B. LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA RÉFORME DES ZONAGES

1. La révision de la carte de la PAT

La France est contrainte par l'évolution de la réglementation européenne à modifier la carte des zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire (PAT). Le taux de population éligible doit passer de 40 %, soit 23,5 millions d'habitants, à 34 %, soit 20,4 millions d'habitants.

L'élaboration de la nouvelle carte, actuellement soumise à la commission européenne en vue d'une entrée en vigueur au 1 er janvier 2000, a été réalisée à partir de critères déterminés au cours d'une concertation interministérielle et après information du conseil national d'aménagement du territoire (CNADT).

Les élus n'ont pas été consulté à ce sujet. Les élus locaux membres du CNADT n'ont d'ailleurs pas été autorisés à conserver les documents de travail à l'issue de la réunion du conseil consacrée à la réforme de la carte de la PAT.

Les nouvelles zones éligibles sont les suivantes :

- parmi les zones dont le revenu net imposable moyen par foyer fiscal est inférieur à la moyenne nationale, ont été retenues : (1) les zones dont le taux de chômage au 31 décembre 1998 était supérieur à la moyenne nationale et (2) les zones dont le déclin démographique entre 1990 et 1995 est supérieur à 1,2 %. Ces deux critères permettent de " couvrir " 15,2 millions d'habitants ;

- parmi les zones présentant un risque industriel (importance d'emplois industriels sensibles, nombre d'emplois ayant fait l'objet d'une décision ou d'une annonce de restructuration depuis 1996), ont été retenues celles dont le taux de chômage est supérieur à 10 %. Ce critère permet de " couvrir " 3,9 millions d'habitants ;

- les zones perdant l'éligibilité à l'ancien objectif 1 des fonds structurels européens ;

- les franges de certaines grandes agglomérations confrontées à un taux de chômage supérieur à 13,9 % (Marseille, Montpellier, Bordeaux, Rouen, Amiens).

Votre rapporteur déplore que ces critères aient été élaborés à partir de données issues du recensement de 1990, sans tenir compte des résultats du recensement général de 1999.

La nouvelle carte, qui aboutit à exclure de l'éligibilité à la PAT les parties les plus rurales de notre territoire, devra être revue en 2003 pour tenir compte de l'évolution de la situation économique des territoires couverts. Cette révision pourra être l'occasion de revenir sur une autre incohérence, l'éviction de l'éligibilité à la prime des poches de résistance démographique dans certains territoires en déclin.

Par ailleurs, le comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT) du 15 décembre 1998 a décidé la principe d'une PAT " non zonée ", destinée à soutenir la création d'emplois tertiaires, et notamment les services aux entreprises.

2. Le nouvel objectif 2 des fonds structurels européens

La commission européenne a contraint le France à réduire de 24,3 % la part de sa population résidant dans une zone éligible à l'objectif 2 des fonds structurels. Cette population s'élève à 18,7 millions d'habitants.

En outre, le règlement du conseil des ministres de l'Union européenne du 21 juin 1999 a considéré que, " en vue d'assurer le caractère communautaire de l'action des Fonds, il convient que, dans la mesure du possible, les zones en mutation socio-économique dans le secteur de l'industrie et les zones rurales en déclin soient déterminées sur la base d'indicateurs objectifs appliqués au niveau communautaire qu'il y a lieu, en outre, que la population couverte par cet objectif prioritaire représente, globalement, au niveau communautaire et à titre indicatif, environ 10 % de la population communautaire en ce qui concerne les zones industrielles, 5 % en ce qui concerne les zones rurales, 2 % en ce qui concerne les zones urbaines et 1 % en ce qui concerne les zones de pêche que, afin de garantir que chaque État membre contribue de façon équitable à l'effort global de concentration ".

Lors de son audition par votre commission des finances le 27 octobre 1999, la ministre de l'aménagement du territoire a indiqué qu'elle entendait respecter scrupuleusement les proportions fixées par le Conseil européen.

La carte du nouveau zonage de l'objectif 2 a été élaborée à partir des propositions formulées par les préfets, auxquels il avait été demandé de consulter " l'ensemble des élus et responsables locaux, particulièrement au sein des conférences régionales d'aménagement du territoire ". Votre rapporteur spécial constate que, dans de nombreuses régions, les élus locaux ont plus été informés que consultés, la marge de négociation étant quasiment nulle.

