il a, à ce titre, déposé deux propositions de loi, n° 53 et n° 54 (1999-2000), pour limiter le recours aux dispositions fiscales rétroactives.

En effet, compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel concernant le domaine des lois organiques, une révision constitutionnelle préalable apparaît nécessaire
puisqu'il estime qu'une loi organique ne peut intervenir que dans les domaines et pour les objets limitativement énumérés par la Constitution.

Or, aucune disposition constitutionnelle ne fait référence au principe de non rétroactivité. C'est la raison pour laquelle une proposition de loi constitutionnelle a été déposée qui modifie le sixième alinéa de l'article 34 de la Constitution qui dispose que la loi fixe les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures. Il s'agit de préciser que les règles relatives à l'assiette et au taux ne sont pas rétroactives sauf dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.

Par ailleurs, votre rapporteur général a également déposé une proposition de loi organique qui tend à circonscrire, en droit, les cas où le recours à une loi rétroactive est admissible tout en tenant compte non seulement de la tradition juridique de la France, mais aussi de la spécificité de la technique fiscale. Ainsi, les règles d'application dans le temps des dispositions incluses dans les lois de finances sont maintenues.

Le vecteur juridique retenu est une loi organique afin que le champ d'application de la présente proposition s'étende aux dispositions fiscales contenues non seulement dans les lois, mais également dans les lois de finances et dans les lois de financement de la sécurité sociale.

II. METTRE FIN À " L'EXCEPTION FRANÇAISE "

Ainsi que votre commission des finances l'a déjà rappelé, " l'exception française " en matière de finances publiques se traduit par un niveau historiquement élevé de prélèvements obligatoires destinés à financer des dépenses publiques qui ne baissent pas et un déficit budgétaire insuffisamment réduit. La comparaison de notre situation " d'exception " avec celle de nos principaux partenaires nous démontre que celle-ci est une impasse. Il convient donc, sans délai, d'y remédier.

La dérive de la dette publique analysée par votre commission des finances :
des leçons à méditer

A la demande de la commission des finances du Sénat, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (direction de la prévision) a réalisé une étude sur l'évolution de la dette publique en France. Cette étude a fait l'objet d'un rapport d'information de votre rapporteur général.

La dérive de la dette publique, passée de 27.000 francs par actif occupé en 1980 à 212.000 francs en 1997, a transféré aux générations futures un lourd fardeau . Ce report de charges est d'autant moins justifiable que, l'endettement de l'Etat ayant servi à financer ses charges courantes de fonctionnement, il s'est accompagné d'un appauvrissement du patrimoine public. La valeur nette de ce dernier atteignait 53,3 points de PIB en 1980 ; elle n'était plus que de 7,6 points de PIB en 1997.

L'accumulation de la dette publique a été le produit d'une politique des finances publiques délibérément conduite par l'Etat dans le sens, d'une part, d'un recours volontaire au déficit budgétaire et, d'autre part, de l'alourdissement continu des charges publiques. L'impact négatif de cette gestion sur la dette publique a été amplifié par l'écart entre le coût de la dette et le taux de croissance suscité par le niveau élevé des taux d'intérêt.

Des précisions importantes doivent compléter cette présentation.

Pour apprécier correctement la politique budgétaire de l'Etat, il convient de distinguer trois périodes : la première, de 1981 à 1986, où le solde conjoncturel est proche de l'équilibre alors que le solde primaire structurel -qui manifeste l'orientation volontaire de la politique budgétaire- est largement déficitaire, la deuxième, entre 1988 et 1991, où le solde conjoncturel devient nettement excédentaire mais où le solde primaire structurel est significativement déficitaire, la troisième, enfin, à partir de 1993, où le solde conjoncturel accuse de profonds déficits alors que les déficits primaires structurels sont réduits et se transforment en excédents à partir de 1996.

Cette périodisation montre qu'un jugement global sur la responsabilité respective de la conjoncture et des politiques budgétaires sur l'augmentation de la dette publique peut être établi. A partir de 1993, les déficits conjoncturels sont responsables du surcroît d'endettement à peu près à parité avec les déficits structurels, que les gouvernements en fonction à partir de cette date se sont efforcés de réduire, tandis que, sans nécessité économique, les marges de manoeuvre engendrées par la bonne conjoncture des années 89 à 90 ont été dépensées au lieu d'être employées à réduire l'endettement public que les importants déficits délibérés du début des années 80 et l'extension du secteur public avaient suscité.

Car, à côté des déficits délibérés, il faut aussi prendre en compte l'évolution du secteur public.

Le financement des nationalisations a impliqué un endettement global de 34,6 points de PIB au cours de la période, imputable pour l'essentiel au début des années 80, et a entraîné des charges cumulatives puisque le patrimoine financier des administrations publiques a un rendement net négatif. Il existe en effet un écart de 4 points entre le coût de la dette et les revenus des actifs financiers de l'Etat.

Face à cette gestion contestable des finances publiques, un changement de cap est intervenu à partir de 1994.

Dès cette année, l'orientation de la politique budgétaire a permis progressivement de contrecarrer l'effet sur la dette d'une conjoncture déprimée. La réduction continue des déficits structurels primaires s'étant prolongée, à partir de 1996 des excédents structurels primaires compensent de plus en plus complètement les déficits conjoncturels. L'accroissement de la dette a ainsi pu être freiné alors que le déficit de croissance atteignait son comble, comme dans l'ensemble des pays européens, et alors que l'écart entre le coût moyen de la dette et le taux de croissance provoquait une dérive spontanée particulièrement rapide de la dette.

A ce sujet, il convient en effet de préciser que si les taux d'intérêt et de croissance avaient été identiques entre 1991 et 1997, la dette publique n'aurait augmenté que de 8,5 points de PIB entre ces dates, contre les 22,5 points observés.

Le gouvernement devrait tirer toutes les leçons de cette étude alors que la prise en compte du " hors-bilan " de l'Etat non encore comptabilisé (retraites, défaisances, garanties...) va accroître encore un passif qu'il importe de résorber dès maintenant.

Mais le programme de stabilité notifié par le gouvernement à la Commission européenne n'est pas à la hauteur des enjeux. Les déficits structurels sont maintenus alors que la conjoncture économique permettrait d'accumuler des réserves. Le gouvernement choisit une augmentation du volume des dépenses publiques alors que la responsabilité de la dérive de la dette est largement imputable au niveau qu'elles atteignent déjà dans notre pays.

Cette politique ne marque aucune rupture avec les choix qui ont fait le lit d'un endettement public insoutenable.

A. LA NÉCESSITÉ D'ALLER PLUS AVANT DANS LA RÉDUCTION DU DÉFICIT

Votre commission ne fait pas de l'orthodoxie budgétaire, consistant à réduire prioritairement le déficit budgétaire et à diminuer le poids de la dette publique, un dogme absolu. Elle estime néanmoins indispensable de profiter de la situation actuelle pour accroître l'effort de réduction du déficit, celui-ci se situant toujours à un niveau trop élevé car supérieur à celui enregistré chez nos principaux partenaires 43( * ) .

Un tel effort, conforme à ce que votre commission a encore récemment préconisé lors du débat d'orientation budgétaire, est non seulement souhaitable mais possible et, à ce titre, largement réclamé tant en France qu'à l'étranger. Dans ce contexte, votre commission estime qu'il est d'ores et déjà possible de faire " gagner un an " à la France en anticipant pour cela les objectifs que le gouvernement s'était fixés dans le programme de stabilité.

1. Les mises en garde internationales

a) Les jugements sévères de la Commission européenne

En mars 1999, dans ses recommandations concernant les " grandes orientations des politiques économiques des Etats-membres et de la Communauté ", la Commission européenne avait tenu à indiquer s'agissant de la France que : " le raffermissement attendu de l'activité économique en 2000 et au delà devrait être utilisé pour accomplir des progrès vers l'objectif de moyen terme pour le déficit, c'est-à-dire les projections du scénario favorable du programme de stabilité de la France ".

Ce sentiment était également partagé par les nouveaux commissaires européens. Ainsi, lors de son audition par le Parlement européen, en septembre 1999, le nouveau commissaire aux affaires financières, M. Pedro Solbes s'était félicité, de façon générale, de voir les déficits publics de l'Euro 11 diminuer plus vite que prévu dans le Pacte de stabilité et de croissance. Il se déclarait par ailleurs favorable à ce que les surplus de recettes engendrés par la croissance soient affectés à la réduction des déficits publics, en particulier s'agissant des pays connaissant des " impasses importantes " au nombre desquels il citait la France.

De même, le 16 septembre 1999, M. Pascal Lamy, commissaire européen chargé du commerce international estimait s'agissant de la France que " dans la conjoncture actuelle qui est bonne et qui devrait être encore un peu meilleure l'année prochaine, le niveau du déficit budgétaire est trop élevé ", l'empêchant ainsi d'avoir un effet contra-cyclique.

Ces jugements étaient encore corroborés par l'analyse faite récemment par M. Gerrit Zalm, ministre néerlandais de l'économie et des finances. Il indiquait le 8 octobre 1999 que la réduction des déficits publics apparaissait trop lente au regard du rythme de croissance de la France 44( * ) . Il s'était par ailleurs, de façon fort perspicace, déjà soucié du mode de financement des 35 heures et de son impact sur le budget français.

b) Les préconisations de la Banque centrale européenne

Le rapport de la Banque centrale européenne de septembre 1999 indiquait que " des objectifs budgétaires plus ambitieux sont justifiés pour l'année 2000 et au-delà ". Elle estimait ainsi nécessaire l'évolution consistant à " accorder une plus grande importance à l'objectif de réduction des dépenses primaires courantes afin de poursuivre plus avant l'assainissement des finances publiques ", dans la mesure où " pendant la phase de transition vers des soldes budgétaires proches de l'équilibre ou en excédent, les finances publiques dans l'ensemble de la zone euro demeurent vulnérables aux chocs non anticipés ".

Les sages préconisations budgétaires de la Banque centrale européenne
pour l'année 2000 et au-delà

Dans son rapport de septembre 1999, la Banque centrale européenne émettait les sages préconisations suivantes :

" L'année 2000 devrait connaître des avancées plus rapides que prévu en matière de réduction des déficits budgétaires dans la zone euro. Lors de la présentation du budget pour l'année à venir, plusieurs gouvernements ont d'ailleurs clairement exprimé leur intention d'accorder un grande importance à l'objectif de réduction de dépenses primaires courantes ainsi que de poursuivre plus avant l'assainissement des finances publiques.

Cette évolution est nécessaire car, pendant la phase de transition vers des
soldes budgétaires proches de l'équilibre ou en excédent, les finances publiques dans l'ensemble de la zone euro demeurent vulnérables aux chocs non anticipés. Dans les années à venir, les gouvernements devraient moins compter que dans un passé récent sur les effets financiers bénéfiques escomptés de la conjonction, d'une accélération de la croissance et de taux d'intérêts bas pour améliorer le solde budgétaire. Au contraire, il leur faut intensifier leurs efforts pour réduire les sources de déséquilibre des finances publiques qui subsistent, tels que des niveaux de dette publique et d'imposition excessivement élevés, des systèmes de redistribution impossibles à maintenir et des administrations publiques inefficaces.

L'expérience récente d'un ralentissement modeste de la croissance dans la zone euro permet de penser que le respect des obligations du Pacte de stabilité et de croissance est justifié pour protéger les finances publiques des conséquences néfastes de périodes plus sévères ou prolongées de faible activité économique et -surtout dans les pays fortement endettés- d'une remontée des taux d'intérêt aggravant le coût du service de la dette publique. Les récents mouvements à la hausse des rendements obligataires renforcent la nécessité de mesures plus décisives pour parvenir à des situations budgétaires fondamentalement robustes
".

2. Les critiques au sein même de la majorité plurielle

a) Les voix des experts

Le 10 septembre 1999, M. Jean-Claude Trichet, Gouverneur de la Banque de France, soulignait que les dépenses et les déficits publics étaient trop élevés en France, en Italie et en Allemagne après avoir très opportunément rappelé que le Pacte de stabilité et de croissance prévoyait que les budgets devaient être proches de l'équilibre ou en excédent.

Un large consensus existe également chez les économistes qui se prononcent dans leur très grande majorité pour la réduction du déficit budgétaire et le remboursement de la dette. Ils rappellent ainsi fort justement que le Pacte de stabilité prévoit que les éventuelles recettes excédentaires doivent être utilisées à la réduction du déficit. De même, ils estiment que la marge de manoeuvre budgétaire de la zone euro ne s'accroîtra qu'à partir du moment où les autorités gouvernementales européennes se seront engagées durablement sur le chemin de la réduction des dépenses publiques structurelles.

b) Et celle des anciens Premiers ministres socialistes

A la fin du mois d'août 1999, M. Michel Rocard déclarait qu'il lui " semblait plus sain de réduire notre dette. C'est le meilleur moyen de ne pas avoir à augmenter dans l'avenir la pression fiscale ".


Le président de l'Assemblée nationale, M. Laurent Fabius, se " rallie " aux recommandations de la commission des finances du Sénat

Lors du débat d'orientation budgétaire pour 2000, qui s'est tenu en juin 1999, votre commission des finances avait souhaité que les prélèvements obligatoires, eu égard à leur niveau historiquement élevé, soient réduits, que la dépense publique soit maîtrisée mais également mieux gérée, afin que le déficit budgétaire et, partant, le poids de la dette publique soit significativement réduit et cela afin de préserver l'avenir.

On ne peut donc que se féliciter que ces préconisations aient été reprises au mois d'octobre 1999 par M. Laurent Fabius, président de l'Assemblée nationale, sous la forme de " trois cercles vertueux " : baisse des prélèvements, contrôle de l'efficacité de la dépense et amélioration de la gestion publique.

Il n'est pas jusqu'au rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale qui ne reconnaisse, à l'occasion de la discussion générale du présent projet de loi de finances, que " quelques éléments d'incertitude ou d'insatisfaction demeurent. Des impatiences se font également jour concernant la réduction des déficits publics et des prélèvements obligatoires ".

3. Adopter une gestion prévoyante

a) Se prémunir contre un éventuel retournement de la conjoncture

La réduction des déficits publics, au premier chef celui de l'Etat, et partant, celle de l'endettement doit permettre de reconstituer les marges de manoeuvre nécessaires afin de pouvoir faire face à un éventuel retournement de la conjoncture.

Elle permettrait également de se prémunir contre une éventuelle dégradation du solde des administrations sociales qui demeure, malgré un indéniable redressement, toujours structurellement fragile. En outre, le vieillissement de la population et les charges qui en découlent rendent plus que jamais indispensable cette nécessaire et salutaire rigueur.

b) Utiliser les plus-values de recettes fiscales

Ainsi, eu égard aux perspectives favorables de croissance que semble devoir connaître la France pour l'année à venir, mais également les années suivantes, une accentuation significative de l'effort de réduction du déficit budgétaire apparaît non seulement souhaitable ou nécessaire mais également réalisable. Cette accentuation de la réduction pourrait ainsi être évaluée, eu égard au retard français en ce domaine, à un montant de l'ordre de 0,2 point de PIB, soit environ 20 milliards de francs. Ainsi la France " gagnerait un an " par rapport au programme de stabilité en réalisant dès l'année prochaine l'objectif qu'elle s'était fixée pour 2001, et qui est de 2,2 points de PIB (contre 2,4 points) s'agissant du déficit budgétaire de l'Etat.

Par delà la vertu d'exemplarité attachée à l'affichage d'un tel objectif, celui-ci pourrait d'ailleurs être atteint dès cette année, soit dès 1999. En effet, les plus values de recettes fiscales enregistrées d'ores et déjà par l'Etat, que l'on peut chiffrer à un minimum de 30 à 40 milliards de francs permettraient déjà, sans effort supplémentaire, et nonobstant la nécessaire diminution du poids des prélèvements obligatoires, d'atteindre un tel objectif comme le reconnaissait d'ailleurs implicitement lors de la discussion générale à l'Assemblée nationale, le ministre de l'économie quand il soulignait que " la croissance est en effet plus forte que prévue, mais les recettes, loin de ne pas être au rendez-vous, sont excédentaires ".

Puissent donc les faits rejoindre les intentions afin que l'avenir soit préservé.

