N° 119

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 8 décembre 1999

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire , policière et douanière (ensemble une déclaration),

Par M. Paul MASSON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.

Voir le numéro :

Sénat : 490 (1998-1999).

Traités et conventions .

introduction

Mesdames, Messieurs,

Le présent accord, signé à Berne le 11 mai 1998, a pour objet le renforcement de la coopération policière aux frontières entre la France et la Suisse. Les autorités des deux pays traitent pour la première fois de cette matière dans leurs relations conventionnelles. Elles tirent en effet les conséquences de la donne radicalement nouvelle introduite par l'entrée en vigueur des accords de Schengen 1 ( * ) dans les conditions de circulation des personnes d'un pays à l'autre.

Les accords de Schengen, rappelons-le, reposent sur un double principe :

- la suppression des contrôles fixes aux frontières intérieures communes des Etats signataires des accords de Schengen ;

- le report des contrôles aux frontières extérieures entre les Etats membres des accords de Schengen et les Etats tiers.

Les profondes transformations apportées dans le cadre de ces accords à caractère multilatéral ont suscité une nouvelle génération d'accords bilatéraux parmi lesquels il convient de distinguer ceux conclus entre les Etats signataires des accords de Schengen et ceux signés entre Etat partie aux accords de Schengen, d'une part, et Etat tiers, d'autre part.

Les accords bilatéraux conclus entre Etats signataires des accords de Schengen visent notamment à mettre en place des mécanismes de coopération destinés à compenser la disparition des contrôles fixes aux frontières intérieures.

A ce titre, la France a signé avec l'Italie et l'Allemagne des accords de coopération transfrontalière que la Haute assemblée a déjà eu l'occasion d'examiner.

Avec les Etats tiers, les accords bilatéraux visent à renforcer la sécurité de l'Espace Schengen. En effet, la surveillance aux frontières extérieures ne met pas seulement en jeu la sécurité des seuls pays membres de l'Espace Schengen dont une partie du territoire touche à des Etats tiers, mais aussi la sécurité et les intérêts de l'ensemble de cet espace.

La France est ainsi comptable vis-à-vis de ses partenaires Schengen de l'efficacité du dispositif de contrôle mis en place à ses frontières extérieures.

Le renforcement de la coopération policière avec les Etats tiers, sous forme d'accords bilatéraux, constitue, de ce point de vue, un gage d'efficacité.

L'accord de coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière conclu entre la France et la Suisse s'inscrit dans ce cadre. En effet, dans la mesure où la Suisse n'a pas signé les accords de Schengen, la frontière de la France avec la Suisse constitue une frontière extérieure de l'Union européenne.

Même s'il présente certaines particularités liées à la non appartenance de la Suisse à l'Espace Schengen, le présent accord apparaît très proche des accords de coopération policière déjà conclus par la France avec ses voisins. Il en retient du reste la principale innovation -la création de centres de coopération policière et douanière.

I. LA SUISSE, FRONTIÈRE EXTÉRIEURE DE L'ESPACE SCHENGEN

Depuis la mise en oeuvre de la convention d'application de Schengen par l'Autriche en décembre 1997, la Suisse est totalement enclavée au sein de l'Espace Schengen.

A. LES RAISONS DE L'ABSENCE DE LA SUISSE DES INSTANCES DE COOPÉRATION SCHENGEN

Soucieuse de ne pas devenir un " îlot d'insécurité " au coeur de l'Europe, la Suisse a souhaité participer aux coopérations mises en place dans le cadre des accords de Schengen.

Elle ne pouvait toutefois pas adhérer à la convention. En effet, seuls les Etats membres de l'Union européenne peuvent être partie aux accords de Schengen. Ce principe s'est trouvé affirmé avec encore plus de force avec l'intégration -décidée par le traité d'Amsterdam- de l'  " acquis de Schengen " dans le cadre de l'Union européenne.

Une autre voie restait possible : une participation, sans adhésion, au dispositif de coopération. Ainsi la Norvège et l'Islande ont été associées à la coopération nouée dans le cadre des accords de Schengen alors même que ces pays ne sont pas membres de l'Union européenne. Cette possibilité a toutefois été refusée à la Suisse à la suite de l'opposition manifestée par plusieurs Etats Schengen au comité exécutif du 16 septembre 1998.

L'Espagne, la Grèce, le Luxembourg, les Pays-Bas ont ainsi refusé toute forme de coopération avec la Suisse en avançant les arguments suivants :

- tout avantage donné à la Suisse en dehors d'une adhésion à l'Union européenne prive celle-ci des raisons d'adhérer,

- la possibilité donnée à la Suisse de participer à Schengen paraîtrait ouvrir la possibilité d'une adhésion " à la carte " aux dispositifs de coopération prévus par l'Union européenne et créerait ainsi un précédent dont les pays d'Europe centrale et orientale pourraient s'inspirer.

