B. DES RÉVISIONS CONTESTÉES PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre
commission des finances a, la première, contesté sur le fond et
la méthode les modalités selon lesquelles ont été
révisées les recettes pour 1999.
Le projet de loi de finances rectificative présenté par le
gouvernement en reste à une plus-value de recettes fiscales de 11,2
milliards de francs, dont 5,2 milliards de francs auraient déjà
été distribués sous la forme d'une baisse de la TVA sur
les travaux de rénovation et d'entretien des logements et d'une baisse
des droits de mutation sur les immeubles et fonds de commerce.
Or les estimations faites par le Sénat se fondent sur l'examen des
quatre derniers exercices d'exécution budgétaire (1995 à
1998) et concluent à une plus-value de 30 à 40 milliards de
francs par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale.
Les évaluations du Sénat ont été faites sur les
chiffres à fin juillet, soit en milieu d'année.
En outre
depuis juillet dernier, toutes les situations budgétaires mensuelles
publiées par le gouvernement confirment le très fort dynamisme
des recettes fiscales et confortent ainsi l'analyse faite
. La
dernière situation en date, à savoir le mois d'octobre, le
confirme encore, avec une progression des recettes fiscales nettes de 8,7 %.
Recettes (nettes des remboursements et dégrèvements)
Niveau à la fin octobre |
Variation |
|||||
en milliards de francs |
1998 |
PLFR 1999 |
1998 |
1999 |
PLFR 99/ 1998 |
oct. 99/ oct. 98 |
Recettes fiscales nettes |
1452,3 |
1540,8 |
1201,9 |
1305,9 |
6,1% |
8,7% |
Impôt sur le revenu |
304,0 |
326,0 |
275,2 |
303,0 |
7,2% |
10,1% |
Impôt sur les sociétés - net |
184,7 |
218,9 |
126,7 |
162,3 |
18,5% |
28,1% |
Taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) |
153,9 |
162,0 |
127,4 |
135,0 |
5,3% |
6,0% |
Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) - nette |
641,9 |
666,0 |
542,8 |
567,4 |
3,8% |
4,5% |
Autres recettes fiscales - nettes |
167,8 |
167,9 |
129,8 |
138,2 |
0,1% |
6,5% |
Recettes non fiscales (hors FSC) |
157,7 |
181,7 |
126,5 |
138,7 |
15,2% |
9,6% |
Prélèvements sur recettes * |
-254,4 |
-269,4 |
-212,7 |
-220,8 |
5,9% |
3,8% |
Recettes du budget général (hors fonds de concours) |
1355,6 |
1453,1 |
1115,7 |
1223,8 |
7,2% |
9,7% |
Fonds de concours |
65,0 |
-- |
53,2 |
36,5 |
-- |
-31,4% |
Recettes du budget général (y compris fonds de concours) |
1420,6 |
-- |
1168,9 |
1260,3 |
-- |
7,8% |
valeur en euros (milliards) |
216,6 |
-- |
178,2 |
192,1 |
-- |
7,8% |
(*) prélèvements au profit des collectivités territoriales et des communautés européennes.
A cet
égard, la situation à fin octobre est riche d'enseignements
.
En effet, elle montre que le
produit de
l'impôt sur le
revenu
s'élève déjà à 303 milliards de
francs, alors que le produit estimé en fin d'année par le
gouvernement est de 326 milliards de francs.
Pour que les chiffres du projet de loi de finances rectificative se
réalisent, il faudrait donc que les rentrées d'impôt sur le
revenu en novembre et décembre 1999 soient inférieures de
plusieurs milliards de francs à celles de l'an dernier... (29 milliards
de francs avaient été perçus en novembre et
décembre 1998). Les explications du gouvernement selon lesquelles les
émissions de rôles auraient été
accélérées ne sont pas recevables.
Concernant
l'impôt sur les sociétés
, 60,5 milliards
de francs avaient été perçus en décembre 1997 et
60,7 milliards de francs en 1998. Si un chiffre de l'ordre de 60 milliards de
francs était confirmé en décembre 1999, la
prévision d'impôt sur les sociétés serait
également sous-évaluée de plusieurs milliards de francs.
L'incertitude relative aux conséquences de la fin de la surtaxe
d'impôt sur les sociétés ne permet toutefois pas de donner
de chiffres précis.
S'agissant de
la taxe sur la valeur ajoutée
, l'incertitude
réside évidemment dans le montant des remboursements en fin
d'année, remboursements sur lesquels le gouvernement peut jouer pour
minorer la croissance de la TVA brute et afficher une TVA nette plus faible que
prévue. Cette situation s'est produite à la fin de l'année
1998, comme l'avait regretté votre commission et l'a par ailleurs
souligné le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution des
lois de finances pour 1998.