B. BAISSER LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Leur niveau historiquement élevé et qui ne baisse pas, nonobstant les incantations gouvernementales, rend indispensable une action déterminée en ce domaine. Ce constat est par ailleurs celui qui apparaît dans l'étude précitée commandée par votre commission des finances sur la concurrence fiscale en Europe de laquelle il ressort que la situation de la France en ce domaine apparaît globalement mauvaise. La France est ainsi un des pays où la pression fiscale est la plus élevée en Europe.

La concurrence fiscale en Europe :
une contribution au débat de votre commission des finances

Le rapport (n° 483 ; 1998-1999) publié en juillet 1999 a pour objectif d'alimenter la réflexion et le débat sur les questions posées par la concurrence fiscale en Europe. Il rend compte des conclusions d'une étude commandée par votre commission des finances à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Il s'agissait d'identifier plus précisément les aspérités associées à un état paradoxal de la construction européenne. Celle-ci est en effet caractérisée par une intégration de plus en plus complète des marchés (biens, services, capitaux), par les progrès réalisés dans le domaine des libertés d'aller et de venir (libertés d'établissement, de circulation...), par une unification monétaire très largement accomplie mais aussi par une harmonisation fiscale si limitée que des phénomènes de concurrence fiscale ont tout lieu d'être redoutés.

La complexité technique des problèmes abordés appelle approfondissements et prolongements mais elle ne doit pas occulter la dimension politique du sujet : des précisions s'imposent donc pour que la volonté du législateur s'exerce en pleine clarté.

De ce dernier point de vue, l'un des enseignements forts de l'étude doit être médité. La concurrence fiscale entre Etats européens appelle naturellement un meilleur dialogue international. Mais elle réclame aussi d'entreprendre sans tarder des réformes internes. Notre pays a beaucoup à faire. Il serait vain et dangereux pour lui d'espérer imposer son exception fiscale à ses partenaires.

De ce fait, votre commission des finances s'emploiera à faire progresser la réflexion en la matière en s'appuyant sur le constat sans appel fait par cette étude : la situation de la France au regard de la concurrence fiscale apparaît globalement mauvaise.

En effet, notre pays apparaît comme l'un de ceux où la pression fiscale est la plus élevée en Europe en occupant, impôt par impôt, une position souvent moyenne au regard de cet indicateur. Cette situation n'est d'ailleurs pas vraiment surprenante, car elle ne fait que traduire l'absence de choix stratégiques en politique fiscale des gouvernements successifs, qui ont cumulativement fait usage de toutes les assiettes fiscales concevables, en application de raisonnements en général plus politiques ou budgétaires qu'économiques.

Le niveau des prélèvements obligatoires est, de fait, en France, particulièrement préoccupant au regard de la compétitivité fiscale et place notre pays en mauvaise situation pour affronter une recrudescence éventuelle de la concurrence fiscale.

Cette situation se vérifie dans le domaine des impôts indirects où, avec le Danemark, la Suède, la Finlande, la Belgique, l'Autriche et l'Italie, la France est parmi les pays qui taxent le plus la consommation. Mais on le vérifie surtout dans le domaine des impôts directs et des prélèvements sociaux.

1. Mettre fin à une fiscalité élevée pour les entreprises françaises

L'accroissement de la fiscalité pesant sur les entreprises grandes et moyennes depuis deux ans et demi est préoccupant à plusieurs titres. En premier lieu, la concentration de toutes les hausses ou créations d'impôts sur une seule catégorie d'entreprises, voire sur une fraction de celle-ci conduit à fragiliser le principe de l'égalité des contribuables devant les charges publiques. En outre, elle a pour effet de creuser le fossé fiscal entre les petites entreprises et les autres. Enfin, on ne saurait constater sans inquiétude la divergence de plus en plus grande entre la fiscalité française des entreprises et la fiscalité des autres Etats membres de l'Union européenne.

a) Un contexte fiscal national de moins en moins favorable aux moyennes et grandes entreprises

La création d'un nouvel impôt sur les grandes entreprises

L'analyse du projet de loi de finances pour 2000 ne peut s'exonérer cette année de celle du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, tant les deux textes sont liés. Car le second ajoute aux alourdissements fiscaux prévus pour les entreprises par le présent projet de loi de finances une nouvelle taxe sur les entreprises de plus de 50 millions de francs sur laquelle il convient de rester très vigilant.

En effet, la contribution sociale sur les bénéfices (CSB) des entreprises créée par l'article 3 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, dont le rendement attendu est de 4,3 milliards de francs pour 2000, est un impôt pérenne, susceptible d'augmenter fortement à l'avenir et extrêmement concentré.

Ce nouvel " impôt sur l'impôt ", acquitté par les entreprises dont le chiffre d'affaires excède 50 millions de francs, a d'abord pour conséquence de pérenniser la hausse du taux facial de l'impôt sur les sociétés résultant des dispositions de la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier du 10 novembre 1997, pour les grandes sociétés .

Or, si l'objectif de diminution du déficit public dans la perspective du passage à la monnaie unique pouvait justifier, à l'automne 1997, la création d'une contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés, celle d'un impôt pérenne sur la fraction des sociétés qui subit le plus violemment la concurrence des entreprises étrangères est d'autant plus contestable que la France se situe déjà parmi les pays taxant le plus lourdement leurs entreprises .

Cette nouvelle taxe a également pour particularité d'être extrêmement concentrée puisque moins de 2 % des entreprises qui payent l'impôt sur les sociétés fourniront plus des trois-quarts de son rendement, ce qui n'était pas le cas de la contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés, plus équitablement répartie entre les entreprises.

Elle s'inscrit enfin dans un contexte global de durcissement du régime fiscal des moyennes et grandes entreprises qui peut s'avérer extrêmement préjudiciable pour celles-ci.

Les hausses d'impôt visant les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires.

Depuis 1997, le gouvernement a souhaité taxer les entreprises, et notamment les plus grosses d'entre elles, pour se donner des marges de manoeuvre budgétaires. Pour cela, il a retenu un seuil de 50 millions de francs de chiffre d'affaires (7 millions d'euros) censé sélectionner les seules grandes entreprises.

Or, le critère de 7 millions d'euros de chiffre d'affaires trace la frontière non pas entre les grandes entreprises et les PME comme il a été plusieurs fois affirmé, mais entre les petites entreprises et les entreprises moyennes et grandes, au sens de la recommandation de la Commission européenne du 3 avril 1996. La Commission européenne ne considère comme " grandes " - par opposition aux PME - que les entreprises dont le chiffre d'affaires excède 40 millions d'euros, soit 280 millions de francs.

Ce sont donc les entreprises moyennes et grandes qui, en acquittant une contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés de 15 % puis de 10 %, ont permis à la France de se conformer aux critères fixés par le traité de Maastricht pour le passage à la monnaie unique.

Ces mêmes entreprises ont de nouveau été sollicitées, via la très forte augmentation du taux de la cotisation minimale de taxe professionnelle en 1998, pour atténuer le coût pour les finances publiques de la suppression de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle.

Les lois de finances pour 1998 et 1999 ont accru de plus de 100 % les tarifs de l'imposition forfaitaire annuelle pour les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires, procurant un surcroît d'impôt de plus de 700 millions de francs.

On le constate donc, la contribution sociale sur les bénéfices (CSB) créée par l'article 3 du projet de loi de financement de la sécurité sociale s'ajoute à une série de " cadeaux " fiscaux aux entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires, qui porte le poids des impôts sur les moyennes et grandes entreprises à un niveau que votre rapporteur général juge préoccupant , d'autant que d'autres mesures plus générales sur les entreprises doivent être prises en considération.

Les autres hausses d'impôt sur les entreprises

Les entreprises qui ont bénéficié de la réforme de l'assiette de la taxe professionnelle dès la première année ont subi en contrepartie une hausse de leur impôt sur les sociétés évaluée à 2,6 milliards de francs pour 2000, en raison de la moindre imputation de taxe professionnelle sur leur résultat imposable à l'IS.

Par ailleurs, en 1999, les entreprises participatives ont vu leur cotisation d'impôt sur les sociétés augmenter suite à la soumission à l'impôt sur les sociétés d'une quote-part des dividendes issus de leurs filiales, et, pour les autres, à la diminution de l'avoir fiscal attaché aux produits de participation. Ces deux mesures de pur rendement devaient, selon les estimations fournies en 1998 par le gouvernement, procurer respectivement 1,2 milliard et 1,5 milliard de francs à l'Etat. Selon le fascicule " voies et moyens " joint au projet de loi de finances pour 2000, leur rendement a finalement été de 4,5 milliards et un milliard de francs.

Enfin, le projet de loi de finances pour 2000 tel qu'adopté par l'Assemblée nationale prévoit trois nouvelles mesures d'alourdissement des prélèvements pesant sur les entreprises :

- la première consiste à diminuer de 45 à 40 % le taux de l'avoir fiscal pour les personnes morales, ce qui devrait rapporter 1,5 milliard de francs dans les caisses de l'Etat ;

- la deuxième prévoit de relever de 2,5 à 5 % la quote-part des dividendes bruts soumise depuis 1999 à l'impôt sur les sociétés, ce qui procurerait un gain fiscal de 4,2 milliards de francs en 2000 ;

- la troisième consiste à accroître de près de 9 % le barème de la taxe sur les voitures particulières des sociétés.

Récapitulation des mesures prises depuis 1997 au détriment
des moyennes et grandes entreprises.


MUFF 1997 :

Imposition de certaines plus-values à long terme au taux normal de l'IS et instauration d'une contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés (fixée à 15 % pour 1997 et 1998 et à 10 % pour 1999) pour les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires ;

 

=> surcroît de recettes : 23,1 MdsF en 1997, 1 7,4 MdsF en 1998 et 12,4 MdsF en 1999

LFI 1998 :

- Augmentation des tarifs de l'imposition forfaitaire annuelle pour les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires ;

 

=> surcroît de recettes : 200 MF

 

- Limitation de la déductibilité des provisions pour renouvellement ;

 

=> surcroît de recettes en 1998 : 4 MdsF

 

- Suppression de l'avantage fiscal lié à la provision pour fluctuation des cours.

 

=> surcroît de recettes en 1998 : 1 MdF

LFI 1999 :

- Quadruplement en trois ans du taux de la cotisation minimale de taxe professionnelle  (0,35 % en 1998, 1 % en 1999, 1,5 % en 2001) ;

 

=> surcroît de recettes en 1999 : 700 MF

 

- Rétablissement (au taux de 2,5 %) de la quote-part de frais et charges afférente aux dividendes versés par une filiale à sa mère ;

 

=> surcroît de recettes en 1999 : 4,5 MdsF

 

- Diminution du taux de l'avoir fiscal de 50 à 45 % pour les personnes morales ne bénéficiant pas du régime fiscal des mères et filiales ;

 

=> surcroît de recettes en 1999 : 1 MdF

 

- Augmentation des tarifs de l'imposition forfaitaire annuelle pour les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires ;

 

=> surcroît de recettes en 1999 : 500 MF

PLF 2000 :

- Doublement de la fraction imposable des dividendes versés par une société fille à sa mère (quote-part de frais et charges de 5 %) ;

 

=> surcroît de recettes prévu pour 2000 : 4,2 MdsF

 

- Diminution du taux de l'avoir fiscal de 45 à 40 % pour les personnes morales ne bénéficiant pas du régime fiscal des mères et filiales ;

 

=> surcroît de recettes prévu pour 2000 : 1,5 MdF

PLFSS 2000 :

Institution d'une contribution sociale de 3,3 % sur les bénéfices des sociétés (CSB) affectée au " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale " ;

 

=> surcroît de recettes attendu pour 2000 : 4,2 MdsF

 

- Création d'un taxe générale sur les activités polluantes (TGAP)

 

=> surcroît de recettes attendu pour 2000 : 3,6 MdsF

b) L'accroissement du " fossé fiscal " entre grandes et petites entreprises

Au moment de la création par la loi de finances pour 1997 d'un taux d'impôt sur les sociétés réduit en faveur des entreprises de moins de 50 millions de francs de chiffre d'affaires qui renforcent leurs fonds propres, M. Alain Lambert, alors rapporteur général du budget, avait accueilli la mesure avec scepticisme. Considérant en effet qu'une telle mesure était peu lisible et contraire à l'objectif de neutralité de la législation fiscale, il avait exprimé sa préférence pour la suppression de la surtaxe de 10 % instituée par la loi de finances rectificative du 4 août 1995 sur l'impôt acquitté par toutes les entreprises.

Or, depuis deux ans, le gouvernement a constamment élargi cette faille ouverte entre les petites entreprises (moins de 50 millions de francs de chiffre d'affaires) et les autres, non pas en se contentant d'alléger l'imposition des premières, mais, comme on a vu plus haut, en accroissant la charge fiscale des secondes, c'est-à-dire en substituant à la discrimination positive initiée par le gouvernement Juppé une discrimination négative, au détriment des moyennes et grandes entreprises.

Cette politique est critiquable pour plusieurs raisons.

D'abord, la multiplication des seuils et des régimes spéciaux d'imposition dans notre droit fiscal a trois défauts majeurs :

- elle met à mal les principes de neutralité fiscale et d'égalité devant l'impôt et créé des effets de seuil ;

- elle a pour effet de complexifier à l'excès notre dispositif législatif, le rendant opaque aux yeux des fiscalistes les plus avertis ;

- elle encourage les entreprises à agir en fonction de considérations fiscales plutôt qu'économiques, c'est-à-dire à adopter des comportements d'optimisation fiscale.

Ensuite, la concentration des hausses de charges sur les seules entreprises moyennes et grandes, qui sont, a priori , non seulement les plus exposées à la concurrence internationale, mais surtout les plus mobiles, va finir par les encourager à " voter avec leurs pieds ", c'est-à-dire à s'installer sous des cieux plus cléments. On le constate de plus en plus avec les restructurations actuelles dont certains groupes profitent pour changer de nationalité fiscale.

La fiscalité des entreprises de nos partenaires européens est en effet de plus en plus compétitive par rapport à la fiscalité française.

c) Une fiscalité sur les entreprises divergente par rapport au reste de l'Union européenne

La divergence la plus apparente entre la France et ses partenaires, mais non la plus pertinente, porte sur les taux de l'impôt sur les bénéfices des sociétés. En effet, bien que le taux facial de cet impôt, après imputation de la nouvelle CSB, soit inférieur à ce qu'il était ces deux dernières années, il reste supérieur au taux moyen de l'impôt sur les sociétés dans l'Union européenne, qui a tendance à baisser 45( * ) .

Une hausse des taux de l'impôt sur les sociétés accroît la propension qu'ont les entreprises, et notamment les plus grosses d'entre elles, à optimiser leur résultat (via les restructurations de groupe, les provisions ou la politique d'amortissement pratiquée), voire à se délocaliser, ce qui peut avoir un effet inverse à l'effet recherché en termes de rendement 46( * ) .

A ce titre l'étude du cabinet Baker Mc Kenzie réalisée pour le compte du gouvernement hollandais et rendue publique le 15 janvier 1999, est intéressante. En effet, cette étude repose sur la comparaison des taux effectifs d'imposition des entreprises pour des investissements dont le rendement avant impôt est identique. Or, il ressort de cette étude que la France est le pays de l'Union européenne dont le taux effectif d'imposition des entreprises est le plus élevé , pour un rendement avant impôt de 10 %. Le tableau ci-après récapitule les résultats de l'étude.



Ces résultats doivent être rapprochés de l'étude précitée, commandée par votre commission des finances à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) au printemps dernier, qui avait pour objet d'appréhender la compétitivité fiscale des différents Etats membres de l'Union européenne au vu de la notion de " coût du capital " 47( * ) . Les résultats obtenus dépendent en effet du mode de financement choisi par l'entreprise (endettement, augmentation de capital ou autofinancement).

Or, l'étude réalisée pour le compte du gouvernement hollandais montre que pour obtenir un rendement net de 5 %, une société française doit obtenir un taux de rendement avant impôt de 4,54 %, lorsque l'investissement est financé par endettement (la moyenne européenne étant de 4,26 %) et de 6,65 % lorsqu'il est financé par autofinancement (contre 5,38 % en Belgique ou 6,13 % en Finlande). En revanche, la France se situe dans une position comparativement favorable lorsque l'investissement est financé par augmentation du capital (4,39 % contre 4,39 % en moyenne européenne).

Au vu de ces résultats et surtout de la difficulté à évaluer la compétitivité fiscale des pays de l'Union européenne compte tenu de la très grande hétérogénéité des bases imposables et des taux, votre commission ne peut que se prononcer pour une plus grande harmonisation des fiscalités européennes.