3. Le projet de loi de finances pour 2000 met en évidence les contradictions du gouvernement

Diverses dispositions du projet de loi de finances pour 2000 mettent en évidence les difficultés qu'éprouvent le gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale à déterminer une doctrine claire sur le zonage :

L'article 58 du projet de loi de finances pour 2000 permet de mettre en évidence le double langage du gouvernement au sujet des zonages issus de la LOADT du 4 février 1995 et du pacte de relance pour la ville de 1996.

Lors de l'examen par le Sénat du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, la ministre de l'aménagement du territoire avait rejeté un amendement de la commission spéciale sénatoriale 5( * ) tendant à proroger l'exonération d'impôt sur les sociétés dans les ZAT, les TRDP et les ZUS, prévue à l'article 44 sexies du code général des impôts (CGI) au motif qu'il convenait d'abord de procéder à un " bilan de l'application du dispositif dans chaque type de zone, pour réfléchir aux aménagements nécessaires, plutôt que de proroger dans la précipitation un dispositif qui doit être repensé dans sa globalité ".

Conformément aux voeux de la ministre, l'amendement adopté par le Sénat n'avait pas été retenu par l'Assemblée nationale.

Toutefois, alors que le bilan demandé par la ministre lors des débats au Sénat n'a pas été réalisé, l'article 58 du projet de loi de finances pour 2000 a précisément le même objet que l'amendement sénatorial et propose de proroger jusqu'en 2004 l'exonération d'impôt sur les sociétés dans les territoires " zonés " 6( * ) .

En prorogeant cette exonération, le gouvernement reconnaît implicitement l'efficacité de la mesure et fait preuve d'un pragmatisme qui tranche avec le caractère idéologique du discours de certains ministres sur le zonage. Interrogée sur ce point lors de son audition par votre commission des finances, le 27 octobre 1999, la ministre a justifié son avis défavorable à l'amendement sénatorial par la décision du gouvernement de ne pas faire figurer de disposition à caractère fiscal dans le texte alors en discussion. Elle a également déclaré approuver les dispositions de l'article 58 du projet de loi de finances pour 2000.

Votre rapporteur spécial se félicite du ralliement du gouvernement à la philosophie de la loi du 4 février 1995. Il constate cependant que le dispositif proposé par l'article 58 du projet de loi de finances pour 2000 présente une faiblesse par rapport à la proposition de la commission spéciale du Sénat. En effet, alors que le Sénat prorogeait l'exonération jusqu'en 2006, de manière à harmoniser les délais des différents dispositif d'aménagement du territoire (fonds structurels, contrats de plan Etat-régions), le gouvernement a retenu la date de 2004, nuisant ainsi à la cohérence la politique d'aménagement du territoire.

Le gouvernement n'a pas de vision d'ensemble des zonages, et des conséquences des évolutions législatives sur les dispositifs existants .

Ainsi :

- si la prorogation des exonérations prévues à l'article 44 sexies du CGI a pour effet de proroger également les exonérations de taxe foncière consenties aux mêmes entreprises par l'article 1383 A du CGI, le gouvernement n'avait prévu aucune disposition s'agissant de la faculté de pratiquer un amortissement exceptionnel accordée par l'article 39 quinquies D aux entreprises implantées dans les ZRR dont l'échéance est également fixée au 31 décembre 1999. Heureusement, la vigilance de la commission des finances de l'Assemblée nationale a permis de réparer cet oubli et a prorogé cette exonération jusqu'en 2004.

- la baisse des droits de mutation prévue à l'article 5 du projet de loi de finances pour 2000 a pour effet de supprimer la portée des dispositions de l'article 1594 F quater du code général des impôts qui permettait aux département de baisser à 3,6 % le taux des droits de mutation sur les acquisitions de biens réalisées dans les zones d'aménagement du territoire (ZAT), les territoires ruraux de développement prioritaire (TRDT) et les zones urbaines sensibles (ZUS). Dix-sept départements appliquaient ce taux réduit au 1 er juin 1999. Avec la baisse des droits de mutation, cet avantage comparatif accordé aux zonages d'aménagement du territoire disparaît, puisque le taux appliqué par les départements sera maintenant, uniformément, de 3,6 %. Cette conséquence de l'article 5 n'a fait, à la connaissance de votre rapporteur, l'objet d'aucune étude d'impact de la part de la DATAR.

Votre rapporteur spécial observe également que la commission des finances de l'Assemblée nationale a montré son attachement aux zonages issus de la loi du 4 février 1995 en adoptant un article additionnel au présent projet de loi de finances, tendant à créer une nouvelle exonération en faveur des entreprises implantées dans les zones de revitalisation rurale, qui seraient exemptées du paiement de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Cet article additionnel n'a pas été débattu en séance publique.

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