4. Le financement des investissements de France télévision dans le numérique terrestre

La France s'apprête à emboîter le pas à la Grande-Bretagne et à la Suède et à la Norvège et à se lancer dans le numérique terrestre, tandis que l'Allemagne et l'Espagne amorcent également leur migration vers le " tout numérique ".

Initialement circonspect compte tenu de la place du satellite et des perspectives du câble par suite de ses capacités en termes d'interactivité, votre rapporteur spécial estime, à la réflexion, que le numérique terrestre constitue effectivement le vecteur d'une offre numérique, sans doute moins diversifiée que celle du satellite ou du câble, mais suffisante pour offrir une sorte de service de télévision numérique universel.

Dans cette perspective, il reste que la présence sur le numérique terrestre suppose une multiplication de l'offre de programmes et une offre complémentaire de services.

On peut penser que cette présence est moins coûteuse - au moins directement, car il faut prendre en compte l'effet de concurrence entre le numérique terrestre et les autres modes de diffusion numérique - pour les opérateurs déjà bien implantés en numérique sur le câble ou le satellite.

En revanche, pour le secteur public , pour lequel le numérique terrestre constitue sans doute la dernière chance de ne pas être progressivement marginalisé, l'atout qu'il constitue, suppose des investissements importants .

Au moment où le vaisseau amiral du secteur public va devoir, service public oblige, renoncer à l'exclusivité qui le liait à TPS, le nouveau président de France Télévision joue la carte du numérique terrestre pour relancer la télévision publique. Dans le cadre du Marché international des programmes de télévision (Mipcom), il a présenté, début octobre à Cannes, les grandes lignes de l'offre de programmes numériques hertziens qui aura pour mission "de mieux accomplir et développer les missions de service public de France Télévision ".

Prenant acte de ce que, faute de moyens, la télévision publique française a, pour ainsi dire, raté le premier train du numérique, laissant au secteur privé un rôle de locomotive en la matière, M. Marc Tessier ne veut pas manquer ce qu'il considère manifestement comme la seconde et dernière chance de France télévision.

Pour concrétiser ses ambitions, il a annoncé la création par France 2 et France 3 d'une structure commune baptisée France Télévision Interactive , qui aura pour objet de développer tous les programmes interactifs du groupe ayant pour vocation d'être diffusés par tous les opérateurs.

Les services et les programmes interactifs de France Télévision. qui devraient être développés conjointement par France 2, France 3 et la Cinquième-Arte, devraient s'articuler autour de deux axes : le développement des sites Internet sous la marque FranceTV.fr , et la télévision interactive sur les réseaux Internet à haut débit (ADSL).

France Télévision Interactive disposerait d'une capacité d'investissement de " plus de 200 millions de francs sur trois ans". Elle devrait être dotée d'un apport en capital qualifié " d'à la hauteur du projet ".

L'enveloppe des investissements et des coûts de fonctionnement sera fonction de la capacité finalement allouée à France Télévision lors de la répartition de la capacité totale de diffusion en numérique hertzien entre les différents opérateurs. En l'occurrence, France Télévision revendique l'attribution de deux multiplexes pour le secteur public .

Ces investissements devraient être autofinancés par France télévision au moyen de la redevance, la publicité, le produit des applications de la télévision numérique, ainsi que des recettes de partenariat avec les collectivités publiques, sans oublier le produit des abonnements aux chaînes thématiques.

Le projet de développement de France télévision sur le numérique hertzien majoritairement gratuit comportera également une offre payante . Le nouveau président de France Télévision a indiqué à ce sujet que, si l'information " restera dans la partie gratuite, il y a dans le partage entre l'offre en clair et l'offre payante " une zone frontière qui reste à définir ".

Compte tenu de calendrier prévu pour la mise en route de ce projet - étude et préfiguration en l'an 2000, ce qui " est compatible avec le budget 2000 ", première dotation en capital en 2001, puis montée en puissance de la fin 2001 à 2003 -, M. Marc Tessier a indiqué que le projet du numérique hertzien doit être conçu pour pouvoir être initialisé sur les autres services ". Il a, à cet égard, démenti les rumeurs d'un départ imminent du capital de TPS, affirmant qu'il " n'avait pas de projet de vente des actions de TPS "

Enfin , pour donner un contenu à son offre numérique, il a confié à M. Jean-Pierre Cottet , ancien directeur général chargé de l'antenne de France 2, coauteur avec Gérad Emery, d'un rapport sur le numérique hertzien d'une " mission de conseil sur le contenu éditorial des programmes et des services de l'offre numérique du groupe ".

Votre rapporteur spécial, qui estime qu'il s'agit, a priori, d'un projet cohérent, considère néanmoins que ce pari nécessaire sur le numérique n'a pas, pour l'instant, de financement
. Cette remarque lui paraît d'autant plus évidente qu'en Grande-Bretagne - où il s'est rendu pour y observer la mise en place du numérique terrestre - la question est clairement posée et fait l'objet d'un vaste débat technique et politique, axé autour la création d'un éventuel supplément de redevance numérique, alors que la redevance est déjà, dans ce pays, supérieure à 100 livres, soit mille francs.

Quelle que soit la solution qu'on y apporte, la question du financement doit être posée.

*

* *

A l'issue de cet examen des crédits, votre rapporteur spécial souhaite avancer quelques réflexions sur les problèmes du secteur public dans la perspective du débat législatif à venir.

A l'heure du numérique, au moment où le câble revitalisé par les perspectives de la convergence et le satellite dopé par la concurrence des bouquets, offrent désormais des dizaines de chaînes à un nombre toujours plus important de Français, le téléspectateur n'est plus un consommateur passif et captif. Il choisit le programme qui l'intéresse, sans d'ailleurs se demander s'il regarde une chaîne publique ou privée.

C'est dans ce contexte que votre rapporteur spécial exposera de façon lus argumentée dans le rapport écrit - qui fera également le point de la situation des différents organismes du secteur audiovisuel public -ce qu'il considère comme constituant les conditions du maintien d'un secteur public fort :

1. Assurer l'autonomie de gestion et la responsabilité des gestionnaires,



2. Garantir des ressources stables,



3. Accéder à une taille critique dans un marché qui se mondialise



4. Adapter l'organisation du travail et notamment la Convention collective de la communication et de la production audiovisuelles.

Mais, une politique de la communication audiovisuelle ne doit pas se réduire au seul secteur public. Il est de l'intérêt du pays de mettre en place un secteur audiovisuel fort quel que soit le statut public ou privé des acteurs. Une bonne partie des interventions publiques doit donc favoriser non le seul secteur public mais tous les opérateurs nationaux qui sont tous en concurrence sur le marché mondial.

A cet égard, le rapport écrit exposera de façon plus détaillée certaines évolutions qui caractérisent la nouvelle donne audiovisuelle résultant de la généralisation des technologies numériques :

1. Le décollage du satellite et la nouvelle actualité du câble,



2. La nécessité d'encourager toutes les formes de télévision de proximité,



3. La priorité à donner à la création et à l'innovation pour faire face aux besoins issus du numérique.

L'ambition de votre rapporteur spécial est d'essayer d'analyser ces évolutions pour contribuer à l'élaboration d'une politique audiovisuelle de nature à permettre à tous les acteurs de l'audiovisuel , qu'ils soient publics ou privés, d'être le mieux placés dans une compétition désormais mondiale . Et, de ce point de vue, le premier devoir des pouvoirs publics et des instances de régulation mises en place par le législateur, est d'assurer une certaine stabilité des règles du jeu.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page