2. Stabiliser l'impôt sur le patrimoine

a) Les limites de l'alourdissement des cotisations d'impôt de solidarité sur la fortune

En effet, les règles applicables à l'impôt de solidarité sur la fortune ont été très significativement durcies ces dernières années.

Ainsi, la loi de finances pour 1999 avait particulièrement alourdi le poids des cotisations de l'impôt de solidarité sur la fortune. Trois mesures avaient contribué au durcissement du dispositif :

- l'absence d'actualisation du barème pour la deuxième année consécutive ;

- l'intégration de la majoration spéciale de 10 % introduite par la loi de finances rectificative de 1985 dans la cotisation de l'impôt de solidarité sur la fortune ;

- la création d'une nouvelle tranche marginale (taux de 1,8 % concernant la fraction de la valeur nette taxable du patrimoine supérieure à 100 millions de francs).

Le ministre de l'économie et des finances avait alors annoncé que ces seules mesures permettraient déjà de rapporter 2 milliards de francs supplémentaires. Ainsi, après avoir rapporté 11,11 milliards de francs en 1998, l'impôt de solidarité sur la fortune aurait dû rapporter 14,9 milliards de francs en 1999, soit 34 % de plus par rapport à 1998.

A l'époque, votre commission avait émis plusieurs réserves.

D'une part, elle s'était montrée sceptique devant les chiffres annoncés, d'autre part, elle avait critiqué le fait que la création de cette dernière tranche risquait de renforcer la caractère déjà très concentré de l'impôt de solidarité sur la fortune.

Enfin, elle avait regretté l'utilisation idéologique de cet impôt et souligné les dangers d'un rejet de ce dernier par les contribuables concernés ainsi que les risques d'évasion fiscale ou de délocalisation.

L'ISF, un impôt à " rendement décroissant " ?

Les derniers chiffres publiés par le gouvernement concernant le rendement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) semblent très largement confirmer ces craintes.

Ainsi, son produit ne serait pas de 14,9 milliards de francs comme il l'avait été annoncé initialement, mais seulement de 12,5 milliards de francs, soit seulement 1,4 milliard de francs de plus qu'en 1998. Pourtant, le marché de l'immobilier a repris et les valeurs mobilières ont connu une progression très dynamique en 1998 48( * ) .

On peut donc logiquement se demander si les mesures d'alourdissement de l'impôt de solidarité sur la fortune n'ont pas atteint leurs limites et si ce dernier n'est pas devenu un impôt à rendement décroissant.

Les craintes de votre rapporteur général semblent partagées par notre collègue Jean-Pierre Brard, qui estime dans son rapport sur la fraude et l'évasion fiscale 49( * ) , qu'il est nécessaire d' " étudier la consolidation de la légitimité de l'ISF, grâce à l'élargissement de son assiette, la réduction des taux, le relèvement du seuil d'exonération et la suppression de la limitation du plafonnement ".

Ce discours inédit de la part d'un membre de la majorité plurielle s'explique par une prise de conscience de la réalité des délocalisations liées à l'alourdissement de l'ISF.

Ainsi, dans le même rapport, notre collègue fait remarquer qu' " en l'absence d'étude officielle, il est difficile de se prononcer tant sur le nombre des délocalisations que sur le montant des bases d'impositions concernées. Néanmoins, ce mouvement de délocalisation est suffisamment important pour que de nombreux professionnels du droit ou du patrimoine aient eu à s'y intéresser, en France comme à l'étranger.

Il convient ainsi de ne pas méconnaître la portée de ce phénomène, votre Rapporteur soulignant qu'il n'est pas de l'intérêt de l'Etat et de la collectivité de voir s'échapper des bases d'impositions sur lesquelles une part significative de l'impôt ne pourra plus être assise
".

b) L'attitude contradictoire de l'Assemblée nationale

Face aux résultats assez décevants du rendement de l'ISF pour 1999, certaines voix, notamment au sein même de la majorité plurielle, s'étaient élevées pour s'interroger sur les limites de la pression fiscale et sur la nécessité de stabiliser l'impôt de solidarité sur la fortune.

Or, aucune mesure n'a été adoptée dans ce sens. Au contraire, l'Assemblée nationale a adopté toute une série de mesures visant à alourdir davantage les cotisations de l'ISF, en contradiction avec objectifs affichés par le gouvernement.

Les mesures d'alourdissement de l'ISF votées par l'Assemblée nationale

L'actualisation du barème proposée par le gouvernement mais rejetée par l'Assemblée nationale.

En effet, même si ce dernier n'a donné aucune explication officielle pour expliquer l'erreur de prévision quant au produit effectivement perçu de l'impôt de solidarité sur la fortune, il semble avoir pris conscience de l'impact négatif des mesures adoptées en matière d'impôt de solidarité sur la fortune lors de la loi de finances pour 1999.

Ainsi, non seulement le projet de loi de finances pour 2000 ne prévoit aucune nouvelle mesure d'alourdissement de la cotisation supplémentaire, mais au contraire, il se propose de relever les seuils des tranches d'imposition du barème en proportion de la hausse prévisible des prix en 1999, soit 0,5 %, et cela pour la première fois depuis trois ans.

Or, l'Assemblée nationale a rejeté l'actualisation du barème de l'impôt de solidarité sur la fortune en adoptant un amendement de suppression de cet article.

L'élargissement de l'assiette de l'ISF sans contrepartie en matière de réduction des taux

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté contre l'avis du gouvernement un amendement visant à élargir l'assiette de l'ISF aux oeuvres d'art qui ne répondent à aucun des critères suivants :

- constituer des biens meubles qui sont le complément artistique des immeubles classés ou inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques ;

- être une oeuvre présentée au public ;

- être une oeuvre d'un artiste contemporain encore en vie.

Paradoxalement, l'initiative de cette disposition vient de notre collègue Jean-Pierre Brard, alors même qu'il avait indiqué dans son rapport précité que toute extension de l'assiette devait s'accompagner d'une réduction des taux ou d'un relèvement du seuil d'imposition.

c) Les propositions de votre commission

Votre commission estime qu'il est urgent de stabiliser l'imposition du patrimoine et de rétablir la confiance des contribuables en leur montrant que la fiscalité sur l'impôt de solidarité sur la fortune est désormais stable, à travers deux dispositions concrètes :

- l'actualisation du barème de l'impôt de solidarité sur la fortune ;

- la suppression des effets du plafonnement de la cotisation d'ISF.

S'agissant de l'actualisation du barème de l'impôt de solidarité sur la fortune, votre commission regrette l'attitude démagogique de l'Assemblée nationale.

En effet, la non actualisation du barème de l'impôt de solidarité sur la fortune pour la quatrième année consécutive se justifie moins pour des raisons d'équité que par le souci d'augmenter la pression fiscale sur les plus fortunés. Or, le refus d'actualiser ledit barème risque d'inciter les contribuables concernés à quitter notre pays pour échapper à une pression fiscale toujours plus forte.

Il apparaît également souhaitable de procéder à la suppression des effets du plafonnement de la cotisation d'ISF.

Sans revenir en détail sur les nombreux épisodes parlementaires ayant présidé à la mise en place d'une telle mesure, on doit relever, outre l'attitude constante de votre commission en ce domaine, que désormais celle-ci semble rejointe par des membres de la " majorité plurielle " qui se sont interrogés sur l'opportunité de revenir sur la limitation du plafonnement de la cotisation d'ISF.

Ainsi, dans son récent rapport d'information précité notre collègue Jean-Pierre Brard constate que " pour les titulaires de patrimoine très élevés (...), le cumul IR et ISF peut ainsi s'avérer confiscatoire. Ce caractère confiscatoire est à l'origine de certains départs à l'étranger. Afin d'éviter cette difficulté, on peut envisager de rétablir le dispositif mis en place en 1989 et en 1991, à savoir un plafonnement sans limite du total IR-ISF à 85 % du revenu(...) ".

Votre commission des finances ne peut que souscrire à ces propos en souhaitant en ce domaine également que l'on passe des intentions aux actes.

3. Impôt sur le revenu, se méfier des effets d'annonce

La réforme de l'impôt sur le revenu est désormais dans l'air du temps. Hier, on n'en parlait dans les cercles gouvernementaux qu'en aparté comme pour calmer l'impatience de l'opinion ; aujourd'hui, les petites phrases ont laissé la place aux gros rapports, tandis que les manchettes des journaux sur les déclarations de telle ou telle personnalité témoignent d'un débat au sein même de la majorité gouvernementale .

De fait, les esprits ont évolué, même si la réforme n'est pas encore à l'ordre du jour.

Toutefois, pendant que l'on discute, les prélèvements continuent d'augmenter. Les Français le ressentent d'autant plus douloureusement qu'avec la reprise de la croissance, la pression d'un barème progressif se fait plus forte .

L'agitation qui caractérise la majorité gouvernementale sur ce sujet, fait contraste avec l'immobilisme de fait , immobilisme d'autant plus dangereux pour le pays qu'il s'inscrit dans une Europe où, à l'heure de l'Euro, le facteur travail est de plus en plus mobile .

Le système fiscal français doit donc être entièrement revu. Le gouvernement le sait, le gouvernement l'admet mais le gouvernement ne le fait pas.

Le temps de la réflexion ne saurait justifier cette inertie quand des mesures simples, conservatoires ou correctives, peuvent être prises compte tenu de l'évolution dynamique des recettes : 320 milliards de recettes en 1999, soit 4,6 milliards de plus que ce qui a été inscrit dans la loi de finances initiale pour 1999 ; 333,2 milliards de francs prévus en l'an 2000, soit 13,2 milliards de plus qu'en 1999. La croissance de l'impôt sur le revenu - + 4,125 % - est encore plus " dynamique " que celle du PIB.

Ainsi votre commission souhaite en ce domaine apporter sa contribution au débat afin d'inciter le gouvernement à agir. En matière fiscale comme en matière budgétaire, la politique doit en effet décider, non constater.

Face à un double constat, - la progressivité du barème est excessive par rapport au reste de l'Europe, la montée des prélèvements se poursuit insidieusement -, votre rapporteur général souhaite porter un coup d'arrêt à l'accroissement de la charge fiscale et réaffirmer une des priorités oubliées de notre système fiscal qu'est le renforcement des solidarités familiales .

a) Une forte progressivité aux deux extrémités du barème

La question n'est plus tabou. Le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale le reconnaît lorsqu'il affirme : " le haut niveau des prélèvements obligatoires fait qu'une réflexion sur les taux marginaux de l'impôt sur le revenu ne doit pas être exclue ".

En France, l'impôt sur le revenu est très concentré . D'abord, parce que, si l'on fait abstraction des prélèvements CSG/CRDS, il n'y avait en 1997, que 15,71 millions de foyers payant l'impôt sur 31,18 millions, soit une proportion de 50,4%. Ensuite parce qu'il pèse essentiellement sur les hauts et très hauts revenus : en 1997, les 5 % de contribuables situés en haut de l'échelle des rémunérations recevaient 22 % du revenu et payaient 50 % de l'impôt ; les 50 % du bas de l'échelle recevaient 18,6 % du revenu et payaient 2,8 % de l'impôt 50( * ) .

Le phénomène symétrique d'une excessive progressivité à l'entrée du barème a été encore récemment mis en évidence par les travaux de François Bourguignon de l'École pratique des hautes études, dans un rapport remis l'an dernier au Premier ministre dans le cadre du Conseil d'analyse économique .

Ce rapport insiste sur la nécessité d'une approche globale de la question de la redistribution et préconise une alternative consistant à remplacer le système IR-transferts par un système " d'impôt négatif ", dont le principe est le suivant : tout ménage ou toute personne, quel que soit son revenu primaire, reçoit un transfert forfaitaire et est imposé à un taux constant sur la totalité des revenus qu'il ou elle en obtient.

Un système d'impôt négatif appliqué en Angleterre

La Grande-Bretagne vient de mettre en place un système procédant de ces principes. Déjà annoncé dans le budget de mars dernier , le " working families tax credit " (WFTC) et inspiré du modèle américain de crédit d'impôt, est destiné à réduire le " piège de la pauvreté " en encourageant les " foyers assistés " à retourner sur le marché du travail.

Le nouveau crédit d'impôt, qui est payable sur la feuille de paie, va se substituer au système actuel du " family credit " (complément familial) jusqu'ici versé par la sécurité sociale. La réforme s'inscrit d'ailleurs dans le cadre de " l'intégration des systèmes fiscal et de protection sociale ", voulue par le chancelier de l'Echiquier, avec la fusion des services du fisc et de la sécurité sociale. Il s'agit de rendre le travail " plus avantageux que les allocations, avec l'instauration d'un revenu minimum de 200 livres par semaine (ou 10.000 livres par an) par foyer où il y a un emploi à plein temps ".

Selon les estimations du Trésor britannique, l'introduction du WFTC, qui devrait concerner 1,5 million de foyers (contre 800.000 bénéficiaires du système actuel de " family credit "), va représenter un coût fiscal annuel de 5 milliards de livres pour le budget de l'État, soit un surcoût de 1,8 milliard de livres (18 milliards de francs) par rapport au système actuel. Pour en bénéficier, les foyers britanniques doivent comprendre au moins un adulte travaillant plus de 16 heures par semaine, avoir au moins un enfant à charge de moins de 16 ans et un volume d'épargne inférieur à 8.000 livres (80.000 francs).

Puisse la France s'inspirer de l'expérience britannique. C'est ce que votre rapporteur général avait d'ailleurs proposé en lançant l'idée d'un Revenu minimum d'activité (RMA).

b) La montée des prélèvements rampants

Le rapport de M. Didier Migaud estime à juste titre qu'une réflexion s'impose sur l'indexation du barème.

Il fait d'abord remarquer que l'indexation actuelle s'effectue sur la base de l'indice des prix hors tabac et que l'écart traditionnel de 0,1% entre cet indice et l'indice général aboutit sur une période de cinq ans à une augmentation de la charge fiscale d'environ 1 à 2,5 milliards de francs. Mais il souligne que " l'indexation du barème sur l'évolution des prix et non sur celle du revenu disponible des ménages contribue également à renforcer le poids intrinsèque de l'impôt sur le revenu par rapport aux autres prélèvements ".

Le problème de l'indexation n'avait pas échappé à votre rapporteur général qui avait ainsi fait remarquer dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 1999 que, " une simple indexation sur les prix permet à l'État, par le jeu de la progressivité de l'impôt, de toucher les dividendes de l'augmentation de pouvoir d'achat des Français ". Car telle est bien la question que pose un barème fortement progressif comme celui en vigueur dans notre pays, surtout lorsqu'il s'applique à des revenus gonflés par le retour de la croissance.

c) Des mesures nécessaires : indexer le barème sur la croissance et actualiser certains seuils

Le problème est de définir un mode d'indexation qui aille au delà d'une simple articulation sur les prix. Tandis que l'Assemblée nationale s'oriente vers un mode d'indexation tendant à proportionner le prélèvement résultant de l'impôt sur le revenu à la croissance de l'assiette, votre commission des finances recherche un système qui limite le phénomène de captation des fruits de la croissance par le budget de l'Etat.

Ainsi, pour votre commission des finances, il s'agit non pas de trouver un agrégat représentatif de l'assiette de l'impôt sur le revenu, mais de tenir compte dans l'évolution du barème de l'accroissement du revenu réel des Français. La solution la plus simple à cet égard serait de faire référence au taux de croissance du produit intérieur brut, agrégat à la fois simple et prévisible.

Par ailleurs votre commission estime que des aménagements neutres ponctuels sont possibles afin de réparer certains " oublis " du ministère des finances qui omet d'actualiser certains chiffres vieux parfois de plus de vingt ans.

d) Rectifier certaines erreurs manifestes en matière de fiscalité de la famille

L'année dernière le gouvernement a été amené à compenser le rétablissement de l'universalité des allocations familiales qu'il venait de supprimer par un abaissement du plafond de l'avantage fiscal consécutif au quotient familial, qui passe de 16.380 francs à 11.000 francs.

Ces mesures qui s'analysent non seulement comme un coup porté aux familles mais aussi plus généralement comme un renforcement de la fiscalité sur les hauts revenus, constituent une erreur manifeste d'appréciation. Cette erreur doit être rectifiée par exemple en faisant en sorte que la possibilité de rattachement au foyer fiscal soit offerte non seulement aux enfants étudiants mais également à ceux, trop nombreux, à la recherche d'un emploi . De même, le nécessaire développement des solidarités privées, et en tout premier lieu des collatéraux pourrait conduire à abaisser les conditions d'âge à partir duquel les personnes recueillies au foyer ouvrent droit à déduction.