Ces objections ne paraissent guère fondées au regard de l'intérêt présenté par un renforcement de la coopération policière avec la Suisse pour la sécurité de l'Espace Schengen. La France, pour sa part, reste comptable de la sécurité de l'Espace Schengen sur ses frontières communes avec la Suisse. C'est pourquoi elle préconise un développement graduel de la coopération avec la Suisse dans les domaines couverts par la convention de Schengen.

B. LE MAINTIEN DE CONTRÔLES FIXES À LA FRONTIÈRE ENTRE LA FRANCE ET LA SUISSE

Pour l'heure, la coopération franco-suisse en matière policière s'inscrit dans le cadre qui prévalait sur toute la longueur de nos frontières terrestres avant l'entrée en vigueur de la convention d'application de l'accord de Schengen. La frontière avec la Suisse demeure une frontière extérieure qui ne peut être franchie que par les points de passage autorisés (PPA) énumérés dans l'annexe 1 du manuel commun du contrôle aux frontières extérieures de l'Espace Schengen. Ceux-ci sont au nombre de 44.

A la frontière terrestre franco-suisse, la police aux frontières assure le contrôle transfrontalier des personnes sur quinze PPA et la douane sur les vingt-neuf autres. Là où elle assure la responsabilité du contrôle, la douane peut prendre des décisions de refus d'entrée, délivrer les visas de régularisation, des sauf-conduits et des laissez-passer, après avis de la police aux frontières, et s'opposer à la sortie des mineurs dépourvus des documents exigibles.

Sur plusieurs points de passage autorisés, les contrôles transfrontaliers français et suisses sont mis en oeuvre dans le cadre de bureaux à contrôle nationaux juxtaposés (BCNJ), institués par des arrangements pris sur la base d'une convention du 28 septembre 1960. Dans le domaine aéroportuaire, les arrangements des 26 janvier et 19 octobre 1993 créent respectivement les BCNJ de Bâle-Mulhouse, situé en territoire français, et de Genève-Cointrin situé en Suisse, qui permettent la réalisation de contrôles transfrontaliers par les agents des deux Etats.

Ce dispositif de contrôle donnait-il aux autorités des deux pays le sentiment qu'elles pouvaient se dispenser de renforcer leur coopération policière ? Celle-ci, jusqu'à une période récente, est en tout cas demeurée modeste.

En matière de police judiciaire, les relations franco-suisses s'effectuent principalement par le canal d'Interpol. Les relations entre les deux bureaux d'Interpol (constitués au sein de la direction centrale de la police judiciaire pour la France et au sein de l'Office fédéral de police et de justice de Berne pour la Suisse) se sont révélées efficaces dans l'ensemble même si elles se heurtent aux difficultés liées au secret bancaire .

C. UNE VOLONTÉ CONJOINTE DE COOPÉRER

Depuis 1996 et la mise en oeuvre des accords de Schengen, la coopération entre les forces de police des deux pays a cependant connu un nouvel élan. Elle a d'abord pris la forme de réunions informelles, auxquelles participaient des fonctionnaires de la police aux frontières des départements frontaliers.

Ainsi, en 1995, le directeur départemental de la police aux frontières de Haute-Savoie a participé à la première réunion sur la coopération transfrontalière en matière de lutte contre la délinquance avec des représentants de la police genevoise.

Dans un cadre plus élargi, des réunions franco-suisses entre les autorités concernées des deux pays (direction centrale de la police aux frontières, gendarmerie, douanes pour la France, police, gardes-frontières, douanes pour la Suisse) ont eu lieu le 13 décembre 1996 à Genève, le 17 avril 1998 à l'Ecole nationale supérieure de police de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or et le 16 avril 1999 à Bâle, sur la coopération transfrontalière en matière judiciaire et douanière.

Ces rencontres ont permis de recenser les problèmes qui se posent à la frontière entre les deux pays, et de proposer des solutions adaptées au contrôle des flux migratoires et des filières d'immigration clandestine.

La coopération policière technique demeure, pour le reste, modeste. Plusieurs policiers suisses ont participé aux stages spécialisés en matière de police technique et scientifique et aux stages de langue de l'Institut national de formation de Clermont-Ferrand. En revanche, la police nationale ne paraît pas encore avoir montré d'intérêt pour les formations proposées par l'Institut suisse de police de Neuchâtel.

Il faut donc espérer que les dispositions prévues par le présent accord, dans le prolongement du nouvel accord de réadmission déjà examiné par le Sénat, intensifieront réellement à la coopération franco-suisse en matière policière.

* 1 La formule désigne l'accord de Schengen signé le 14 juin 1985 et la convention d'application signée le 19 juin 1990 destinée à fixer les conditions d'application de cet accord.

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