Pour 1999, le gouvernement anticipe un montant de TVA nette de l'ordre de 100
milliards de francs sur les mois de novembre et décembre 1999, soit un
montant exactement identique à celui de fin 1998.
Or, tous les indicateurs de conjoncture font état d'une
accélération de la croissance et de la consommation au dernier
trimestre de l'année 1999
, ce qui permettrait plutôt
d'anticiper un sursaut de TVA en fin d'année. En tout état de
cause, la mesure relative à la TVA sur les logements devrait avoir un
impact très limité en fin d'année : rappelons qu'elle
est appliquée depuis le 15 septembre, et que ses effets, estimés
à 5 milliards de francs environ, devraient donc être
lissés.
En conclusion, il apparaît que le surcroît de recettes fiscales
en fin d'année 1999 devrait toucher tous les impôts
, sauf
à ce que le gonflement volontaire des remboursements de TVA ou des
dégrèvements d'impôt sur les sociétés ne
freine encore une fois le montant des encaissements des recettes nettes pour
ces deux impôts.
Mais l'écart proportionnellement le plus important par rapport aux
rectifications du gouvernement inscrites dans le collectif pourrait porter sur
l'impôt sur le revenu
, pour lequel on a relevé que les
estimations du gouvernement étaient irréalistes.
Le taux de prélèvements obligatoires, qui comprend les
prélèvements fiscaux et sociaux, devrait donc croître
au-delà du taux de 45,3% affiché par le gouvernement. Selon les
estimations de votre commission, le taux de prélèvement devrait
être réévalué de l'ordre de 0,2 à 0,3 point
de PIB. Il se situerait alors au niveau historiquement élevé de
45,5 à 45,6 points de PIB, et pèserait encore davantage sur les
ménages et les entreprises.
En tout état de cause, le taux de 45,3 % de prélèvements
obligatoires affiché par le gouvernement devrait être
dépassé en fin d'année,
puisque comme le souligne le
rapport de l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances
rectificative pour 1999, en reprenant seulement les deux derniers mois
d'exécution des recettes fiscales de 1998, les prévisions du
gouvernement seront dépassées.
Les plus-values de recettes fiscales : l'analyse du Sénat validée par le rapport de l'Assemblée nationale sur le collectif budgétaire
Dans
l'introduction de son rapport sur le projet de loi de finances rectificative
pour 1999, M. Didier Migaud écrit : "
Comme à
l'accoutumée, la révision des évaluations de recettes
(...) porte sur de très faibles montants (...) Les plus-values de
recettes fiscales nettes seraient ainsi de 5,9 milliards de francs par rapport
à la loi de finances initiale.
Cette réévaluation
paraît prudente
. En effet, lorsqu'on la confronte aux
résultats constatés fin septembre 1999 et à ceux de
l'exercice 1998 à la même époque,
l'éventualité d'une plus-value plus forte à la fin de
l'année ne peut pas être totalement exclue
".
Il se livre, d'ailleurs, à un exercice d'évaluation des
plus-values fiscales nettes en fin d'année, comparable à celui
auquel avait procédé la commission des finances du Sénat
pour l'examen du projet de loi de finances pour 2000.
Il note ainsi : "
si on fait l'hypothèse, qu'au montant
cumulé des recettes fiscales à la fin du mois de septembre 1999
(1.193,5 milliards de francs) s'ajoutera, au minimum, l'équivalent des
recouvrements des trois derniers mois de l'année 1998 (359,8 milliards),
on obtient une prévision de recettes fiscales nettes de 1.553,1
milliards, soit une hausse de 0,8% (13,1 milliards de francs) par rapport
à l'évaluation associée au projet de loi de finances pour
2000.
"
M. Migaud chiffre donc " au minimum ", à 1.553,1 milliards
de francs les recettes fiscales en fin d'année, alors que le collectif
budgétaire présenté par le gouvernement ne retient que le
chiffre de 1.540,8 milliards de francs.
Il estime donc les plus-values, au minimum, à 20 milliards de francs, en
plus des mesures TVA et droits de mutation (6 milliards de francs), soit au
total 26 milliards de francs, contre un total de 12 milliards de francs retenu
par le gouvernement.
Tout en se situant en-dessous des chiffres retenus par le Sénat (un
total de 30 à 40 milliards de plus-values fiscales), le rapporteur
général de la commission des finances de l'Assemblée
nationale, en reprenant les méthodes du Sénat et en aboutissant
à des conclusions allant dans le même sens, à savoir la non
sincérité des révisions de recettes pour 1999, valide donc
les positions prises par votre commission.