Votre commission des finances souhaite que l'on corrige les effets les plus dommageables d'une politique qui doit s'analyser comme un alourdissement de la fiscalité pesant sur les cadres et donc comme un facteur supplémentaire de pénalisation des " capacités ", de ceux qui par leur compétence et leurs efforts sont à l'origine d'une bonne part du dynamisme de l'économie française.

e) Mettre fin à la fatalité du régime de l'impôt sur le revenu.

L'élimination des niches proposée l'année dernière par le gouvernement, au nom d'une justice abstraite, n'est pas une réponse au mal fiscal français. Car ce ne sont pas quelques niches ponctuelles qu'il faut éliminer, des taux de TVA qu'il faut manipuler mais la logique même de notre système fiscal lui-même qu'il faut réformer .

Toujours plus de contraintes, toujours plus d'exceptions . Telle semble être la fatalité du système fiscal français et, en particulier, du régime de l'impôt sur le revenu.

Comment ne pas constater une fois encore que, surtout lorsqu'il s'agit d'impôt sur le revenu, on ne fixe une règle que pour y apporter, parfois immédiatement, une multitude d'exceptions ? Selon la commission d'étude des prélèvements obligatoires présidée par M. Ducamin, " le niveau jugé élevé des taux d'imposition a entraîné la floraison de mécanismes en tous genres qui entachent gravement la progressivité, provoquent des ruptures d'égalité entre les contribuables car seuls les plus avertis bénéficient de ces mécanismes et peuvent avoir des effets pervers sur le fonctionnement de l'économie ".

Lorsque les revenus de transfert et de remplacement représentent plus de 35% contre 23% en 1970, on ne peut plus considérer notre système fiscal indépendamment du régime des prestations sociales.

Une vision d'ensemble est donc nécessaire. Votre commission estime que cette situation doit être examinée de près dans la mesure où le jeu combiné des règles fiscales et sociales peut aboutir à des discriminations non fondées.

" Less is more ", cet aphorisme n'est pas le fait de quelque tenant du monétarisme pur et dur mais celui d'un architecte Mies van der Rohe considéré comme un des pères du fonctionnalisme .

La justification profonde de cet appel en faveur d'un certain " minimalisme fiscal " ne réside pas seulement en ce que les Français voudraient payer moins d'impôts ; le sens réel de la formule est qu'il faut un système fiscal plus simple, plus fonctionnel, moins sophistiqué.

Trop d'impôt tue l'impôt, on le sait ; mais trop d'exceptions dissout la règle, qui perd alors efficacité et légitimité .

Une " mise à plat " est indispensable, votre commission des finances pense que c'est sur la base de principes clairs et avec une nette volonté de simplification qu'il faut aborder la refonte et même la refondation du système fiscal français, et en premier lieu de l'impôt sur le revenu.

C. UNE ACTION FORTE SUR LES DÉPENSES

Votre commission n'est pas hostile par principe à la dépense publique. Elle estime néanmoins que celle-ci, eu égard aux montants atteints actuellement, doit être maîtrisée, stabilisée et même réduite. Il est désormais impératif, afin que les prélèvements obligatoires soient réduits, de dépenser " moins " mais également de dépenser " mieux ".

1. Une salutaire réduction

a) La réduction des dépenses publiques : un objectif très largement partagé

La réduction des dépenses publiques est aujourd'hui un impératif.

Cette affirmation n'est pas, comme votre commission l'a souvent rappelé, un présupposé idéologique, mais une nécessité imposée par l'analyse objective de la situation budgétaire de la France et des perspectives préoccupantes d'évolution des dépenses publiques.

Il convient d'abord de rappeler que les engagements européens de la France entraînent des conséquences budgétaires pour notre pays.

En effet, conformément au Pacte de stabilité et de croissance, adopté par le Conseil de l'Union européenne en 1997, les Etats membres doivent " atteindre l'objectif à moyen terme d'un solde budgétaire proche de l'équilibre ou en excédent ".

La réduction des dépenses publiques est donc un engagement, faisant l'objet d'une surveillance multilatérale. La France ne saurait s'y soustraire sans manquer à sa parole ni sans subir les lourds inconvénients d'une perte de crédibilité.

Or, dans son rapport annuel 51( * ) , la Banque centrale européenne note : " La plupart des pays sont encore éloignés de l'objectif inscrit dans le Pacte de stabilité et de croissance...La poursuite des efforts d'assainissement a été différée ". Sur ce point, elle conclut : " les projections budgétaires devraient non seulement être conçues pour préserver les finances publiques des conséquences financières de récessions potentielles, mais devraient aussi prévoir des dispositifs permettant de faire face aux futurs engagements implicites accumulés par les administrations publiques ".

Il ne s'agit pas, en effet, de renouveler les erreurs du passé, et notamment de la période de forte croissance des années 1988 à 1990. Elle avait alors permis de réduire les déficits publics, tandis que l'Etat dépensait avec prodigalité : une fois cette période révolue, les déficits ont de nouveau augmenté, dans une proportion jamais égalée à cause des charges nouvelles que Etat s'était imposées et qu'il a dû honorer.

Or, en ce domaine, les critiques adressées au gouvernement sur son manque de volonté pour réduire les dépenses publiques proviennent également de sa propre majorité parlementaire.

En effet, lors de l'audition, par la commission des finances de l'Assemblée nationale, de MM. Strauss-Kahn et Sautter, le 15 septembre 1999, son rapporteur général, M. Didier Migaud, rappelait que : " La question est de savoir si l'on pourra compter uniquement sur la modération de la charge de la dette pour tenir les engagements en matière de croissance des dépenses de l'Etat, ou s'il faudra agir sur les dépenses de fonctionnement de l'Etat ".

On ne saurait mieux dire ! Sur ce point, votre rapporteur général partage entièrement l'analyse de son homologue de l'Assemblée nationale.

Par ailleurs, le président de l'Assemblée nationale, M. Laurent Fabius, a fait valoir, à plusieurs reprises, sa " différence " en matière de dépenses publiques. Il a, notamment, estimé que " si on veut traiter sérieusement la question des impôts et des charges sociales, il paraît essentiel de regarder sérieusement aussi du côté des dépenses. " Il ajoutait : " en matière de baisse d'impôts, c'est l'évolution des dépenses qui fait à long terme la différence ". Il préconisait même de " faire en sorte que l'argent public soit utilisé avec parcimonie ".

Or, le gouvernement reste sourd à ces conseils et à ces avertissements, qu'ils proviennent du Sénat, d'organisations internationales, des institutions communautaires, de la Cour des comptes ou des rangs de sa propre majorité. Il préfère s'en tenir à et entretenir l' " exception française ", dont tout indique qu'elle est une impasse, budgétaire en l'occurrence.

b) Les économies faites par le gouvernement

En présentant le projet de loi de finances pour 2000, le gouvernement a indiqué que " le réexamen au franc le franc de l'ensemble des dépenses publiques et la recherche des gains d'efficacité " avaient conduit à dégager des économies, 29 milliards de francs en 1998 et 31 milliards de francs en 1999. Ces économies s'élèveront, en 2000, à près de 34 milliards de francs.

Les gisements d'économies existent donc bel et bien même si l'effort du gouvernement est à relativiser. Il s'agit, en réalité, de redéploiements de crédits, destinés à financer les priorités du gouvernement. Les économies deviennent donc possibles dès lors qu'on veut les trouver !

Quelques exemples de redéploiements effectués par le gouvernement

Le gouvernement a ainsi réalisé des économies sur le budget de l'emploi . Il indique en effet que " les nouvelles priorités du gouvernement [les emplois jeunes et la réduction du temps de travail] ont été financées par des économies et un recentrage des dispositifs les plus anciens [le contrat initiative emploi ou les contrats emploi solidarité] ".

Votre commission rappelle que le gouvernement avait déclaré que les conséquences d'une réduction des crédits de l'emploi seraient très dommageables pour les publics concernés. Elle constate que ce n'est plus le cas. Ce qui n'était pas possible hier le devient aujourd'hui !

Par ailleurs, il convient également de remarquer que, contrairement aux affirmations du gouvernement, il est possible de diminuer les effectifs nets de la fonction publique, sans pour autant perturber le bon fonctionnement des services publics. Le ministère de l'économie en donne lui-même l'exemple, ses effectifs budgétaires allant diminuer de 3.000 postes en trois ans, grâce à des progrès de productivité.

Le gouvernement réalise donc, enfin, des économies forfaitaires, ce qui n'a en réalité, rien de surprenant.


Ainsi, dans une réponse adressée à votre commission lors de la préparation du débat d'orientation budgétaire de juin 1999, et relative aux postes d'économies budgétaires envisagés, le gouvernement a indiqué que " afin de financer ses priorités et respecter le cadrage qu'il s'est fixé, le gouvernement est conduit à dégager des économies [...] . S'agissant notamment des sections budgétaires les moins prioritaires, les dépenses de fonctionnement devront baisser de 3 % tandis que pour les dépenses d'intervention, une baisse de 10 % des moyens devra être recherchée ".

Le gouvernement valide donc a posteriori la stratégie arrêtée par votre commission. Pourtant, la position du gouvernement sur ce point n'est pas claire. Il semble même éprouver certaines difficultés à reconnaître qu'il réalise des économies budgétaires, et ses affirmations sont contradictoires.

Dans une réponse à une question de votre commission lors du débat d'orientation budgétaire, il a ainsi indiqué : " Loin de privilégier une logique d'économie aveugle et forfaitaire, le gouvernement a privilégié une budgétisation fondée sur l'analyse de l'efficacité de la dépense ".

Cependant, au cours d'une réunion de la Délégation interministérielle pour la réforme de l'Etat tenue le 13 juillet 1999 et présidée par le Premier ministre, un objectif de réduction de 15 % des chapitres budgétaires a été fixé pour la loi de finances.

Dès lors, s'agit-il d'une volte-face de la part du gouvernement ou plutôt d'une réticence à reconnaître qu'il réalise des économies forfaitaires ?

Au demeurant certaines économies affichées par le gouvernement apparaissent à votre commission éminemment contestables.

Le gouvernement indique s'agissant des redéploiements réalisés sur les dépenses de fonctionnement : " A titre d'exemple, la professionnalisation des armées et la réduction du format engendrent 1 milliard de francs d'économies sur les dépenses de fonctionnement ". Or, cette affirmation n'est pas fondée. En effet, le gouvernement oublie de préciser que le décret d'avance du 2 septembre 1999 a abondé de plus de 4 milliards de francs les crédits de rémunérations du budget de la défense. Dès lors, quelle est la base de son calcul ? La loi de finances initiale de 1999 ou l'exécution budgétaire telle qu'elle peut être objectivement constatée ?

2. Le renforcement du contrôle de la dépense publique

a) L'insuffisance du contrôle à l'origine de graves dysfonctionnements

Votre commission considère que le renforcement du contrôle exercé sur les dépenses publiques permettra de mettre en évidence les dysfonctionnements qui peuvent affecter leur utilisation, tout en rendant plus " visible " et légitime leur réduction.

En effet, l'efficacité des dépenses publiques est un enjeu majeur et doit faire l'objet d'un contrôle aussi régulier que possible. Il s'agit, en effet, non seulement de dépenser " moins " mais également de dépenser " mieux ".

Or, l'utilisation des dépenses publiques est loin, aujourd'hui, d'être toujours optimale ainsi que le prouvent les lacunes de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique.

L'Etat, mauvais employeur ?

Contrairement à n'importe quel employeur, l'Etat ne connaît pas avec précision le nombre de ses fonctionnaires, ni leur position statutaire.

Ce constat, qui a de graves conséquences en termes budgétaires en raison tant des crédits que des effectifs concernés, résulte des travaux de la Cour des comptes mais aussi de ceux du Sénat.

Dans une lettre datée du 28 juillet 1998 et adressée au ministre de l'emploi et de la solidarité, le Premier président de la Cour des comptes écrivait : " la Cour a relevé que les effectifs dont disposait le ministère étaient éloignés des prévisions et autorisations de la loi de finances initiale ". Il poursuivait : " La description des effectifs qui figure en loi de finances initiale, seule information dont dispose la représentation nationale en la matière, ne correspond pas à la réalité ". Puis il concluait : " Une amélioration de la gestion prévisionnelle des effectifs est indispensable ".

Par ailleurs, la commission d'enquête sénatoriale sur la gestion des personnels de l'éducation nationale, présidée par notre collègue Adrien Gouteyron, a mis en exergue la " mal-administration " du système éducatif.

Des surnombres évalués à 10.000 enseignants, un volant d'heures supplémentaires disproportionné, des décharges syndicales totales ou partielles mal appréhendées, des personnels détachés ou mis à disposition avec un certain arbitraire : autant de dysfonctionnements qui expliquent que des élèves puissent ne pas avoir de professeurs malgré les moyens considérables dont dispose l'éducation nationale.

Dans le même temps, l'autorisation budgétaire est vidée de son sens au cours du processus de transformation des emplois inscrits en loi de finances en emplois attribués aux établissements scolaires, tandis que le contrôle des emplois est embryonnaire, en particulier au niveau local.

Dès lors, il est légitime de s'interroger sur la validité de l'information que le ministère de la fonction publique a communiquée à votre commission sur les positions statutaires des fonctionnaires de l'Etat.

En effet, d'après une enquête réalisée en 1996 par la direction générale de l'administration et de la fonction publique, il y avait 5.123 agents titulaires mis à disposition, 32.617 en service détaché, et 39.589 placés en disponibilité. Les chiffres ne sont-ils pas trop précis eu égard aux faits mis en exergue par la Cour des comptes et par le Sénat ?

Le ministère précise d'ailleurs que cette enquête " ne permet pas de recenser nommément les organismes d'accueil dans lesquels sont placés les agents " . Il y a donc des fonctionnaires mis à disposition, en service détaché ou placés en disponibilité, mais l'administration ignore où ils se trouvent précisément !

Par ailleurs, le rapport Roché sur le temps de travail dans les trois fonctions publiques a bien montré que les durées de travail moyennes hebdomadaires sont très variables. Pour les seuls agents à temps plein de la fonction publique, elles varient de 29 à 40 heures. Et le rapport conclut : " L'aménagement et la réduction du temps de travail doit être une formidable occasion d'une remise à plat de l'organisation actuelle du temps de travail dans les fonctions publiques ".

Où en est le gouvernement sur ce point ? Quelles sont ses véritables intentions s'agissant de l'application des " 35 heures " à la fonction publique ?

b) La prise en considération des contrôles réalisés

En créant, au début de cette année, une mission d'évaluation afin de mieux contrôler l'utilisation et l'efficacité de la dépense publique, la commission des finances de l'Assemblée nationale s'est ainsi ralliée, implicitement, aux préconisations faites depuis des années déjà, par son homologue du Sénat.

La mission d'évaluation et de contrôle (MEC)

En février 1999, le groupe de travail sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, constitué par l'Assemblée nationale et présidé par M. Laurent Fabius, a rendu ses conclusions, parmi lesquelles était affirmée la nécessité de mettre en place des outils adaptés au sein de l'Assemblée nationale : il s'agit de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC), rattachée à la commission des finances.

La MEC tend à pallier l'absence d'évaluation de la dépense publique au sein du Parlement, en raison, notamment, d'une procédure budgétaire qui incite à privilégier " une logique de dépenses, au détriment d'une logique de résultats ".

La MEC s'inscrit clairement dans une logique de maîtrise des finances publiques .

Le rapport d'information présentant le bilan de la mission indique : " cette politique d'assainissement de nos finances publiques doit être poursuivie, afin, notamment, de retrouver des marges de manoeuvre budgétaire de soutien à la conjoncture et de réduire l'impact, sur la croissance, du niveau élevé de la dette publique et des prélèvements obligatoires ". Il s'agit, pour la MEC, de " rompre avec la logique actuelle du " toujours plus de dépenses " ". A cet égard, votre commission des finances ne peut que souscrire au principe de la mission : " Contrôler réellement, pour dépenser mieux et prélever moins ".

En 1999, la MEC a étudié quatre politiques publiques : la politique autoroutière, la gestion des effectifs et des moyens de la police nationale, les aides à l'emploi, et l'usage des fonds de la formation professionnelle. Elle a bénéficié du concours régulier de la Cour des comptes.

Il conviendra d'être attentif aux suites données, par le gouvernement, aux évaluations et contrôles de la MEC, le rapport d'information précité précisant qu' " il conviendrait, qu'à l'avenir, les travaux de la MEC aient des traductions lors de l'examen du projet de loi de finances ".

On ne peut donc que se féliciter d'une telle initiative. Il est cependant indispensable que le gouvernement prenne en considération, dans les projets de loi qu'il présente, les conclusions auxquelles les contrôles parlementaires sont parvenus.

Or, il semble que cette exigence ne soit que très partiellement remplie. Parfois même, les propositions du gouvernement vont exactement à l'encontre des conclusions formulées par la mission de l'Assemblée nationale. C'est le cas en ce qui concerne la politique autoroutière. De même, s'agissant de la gestion des effectifs et des moyens de la police nationale, le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale estime que la MEC " avait fait le pari que ses propositions pouvaient être mises en oeuvre à budget constant, en les gageant, pour l'essentiel, sur les crédits de personnel, les prévisions de départs massifs en retraite constituant une opportunité exceptionnelle pour ce faire. Or, le projet de budget pour 2000 montre que le ministère de l'intérieur et de la décentralisation conditionne encore la mise en oeuvre de ces mesures à l'obtention de crédits supplémentaires ".

3. Dépenser moins, dépenser mieux

a) Une position exprimée lors du débat d'orientation budgétaire

Lors du débat d'orientation budgétaire, votre commission avait déjà attiré l'attention sur le fait que l'amélioration des comptes publics français résultait de la conjonction d'un niveau élevé de prélèvements et d'une bonne conjoncture économique.

Votre commission est donc favorable à une réelle réduction des dépenses publiques, des dépenses de fonctionnement notamment. Une action forte doit être entreprise sur le " train de vie " de l'Etat, ainsi que sur les dépenses de la fonction publique.

En 2012, la moitié des fonctionnaires aujourd'hui en activité devraient être partis à la retraite. Il faut saisir cette occasion pour réduire le format et les missions de l'Etat. Les dépenses de personnel sont devenues les plus lourdes, et sont les plus rigides. Quant aux charges résultant des pensions, elles deviendront très rapidement insoutenables. Le gouvernement lui-même en convient, puisque questionné sur ce point par votre commission des finances, il a estimé que " en raison du poids qu'elles représentent dans le budget de l'Etat, les dépenses de personnel constituent un enjeu majeur dans la maîtrise des finances publiques dans les années à venir ".

Les intentions ne se sont toujours pas traduits en faits. Les économies mises en avant par le gouvernement sont en réalité des économies de constatation, mais aucune décision n'a été engagée ni même prise afin de dégager de véritables marges de manoeuvre sur ces postes de dépenses.

Il apparaît donc que le gouvernement a décidé de ne rien faire, et, à ce titre, il porte une lourde responsabilité face aux générations futures qui devront assumer les conséquences financières de son manque de courage.

Peut-on réduire le nombre des fonctionnaires ?

Il est possible de réduire le nombre de fonctionnaires sans porter atteinte néanmoins à la qualité du service public ni remettre en cause la valeur de ceux qui ont choisi de s'y consacrer. Dans son rapport publié à l'occasion du débat d'orientation budgétaire, votre rapporteur général écrivait ainsi : " Il importe d'ancrer dans la durée la politique de réduction des effectifs de la fonction publique préconisée par votre commission ". Concrètement, il était proposé de ne pas remplacer 5 % des départs à la retraite des fonctionnaires, ce qui permettrait de diminuer les effectifs de 4.250 emplois par an, soit une diminution annuelle de moins de 0,3 % des effectifs totaux actuels.

Cette démarche est pleinement opératoire puisque, en réponse à une question de votre rapporteur général, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie précise que " le non remplacement total des départs en retraite en 2000 générerait une économie de l'ordre de 9,3 milliards de francs en 2000, pour une réduction d'effectifs d'environ 44.900 fonctionnaires civils. En 2005, cette économie, estimée à 12,1 milliards de francs pour le flux des départs de l'année (58.400 départs non remplacés), permettrait d'obtenir une économie annuelle cumulée de 63,9 milliards de francs ".

b) Des intentions aux faits

Cette position est constante et votre commission l'a déjà défendue et appuyée lors des deux derniers exercices budgétaires. Elle regrette à ce titre que les dépenses ne diminuent pas en 2000 puisque le retour de la croissance et le maintien à un niveau élevé des prélèvements obligatoires permettent au gouvernement de financer ses priorités.

Elle souhaite donc que les dépenses de fonctionnement, notamment celles liées à la fonction publique, soient, de façon claire et continue, orientées à la baisse.

Elle n'a cependant jamais opté en faveur d'une baisse systématique de l'ensemble des dépenses publiques. Elle a ainsi toujours souhaité préserver les budgets régaliens mais également les dépenses qui préparent l'avenir et notamment celles des titres V et VI, alors que la régulation budgétaire opérée par le gouvernement a souvent réduit ce type de dépenses.

Par ailleurs, votre commission n'ignore pas que certains départements ministériels pourraient bénéficier de crédits plus importants, tandis que des économies pourraient être réalisées sur d'autres. L'ordonnance organique de 1959 lui interdit cependant de procéder à de telles réaffectations, bien souvent indispensables.

En réalité, votre commission souhaiterait pouvoir réaliser des redéploiements ou des réaffectations de crédits, eu égard aux besoins budgétaires qui se manifesteraient, ou de manière à tirer les conséquences de dysfonctionnements, voire de gaspillages, éventuellement mis en évidence par les missions de contrôle qu'elle entreprend sur l'utilisation et l'efficacité de la dépense publique.

Comment " activer " les dépenses passives de l'emploi :
l'exemple du revenu minimum d'activité (RMA)

Cette initiative prise par votre rapporteur général part d'un constat : il faut mettre fin à cette spirale de l'inactivité mise en place par le RMI et développer grâce au RMA un cercle vertueux de l'activité.

En effet, le niveau élevé de certaines prestations sociales en font souvent un frein puissant à la reprise du travail et à la réinsertion sociale. Par exemple, le bénéficiaire du RMI hésite à accepter un poste relativement précaire qui le conduirait à abandonner son allocation et les exonérations diverses qui y sont associées. Ceci nourrit l'exclusion sociale et a un coût élevé pour l'Etat : même le Conseil d'analyse économique (CAE) placé auprès du Premier ministre, l'a récemment admis.

Aussi, afin de lutter contre le chômage et l'exclusion sociale, le RMA a pour buts principaux :

de favoriser la reprise d'activité des bénéficiaires du RMI et des chômeurs de longue durée, s'agissant des personnels les moins qualifiés ;

d'augmenter le niveau de l'emploi et de réduire l'exclusion sociale.

Il s'agit également d'une prestation sociale résolument tournée vers l'activité

Le niveau des prestations délivrées aux titulaires du RMI et aux chômeurs en fin de droit contraste avec leur faible retour à l'activité : les prestations ne servent plus qu'à l'assistance. On peut dès lors se demander si le RMI n'est pas désormais " un revenu minimum d'inactivité ". Il est au demeurant frappant de rappeler que la charge du RMI pour l'Etat a augmenté de 30 % depuis 1996, lorsque nous connaissions une période de vive croissance de l'économie.

Par ailleurs, de nombreux gisements d'emplois existent mais ne sont pas occupés pour deux raisons : trop coûteux pour les entreprises, trop faiblement rémunérateurs pour les bénéficiaires de prestations d'assistance et notamment du RMI.

Le RMA veut donc renverser ces effets pervers en proposant une solution servant les intérêts des exclus comme des entreprises par une réorientation totale des aides publiques.

Son mécanisme est simple. Le bénéficiaire du RMI ou le chômeur indemnisé de longue durée devenant salarié perçoit un RMA. Celui-ci correspond d'une part au salaire qui est versé par l'entreprise, et d'autre part à un complément de ressources payé par l'Etat. Cela doit lui assurer un gain net de revenu par rapport à sa prestation d'origine et aux avantages associés. Il y a un intérêt objectif pour le bénéficiaire à travailler.

Ceci se fait dans le cadre d'un contrat de longue durée (cinq ans) qui assure au salarié une stabilité de ses revenus et qui définit les engagements auxquels souscrit l'entreprise vis-à-vis de l'Etat. Bien entendu, un tel mécanisme s'applique aux chômeurs et bénéficiaires de RMI les moins qualifiés ; il ne peut concerner les personnes reconnues officiellement employables du fait de handicaps physiques ou moraux ; il est conçu de manière à éviter les effets d'aubaine. Sur la base de tels principes, votre commission approfondira son analyse et la consignera dans une prochaine proposition de loi.

Dès lors, cette année, votre commission , regrettant la faiblesse des marges de manoeuvre offertes par l'ordonnance de 1959 vous proposera de rejeter les budgets dont les orientations ne sont pas admissibles pour elle et non conformes aux préconisations qu'elle a déjà émises depuis deux exercices budgétaires.

D. ASSOCIER LES COLLECTIVITÉS LOCALES AUX FRUITS DE LA CROISSANCE

Le Premier ministre a annoncé au mois d'octobre 1999 la création d'une mission chargée de réfléchir à l'avenir de la décentralisation. Cette initiative, qui imite, un an après, la création par le Sénat d'une mission d'information chargée de dresser le bilan de la décentralisation, est bienvenue.

Il faut en effet espérer que les travaux de cette commission, au sein de laquelle notre assemblée est largement représentée, permettront au gouvernement de fixer un cap à son action en matière de finances locales, et de mettre ainsi un terme à la dérive actuelle, caractérisée par l'exacerbation de tous les défauts du système de financement des collectivités locales.

1. Un système de financement des collectivités locales en voie d'essoufflement

a) Rendre leur pouvoir fiscal aux collectivités locales

Les collectivités locales françaises sont une exception au sein de l'Union européenne en ce que la moitié de leurs recettes proviennent d'une fiscalité directe 52( * ) dont elles votent les taux depuis 1980.

Cette spécificité pourrait constituer un atout. En effet, les élus locaux sont mieux à même de mener des politiques de développement dynamiques lorsque leurs ressources dépendent du niveau des rentrées fiscales plutôt que des dotations de l'Etat. De plus, comme le souligne le rapporteur pour avis des crédits des collectivités locales au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, " le pouvoir fiscal local donne à la collectivité une plus grande capacité d'endettement et donc de programmation de ses dépenses d'investissement ". D'ailleurs, lors de leur audition par la mission sénatoriale d'information chargée de dresser le bilan de la décentralisation, les représentants du cabinet Arthur Andersen ont déclaré que plusieurs Etats de l'Union européenne, notamment l'Italie, procédaient actuellement à des transferts d'impôts au profit des collectivités locales.

Toutefois, la situation actuelle des impôts directs locaux perçus par les collectivités locales françaises conduit à s'interroger sur l'existence véritable d'une fiscalité locale :

- les taux votés par les collectivités s'appliquent à des bases de plus en plus réduites . Ce phénomène est particulièrement marqué s'agissant de la taxe professionnelle, dont les bases ont été abattues de 16 % en 1987 et seront réduites de 35 % lorsque la fraction de son assiette assise sur les salaires aura totalement disparu. Dans le même ordre d'idée, le pouvoir fiscal de certaines collectivités est réduit lorsque l'Etat décide de supprimer la faculté pour des collectivités de percevoir certains impôts. Ainsi, la loi de finances pour 1993 a supprimé la part régionale et la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés non bâties.

Il convient de souligner que les allégements de fiscalité locale ainsi réalisés se traduisent par des pertes de recettes pour les collectivités locales car les compensations versées en contrepartie par l'Etat ne prennent généralement pas la forme de dégrèvements, et leur montant évolue moins vite que les anciennes bases 53( * ) .

- les impôts locaux sont de moins en moins acquittés par leurs contribuables théoriques, et de plus en plus par le contribuable national . L'inadaptation de l'assiette des impôts directs locaux a conduit les gouvernements successifs à multiplier les dégrèvements et les exonérations. Le projet de loi de finances pour 2000 prolonge ce phénomène en abaissant de 1500 francs à 1200 francs le montant maximum de taxe d'habitation supporté par les redevables à faibles revenus.

Dans le projet de loi de finances pour 2000, la dépense fiscale consacrée aux impôts directs locaux s'élève à 94 milliards de francs, contre 78 milliards de francs en 1998, soit environ le quart du produit total de la fiscalité directe locale.

Cette progression s'explique par la réforme de la taxe professionnelle et, compte tenu de la montée en charge progressive du coût de cette réforme, il est probable que les sommes consacrées par l'Etat à la prise en charge des impôts locaux seront, dans les années à venir, d'un montant équivalent à celui de la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui s'élève à 111 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 2000. Au terme de la réforme de la taxe professionnelle, seulement 40 % de cet impôt sera acquitté par les entreprises, les 60 % restant étant à la charge du contribuable national.

- l'évolution du produit des impôts directs locaux est déconnectée de l'évolution des taux . La liberté des collectivités locales en matière de vote des taux des impôts directs locaux a toujours été relative puisque l'article 1636 B septies du code général des impôts prévoit que les taux d'une collectivité ne peuvent pas s'écarter de plus de 2 % ou 2,5 %, selon l'impôt concerné, du taux moyen national. De plus, l'article 1636 B sexies du code général des impôts détermine les règles de lien entre l'évolution des différents impôts au sein d'une même collectivité.

Aujourd'hui, du fait de la multiplication des allégements de taxe professionnelle qui ne sont pas compensés par des dégrèvements 54( * ) et des modifications apportées à l'assiette de la taxe professionnelle, le système fiscal local perd de son sens lorsque la prise en charge d'un fraction croissante du produit de cet impôt par le budget de l'Etat et les modifications apportées à l'assiette de l'impôt local ne permettent plus au taux de déterminer le produit de l'impôt. En 1999, l'augmentation du produit des impôts locaux due à l'évolution des taux est de 0,7 %. Si l'on y ajoute le montant des compensations versées par l'Etat au titre des différents allégements de taxe professi+onnelle 55( * ) , l'augmentation totale du produit de la fiscalité locale s'élève à 4,2 %.

Par ailleurs, la référence aux quatre taxes traditionnelles devient de plus en plus inadaptée, notamment du fait de la montée en puissance des ressources tirées de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, dont le produit est trois fois supérieur à celui de la taxe foncière sur les propriétés non bâties.

Le système fiscal local est donc en très mauvais état. Pourtant, le maintien d'une fiscalité directe locale est une nécessité. D'abord, comme le souligne le rapporteur pour avis des crédits des collectivités locales au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, parce qu' " il est particulièrement dangereux pour la démocratie locale d'opérer une distinction entre le contribuable et l'électeur ". Ensuite, parce que les collectivités locales et les entreprises constituent les deux principaux acteurs du développement économique. A cet égard, la taxe professionnelle unique, qui conduit à une correction des écarts de richesse fiscale entre les communes d'un même espace économique et remédie à la concurrence fiscale entre elles, constitue une chance qu'il ne faut pas laisser passer.

b) " Déverrouiller " le système de financement local

Les difficulté de réformer en profondeur la fiscalité locale sont patentes mais, en réalité, c'est l'ensemble du système de financement des collectivités locales qui est " verrouillé ".

En d'autre termes, l'imbrication des différents dispositifs est telle qu'ils ne peuvent plus être modifiés qu'à la marge car toute réforme de plus grande ampleur aurait des conséquences sur l'ensemble du système.

Quatre exemples révélateurs de l'imbrication des dispositifs

La mise en place en 1996 d'une " enveloppe normée " des concours de l'Etat a eu pour effet de " solidariser " les évolutions des principales dotations de l'Etat aux collectivités locales. L'enveloppe normée étant une enveloppe fermée, toute revalorisation du montant d'une de ses composantes a pour conséquence de pénaliser le montant de la variable d'ajustement de l'enveloppe, la DCTP.

Par exemple, au sein de l'enveloppe, les concours de l'Etat au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP) et au fonds national de péréquation (FNP) évoluent comme les recettes fiscales nettes de l'Etat. Le taux d'indexation retenu par le projet de loi de finances pour 2000 est négatif (- 0,316 %) car le gouvernement ne tient pas compte du transfert du produit de certains impôts au financement de la sécurité sociale. A structure constante, les recettes fiscales de l'Etat progressent de plus de 3 %. Le choix du gouvernement est donc contestable, mais sa contestation serait contre-productive car une revalorisation de l'indexation des concours de l'Etat au FNPTP et au FNP aurait pour conséquence de réduire le montant de la DCTP ;

Le régime de la fiscalité locale de France Télécom limite les marges de manoeuvre des élus locaux dans la réalisation de leur revendication de voir le produit de cette fiscalité bénéficier aux budgets locaux. En effet, le produit de la fiscalité locale de France Télécom est pour partie affecté au budget général, et pour partie consacré au FNPTP. Par conséquent, l'assujettissement de France Télécom au droit commun de la fiscalité locale aurait pour conséquence de réduire les ressources du fonds. En outre, l'article 1635 sexies du code général des impôts prévoit que la fraction du produit de la fiscalité locale de France Télécom qui alimente le budget général sert à financer la DCTP. Cette disposition n'a pas de conséquences depuis 1996 puisque le montant de la DCTP résulte désormais de la différence entre le montant des dotations qui composent l'enveloppe normée et celui de l'enveloppe normée elle-même. Mais, si le système de l'enveloppe normée disparaissait un jour, un éventuel assujettissement de France Télécom au droit commun de la fiscalité locale pourrait avoir des conséquences sur le montant de la DCTP ;

La loi de finances pour 1999 prévoit que les pertes de DCTP enregistrées entre 1998 et 1999 sont compensées intégralement aux communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine (DSU) et à la dotation de solidarité rurale (DSR) par le biais du FNPTP. Cette disposition accroît le montant des charges du FNPTP. Pourtant, c'est le FNP qui a été abondé pour compenser le coût de cette augmentation de charges. Cette manoeuvre est logique, car les ressources du FNP proviennent du solde du FNPTP. Elle illustre cependant le caractère illisible du système de financement des collectivités locales ;

Les orientations du gouvernement conduisent à un mélange des genres entre dotations de l'Etat et compensations de ressources fiscales, puisque les compensations de suppressions d'impôts locaux sont désormais indexées sur le taux de progression de la DGF. Aujourd'hui, lorsque l'on débat de l'indexation de la compensation de la réforme de la taxe professionnelle, les thèmes abordées ne concernent plus l'évolution des bases et des taux de cet impôt, mais portent sur les règles de calcul de la DGF (le recalage de sa base, la régularisation de son montant). Au terme de la réforme, la compensation est d'ailleurs appelée à se fondre dans la DGF, selon des modalités encore inconnues.

Le système de financement des collectivités locales présente désormais les caractéristiques suivantes :

- au niveau local, les élus ne peuvent pas suffisamment agir sur leurs recettes fiscales, qui proviennent d'impôts dénaturés ;

- sur le plan national, les parlementaires qui souhaiteraient apporter des modifications à l'architecture ou à l'indexation des concours de l'Etat aux collectivités locales se heurtent à l'imbrication des dispositifs.

Les collectivités locales sont aujourd'hui mises devant le fait accompli. Il est plus que jamais nécessaire de " déverrouiller " leur système de financement.

2. Le budget 2000 : aller au delà du " service minimum "

La présentation, lors de la séance du comité des finances locales tenue le 14 septembre 1999, des dispositions relatives aux finances locales dans le projet de loi de finances pour 2000 par le ministre de l'intérieur et le secrétaire d'Etat chargé du budget, avait provoqué une réaction négative des membres du comité, toutes tendances politiques confondues.

Lors de la discussion à l'Assemblée nationale de la première partie du présent projet de loi de finances, le gouvernement a présenté, ou accepté, des amendements revalorisant les montants de certains concours de l'Etat aux collectivités locales.

Les modifications au projet initial du gouvernement ont été nombreuses, et ont permis de contenir la fronde naissante au sein de la majorité de l'Assemblée nationale.

En réalité, les modifications apportées portent sur des montants moins importants que ne le laisse entendre le gouvernement et permettent, soit de corriger les effets pervers de la réforme de la taxe professionnelle, soit d'accroître le montant de dotations qui, sinon, aurait stagné en francs courants, donc baissé en francs constants.

a) Mettre fin au sous-dimensionnement de l'enveloppe normée

Lors de son audition par votre commission des finances, le 2 novembre 1999, le ministre de l'intérieur a considéré que, dans le projet de loi de finances pour 2000, " l'effort supplémentaire de l'Etat en faveur des collectivités locales s'élevait à 1.875 millions de francs ".

Cette présentation, largement développée par le gouvernement et les parlementaires qui le soutiennent, est contestable car, d'une part, le ministre ne ne précise pas où s'ajoutent ces 1.875 millions de francs et, d'autre part, ce montant apparaît fantaisiste dès lors que l'on procède à un recensement des dispositions du projet de loi de finances relatives aux collectivités locales.

Le montant des concours de l'Etat en faveur des collectivités locales dans le projet de loi de finances pour 2000 résulte largement de l'application aux différentes dotations de taux d'indexation prévus par la loi. C'est le cas pour les dotations qui composent l'enveloppe normée, le montant de la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) résultant quant à lui du taux d'indexation de l'enveloppe normée elle-même, déterminé par l'article 57 de la loi de finances pour 1999.

Outre les règles d'évolution mécanique des dotations, les concours de l'Etat progressent également en application de différents textes. Ainsi, l'article 57 de la loi de finances pour 1999 dispose que le montant de la DSU est majoré de 500 millions de francs par an pendant les trois année d'application du contrat de croissance et de solidarité (1999 , 2000 et 2001). De même, la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale prévoit que le montant de la dotation d'intercommunalité (la DGF des structures intercommunales) bénéficie d'un abondement de 500 millions de francs par an de 2000 à 2004.

Dès lors, " l'effort supplémentaire " de l'Etat en faveur des collectivités locales se résume aux dispositions suivantes :

- un abondement de 200 millions de francs de la dotation d'aménagement de la DGF, destiné à atténuer les conséquences de la prise en compte des résultats du recensement général sur le montant de la DSU et de la DSR ;

- un abondement de 500 millions de francs de la DSU, qui permettra à cette dotation de progresser de 16 % en 2000 au lieu, comme l'avait initialement prévu le gouvernement, de stagner 56( * ) ;

- la revalorisation de 276 millions de francs du montant de la compensation versée aux collectivités locales en contrepartie de la suppression progressive de la part " salaires " de la taxe professionnelle.

L'effort supplémentaire de l'Etat est donc inférieur à 1 milliard de francs, et ne s'élevait qu'à 200 millions de francs dans la version initiale du projet de loi de finances pour 2000.

Les arguties relatives au montant de l'effort de l'Etat en faveur des collectivités locales ne manquent pas de surprendre si l'on se remémore les arguments invoqués en faveur de la création d'une enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités locales. Le système de l'enveloppe normée devait en effet reposer sur l'acceptation par les collectivité de la fixation d'un " plafond " au montant des dotations de l'Etat en échange de la prévisibilité et de la lisibilité pluriannuelle de l'évolution de leurs ressources.

Il apparaît aujourd'hui que, pour fonctionner, un tel système n'est viable que si le " plafond " est suffisamment élevé. Dans l'actuel contrat de croissance, il est manifestement trop bas et, pour que le système de financement des collectivités locales puisse continuer de fonctionner, le gouvernement est contraint de " colmater les brèches " et de multiplier les " avenants " au contrat de croissance et de solidarité, c'est-à-dire de recourir de manière systématique à la pratique des abondements exceptionnels de certaines dotations de manière à compenser les conséquences négatives sur leur montant de l'application du droit commun.

Les dispositions du projet de loi de finances pour 2000 marquent également les limites du mode de calcul et de l'organisation interne de la principale dotation de l'Etat aux collectivités locales, la DGF :

- en 2000, la dotation forfaitaire de la DGF augmentera fortement, en raison de la prise en compte des résultats du recensement dans le calcul des attributions aux communes, ce qui provoquera, puisque la DGF est une enveloppe fermée, une baisse du montant de la dotation d'aménagement de la DGF ;

- la dotation d'aménagement comprend la DGF des structures intercommunales et les dotations de solidarité, la DSU et la DSR. Pour éviter de pénaliser ces dotations, le gouvernement prévoit d'abonder la dotation d'aménagement de 200 millions de francs ;

- en outre, pour éviter que, au sein de la dotation d'aménagement, l'augmentation du montant de la DGF des structures intercommunales ne pénalise la DSU et la DSR, la loi du 12 juillet 1999 prévoit que le montant de la dotation d'intercommunalité est majoré de 500 millions de francs par an ;

- comme la majoration de 200 millions de francs de la dotation d'aménagement et de 500 millions de francs de la DGF des structures intercommunales ne permettent pas à la DSU et à la DSR d'augmenter, il est alors prévu d'abonder la DGF de 500 millions de francs supplémentaires et de prélever 150 millions de francs sur le FNPTP pour permettre à la DSR de progresser.

La nécessité de multiplier les abondements témoigne du sous-dimensionnement des enveloppes consacrées par l'Etat aux collectivités locales 57( * ) et du caractère restrictif des taux d'indexation des concours de l'Etat aux collectivités locales, qui sont des indices composés du taux d'évolution prévisionnelle des prix et d'une fraction du taux de croissance du produit intérieur brut. L'évolution de ces indices n'est absolument pas représentative de l'évolution des charges supportées par les collectivités locales, ce qui conduit le gouvernement à corriger leurs effets négatifs de manière à éviter l'asphyxie financière des collectivités locales.

Votre rapporteur général considère que le mode de calcul des dotations de l'Etat doit évoluer. Il convient dès aujourd'hui de travailler à l'élaboration d'un indice synthétique représentatif de l'évolution des charges des collectivités locales, sur lequel seraient indexées les dotations de l'Etat aux collectivités locales.

Dans l'attente de la réforme du taux d'indexation des dotations, il est nécessaire, pour les exercices 2000 et 2001, de revaloriser le montant de l'enveloppe normée, en portant à 50 % la fraction du taux de croissance du PIB prise en compte pour le calcul de son taux de progression.

b) Corriger les effets pervers de la réforme précipitée de la taxe professionnelle

La réforme de la taxe professionnelle opérée par la loi de finances pour 1999 a pris les élus locaux par surprise. Elle n'a en effet été précédée d'aucune concertation.

Les inconvénients de cette réforme avaient été mis en évidence par votre commission des finances dès la discussion de la loi de finances pour 1999. La première année d'application de la réforme les confirment. Il apparaît notamment que, d'une fait des mesures d'accompagnement de la réforme, et en particulier de l'augmentation des cotisations minimales et de péréquation, certaines entreprises, notamment les plus grandes, ne verront pas le poids de leur fiscalité allégé par la réforme. De plus, les collectivités locales dynamiques qui font des efforts pour attirer des entreprises et créer des emplois sur leur territoire sont pénalisées car leurs recettes fiscales ne prennent pas en compte ces créations d'emplois 58( * ) .

Les effets pervers sur le développement de la taxe professionnelle unique

Le caractère précipité de cette réforme a conduit le gouvernement à défendre, à six mois d'intervalle, deux projets contradictoires : la suppression de la part " salaires " de la taxe professionnelle, dans le cadre de la loi de finances pour 1999, et la promotion de la taxe professionnelle unique (TPU), dans le cadre de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale. La taxe professionnelle unique était déjà au coeur du projet de loi relatif à la coopération intercommunale présenté en 1997 par le précédent gouvernement.

La conjonction de ces deux réformes conduit aujourd'hui à construire l'intercommunalité à fiscalité intégrée sur une ressource tronquée. Pour permettre aux établissements publics de coopération intercommunale à TPU de bénéficier de ressources suffisantes pour l'exercice des compétences qui leur seront transférées par leurs communes membres, il a été admis que ceux-ci pourraient compléter les ressources qu'ils tireront de la taxe professionnelle en votant des taux additionnels à ceux de leurs communes membres pour les trois autres impôts directs locaux.

La suppression de la part " salaires " de la taxe professionnelle pourrait donc être à l'origine d'un alourdissement des prélèvements obligatoires, notamment ceux reposant sur les ménages, si les établissements publics de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique utilisaient tous leur faculté de recourir à la fiscalité mixte.

Les conséquences imprévues de la disparition des bases " salaires "

Le caractère pénalisant de la réforme de la taxe professionnelle pour les ressources des collectivités locales avait conduit votre commission, l'année dernière, à préconiser le remplacement de la compensation, proposée par le gouvernement et les députés, par un dégrèvement.

Le dégrèvement avait l'avantage de ne pas supprimer les bases " salaires ", mais simplement d'en transférer la charge des entreprises vers le budget de l'Etat. Cette solution permettait non seulement de faire évoluer les ressources des collectivités locales comme les anciennes bases salaires, mais également d'éviter un grand nombre d' " effets secondaires " de la réforme, liés précisément à la disparition d'une partie de l'assiette de la taxe professionnelle.

Votre rapporteur général soulignait à ce sujet les conséquences de la suppression des bases sur les potentiels fiscaux des communes et sur les seuils d'écrêtement au profit des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) des établissements exceptionnels 59( * ) .

En ce début de session 1999-2000, le gouvernement est, par deux fois, conduit à " revoir sa copie " et à corriger les effets pervers de sa réforme de la taxe professionnelle :

- le taux de progression de la compensation versée aux collectivités locales étant manifestement insuffisant, le gouvernement a été amené à accepter sa revalorisation de 0,821 % à 2,05 % (article 14 ter du projet de loi de finances pour 2000). Si le système de dégrèvement avait été retenu, cette question ne se serait pas posée puisque la compensation aurait été mécanique ;

- la disparition des bases " salaires " conduit à réduire le montant du prélèvement sur les communes " riches " de la région Ile-de-France au profit du fonds de solidarité de la région Ile-de-France (FSRIF) 60( * ) . En conséquence, le gouvernement a été contraint d'introduire, dans le projet de loi relatif à la prise en compte des conséquences des résultats du recensement sur la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales, une disposition visant à prendre en compte dans le calcul du potentiel fiscal des communes contributrices au FSRIF le montant de la compensation de la réforme de la taxe professionnelle 61( * ) .

Le gouvernement devait, en application de la loi de finances pour 1999, remettre au Parlement un rapport sur les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle. Ce rapport ne lui a pas encore été communiqué. Il conviendra de s'assurer que ce rapport évoque les conséquences de la réforme de la taxe professionnelle sur les seuils d'écrêtement des établissements exceptionnels.

La réforme de la taxe professionnelle opérée par la loi de finances pour 1999 se traduit donc par un allégement limité des charges des entreprises, un coût élevé pour le budget de l'Etat, une pénalisation des ressources des collectivités locales et l'apparition d'" effets secondaires " multiples. Le suivi de la mise de en oeuvre de la réforme, et des futures modalités d'intégration de la compensation de la taxe professionnelle dans la dotation globale de fonctionnement, reste plus que jamais indispensable.

CONCLUSION

Ce budget est celui des " occasions manquées ", dont votre commission espère qu'elles ne déboucheront pas sur des " illusions perdues ".

Désireux de perpétuer " l'exception française ", sans rénover sur le fond les méthodes de gestion de l'Etat tout en profitant d'une bonne conjoncture économique, le gouvernement s'est engagé dans la voie de la facilité, au mépris des risques potentiels pesant sur la société française et au premier chef sur l'avenir des générations futures.

Face à ce constat, et eu égard aux limites dans lesquelles est insérée son action, votre commission des finances souhaite, elle, traduire en actes ses intentions. En effet, la politique budgétaire est une affaire de choix, de priorités et ne doit pas se réduire à constater.

Elle vous proposera donc, afin de diminuer le poids des prélèvements obligatoires, de supprimer dans la première partie du présent projet de loi de finances les principales mesures d'aggravation injustifiée de la fiscalité, en étant consciente néanmoins du fait que celles-ci se trouvent également, et fort opportunément pour le ministre de l'économie, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Votre commission vous demandera également, lors de l'examen de la seconde partie, de rejeter les budgets ne répondant pas aux préconisations qu'elle a déjà émises, depuis plus de deux ans, et que le gouvernement se refuse obstinément à appliquer :

Elle vous demandera pour cela d'adopter une démarche qualitative face à la dépense publique, même si cet exercice est très fortement contraint par les dispositions de l'ordonnance organique de 1959, puisqu'il s'agit non seulement de juger les crédits futurs mais également la gestion en cours. S'il est nécessaire de dépenser moins, il faut également dépenser mieux. Votre commission souhaite donc adresser un message clair au gouvernement en rejetant les crédits des ministres dont elle ne partage pas les choix fondamentaux et dont les administrations n'ont pas entrepris les efforts nécessaires pour améliorer leur gestion ou rationaliser leurs structures.

De même elle s'opposera à la hausse des dépenses quand elles correspondent à des charges de gestion courante, de fonctionnement ou d'intervention.

Elle ne refusera pas systématiquement certaines augmentations, lorsqu'elles concernent des dépenses de souveraineté, des budgets régaliens ou sont destinées, telles les dépenses d'investissement, à préparer l'avenir. En revanche, elle préconisera le rejet des crédits insuffisants pour préparer l'avenir : les ministères négligent les investissements, les dépenses de souveraineté sont en baisse.

Ainsi en effet, pourrait être réduit significativement le niveau du déficit budgétaire, et mise en oeuvre une politique durable de diminution du poids de la dette publique, seule en mesure de préparer l'avenir.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une séance tenue dans la matinée du mercredi 10 novembre sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission a procédé à l'examen des principaux éléments de l'équilibre du projet de loi de finances pour 2000, sur le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général.

Le rapporteur général s'est tout d'abord intéressé aux éléments de cadrage macro-économique, indiquant que le Gouvernement prévoyait une croissance en volume du produit intérieur brut (PIB) de 2,8 %, et rappelant que l'année passée, la croissance attendue s'élevait à peu près au même niveau (+ 2,7 %) mais que le " trou d'air " provoqué par la crise asiatique dans les économies européennes avait provoqué une diminution de la croissance, qui devrait être, finalement, de 2,3 %.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a jugé qu'une croissance du PIB de 2,8 % en volume était un objectif élevé, mais réalisable sous deux conditions. Il a mentionné d'une part, la stabilité de l'environnement économique international, et, d'autre part, la poursuite de la croissance de la demande intérieure.

Abordant le contexte économique mondial, il a jugé probable la poursuite de la croissance aux Etats-Unis, même s'il existe un débat sur une éventuelle décélération de la croissance (" soft-landing "). Certains économistes, a-t-il noté, pensent que ce " soft-landing " n'aura pas lieu, mais ce point reste en débat.

Il a ensuite évoqué la situation économique du Japon. Le contexte économique japonais est celui d'une légère croissance, mais l'économie japonaise est une économie fragile, a-t-il estimé, relevant deux faiblesses structurelles notables : d'une part, le déficit public proche de 10 points de PIB, d'autre part, la dette publique, qui a dépassé les 100 points du PIB. Il a enfin rappelé que le Japon était particulièrement tributaire du niveau mondial des taux d'intérêt ainsi que des cours boursiers.

Sur le plan national, il a estimé que le regain de croissance pouvait être confirmé, mais il a regretté que certains obstacles structurels obèrent la croissance, citant notamment les rigidités du marché du travail et la situation, toujours problématique, des finances publiques en France.

A propos du déficit budgétaire, qui devrait diminuer de 0,3 point de PIB cette année, le rapporteur général a souligné qu'il s'agissait là d'une baisse " optique ", et a estimé que, compte tenu de la croissance attendue pour 2000, il aurait été possible de diminuer le déficit budgétaire de façon plus nette, sans effort supplémentaire.

Il a notamment fait remarquer que le déficit prévu par la loi de finances pour 1999 avait été réduit, en exécution, selon les chiffres communiqués par le Gouvernement, de 70 milliards de francs au 30 septembre 1999, alors que la baisse des déficits entre la loi de finances pour 1999 et la loi de finances pour 2000 se limitait à 20 milliards de francs. De même, il a regretté que la partie structurelle du déficit n'ait que faiblement été réduite contrairement au déficit conjoncturel, en raison du niveau actuel de progression du PIB.

Par ailleurs, il a estimé que les recettes fiscales étaient volontairement minorées par le Gouvernement. Le rapporteur général a en effet estimé leur excédent à un minimum de 30 à 40 milliards de francs pour 2000, contrairement à l'estimation basse fournie par le Gouvernement pour lequel l'excédent ne dépasserait pas 6 milliards de francs.

Evoquant les déficits publics français, il a souligné que la France continuait à se mal classer par rapport à la zone Euro et que de surcroît, elle avait dépassé en 1999 le plafond de 60 % de dette publique par rapport au PIB, tel que défini dans le Traité sur l'Union européenne.

Il s'est ensuite inquiété de l'absence de réformes de structure, évoquant l' " exception française " qui se caractérisait notamment par le maintien d'un déficit de fonctionnement élevé de sorte qu'en 2000, près de 50 milliards de francs de dépenses courantes seraient financées par l'emprunt et donc, de facto, par les générations futures. Il a par ailleurs évoqué l'impact des mesures décidées par le Gouvernement telles que celle relative aux emplois-jeunes, dont le coût s'élèvera à 24 milliards de francs en 2000 et à près de 33 milliards de francs en année pleine.

En outre, il a relevé que les dépenses de la fonction publique n'étaient pas maîtrisées, rappelant qu'elles mobilisaient 40 % du budget de l'Etat, et s'est alarmé de leur augmentation de 3,4 % par rapport à 1999, ce qui représentait 22,5 milliards de francs de dépenses supplémentaires alors que l'ensemble des dépenses du budget général ne devait progresser que de 15 milliards de francs.

Puis il a évoqué ce qu'il appelait le théorème de " Dominique Strauss-Kahn " et selon lequel, si les impôts diminuaient, les prélèvements obligatoires continuaient de progresser.

Il a rappelé que, selon le Gouvernement, les baisses d'impôt s'élèveraient à 39 milliards de francs en 2000, dont environ 20 milliards au titre de l'application du taux réduit de la TVA aux travaux dans les logements. Concernant cette mesure, il a tenu à exprimer quelques réserves. Il s'est tout d'abord demandé si les entreprises répercuteraient intégralement cette baisse de la TVA sur leurs factures. Il a exprimé un doute quant au caractère redistributif de la mesure, estimant qu'elle bénéficierait surtout aux ménages les plus aisés. Enfin, il s'est demandé si la baisse de la TVA était le choix le plus pertinent en matière d'utilisation des dépenses fiscales.

Par ailleurs, le rapporteur général a souligné les liens étroits qui unissent le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il a estimé que les prévisions de recettes pour 2000 étaient affectées par l'importance des transferts opérés en faveur de la sécurité sociale. Il a relevé que les prélèvements des entreprises augmentaient en 2000, notamment en raison de la taxe générale sur les activités polluantes, qu'il a estimé détournée de son objectif premier, la qualifiant d'" impôt de rendement ".

Il a souligné le niveau record atteint par les prélèvements obligatoires en France de sorte que, avec un niveau égal à 45,3 % du PIB en 1999, la France était la plus mal classée au sein de la zone Euro.

Il a rappelé les préconisations formulées par la commission des finances lors du débat d'orientation budgétaire, et a regretté que le Gouvernement n'en ait pas tenu compte lors de l'élaboration du projet de loi de finances.

A ce titre, il a rappelé qu'il lui apparaissait indispensable de mettre en place une vraie diminution des prélèvements obligatoires, ainsi qu'un meilleur contrôle de la dépense publique. Il ne s'agissait pas en effet forcément de dépenser moins, a-t-il souligné, mais également de dépenser " mieux ". Enfin, il s'est prononcé en faveur d'une diminution plus sensible du déficit budgétaire, pleinement compatible avec le niveau actuel des rentrées fiscales.

De façon générale, il a tenu à souligner que le Gouvernement continuait à bénéficier du regain actuel de croissance, soit de facteurs exogènes, lui permettant de " boucler " son budget, sans pour autant réaliser les nécessaires réformes de structure attendues par la société française, telles que la réforme de l'Etat, des retraites et du financement social.

Le rapporteur général s'est ensuite interrogé sur les moyens dont dispose le Parlement pour faire entendre sa voix et donner un contenu concret à ses préconisations.

Il a ainsi estimé que l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, nonobstant ses vertus intrinsèques, rendait l'exercice de réécriture du budget plus formel que lisible, puisqu'on ne pouvait pas réaffecter une dépense ou baisser globalement le niveau de la pression fiscale.

En outre, le rapporteur général a estimé qu'il était indispensable d'élaborer un budget consolidé de la Nation, comprenant à la fois le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. A défaut, la présentation de comptes consolidés était nécessaire afin d'avoir une vision claire et globale des finances publiques françaises et donc de permettre au Parlement d'exercer pleinement son rôle constitutionnel.

En conclusion, il a jugé que le rejet de certains fascicules budgétaires constituerait un message clair, adressé tant au Gouvernement qu'à l'opinion.

De ce fait, il a énoncé les trois critères permettant de déterminer si un budget devait faire l'objet d'un rejet. Le premier critère consiste à évaluer l'effort de rationalisation de la gestion du département ministériel. Le second consiste à s'opposer à la hausse des dépenses de gestion courante, qu'il s'agisse de dépenses de fonctionnement ou d'intervention. Le troisième critère concerne les dépenses de souveraineté ou d'investissement, dans la mesure où leur hausse n'est pas forcément " mauvais signe ", puisque ces dépenses permettent de préparer l'avenir, a estimé le rapporteur général.

Il appartient donc à chaque rapporteur spécial d'émettre les propositions dans le cadre ainsi fixé.

Après s'être inquiété des phénomènes de délocalisation ou de fuite de la matière imposable à l'étranger, M. Philippe Marini, rapporteur général, a donc demandé au Gouvernement d'utiliser les marges de manoeuvres fiscales dont il disposait aujourd'hui pour résoudre les problèmes structurels auxquels il était confronté, et d'agir pour que la croissance soit réellement mise à profit pour assainir les finances publiques, en vue d'années éventuellement plus difficiles.

M. Jean-Philippe Lachenaud a félicité le rapporteur général pour la clarté de son exposé. Il a ensuite fait plusieurs remarques.

Il a tout d'abord souligné que la présentation habile du projet de loi de finances pour 2000, par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, ne résistait pas à l'examen des faits, à savoir l'importance de la hausse des prélèvements obligatoires et le maintien, à des niveaux élevés, des déficits et de la dette publics.

Il a déclaré que la distinction entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale devenait absurde, et qu'il convenait de réfléchir à une réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, dont l'esprit était de retracer, dans un document unique, l'ensemble des ressources et des charges de l'Etat, et qui ne répondait plus désormais à son objet. Il a ajouté qu'une telle réforme se justifiait d'autant plus que le Parlement ne pouvait, sauf à transgresser les dispositions de l'ordonnance organique, procéder à des amendements nécessaires sur le projet de loi de finances, comme des réallocations de crédits.

Enfin, s'agissant des critères qui guideraient les propositions de vote de la commission sur les fascicules budgétaires, il les a approuvés dans leur ensemble, tout en regrettant que la notion de " budget régalien " n'apparaisse plus, et en souhaitant que chacun des budgets soit examiné strictement à l'aune des critères énoncés par le rapporteur général.

M. Maurice Blin a félicité le rapporteur général pour la pertinence de ses propos. Il a fait trois observations.

Il a tout d'abord noté que les engagements de l'Etat, hors budget, se multipliaient, à l'image du fonds spécial pour le financement des trente-cinq heures, et que les confusions entre le budget de l'Etat et les crédits de la sécurité sociale rendaient encore plus complexe le suivi de la politique budgétaire.

En second lieu, il a considéré que le projet de loi de finances pour 2000 ne préparait pas l'avenir, et ne permettait pas de faire face à un éventuel retournement de la croissance économique. A ce titre, il s'est alarmé de l'absence de toute réforme en matière de retraites.

Enfin, il a fait remarquer que le Gouvernement se félicitait de la reprise du marché de l'emploi, mais a noté que le système d'indemnisation du chômage, trop généreux par rapport aux revenus tirés de l'activité, créait une désincitation à l'activité professionnelle. Soulignant les insuffisances du revenu minimum d'insertion, il a encouragé le rapporteur général à poursuivre ses réflexions sur le " revenu minimum d'activité " (RMA).

M. René Ballayer a adressé ses félicitations au rapporteur général pour son exposé. Tirant enseignement de son expérience personnelle, en tant qu'ancien chef d'entreprise, il s'est étonné que l'Etat puisse continuer à emprunter pour payer des dépenses de fonctionnement courant, alors même que la croissance économique était forte.

Mme Maryse Bergé-Lavigne a déclaré que la présentation du projet de loi de finances pour 2000 intervenait dans un excellent contexte économique, marqué notamment par une diminution du taux de chômage, une bonne santé des entreprises et un record de capitalisation pour les marchés boursiers. Notant que le rapporteur général avait parlé de baisse optique du déficit budgétaire, elle a estimé que la présentation faite de la hausse des prélèvements obligatoires relevait également d'un tel effet d'optique.

Mme Marie-Claude Beaudeau a noté que le rapporteur général proposait de réduire davantage le déficit budgétaire, ce que le projet de loi de finances réalisait déjà. Elle a souligné la nécessité de satisfaire les besoins collectifs, avant de proposer de réduire la pression fiscale. Elle a ajouté qu'il convenait de poser deux questions essentielles, à savoir tout d'abord, qui contribuait à l'impôt, et ensuite, qui bénéficiait de la redistribution des sommes prélevées. Concernant les contributeurs de l'impôt, elle a noté que le produit de l'impôt sur le revenu avait fortement progressé en 1999, mais que certaines dispositions fiscales visaient à alléger les charges sur les ménages aisés. S'agissant de la redistribution des sommes prélevées, elle a estimé que des crédits supplémentaires accordés aux bénéficiaires des minima sociaux auraient un impact direct sur l'activité économique, puisque ces sommes seraient immédiatement transformées en consommation, et non en épargne.

M. Roland du Luart s'est déclaré très satisfait de l'exposé du rapporteur général. Il a souscrit à l'objectif de réduction des prélèvements obligatoires, en indiquant que les réponses du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur ce sujet étaient insuffisantes. Il a souhaité que le Gouvernement précise le nombre de contribuables français qui, du fait de la pression fiscale, avaient quitté le territoire national. A ce sujet, il s'est interrogé sur la possibilité de revenir sur la limitation des effets du plafonnement en matière d'impôt de solidarité sur la fortune. Enfin, il s'est inquiété du sort de certaines personnes âgées qui, vivant en grande partie de la rémunération de leur capital, devaient supporter une imposition parfois supérieure aux revenus qu'elles en tiraient.

M. Jacques Oudin a salué l'exposé du rapporteur général. Il a souhaité le compléter sur trois points.

Tout d'abord, il a souligné la hausse des dépenses de fonctionnement et la diminution parallèle des dépenses d'investissement, alors même que les premières représentaient la gestion du quotidien et les secondes la préparation de l'avenir.

Ensuite, il a détaillé les dépenses de fonctionnement : les dépenses de fonction publique tout d'abord, pour lesquelles il existait des possibilités de redéploiement, les dépenses d'aides à l'emploi ensuite, qui poursuivaient leur augmentation même en période de croissance, les aides aux " délaissés ", et les subventions d'équilibre à divers organismes.

Puis M. Jacques Oudin a relevé l'échec des pouvoirs publics pour développer l'activité économique, en observant que le nombre de salariés du secteur marchand en France était inférieur à la moyenne de l'Union européenne, la Grande-Bretagne comptant ainsi 3 millions de salariés de plus que la France. Il a ajouté que le taux de chômage français était encore très supérieur à la moyenne européenne.

Enfin, il a souligné les liens entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il a rappelé que les recettes et dépenses passaient de l'un à l'autre texte, alors même que ces deux lois ne présentaient pas la même structure et ne répondaient pas aux mêmes obligations : autant la loi de finances, qui ouvrait des autorisations de dépenses, faisait l'objet d'un suivi rigoureux qui débouchait sur la loi de règlement, autant la loi de financement de la sécurité sociale, qui ne fixait qu'un " objectif " de dépenses, ne donnait lieu à aucun contrôle a posteriori du Parlement.

M. Alain Lambert, président, a déclaré approuver entièrement les options prises par le rapporteur général. Il s'est inquiété du fait que le projet de loi de finances ne tenait aucun compte de l'avenir, et continuait à faire porter sur les générations futures, par le biais de l'emprunt, les dépenses actuelles.

Reprenant les termes employés par Mme Marie-Claude Beaudeau, il a estimé que les besoins collectifs devaient effectivement être satisfaits, mais qu'il fallait, dans un contexte de croissance retrouvée, songer aux besoins des générations à venir. Il a demandé au rapporteur général s'il croyait que le Gouvernement avait vraiment la maîtrise de la croissance économique, qui lui permettrait de se garantir contre un retournement de conjoncture, de même nature que celui de 1992-1993.

Enfin, il a déclaré partager, comme tous ses collègues, des préoccupations sociales, mais s'est alarmé du poids pris par les rémunérations de la fonction publique dans le total des dépenses publiques, à savoir 40 %.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a remercié tous les intervenants. A M. Jean-Philippe Lachenaud, il a rappelé que les décisions déjà prises par la commission sur certains fascicules budgétaires l'avaient été en conformité avec les critères qu'il avait exposés dans son exposé général. S'agissant des crédits de la défense, dont la commission a préconisé le rejet, il a rappelé que la loi de programmation militaire n'était pas respectée en matière d'investissements, ce qui compromettait l'avenir. Concernant les crédits de la recherche, il a noté l'opacité de la présentation budgétaire et les inquiétudes relatives aux investissements dans les grands équipements à caractère scientifique. Enfin, pour l'enseignement supérieur, il a relevé que les efforts d'évaluation de la dépense étaient insuffisants et que les dysfonctionnements du système d'enseignement nécessitaient de s'interroger sur une meilleure allocation des ressources publiques en faveur de l'éducation.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite approuvé les propos tenus par M. Jacques Oudin, s'agissant notamment de la dichotomie croissante entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il a observé que le cadre fixé par l'ordonnance du 2 janvier 1959 avait éclaté et qu'il convenait désormais de le rebâtir. Il a souhaité que la réflexion sur la réforme de l'ordonnance organique de 1959 constitue un des axes de travail essentiels pour la commission des finances en l'an 2000.

En réponse à M. Maurice Blin, il a indiqué que la forte croissance économique dans l'Union européenne permettait la diminution du chômage en France, mais qu'il restait à un niveau très élevé par rapport à d'autres pays, comme l'Allemagne, qui connaît, pour sa partie ouest, un taux de chômage d'environ 7 à 8 %. Il a regretté que les crédits pour les prestations d'assistance aient progressé de 30 % en quatre ans, alors même que la croissance était vive, ce qui témoignait d'une mauvaise prise en compte du phénomène de l'exclusion. Il en a conclu que la lutte contre l'assistanat devenait un enjeu politique fondamental, thème qui pourrait être examiné par la commission des finances en l'an 2000, en concertation avec la commission des affaires sociales, au travers notamment de la mise en place d'un " revenu minimum d'activité " (RMA).

Il a ensuite approuvé les propos tenus par M. René Ballayer, en ajoutant qu'il était plus que nécessaire de se préoccuper des générations futures, et de ne pas hypothéquer leur avenir.

Il a pris acte des remarques formulées par Mme Maryse Bergé-Lavigne, tout en notant que son point de vue divergeait de celui de la majorité de la commission.

A Mme Marie-Claude Beaudeau, il a répondu que la satisfaction des besoins collectifs et la revalorisation des minima sociaux constituaient deux éléments d'un véritable débat de société. S'agissant de la distinction entre ceux qui contribuent à l'impôt et ceux qui bénéficient de la redistribution, il l'a alors invitée à s'interroger sur les véritables bénéficiaires de l'abaissement de la TVA sur les logements, qui seraient d'abord, à en croire les études économiques, les ménages aisés. Il a ajouté que les entreprises, qui ont encore un sens civique, pourraient le perdre progressivement, eu égard aux contraintes toujours croissantes de l'environnement international, et au poids des prélèvements obligatoires en France.

En réponse à M. Roland du Luart, il a indiqué que la limitation du plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune avait été une grave erreur, d'ailleurs dénoncée à l'époque par la commission des finances du Sénat, et qu'il devrait proposer d'y remédier sous la forme d'un amendement au projet de loi de finances. S'agissant des revenus patrimoniaux des personnes âgées, il s'est félicité que les marchés financiers se portent bien, ce qui permettait de maintenir une rémunération de l'épargne pour les petits contribuables.

En réponse à M. Alain Lambert, président, il a fait observer la relativité du pouvoir des gouvernements. Il a rappelé la situation économique du Japon, qui faisait peser un risque réel de déstabilisation sur l'ensemble des économies et des marchés financiers américains, européens et mondiaux. Il a cité l'exemple de la crise du fonds " long term credit management " (LTCM), qui avait nécessité la mobilisation d'une grande partie de la communauté financière internationale.

Mme Maryse Bergé-Lavigne a indiqué qu'elle ne pensait pas que les Etats seraient bientôt relégués au second plan pour la gestion des crises financières. Prenant l'exemple du Japon, elle a noté que le sauvetage du système bancaire japonais avait été en grande partie l'oeuvre des pouvoirs publics, ce qui pouvait pour partie expliquer le niveau de la dette publique japonaise. Elle a déclaré que l'ouverture prochaine des négociations dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) nécessiterait l'intervention forte des Etats.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a approuvé cette intervention, notamment quant au rôle éminent que devait jouer l'Etat, tout en ajoutant qu'il croyait davantage à un Etat régulateur du marché qu'à un Etat administrateur, c'est-à-dire, désireux de se substituer au marché.



1 Données non révisées.

2 - 0,4 point de PIB en 1998.

3 Ou bien, pour les secteurs abrités, au détriment de la stabilité des prix.

4 En outre, la projection ne tient pas compte des coûts de réorganisation des entreprises estimés à 2 % de la masse salariale dans une simulation de l'OCDE (cf. Etudes économiques de l'OCDE, France, 1999).

5 Le reliquat, soit 15,4 milliards de francs, correspond à l'effet en 2000 de mesures déjà votées.

6 Il indiquait également que : " dans ces conditions, il est normal que le discours que vous avez tenu ait consisté à critiquer le budget par tous les bouts. Mais chacun est à même d'en voir la réalité, la maîtrise de la dépense publique, la baisse du déficit pas exagérée mais mesurée et progressive , pour maintenir la croissance qui est là ".

7 Hors effet de structure, il convient, en effet, de réintégrer 33,6 milliards de francs de recettes au sein du budget général.

8 Ainsi, le rapporteur général de l'Assemblée nationale relevait à ce propos : " Dans l'absolu, votre rapporteur général ne peut manquer d'éprouver une certaine gêne, au vu des masses ainsi déplacées, qui révèlent une grande -trop grande- instabilité des modes d'imputation budgétaire de certaines dépenses ou recettes ".

9 Celui-ci est, au vu des exercices budgétaires antérieurs, estimé par votre commission à un montant minimal de 30 à 40 milliards de francs par rapport aux prévisions de la loi de finances pour 1999.

10 Titre I (hors dépenses et recettes d'ordre).

11 Dans le rapport économique, social et financier pour 1999, figure page 144 un graphique de grand format en couleurs accompagné d'indications chiffrées qui sont ici reprises. Curieusement, le même rapport pour 2000, malgré les améliorations apportées à sa présentation d'ensemble, ne contient, page 198, qu'un graphique de petite taille, sans plus de précisions. Le tableau chiffré à partir duquel a été tracé ledit graphique n'a au surplus pas été communiqué à votre commission qui n'est donc pas en mesure d'actualiser les chiffres du gouvernement.

12 Le solde primaire correspond à la différence entre les recettes et les dépenses (hors prise en compte de la charge de la dette sous forme d'intérêts). Lorsque ce solde devient excédentaire, cela signifie que l'Etat n'emprunte plus pour financer les intérêts de sa dette.

13 Exprimée en nouvelle base de comptes nationaux (SEC 95).

14 Elle constituait 91,36 % en 1998 de la dette de l'Etat et sa part au sein de celle-ci continue de s'accroître.

15 Rapport d'information, 27 janvier 1999, page 160, XI ème législature.

16 In JO Questions Sénat, 29 juillet 1999, page 2576.

17 Réseau ferré de France.


18 Il convient de relever que l'accroissement, dans la nouvelle base 1995 du montant de la dette publique au sens de Maastricht, qui est de 60,3 % du PIB en 1998, est dû à l'intégration des structures de défaisance publiques, dont EPFR et CDR, dans le secteur des ODAC.

19 Sur l'ensemble de ces questions, on se reportera à l'avis présenté par M. Jacques Oudin, au nom de la commission des finances du Sénat.

20 " Des intentions aux faits " (n° 437 ; 1998-1999).

21 Le rapporteur général de l'Assemblée nationale indiquait à ce titre que, " on ne peut manquer d'éprouver une certaine gêne, au vu des masses ainsi déplacées, qui révèlent une grande - trop grande - instabilité des modes d'imputation budgétaire de certaines dépenses ou recettes "...

22 Décisions DC n° 94-351 du 29 décembre 1994 et DC n° 97-395 du 30 décembre 1997.

23 Centre national de la recherche scientifique.

24 Institut national de la santé et de la recherche médicale.

25 Institut national de la recherche agronomique.

26 A titre de comparaison, la progression des dépenses du budget général en 2000 est de 15 milliards de francs !

27 Celle-ci vient donc, de facto, se substituer à la surtaxe temporaire d'impôt sur les sociétés, précédemment supprimée !

28 Hors fonds de concours.

29 Si l'on prend directement les évaluations de recettes fiscales nettes en juillet 1999 en les extrapolant par rapport aux évolutions de 1998, on obtient des recettes fiscales nettes fin 1999 à 1.567,7 milliards de francs, soit des recettes supplémentaires en fin d'année de 27 milliards de francs, ce qui se trouve bien dans la fourchette retenue (20 à 34 milliards de francs).

30 Celle-ci devant toutefois être remplacée par la nouvelle contribution sociale sur les bénéfices des sociétés, dont le produit, à terme, devrait s'élever à 12,5 milliards de francs.

31 A noter que notre collègue Jean-Pierre Brard a reconnu, dans son rapport sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, intitulé " retrouver l'égalité devant l'impôt " (n° 1802 ; XI° législature) que les mesures prises par le gouvernement lors de la loi de finances pour 1999 avaient conduit plusieurs centaines de titulaires de grande fortune à transférer leur domicile fiscal à l'étranger.

32 Sur l'ensemble de ces aspects, on se reportera au rapport de M. Alain Lambert " Euro 1999 " - (n° 382 ; 1997-1998).

33 In Rapport économique, social et financier pour 1999 - page 145.

34 Eu égard aux méthodes de calcul retenues, les évaluations en valeur absolue retenues par l'OCDE diffèrent de celles du gouvernement. L'appréciation relative du niveau des déficits structurels et de leur variation implique cependant, nécessairement, une approche comparatiste, reposant sur des méthodes communes d'appréciation que seule l'OCDE semble en état de mettre en oeuvre.

35 Ce que souligne d'ailleurs le rapporteur général à l'Assemblée nationale : " on remarquera que le rythme d'assainissement prévu pour la France en 1999 et 2000 est nettement plus rapide que la moyenne communautaire ou de la zone euro , même si le déficit public français reste à un niveau moyen relativement plus élevé " .

36 " Une contribution au débat " (n° 483 ; 1998-1999).

37 En nouvelle base de comptes nationaux (SEC 95), il convient de rappeler que celle-ci s'élève à 60 % du PIB en 1997, 60,3% en 1998 et 60,5 % en 1999.

38 Crédit local de France - Dexia, note de conjoncture, juillet 1999.

39 Ministère de l'intérieur, bulletin d'informations statistiques (BIS) de la DGCL, octobre 1999.

40 Observatoire des finances locales, Les finances des collectivités locales en 1999, juillet 1999.

41 Selon le ministère de l'intérieur, le coût de la réforme des SDIS a augmenté de 11 % entre 1998 et 1999. Le coût global se situe désormais entre 13 et 15 milliards de francs.

42 En 2000, la compensation de la taxe professionnelle sera indexée sur l'indice de la DGF défini à l'article L.1613-1 du code général des collectivités territoriales, soit 2,05 % en 2000, tandis que la compensation de la baisse des droits de mutation sera indexée sur l'évolution de la DGF après recalage de la base de DGF de 1999 et régularisation négative du montant de la DGF 2000 au titre du " trop perçu " en 1998, soit 0,821 %.

43 Voir chapitre III : La France, mauvais élève de l'Union européenne.

44 Dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 1999, votre rapporteur général s'était déjà intéressé aux travaux de M. Zalm, qui était " l'inventeur " de la norme éponyme, méthode efficace de réduction du déficit budgétaire.

45 On rappelle que le Royaume-Uni a fait passer son taux de 33 à 31 % (21 % pour les PME), puis 30 % et 20 % en 1999/2000, avec un taux de 10 % pour les plus petites entreprises en 2000. L'Allemagne vise à l'horizon 2002 un taux de 35 % voire 28 %.

46 On objectera toutefois avec raison que la comparaison des taux de l'impôt sur les sociétés est peu significative compte tenu des très grandes différences d'assiette de cet impôt d'un pays à l'autre.

47 Cet indicateur s'interprète comme le taux de rendement avant impôt nécessaire pour qu'un investissement réalisé à la marge rapporte, après impôt sur les sociétés, un taux de rendement réel fixé à 5 %. Autrement dit, plus la charge fiscale pesant sur les entreprises est forte, plus le taux de rendement avant impôt de cet investissement doit être élevé pour assurer un taux de rendement après impôt de 5 % à l'investisseur.

48 Ainsi, la progression en 1998 de l'indice CAC 40 s'élevait à 31,5 %.

49 Jean-Pierre Brard : la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale : " retrouver l'égalité devant l'impôt ", (n° 1802, XI° législature).

50 Comme le soulignait M. de La Martinière, en 1996, " les contribuables à revenu élevé sont surtout sensibles à leur taux marginal d'imposition. L'important, pour un cadre supérieur, c'est le revenu supplémentaire qu'il peut tirer de ses efforts. S'il juge que la pression fiscale est confiscatoire, il est tenté de réduire son offre de travail ou bien, ce qui est de plus en plus le cas, de se délocaliser à l'étranger " .

51 Rapport annuel 1998, avril 1999.

52 L'expression  " fiscalité directe locale " désigne les " quatre vieilles ", c'est-à-dire la taxe professionnelle, la taxe d'habitation, la taxe foncière sur les propriétés bâties et la taxe foncière sur les propriétés non bâties.

53 A ce sujet, l'exemple de l'abattement de 16 % sur les bases de la taxe professionnelle est particulièrement significatif. La compensation de cet abattement a été intégrée à la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) en 1987. Initialement indexée sur l'évolution des recettes fiscales de l'Etat, cette dotation a ensuite été indexée sur le taux d'évolution des prix à la consommation, avant de devenir, en 1996, la variable d'ajustement de l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités locales. En dépit de l'augmentation continue des bases de la taxe professionnelle, la compensation versée aux collectivités locales en contrepartie de l'abattement de 16 % sur les bases a diminué de 25 % depuis 1995.

54 Lorsqu'un allégement prend la forme d'un dégrèvement, les ressources des collectivités locales ne sont pas affectées puisque le dégrèvement n'a pour effet que de transférer la charge de l'impôt du contribuable théorique vers le budget de l'Etat.

55 Suppression de la part " salaires ", réduction pour embauches et investissement, exonérations dans les zonages d'aménagement du territoire.

56 La DSR sera également revalorisée, de 150 millions de francs, mais ces crédits sont prélevés sur ceux du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP).

57 A cet égard, il convient de remarquer que l'application des dispositions des articles L. 1613-1 et L.1613-2 du code général des collectivités territoriales relatives au recalage de la base de la DGF et à la régularisation de son montant conduisent à minorer de 1,485 milliard de francs le montant de la DGF à répartir en 2000. Les problèmes posés à la DGF par la prise en compte des résultats du recensement de 1999 auraient été pratiquement évités si ces dispositions n'avaient pas été appliquées.

58 Ces différents éléments sont développés dans le commentaire de l'article 14
ter du présent projet de loi de finances.

59 Rapport général, tome II, n° 66 (1998-99), p. 335.

60 Ce mécanisme sera explicité par notre collègue Michel Mercier dans son rapport sur le projet de loi relatif à la prise en compte des résultats du recensement général de 1999 dans la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales, qui devrait être examiné par notre Assemblée le 10 décembre 1999.

61 Lors de l'examen en première lecture de ce projet de loi, les députés ont décidé que la compensation de la réforme de la taxe professionnelle serait prise en compte dans le calcul du potentiel fiscal de l'ensemble des collectivités locales. Cette disposition a pour effet de dénaturer l'utilité du potentiel fiscal en tant qu'instrument de mesure de la richesse fiscale des communes, puisque le potentiel fiscal ne sera plus représentatif des bases imposables dans les communes.



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